Susanna Bracci, Gianna Giachi, Paolo Liverani, Pasquino Pallecchi, Fabrizio Paolucci éd., Polychromy in ancient sculpture and architecture, Actes de la 7e table ronde Polychromy in ancient sculpture and architecture, Florence, 4-6 nov. 2015
Susanna Bracci, Gianna Giachi, Paolo Liverani, Pasquino Pallecchi, Fabrizio Paolucci éd., Polychromy in ancient sculpture and architecture, Actes de la 7e table ronde Polychromy in ancient sculpture and architecture, Florence, 4-6 nov. 2015, Livourne, Sillabe, 2018, 208 p. ISBN : 978-88-8347-997-7. 34 €
Texte intégral
1Les travaux sur la polychromie de la sculpture gréco-romaine antique progressent à grands pas en raison de la multiplication des rendez-vous scientifiques sur cette thématique. Les tables rondes spécifiquement consacrées à ces recherches nous livrent régulièrement des publications particulièrement précieuses pour appréhender ces avancées. C’est le cas du présent ouvrage, regroupant les communications de la 7e table ronde du groupe de recherche international sur la polychromie, tenue à la Galerie des Offices de Florence du 4 au 6 novembre 2015, en coopération avec le Département SAGAS (Histoire, Archéologie, Géographie et Arts) de l’Université de Florence, l’Institut pour la Conservation et la Valorisation des Biens culturels, le Conseil national de la Recherche et la Surintendance de la Toscane.
- 1 Du 7 au 9 novembre 2022, un colloque international intitulé « Colour Schemes and Surface Finish of (...)
2Le titre Polychromy in Ancient Sculpture and Architecture est prometteur mais ne correspond pas vraiment au contenu proposé : force est de constater, en effet, que la quasi-totalité des articles ne traite que de la polychromie de la sculpture et non pas de l’architecture. Cette dichotomie entre le contenu et l’appellation de l’ouvrage pourrait être à déplorer, mais la qualité de l’ensemble la dépasse largement. Nous ne doutons pas d’ailleurs de la volonté originelle de mettre en valeur la polychromie de l’architecture au sein de ce colloque, car il s’agit d’une problématique qui est de plus en plus abordée grâce aux progrès réalisés par les études menées sur la sculpture1. Certaines approches tendent d’ailleurs à faire le lien entre les deux.
3Vingt articles, tous rédigés en anglais, ce qui offre une cohérence et une lisibilité internationale indéniables, composent l’ouvrage. Ils s’enchaînent les uns aux autres sans regroupements en sous-parties ; les premières contributions auraient pu laisser penser qu’un choix chronologique avait procédé à leur classement, en particulier parce qu’elles traitent de la question étrusque, mais plus loin dans l’ouvrage on trouve une communication sur les catacombes romaines placée avant celle sur le traitement des yeux des statues hellénistiques.
4La première contribution est atypique dans la construction du colloque et de l’ouvrage parce qu’il s’agit d’une présentation de Salvatore Settis faite en ouverture de la 6e table ronde sur la polychromie à Copenhague en 2014, mais qui n’avait encore jamais été publiée. Elle vient néanmoins ouvrir de façon magistrale la thématique en brossant un panorama de l’art classique depuis le xviiie s. et les théories ancrées de Winckelmann jusqu’au xxie s. et nos considérations actuelles (p. 15-25). La perception de la polychromie de l’art antique au cours du temps – l’auteur revient également sur la controverse antéwinckelmanienne (sic) du Paragone qui enflamma les débats intellectuels et artistiques de la Renaissance – est donc au cœur de la démonstration.
5La suite de l’ouvrage étant hétérogène en cas d’étude et thématiques abordées, nous ne nous lancerons pas ici dans un exercice fastidieux de compte-rendu systématique de l’ensemble des contributions ; l’absence de résumés en tête des articles devrait cependant nous y obliger. Nous préférons nous concentrer sur ce qui, à l’instar d’une déambulation dans un musée, a attiré notre regard et a piqué notre curiosité. Nous ne doutons pas qu’en raison de son intérêt, cet ouvrage bénéficiera de bien d’autres recensions réalisées par d’éminents spécialistes de la polychromie qui auront analysé l’ensemble du spectre proposé.
6Une fois n’est pas coutume, c’est une étude réalisée par un membre de la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, institution toujours à la pointe des études sur la polychromie, qui attire les premiers regards. Dans le cadre d’un projet de recherche, Transmission and Transformation : Ancient Polychromy in an Architectural Context, particulièrement consacré aux terres cuites architecturales d’Étrurie, six antéfixes conservées dans les collections du musée ont été analysées. Les vestiges peints encore présents ont bien sûr conditionné le choix de ces pièces et leur qualité a permis à l’auteur, Signe Buccarella Hedegaard (p. 36-42), de réfléchir clairement au sens de la restitution polychrome.
7La communication de Clarissa Blume-Jung sur les traces de réfections de couleurs et sous-couches encore visibles sur les draperies des sculptures hellénistiques, mais pas uniquement, apporte un regard novateur et nécessaire sur une partie de la vie de ces œuvres (p. 74-84). L’usure de la peinture, et même de la dorure, pour diverses raisons (mauvaise application d’origine, piètre qualité des matériaux, conditions climatiques, détériorations anthropiques, etc.), est perceptible dès lors qu’on s’applique à la déceler méthodiquement. L’auteure démontre que ces réfections, hormis sur les drapés, sont particulièrement visibles au niveau des yeux et de la chevelure et qu’il s’agit de sous-couches de chaux qui peuvent être teintées pour donner un aspect spécifique à l’épiderme de la statue, comme une simulation des variations de couleurs de la peau. Ces rénovations, réparations – oserons-nous le terme de rafistolages ? –, sont également présentes dans les sources écrites antiques. Le lien entre textes anciens et realia est donc ici parfaitement fait. On constate d’ailleurs que la dorure a parfois été remplacée par une couche d’enduit de chaux peint, ce qui implique, outre des considérations probablement budgétaires, des changements d’appréciations d’ordre esthétique selon les époques. C’est donc une somme d’informations primordiales qui est contenue dans cet article de dix pages, parfaitement illustrées.
8Les catacombes de Saint-Pamphile à Rome, en raison du fait qu’elles ont été parmi les dernières à avoir été explorées, n’ont pas encore été entièrement équipées d’un réseau électrique et ne sont donc pas ouvertes au flot de visiteurs que les autres catacombes de l’Urbs peuvent connaître. Les observations sur les rehauts polychromes y sont donc plus faciles, en particulier parce que certains détails sont très bien conservés. Cependant, les autres souterrains funéraires de la ville présentent d’autres exemples de couleurs préservées comme celles de la Via Anapo ou celles des saints Marc, Marcellin et Damase. L’intérêt de cette étude menée par Paolo Liverani, Susanna Bracci, Roberta Iannacone, Sara Lenzi, Donata Magrini et Barbara Mazzi (p. 110-121) est fondé sur plusieurs points, notamment le fait que les sarcophages retrouvés appartiennent à des productions homogènes réalisées en Italie et à Rome entre la seconde moitié du iie s. et le ive s. ap. J.-C. Les analyses multispectrales, non invasives, menées sur plusieurs de ces monuments funéraires ont livré de précieux enseignements, notamment que certains présentaient de la dorure, comme sur les vêtements de certains personnages et dans la chevelure de l’un des erotes du sarcophage des catacombes de la Via Anapo. On constate d’ailleurs que le peintre est venu compléter le détail des ailes de l’un des Amours, comme nous avons déjà pu aussi l’observer sur un bloc de Dijon. La peinture venant ici affiner le travail du sculpteur. Enfin, un élément particulièrement impressionnant nous a frappé, le contour de la silhouette des Amours a été appuyé avec du bleu égyptien (Liverani et alii, p. 119, fig. 10) ; pour l’instant et à notre connaissance, il s’agit d’un cas unique qui permet de réfléchir à l’importance générale que l’on donne à certaines couleurs et à certains pigments. Cet article est donc parfait à plusieurs titres pour alimenter la réflexion.
9Sur la question de la dorure, l’article précédent peut être complété par la contribution de Fabrizio Paolucci sur la collection des statues romaines en marbre de la Galerie des Offices à Florence (p. 138-148).
10Nous terminons notre panorama par quelques remarques sur l’étude pionnière italienne réalisée par Simona Panuzzi et Fabio Talarico (p. 183-191) sur la polychromie des sculptures en pierre et des stucs du Gandhara. Cet art hybride mêlant art bouddhique et hellénistique est particulièrement impressionnant et présentait lui aussi un apparat coloré indéniable. Les analyses scientifiques menées sur différentes collections dans le monde ont montré qu’on y retrouvait des éléments peints mais parfois aussi dorés à la feuille. La suite des recherches sur ces œuvres est particulièrement attendue.
11Ces quelques lignes ne révèlent qu’une infime partie des données contenues dans cet ouvrage mais permettent d’en brosser un panorama général qui, nous l’espérons, donnera au lecteur l’envie de le consulter intégralement.
Notes
1 Du 7 au 9 novembre 2022, un colloque international intitulé « Colour Schemes and Surface Finish of the Roman Architectural Orders » est notamment organisé à la Johannes Gutenberg-Universität de Mayence.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Nicolas Delferrière, « Susanna Bracci, Gianna Giachi, Paolo Liverani, Pasquino Pallecchi, Fabrizio Paolucci éd., Polychromy in ancient sculpture and architecture, Actes de la 7e table ronde Polychromy in ancient sculpture and architecture, Florence, 4-6 nov. 2015 », Revue archéologique de l’Est, Tome 71 | 2022, 469-470.
Référence électronique
Nicolas Delferrière, « Susanna Bracci, Gianna Giachi, Paolo Liverani, Pasquino Pallecchi, Fabrizio Paolucci éd., Polychromy in ancient sculpture and architecture, Actes de la 7e table ronde Polychromy in ancient sculpture and architecture, Florence, 4-6 nov. 2015 », Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 71 | 2022, mis en ligne le 01 octobre 2022, consulté le 10 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/rae/16606
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