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Comptes rendus

Sabine Haag, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann dir., Bunte Götter: die Farbigkeit antiker Skulptur, catalogue d’exposition, Kunsthistoriches Museum Wien, 13 novembre 2012-17 mars 2013

Nicolas Delferrière
p. 474-475
Référence(s) :

Sabine Haag, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann dir., Bunte Götter: die Farbigkeit antiker Skulptur, catalogue d’exposition, Kunsthistoriches Museum Wien, 13 novembre 2012-17 mars 2013, Vienne, 2012, 79 p., 96 fig. ISBN : 978-3-99020-031-5. 24 €.

Texte intégral

1La tenue du dix-septième et dernier congrès international d’art provincial romain (CRPA) à Vienne, du 16 au 21 mai 2022, a été l’occasion pour moi d’acquérir enfin la présente publication alors qu’elle fut publiée en 2012, il y a déjà dix ans... Ce catalogue d’exposition est un ouvrage particulièrement indispensable pour les recherches sur la polychromie de la sculpture antique gréco-romaine. Toujours d’actualité, il mérite donc qu’on lui consacre quelques lignes explicitant sa genèse et ses objectifs scientifiques.

2Le livre est constitué de deux avant-propos, de cinq synthèses, d’un catalogue de quatorze notices extrêmement précises, de deux pages détaillant les différents acteurs ayant participé aux différentes reconstitutions et reconstructions de la polychromie, et enfin d’une bibliographie recensant les principales publications sur la couleur de la statuaire gréco-romaine, du xixe s. à nos jours. L’ensemble est rédigé en allemand.

3Du 16 décembre 2003 au 29 février 2004, la Glyptothèque de Munich organisa la première exposition intitulée Bunte Götter : die Farbigkeit antiker Skulptur grâce aux travaux de Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann, marqués par ceux, pionniers, de Volkmar von Graeve (depuis les années 1960) sur la polychromie de la sculpture grecque et notamment sur le décor figuré du fronton d’Athéna Aphaïa à Égine conservé au sein de l’institution munichoise. Devant les résultats particulièrement éloquents de ces archéologues, combinant alors observations macroscopiques et analyses scientifiques poussées, Raimond Wünsche, directeur de la Glyptothèque de Munich, décida la création d’une exposition proposant en regard l’œuvre antique et sa reconstitution polychrome en plâtre. Devant le succès de ces œuvres, parfois qualifiées de « kitsch » par les visiteurs et certains collègues archéologues et historiens de l’art, il fut décidé de reproduire cette exposition désormais itinérante, en la complétant au fur et à mesure par de nouvelles données et des reconstitutions polychromes inédites. Depuis 2003, elle fut reproduite vingt-trois fois au sein d’institutions prestigieuses d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud. Du 30 janvier 2020 au 26 septembre 2021, au sein de la Liebighaus de Francfort-sur-le-Main, une version intitulée Golden Edition - Bunte Götter : die Farbigkeit antiker Skulptur permettait à l’exposition de s’étoffer significativement en développant tout un pan de son discours sur les quarante années de recherches allemandes sur la polychromie de la sculpture gréco-romaine.

4Le catalogue que nous présentons ici correspond à la dix-neuvième exposition. La première synthèse (p. 11-17), rédigée par V. Brinkmann, revient sur les recherches menées sur la polychromie de la sculpture et de l’architecture gréco-romaine depuis le xixe s. Elle permet de situer ses travaux et ceux de son épouse, mais surtout ceux de son groupe de travail, et d’exposer clairement leur méthodologie scientifique (les différents types d’analyses employés et les choix dans les reconstitutions).

5La deuxième synthèse, écrite par le même auteur, brosse un rapide panorama des couleurs de la sculpture grecque de la période archaïque à la période hellénistique, pour finir sur la polychromie romaine (p. 19-27). Les exemples convoqués sont extrêmement significatifs et traitent à la fois de la peinture mais aussi de la dorure. Certains sont devenus depuis de véritables références dans le domaine comme le sarcophage dit d’Alexandre provenant de Sidon (Liban) et daté de 320 av. J.-C. Les reliefs qui ornent les faces de la cuve présentent un combat entre les Grecs et les Perses. Ces derniers sont particulièrement colorés, ce qui ne doit pas nous paraître étonnant, la bigarrure étant alors considérée comme l’apanage des Barbares. Le détail des yeux du cavalier identifié comme Alexandre le Grand, coiffé de la léonté, est particulièrement saisissant : iris, pupille et cils sont peints en rouge avec une très grande finesse ; ces éléments n’ont pas été préalablement sculptés, ce qui témoigne de l’importance de la conservation de la peinture antique.

6Le troisième chapitre s’intéresse spécifiquement à la question des vêtements féminins à partir des sculptures grecques archaïques que l’on connaît tous sous le nom de kórai (p. 29-37). V. Brinkmann et U. Koch-Brinkmann démontrent ici leur méthodologie en combinant archives anciennes, observations macroscopiques et analyses par fluorescence X. Si certains détails des vêtements de ces femmes mythiques sont préalablement sculptés, d’autres ne sont ajoutés que grâce à la peinture, et pour les premiers, ils sont tous complétés par la couleur. L’étude de la polychromie de ces statues est donc primordiale pour appréhender le répertoire décoratif employé et les comprendre dans leur globalité. Ainsi, ces statues étaient peintes de la tête aux pieds, notamment les ornements et attributs qui leur étaient associés (diadèmes, bijoux, fleurs).

7L’avant-dernière synthèse, rédigée par O. Primasi (p. 39-45), revient sur le développement du concept de polychromie de la sculpture grecque au xviiie s. à partir des travaux de Winckelmann sur les textes antiques et les statues alors conservées dans les musées de son époque. Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) est un théoricien capital dans la construction de la sensibilité artistique et de l’approche que nos sociétés occidentales ont de l’art antique ; il est souvent considéré comme le père de l’archéologie et de l’histoire de l’art. Son œuvre, Geschichte der Kunst des Alterthums, publiée en 1764, quatre ans avant son assassinat, insiste sur la beauté du marbre blanc et réfute la présence de la polychromie, alors même qu’elle est directement visible par l’auteur et qu’il la décrit. C’est le cas notamment sur une statue d’Artémis découverte à Pompéi en 1760 et qui s’avère être une copie romaine d’une œuvre grecque de la période archaïque ; elle est aujourd’hui conservée au musée archéologique national de Naples (n° inv. 6008). Même si Winckelmann ne croit pas en l’existence de sculptures peintes dans l’Antiquité, il note les traces présentes sur l’Artémis. Son témoignage est donc particulièrement intéressant à l’aune des recherches actuelles, d’autant que certains détails que l’illustre historien de l’art a pu observer ne sont aujourd’hui plus visibles. Son texte permit de cibler prioritairement les parties de la sculpture à analyser.

8Avant le catalogue des notices, l’ouvrage se conclut par un texte sur les couleurs et techniques de peinture identifiées par U. Koch-Brinkmann et H. Piening (p. 47-51). Les pigments présentés sont ceux que l’on retrouve habituellement dans les différentes publications sur cette thématique : malachite, ocre jaune, azurite, ocre rouge, cinabre, hématite, bleu égyptien, réalgar et orpiment. Il s’agit d’une synthèse assez généraliste, sans que l’on puisse malheureusement distinguer avec précision les époques d’utilisation de chaque pigment.

9Le catalogue des œuvres est extrêmement précieux. Il est constitué de quatorze notices (p. 53-71) exposant l’original antique et sa reconstitution polychrome grâce aux analyses scientifiques menées par l’équipe allemande. Les informations précises, à l’instar d’un cartel d’œuvre dans un musée, sur la découverte (lieu et date), les dimensions, le matériau, la datation, le lieu de conservation et la bibliographie principale y sont toutes consignées. Un texte détaillant l’ensemble des observations de traces polychromes (réalisées à l’œil nu ou grâce aux instruments) est présent pour chaque notice. Si la sculpture grecque est prépondérante (11 notices sur 14), les trois exemples choisis pour illustrer la polychromie des œuvres romaines sont très significatifs. On notera la présence d’une tête de l’empereur Galère (293-311) en porphyre rouge qui démontre que même si le matériau est déjà intrinsèquement coloré, de la peinture peut être ajoutée afin de rendre certains détails bien plus fins et plus expressifs (ici les yeux, la moustache, la barbe et les cheveux).

10Les lecteurs de la R.A.E. souhaitant se familiariser avec la polychromie de la sculpture antique, en particulier s’ils sont confrontés à des traces de couleurs sur des œuvres gauloises ou gallo-romaines de nos régions, peuvent commencer par la lecture de cet ouvrage très agréable et abondamment illustré.

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Pour citer cet article

Référence papier

Nicolas Delferrière, « Sabine Haag, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann dir., Bunte Götter: die Farbigkeit antiker Skulptur, catalogue d’exposition, Kunsthistoriches Museum Wien, 13 novembre 2012-17 mars 2013 »Revue archéologique de l’Est, Tome 71 | 2022, 474-475.

Référence électronique

Nicolas Delferrière, « Sabine Haag, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann dir., Bunte Götter: die Farbigkeit antiker Skulptur, catalogue d’exposition, Kunsthistoriches Museum Wien, 13 novembre 2012-17 mars 2013 »Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 71 | 2022, mis en ligne le 01 octobre 2022, consulté le 29 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/rae/16648

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