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Note complémentaire pour l’étude de l’occupation du cimetière du second Âge du Fer de Lailly Au-delà de l’eau (Yonne) : apports des archives de Michel Delinon

A supplementary note to the study of the occupation of the Second Iron Age cemetery in Lailly au-delà de l’eau (Yonne): from the archives of Michel Delinon
Luc Baray
p. 145-152

Résumés

Cette note a pour objet de compléter les données présentées dans la monographie des fouilles du cimetière de Lailly Au-delà de l’Eau publiée dans les colonnes de cette revue en 2020, par la prise en compte de dessins d’objets jusqu’alors inconnus Ces dessins proviennent des archives de Michel Delinon, récemment entrées aux Musées de Sens.

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Texte intégral

1Au terme d’une vie partiellement consacrée aux fouilles archéologiques, Michel Delinon, archéologue amateur du Sénonais, fit don aux Musées de Sens, en mars 2023, de l’ensemble des objets qu’il avait patiemment récoltés depuis les années 1960, ainsi que de l’ensemble de ses archives privées. Ce ne sont pas moins de 5 m3 d’objets et de dossiers qui sont ainsi arrivés dans les réserves, sous la responsabilité de Clémentine Bourdin, responsable des collections archéologiques. C’est à la perspicacité de cette dernière que nous devons d’avoir pris très rapidement connaissance d’un petit dossier portant la mention « Lailly ». À notre grand étonnement, il renfermait les claques et les photographies annotées des objets de la collection Auguste Boivin – ancien maire de Lailly et propriétaire d’une partie des terres sur lesquelles Nazaire Lajon et Paul Jacquelin ont effectué leurs fouilles archéologiques, entre 1927 et 1937 –, provenant du cimetière d’Au-delà de l’Eau. Or, selon Pierre Parruzot, conservateur des Musées de Sens, décédé en 1978, ces objets auraient disparu après la mort d’A. Boivin : « M. Lajon chercheur, 69 ans en 1924 mort en 1946. Il avait une nombreuse collection de cailloux… À sa disparition tout a été vendu. M. Boivin en avait racheté deux caisses restées chez lui à Touchebœuf… que j’ai vues et étaient destinées à la S. Ar. de Sens. Le temps passa… la ferme changea d’exploitant… Ce trésor a disparu… » (note manuscrite de P. Parruzot ; archives de la Société archéologique de Sens, carton N. Lajon).

2Nous avions repris l’étude de l’intégralité de la documentation se rapportant à ces fouilles dans un article publié en 2020 dans la Revue archéologique de l’Est (BARAY, 2020, p. 123-156). À l’époque, nous ne disposions pas encore des archives Delinon. Leur existence même nous était inconnue. Rien dans les dossiers de la Société archéologique de Sens, notamment les papiers personnels de P. Parruzot, avec qui M. Delinon fouilla le cimetière de Sergines Gringalet (Yonne), ne faisait allusion à l’existence d’un quelconque lien entre ce dernier et A. Boivin. La mise à notre disposition du dossier « Lailly » par Clémentine Bourdin, que nous tenons à remercier vivement, nous permet de lever le voile sur les caractéristiques morphologiques et typologiques d’objets pour lesquels nous ne disposions d’aucun dessin ou photographie, mais seulement de descriptions, avec ce que ce vecteur de communication peut comporter de risque d’interprétation, comme nous le verrons à propos du torque de la sépulture 1 de 1934.

3Le don fait par M. Delinon de ses archives a permis de retrouver, à défaut des objets, au moins les dessins de six d’entre ceux provenant des sépultures 3 de 1927 (trois fibules), 1 de 1934 (un torque), 6 de 1936 (un vase en céramique) et 2 de 1937 (un torque). Nous disposons donc désormais de la presque totalité des dessins des objets provenant des dix sépultures ayant livré du mobilier funéraire, parmi les seize qui ont été fouillées entre 1927 et 1937. Pour l’historique des fouilles comme pour l’étude des pratiques funéraires replacées dans leur contexte culturel régional, nous renvoyons le lecteur à notre étude de 2020.

I. Catalogue du mobilier des sépultures concernées par le don M. Delinon

I.1. Année 1927

4Seule la sépulture 3 a livré un mobilier funéraire : « De la première, on a retiré les ossements en mauvais état d’un personnage de petite taille, jeune fille ou jeune femme probablement, puis les parures suivantes : 1° Un beau collier (Torques) en bronze à tige rigide, de 0 mètre 12 de diamètre intérieur […] ; 2° un bracelet-anneau massif, de même métal de 0 mètre 07 de diamètre ; 3° trois fibules en arc, de même métal […] ; 4° enfin les débris complètement oxydés d’une quatrième fibule, en fer. […] » (LAJON, 1929, p. 179 ; LAJON, 1928, p. 96-97 ; Anonyme, 1931, p. 53).

  • 1 « Les objets que j’avais conservés de mes fouilles avec M. Lapôtre ont été dispersés pendant l’Occu (...)

5Le torque, dont on ne dispose plus que de deux dessins, a disparu pendant l’Occupation. Il faisait partie de la collection de la marquise de Maillé1, tandis que le bracelet en alliage cuivreux de la fig. 310 de la publication d’A. Hure (1931) est donné comme ayant fait partie de la collection Lajon ; collection ayant été vendue à la mort de son propriétaire et dispersée. Il n’a pas été possible de retrouver cet objet. Concernant les fibules, une annotation de la main de P. Parruzot en marge de l’article de N. Lajon (1928) signale qu’elles étaient conservées chez A. Boivin.

6En fonction des renseignements disponibles dans les archives de la Société archéologique de Sens, nous précisions en 2020 que le mobilier des sépultures fouillées en mars et septembre 1927 semblait avoir été réparti de la manière suivante entre la marquise de Maillé – un torque et un bracelet orné de ciselures en alliage cuivreux, un anneau et une fibule cassée en fer –, N. Lajon – un bracelet et deux fibules en alliage cuivreux, ainsi que neuf tessons de céramique noircis par le feu provenant de la sépulture 4 – et A. Boivin : une fibule en alliage cuivreux et une fibule en fer, ainsi que le pied de vase vernissé. À notre connaissance tous les objets avaient disparu. Or, le don de M. Delinon a permis de retrouver trois des quatre fibules de la sépulture 3. Ce don permet aussi de rectifier la liste des objets que chacun des trois protagonistes des fouilles de 1927 possédait par devers lui : ce ne sont donc pas une fibule en alliage cuivreux et une en fer que possédait Boivin, mais deux en alliage cuivreux et une en fer. Des trois fibules en alliage cuivreux de type de Dux, seule celle à arc lisse, non décoré (LAJON, 1928, p. 96), n’a pas été dessinée. Ce qui laisse à penser qu’elle ne fut pas en possession de Boivin. C’est le seul objet de cette sépulture n’ayant jamais été dessiné.

  • Torque à arceaux en alliage cuivreux (fig. 1, n° 1)
    Caractéristiques : jonc plein, lisse, à section circulaire ; système de fermeture à tenon et mortaise. Le jonc porte un décor d’arceaux : en partant de la gauche, les arceaux 1 et 4 se superposent par un bout aux arceaux 2 et 3, tandis que l’arceau 5 surmonte ces derniers. Les arceaux 1, 5 et 4 sont surmontés d’une perle. Un décor secondaire de groupes de traits incisés est disposé à égale distance sur le pourtour du jonc ; un motif de deux chevrons emboîtés est visible sous la zone de jonction des arceaux 1 et 2, ainsi que sous la zone de jonction des arceaux 3 et 4 (Lajon, 1928, fig. 1 ; Hure, 1978, fig. 309).
    Dimensions : diam. ext. : 130 mm ; diam. jonc : 5 mm.
  • Bracelet fermé en alliage cuivreux (fig. 1, n° 4)
    Caractéristiques : « Un anneau-bracelet, en bronze massif uni, sans section [sans ouverture]. » (LAJON, 1928, p. 97). Selon Hure (1931, p. 145), il s’agirait d’un bracelet fermé, uni, de section circulaire.
    Dimensions : diam. int. : 70 mm ; diam. jonc : 9 mm.
  • Fibule de type Dux en alliage cuivreux
    Caractéristiques : « La première de ces fibules est à tige unie, légèrement renflée au milieu de l’arc. » (LAJON, 1928, p. 96). Les trois fibules sont présentées par Lajon comme appartenant au même type, seul le travail de la tige permet de les distinguer ; voir ci-dessous.
  • Fibule de type Dux en alliage cuivreux (fig. 1, n° 2)
    Caractéristiques : « La seconde en diffère un peu, la tige est plus grosse, le dos de l’arc, plus large, porte sept incisions annulaires, avec cordons en relief, 4 chevrons en V et une certaine quantité de petits cercles centrés. » (Lajon, 1928, p. 96, fig. 2-3 ; Hure, 1978, p. 145) ; arc en « archet de violon », de section ovale ; pied libre surmonté d’une grosse perle cantonnée de deux renflements et terminée par un appendice à extrémité triangulaire ; ressort à deux fois trois spires et corde interne.
    Dimensions : long. totale : 65 mm ; haut. : 23 mm.
  • Fibule de type Dux en alliage cuivreux (fig. 1, n° 3)
    Caractéristiques : « La troisième est aussi incisée sur le dos de l’arc ; celui-ci, plus aplati que les deux autres, est garni de petites stries, de bagues en creux et de cercles centrés. » (Lajon, 1928, p. 97) ; arc en « archet de violon », de section ovale.
    Dimension : long. totale conservée : 45 mm.
  • Fibule en fer (fig. 1, n° 5)
    Caractéristiques : « Il ne reste plus que des débris complètement oxydés. Par ce qui reste, on peut juger qu’elle était de plus grande dimension que celles de bronze. » (Lajon, 1928, p. 97) ; arc en « archet de violon » ; pied libre terminé par une « timbale » pleine et petit appendice terminal venant buter contre l’arc.
    Dimensions : long. totale reconstituée : 83 mm ; haut. reconstituée : 26 mm.

Fig. 1. Lailly Au-delà de l’Eau. 1-5. Mobilier de la sépulture 3-1927 ; 6. mobilier de la sépulture 1-1934 ; 7-8. mobilier de la sépulture 6-1936 (1 et 4, d’après HURE, 1978 ; 2-3 et 5-8, dessins et photo M. Delinon ; 1-4 et 6 : alliage cuivreux ; 5 : fer ; 7-8 : céramique infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

Fig. 1. Lailly Au-delà de l’Eau. 1-5. Mobilier de la sépulture 3-1927 ; 6. mobilier de la sépulture 1-1934 ; 7-8. mobilier de la sépulture 6-1936 (1 et 4, d’après HURE, 1978 ; 2-3 et 5-8, dessins et photo M. Delinon ; 1-4 et 6 : alliage cuivreux ; 5 : fer ; 7-8 : céramique infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

7Le torque et une des trois fibules de Dux étaient connus grâce à un dessin et une description de Lajon. Le bracelet, les deux autres fibules de Dux et la fibule en fer ne l’étaient que par des descriptions rapides et peu précises (LAJON, 1928, p. 96-97, fig. 2 et 3). Ces informations avaient été reprises ensuite par A. Hure, qui y avait ajouté le dessin du bracelet (HURE, 1978, p. 144-145, fig. 309, 310, 311 et 311bis). Grâce aux photographies et aux dessins de M. Delinon, il est possible de disposer d’une bonne illustration du torque, de deux des trois fibules de type Dux, et de la fibule en fer.

8Le torque à arceaux est de type T15.H3a (fig. 1, n° 1 ; BARAY, 2016, pl. 37). Il ne connaît pas de comparaison directe. Il est proche des torques à arceaux de type T15.H3b (torques à arceaux à un anneau central surmonté d’une perle). À ce jour, plus de quarante torques de ce type ont été répertoriés dans la zone étudiée. Tous se répartissent selon un croissant qui va du Gâtinais à la région de Reims (CHARPY, ROUALET, 1991 ; BARAY et alii, 1994, fig. 33 ; BARAY, 2018, fig. 2). Seuls trois exemplaires ont été découverts en dehors de cette zone : le torque d’Armentière dans l’Aisne, celui de Servigney dans le Doubs et l’exemplaire d’Obrnice en République tchèque. Il existe un certain nombre de variantes de ce type : l’organisation des arceaux diffère en fonction de leur nombre et de leur association ou non avec un ou deux anneaux disposés au centre du décor principal, et selon qu’un décor secondaire apparaît ou non sur le jonc (BARAY, 1991, fig. 5).

9Ce type de torque se rencontre toujours en contexte La Tène B1 récente. L’exemplaire de la sépulture 18 de Serbonnes La Créole (Yonne) est associé à deux fibules de type Dux (F10.J3d4 et F10.J3d5 ; BARAY et alii, 1994, fig. 29). Il en est de même dans la sépulture S3 de Courtavant Mont-les-Noix (Aube ; PIETTE, 1979, fig. 3 et 6, nos 1 et 5). Dans la sépulture à inhumation de l’enclos 18 de Passy La Sablonnière (Yonne), le torque est associé à un bracelet en bronze à anneaux moulés séparés par un décor secondaire de stries circulaires gravées, et à une fibule en fer (BERNARDINI et alii, 1983, p. 23).

10Le bracelet est fermé, à gros jonc plein, lisse, de section circulaire (fig. 1, n° 4). Il ne porte aucun décor. Des bracelets de ce type sont attestés en contexte La Tène B1 récente, notamment à Fontaine-la-Gaillarde La Grande Chaume (Yonne), sépulture 50, en association avec un torque ternaire à décor secondaire ternaire (« nœud d’Hercule »), et trois fibules en fer à pied libre surmonté d’une grosse perle globulaire, arc en anse de panier et grand ressort à deux fois une spire (BARAY, 1995, pl. 31, n° 1). On le retrouve également dans la sépulture 64 du même site, associé à un torque à double décor quaternaire de perles à motif plastique et à une fibule en fer à long pied libre reposant sur le sommet de l’arc, ressort à deux fois deux spires (BARAY, 1995, pl. 31, n° 7), ainsi que dans la sépulture 10, en association avec une fibule de type Dux (type F10.J3d2) et une rouelle en alliage cuivreux (BARAY, 1995, pl. 27, n° 1). La même association d’un bracelet uni, non décoré, à gros jonc fermé, avec des fibules de type Dux, est attestée dans les sépultures 53 et 92.27 de La Saulsotte Le Bois Pot-de-Vin (Aube ; PIETTE, GUILLAUMET, 1999, fig. 6 et 35, nos 5-6). La sépulture 18 de Serbonnes La Créole (Yonne) a livré un bracelet du même type, deux fibules de type Dux et un torque à arceaux (BARAY et alii, 1994, fig. 29). L’ensemble peut être daté de La Tène B1 récente.

11Les deux fibules de type de Dux dessinées par M. Delinon, sur les trois qui ont été retrouvées dans la sépulture, peuvent être datées de La Tène B1 récente ou de l’étape IVB du Bassin parisien soit, en chronologie absolue, du troisième quart du IVe siècle avant J.-C. (BARAY et alii, 2007, p. 197 et 199, 207, 210 et 212 ; BARAY, 2016, p. 363-364, pl. 168) (fig. 1, nos 2-3). Très largement répandues sur l’ensemble de l’Europe celtique, elles sont caractéristiques des horizons E à H du cimetière de Münsingen-Rain (Suisse), soit de La Tène B1 récente (HODSON, 1968 ; KAENEL, 1990) ou de la phase IIB1 du cimetière de Dürrnberg bei Hallein (Autriche ; MOOSLEITNER et alii, 1974 ; PAULI, 1978).

12P. Parruzot avait noté en marge de l’article de 1928 de Jalon que la fibule en fer était « à timbale ». En effet, les photographies réalisées par M. Delinon de cet objet et le dessin qu’il en a fait corroborent l’attribution typologique de Parruzot (fig. 1, n° 5). Il s’agit d’une fibule en fer à pied terminé par une timbale pleine et arc en archet de violon comme on en connaît en contexte La Tène B2, par exemple, à Serbonnes La Créole, sépulture 14 (Yonne ; BARAY, 1995, pl. 33, n° 4), à Gravon La Souricière, tombe 8 (Seine-et-Marne ; Baray, 1991, fig. 18, n° 13), et à Sergines Gringalet, sépulture B5.14 (Yonne ; PARRUZOT, DELINON, 1979, fig. 7).

I.2. Année 1934

13La sépulture 1 n’a livré qu’un torque en alliage cuivreux, dont on ne possédait qu’une description donnée par Lajon (1935, p. 162). P. Parruzot le signale comme faisant partie de la collection Boivin (archives de la Société archéologique de Sens. Carton N. Lajon). En 1971, M. Delinon a pu le photographier et le dessiner chez ce dernier.

  • Torque à arceaux en alliage cuivreux (fig. 1, n° 6)
    Caractéristiques : torque à décor d’arceaux : un anneau central est cantonné de deux arceaux, et non pas, comme nous l’avions cru en lisant la description erronée de Lajon, quatre arceaux à « courbe régulière du plein cintre » surmontés d’un anneau central (BARAY, 2020, fig. 5 ; cette proposition de restitution graphique est désormais à supprimer, car fausse). L’anneau central ainsi que les arceaux situés à chaque extrémité sont surmontés d’une perle. Les restes d’un décor gravé et estampé composé de deux lignes parallèles encadrant une suite de points sont visibles sur les deux arceaux disposés aux extrémités de la composition. Un décor secondaire fait de petits triangles estampés disposés en carré est visible sur la partie du jonc située sous le décor principal. Un motif de « S » moulés, très usé, est également visible sur la partie du jonc opposé au décor principal.
    Dimensions : diam. ext. : 145 mm (contre 141 mm, selon LAJON, 1935, p. 162) ; diam. jonc : 8 mm (contre 7 mm, selon Lajon).

14À l’instar de l’exemplaire de la sépulture 3 de 1927, des torques comparables proviennent de contextes funéraires du Bassin parisien datés de La Tène B1 récente.

I.3. Année 1936

15Des deux vases mis au jour dans la sépulture 6 à crémation, il ne subsistait plus dans les archives de la Société archéologique de Sens que de mauvais croquis pris sur le terrain par les fouilleurs, ainsi qu’un dessin de très bonne qualité, sans nul doute de la main de M. Delinon plutôt que de P. Parruzot (fig. 1, n° 7). Ce dernier signale en effet, dans une note bibliographique manuscrite, que la jatte ayant servi de couvercle à l’urne a été donnée aux Musées de Sens par Paul Jacquelin. Ce vase a été retrouvé dans les collections archéologiques ; il porte le numéro d’inventaire 36.1.1.

16P. Parruzot précise dans la même note bibliographique que le vase haut était conservé chez A. Boivin. Dans une autre note manuscrite de Parruzot conservée dans les archives de la Société archéologique de Sens, il est écrit qu’à l’instar de la collection Lajon, celle de Boivin a disparu après la mort de ce dernier. Or, ce vase, encore présent dans la famille Boivin en 1971, a été photographié et dessiné par M. Delinon. Une copie, retrouvée parmi les objets donnés par ce dernier, fait désormais partie des collections archéologiques des Musées de Sens. Grâce à ce don, nous disposons désormais de dessins actualisés des deux vases.

  • Coupe en céramique (fig. 1, n° 7)
    Caractéristiques : céramique semi-grossière de couleur brun-rouge, à surface extérieure grossièrement lustrée et surface intérieure grattée. La coupe à bord rentrant est entière, à l’exclusion d’un éclat repéré sur la lèvre. La lèvre est arrondie ; la panse, à profil convexe, est non décorée ; le fond est plat.
    Dimensions : diam. ouv. : 120 mm ; diam. max. panse : 132 mm ; haut. : 51 mm ; diam. fond : 52 mm.
  • Vase haut en céramique (fig. 1, n° 8)
    Caractéristiques : vase haut à panse ovoïde et col rentrant, à bord éversé et lèvre arrondie. La liaison col-panse est marquée par un large baguette décorée d’une ligne ondulée réalisée à la pointe mousse. Deux cannelures horizontales encadrent la baguette. Le pied est court, à base élargie et fond creux.
    Dimensions : haut. : 133 mm ; diam. ouv. : 108 mm ; diam. maxi. panse : 138 mm ; diam. base : 70 mm.

17La forme du vase haut est comparable à celles des sépultures à crémation que l’on retrouve notamment à Guerchy Les Créchaumes, sépulture 8 (Yonne ; GIRARD, 2003, fig. 26, n° 3), Barbey Le Chemin de Misy, sépulture 2 (Seine-et-Marne ; MORDANT, 1979, fig. 2, n° 1), ou à Gravon Chemin de l’Écluse, sépulture 35 (Seine-et-Marne ; SCHÉRER et alii, 1972, p. 370, fig. 8), dans des contextes de La Tène C2. Elle est morphologiquement très proche de celle de la sépulture 133 de Soucy Mocques Bouteilles (Yonne), également datée de La Tène C2 (BARAY et alii, 1994, p. 161, fig. 159).

18Le vase de Lailly est cependant plus petit que ceux qui ont été mis au jour en territoire sénon. Il ne mesure que 133 mm de hauteur, contre les 205 mm de celui de Soucy et surtout contre les 285 mm de celui de Gravon, par exemple. C’est un petit vase qui ne renfermait aucun os brûlé. Il était vide, alors même qu’il avait été recouvert par la petite coupe en céramique. Les « légères traces blanchâtres » qui ont été observées par les fouilleurs à l’intérieur laissent à penser qu’il a pu contenir un liquide non déterminé.

19Des coupes comparables à l’exemplaire de Lailly (fig. 1, n° 7) sont notamment attestées à Gurgy La Picardie, sépultures 20, 23, 28, 29, 30, 32, 36, 42 et 57 (Yonne ; PELLET, DELOR, 1980, fig. 8, 10 et 11). Parmi les treize vases recueillis à Gurgy, sept sont des coupes, plus particulièrement de très petites coupes pour six d’entre elles. Elles mesurent de 84 à 184 mm de diamètre à l’ouverture (contre 120 mm à Lailly), pour 37 à 65 mm de hauteur (contre 51 mm à Lailly). Comme à Lailly, celle de la sépulture 28 a servi de couvercle à un petit gobelet auquel elle était associée.

20Des coupes du même type, toujours associées à des urnes cinéraires, ont également été retrouvées dans des sépultures à crémation de La Tène C2, à Barbey Le Chemin de Misy, sépulture 2 (Seine-et-Marne ; MORDANT, 1979, fig. 2, n° 2), sépultures 1 et 4 (BARAY, 1995, pl. 36, nos 9 et 14), à Châtenay-sur-Seine Les Pâtures, sépulture 10 (Seine-et-Marne ; MORDANT, 1979, fig. 7, n° 2).

I.4. Année 1937

21Le torque à tampons de la sépulture 2 a été photographié et dessiné en 1971 par M. Delinon. Il faisait partie des objets de la collection Boivin conservés au sein de la famille.

22Dans une note manuscrite intitulée Suite de la communication présentée à la Société académique de l’Aube le 22 janvier 1937, N. Lajon donne la description des deux sépultures fouillées le 18 avril 1937 : « La seconde au nord, moins étendue, mesurait un mètre 60 centimètres de long, 60 centimètres de large et 65 centimètres de profondeur. Les ossements recueillis paraissent être ceux d’une jeune fille ou jeune femme. Un seul rang de silex épannelés existait en cordon au fond de la fosse, côté du midi, le long du mur de craie qui la séparait de celle voisine. Deux pavés de grès, équarris, étaient mis à plat, l’un au même niveau et près de la tête, l’autre sur le côté gauche à hauteur de la main. Proche du crâne, dans l’emplacement du cou, se trouvait un joli torques (sic) de bronze massif, à tige mince et à tampons. Ce collier mesure 123 millimètres de diamètre moyen à l’intérieur, quatre millimètres à la tige ; son poids est de 55 grammes. Le Musée de Troyes possède dans ses vitrines un torques (sic) semblable, indiqué sous le numéro 417 au Catalogue des Bronzes. » (Archives de la Société archéologique de Sens. Carton N. Lajon).

  • Torque à tampons en alliage cuivreux (fig. 2)
    Caractéristiques : jonc massif, lisse, de section circulaire, sans décor ; tampons composés d’une succession de trois renflements circulaires striés transversalement.
    Dimensions : diam. : 135 mm ; diam. jonc : 3 à 4 mm ; diam. maxi. tampons : 11 mm. Masse : 55 g.

Fig. 2. Lailly Au-delà de l’Eau. Mobilier de la sépulture 2-1937 (alliage cuivreux) (dessin M. Delinon ; infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

Fig. 2. Lailly Au-delà de l’Eau. Mobilier de la sépulture 2-1937 (alliage cuivreux) (dessin M. Delinon ; infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

23D’après la description que Lajon nous en a laissée, il s’agissait d’un spécimen comparable au n° 417 du Catalogue descriptif et raisonné des bronzes du Musée de Troyes, découvert à Polisot Le Fiel (Aube ; LE CLERT, 1898, p. 130, n° 417). En effet, le torque de Lailly, que M. Delinon a dessiné en 1971, est morphologiquement très proche de l’exemplaire de Polisot. Cependant, comme nous l’indiquions en 2020 à propos du torque aubois, nous ne lui connaissons pas de comparaison directe, si ce n’est des ressemblances morphologiques avec les torques à petits tampons de La Tène A ou de La Tène B1 ancienne.

II. Synthèse chronologique

24La prise en compte des six nouveaux objets dessinés provenant de la collection A. Boivin a permis de remettre en cause la datation de la sépulture 3 de 1927. Précédemment datée de La Tène B1 récente en raison de l’association de trois fibules de type Dux au torque à arceaux, sa datation peut être désormais descendue à La Tène B2, comme nous l’avons vu, grâce à la présence de la fibule en fer à pied terminé par une timbale pleine (fig. 1, n° 5). C’est l’unique changement qu’il est possible d’introduire dans le classement chronologique des sépultures du cimetière de Lailly Au-delà de l’Eau. Or, en 2020, nous avions conclu à l’absence de sépulture de La Tène B2, ce qui nous paraissait assez surprenant pour le souligner, tout en restant circonspect étant donné le petit nombre de sépultures étudiées : « Pour autant, ce petit cimetière, qui reste encore à fouiller, n’a livré aucune sépulture de La Tène B2 alors qu’il s’agit là de l’étape chronologique sans doute la mieux représentée, avec celle de La Tène B1 récente, dans les cimetières des Sénons de Gaule. Nous devons donc être prudent et ne pas vouloir dès à présent déterminer avec trop de précision le faciès chronologique et culturel de ce site. Il subsiste trop d’inconnues dues au petit nombre de découvertes. » (BARAY, 2020, p. 153).

25De fait, ce ne sont plus trois mais quatre phases d’occupations qu’il est possible de définir. La première phase date de 370 à 325 (La Tène BI récente), la deuxième de 325 à 275 (La Tène B2), la troisième de 190 à 140 (La Tène C2) et la quatrième de 120 à 80 avant J.-C. (La Tène D1b) (fig. 3). À deux reprises, nous observons un hiatus de plusieurs décennies durant lesquelles aucun ensevelissement n’aurait été pratiqué en ces lieux. À quoi doit-on l’imputer ? À un réel abandon du cimetière ou à un problème documentaire ? Seule la reprise éventuelle des fouilles permettra peut-être de répondre à ces questions.

Fig. 3. Inventaire des objets recueillis dans les sépultures du cimetière de Lailly (fouilles de 1927, 1934, 1936 et 1937) (ac : alliage cuivreux).

Fig. 3. Inventaire des objets recueillis dans les sépultures du cimetière de Lailly (fouilles de 1927, 1934, 1936 et 1937) (ac : alliage cuivreux).

26La répartition des sépultures par étape chronologique montre que si toutes les découvertes datées de La Tène C2 sont regroupées dans le bas du versant, à quelques centaines de mètres de l’Alain, il en a été de même au cours de La Tène B1 ancienne (sép. 2-1937 ; fig. 4). Le fait qu’il n’y ait qu’une seule sépulture datée de cette première phase d’occupation ne permet toutefois pas d’en dire plus. Durant la deuxième phase d’occupation, La Tène B1 récente, les sépultures ont été implantées aussi bien en haut qu’en bas du versant des terres de l’Au-delà de l’Eau : en haut (sép. 1-1927, 2-1927, 3-1927) et en bas du versant (sép. 1-1934, 2-1934, 2-1936, 3-1936, 4-1936, 5-1936, 6-1936, 1-1937, 2-1937, 3-1937 et 4-1937). En l’état de la documentation, nous nous hasarderons à dire que le cimetière de La Tène B1 récente semble avoir connu un développement polynucléaire. En l’absence de fouilles exhaustives, il est toutefois impossible d’appréhender correctement la densité et le mode d’occupation de cette deuxième phase. S’agissait-il d’une occupation lâche de sépultures plus ou moins isolées les unes des autres ou de groupes de sépultures éloignés les uns des autres ? De même, l’absence de grands décapages ne permet pas de savoir si les sépultures, isolées ou groupées, avaient été ou non implantées au sein d’enclos quadrangulaires, selon les traditions culturelles régionales, comme pourrait d’ailleurs le laisser penser la disposition en « U » des sépultures 3-1936, 4-1936 et 5-1936. En effet, cette disposition pourrait s’expliquer par leur implantation au sein d’un petit monument quadrangulaire qui n’aurait pas été reconnu par les fouilleurs. L’implantation singulière de ces trois sépultures pourrait correspondre à un « effet de parois » induit par l’existence à l’origine d’une délimitation spatiale suffisamment pérenne pour que les fossoyeurs en aient tenu compte à chaque nouvelle inhumation. Cette organisation de sépultures en petites « concessions familiales » à l’intérieur d’espaces délimités par des fossés, non reconnus ou arasés, ou des haies vives n’ayant laissé aucune trace sur le terrain, a été maintes fois mise en évidence sur d’autres cimetières sénons (BARAY, 1991 ; BARAY et alii, 1994 ; GUILLAUMET, 2000 ; MILLET, 2008 ; DRWILA, 2009).

Fig. 4. Phasage chronologique du cimetière de Lailly Au-delà de l’Eau (infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

Fig. 4. Phasage chronologique du cimetière de Lailly Au-delà de l’Eau (infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).

27La seule sépulture actuellement datée avec certitude de La Tène B2 a été implantée sur le haut du versant (sép. 3-1927). Mais il est possible, comme nous le proposions en 2020 (BARAY, 2020, p. 151), que les deux sépultures de guerriers 1 et 2 de 1927, situées à peu de distance de la précédente, datent également de cette phase chronologique.

28Le mode d’occupation du cimetière a apparemment changé à compter du IIe siècle avant J.-C. Seul le secteur situé au bas du versant semble, en l’état actuel de nos connaissances, avoir été utilisé au cours de La Tène C2 et de La Tène D1b. Si l’on se fie au plan de répartition des sépultures fourni par N. Lajon (sép. 2-1936 et 6-1936) et au positionnement au GPS de la sépulture 2012, il semblerait que les trois sépultures datées de ces deux périodes aient été implantées à une certaine distance les unes des autres. Il est possible que des enclos quadrangulaires de petite taille, entre 2 et 9 m de côté (type A71, voir BARAY et alii, 1994, fig. 100, p. 137) aient également été utilisés pour délimiter les espaces réservés à chaque sépulture, qu’elle soit à inhumation ou à crémation. Les exemples régionaux, notamment ceux de Châtenay-sur-Seine Les Pâtures (Seine-et-Marne ; MORDANT, 1979) ou de Pont-sur-Yonne Derrière les Écoles (Yonne ; PRAMPART, 1980), indiquent clairement que l’on passe au début du IIe siècle avant J.-C. d’une organisation « familiale » des sépultures au sein des cimetières à une organisation privilégiant l’individu. Ce n’est plus le groupe, quelle que soit sa taille, qui est mis en avant mais l’individu, dans des cimetières regroupant désormais un petit nombre de défunts, chacun étant signalé par un monument individuel.

29Les dessins de M. Delinon nous ont permis d’affiner le classement chronologique des sépultures de Lailly. Les doutes concernant l’attribution typo-chronologique de certains objets ont été levés. Mais, comme nous l’écrivions en 2020, « seule une reprise des fouilles à l’aide de grands décapages permettrait de lever définitivement toute ambiguïté sur l’importance réelle de ce cimetière, de son étendu et de son état de conservation [sans oublier la détermination plus précise de ses différentes phases d’occupation et leur importance respective]. Du reste, il y a urgence à intervenir au vu de l’état d’arasement de la sépulture 2012 [BARAY, 2020, p. 142, fig. 17], dont on peut penser qu’elle n’est pas isolée et que d’autres sépultures à crémation contemporaines, qui ont peut-être été plus profondément enfouies, n’ont pas encore été partiellement ou totalement détruites par les labours. La nature et la qualité du mobilier mis au jour dans la sépulture de 2012 indiquent clairement que ce cimetière renferme encore un fort potentiel scientifique à exploiter » (ibid., p. 154).

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Bibliographie

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Notes

1 « Les objets que j’avais conservés de mes fouilles avec M. Lapôtre ont été dispersés pendant l’Occupation » (lettre de la marquise de Maillé adressée à P. Parruzot, en date du 4 février 1957 ; archives de la Société archéologique de Sens).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Lailly Au-delà de l’Eau. 1-5. Mobilier de la sépulture 3-1927 ; 6. mobilier de la sépulture 1-1934 ; 7-8. mobilier de la sépulture 6-1936 (1 et 4, d’après HURE, 1978 ; 2-3 et 5-8, dessins et photo M. Delinon ; 1-4 et 6 : alliage cuivreux ; 5 : fer ; 7-8 : céramique infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/18622/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 456k
Titre Fig. 2. Lailly Au-delà de l’Eau. Mobilier de la sépulture 2-1937 (alliage cuivreux) (dessin M. Delinon ; infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/18622/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 267k
Titre Fig. 3. Inventaire des objets recueillis dans les sépultures du cimetière de Lailly (fouilles de 1927, 1934, 1936 et 1937) (ac : alliage cuivreux).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/18622/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 353k
Titre Fig. 4. Phasage chronologique du cimetière de Lailly Au-delà de l’Eau (infographie A. Dumontet, UMR 6298 ARTEHIS).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/18622/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 352k
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Pour citer cet article

Référence papier

Luc Baray, « Note complémentaire pour l’étude de l’occupation du cimetière du second Âge du Fer de Lailly Au-delà de l’eau (Yonne) : apports des archives de Michel Delinon »Revue archéologique de l’Est, Tome 73 | 2024, 145-152.

Référence électronique

Luc Baray, « Note complémentaire pour l’étude de l’occupation du cimetière du second Âge du Fer de Lailly Au-delà de l’eau (Yonne) : apports des archives de Michel Delinon »Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 73 | 2024, mis en ligne le 31 janvier 2025, consulté le 09 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/rae/18622 ; DOI : https://doi.org/10.4000/139q7

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Auteur

Luc Baray

Directeur de recherche au CNRS, UMR 6298 ARTEHIS, Dijon.

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