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Un monument circulaire en marbre orné de guirlandes découvert à Saints-Geosmes, près de Langres

A circular marble monument decorated with garlands discovered at Saints-Geosmes, near Langres
Yvan Maligorne et Arnaud Vaillant
p. 225-235

Résumés

L’article étudie un monument circulaire en marbre blanc, découvert avant 1652 dans la crypte de l’église de Saints-Geosmes. Son décor, constitué de guirlandes et de pampres croisés suspendus à des bucranes, permet de le dater du milieu du Ier s. et d’en attribuer la fabrication à des artisans italiens. La morphologie du monument oriente vers l’identification d’une base plutôt que d’un autel.

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Texte intégral

  • 1 Inventaire R2006.1.239. Le bloc est inédit.

1Le Musée d’art et d’histoire de Langres conserve d’impressionnantes séries de blocs inscrits, de stèles, de grands reliefs funéraires, de rondes-bosses et de blocs d’architecture, taillés dans leur très grande majorité dans un calcaire régional de bonne qualité. Très rares en revanche sont les productions en marbre. Pour la sculpture figurative, on ne peut citer qu’un togatus acéphale d’excellente facture – peut-être une statue impériale (VAILLANT, MALIGORNE, 2015) – et une belle tête divine de proportions colossales, dans laquelle C. Rolley a reconnu un Mars (ROLLEY, 1979). Pour l’architecture, on ne connaît qu’un grand chapiteau, sans doute corinthien, retrouvé à Saints-Geosmes et retaillé en margelle de puits, le remploi n’ayant laissé subsister qu’une mince bande de décor, réduite à la partie inférieure de la première couronne d’acanthe1. Se signale enfin le monument circulaire qui fait l’objet de cette étude (fig. 1, a-c), orné de trois guirlandes suspendues à autant de bucranes : sa morphologie emprunte à celle des autels, mais nous ne sommes pas assurés que le monument a reçu libations ou sacrifices. Il relève d’une production artisanale de niveau élevé, et le type monumental auquel il se rattache, s’il est très bien représenté en Italie, n’est guère attesté dans les provinces gauloises, ce qui nous semble justifier une étude détaillée, qui n’avait pas encore été conduite. Le monument n’est pourtant pas inédit, et, depuis sa découverte au XVIIe s., il a fait l’objet de nombreuses mentions.

Fig. 1. a-c. Vues d’ensemble du monument (A. Vaillant et Y. Maligorne).

Fig. 1. a-c. Vues d’ensemble du monument (A. Vaillant et Y. Maligorne).

2Avant de le décrire et d’en entreprendre l’étude comparative, c’est sur les circonstances de sa découverte et son histoire depuis lors que nous allons nous pencher, dans un exercice qui se veut une contribution à l’histoire de la discipline antiquaire puis de l’archéologie langroises.

I. Un monument occupant une place particulière dans l’historiographie locale

  • 2 Gaultherot (vers 1570-1657) consacre quelques lignes aux découvertes réalisées sur le site de l’anc (...)

3Les circonstances exactes de la découverte de cette pièce emblématique des musées de Langres demeurent énigmatiques ; la date même est incertaine. La mention la plus ancienne figure dans les écrits du jésuite Jacques Vignier (1603-1669), qui signale avoir vu le monument en 16522. Il rapporte qu’il a été découvert à l’embranchement des voies romaines de Lyon et Autun, à proximité de l’église actuelle, sur le territoire de la commune de Saints-Geosmes, et le désigne par le terme de piédestal. Vignier pense qu’il supportait une statue de Bacchus en raison du décor de ceps de vigne et de la proximité du passage d’une voie romaine se dirigeant vers les vignobles du Montsaugeonnais (VIGNIER, 1891, I, p. 223-224).

  • 3 Sur le contexte archéologique, THÉVENARD, 1997, p. 301-304.

4La commune de Saints-Geosmes est aux portes de Langres : elle prolonge au sud l’éperon langrois escarpé sur ses trois autres faces et occupe donc une position d’accès privilégiée au chef-lieu des Lingons, ce qui explique qu’un dense réseau viaire romain la parcourt. L’église se trouve ainsi à quelques dizaines de mètres au sud de l’embranchement des voies de Langres vers Lyon et de Langres vers Autun, non loin de la voie de Langres à Besançon. Cette situation dans le suburbium de la ville antique explique également la découverte répétée de sépultures sur son territoire ainsi que les indices d’un très probable sanctuaire à Mars et Bellone3. Ces fonctions cultuelles et funéraires sont confortées pendant l’Antiquité tardive par l’arrivée de reliques importées de Cappadoce, celles de trois « saints jumeaux », attestées à Saints-Geosmes dès le ve siècle. Au haut Moyen Âge, une basilique paléochrétienne indissociable d’une vaste nécropole est attestée par les sources écrites et archéologiques.

  • 4 Nous tenons à adresser toute notre gratitude à Christian Sapin, directeur de recherche au CNRS, pou (...)

5Les investigations menées sur le site dès 1860 par l’architecte Henri Brocard (1822-1903) de la Société historique et archéologique de Langres permettent le dégagement d’une crypte sous le sol de l’église actuelle. La fouille du sanctuaire est reprise à partir de 1985 par Christian Sapin ; elle permet le relevé précis du massif oriental de la crypte et affine la chronologie des remaniements du site depuis l’époque paléochrétienne jusqu’à la première moitié du XIe siècle. C’est au cours de ces recherches qu’un fragment du couronnement du bloc est mis au jour (fig. 2). Dégagé au chevet de la crypte, dans des couches de destruction scellées par les travaux de construction de l’église du XIIIe siècle4, il vient préciser le lieu de découverte du monument mais également assurer sa présence ancienne sur le site de Saints-Geosmes, contredisant ainsi les hypothèses qui voyaient dans ce monument une production de la Renaissance (GARNIER, 1968, p. 378-379) ou encore un cadeau diplomatique entre dignitaires ecclésiastiques de l’époque moderne.

Fig. 2. Fragment du couronnement mis au jour en 1987 lors des fouilles de l’église de Saints-Geosmes (A. Vaillant).

Fig. 2. Fragment du couronnement mis au jour en 1987 lors des fouilles de l’église de Saints-Geosmes (A. Vaillant).
  • 5 Documentation consultable dans le dossier d’œuvre conservé au Musée d’art et d’histoire de Langres.

6La découverte récente d’un fragment pose la question de l’état du monument au moment de son invention. On doit également à Vignier (vers 1670) la plus ancienne figuration connue du monument (fig. 3). Son dessin révèle une œuvre marquée par plusieurs lacunes, un état confirmé par le constat dressé par Emmanuel Desroches, restaurateur lapidaire, lors du nettoyage et la restauration de l’autel en 19955. Selon toute vraisemblance, l’antique aurait été retrouvé cassé en trois fragments principaux, les cassures couvertes de concrétions calcaires attestant l’ancienneté de ce bris. Son remontage avait été réalisé par la pose d’une dizaine de goujons en fer scellés au plâtre. Préalablement, les plans de cassure avaient été bûchés pour éliminer les concrétions calcaires les plus importantes afin de rendre possible l’accroche entre les fragments. Aujourd’hui, il demeure une lacune en partie basse du bloc, deux autres plus importantes en partie supérieure, au niveau du couronnement et du décor. L’une d’elles est en partie comblée par le fragment découvert en 1987. Réintégré en 2012 par Jean Delivré, restaurateur lapidaire de Troyes, il permet de constater un décalage de quelques millimètres entre le plan supérieur du fragment et celui du piédestal : le lit d’attente a manifestement été minutieusement poli après sa découverte. Dans le détail, le monument est parsemé de traces de chocs, les moulures sont épaufrées, les reliefs localement très usés ; les concrétions sont nombreuses, et n’ont pas été éliminées lors de la restauration par respect pour l’histoire de l’œuvre, mais seulement atténuées afin de permettre une meilleure lecture de son décor.

Fig. 3. Le monument dessiné par Vignier, vers 1670.

Fig. 3. Le monument dessiné par Vignier, vers 1670.
  • 6 Qualifiée d’autel destiné « aux payens pour les libations » par CHARLET, ms, p. 70, la dalle, d’app (...)
  • 7 « Vase circulaire dont le rebord supérieur était orné, sur son pourtour, d’ornements sculptés et qu (...)
  • 8 Langres, Musée d’Art et d’Histoire, inv. 847.10.
  • 9 Château-musée de l’Arkhangelskoié, Fédération de Russie.
  • 10 Pour l’analyse de la statue dite du Togatus notamment, voir VAILLANT, MALIGORNE, 2015, p. 486.

7Après sa découverte, le monument est placé auprès du « grand chandelier » (VIGNIER, 1891, p. 223), dans le chœur de l’église des Trois-Jumeaux de Saints-Geosmes, avec d’autres antiques dont une dalle de marbre6 et un chapiteau gallo-romain du même matériau7. Sa découverte ne passe alors pas inaperçue dans le cercle des antiquaires et lettrés langrois du XVIIe siècle. Selon André Garnier, le monument est reproduit par le peintre langrois Jean Tassel (1608-1667) dans son tableau Mucius Scaevola devant Porsenna composé aux alentours des années 1650 (GARNIER, 1968, p. 378-379). La toile présente effectivement un autel circulaire enflammé orné de mufles au premier plan de la scène (fig. 4), mais les bucranes sont remplacés par des têtes de béliers et les guirlandes de fruits par une étoffe sur laquelle on imagine une inscription aujourd’hui effacée. Si la filiation nous paraît lointaine et sujette à caution, il faut quand même noter l’existence de deux autres peintures de Tassel figurant un monument du même type : le Martyre de sainte Martine8, daté de 1663, sur lequel l’antique est visible au fond à droite de la composition et sert de socle à une divinité païenne ; Le sacrifice d’Iphigénie9, daté des alentours de 1655, où l’autel enflammé se détache à droite de la scène. Sur ces deux peintures, le monument circulaire est également orné de guirlandes. Tassel a fait le voyage en Italie pour parfaire sa formation artistique. Il a pu croiser des exemples de piédestaux lors de ce voyage, mais on sait également que l’artiste ne néglige pas les antiquités langroises pour lesquelles son analyse est sollicitée10. Qu’il ait vu cet antique dans l’église de Saints-Geosmes et s’en soit inspiré est tout à fait possible (RONOT, 1990, p. 298-299).

Fig. 4. Jean Tassel, Mucius Scaevola devant Porsenna, vers 1650, exposé dans la Maison des Lumières Denis Diderot, à Langres.

Fig. 4. Jean Tassel, Mucius Scaevola devant Porsenna, vers 1650, exposé dans la Maison des Lumières Denis Diderot, à Langres.
  • 11 Lettre de Jean-Baptiste Charlet à Bernard de Montfaucon du 27 mars 1714, dans Correspondance de Dom (...)
  • 12 Manuscrit probablement perdu dans l’incendie de l’Hôtel de Ville de Langres en 1892 lors duquel tou (...)

8Exposé dans le chœur de l’église paroissiale pendant près d’un siècle et demi, le bloc est systématiquement retenu par les recueils d’antiquités langroises. Jean-Baptiste Charlet (1650/1651-1720), chanoine de Grancey, le dessine à son tour en 1700 (CHARLET, 1700, p. 71). Il juge le monument d’un « excellent ouvrage », le désigne comme étant un autel et pense qu’il servait à brûler des parfums en l’honneur de Bacchus ou Cérès. Il fait parvenir une copie manuscrite de son recueil à Bernard de Montfaucon11 (1655-1741), mais le moine bénédictin n’intègre pas le monument à son Antiquité expliquée renfermant pourtant de nombreuses antiquités langroises. En 1726, les dessins de Charlet sont recopiés dans un répertoire, toujours manuscrit, dressé par C. André12. Il s’agit d’une commande des édiles municipaux de Langres, connue par le biais de copies du XVIIIe siècle et du début du siècle suivant (Bibliothèque de la Société historique et archéologique de Langres, ms 43, n.p. et ms 117, p. 7 ; Bibliothèque diocésaine de Langres, ms 16, p. 17).

9On suppose que Marie-Guillaume Guyot (1736-1799) est à l’origine de la transmission du manuscrit de Charlet (ou l’une de ses copies) au Comte de Caylus (1692-1765 ; MARCEL, 1917, p. 286). Guyot est seigneur de Saint-Michel et de Verseilles, avocat du roi au baillage et siège présidial de Langres, maire de Langres de 1787 à 1789 ; il collectionne les antiques langrois dans son cabinet de curiosités et correspond avec Caylus qui exploite abondamment les données de Charlet dans son Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises (1752-1767). L’auteur fait exécuter un dessin de l’autel « restauré » et sans lacune (PINON, 2002, p. 114), qu’il publie dans le volume III de son recueil (CAYLUS, 1759, p. 423, I et pl. CXVII, I) accompagné de ce commentaire : « L’autel de marbre blanc & d’une forme ronde, que présente ce numéro, est riche & de bon goût. Les pampres, dont il est en quelque façon couvert, prouvent qu’il était dédié & consacré à Bacchus ».

10Durant la Révolution, l’autel échappe aux iconoclastes alors que les autres antiques conservés dans l’église de Saints-Geosmes sont détruits. Le monument réapparaît ensuite dans le cabinet de curiosités de Marie-Guillaume Guyot (MARCEL, 1917, p. 286) : il n’est pas décrit dans le catalogue publié en 1785 (MORELET, 1785), et il entre probablement dans ses collections en 1793, lorsque l’église de Saints-Geosmes est transformée en dépôt et vidée de ses trésors (Abbé FAVREL, ms, p. 161).

  • 13 Collectif, Registre des délibérations de la Société historique et archéologique de Langres, Manuscr (...)
  • 14 Collectif, « Séance du 23 novembre 1836 », dans le Registre des délibérations du conseil municipal (...)
  • 15 Note de l’entrepreneur GARLOT-ROZOTTE, dans le dossier « Comptes SHAL 1842-1859 », Bibliothèque de (...)

11Pierre Guyot de Giey (1771-1844) hérite du monument au décès de son père. Dès 1835, il prend le parti d’en faire don à la ville de Langres, poussé par le souci de constituer une collection publique réunissant les vestiges du passé découverts sur le sol langrois et dans sa région. Il est remercié par le conseil municipal le 11 avril 1835 qui place l’antique dans une buanderie de l’Hôtel de Ville (Hôtel de ville de Langes, ms, 1837, f. 55 avers). Parallèlement, la volonté de créer un musée à Langres se renforce. Une poignée d’érudits fonde la Société archéologique langroise le 21 mai 1836, future Société historique et archéologique de Langres, dont l’objet est de « préserver de l’oubli les monuments antiques dont le sol Langrois est parsemé, en les faisant reproduire par le dessin & en les recueillant au profit de la Ville de Langres » (Bibliothèque de la Société historique et archéologique de Langres, ms, 1836, p. 3)13. La société souhaite faire du chœur d’une chapelle désaffectée un écrin pour les collections lapidaires. La chapelle Saint-Didier, propriété municipale, n'est plus consacrée au culte depuis la Révolution : elle abrite un corps de garde, un dépôt de blé, les pompes à incendie, l’école de dessin (SAINT-FERJEUX, 1891) et risque à tout moment d’être transformée en marché couvert (Hôtel de ville de Langres, ms, 1837, f. 122 verso)14. Pour arriver à ses fins, la société fait imprimer cent cinquante exemplaires d’une lithographie figurant la chapelle Saint-Didier transformée en musée lapidaire. Parmi les antiques figurés sur ce projet, l’autel de Bacchus est au centre de la composition. En juin 1838, la société obtient enfin l’accord officieux de la municipalité pour déposer des collections dans la chapelle (Collectif, 1847, p. III). Cependant, l’état préoccupant des voûtes empêche le rapatriement d’œuvres considérées comme majeures, parmi lesquelles notre monument (LUQUET, 1838). Il faut attendre le 2 décembre 1842 pour qu’il fasse enfin son entrée dans les collections du musée15 et soit installé au milieu du bras nord du transept de la chapelle.

  • 16 Citons dans l’ordre PISTOLLET de SAINT-FERJEUX, 1836, p. 293 ; LUQUET, 1838, p. 453-454 ; BROCARD, (...)

12L’antique devient dès lors une des pièces emblématiques des collections. Il ouvre avec le numéro 1 le premier catalogue des collections de la Société historique et archéologique publié en 1847 (Collectif, 1847, p. X) et apparaît sur une planche d’un des volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (TAYLOR, NODIER, 1857, n.p.). Quelques notices lui sont consacrées mais les différents auteurs se contentent de rapporter les observations de Vignier sans apporter d’éléments nouveaux au dossier16. L’inscription du monument à l’inventaire des bas-reliefs de la Gaule romaine d’Émile Espérandieu (1911, n° 3341, p. 319) est suivie quelques années plus tard de la publication d’un article très fouillé de Louis Marcel consacré à Pierre Guyot de Giey et ses collections. Les trois pages consacrées au monument forment la synthèse la plus complète dédiée à l’antique jusqu’à aujourd’hui (MARCEL, 1917, p. 285-287). Après avoir été longtemps exposé dans le Musée d’art et d’histoire, il a désormais pris place au rez-de-chaussée de la Maison des Lumières Denis Diderot.

II. Un monument circulaire abondamment orné

13Plusieurs gros éclats manquent dans la partie supérieure du monument, qui ont emporté le lit d’attente, le couronnement et une partie du décor. Des traces de restauration apparaissent, sous forme de trous de scellement ; quelques éclats manquent à la base, dont un plus important. Le monument est recomposé à partir de sept fragments. Une photo du début du XXe s., tirée des archives Espérandieu (fig. 5), montre le bloc fortement restauré, en particulier pour la base et le couronnement ; il a depuis subi une dérestauration qui a fait disparaître les parties restituées. Il est haut de 86,8 cm, dont 5,2 cm pour la base et 8,5 cm pour le couronnement ; le diamètre supérieur est de 49,5 cm.

Fig. 5. Le monument au début du XXe s. (archives Espérandieu).

Fig. 5. Le monument au début du XXe s. (archives Espérandieu).

14La mouluration de base, lisse, se compose de deux tores de diamètre différent – celui du bas est un peu raide – séparés par un listel, une doucine renversée et une scotie ; le corps de l’autel se raccorde à la base par l’intermédiaire d’un congé et d’un listel (fig. 6). Le couronnement est lui aussi lisse ; il est composé d’un talon, d’un filet et d’une doucine, laquelle devait être couronnée par un petit bandeau (fig. 7).

Fig. 6. La base du monument (Y. Maligorne).

Fig. 6. La base du monument (Y. Maligorne).

Fig. 7. Le couronnement du monument (Y. Maligorne).

Fig. 7. Le couronnement du monument (Y. Maligorne).
  • 17 TURCAN, 1971, p. 92, retient deux termes pour désigner plus précisément les guirlandes, « soit la t (...)

15Le corps du monument est orné de trois lourdes guirlandes17 accrochées par des bandeaux de tissu (taeniae) aux cornes de trois bucranes fixés très haut (cf. fig. 1, a-c). L’état de conservation des guirlandes varie : l’une est presque intacte (fig. 8, a), une autre ne souffre que de légères épaufrures (fig. 8, b), quand la dernière est très endommagée (fig. 8, c). Les bucranes, très allongés, sont complètement décharnés, à ceci près que l’os maxillaire semble masqué par la langue. Deux présentent un modelé plutôt raide (fig. 9, a et b), le troisième étant plus souple ; il est le seul, de surcroît, qui soit pourvu de cavités (fig. 9, c). Les orbites, proéminentes, sont creuses ; les cornes, plutôt courtes, sont situées dans le prolongement du sommet du crâne, à peine bombé ; de façon générale, les surfaces sont faiblement animées.

16Dépourvues de manchons aux extrémités, les guirlandes sont constituées de fruits, de feuilles et d’épis, mais ne laissent aucune place à des fleurs. Elles offrent quelques points communs remarquables : leur point bas est occupé par une ample feuille de vigne, platement traitée et étalée sur des grappes de raisin ; cette feuille est surmontée par des épis. De part et d’autre de ces compositions axiales récurrentes, l’arrangement est plus varié : on observe des fruits comestibles parfois difficiles à identifier – des figues, des grenades, des noisettes entièrement recouvertes de leur enveloppe foliacée, peut-être des pommes et un coing –, des glands posés sur des feuilles de chêne dans la partie supérieure de deux encarpes, des pommes de pin sur deux guirlandes. Les fruits l’emportent très nettement sur les feuilles et les épis.

Fig. 8. a-c. Les trois guirlandes (Y. Maligorne).

Fig. 8. a-c. Les trois guirlandes (Y. Maligorne).

Fig. 9. a-c. Les trois bucranes (Y. Maligorne).

Fig. 9. a-c. Les trois bucranes (Y. Maligorne).

17Les bandeaux de tissu jouent un grand rôle dans un décor dont la cohérence structurelle n’est pas facile à saisir. Les guirlandes sont enveloppées de façon assez lâche par des rubans, visibles à quatre reprises sur chaque feston ; c’est leur extrémité munie d’un petit appendice allongé – terminaison traditionnelle des taeniae – qui retombe mollement de part et d’autre de chaque bucrane. Les rubans qui servent à la fixation des guirlandes assument un rôle décoratif prononcé : dans la partie supérieure du monument, à un emplacement où l’on observe fréquemment des patères, des masques, voire des scènes figurées, deux bandeaux affrontés meublent la concavité du feston en constituant un motif lyriforme ; l’extrémité des rubans, bifide, s’achève par de petits boutons et s’enroule en délicates volutes qui évoquent à dessein les vrilles de la vigne (fig. 8). Enfin, une autre bande de tissu, qui peut être désignée comme une infula, plus étroite et repliée sur elle-même, ceint le front de chaque bucrane ; elle est nouée derrière la tête, formant deux petites boucles, et ses terminaisons ne sont pas visibles (fig. 1, b et 9).

18La moitié inférieure du corps du monument est ornée de pampres, lesquels surgissent des guirlandes auxquelles ils sont attachés par les vittae qui ceinturent ces mêmes guirlandes (fig. 1). Les rameaux de vigne se divisent rapidement en deux sections : l’une continue son parcours dans la même direction et vient croiser, sous le feston, une section du rameau issue de l’autre extrémité de la guirlande ; l’autre diverge pour croiser, sous un bucrane, une section d’un rameau issu de la guirlande adjacente. Ces douze rameaux dont le relief s’estompe progressivement pour se réduire à une très fine gravure génèrent des grappes, des feuilles et de fines tiges, toutes traitées en très bas relief. Les feuilles de vigne comportent trois folioles à quatre ou cinq digitations ; elles sont animées par de fines nervures et un modelé subtil, introduit par de souples concavités sur chaque foliole.

III. Une production italienne du milieu ou du troisième quart du ier s.

  • 18 YAVIS, 1949, p. 148-152 ; STEPHAN, 1931 ; FRASER, 1977, p. 25-33 et fig. 64-91 ; COUILLOUD, 1974, p (...)
  • 19 STEPHAN, 1931, p. 70 et CHAISEMARTIN, 2019, p. 16-19. Sur le monument de Langres, la présence de gr (...)
  • 20 GABELMANN, 1968 ; HONROTH, 1971 ; VON HESBERG, 1981.
  • 21 Pour la péninsule Ibérique, voir GAMER, 1989, p. 126-128 et pl. 145-147. Pour les Gaules, voir infr (...)

19De très nombreux exemplaires de ces monuments circulaires ornés de guirlandes – autels funéraires ou votifs, mais aussi margelles de puits et bases – sont connus dans le bassin méditerranéen, et d’abord dans le monde grec oriental, où ils sont apparus durant la période hellénistique18. Les autels circulaires ornés de guirlandes suspendues à des bucranes apparaissent dans les îles de l’Égée orientale au tournant des IIIe et IIe s. avant notre ère, mais il faut attendre le IIe s. pour que soient créées, aux côtés des guirlandes de feuilles, des guirlandes de fruits19. Le type est bien représenté à Rome et en Italie, à l’époque tardo-républicaine et au début de la période impériale, par des monuments importés d’Asie Mineure et de Grèce continentale, des productions d’artisans italiens, et sans doute aussi des monuments produits par des artisans grecs installés dans la péninsule20. Aucun bilan ne permet encore d’évaluer la diffusion du type dans les provinces occidentales de l’Empire, mais elle y semble beaucoup plus parcimonieuse21.

  • 22 Nous remercions Dominique Tardy (IRAA, CNRS) d’avoir attiré notre attention sur ce point.

20Plusieurs critères s’offrent à nous pour dater le monument de Langres et le situer dans ces séries foisonnantes. Avant d’en entamer l’examen et de montrer que la plupart de ses composantes peuvent être inscrites dans des séries étoffées, il convient de préciser que sa syntaxe ne manque pas d’originalité : l’association et la superposition de guirlandes de rameaux croisées est en effet exceptionnelle, les deux motifs, de forme voisine, étant généralement employés à l’exclusion l’un de l’autre ; il faudra en tenir compte dans l’interprétation du monument22.

  • 23 Honroth, 1971 ; voir encore BOSCHUNG, 1987 : les exemples sont nettement moins fréquents après l’ép (...)
  • 24 Ce monument modeste offre une remarquable synthèse des vecteurs iconographiques des grands thèmes i (...)

21Le premier critère de datation exploitable est la typologie des bucranes : les recensements de M. Honroth montrent que le type décharné apparaît pour la première fois dans le monde romain au milieu du Ier s. avant notre ère, pour décliner fortement – sans pour autant disparaître – à partir de l’époque claudienne, après laquelle il est supplanté par d’autres types de supports23. Les supports des guirlandes de l’ara Pacis constituent une étape importante dans la diffusion de ce type ; des monuments retrouvés en Narbonnaise mais de facture urbaine l’ont relayé dans les provinces gauloises : nous pensons en particulier à l’autel de la Paix de Narbonne24, et, dans la même ville, à une magnifique frise de guirlandes (JANON, 2002, p. 150), qui rencontre des parallèles étroits à Nîmes. Malgré l’abondance du fonds documentaire, il est difficile de proposer des parallèles exacts aux bucranes de Langres, qui se caractérisent par une faible animation des surfaces, avec très peu d’indications à caractère anatomique et des cornes courtes. A. Ambrogi (1990, p. 178 avec n. 111, pl. 48-1) a toutefois attiré l’attention sur des bucranes dépourvus d’animation plastique dès l’époque augustéenne, et D. Boschung (1987, n° 848, p. 108 et pl. 44) a publié un autel funéraire urbain d’époque tibérienne dont les bucranes présentent des cornes très courtes.

  • 25 Les autels funéraires étudiés par D. Boschung en fournissent maints exemples : si les exemples augu (...)

22Il faut attendre la période augustéenne pour voir taeniae et infulae assumer une fonction ornementale et meubler l’espace de leurs ondulations au lieu de tomber de façon rigide de part et d’autre des supports des guirlandes, comme c’était le cas à l’époque républicaine (HONROTH, 1971, p. 69). L’ara Pacis Augustae (13-9 avant notre ère) en constitue le plus bel exemple, et peut-être le plus précoce (ZANKER, 2007, fig. 96, p. 118) ; un autre parallèle nous est offert par l’autel funéraire tardo-augustéen ou tibérien de Iulia Panthea, conservé au Vatican : ici comme à Langres, les bandeaux meublent la concavité des guirlandes (HONROTH, 1971, n° 17, p. 18-19 et 73, pl. III.1 ; BOSCHUNG, 1987, n° 767, pl. 32). Mais si ce type de dispositif est particulièrement bien attesté durant toute la première moitié du Ier s., on en connaît des exemples jusqu’au début du IIe s.25.

  • 26 AMBROGI, 1990, p. 176-177. Pour la chronologie, l’auteur note que le thème est « molto diffuso dall (...)
  • 27 Le meilleur exemple nous est offert par la frise d’entablement du temple urbain d’Apollo in circo, (...)
  • 28 Par exemple LIPPOLD, 1956, pl. 25 (n° 271b), 49 (n° 623), 51 (n° 13), 67 (n° 61), 147 (n° 70).
  • 29 GIBELLI de PAOLIS, 1973, n. 44, p. 318, qui s’appuie sur un autel d’Oderzo, depuis lors publié : vo (...)

23Les rameaux croisés jouissent d’une faveur particulière durant la première moitié du Ier s., mais sont employés jusqu’à la période flavienne26. Ils sont fréquents sur les frises27 et sur des supports rectangulaires, bases, urnes, autels28 (fig. 10). Un exemple très connu nous est fourni par une base augustéenne conservée au Musée national romain et qui provient d’un petit monoptère découvert au bord du Tibre, dans lequel était exposée une statue d’Hercule ; sa face antérieure est ornée de deux rameaux de platane croisés et liés au-dessus desquels se trouve un bucrane décharné voisin de ceux de Langres (HESBERG, 2005, p. 104 et fig. 3). Ces rameaux croisés se répandent sur les autels, bases et margelles circulaires à partir de l’époque augustéenne29. Le Musée archéologique de Naples en conserve deux exemplaires parmi les plus précoces : au puteale publié par G. Rocco (2012, p. 8 et fig. 17), on ajoutera celui de la villa des Papiri (MOESCH, 2009, n° 72, p. 134-135, ici fig. 11) ; les rameaux constituent leur seule décoration végétale, comme c’est le cas, en Narbonnaise, sur un autel découvert à Ruscino (ESPÉRANDIEU, I, n° 819).

Fig. 10. Relief provenant d’un monument funéraire d’Amelia et conservé au museo civico d’Amelia, Ombrie, Italie (Y. Maligorne).

Fig. 10. Relief provenant d’un monument funéraire d’Amelia et conservé au museo civico d’Amelia, Ombrie, Italie (Y. Maligorne).

Fig. 11. Puteale de la villa des Papyri, musée archéologique national de Naples (Y. Maligorne).

Fig. 11. Puteale de la villa des Papyri, musée archéologique national de Naples (Y. Maligorne).

24Deux rameaux d’olivier se croisent sur un autel à bustes et guirlandes d’Oderzo, daté du début du Ier s. (BAGGIO et alii, 1976, p. 64-68), et deux rameaux de vigne figurent sous une guirlande sur un autel funéraire de Brescia, production locale en calcaire datée de la période claudienne (GABELMANN, 1968, p. 102 et pl. 24.1-2 ; GIBELLI de PAOLIS, 1973, p. 317-319). C’est là le seul autre exemple que nous ayons rencontré de l’association étroite de guirlandes et de rameaux.

  • 30 Pour les différences stylistiques dans le traitement des guirlandes des Ier s. av. n.è.-Ier s. de n (...)
  • 31 Voir BOSCHUNG, 1987, n° 648 (pl. 16 : début du règne de Néron) et 651 (pl. 17 : fin Néron-début Fla (...)

25Les éléments pris en compte jusqu’ici (bucranes, rôle décoratif des taeniae et rameaux croisés) mettent en valeur l’importance des modèles augustéens, qui cependant connaissent souvent un emploi prolongé. C’est donc des guirlandes elles-mêmes que l’on doit attendre les données les plus fermes. Une nouvelle fois, plusieurs éléments renvoient à la première moitié du Ier s. : l’absence, aux extrémités, de ces manchons dont l’usage se répand très largement au milieu du Ier s. (JANON, 2002, p. 157) ; les vittae enserrant les guirlandes, qui renvoient à une tradition hellénistique et sont reprises par Rome à l’époque tardo-républicaine et au début de l’Empire (AMBROGI, 1990, n. 137, p. 182). Mais la composition végétale désigne peut-être une datation un peu plus tardive. Fruits, feuilles et épis sont nettement individualisés, en particulier grâce à un usage du trépan qui a permis d’en dégager clairement les contours, sans que ses traces soient destinées à rester visibles. Le relief est assez animé, et l’on observe dans les sections les mieux conservées un étagement des plans, discret mais réel30. Le contour des guirlandes est plutôt net, mais des feuilles et des épis en débordent pour s’appuyer sur le fond lisse, moins largement et de façon beaucoup moins subtile que sur les meilleures productions augustéennes. Sur le plan stylistique, ce sont des productions du troisième quart du Ier s. qui nous semblent offrir les parallèles les plus pertinents, avec leurs guirlandes hémicylindriques dont ne débordent sur le fond que quelques feuilles courtes31.

  • 32 En dernier lieu, DARBLADE-AUDOIN, 2006, n° 335-336, p. 113-115 et pl. 122-124.
  • 33 Voir surtout FRASER, 1977, p. 25-33, avec les notes p. 106-119. Les notes et les illustrations, trè (...)
  • 34 Pour la définition et la répartition des différentes variantes, voir SHOE-MERITT, 1969, p. 186-204, (...)

26Il s’agit selon toute vraisemblance d’une œuvre importée ou réalisée par des marbriers étrangers : les monuments circulaires marmoréens semblent peu nombreux en Gaule, puisqu’à l’exemplaire de Ruscino que nous venons de signaler ne peuvent être ajoutés que deux autels lyonnais, eux aussi importés32. Une analyse du marbre aurait pu nous fournir des informations sur l’origine du bloc, mais tous les parallèles allégués convergent pour désigner une production italienne : on insistera en particulier sur le traitement à tendance naturaliste des bucranes, qui se distingue nettement des traditions du monde grec (GIBELLI de PAOLIS, 1973, p. 305), et sur les pampres croisés, dont nous n’avons rencontré aucun exemple sur les pourtant très nombreux autels circulaires du monde grec33. Il est un détail qui, sans être décisif, ne saurait être négligé : la modénature inférieure du monument reproduit manifestement une base d’ordre ionique ; or c’est la variante occidentale qui a été choisie, celle qui s’est développée en Italie à l’époque républicaine et a été diffusée dans toute la partie occidentale de l’Empire, au détriment de la variante attique, répandue dans l’est de l’Empire34.

  • 35 TURCAN, 1971, p. 116. Voir dans le même sens SABLAYROLLES, 1977, p. 1128, qui, évoquant un des type (...)
  • 36 Pour ces guirlandes constituées d’essences et d’espèces n’arrivant pas à maturité au même moment, v (...)
  • 37 Sur les difficultés d’identification des monuments circulaires à guirlandes, voir HERMANN, 1961, p. (...)
  • 38 Nous devons la remarque à Dominique Tardy (IRAA, CNRS). Le seul parallèle connu de nous de ce profi (...)

27Réagissant à une remarque que É. Espérandieu formulait précisément sur le monument de Langres, R. Turcan a mis en garde contre une attribution trop systématique de ce type de monument orné de guirlandes au culte de Dionysos. Le savant remarquait que, « en règle générale, la guirlande de laurier orne les autels apolliniens, la guirlande de fruits des autels dédiés aux déités de la terre et de la fécondité (Cérès, Dionysos, Sabazios, Silvain ou Priape) »35. Si la variété des fruits et des essences qui composent les guirlandes de Langres renvoie à la notion d’abondance et aux richesses de la terre36, force est de constater la prééminence de la vigne : ce sont ses fruits et ses feuilles qui occupent le centre de chaque guirlande et en constituent les seuls éléments communs ; ce sont ses pampres qui tapissent toute la partie inférieure du monument, enrichissant de façon inhabituelle le discours figuré ; c’est à ses vrilles, enfin, que font allusion les délicates volutes qui terminent les taeniae. Un lien étroit avec Dionysos apparaît à tout le moins vraisemblable. Ce monument avait-il une valeur proprement cultuelle et recevait-il des sacrifices ? Les bucranes renvoient certes à l’offrande sacrificielle, et les guirlandes au décor des monuments sacrés les jours de fête, mais cette iconographie s’est imposée sur de nombreux supports. Le lit supérieur du monument de Langres est lisse et dépourvu de focus37. On remarquera que le profil de la base est tout à fait exceptionnel et emprunte aux éléments d’architecture plutôt qu’aux monuments sacrificiels38. Nous sommes aussi privés des informations qu’aurait pu nous fournir le contexte ; le monument pouvait appartenir au mobilier d’une riche domus et contribuer à l’évocation d’une thématique dionysiaque qui domine bien des jardins de péristyles. Quelle que fût sa fonction précise, autel ou base, voire support de table dans un triclinium, comme les exemplaires peints de l’édifice de Moregine (fig. 12), près de Pompéi, le monument permet d’inscrire son commanditaire dans une « ambiance » culturelle particulière : il avait accès à des productions artisanales de niveau élevé, mal représentées dans les Trois Gaules.

Fig. 12. Une base cylindrique peinte provenant du monument de Moregine, Campanie, Italie (Y. Maligorne).

Fig. 12. Une base cylindrique peinte provenant du monument de Moregine, Campanie, Italie (Y. Maligorne).
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Notes

1 Inventaire R2006.1.239. Le bloc est inédit.

2 Gaultherot (vers 1570-1657) consacre quelques lignes aux découvertes réalisées sur le site de l’ancien presbytère de Saints-Geosmes. S’il mentionne « des morceaux considérables en marbre blanc », il ne cite pas clairement le monument : GAULTHEROT, 1649, p. 68.

3 Sur le contexte archéologique, THÉVENARD, 1997, p. 301-304.

4 Nous tenons à adresser toute notre gratitude à Christian Sapin, directeur de recherche au CNRS, pour nous avoir précisé le contexte de découverte de ce précieux fragment.

5 Documentation consultable dans le dossier d’œuvre conservé au Musée d’art et d’histoire de Langres.

6 Qualifiée d’autel destiné « aux payens pour les libations » par CHARLET, ms, p. 70, la dalle, d’approximativement 195 cm de longueur pour 130 cm de largeur et 21 cm d’épaisseur, est détruite lors de la Révolution.

7 « Vase circulaire dont le rebord supérieur était orné, sur son pourtour, d’ornements sculptés et qui servait de fonts baptismaux » pour VIGNIER, vers 1670, p. 85. Le chapiteau a été retourné et creusé à la manière d’une margelle de puits, son décor a été complètement bûché, seule une couronne de feuilles d’acanthe subsiste. Conservé dans les réserves des Musées de Langres, il mesure 52 cm de hauteur et 68 à 82 cm de diamètre (inv. R.2006.1.239).

8 Langres, Musée d’Art et d’Histoire, inv. 847.10.

9 Château-musée de l’Arkhangelskoié, Fédération de Russie.

10 Pour l’analyse de la statue dite du Togatus notamment, voir VAILLANT, MALIGORNE, 2015, p. 486.

11 Lettre de Jean-Baptiste Charlet à Bernard de Montfaucon du 27 mars 1714, dans Correspondance de Dom Bernard de Montfaucon (1655-1741), T. IV : Correspondance passive par ordre alphabétique (Calmet - Cosimo), Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits, inv. Français 17704, f. 107r à 114v.

12 Manuscrit probablement perdu dans l’incendie de l’Hôtel de Ville de Langres en 1892 lors duquel toutes les archives municipales et la bibliothèque ont disparu.

13 Collectif, Registre des délibérations de la Société historique et archéologique de Langres, Manuscrit conservé à la bibliothèque de la Société Historique et Archéologique de Langres, T. I, 1836, p. 3.

14 Collectif, « Séance du 23 novembre 1836 », dans le Registre des délibérations du conseil municipal du 6 août 1833 au 25 août 1837, Manuscrit conservé à l’hôtel de ville de Langres, f. 122 verso.

15 Note de l’entrepreneur GARLOT-ROZOTTE, dans le dossier « Comptes SHAL 1842-1859 », Bibliothèque de la Société historique et archéologique de Langres. Il porte le numéro d’inventaire 843.1.34.

16 Citons dans l’ordre PISTOLLET de SAINT-FERJEUX, 1836, p. 293 ; LUQUET, 1838, p. 453-454 ; BROCARD, 1864, p. 62.

17 TURCAN, 1971, p. 92, retient deux termes pour désigner plus précisément les guirlandes, « soit la tresse de feuillage ou de fleurs, ou des deux à la fois, soit [le] chapelet de fleurs et de fruits variées, dont les extrémités sont serrées chacune dans un calice de feuillage ». GUILLAUME-COIRIER, 1998, n. 1, p. 3, retient le sens traditionnel d’encarpe : « une composition de fruits, feuilles et fleurs mêlés ». Les compositions de Langres, dont les fleurs sont absentes, ne répondent manifestement à aucune de ces définitions, ce pour quoi nous nous en tenons prudemment aux termes neutres de guirlandes et festons.

18 YAVIS, 1949, p. 148-152 ; STEPHAN, 1931 ; FRASER, 1977, p. 25-33 et fig. 64-91 ; COUILLOUD, 1974, p. 219-222, pl. 85-88.

19 STEPHAN, 1931, p. 70 et CHAISEMARTIN, 2019, p. 16-19. Sur le monument de Langres, la présence de grappes de raisin et d’une feuille de vigne au point le plus bas des guirlandes rappelle le groupe des Traubengirlande, qui se répand à partir du milieu du IIe s. a.C., principalement à Délos, mais encore à Rhodes, Cos et Halicarnasse, et dont on retrouve l’écho sur les sarcophages d’époque impériale ; cependant, dans ces séries, les grappes sont situées sous les guirlandes, dont elles se détachent entièrement (STEPHAN, 1931, p. 40-42).

20 GABELMANN, 1968 ; HONROTH, 1971 ; VON HESBERG, 1981.

21 Pour la péninsule Ibérique, voir GAMER, 1989, p. 126-128 et pl. 145-147. Pour les Gaules, voir infra.

22 Nous remercions Dominique Tardy (IRAA, CNRS) d’avoir attiré notre attention sur ce point.

23 Honroth, 1971 ; voir encore BOSCHUNG, 1987 : les exemples sont nettement moins fréquents après l’époque julio-claudienne.

24 Ce monument modeste offre une remarquable synthèse des vecteurs iconographiques des grands thèmes idéologiques du principat, en rappelant en particulier tous les honneurs dont le Sénat gratifia le princeps en 27 a.C. Les deux faces latérales sont ornées d’un laurier – allusion aux deux lauriers qui encadrèrent la porte de la maison d’Auguste –, la face postérieure, de la guirlande et des bucranes déjà mentionnés, citation claire de l’ara Pacis, comme le prouve la dédicace Pacis Augustae de la face principale, encadrée par une corona civica et gravée sur une surface bombée qui évoque sans nul doute le clipeus virtutis.

25 Les autels funéraires étudiés par D. Boschung en fournissent maints exemples : si les exemples augustéens et julio-claudiens sont abondants (BOSCHUNG, 1987, nos 638, 641, 643, 644, 645, 646, 677, 679, 701, 702, 704, 705, 735, 767, 768, 772, 773, 848, 914, 964), les exemples flaviens ne sont pas rares (nos 652, 663, 680, 688, 692, 693, 970, 651, 719, 721, 732, 753, 755, 765, 777), et quelques occurrences se rattachent au début du IIe s. (nos 660, 733).

26 AMBROGI, 1990, p. 176-177. Pour la chronologie, l’auteur note que le thème est « molto diffuso dalla seconda metà del I secolo a.C. all’età flavia, con una particolare fioritura in età augusteo-claudia ». Elle ajoute que « spesso i rami incrociati sono costituiti da tralci di vite, tema che si diffonde ampiamente nel mondo romano par il particolare valore simbolico, legato a credenze escatologiche di natura dionisiaca ». En dernier lieu ROCCO, 2012, p. 7-8.

27 Le meilleur exemple nous est offert par la frise d’entablement du temple urbain d’Apollo in circo, proto-augustéenne : des rameaux de laurier fixés à des bucranes se croisent au centre, autour de candélabres (VISCOGLIOSI, 1996, fig. 45 et 48). E. Rosso a récemment attiré l’attention sur une plaque de marbre conservée au musée lapidaire de Vienne (Isère), qui met en œuvre des bucranes et des rameaux de laurier entrecroisés ; elle y reconnaît une citation du monument du Champ de Mars, déjà évoqué à Vienne par des chapiteaux figurés ornés de trépieds et de serpents, qui reprennent sans les reproduire exactement certains des chapiteaux du temple de Rome (ROSSO, 2010, p. 205, avec fig. 5). Séduisante, l’hypothèse est grandement fragilisée par l’existence dans les musées du Vatican d’une frise de marbre absolument identique à celle de Vienne et qui n’a rien à voir avec le temple d’Apollo in circo (ANDREAE, 1995, vol. 1, p. 110, XXVI-6). La plaque viennoise a sans doute été produite par des sculptores urbains, mais ne peut pas être versée de façon assurée au dossier des citations provinciales du prestigieux temple d’Apollon.

28 Par exemple LIPPOLD, 1956, pl. 25 (n° 271b), 49 (n° 623), 51 (n° 13), 67 (n° 61), 147 (n° 70).

29 GIBELLI de PAOLIS, 1973, n. 44, p. 318, qui s’appuie sur un autel d’Oderzo, depuis lors publié : voir infra. ROCCO, 2012, p. 7, montre cependant que le schéma a des précédents dans l’Athènes classique (voir infra n. 32 pour les productions des ateliers néo-attiques).

30 Pour les différences stylistiques dans le traitement des guirlandes des Ier s. av. n.è.-Ier s. de n.è., voir MAASKANT-KLEIBRINK, 1973, p. 183-192.

31 Voir BOSCHUNG, 1987, n° 648 (pl. 16 : début du règne de Néron) et 651 (pl. 17 : fin Néron-début Flaviens).

32 En dernier lieu, DARBLADE-AUDOIN, 2006, n° 335-336, p. 113-115 et pl. 122-124.

33 Voir surtout FRASER, 1977, p. 25-33, avec les notes p. 106-119. Les notes et les illustrations, très abondantes, dressent un bilan sur ce type monumental dans l’ensemble du monde grec continental et égéen. On peut cependant observer des pampres de vigne croisés sur les deux grands rhyta en marbre de la collection Borghèse, aujourd’hui exposés au Louvre, dans la galerie Daru, que l’on s’accorde à identifier comme des productions néo-attiques. Ce sont encore des pampres entrecroisés qui ornent la partie supérieure d’assez nombreux cratères en marbre (pour ces Zweigranken, voir GRASSINGER, 1991, p. 36-39 et fig. 204-208, 211-213, avec les cratères 3, 8, 19, 21, 23, 25, 26, 36, 44, 51 et 55). Tout indique donc que les sculpteurs grecs de la fin de l’époque hellénistique et du début de la période impériale, travaillant essentiellement pour une clientèle romaine, usaient de ce motif des rameaux entrecroisés, mais qu’il n’a été transposé sur les autels circulaires qu’en contexte romain et à l’époque impériale.

34 Pour la définition et la répartition des différentes variantes, voir SHOE-MERITT, 1969, p. 186-204, avec pl. 49-53. Les aires de répartition des bases ioniques occidentales et attiques sont clairement délimitées, et les exceptions, peu nombreuses, s’expliquent par des facteurs bien identifiables, comme par exemple la colonisation italienne de Corinthe. De rares autels circulaires grecs présentent cependant une base attique de type occidental, ce qui empêche de reconnaître à ce profil une importance décisive (FRASER, 1977, pl. 75c, Athènes et 76a, Thèbes). C’est donc la conjonction de plusieurs observations qui conduit à attribuer au monument de Langres une origine italienne.

35 TURCAN, 1971, p. 116. Voir dans le même sens SABLAYROLLES, 1977, p. 1128, qui, évoquant un des types de guirlandes que l’on observe sur les urnes funéraires romaines, parle de la « lourde encarpe où se mêlent les fruits des dieux infernaux : la grenade de Perséphone, la pomme de pin d’Attis, l’épi de blé de Cérès voisinent avec les pommes, les glands et la vigne. ».

36 Pour ces guirlandes constituées d’essences et d’espèces n’arrivant pas à maturité au même moment, voir GUILLAUME-COIRIER, 1999, p. 363-365 ; sur les principales plantes constitutives des guirlandes, ibid., p. 333-341.

37 Sur les difficultés d’identification des monuments circulaires à guirlandes, voir HERMANN, 1961, p. 30, qui souligne que seule une inscription ou la présence d’un focus atteste une fonction sacrificielle.

38 Nous devons la remarque à Dominique Tardy (IRAA, CNRS). Le seul parallèle connu de nous de ce profil ionique sur un monument circulaire orné de guirlandes apparaît sur un puteal conservé à la villa San Michele d’Anacapri et provenant de Naples (HESBERG, 1981, p. 211, 236 et pl. 70.2). Des autels présentent un profil proche de celui de bases de colonnes et de pilastres, mais en ce cas, ils se contentent d’un tore, plus volumineux.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. a-c. Vues d’ensemble du monument (A. Vaillant et Y. Maligorne).
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Titre Fig. 2. Fragment du couronnement mis au jour en 1987 lors des fouilles de l’église de Saints-Geosmes (A. Vaillant).
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Titre Fig. 3. Le monument dessiné par Vignier, vers 1670.
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Titre Fig. 4. Jean Tassel, Mucius Scaevola devant Porsenna, vers 1650, exposé dans la Maison des Lumières Denis Diderot, à Langres.
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Titre Fig. 5. Le monument au début du XXe s. (archives Espérandieu).
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Titre Fig. 6. La base du monument (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 7. Le couronnement du monument (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 8. a-c. Les trois guirlandes (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 9. a-c. Les trois bucranes (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 10. Relief provenant d’un monument funéraire d’Amelia et conservé au museo civico d’Amelia, Ombrie, Italie (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 11. Puteale de la villa des Papyri, musée archéologique national de Naples (Y. Maligorne).
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Titre Fig. 12. Une base cylindrique peinte provenant du monument de Moregine, Campanie, Italie (Y. Maligorne).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/18787/img-18.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Yvan Maligorne et Arnaud Vaillant, « Un monument circulaire en marbre orné de guirlandes découvert à Saints-Geosmes, près de Langres »Revue archéologique de l’Est, Tome 73 | 2024, 225-235.

Référence électronique

Yvan Maligorne et Arnaud Vaillant, « Un monument circulaire en marbre orné de guirlandes découvert à Saints-Geosmes, près de Langres »Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 73 | 2024, mis en ligne le 31 janvier 2025, consulté le 20 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/rae/18787

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Auteurs

Yvan Maligorne

Maître de conférences en histoire romaine, CRBC EA4451/UMS3554 ;
Université de Bretagne occidentale, Brest et Quimper.
yvan.maligorne@yahoo.fr.

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Arnaud Vaillant

Chargé d’études au service Patrimoine et Inventaire de la Ville de Langres.
arnaud.vaillant@langres.fr.

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