1Monument emblématique de Lyon situé dans le 2e arrondissement en rive droite du Rhône, l’Hôtel-Dieu a fait l’objet durant la précédente décennie d’importants travaux dans le cadre d’un projet de reconversion. Par conséquent, une vingtaine d’opérations archéologiques portant sur les sous-sols mais aussi sur les élévations de l’édifice ont été prescrites par l’État (SRA, DRAC Auvergne-Rhône-Alpes). Toutes menées par des équipes du Service archéologique de la Ville de Lyon entre 2011 et 2017, elles ont présidé à la découverte de nombreux vestiges éclairant la fréquentation du secteur pendant deux millénaires, des premiers temps de la ville antique aux derniers aménagements de l’hôpital.
- 1 Le Nombre Minimum d’Individus (NMI) correspond ici au nombre de bords après collage (ARCELIN, TUFFR (...)
2D’abondants indices matériels de ces occupations ont également été collectés ; s’agissant du mobilier céramique, toutes périodes confondues, près de 44 000 tessons ont été inventoriés pour un Nombre Minimum d’Individus1 estimé à 6 414. Dans ce domaine, la période comprise entre les XIVe et XVIe s. offre des éléments remarquables pour la compréhension du site mais aussi pour la connaissance des faciès céramiques régionaux. Plusieurs ensembles clos rassemblant un total de 2 250 tessons pour au moins 230 vases l’illustrent spécifiquement.
3La présentation de cette documentation rare, dont le très bon état de conservation est par ailleurs notable, a pour objectif d’enrichir le panorama du vaisselier lyonnais. En effet, les céramiques de l’Hôtel-Dieu apportent de nouvelles données en matière d’assemblages et de chronologie mais aussi d’approvisionnement et d’usage, y compris pour la période moderne où elles viennent compléter le vaste corpus réuni en 2015 par Alban Horry dans une monographie dédiée (HORRY, 2015).
- 2 La référence indiquée entre parenthèses renvoie quant à elle au numéro d’inventaire attribué lors d (...)
4Nous nous attacherons dans un premier temps à la description et à l’analyse des productions remontant à la fin du Moyen Âge, avant de nous intéresser à celles du début de la période moderne. Pour la description de ces dernières nous nous rapporterons à la typologie qui fait référence, proposée dans le « dictionnaire des formes céramiques » de l’ouvrage mentionné supra (op. cit., p. 373-420). À l’identique du catalogue des assemblages céramiques de ce volume, chaque dessin de vase venant illustrer notre propos sera également accompagné d’une abréviation de la catégorie technique à laquelle il appartient soit : F pour faïence, G pour céramique grise, Ggl pour céramique grise glaçurée, Jd pour céramique engobée jaune décorée, R pour céramique rouge, Rd pour céramique engobée rouge décorée, Rgl pour céramique rouge glaçurée, Sgr pour céramique engobée sgraffito, Sv pour service vert de Meillonnas et Vse pour céramique verte sur engobe2 (op. cit., voir par ex. fig. 91).
5L’Hôtel-Dieu occupe une superficie d’environ 62 000 m2 comprise entre la rue Childebert au nord, la rue de la Barre au sud, le Rhône à l’est et la rue Bellecordière à l’ouest (fig. 1). Hôpital établi au Moyen Âge, il a été désaffecté en 2010 avant de connaître pendant plusieurs années une importante campagne de réhabilitation. De nouveau ouvert au public depuis 2018, le lieu accueille désormais un hôtel, des boutiques, des restaurants, des bureaux et un centre de convention.
Fig. 1. Plan de situation de l’Hôtel-Dieu dans Lyon, échelle 1/30 000. Sources : Ville de Lyon, Métropole de Lyon et cadastre ; cartographie : É. Leroy, SAVL.
6Les résultats des interventions archéologiques successives montrent que l’occupation de la parcelle commence autour du changement d’ère (ARDOUIN, 2017). À cette période remontent les premiers signes matériels de la viabilisation du secteur encore soumis aux aléas du Rhône et de la Saône, avec notamment des vides sanitaires plus ou moins étendus (op. cit., p. 70 ; MÈGE, 2022). S’ensuit une phase de construction débutant autour du milieu du Ier s. qui voit l’installation de divers édifices parmi lesquels une domus ornée de riches décorations murales, à laquelle sont associés trois bâtiments interprétés comme des espaces de stockage (BERTRAND, LEPERLIER, 2018 ; ARDOUIN et alii, 2019, p. 44). Cette occupation se poursuivra deux siècles avant un abandon partiel puisque la présence d’un axe de circulation encore fréquenté durant les IVe et Ve s. est attestée. Pour le haut Moyen Âge, seule une dizaine de sépultures est répertoriée ; les restes des bâtiments observés dans la partie méridionale du site lui sont peut-être contemporains.
- 3 En 1983, c’est à la faveur de la construction d’une station de chauffage qu’eut lieu la première fo (...)
7La fondation de l’hôpital, étroitement lié au pont franchissant le fleuve voisin, a lieu à la fin du XIIe s. Elle s’accompagne dans le courant du XIIIe s. du développement de deux quartiers d’habitation périphériques : le Bourgchanin au sud et la Blancherie au nord (fig. 2). Au fil du temps, chaque extension du périmètre de l’Hôtel-Dieu et des cimetières attenants se fera au détriment de ces espaces (DUCOURTHIAL, 2021). En 1741, débute ensuite l’érection du grand bâtiment en façade sur le Rhône imaginé par Jacques-Germain Soufflot, toujours visible aujourd’hui. Jusqu’à la fin du XIXe s., période où se fixa l’emprise actuelle du complexe, d’autres projets de moindre envergure se succéderont et, à l’intérieur de cet espace, les aménagements continueront jusqu’à la disparition de l’activité hospitalière3.
Fig. 2. Quartiers du Bourgchanin et de la Blancherie au XVIe siècle replacés sur un extrait du plan scénographique de Lyon (circa 1550) d’après Ducourthial, 2021.
- 4 Responsable d’opération : Stéphane Ardouin, SAVL.
8Dans ce contexte, les restes des quartiers attenants à l’hôpital ont été exhumés par pans entiers. Des traces des premières habitations du Bourgchanin, limitées à quelques structures en creux, ont notamment été mises au jour à l’occasion des fouilles dites « de la tranche 5 »4, dans un espace longeant l’actuelle rue Bellecordière (ARDOUIN dir. et alii, 2024). C’est le cas d’un grand puits majoritairement appareillé en galets et à l’usage possiblement partagé entre plusieurs habitations, installé dans le courant du XIIIe s. (puits PT 5103, fig. 3). Les différents reliefs constituant son remplissage démontrent qu’il a été opportunément utilisé comme dépotoir une fois abandonné.
Fig. 3. Plan et coupe du puits PT 5103, échelle 1/50e. Relevé de terrain : M. Lagrange, DAO : Ch. Ybard, C. Mège, SAVL.
- 5 Responsable d’opération : Anne-Catherine Germanaud, SAVL.
- 6 Ces recherches ont été effectuées par Cyrille Ducourthial (GERMANAUD-LE MER et alii, 2017, p. 49 et (...)
9Plus au nord, lors de l’exploration des caves des bâtiments O et Q5, deux latrines séparées par un mur est-ouest ainsi qu’un sol bétonné ont été dégagés à l’emplacement de l’ancien quartier de la Blancherie (fig. 4). Les restitutions planimétriques obtenues des recherches en archives indiquent qu’il pourrait s’agir des maisons Bemon et Garin6, progressivement délaissées à partir de leur rachat par les recteurs de l’Hôtel-Dieu à la fin du XVIe s., préalablement à la construction de l’immeuble dit des Quatre-Rangs (GERMANAUD-LE MER et alii, 2017). L’abondant matériel archéologique recueilli montre qu’une fois leur fonction initiale rendue caduque, les latrines ont servi d’exutoire. Les céramiques rejetées dans ces trois installations font l’objet des développements ci-après.
Fig. 4. Plan des vestiges mis au jour lors des fouilles des bâtiments O et Q. DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
- 7 L’US 5423 est une US composite regroupant le matériel prélevé lors de la seconde partie de la fouil (...)
- 8 Les études du petit mobilier, du verre et des terres cuites architecturales ont respectivement été (...)
- 9 Il s’agit du fond de la fouille, le fond du puits n’a pas été atteint.
10Le mobilier provient de cinq couches distinctes (US 5147, 5148, 5155, 5159 et 54237) correspondant aux comblements du puits précédemment décrit (fig. 3). Au total, elles rassemblent 675 restes pour un NMI estimé à quarante-trois. Hormis dans l’US 5147, les vases montrent plusieurs caractéristiques similaires : la plupart étaient complets, voire entiers – au sens de « non brisé » – lors de leur rejet, et les récipients à usage culinaire portent les traces de passages répétés sur le feu. L’observation de la stratigraphie, ajoutée à l’étude des artefacts et de la faune8, laisse entrevoir que le comblement du puits a connu deux phases successives. Au fond9, l’US 5159 fournit l’essentiel des céramiques pour lesquelles des collages ont été repérés uniquement avec l’US 5423. Elle est scellée par le dépôt – décrit comme naturel – d’une mince couche de sédiment argileux beige et homogène (US 5151) résultant peut-être d’une période d’arrêt prolongé du comblement de la structure (ARDOUIN dir. et alii, 2024, p. 52-53). Les US postérieures renferment significativement moins de restes ; des collages sont avérés entre les US 5148 (fig. 5), 5155 et 5423. Enfin, d’après leurs descriptions, les US 5147 et 5155 diffèrent. Autant d’éléments qui nous ont conduits à présenter nos résultats de façon bipartite en suivant la chronologie relative des dépôts, du plus ancien (ensemble I) au plus récent (ensemble II). Situés au sommet du comblement de la structure et manifestement perturbés, la vingtaine de fragments de vaisselle provenant de l’US 5147 ne fera pas l’objet d’un développement spécifique.
Fig. 5. Vue de l’US 5148 en cours de dégagement avec pichet en céramique commune rouge glaçurée en place (cf. fig. 15, n° 5). Photographie : équipe de fouille, SAVL.
- 10 Le décompte de la totalité des fragments de céramique avant d’éventuels collages fournit le Nombre (...)
11L’ensemble I (US 5159) livre effectivement le plus grand Nombre de Restes10 avec 480 tessons pour un NMI de vingt-huit. Au sein de ce corpus, les céramiques grises sont les plus nombreuses avec 70 % du NR et 53 % du NMI. Elles sont suivies par les céramiques rouges glaçurées qui totalisent 27 % du NR et environ un tiers du NMI. Nous avons également observé quelques restes de céramiques grises glaçurées ainsi que deux tessons antiques en position résiduelle (fig. 6). Vingt individus, soit en moyenne sept sur dix, sont destinés à la cuisson des aliments. Hormis une tirelire, les autres pièces relèvent de la vaisselle de service.
Fig. 6. Répartition des productions céramiques comblant le puits PT 5103 par US, en NR et en NMI.
- 11 Des récipients similaires, qualifiés de couvre-feux, ont été observés parmi les céramiques grises m (...)
12Les récipients en céramique grise sont tous destinés à un usage culinaire. Leur aspect est relativement homogène avec des pâtes dures et bien cuites, de couleur gris moyen à gris très foncé. Ces pâtes contiennent, visibles à l’œil nu, des inclusions minérales blanches à grises, le plus souvent de taille petite à moyenne et en quantité faible à moyenne. Avec au moins douze occurrences, leur répertoire est largement dominé par la marmite. Dix ont un col court se terminant soit par une lèvre éversée (NMI : 6 ; fig. 7, nos 1-6), soit par une lèvre quadrangulaire (NMI : 3 ; fig. 7, nos 7-9) ou encore par une lèvre moulurée (NMI : 1 ; fig. 7, n° 10). Deux autres marmites, sans col, possèdent une lèvre haute qui peut être striée ou non ; la partie supérieure de leur panse est ornée d’incisions en zigzag (fig. 8, nos 1-2). Toutes sont a priori pourvues d’anses rubanées et reposent sur un fond hémisphérique. L’ensemble est complété par un couvercle à bord légèrement remontant dont le bouton de préhension a été percé en son centre, avant cuisson, par un petit orifice permettant à la vapeur de s’échapper (fig. 8, n° 3) et par un grand vase à anses et « fond » bombé : il pourrait s’agir d’une grande bassine comme d’un couvre-feu11 (n° 4). Dans la même catégorie d’usage, la céramique grise glaçurée compte moins d’une dizaine de tessons. Les deux bords éversés dénombrés appartiennent à des vases à col court et côtelé, possiblement des marmites (fig. 8, nos 5-6). La glaçure verte se limite ici à quelques petites projections visibles sur la face interne des rebords. Six des autres fragments se rapportent à des fonds bombés.
Fig. 7. Céramiques grises (G) de l’ensemble I : marmites. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
Fig. 8. Céramiques grises (G) et grises glaçurées (Ggl) de l’ensemble I. 1-2. Marmites ; 3. couvercle ; 4. bassine ? ; 5-6. marmite. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
- 12 La glaçure, à la conservation inégale, a été déposée sur la paroi externe des vases par saupoudrage (...)
- 13 Comme défini par Alban Horry dans le dictionnaire des formes céramiques et dans un souci de cohéren (...)
- 14 De façon assurée, c’est le cas de cinq individus sur six.
- 15 Ce récipient ne porte pas de traces de passage sur le feu.
13La céramique rouge glaçurée12 regroupe majoritairement de la vaisselle de table (NMI : 7), aux côtés toutefois de deux récipients destinés au feu. Il s’agit de marmites à lèvre éversée, anses rubanées et fond bombé. Si leur morphologie est proche, elles ont été façonnées dans deux matériaux différents : une pâte orange, fine et dure avec quelques inclusions et une glaçure jaune verdâtre pour la première (fig. 11, n° 5) tandis que la seconde, aspergée de glaçure verte, a une pâte grège avec de très petites inclusions (fig. 11, n° 6). Le gros du lot est ensuite constitué par une dizaine de pichets13, six d’après le NMI. Au regard des objets à notre disposition, la plupart ont un bec pincé14 et leur rebord est plus ou moins éversé. Deux ont une panse surbaissée et peuvent être associés à la forme connue sous le nom de « pichet tonnelet ». Ils portent un décor semblable se déployant de part et d’autre de l’anse, réalisé à la barbotine blanche et alternant traits verticaux et palmes stylisées (fig. 9, nos 1-2). Quatre possèdent des profils moins trapus et plus élancés ; deux ont un décor similaire aux précédents (fig. 9, n° 3 et fig. 10, n° 1), un troisième est orné d’une simple frise en zigzag (fig. 10, n° 2), un autre n’a pas de décor (fig. 11, n° 2). Un dernier pichet, plus grand et terminé par un col haut, a une panse légèrement ovoïde sur laquelle est dessiné, toujours à la barbotine blanche, un treillis à la façon d’une vannerie (fig. 10, n° 3). Trois fonds n’ont pas pu être rapprochés d’une variante spécifique (fig. 11, nos 3-4). L’inventaire de la catégorie se termine par une jatte façonnée dans une pâte bistre micacée et dont la vasque interne est recouverte d’une glaçure jaune verdâtre (fig. 11, n° 1)15. Une marque laissée par un poinçon circulaire figurant une croix tréflée superposée à une croix grecque est apposée sous sa lèvre éversée. Une tirelire (fig. 11, n° 8), une marmite à lèvre éversée (fig. 11, n° 7) et le fond d’un pichet ne montrant pas de glaçure, soit quatre tessons au total, ont été classés en céramique rouge. Les deux premiers récipients possèdent des pâtes beige foncé et marron clair à l’aspect feuilleté, avec différentes inclusions et de la poussière de mica.
Fig. 9. Céramiques rouges glaçurées (Rgl) de l’ensemble I : pichets. Échelle 1/3 dessin, DAO et clichés : C. Mège, SAVL.
Fig. 10. Céramiques rouges glaçurées (Rgl) de l’ensemble I : pichets. Échelle 1/3 dessin, DAO et clichés : C. Mège, SAVL.
Fig. 11. Céramiques rouges (R) et rouges glaçurées (Rgl) de l’ensemble I. 1. Plat ; 2-4. pichets ; 5-7. marmite ; 8. tirelire. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
14Formant un tout quantitativement important, les céramiques du puits peuvent être comparées à différentes collections de la fin du Moyen Âge mises au jour à Lyon et dans les environs (fig. 12 et 13). Nous nous tournerons ainsi vers le mobilier rattaché aux phases 8 (XIVe s.) et 9 (tout début XVIe s.) de la fouille des 83 rue de la République/22-24 rue Bellecordière (HORRY, 1998 ; HORRY, 2015, p. 119-120) ; située à proximité immédiate de l’Hôtel-Dieu, cette opération a notamment révélé des vestiges du Bourgchanin. Toujours sur la Presqu’île, des latrines transformées en dépotoir sur le site des 41-43 rue du Président Édouard-Herriot offrent un panel de céramiques datées entre la toute fin du XIIIe et le XIVe s. (HORRY, 2002a). Dans le Vieux-Lyon, en rive droite de la Saône, les découvertes liées à la construction du Parc Saint-Georges livrent aussi plusieurs ensembles majeurs (HORRY, 2013) complétés par un assemblage du XIVe s. provenant de l’hôtel de Gadagne (HORRY, 2006) et par le matériel issu du comblement d’un puits de l’îlot Tramassac (phase 2A, XVe s. et 2B, XVIe s. ; MACCARI-POISSON, 1988 ; MACCARI-POISSON, 1994). Les fouilles menées aux 19-21 rue des Fossés-de-Trion et 9 rue du Docteur-Horand dans les 5e et 9e arr. fournissent également des céramiques datées du XIVe s. (HORRY, 2003 ; VICARD, 1996). Concernant les campagnes de l’est lyonnais, les corpus de Vénissieux (rues Jules-Ferry et Jean-Macé, HORRY 1999) et de Décines-Charpieu (Montout - OL Land, HORRY, 2012a) nous renseignent pour la fin du XIIIe et le XIVe s.
Fig. 12. Répartition par productions, en NR, des ensembles I et II et de référentiels lyonnais datés entre la fin du XIIIe et le XVe s.
Fig. 13. Répartition par productions, en NMI, des ensembles I et II et de référentiels lyonnais datés entre le fin du XIIIe et le XVe s.
15L’observation de la répartition entre les différentes productions et plus particulièrement la dichotomie entre les modes de cuisson A et B, montre que l’ensemble I se place préférentiellement parmi les lots dont la datation est comprise entre la fin du XIIIe et le XIVe s. Par rapport à ces référentiels, nous ne constatons cependant ni la présence de faïence à décor vert et brun, attestée au XIVe s. sur les sites de la rue de La République, de l’hôtel de Gadagne et du Parc Saint-Georges (HORRY, 1998, p. 43-45 ; HORRY, 2006, p. 180-183 ; HORRY, 2013, p. 177), ni celle de céramique à pâte blanche glaçurée connue par quelques occurrences à partir du XIIIe s. (HORRY, 2013).
16L’examen typologique permet, quant à lui, de multiples rapprochements, avec les céramiques grises du Parc Saint-Georges notamment. Le matériel des phases 13a et 13b regroupe en effet de nombreuses marmites à col court et anses rubanées (seconde moitié du XIIIe s. et XIVe s. ; HORRY, 2013, fig. 117, nos 6-9 et fig. 119, nos 13-19) ; les grands vases décrits comme des couvre-feux apparaissent lors de la phase 13a (op. cit., fig. 118, nos 8-10), tandis que des marmites à lèvre moulurée sont visibles parmi les vases de la phase 13c (fin du XIVe s., op. cit., fig. 122, nos 3-5). Le parallèle existe aussi avec les céramiques à feu de la rue du Président Édouard-Herriot où six des sept vases de cuisson dénombrés sont des marmites grises à lèvres évasées ou moulurées accompagnées de plusieurs couvercles (HORRY, 2002a, fig. 1, nos 1-6). Idem pour les phases 8 et 9 des 83 rue de la République/22-24 rue Bellecordière où les marmites semblables aux récipients de l’ensemble I abondent à l’instar des autres gisements mentionnés supra (HORRY, 1998, fig. 44 et 45). Concernant spécifiquement les marmites décorées d’incisions géométriques sur la panse, le site du Montout à Décines-Charpieu offre en sus un comparatif intéressant puisqu’un récipient de la structure F 2531 semble très proche (HORRY, 2012a, p. 92 et fig. 110, n° 4).
17A contrario, hormis quelques mentions de modèles souvent uniques (FAURE-BOUCHARLAT et alii, 1996, p. 263), les ustensiles de cuisson en céramique rouge glaçurée restent rares jusqu’au XVe s. ; les marmites de l’US 5159 complètent donc un inventaire restreint. Possédant des caractéristiques propres comme l’absence de col et une lèvre éversée, elles ne sont pas des répliques de vases cuits en mode B. En revanche, elles sont identiques à un exemplaire mis au jour rue des Fossés-de-Trion (HORRY, 2003, fig. 78, n° 3). Ce type semble perdurer puisque nous le rapprochons – au moins pour la lèvre – d’exemplaires mis au jour dans les contextes de la phase 9 sur le site voisin des 83 rue de la République/22-24 rue Bellecordière (HORRY, 1998, fig. 52 nos 10-11) ainsi que plus largement à la fin du XVe s. dans le Lyonnais (HORRY, 2009, fig. 4, n° 12). Concernant la vaisselle de table et spécifiquement les pichets, les vases de l’ensemble I ont en commun la particularité d’être pourvus d’un bec verseur, ce qui les éloigne des récipients à embouchure circulaire bien connus dans les contextes régionaux des XIIIe et XIVe s. et dont l’usage est supposé individuel (voir par exemple À la fortune du pot, 1991, p. 68 et suivantes ; FAURE-BOUCHARLAT et alii, 1996, p. 266-267 ; HORRY, 2009, p. 10-14 et fig. 1). Ils sont plus sûrement à rapprocher d’une cruche de la rue Président Édouard-Herriot (HORRY, 2002a, fig. 2, n° 9) et surtout de la collection provenant de la partie inférieure du dépotoir comblant le puits 601 sur le site de l’îlot Tramassac. Daté de la fin des XIVe et XVe s. par l’auteure de l’étude, ce lot comprend neuf pichets dont les caractéristiques techniques, morphologiques et décoratives sont sans conteste comparables aux céramiques de l’Hôtel-Dieu (MACCARI-POISSON, 1988, p. 226 et suivantes, fig. 9, nos 1-4). Si la jatte évoque, par sa facture et sa forme, certaines pièces basses et ouvertes en usage dès la seconde moitié du XIIIe s. (HORRY, 2013, fig. 124, nos 16-20), le parallèle le plus satisfaisant semble provenir de l’Hôtel de Gadagne (HORRY, 2006, p. 183, pl. 2, n° 2) : les deux vases ont un profil analogue et portent une marque cruciforme, bien que dissemblable. La tirelire se conforme aux exemplaires issus des contextes régionaux de la fin du Moyen Âge à un détail près : elle ne porte pas de glaçure contrairement à la très grande majorité des cas (FAURE-BOUCHARLAT et alii, 1996, p. 274 ; MACCARI-POISSON, 1994, p. 103).
18Pour terminer ce panorama, suivant un schéma présence/absence, soulignons que ce comblement inférieur ne renferme ni oule, ni cruche à bec ponté dont l’abandon, pour les premières, est décrit comme un caractère marquant du XIVe s. (HORRY, 2009, p. 300). L’absence de marmite à anses coudées, dont l’apparition est située dans le courant du XVe s. ou à la fin de ce siècle (HORRY, 2013, p. 181 ; FAURE-BOUCHARLAT et alii, 1996, p. 263), donne aussi un jalon précieux permettant d’envisager la limite basse de l’ensemble.
- 16 Aline Colombier-Gougouzian souligne en effet la présence de plusieurs pièces de vaisselle en verre (...)
19En résumé, si la datation des vases précédemment décrits est comprise entre la seconde moitié du XIIIe s. et le XVe s., les rapprochements les plus probants permettent de restreindre cette fourchette au XIVe s. Plaide en ce sens la fréquence de certains types comme les marmites en céramique grise et les pichets à bec pincé en rouge glaçurée ainsi que l’émergence manifeste, dans la dernière catégorie, de nouveaux produits tels que les marmites et les plats. Les résultats apportés par les études du verre et du petit mobilier soutiennent également cette proposition16. En comparaison avec les céramiques de l’îlot Tramassac, il est envisageable de resserrer encore – très prudemment – la datation de l’ensemble I à la fin du XIVe s., voire au tout début du XVe s. mais pas au-delà compte tenu de l’absence de certains marqueurs et de la postériorité de l’ensemble II en chronologie relative.
20Pour ce qui est de l’approvisionnement, l’homogénéité des céramiques grises – pâte comme aspect de surface – encourage l’hypothèse d’une origine commune ; il en va visiblement de même pour la plupart des pichets en céramique rouge glaçurée dont les décors font montre d’une réelle proximité, partagée en outre avec d’autres corpus lyonnais.
- 17 Ce lot regroupe le mobilier des US 5155, 5148 et 5423, exception faite des items de cette dernière (...)
21L’ensemble II17 totalise 171 tessons pour un NMI estimé à quatorze. Contrairement à l’ensemble I, les céramiques rouges, glaçurées ou non, sont majoritaires puisqu’elles représentent environ les deux tiers du lot, en NR comme en NMI (fig. 6). Neuf des quatorze récipients dénombrés sont dévolus à la cuisson des aliments contre cinq pour le service de table.
- 18 La pâte de cette marmite est relativement proche de celles des vases de l’ensemble I : bien cuite, (...)
22La céramique grise rassemble deux marmites sans col à lèvre éversée courte (fig. 14, nos 1-2) ; leur pâte est plutôt fine et dure, très cuite, avec de rares inclusions. Il faut leur adjoindre le rebord d’un vase – possiblement une marmite (n° 3)18 – et quelques panses informes. Deux autres marmites à lèvre éversée et anses rubanées sont en grise glaçurée (fig. 14, nos 4-5). L’une d’entre elles, au profil complet, repose sur un fond à peine bombé, se rapprochant d’un fond plat. Toutes deux sont fabriquées dans une pâte très granuleuse et sont pourvues de glaçure verte sur leurs parois internes. Celle-ci est difficilement observable, sans doute aussi à cause d’une usure importante.
Fig. 14. Céramiques grises (G) et grises glaçurées (Ggl) de l’ensemble II : marmites. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
- 19 Ce vase entier a été découvert quasiment rempli de béton liquide solidifié ; ce dommage a visibleme (...)
23La céramique rouge glaçurée est la plus abondante avec 92 restes et un NMI de sept. Nous observons quatre vases de cuisson et trois vases de service. Deux marmites aux profils voisins sont bien conservées : pourvues d’anses rubanées, elles ont un fond bombé. Seules leurs embouchures diffèrent : lèvre éversée simple pour l’une (fig. 15, n° 1), creusée d’une petite gorge sur la face externe pour l’autre (n° 2). Sur cette dernière, les anses se positionnent également un peu plus bas. Leurs pâtes, assez semblables, varient du rouge orangé au marron clair et sont un peu granuleuses, avec de nombreuses inclusions petites à grosses. Quelques giclures de glaçure orange sont présentes sur leurs parois internes. Une troisième marmite nous est parvenue de façon plus lacunaire, par un rebord évasé sur lequel a été apposée une glaçure verdâtre (n° 3). Sa pâte, très cuite et beige foncé, contient diverses inclusions. Un quatrième bord permet de comptabiliser une marmite supplémentaire : façonnée dans une pâte marron clair avec quelques petites inclusions, elle est tapissée d’une glaçure verte couvrante (n° 4). Deux pichets illustrent les vases destinés au service des liquides. Le premier, trapu, à la panse surbaissée et à l’embouchure circulaire, est entier. Quelques projections de glaçure verte sont visibles à la base de son col, opposées à l’anse rubanée (n° 5). Sa pâte est rouge clair. Le second pichet, plus haut et élancé (fig. 15, n° 6), a une ligne générale se rapprochant de certains exemplaires de l’US 5159 (fig. 9, n° 3 et fig. 10, n° 3). Il s’en éloigne par une ouverture qui semble circulaire et par une absence de décor à la barbotine. Il possède en outre deux particularités : un poinçon circulaire figurant une croix grecque sous l’anse ainsi qu’une sorte de pâte observée à une seule reprise. Rouge foncé, voire magenta, elle est fine et dure avec des inclusions de taille très petite à moyenne et grosse. Dans la même catégorie, nous recensons enfin un petit bol à parois obliques mesurant un peu plus de 10 cm de diamètre à l’ouverture (fig. 15, n° 7). Sa pâte est orange clair, avec des inclusions de tailles diverses ; à l’intérieur, il est aux deux tiers recouvert d’une glaçure verte assez épaisse. En céramique rouge, une douzaine de tessons appartiennent à un pichet à bec trilobé, plutôt bas et trapu (fig. 15, n° 8). Suivant les éléments qui nous sont parvenus, sa pâte est orange clair, fine et dure avec quelques poussières de mica. Un pichet à bec pincé19, à la pâte fine et dure montrant quelques petites inclusions blanches complète le tout avec deux autres fragments d’anses isolées (fig. 15, n° 9).
Fig. 15. Céramiques rouges (R) et rouges glaçurées (Rgl) de l’ensemble II. 1-4. Marmites ; 5-6 et 8-9. pichets ; 7. bol. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
- 20 À l’instar de l’ensemble I, et contrairement à d’autres assortiments de la fin du Moyen Âge, ce lot (...)
24L’ensemble II compte deux fois moins d’individus que l’ensemble I, ce qui n’est pas sans conséquence lorsqu’il s’agit de préciser sa chronologie ; les propositions ci-après sont donc à considérer avec précaution. Donnant l’image d’un faciès distinct, il se détache nettement de l’ensemble précédent, en premier lieu au vu de la répartition entre les céramiques cuites en mode A et celles cuites en mode B (fig. 6). Les premières prennent en effet le pas sur les secondes, dans un rapport quasiment inversé puisqu’elles totalisent désormais plus des deux tiers du NMI contre à peine 28 % dans l’US 5159. Il est intéressant de noter que ces chiffres sont très proches de ce qui a été observé pour le mobilier de la phase 2A de l’îlot Tramassac (fig. 13), dans un contexte similaire – le comblement d’un puits réutilisé en dépotoir – où la part d’éléments résiduels est certainement très faible, voire inexistante20. Malgré cela, d’un point de vue fonctionnel, nous remarquons un relatif équilibre entre les deux corpus, les vases de cuisson fournissant entre 71 et 64 % du NMI, contre 25 et 36 % pour les vases de service. La partition entre les deux récipients les plus courants est également stable : les marmites totalisent 61 % du NMI dans l’ensemble I contre 64 % dans l’ensemble II, les pichets affichant quant à eux 25 et 29 % du NMI (fig. 16).
Fig. 16. Répartition fonctionnelle et typologique des céramiques des ensembles I et II en % du NMI.
- 21 Les marmites de l’ensemble II, quelle que soit la catégorie technique à laquelle elles appartiennen (...)
25Dans chaque catégorie, nous constatons en revanche l’arrivée de nouveaux types ou de nouvelles variantes, les formes les plus fréquentes dans l’ensemble I se faisant rares, voire tendant à disparaître. C’est particulièrement remarquable concernant la céramique rouge glaçurée, où les pichets décorés laissent la place à des productions simplement glaçurées sous le bec et sans décor à la barbotine. Avec ou sans glaçure, leur ligne évolue aussi avec une panse parfois surbaissée et de nouvelles formes d’embouchures, circulaires (fig. 15, nos 5-6) et trilobée (n° 8) ; autant d’aspects renvoyant aux spécimens mis au jour dans le comblement supérieur du puits 601 de l’îlot Tramassac (phase 2B, XVIe s. ; MACCARI-POISSON, 1988, p. 221 et suivantes et plus récemment HORRY, 2015, p. 117-118). Absent dans l’ensemble I, le bol peut aussi être rapproché de trois écuelles découvertes dans la même structure, mais cette fois dans la partie inférieure du comblement (op. cit., fig. 10, nos 1-3). En rouge glaçurée encore, une des deux marmites de l’ensemble II (fig. 15, n° 2) est comparable en tous points avec un exemplaire issu du remplissage d’une latrine fouillée aux 83 rue de la République/22-24 rue Bellecordière (HORRY 2015, p. 119-120, fig. 92, n° 8). Les deux petites marmites en céramique grise glaçurée évoquent, quant à elles, les récipients de cuisson de différents modules recensés localement au XVIe s. et qui s’inscrivent dans le prolongement du répertoire observé à la fin du XVe s. (HORRY 2009, p. 310)21.
- 22 Le service vert attribué à Meillonnas commence à être diffusé dans le courant du XVe s. et ce de fa (...)
26Ultérieur à l’ensemble I en chronologie relative, l’ensemble II réunit des vases dont l’usage est avéré localement au XVe s. ainsi qu’au début du siècle suivant. Il se démarque toutefois des collections de référence pour cette période par l’absence, de nouveau notable, de marmites à anses coudées mais aussi de service vert de Meillonnas et de faïence, bien que ces dernières productions apparaissent alors de façon sporadique seulement22. Suivant ces arguments, sa datation est à situer dans le courant du XVe s.
27La fouille du puits a dévoilé deux lots de céramiques à la chronologie assez resserrée dans le temps mais à l’image sensiblement différente, au travers de laquelle s’esquissent les évolutions à venir, en matière de fabrication comme d’usage. Elle documente également une pratique dont les motivations peuvent interroger. Pourquoi des vases parfois intacts ont-ils été mis au rebus, au sein d’une parcelle dont l’occupation n’a pas discontinué ? Associées aux céramiques, de nombreuses tuiles creuses de même module pourraient témoigner d’une phase de reconstruction intervenue après un changement de propriétaire, expliquant ainsi le phénomène de rejet observé.
- 23 Quatre-vingts des 185 individus décomptés offrent des profils complets.
- 24 Les études du verre et du petit mobilier sont dues à Jean Soulat, celle de la faune à Aurélien Creu (...)
28Provenant des latrines des maisons mentionnées plus haut, le matériel récolté s’élève à 1 575 tessons pour un NMI de 185. Les deux lots s’avèrent exceptionnels, tant par leur état de conservation – bien que fragmentés, de nombreux vases sont entiers, quelques-uns sont même intacts23 – que par le nombre de pièces mises au jour. L’un et l’autre semblent résulter d’un épisode de rejet analogue comme en témoigne leur homogénéité en plus de leur contexte de découverte. L’étude des autres mobiliers et de la faune ainsi que l’historique du bâti perçu grâce aux archives vont aussi en ce sens24.
29Sept cent vingt-huit tessons fournissant un NMI estimé à 100 sont issus du remplissage des latrines 55 (US 59). Si la fouille de cette structure s’est avérée techniquement complexe, n’autorisant pas un ramassage exhaustif du mobilier, l’ensemble est cependant remarquable. Parmi la centaine de vases, vingt et un sont entièrement conservés ou ont pu être restitués sur toute leur hauteur. Avec 50 % du NR et 51 % du NMI, la céramique grise est la plus abondante (fig. 17). Elle devance la vaisselle à glaçure verte sur engobe, qui réunit presque 29 % du NR et 33 % du NMI. Additionnées, ces deux catégories montrent qu’elles constituent à elles seules plus des 4/5e du total. Vient ensuite la céramique rouge glaçurée avec 70 tessons et un NMI de neuf soit 9,6 % du NR et 9 % du NMI. La céramique rouge, la faïence et les céramiques engobées jaune et rouge décorées fournissent entre un ou deux individus ; le service vert de Meillonnas (NR : 11) n’en livre en revanche aucun. Le mobilier résiduel des occupations antérieures est totalement absent.
Fig. 17. Répartition des productions céramiques comblant les latrines 55 (US 59), en NR et en NMI.
- 25 S’agissant du mobilier des latrines, compte tenu du volume d’objets considéré, nous avons de choisi (...)
- 26 Un rebord pourrait correspondre à une marmite 2.6 mais cette identification doit être confirmée.
30La marmite à anses coudées domine largement le répertoire des céramiques grises avec quarante-sept individus sur un total de cinquante et un (fig. 18). Huit se rapportent à la forme 2.3 (fig. 18, nos 1-5) et trois à la forme 2.7 (fig. 19, nos 1-2) tandis que les autres rebords n’ont pu être reliés précisément à l’une ou l’autre (fig. 18, nos 6-9). Néanmoins, s’agissant d’un contexte clos et étant donné qu’aucun des soixante fragments de fonds isolés observés ne semble appartenir à un récipient tripode, il paraît envisageable de rattacher tout ou partie de ces trente-six individus supplémentaires à la variante 2.326, portant ainsi leur nombre total à quarante-quatre. L’ouverture de ces vases, dont la couleur de la pâte va du gris clair au gris foncé, oscille entre 11 et 18 cm, la valeur médiane se situant autour de 15 cm. Un fragment de bord isolé, en forme d’amande, correspond probablement à une bassine 1. Les autres céramiques grises sont plus originales. Un poêlon au marli court légèrement retombant – proche des formes 1.1 et 1.2 – repose sur un fond bombé (fig. 19, n° 3) ; son ouverture mesure environ 22 cm de largeur. Un second récipient au profil complet est aussi doté d’un manche tubulaire : globulaire et pourvu d’un fond plat, il est terminé par un petit marli (fig. 19, n° 4). Si son profil le place à la croisée du coquemar et du pot à châtaignes 1.1, il ne correspond cependant à aucune forme précise du répertoire des poteries régionales pour la période moderne (HORRY, 2015) et constitue une nouveauté supplémentaire. En revanche, des récipients similaires – très probablement issus des ateliers de production tout proches de Sevrey en Saône-et-Loire – ont été découverts lors de prospections dans la Saône à Lux, en amont du Port Guillot (BONNAMOUR, 1987, fig. 17 ; BONNAMOUR, 1988, fig. 7). L’inventaire de la catégorie se termine avec le rebord d’un vase à la paroi évasée pourvu d’un petit bec verseur et dont la lèvre, droite, est simplement soulignée par un discret sillon. Son diamètre d’ouverture est d’un peu plus de 16 cm (fig. 19, n° 5). Il peut être rapproché d’un poêlon mis au jour dans la latrine 62 (cf. infra et fig. 25, n° 5).
Fig. 18. Céramiques grises (G) de la latrine 55 : marmites. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
Fig. 19. Céramiques grises (G), rouges (R), rouges glaçurées (Rgl) et du service vert de Meillonnas (Sv) des latrines 55 : vases de cuisson. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
31À deux exceptions près, matérialisées par ce qui semble être le bouton de préhension d’un petit couvercle 1.1 en céramique rouge (fig. 19, n° 10) et par une dizaine de tessons appartenant à un coquemar du service vert de Meillonnas (n° 9), les autres ustensiles dévolus à la cuisson des aliments sont des marmites en céramique rouge glaçurée. La forme 5.3 a été observée à deux reprises avec notamment un récipient au profil complet (nos 6-7). Un voire deux rebords documentent la marmite 5.2 (fig. 19, n° 8) ; trois autres n’ont pu être rattachés à une variante particulière.
32Aussi en céramique rouge glaçurée, deux pichets dont manquent l’anse et la lèvre ont une panse ovoïde et un fond plat. Le col de l’exemplaire le plus complet est quasiment cylindrique. Tous deux sont façonnés dans une pâte beige rosé plutôt fine ; leur glaçure, orange verdâtre, se limite à une zone située sous la lèvre (fig. 20, nos 1-2).
Fig. 20. Céramiques rouges glaçurées (Rgl) et vertes sur engobe (Vse) (formes basses) des latrines 55. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
- 27 Les conditions d’enfouissement des vases expliquent peut-être ces aspects de surface.
- 28 La morphologie du pichet 1.4 s’avère assez proche de celle du pot de chambre 1.1 (HORRY, 2015, p. 1 (...)
- 29 Ce recensement passe à trois individus si l’on considère le NTI (Nombre Typologique d’Individus, ob (...)
- 30 Information orale Alban Horry.
33En tête de ce groupe destiné au stockage et/ou à la table et en seconde position au regard de l’ensemble, la céramique verte sur engobe réunit 209 tessons pour un NMI de trente-trois. Les formes basses sont les plus représentées, avec dix-sept individus contre quatorze pour les formes hautes, à la nuance près que deux bords restent non identifiés. Plutôt fines, les pâtes observées varient du beige orangé au marron clair avec une dominante le plus souvent orange clair. La qualité des glaçures s’avère inégale ; elles sont le plus souvent mates, de rares fois brillantes27. Dans le premier groupe, l’écuelle 1.2 est la plus fréquente avec six occurrences. Ces récipients sont relativement « standardisés » : leur diamètre se situe le plus souvent autour de 13 cm, même si nous avons recensé un exemplaire à 12 cm et un à 13,5 cm (fig. 20, nos 4-7). Une seule écuelle affiche une large ouverture de 20 cm (n° 8) ; il s’agit peut-être d’une écuelle 2.1 mais son état de conservation trop fragmentaire ne permet pas de l’assurer. Les terrines sont au nombre de cinq. Deux exemplaires – dont un affichant 27 cm de diamètre à l’intérieur de la lèvre (fig. 20, n° 11) – renvoient à la forme 1.6 tandis qu’un second illustre la variante 1.7 (n° 10) ; les deux autres rebords restent sans attribution spécifique. Les assiettes, avec la forme 1.1 (n° 12), sont au nombre de deux contre un seul plat de forme 2.1 (n° 9). Sept autres tessons ont été indifféremment classés en assiette ou en plat. Enfin, un petit vase à la paroi évasée et pourvu d’un bord creusé d’une gorge prend également place dans l’inventaire des formes basses (fig. 20, n° 13). Son diamètre d’ouverture modeste – 12 cm – et son profil pourraient le rapprocher d’une tasse. Parmi les vases hauts, le pichet est la forme la plus représentée. La variante 2.1 compte deux exemplaires (fig. 21, nos 1-2) tandis que la forme 2.6, dont il s’agit de la première occurrence dans le groupe technique de la verte sur engobe, est attestée par la partie basse d’un récipient conservé aux deux tiers (fig. 21, n° 6). Nous dénombrons également un pichet 1.428 (n° 5) et un pichet 2.429 (nos 3 et 4). Les cruches à bec tubulaire apparaissent à deux reprises avec la forme 2.1 (n° 7 et n° 8). Trente-huit autres fragments (NMI : 4 ; NTI : 12) n’ont pu être raccordés à l’un de ces deux grands types. Nous dénombrons aussi quatre vases à anse panier de forme ovoïde ou globulaire dont la lèvre se termine soit par une simple petite inflexion oblique (NMI : 2), soit par un bourrelet (NMI : 2) (nos 9-12). Un de ces derniers est pourvu d’une paroi partiellement percée d’orifices circulaires débouchant sur un bec verseur (fig. 21, n° 12). Ces quatre éléments nous étant parvenus de manière fragmentaire, leur description reste lacunaire mais il s’agit visiblement de récipients destinés au stockage et/ou au transport de liquides30.
Fig. 21. Céramiques vertes sur engobe (Vse) des latrines 55 : formes hautes. Échelle 1/3 dessin, DAO et cliché : C. Mège, SAVL.
34Les productions engobées – jaune ou rouge – décorées totalisent trente fragments pour un NMI de trois. Des deux, la céramique engobée jaune décorée est la plus abondante avec vingt-six tessons (NMI : 2, NTI : 7). Tous ont été façonnés dans une pâte orange plutôt fine et portent un décor sommaire réalisé à l’aide d’oxyde de cuivre et de barbotine rouge, exception faite d’une assiette 1.1 de petite dimension, conservée au deux tiers (diamètre de l’ouverture : environ 13 cm ; fig. 22 n° 1). Cette dernière comporte une glaçure jaune plutôt foncée à l’aspect altéré rendant la présence d’un décor discret difficile à déceler. Son profil ainsi que le contexte nous ont invités à la classer dans cette catégorie technique plutôt que de la placer par défaut dans le groupe des céramiques jaunes sur engobe. Le second bord répertorié est celui d’un plat 2.1 (fig. 22, n° 2) ; il côtoie les fonds de trois autres formes basses et ouvertes, certainement une écuelle, une assiette et un plat (nos 3-5) et de deux cruches (nos 6-7). Avec quatre restes, la céramique engobée rouge décorée fait une apparition discrète. Elle est plus précisément matérialisée par trois fragments d’une assiette 1.1 dont l’extrémité du marli est marquée d’une fine gorge et par le fond d’un plat, tous deux décorés à la barbotine blanche (nos 8-9). À la marge, cinq fragments d’un plat 2.1 ont été classés dans la catégorie « indéterminée » : s’ils portent un engobe blanc, le coloris de leur glaçure, très dégradée, est impossible à déterminer (fig. 22, n° 10).
Fig. 22. Céramiques engobées jaunes décorées (Jd), rouges décorées (Rd) et faïences (F) des latrines 55. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, clichés : C. Mège, SAVL.
35Enfin, avec trente tessons (NMI : 1), soit 4 % du NR et 1 % du NMI, le comblement des latrines 55 est relativement pauvre en faïence. La conservation de ces artefacts est par ailleurs parfois très médiocre. Le seul bord est celui d’une écuelle 1.1 à l’émail dégradé dont le diamètre d’ouverture est de 14 cm (fig. 22, n° 11). Un fond appartient à une seconde écuelle (n° 12), un fragment de panse tronconique correspond à une aiguière 1 (n° 13) et quelques tessons de panse témoignent de la présence de deux cruches ou boccale (n° 14). La facture de ces vases ainsi que leurs décors renvoient aux productions locales apparaissant à partir du second quart du XVIe s. (HORRY, 2001). Près d’une vingtaine de tessons permettent aussi de restituer une coupe sur piédouche à l’origine indéterminée (fig. 22, n° 15). La totalité de son émail s’étant décollée, il ne subsiste malheureusement aucune trace de son éventuel décor. Il en va de même pour deux fragments de fond plat pouvant correspondre à un albarello (fig. 22, n° 16).
36Sans lien direct avec l’alimentation mais illustrant le domaine de l’artisanat, deux bords en pâte rouge claire et pourvus partiellement à l’extérieur de glaçure verte se rapportent à un creuset. De forme conique et d’un diamètre d’ouverture estimé à 8 cm, il n’a semble-t-il pas servi (fig. 20, n° 3).
37Avec 847 tessons pour un NMI de 85, ces latrines ont livré le plus de restes céramiques, piégés dans leur comblement inférieur, l’US 65. Aux vases dénombrés grâce au NMI, il convient d’en rajouter entre vingt et trente supplémentaires au regard du NTI. La conservation de bon nombre des récipients est aussi exceptionnelle puisque sur les quatre-vingt-cinq individus mentionnés supra, vingt-deux nous sont parvenus entiers et trente-sept présentent un profil complet. Si en NR la céramique grise domine largement le corpus (44 %), la prise en compte du NMI montre qu’elle est suivie de près par la céramique verte sur engobe, la première totalisant près de 33 % des individus contre 29 % pour la seconde (fig. 23). La céramique engobée jaune décorée se place en troisième position avec plus de 15 % du NMI, devant la céramique rouge glaçurée (environ 12 %) puis la céramique rouge et service vert de Meillonnas (3,5 %). La céramique engobée sgraffito – absente de l’US 59 – et la faïence livrent un seul individu, comme la catégorie « indéterminée ». Trois fragments de céramiques antiques dont les fonds d’une assiette en sigillée et d’une amphore Gauloise 4 se trouvent en position résiduelle.
Fig. 23. Répartition des productions céramiques comblant les latrines 62 (US 65), en NR et en NMI.
38Comme dans les latrines 55, le répertoire des céramiques grises est quasiment restreint à la marmite à anses coudées. Nous en dénombrons 27, ce qui représente plus de neuf vases sur dix dans cette catégorie, la plupart correspondant à la variante 2.3, avec différents modules (fig. 24, nos 1-8 et fig. 25, nos 1-2). Leurs embouchures varient entre 10,5 et 16 cm avec une valeur médiane se trouvant à 12,5 cm. Deux marmites 2.7 aux proportions très différentes reposent sur un fond bombé tripode : l’une affiche un diamètre d’ouverture de 8 cm tandis que celui de la seconde est de 16 cm (fig. 25, nos 3-4). La plus petite ne comporte pas de traces formelles d’un passage sur le feu, ce qui constitue un argument supplémentaire, outre ses dimensions, pour l’assimiler à une pièce de dinette. D’un point de vue technique, ces marmites comportent toutes une pâte grise, le plus souvent d’un ton soutenu, tirant même quelquefois sur le noir. Une seule est façonnée dans une pâte d’un gris très clair, presque bistre ; il s’agit de la marmite 2.3 jouissant par ailleurs du diamètre d’ouverture le plus important de cette collection (fig. 25, n° 2). Deux autres récipients complètent l’inventaire de cette catégorie. Le premier est un poêlon à fond plat et parois évasées possédant un petit bec verseur perpendiculaire à son manche tubulaire (diamètre d’ouverture environ 18 cm ; fig. 25, n° 5) ; lui correspond le rebord découvert dans l’US 59 mentionné supra (fig. 19, n° 5). Il constitue vraisemblablement une variante du poêlon 2.1. Le fond d’une vasque arrondie terminée par un piédouche conique signale également la présence d’un chauffe-plat 1 ou 2 (fig. 25, n° 6).
Fig. 24. Céramiques grises (G) des latrines 62 : marmites. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
Fig. 25. Céramiques grises (G) et service vert de Meillonnas (Sv) des latrines 62. 1-4 et 8-9. Marmites ; 5. poêlon ; 6. chauffe-plat ; 7. couvercle. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
- 31 Une marmite 5.2 est dotée d’une glaçure orange (fig. 26-n° 3), tandis qu’une seconde est pourvue d’ (...)
- 32 Ici, la jonction entre le bord et la partie couvrante de l’ustensile est franchement anguleuse.
39La céramique rouge glaçurée rassemble 103 tessons pour un NMI de dix. Ces vases – à l’exception d’un seul sur lequel nous reviendrons – ont été fabriqués dans une pâte plus ou moins fine et cuits en mode A. La glaçure qui les recouvre est la plupart du temps verte31, ce qui a parfois rendu difficile l’identification de certains fragments au vu de similitudes avec la céramique verte sur engobe. Tous portent de nombreuses traces de passage au feu. Comme en céramique grise, la marmite est la forme la plus plébiscitée avec six exemplaires à fond plat : trois illustrent la variante 5.2 (fig. 26, nos 1-3), deux la variante 5.3 (nos 4-5). La dernière est aussi à rapprocher de la marmite 5, à ceci près qu’elle se termine par une lèvre évasée creusée d’un sillon offrant un profil inédit (n° 6). Deux fonds isolés appartiennent possiblement à d’autres marmites, sans certitude toutefois. Un petit coquemar 1.1 montre un profil complet (fig. 26, n° 7), comme un couvercle en céramique rouge dont la forme doit constituer une variante du type 1.532 (n° 11).
Fig. 26. Céramiques rouges (R) et rouges glaçurées (Rgl) des latrines 62. 1-6. Marmites ; 7. coquemar ; 8. pichet ; 11. couvercle ; 9-10 et 12-14. tirelires. Échelle 1/3 dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
40Très discret précédemment, le service vert de Meillonnas compte 54 tessons pour trois individus : une marmite 5.6 et une marmite 3.2 presque entières (fig. 25, nos 8-9) ainsi d’un couvercle 1.5 (fig. 25, n° 7).
- 33 Le rebord d’un piédouche en céramique rouge glaçurée appartient peut-être à un second chauffe-plat, (...)
41Les céramiques vertes sur engobe se trouvent de nouveau en tête de ce groupe fonctionnel, avec 197 restes et au moins vingt-cinq individus. Parmi les formes basses, au nombre de treize, l’écuelle, dans sa variante 1.2, est aussi la plus abondante avec six exemplaires (fig. 27, nos 1-4). Viennent ensuite trois plats 1.2 (n° 6) puis deux terrines 1.1 et 1.7 (nos 7-8), un chauffe-plat 2.2 (n° 9)33 et une tasse (n° 5). Encore non répertoriée parmi la vaisselle moderne, la forme de celle-ci est inédite. Il s’agit d’un modèle aux parois évasées, à lèvre simple et pourvue d’un bec verseur. Une petite anse de section indéterminée – car non conservée – prend place perpendiculairement à ce dernier. Son diamètre d’ouverture mesure environ 10,5 cm. Pour les vases à verser (NMI : 12), nous observons un certain équilibre entre les formes avec ou sans bec tubulaire puisqu’on dénombre quatre cruches 1.5 (fig. 28, nos 1-3) pour trois pichets 1.4 (nos 4-5) et un pichet 2.1 (n° 6). Un autre pichet, quasiment complet mais dont le bord manque n’apparaît pas dans le décompte du NMI ; il se terminait sans doute par un bec pincé (fig. 28, n° 7). Quatre autres vases hauts, matérialisés par des rebords fragmentaires, n’ont pas été identifiés plus précisément. Toutes ces céramiques ont été façonnées dans une pâte plus ou moins fine dont la teinte varie de l’orange clair au rouge clair en passant par le bistre et le brun. Les glaçures sont médiocrement conservées : la plupart sont mates, quelques-unes presque irisées. Seuls quelques objets gardent encore une glaçure verte brillante : c’est le cas des deux plats 1.2 mais aussi d’une cruche 1.5 et d’un pichet 2.1.
Fig. 27. Céramiques vertes sur engobe (Vse) des latrines 62 : formes basses. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
Fig. 28. Céramiques vertes sur engobe (Vse) des latrines 62 : formes hautes. Échelle 1/3 dessin et DAO : C. Mège, SAVL.
42Au moins 13 individus, dénombrés parmi un total de 80 fragments, se rapportent à la céramique engobée jaune décorée. Dans ce groupe, les formes basses sont sensiblement mieux représentées que les formes hautes puisque les premières sont au nombre de neuf. Elles comprennent trois assiettes 1.1 (fig. 29, nos 1-3) ainsi qu’une assiette 2.1 portant une trace de coup de feu sous une partie de son rebord (n° 4). Cinq écuelles 1.1 les accompagnent (nos 5-7), en plus du fond d’une sixième écuelle 1 ou 2. Pour les formes hautes, le pichet 2.4 compte trois individus (fig. 30, nos 1-3) contre une seule cruche 2.2 (n° 4) ; les fonds de trois autres vases à verser complètent l’ensemble. La pâte de ces vases est fine et varie du beige à l’orange. Tous portent des décors réalisés à la barbotine brune et à l’oxyde de cuivre. Réduits à leur plus simple expression sur les formes basses (traits et touches de couleur), ils se développent de manière à peine plus élaborée sur les pichets 2.4 (frises verticales de chevrons en vert et touches marrons, fig. 30, n° 1 ; frises verticales de spirales en vert et de pastilles en marron, n° 2 ; alternances de groupes de lignes verticales en vert et marron, n° 3).
Fig. 29. Céramiques engobées jaune décorée (Jd) des latrines 62 : formes basses. Échelle 1/3 dessin, DAO et clichés : C. Mège, SAVL.
Fig. 30. Céramiques engobées jaune décorée (Jd) (formes basses), engobée sgraffito (Sgr) et faïences (F) des latrines 62. Échelle 1/3 sauf photographie n° 7, échelle 1/2 dessin, DAO et clichés : C. Mège, SAVL.
43Le service de table est complété par un plat 2.1 en céramique engobée sgraffito (fig. 30, n° 5). Doté d’une ouverture d’environ 25 cm et brisé en cinq morceaux, il est conservé aux deux tiers et sa tranche cassée est noircie à cause d’un contact avec une forte source de chaleur. Son décor, partant d’un fleuron central à huit pétales, est organisé en registres séparés par une double incision ; cette composition se retrouve sur un plat au profil similaire découvert place des Cordeliers à Lyon dans un ensemble daté de la seconde moitié du XVIe s. (HORRY, 2015, p. 141, fig. 109, 10). La faïence livre quelques rares tessons, cinq au total, dont la facture et les décors renvoient aux productions des officines lyonnaises. Une grande écuelle 1.1 à oreilles en demi-lune est ornée d’un décor polychrome (fig. 30, n° 6). Deux fonds de plats ont également été observés ; ils pourraient correspondre à un plat 1.1 et à un plat 1.4 (fig. 30, nos 7-8).
44En marge parmi des productions le plus souvent destinées à la cuisson des mets, signalons la présence d’un pichet presque entier en céramique rouge glaçurée. Il mesure une vingtaine de centimètres de hauteur, repose sur un fond plat, possède une panse ovoïde et se termine par un bec pincé (fig. 26, n° 8). Sa lèvre striée sur la face externe est pourvue d’une gorge interne. Façonné dans une pâte orange et cuite en mode A, il est partiellement pourvu d’une glaçure jaune, couvrante. Si son aspect général et sa lèvre évoquent largement les pichets du vaisselier régional en usage aux XIVe s. et XVe s., son profil et sa glaçure – partielle mais couvrante – sont plutôt à mettre en relation avec les produits engobés. Comme à la transition entre deux « modes », ce vase ne correspond in fine à aucune forme répertoriée.
45Dans la même catégorie technique, nous dénombrons enfin deux tirelires 1.1 entières, à peine brisées en quelques fragments et pourvues de quelques giclures de glaçure (fig. 26, nos 9-10). Elles sont accompagnées d’une autre tirelire 1.1 complète en céramique rouge, augmentée des fonds de six autres (fig. 26, nos 12-14). Ces tirelires ont une pâte variant du beige orangé au rouge foncé, sachant que l’exemplaire possédant cette dernière matrice est visiblement surcuit.
46Une première lecture de ces deux ensembles, en s’attachant particulièrement à l’assemblage des productions qui les composent ainsi qu’à leur diffusion régionale, permet rapidement d’en préciser la datation. La présence de faïences de Lyon, de céramiques engobées et du service vert de Meillonnas les place d’emblée au plus tôt au XVIe s. Ce terminus post quem peut encore être précisé puisque les céramiques engobées jaunes décorées, observées dans les deux corpus, sont signalées dès le milieu du XVIe s. tandis que les céramiques engobées rouges décorées, repérées uniquement dans les latrines 55, apparaissent durant la seconde moitié de ce siècle (HORRY, 2015, p. 59 et 69). En se basant uniquement sur ce dernier élément, le comblement des latrines 55 pourrait donc être plus récent.
47Pourtant, les comparaisons avec d’autres lots du XVIe s. mis au jour dans un environnement proche permettent de nuancer ce postulat (fig. 31 et 32). Tout près de l’Hôtel-Dieu, sur la Presqu’île, les fouilles de la rue de la République (phase 10, HORRY, 1998 ; HORRY, 2015, p. 127-129) mais aussi des places de la République, des Cordeliers ou plus au nord, des Terreaux (op. cit., p. 131-133 et p. 137-161) fournissent de nombreuses sources. Elles sont complétées par les découvertes du Parc Saint-Georges (HORRY, 2013, p. 180 et suivantes ; HORRY, 2015, p. 161-167) et de la place Abbé-Larue (BERTRAND, ROBIN, 2018) pour la rive droite de la Saône et le versant est de la colline de Fourvière.
Fig. 31. Répartition par productions, en NR, du mobilier des latrines 55 et 62 et de référentiels lyonnais datés du XVIe s.
Fig. 32. Répartition par productions, en NMI, du mobilier des latrines 55 et 62 et de référentiels lyonnais datés du XVIe s.
- 34 L’hypothèse de la conservation de certaines pièces de valeur, et donc ici de leur récupération, peu (...)
48De grandes parentés avec les céramiques des latrines, voire une standardisation assez marquée dans les groupes techniques les plus abondants, sont observées. Dans tous les cas, comme ailleurs dans la région à la même période, les céramiques grises sont très majoritairement des marmites à anses coudées, même si leur répertoire tend à se diversifier. En matière de cuisson encore, la portion de service vert de Meillonnas, inférieure à 5 % du NMI dans les latrines 62, renvoie aux collections datées du milieu du XVIe s. (rue et place de la République en particulier). Sur la table, la moindre représentation de la faïence – 1 % du NMI dans chacune des latrines – évoque a contrario les référentiels lyonnais de la première moitié du siècle34. Du côté de la vaisselle engobée, les céramiques jaunes et rouges décorées sont très peu représentées dans les latrines 55, surtout au regard du NMI ; la part des premières s’avère plus significative dans l’autre structure, où la céramique engobée sgraffito est également répertoriée, avec un plat très proche stylistiquement d’un exemplaire de la place des Cordeliers. À propos des usages, la répartition des vases selon leur fonction montre une proportion plus importante d’ustensiles dédiés à la cuisson dans l’US 59 (61 % contre 47 %) quand l’éventail des formes est plus varié dans l’US 65, esquissant les évolutions futures du vaisselier moderne (fig. 33).
Fig. 33. Répartition fonctionnelle et typologique des céramiques des latrines 55 et 62 en % du NMI.
49Au final, ces observations nous invitent à retenir pour les deux lots une datation au milieu du XVIe s., voire certainement un peu au-delà. En revanche, les divergences avec les ensembles de référence de la seconde moitié du XVIe s., notamment concernant la place des céramiques grises, désormais inférieures à 25 % du NMI, et celle croissante des céramiques engobées rouges décorées qui dépasse parfois largement les 10 % du NMI, ne nous engagent pas à les placer très en avant dans la seconde partie du siècle considéré.
50Pour le bas Moyen Âge et le XVe s. en particulier, les lots collectés dans le comblement du puits 5103 étoffent la documentation existante, encore restreinte, comme en témoignent les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de dater précisément un assemblage ou l’apparition de tel récipient (HORRY, 2015, p. 339).
51Si les faciès du XVIe s. sont mieux renseignés, à la faveur des nombreuses opérations d’archéologie préventive conduites ces dernières décennies à Lyon entre autres, les ensembles issus des latrines complètent le répertoire régional avec des apports inédits. Ainsi, en cohérence avec le principe d’ouverture du « dictionnaire des formes céramiques » et suivant la même logique de classement, nous suggérons la création d’une nouvelle entrée – la casserole – et l’ajout de variantes à des classes et sous-classes déjà existantes (HORRY, 2015, p. 373 et suiv.).
Fig. 34. Nouvelles forme et variantes mises au jour dans les latrines 55 et 62 en céramiques grises (G), rouges glaçurées (Rgl) et vertes sur engobe (Vse). 1. Casserole 1 ; 2. poêlon 1.3 ; 3. poêlon 2.1 avec bec verseur ; 4. marmite 5.9 ; 5. tasse 1.5 ; 6. tasse 2.2. Dessin et DAO : M. Lagrange et C. Mège, SAVL.
- La casserole, forme fermée dont la hauteur est plus ou moins égale à son diamètre, repose sur un fond plat et est pourvue d’un manche de préhension latéral ; elle permet de cuire les aliments35. Illustrée par un exemplaire en céramique grise mis au jour dans les latrines 55, la casserole 1 possède une lèvre évasée, une panse renflée et un manche tubulaire (fig. 19, n° 4 et fig. 34, n° 1).
- Le poêlon s’enrichit de deux variantes. La première, que nous proposons d’appeler poêlon 1.3, est matérialisée par le récipient en céramique grise des latrines 55 à lèvre pendante courte, manche tubulaire et fond bombé (fig. 19, n° 3 et fig. 34, n° 2)36. La seconde, observée dans les deux latrines, concerne le poêlon 2.1 : il est ici augmenté d’un petit bec verseur pincé (fig. 19, n° 5, fig. 25, n° 5 et fig. 34, n° 3).
- Collectée dans les latrines 62, une marmite 5 en céramique rouge glaçurée, sans col, à rebord court, ovoïde et fond plat (HORRY, 2015, p. 399), se termine de façon inédite par une lèvre évasée creusée d’un sillon ; nous proposons de la nommer marmite 5.9 (fig. 26, n° 6 et fig. 34, n° 4).
- Pour finir, deux nouveaux types de tasse s’ajoutent à cet éventail. La tasse 1.5, repérée dans les latrines 62 en céramique verte sur engobe, possède des parois évasées, un bord arrondi en saillie et un petit bec pincé perpendiculaire à l’anse (fig. 27, n° 5 et fig. 34, n° 5). La tasse 2.2, aux parois également évasées, est pourvue d’une lèvre creusée d’une gorge formant quasiment un bandeau (fig. 20, n° 13 et fig. 34, n° 6)37.
52En matière d’approvisionnement, l’examen des céramiques des deux structures met en avant la présence ou l’absence de certaines dynamiques et engage à de nouvelles investigations.
53Dans le puits d’abord, les céramiques grises présentent des caractéristiques macroscopiques traduisant probablement une origine commune qui reste toutefois à préciser. Ce constat s’applique tout autant à la plupart des pichets en céramique rouge glaçurée de l’ensemble I, renforcé par la grande proximité de leurs décors. Il est plus difficile de se prononcer pour les autres récipients, peu nombreux dans chaque catégorie technique et/ou fonctionnelle. Nous pouvons en revanche assurer qu’aucun des deux ensembles n’a livré de productions méridionales – les faïences décorées en vert et brun sont pourtant régulièrement observées dans les ensembles lyonnais contemporains – ou du bassin méditerranéen (RICHARTÉ-MANFREDI et alii, 2020, p. 142-144 ; HORRY, 2002b, p. 228-229).
- 38 Coordonné par Antoine Guicheteau (Inrap Bourgogne-Franche-Comté), ce PCR a notamment pour objectifs (...)
54Pour la période moderne, le mobilier des latrines ne comprend pas davantage de céramiques importées du sud ou du moins identifiées comme telles. Hormis quelques tessons non attribués, les rares faïences sont d’origine locale. S’agissant des productions septentrionales, il est admis qu’une part non négligeable des marmites à anses coudées en céramique grise qui abondent au XVIe s. arrivent du Val de Saône, spécialement des ateliers de Sevrey précédemment mentionnés (HORRY, 2015, p. 26 ; GUICHETEAU et alii, 2022, p. 85 et suivantes). Une provenance semblable est envisageable pour les exemplaires des latrines mais aussi, suivant une logique comparative, pour la casserole 1 (cf. supra). Dans la continuité de ce raisonnement, des analyses sur la composition physico-chimique de plusieurs poteries grises des latrines et du puits sont programmées dans le cadre du PCR « Sevrey, archéologie d’un village de potiers au Moyen Âge et aux Temps modernes »38. Leurs résultats compléteront ainsi nos connaissances sur ces récipients de cuisson.
55Par ailleurs, bien qu’à peine un siècle et demi les séparent, les ensembles du puits et des latrines donnent à voir les mutations qui s’opèrent entre la fin du Moyen Âge et la période moderne en termes de préparation culinaire et surtout de manières de table. En noir et rouge, les récipients provenant du puits se résument presque uniquement à des marmites pour la cuisson des aliments et à des pichets pour le service et la consommation des boissons ; les formes basses et ouvertes sont encore rares. À l’inverse, se parant de couleurs grâce à l’évolution des techniques de fabrication, les céramiques issues des latrines révèlent de nouveaux usages. L’écuelle et la tasse attestent par exemple la consommation individuelle des solides et des liquides. Avec les assiettes, les plats, les terrines, les cruches et les pichets, les formes pour le service se multiplient et si la marmite reste l’ustensile le plus prisé, d’autres récipients comme la casserole et le poêlon trouvent désormais leur place en cuisine.
56Objets de peu de valeur, parfois rejetées alors qu’elles étaient encore fonctionnelles, les poteries découvertes lors des fouilles de l’Hôtel-Dieu sont in fine des vestiges à part entière, fragments du quotidien des habitants des quartiers du Bourgchanin et de la Blancherie.
- 39 À l’issue de cette publication, nous souhaitons remercier chaleureusement les équipes ayant travail (...)
57Leur étude contribue à définir une vue d’ensemble des vases en terre cuite utilisés à Lyon entre les XIVe et XVIe s., période charnière au cours de laquelle les traditions médiévales laissent peu à peu la place à « la naissance de la céramique moderne » (HORRY, 2009). Ces évolutions sont particulièrement sensibles s’agissant de la fabrication, de la diffusion et de l’usage des céramiques, autant de domaines à propos desquels les réflexions partagées ici sont appelées à être poursuivies39.