Chapitre 1 – Composantes architecturales et organisation spatiale des lieux de culte
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« Je vais maintenant parler en ce troisième livre des demeures sacrées des dieux immortels et en présenter une description complète, selon les règles. »
Vitruve, De l’architecture, III, préface, 4
1L’analyse du cadre spatial des cultes nécessite, dans un premier temps, de distinguer et de caractériser les principales composantes architecturales et les équipements des sanctuaires, en déclinant les modes de clôture mis en œuvre, les formes des temples et des édicules, les éventuels aménagements liés à l’eau, les autres constructions identifiées en bordure des aires sacrées et enfin les secteurs non bâtis. Ce n’est qu’après avoir examiné ces différents types d’aménagements et d’espaces qu’une vision globale des aires sacrées et de leur structuration peut être envisagée, afin de comprendre leur organisation.
1.1. Les équipements des sanctuaires
1.1.1. Du profane au sacré : délimitation et accès des lieux de culte
- 12 Un murus est ainsi attesté à Nantes, dans un sanctuaire vraisemblablement dédié à Minerve (CIL XIII (...)
2Dans les Gaules, les sanctuaires du second âge du Fer puis de l’Antiquité, à l’instar des lieux de culte de Grèce et du reste du monde romain, sont souvent circonscrits par une enceinte, dont la nature varie : fossoyée ou palissadée durant la période gauloise, souvent maçonnée à partir du Haut-Empire (Arcelin et Brunaux, 2003, p. 244 ; Fauduet, 2010, p. 73-80 ; Van Andringa, 2017a, p. 104 et p. 120-121). Généralement désignée par les termes d’origine grecque « téménos » ou « péribole » dans la littérature moderne, elle correspond au murus12 ou au saeptum mentionné dans plusieurs inscriptions des Gaules romaines (Ginouvès, 1998, p. 34 ; Van Andringa, 2017a, p. 120). Du reste, l’identification des limites de ces espaces fréquentés par les dieux et par les hommes n’est pas toujours un exercice aisé et invite à la prudence (fig. 14). De fait, avant même de préciser les caractéristiques des différents types d’enceintes, il est nécessaire de distinguer les aires sacrées indépendantes, pourvues de leur propre système de clôture (pour au moins 158 des 341 phases de sanctuaires avérés, soit 46 %), que l’on peut alors qualifier de péribole, de celles (au moins 10, soit 3 %) qui sont installées au sein d’un établissement plus vaste – notamment une villa, pour l’époque romaine – et dont les limites ne sont manifestement pas toujours matérialisées. En revanche, pour 59 autres phases de sanctuaires (17 %), dont le plan est incomplet, l’existence d’une enceinte est plus incertaine et sa fonction n’a pu être déterminée. Par ailleurs, l’examen de plusieurs sites gaulois ou d’époque romaine conduit à admettre l’existence probable d’aires sacrées non encloses ou de clôtures ne laissant pas de traces archéologiques. Ce sont ainsi 114 sanctuaires avérés (34 %) pour lesquels aucune enceinte n’a été reconnue, pour des raisons diverses qu’il conviendra d’analyser.
Figure 14 : Répartition des phases des sanctuaires en fonction de l’identification ou non d’une enceinte.

Réal. S. Bossard.
1.1.1.1. Les enceintes fossoyées ou en bois
3Les vestiges d’un péribole fossoyé ou en bois ont pu être identifiés, souvent de manière lacunaire, pour 27 phases correspondant à 22 sanctuaires avérés différents. Des structures similaires ont aussi été mises en évidence pour une trentaine de cas plus problématiques, lieux de culte hypothétiques ou enclos qui ont aussi pu abriter, en plus d’un ou de plusieurs temples, un habitat. En matière de vestiges, il est parfois difficile de distinguer un fossé resté ouvert sur un temps plus ou moins long – et sans doute bordé d’un talus, arasé au moment de la fouille – d’une tranchée de fondation de palissade, puisque tous deux peuvent présenter un profil et des dimensions similaires. L’observation, au fond de la structure, de surcreusements destinés à installer des poteaux jointifs, ou encore la mise en évidence de pierres de calage ou de l’empreinte des éléments en bois dans son remplissage, permettent de lever tout doute. Toutefois, dans certains cas, l’examen de la morphologie et de la stratigraphie d’un creusement linéaire à fond plat n’aide guère à trancher en faveur de l’une ou l’autre hypothèse.
4Les plus anciens périboles fossoyés ont été aménagés dès la fin de l’âge du Fer et sont sans doute destinés, comme ce sera également le cas durant l’époque romaine, à « mettre en retrait un espace », clairement séparé du monde profane, et « le consacrer à des puissances divines » (Brunaux, 2016, p. 152 ; Van Andringa, 2019). Ils présentent des dimensions très variées (fig. 15 et 16) et les fossés se caractérisent par une largeur et une profondeur qui ne semblent pas toujours proportionnelles à la surface enclose.
Figure 15 : Surface des aires sacrées closes par un péribole fossoyé ou en bois, par ordre croissant.

Réal. S. Bossard.
Figure 16 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du second âge du Fer avérés ou hypothétiques.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
- 13 De plan carré, il mesure 16 m de côté ; ses fossés sont larges entre 1 m et 2 m et profonds de 0,70 (...)
- 14 Le premier (enclos I) mesure 10 m de côté et est délimité par un fossé large de 1,50 m et profond d (...)
5Ainsi, à Bennecourt (S.254, phase 1 ; fin du iie s. av. n. è.), il s’agit d’un petit enclos de plan carré aux angles arrondis, mesurant 16,60 m de long pour 14,80 m de large et couvrant une superficie totale de 245 m² – et seulement 110 m² si l’on retranche l’emprise du fossé qui le circonscrit. Ce dernier, au profil en V, est large, en moyenne, de 2,95 m et profond de 0,90 m ; il a été entretenu au moyen de curages. Les sédiments extraits lors de son creusement ont manifestement été rejetés à l’extérieur de son tracé, pour former un talus qui l’encadre (Bourgeois dir. 1999, p. 16-27). Par ses dimensions, cet enclos se rapproche de celui de Balloy13 (Seine-et-Marne), dont le matériel amphorique est attribué au début du ier s. av. n. è., tandis qu’il est quelque peu plus grand que les deux enceintes de plan carré et elliptique fouillées à Saumeray14 (Eure-et-Loir), associées à un abondant mobilier notamment métallique du iie s. av. n. è. Le système d’enclos de Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 1 ; La Tène finale) présente une configuration différente, puisque deux enclos emboîtés, de plan trapézoïdal, y ont été mis au jour (Guillier dir., 2020, p. 36-42). Néanmoins, rien ne permet d’affirmer qu’ils relèvent d’une même étape d’aménagement, puisqu’ils peuvent tout aussi bien s’être succédé dans le temps. Le plus petit d’entre eux, d’une surface de 190 m², est divisé en deux parties inégales par un fossé est-ouest ; l’autre, de plan différent, couvre 435 m² et leurs fossés, de module équivalent, sont larges entre 0,50 m et 0,90 m, et profonds entre 0,10 m et 0,40 m. Cependant, ces sanctuaires restent sans commune mesure avec celui de Juvigné (S.36, ph. 1), a priori plus vaste et dont la clôture est aussi bien plus monumentale (Bossard et al., 2016, p. 26-28 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 149). Ce dernier site est enclos, probablement dès le iie s. ou le ier s. av. n. è., par un fossé large de 4 m à 5 m et profond, sous le niveau de circulation actuel, de 2,50 à 2,90 m ; si l’on restitue au talus associé, probablement installé sur son flanc interne, des dimensions peu ou prou identiques, il est certain que la clôture de ce sanctuaire était particulièrement ostentatoire (cf. infra, fig. 281). La surface qu’il occupe, évaluée à 4 600 m² – et probablement proche de 2 500 m² si l’on soustrait le fossé et le talus –, puisque l’enclos devait mesurer environ 80 m de long pour 65 m de large, est également considérable. En revanche, les données manquent pour caractériser avec toute la précision requise l’enceinte d’Ablis (S.91 ; fin du iiie s. – milieu du iie s. av. n. è.), seulement sondée et mesurant au minimum 30 m de long (Brutus, Leconte, 2014), ou encore celle d’Alençon (S.194, ph. 1 ; fin du iie s. – 1re moitié du ier s. av. n. è.), d’abord fossoyée puis palissadée (Pernet et al., 2011).
6Quant aux enclos identifiés à Moulay (Mayenne) et à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), tous deux datés de La Tène moyenne et finale et dont la vocation religieuse est, à notre sens, hypothétique (cf. infra, 3.1.1 et 3.2.1), elles présentent des dimensions que l’on peut qualifier de moyennes. Effectivement, la première, de plan carré, mesure 31 à 32 m de côté (soit environ 900 m²), pour un fossé large en moyenne de 1 m (Le Goff, 2016). La seconde affecte d’abord une forme trapézoïdale et mesure alors 31 m de long pour 25 m de large (510 m²) ; ses fossés, de dimensions moyennes (1,40-1,80 m de large pour 0,80-1,30 m de profondeur), servent ensuite de fondation à une palissade, avant qu’un second système de clôture, plus grand (900 m² enclos), de plan polygonal et constitué de deux enceintes concentriques – palissade interne et fossé externe –, ne le remplace (Bizien-Jaglin et Lejars, 2003).
7La délimitation d’aires sacrées par des fossés, selon des configurations tout autant diversifiées, est aussi attestée à plusieurs reprises durant l’époque romaine (fig. 17 et 18). Les limites du modeste sanctuaire de Plouër-sur-Rance (S.137), fréquenté durant le ier s. et au début du iie s. de n. è., semblent d’ailleurs avoir été creusées dès la fin de l’âge du Fer : les fossés de dimensions variées qui encadrent la petite aire sacrée (300 m²) sur trois côtés, vraisemblablement complétés, à l’ouest, par une clôture de bois, implantée au pied d’un massif rocheux, ont de fait livré des tessons et deux fibules de La Tène moyenne et finale (Menez dir., 1996, p. 71-74). Toutefois, on ignore si cet espace enclos, dépendant d’un établissement rural durant l’âge du Fer, était déjà consacré aux pratiques religieuses avant le Haut-Empire, ou si le lieu de culte antique l’a investi et en a modifié la fonction attribuée à l’origine. La clôture monumentale du sanctuaire de Juvigné (S.36), déjà évoquée, semble perdurer plus d’un siècle après la conquête césarienne avant d’être remplacée à par un mur (cf. infra, fig. 281) : son remblaiement définitif n’intervient pas avant le milieu du ier s. de n. è., alors que le lieu de culte reste en fonction (Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 152). En revanche, à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2 et 3), deux enclos fossoyés successifs remplacent rapidement les premières enceintes, datées de La Tène finale : le premier, d’une surface de 2 230 m², est mis en place dès la fin du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è., tandis que le second, plus vaste (2 930 m²), est creusé vers le premier quart du ier s. de n. è. et sera conservé durant un demi-siècle (Guillier dir., 2020, p. 46-54).
Figure 17 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 18 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du Haut-Empire et enclos non datés.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
8D’autres périboles fossoyés ont manifestement été créés ex nihilo au cours des dernières décennies du ier s. av. n. è. ou durant le ier s. de n. è., généralement lors de sa première moitié. C’est le cas des enclos découverts à Guichainville (S.61, ph. 1 ; Flotté et al. 1996, vol. 1), Orléans (S.114, ph. 1 et 2 ; Verneau, 2014, p. 98-100), Hecmanville (S.152 ; Maret dir., 2003, vol. 1, p. 13-17), Villeneuve-le-Comte (S.164 ; Berga et Bet, 2016), Paule (S.172, ph. 1 ; Menez et al., 2021, p. 205), Bais (S.183, ph. 1 et 2 ; Pouille dir., 2011, p. 148-156), Pacé (S.193, ph. 1 ; Leroux, 2000) et peut-être à Quimper (S.176, ph. 3 ; Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 326-336 ; Nicolas et Villard dir., 2019, p. 49-63) et à Authevernes (S.253, ph. 3 ; Michel et al., 2014), si la fondation de ces deux derniers sanctuaires n’est pas antérieure. L’examen du mobilier piégé dans le remplissage des fossés de ces différents enclos montre qu’ils subsistent souvent jusqu’à la fin du ier s., voire durant la première moitié du iie s. et, pour certains fossés du site de Villeneuve-le-Comte, jusqu’au courant du iiie s.
9D’une manière générale, les fossés de ces sanctuaires antiques sont larges entre 1 et 2 m, parfois jusqu’à 2,40 m, et profonds de moins de 1 m. En sus du grand fossé de l’enceinte de Juvigné, d’origine probablement gauloise, seul celui de l’enclos de Quimper, parmi les sanctuaires avérés, semble présenter des dimensions supérieures à ces moyennes : sa largeur est comprise entre 1,70 et 2,65 m et sa profondeur, entre 1,20 et 1,55 m. La forme des enclos fossoyés du début du Haut-Empire est généralement rectangulaire (Bais, ph. 2 ; Hecmanville ?) et parfois même carrée (Bais, ph. 1 ; Orléans, ph. 1), ou bien trapézoïdale (Neuville-sur-Sarthe, ph. 2 et 3 ; Villeneuve-le-Comte), tandis qu’à Paule, son tracé est plus irrégulier, alliant des segments rectilignes à d’autres, curvilignes ; à Authevernes, trois fossés marquent les limites sud, est et nord-est d’un vaste polygone, tandis qu’au nord et à l’ouest, des rangées discontinues de bâtiments semblent se substituer à toute clôture – du moins à celles dont les vestiges archéologiques auraient pu être conservés. Un talus interne a été restitué à Quimper (ph. 3) et à Paule, tandis que sa localisation par rapport au fossé n’a pu être déterminée pour les autres cas. Du point de vue de leurs dimensions, les enclos mesurables couvrent une surface très variable, comprise en 655 m² et environ 12 000 m² (fig. 15). Tandis que les enclos successifs de Bais sont particulièrement modestes, d’une superficie de 655 m² et de 1 050 m², de même que celui de Guichainville (1 480 m²) – et probablement celui d’Hecmanville, incomplet, mais qui ne devait guère dépasser 1 500 m² –, ceux de Neuville-sur-Sarthe sont de taille moyenne (2 230 m² puis 2 930 m²), tandis que les enceintes de Quimper (a minima 3 500 m²), de Villeneuve-le-Comte (au moins 4 500 m²), d’Orléans (6 970 m² durant la ph. 1), de Paule (8 390 m²) et surtout d’Authevernes (environ 12 000 m²) sont bien plus grandes. Remarquons toutefois que le sanctuaire de Paule, fondé aux abords de deux à trois grands tumulus protohistoriques, est scindé en deux parties globalement égales par un fossé.
10À ces exemples bien documentés et datés doivent être ajoutés d’autres cas plus incertains. Outre quelques sites dont le plan est très lacunaire, évoquons les exemples de Tiercé (S.8) et du Val, sur la commune de Mordelles (S.190) : deux enclos trapézoïdaux, d’une surface de 1 530 m² et de 2 625 m², renferment un bâtiment dont l’identification à un temple est douteuse (cf. infra, 1.1.2.1), puisque l’hypothèse d’un monument funéraire pourrait aussi être évoquée ; leurs fossés présentent cependant des caractéristiques similaires à ceux des sanctuaires mentionnés précédemment (Guérin et Pétorin dir., 2006, p. 21-39 ; Le Boulanger dir., 2016, p. 66-5).
11Par ailleurs, d’autres limites fossoyées ont été reconnues au cours de prospections aériennes ou géophysiques menées sur plusieurs lieux de culte avérés, mais l’absence de jalons chronologiques ne permet pas de les dater avec précision (fig. 18). Deux enceintes particulièrement imposantes, de plan respectivement elliptique et trapézoïdal, ont ainsi été observées à Bonnières-sur-Seine (S.306 : plus de 40 m de long pour environ 30 m de large) et à Berthouville (S.150 : 160 × 140 m). Cependant, la contemporanéité entre les temples et les fossés, particulièrement larges, n’est pas prouvée et on ne peut dire si ces derniers ont servi de limites durant l’Antiquité, à l’instar des grandes enceintes elliptiques circonscrivant les lieux de culte de la Roche à Poitiers (Vienne ; Doulan, 2008, vol. 1, p. 98-102) ou de Ribemont-sur-Ancre (Somme ; Fercoq du Leslay, 2017, p. 236), ou s’ils marquent l’emprise d’un lieu de culte préexistant, dont aucun autre vestige n’a toutefois été mis en évidence (Langlois et al., 2000 ; Conte et al., 2005). L’existence d’une très grande enceinte fossoyée rappelle aussi la configuration du centre monumental de l’agglomération de Châteaubleau au cours du iie s. de n. è. : un ensemble de temples, un théâtre et d’autres constructions, probablement fréquentées au cours de cérémonies religieuses, sont installés au sein d’un très vaste enclos délimité par un fossé, d’une surface de plus de 7 ha (S.204, ph. 1) ; il est néanmoins possible que l’enceinte maçonnée qui encadrera, à partir de la fin du iie s. (ph. 2), la zone des temples succède à un premier état non identifié, et que le fossé n’assure donc pas un rôle de péribole, mais, plus largement, de limite d’un espace public (Parthuisot et al., 2008 ; Pilon, 2012, p. 104). Des fossés plus modestes ont aussi été reconnus, à partir de clichés aériens, autour d’autres temples, d’orientation similaire, et constituent ainsi de probables périboles de plan rectangulaire – à Domfront-en-Champagne (S.15), pour une surface de 2 400 m² – ou au tracé plus irrégulier – tel qu’à Bourgon (S.28) [3 400 m²] et Locqueltas (S.273) [4 200 m²].
12Plusieurs temples du Haut-Empire, d’architecture souvent modeste, localisés dans l’angle d’un enclos fossoyé ou dans de vastes enceintes occupées par d’autres bâtiments, semblent avoir été installés au sein d’établissements ruraux (cf. infra, 3.2.2) ; le fossé qui les avoisine ne correspondrait alors pas au péribole d’un sanctuaire, mais à la limite d’une propriété privée qui est équipée d’une aire sacrée (fig. 19). La question se pose notamment à la Cognée, à Chilleurs-aux-Bois (S.102), où le bâtiment de culte, identifié en diagnostic, est isolé dans l’angle occidental d’un enclos quadrangulaire d’une surface de plus de 3 ha, qui renferme, à 180 m au sud-est, une autre enceinte fossoyée, plus petite, abritant vraisemblablement des bâtiments maçonnés (Segain, 2015). À Saint-Martin-des-Entrées (S.82, ph. 1 et 2), des fossés entourent un établissement de 4 600 m² puis, après extension, de 6 200 m², dont la partie centrale est occupée par un ou deux petits temples en pierre et en bois (Paez-Rezende et Adrian, 2014). Par ailleurs, à Saint-Denis-du-Maine (S.39), le premier état d’un enclos, fossoyé et de plan carré (3 130 m²), renferme un bâtiment central dont les fondations ont en grande partie disparu – s’agit-il d’un édifice de culte, ou plutôt d’une habitation ? –, tandis qu’un petit temple le jouxte au sud (Séris dir., 2015). D’autres modestes bâtiments de culte, installés dans l’angle d’un enclos fossoyé qui n’a été que partiellement fouillé – à Bauné (S.4), à Corseul, sur le site de l’Hôtellerie (S.135), ou encore à Nécy (S.148) – pourraient, en suivant le même raisonnement, avoir été construits au sein d’habitats ruraux, de même que celui de Rouessé-Fontaine (S.24), repéré d’avion et localisé au sein d’une vaste enceinte (Mare dir., 1995 ; Ferrette et al., 2005 ; Besnard-Vauterin et al., 2013). Le site du Haut Soulage à Bauné, qui succède à un établissement enclos de La Tène finale, se différencie toutefois des autres par son histoire et par la monumentalité de sa clôture : le fossé de l’enceinte trapézoïdale qui accueille un temple et d’autres édifices non fouillés, dont la largeur oscille entre 7,30 et 7,90 m, la profondeur, entre 2,90 et 3,80 m, devait être doublé d’un talus particulièrement massif ; creusé ou recreusé au début du Haut-Empire, il pourrait avoir été mis en place dès la phase gauloise du site et avoir été curé lors de la construction du temple. L’enclos se prolonge au-delà de la zone de fouille et, encore une fois, on ne sait s’il abrite aussi une résidence, ou d’autres temples dépendant d’un sanctuaire.
Figure 19 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires ou des établissements ruraux équipés d’une aire sacrée.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
13Les clôtures en bois, palissades formées de poteaux jointifs ou clôtures constituées de poteaux de bois espacés, probablement reliés par un clayonnage ou des lattes, devaient rendre invisible, depuis l’extérieur, l’espace interne du sanctuaire. Leur rôle est donc différent de la plupart des talus qui bordaient les fossés, du moins ceux qui étaient bas et qui n’étaient pas complétés par une éventuelle haie, dont il ne subsiste jamais de traces. Elles ont cependant été identifiées sur un nombre plus réduit de sanctuaires et leur chronologie, à de rares exceptions près, est davantage resserrée autour du changement d’ère (fig. 20). Des structures de ce type, datées avec peu de précision, ont été reconnues sur quelques lieux de culte de la fin de l’âge du Fer, à Allonnes (S.9) et peut-être à Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 1) et à Vannes (S.278, ph. 1), où il n’est toutefois pas certain qu’elles aient délimité un espace réservé aux pratiques rituelles. En outre, à Allonnes, le rôle d’une tranchée longue de plus de 50 m, et peut-être d’un alignement d’au moins six gros trous de poteaux, rattachés aux plus anciennes structures du sanctuaire, est également difficile à évaluer, étant donné que les autres aménagements peu ou prou contemporains, dont des bâtiments de plan circulaire, semblent se répartir de part et d’autre de ces limites (S.9, ph. 1). Puis, entre le milieu du ier s. av. n. è. et le début du ier s. de n. è. (ph. 2), trois rangées de trous de poteaux plus ou moins régulièrement espacés dessinent l’angle nord-est de trois enceintes accolées – contemporaines ou plutôt successives ? –, dont le plan est bien lisible dans ce secteur et qui sont peut-être fermées à l’ouest par une tranchée continue et rectiligne (Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 74-77). L’hypothèse d’enclos palissadés, qui a pu être validée pour d’autres sanctuaires gaulois étrangers à la région étudiée, tel qu’à Mirebeau-sur-Bèze, entre le iiie s. et la fin du ier s. av. n. è. (Joly et Barral, 2012), n’est donc pas solidement étayée pour ce secteur.
Figure 20 : Clôtures de bois ceinturant des sanctuaires du second âge du Fer (?) et du Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
14L’essentiel des autres systèmes de clôture en bois attestés a pu être daté de la toute fin du ier s. av. n. è. ou des premières décennies du ier s. de n. è. Parmi eux, les deux enceintes palissadées de La Villeneuve-au-Châtelot (S.236, ph. 2) sont les seuls exemples d’architectures de ce type dont le plan soit connu dans son intégralité (Piette, 1989 et 2018). Les tranchées qui en subsistent, concentriques, matérialisent deux états sans doute successifs d’un enclos dont la forme est proche du rectangle. Plutôt que de les considérer comme des fossés, la régularité de leur tracé, leurs parois verticales et les élargissements circulaires qui encadrent leur entrée orientale, destinés à l’ancrage de poteaux de plus forte section, invitent bien à y des voir les fondations d’enclos palissadés. Par ailleurs, la tranchée du plus grand enclos est recoupée (ou recoupe ?), à l’ouest et au nord, par des trous de poteaux régulièrement espacés, qui témoignent vraisemblablement d’un troisième état en bois. Tandis que la plus grande enceinte, qui est probablement la plus ancienne – sa tranchée a été remblayée durant la seconde moitié du ier s. av. n. è. ou au début du ier s. de n. è. –, mesure 25 m de long pour 19 m de large (soit une surface d’environ 530 m²), la plus petite, détruite au plus tôt durant la période augustéenne, s’étend sur 20 m de long pour 14,50 m de large (environ 315 m²). Des tronçons de tranchée d’implantation de palissade, dont l’empreinte de poteaux jointifs a souvent marqué le fond, ont aussi été reconnus, sur quelques mètres et dans des contextes datés entre le dernier quart du ier s. av. n. è. et le premier ou le second quart du ier s. de n. è., à Bennecourt (S.254, ph. 3 ; Bourgeois dir., 1999, p. 39), Amboise (S.237, ph. 1 ; Laruaz, 2009, p. 120) et Quimper (S.176, ph. 2 ; Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 319-326), ainsi qu’à Jublains (S.204, ph. 1 ou 2 ? ; Naveau et al., 1997, p. 149-152), où le creusement a été suivi sur une longueur de 32 m. Ce dernier recoupe un niveau contenant des fragments d’armes et de céramiques laténiennes, est comblé par un remblai qui a livré des tessons de céramique de la fin du second âge du Fer et est scellé par un ensemble de couches ayant piégé d’autres tessons datés de la première moitié du ier s. de n. è. ; il pourrait donc avoir été aménagé à la fin du second âge du Fer ou au début du Haut-Empire. À Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2 ou 3), des poteaux, espacés de 2 à 3 m, définissent les contours d’une enceinte rectangulaire de 750 m², édifiée, sans doute, peu de temps avant l’enceinte maçonnée qui en reprendra le tracé à partir du troisième quart du ier s. de n. è. (Guillier dir., 2020, p. 46-49). Sa configuration évoque d’ailleurs celle du péribole construit à Fesques (Seine-Maritime) durant la quatrième période d’aménagement de ce sanctuaire ambien, attribuée à La Tène D2 ou à l’époque augustéenne ; de plan trapézoïdal, il est toutefois deux fois plus grand (1 400 m²) que celui de Neuville-sur-Sarthe (Mantel dir., 1997, p. 48). Remarquons que ce même mode de clôture sera de nouveau mis en œuvre plus tardivement, sur le même site de Neuville, mais dans un autre secteur, peut-être durant la seconde moitié du iie s. de n. è. (S.18, ph. 5) : une clôture longue de plus de 150 m délimite alors un espace occupé par deux temples, situés en retrait – soit à 80 m au sud-est – du monument principal qui succède aux premiers enclos fossoyés (Guillier dir., 2020, p. 115-117). Enfin, une clôture en bois du même type, formée de poteaux alignés et régulièrement disposés, délimite aussi le secteur de deux établissements ruraux du Haut-Empire – Guichainville, le Long Buisson (S.61) et probablement Pannes (S.220) –, qui est manifestement réservé, en tout ou partie, à des activités religieuses (Guillier et Lourdeau dir., 2006 ; Renard et David dir., 1997).
15Ces exemples montrent bien que, malgré des lacunes planimétriques fréquentes, des palissades ont été érigées à plusieurs reprises autour d’aires sacrées au début de l’époque romaine, alors qu’elles n’étaient a priori pas courantes auparavant, tandis que d’autres sites continuent de privilégier le système des limites fossoyées, hérité du second âge du Fer. L’aménagement de palissades durant la période augustéenne a aussi été observé à de multiples reprises en dehors de la Lyonnaise, que ce soit au Tremblois (Saint-Germain-le-Rocheux, Côte-d’Or), à Antigny (Vienne), à Saint-Marcel (Indre) ou à Tintignac, sur la commune de Naves (Corrèze) [Maniquet, 2004, p. 29-32 ; Fauduet, 2010, p. 75]. Dans certains cas, comme à Amboise (S.237), à Bennecourt (S.254) ou à Neuville-sur-Sarthe (S.18), l’implantation d’une palissade précède directement l’érection d’une enceinte maçonnée, qui en reprend le tracé, et la multiplication, au début du Haut-Empire, de ces clôtures en bois – qui dissimulent complètement ce qui se passe à l’intérieur des aires sacrées – préfigure certainement l’adoption des périboles maçonnés, construits en grand nombre après le milieu du ier s. de n. è. (Van Andringa, 2017a, p. 104 ; cf. infra, 5.2.2).
1.1.1.2. Les enceintes en pierre
16Contrairement aux clôtures fossoyées, les enceintes en pierre sont caractéristiques de l’époque romaine et ne sont donc pas mises en œuvre, à l’échelle considérée, au sein des sanctuaires antérieurs au Haut-Empire. Toutefois, leur construction suit des rythmes variables d’un site à l’autre. Ce type de péribole est particulièrement bien représenté au sein du corpus : il a été adopté dans le cadre de 130 phases relevant de 111 sanctuaires avérés, ainsi que pour 8 lieux de culte hypothétiques. S’y ajoutent aussi quelques cas de villae pour lesquels un temple a été dressé dans la cour de la pars urbana, enclose par un simple mur ou par un péristyle (cf. infra, 3.2.2), et enfin une vingtaine de cas plus incertains, où l’existence d’une clôture maçonnée n’a pu être confirmée, malgré la découverte de plusieurs murs dans les environs de temples.
- 15 Les murs circonscrivant la vaste enceinte de Cléden-Cap-Sizun (S.168), probable sanctuaire osisme, (...)
17L’élévation de ces périboles en pierre a disparu dans la grande majorité des sites fouillés et leur hauteur, comme leur mode de construction et l’éventuel revêtement appliqué sur leurs parois, est donc inconnue15. Au mieux, il ne subsiste que la base des murs, mais, le plus souvent, seules les fondations sont conservées, à tout le moins lorsqu’elles n’ont pas été épierrées au moment de la démolition du lieu de culte. L’observation des fondations et de débris issus de l’élévation de ces murs, découverts dans des niveaux de démolition accumulés à leur pied, apporte néanmoins, dans plusieurs cas, des informations utiles à leur restitution volumétrique. La grande majorité des murs d’enceinte sont épais de moins de 1 m, bien que certains d’entre eux, tel l’angle sud-est du probable péribole du sanctuaire de Tours (S.248), large de 2 m, témoignent de constructions plus massives, et probablement plus hautes que la moyenne (Jouquand, 2007, p. 194-196). Quelques lieux de culte ont manifestement été pourvus d’une enceinte édifiée en matériaux périssables et soutenue par de simples solins de pierre. C’est par exemple le cas du site du musée archéologique, à Vieux (S.281), où l’ensemble des constructions, murs de clôture, temple et autres bâtiments, repose sur des solins de calcaire, et peut-être de celui d’Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 2), dont les édifices sont équipés de fondations en pierres sèches ou liées à l’argile (Kerébel dir., 2000 ; Lejars et Pernet, 2007). De la même manière, l’enclos de petites dimensions (165 m²) de Pouillé (S.243) est doté de fondations, épaisses entre 0,35 et 0,44 m, dont les pierres sont liées à un mortier de qualité médiocre : il paraît alors plausible d’envisager l’existence d’un muret ou d’une élévation majoritairement constituée de terre et de bois, plutôt qu’un haut mur maçonné (Bourgeois, 1982, p. 62). À Paule, après remplissage du fossé de la première enceinte, c’est un muret en pierre sèche qui tient lieu d’enceinte, probablement associé à un porche maçonné, installé en façade orientale (S.172, ph. 2 ; Menez et al., 2021, p. 206). Quant aux périboles de construction plus soignée, en particulier lorsqu’ils sont bordés de portiques (cf. infra, 1.1.4.1), ils ont pu être revêtus d’un enduit peint, signalé par exemple à Neuvy-en-Champagne (S.19 ; Cordonnier-Détrie, 1939, p. 43) et à Athée (S.165), où D. Bodard de la Jacopière a recueilli, au pied de la façade orientale, des fragments à dominante rouge, agrémentés de filets colorés et de motifs « d’oves et de fleurons en fer de lance à trois teintes » (Bodard de la Jacopière, 1863, p. 88). À Aubigné-Racan (S.11, ph. 2), des niches semi-circulaires agrémentent, à raison de deux par façade, la grande enceinte de plan carré du sanctuaire, tandis qu’à l’Asile des Pêcheurs, à Taden (S.139), des ressauts, encadrant une ou trois entrées, rythment la façade principale d’une enceinte (fig. 21) qui n’est connue que par des images aériennes (Lambert et Rioufreyt, 2006 ; Maligorne, 2006, p. 62). Des contreforts destinés à consolider, à l’extérieur, les murs du péribole ont été mis en œuvre sur cinq sites où la pente du terrain et l’aménagement d’une terrasse, correspondant à l’emprise de l’aire sacrée, a nécessité l’installation de renforts ponctuels ou réguliers – à Angers (S.3), Jublains (S.32), Évreux (S.57), Chelles (S.180) et Troyes (S.235). Des caissons de contrefort semi-circulaires, assurant le même rôle, mais installés à l’intérieur du péribole, et enfouis sous le sol de la cour, ont été reconnus à Amboise (S.140 ; Laruaz, 2009, vol. 1, p. 135-137).
Figure 21 : Enceintes maçonnées ou aux fondations de pierre délimitant des sanctuaires de l’époque romaine.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
18Les murs maçonnés semblent parfois avoir été combinés avec d’autres types d’enceintes, autour d’un même sanctuaire, ce qui témoignerait de l’existence de systèmes de clôture mixtes. Néanmoins, il est parfois difficile de savoir si le tracé incomplet de certaines enceintes maçonnées résulte d’un choix volontaire ou bien de l’arasement des vestiges : au sein du sanctuaire de la villa de Bais (S.183, ph. 3 ; fig. 23), par exemple, un troisième état en pierre succède ainsi aux deux périboles fossoyés mis en œuvre au début du Haut-Empire ; ses façades occidentale et méridionale ont bien été mises en évidence, tandis qu’aucune clôture de ce type n’a été observée au nord et à l’est des temples (Pouille dir., 2011, p. 148-156). Doit-on expliquer cette absence par la non-conservation des fondations, qui auraient complètement été détruites par des labours récents – comme c’est le cas pour d’autres constructions voisines –, ou bien par l’aménagement d’un autre type de clôture qui n’aurait pas laissé de traces, tel qu’une haie, à moins que les talus de la phase précédente aient été en partie préservés ? En revanche, dans un contexte similaire et pour des vestiges mieux conservés, l’aire sacrée de la villa de Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192) est circonscrite par une enceinte vraisemblablement constituée, a minima au nord, de murs et de fossés, mais son tracé n’a pu être étudié dans son intégralité (Provost et Le Bouteiller, 1986). Enfin, à Vieux (S.281), le site du musée archéologique se caractérise par un péribole a priori ouvert au nord ; l’état de conservation des fondations – des solins – est médiocre, mais la découverte d’un alignement de trous de poteau, dans l’angle nord-ouest de la cour sacrée, pourrait indiquer qu’une clôture de bois a été préférée à un mur ou à un muret pour la façade septentrionale, au-delà de laquelle se dresse un affleurement rocheux, qui pourrait aussi constituer une limite naturelle (Kerébel dir., 2000).
19En sus de quelques cas discutables de ce type et de plans qui demeurent incomplets, en raison d’une étude partielle du sanctuaire ou d’une mauvaise lisibilité des vestiges repérés sur des images aériennes, une enceinte ferme bien l’aire sacrée sur tous ses côtés dans le cas des 81 phases pour lesquelles le plan restitué est complet ou quasi complet. Sa forme et ses dimensions sont très variables d’un site à l’autre, et parfois même d’une phase à une autre au sein d’un même lieu de culte. L’examen du plan complet de ces 80 sanctuaires (fig. 22) révèle que le tracé de leur péribole définit, le plus souvent (84 % des cas), un quadrilatère, qu’il soit rectangulaire (51 %), carré (15 %), trapézoïdal (15 %) ou plus irrégulier (3 %). Les enceintes dont le plan est composé de plus de quatre côtés sont généralement pentagonales (6 %), par exemple pour les deux sanctuaires de l’agglomération de Mérouville (S.112 et s.113), tandis qu’à Baron-sur-Odon (S.279), la clôture maçonnée, bordée de galeries, définit la forme plus originale d’un décagone irrégulier, dont on ne sait si elle pérennise un tracé antérieur en bois ou non (fig. 21). Notons qu’aucun péribole maçonné de plan circulaire ou elliptique n’est connu dans les cités étudiées, mais trois enceintes monumentales – à Sens (S.226), Sceaux-du-Gâtinais (S.225) et Allonnes, la Forêterie (S.9, ph. 4) – se caractérisent par une cour composée d’un vaste rectangle qui est prolongé, au nord ou à l’ouest, par un grand hémicycle, encadrant le temple à Sens et à Allonnes (fig. 21). Une configuration quelque peu similaire existe aussi à Orléans (S.114, ph. 3), où le temple dispose de sa propre aire sacrée, en forme de parallélogramme, précédée à l’est par une cour rectangulaire, agencée de manière à dessiner un plan en T (fig. 21). Enfin, mentionnons le plan original du petit lieu de culte de Pouillé (fig. 21), dont l’enceinte, de tracé trapézoïdal, présente des angles arrondis (S.243).
- 16 Soit, dans l’ordre décroissant : Sens (S.226), environ 10,9 ha ; Le Vieil-Évreux, sanctuaire centra (...)
20En ce qui concerne les dimensions des aires ainsi encloses, elles sont documentées, avec plus ou moins de précision, pour 94 aires sacrées dont les limites ont été bien déterminées (fig. 23). On observe alors que leur surface, très variable, s’échelonne entre 75 m² et 108 500 m², pour une moyenne de 5 829 m². Toutefois, si l’on soustrait les quatre sanctuaires de plus de 20 000 m², qui sont particulièrement monumentaux16, la moyenne, plus représentative de la majorité des enceintes (96 % des valeurs renseignées), n’est plus que de 3 018 m². D’ailleurs, 60 % de ces sanctuaires ont une superficie inférieure à 3 000 m² et seuls 19 % des exemples considérés couvrent plus de 6 000 m² ; la répartition des valeurs par classe de 1 000 m² donne une répartition tout à fait similaire à celle des aires calculées par C. Doulan en Aquitaine (Doulan, 2008, vol. 1, p. 91-92).
Figure 22 : Répartition de 81 périboles maçonnés ou aux fondations de pierre en fonction de leur forme.

Réal. S. Bossard.
Figure 23 : Répartition de 94 aires sacrées délimitées par un péribole maçonné ou aux fondations de pierre en fonction de leur surface, par classe de 1 000 m².

Réal. S. Bossard.
21Quelques variations s’observent en fonction de la forme des téménos. Par exemple, si l’on se limite aux plans complets, les périboles carrés mesurent entre 30 et 90 m de côté, soit entre 900 m² et 8 100 m², pour une moyenne de 3 171 m². La longueur des périboles rectangulaires s’échelonne entre 9,60 et 290 m, pour une largeur située entre 8 et 200 m ; le rapport entre la longueur et la largeur, oscillant entre 1,06 et 2,05, est tout aussi variable d’un exemple à l’autre, et montre qu’il n’existe pas de module préférentiel. Quant à la surface de ces enceintes rectangulaires, elle est comprise entre 75 et 58 800 m², avec une moyenne de 4 058 m² – mais seulement de 2 785 m², soit une valeur proche de celle qui a été calculée pour les périboles de plan carré, si l’on retire le sanctuaire de Saint-Martin-au-Val à Chartres (cf. infra, fig. 69), qui constitue une exception notable. Les enceintes trapézoïdales sont généralement de plus petite taille que les autres, avec une superficie comprise entre 165 m ² et 3 900 m², pour une moyenne égale à 1 850 m² ; le nombre de cas connus est toutefois relativement faible. Enfin, il est intéressant de signaler que les plans composites, associant un rectangle à un hémicycle, correspondent à de vastes monuments, couvrant au moins 6 700 m² à Sceaux-du-Gâtinais (S.225), 11 900 m² à Allonnes, la Forêterie (S.9, ph. 4) [cf. supra, fig. 21] – soit une valeur comparable aux 11 800 m² du sanctuaire de Blicquy, dans la province de Hainaut, en Belgique (Gillet et al., 2006) – et 108 500 m² à Sens (S.226).
22D’un point vue chronologique, les enceintes maçonnées semblent se développer à partir du second tiers du ier s. de n. è., et surtout durant la seconde moitié du ier s. et les premières décennies du iie s., pour les exemples les plus finement datés, et ce dans le cadre plus général de la pétrification des architectures religieuses (cf. 5.3.1.2). Elles succèdent alors, dans plusieurs cas, tels qu’à Juvigné (S.36) ou Quimper (S.176, ph. 4), à un péribole fossoyé, ou bien, comme à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 4), Amboise (S.237, ph. 2) et Bennecourt (S.254, ph. 4), à une clôture de bois. Dans d’autres situations, qui paraissent former la majorité des cas, elles sont en revanche fondées ex nihilo. Tandis qu’aucun enclos fossoyé ne semble mis en place au-delà du courant du iie s. de n. è., la reconstruction d’enceintes en pierre se poursuit a minima, dans plusieurs lieux de culte, jusqu’à la seconde moitié du iie s. – à Val-de-Reuil (S.269, ph. 4) [fig. 21] ou à Genainville (S.260, ph. 3) – et elles restent sans doute en élévation jusqu’à l’arrêt des pratiques religieuses et la destruction des sites (Vermeersch, 2012 ; Lukas, 2018a).
1.1.1.3. Les accès à la cour sacrée
23Qu’elles soient creusées, en bois ou en pierre, les enceintes des sanctuaires disposent d’un à quatre accès, parfois clairement marqués et d’autres fois – pour environ la moitié des sanctuaires avérés – impossibles à détecter, en raison d’un arasement trop important des niveaux de sol et des structures. Avant de réfléchir à la hiérarchisation de ces éventuelles portes multiples et à l’orientation des façades principales des sanctuaires, il convient de caractériser la morphologie de ces entrées.
24Lorsque le péribole est défini par des fossés (cf. supra, fig. 16 à 18), les accès des enclos sont généralement matérialisés par une simple interruption du creusement, dont la largeur est parfois peu importante – tel qu’à Bennecourt, durant le second âge du Fer (S.254, ph. 1), où l’entrée, à l’est, n’est large que de 0,90 m –, ou au contraire plus considérable, à l’exemple des 8 m mesurés au milieu de la façade orientale de l’enceinte du ier s. de n. è. de Quimper (S.176, ph. 3) (Bourgeois dir., 1999, p. 16 ; Nicolas et Villard dir., 2019, p. 49-63 et p. 195-199). Tandis que deux accès ont été mis en évidence sur ce dernier site, à l’est et au sud, une seule interruption, large de moins de 2 m, a été observée sur le tracé des enceintes successives des trois premiers états du lieu de culte de Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 1 à 3), également en façade orientale (Guillier dir., 2020). En revanche, à Bais (S.183, ph. 1), la limite fossoyée de l’enclos le plus ancien est continue sur l’ensemble de son tracé ; il est probable qu’une structure en bois, formée de quelques planches, ait alors permis de franchir cette modeste clôture (Pouille dir., 2011, p. 148-156). Quant à l’enceinte fossoyée de Paule (S.172, ph. 1), elle peut être traversée, dans son angle nord-est, en empruntant un passage large de plus de 2,50 m, marqué par un resserrement du fossé et, à l’arrière, par une ou deux paires de trous de poteau, signalant l’existence d’un probable porche de petites dimensions, structure attestée également, sous une forme plus imposante, pour une autre entrée du même site, lors de la phase suivante, ainsi qu’à Saint-Malo, hypothétique sanctuaire gaulois (Bizien-Jaglin et Lejars, 2003 ; Menez et al., 2021, p. 205).
25Parmi les enceintes palissadées, celle de La Villeneuve-au-Châtelot (S.236, ph. 2) constitue l’exemple le mieux documenté : les deux états du péribole présentent une entrée à l’est, large de moins de 2 m, qui est encadrée par deux trous de poteaux, matérialisés par un élargissement de la tranchée d’implantation de la clôture (Piette, 1989). En revanche, à Quimper (S.176, ph. 2), l’entrée du site ceinturé par une palissade est simplement marquée par une interruption de la tranchée (Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 319-326).
26Dans le cas des clôtures maçonnées (cf. supra, fig. 21), qui sont les plus nombreuses, les accès peuvent aussi être identifiés, du moins dans certains cas, lorsque leur tracé s’interrompt sur quelques mètres, à l’instar du mur ou du muret fermant le sanctuaire de Pouillé (S.243), percé de trois ouvertures à l’ouest, le long de l’une des rues d’une agglomération antique. Néanmoins, dans la plupart des cas, les tranchées de fondation sont continues et, lorsque l’élévation des murs n’est pas conservée, il est impossible, en l’absence de porche, de galerie ou d’autres types d’aménagement, de localiser la ou les entrées des sanctuaires. Toutefois, à Guichainville (S.61, ph. 2), l’installation d’une paire d’édicules – supports de statues plutôt que d’un auvent ? – à quelques mètres à l’est de sa façade orientale, laisse penser qu’il existait, à cet emplacement, un accès à la cour sacrée, encadré par ces éléments (Flotté et al., 1996). Alors qu’une fosse recoupant les fondations du mur oriental de la clôture de Saint-Patrice (S.247), dans l’axe de la cella carré, pourrait signaler l’emplacement d’un seuil récupéré, les débris de marches découverts à proximité de la façade orientale de l’enceinte d’Oissel (S.266) renseignent approximativement l’emplacement de son entrée (Vesly, 1909, p. 98-99 ; Guiot, 2003, p. 151, fig. 21). Il est bien plus simple de détecter les accès lorsque l’élévation est conservée : au milieu du xixe s., l’une des portes du sanctuaire d’Athée (S.165), encadrée par deux colonnes engagées en tuffeau gris, était encore conservée, au moment de l’exploration archéologique du site, tandis qu’au Mans (S.16), des moellons de taille plus importante, observés à la base du mur occidental de l’enceinte, ont pu servir de soubassement aux piédroits d’une baie (Bodard de la Jacopière, 1863, p. 87 ; Chevet dir., 2016, vol. 1, t. 1, p. 333-334).
27Un ou deux porches, ou bien un bâtiment plus important, également relié(s) aux murs de péribole et destiné(s) à mettre en valeur l’entrée principale ou secondaire d’un lieu de culte, a été reconnu au sein de vingt-trois sanctuaires avérés. Différentes architectures peuvent alors être distinguées (fig. 24). Plus d’une fois sur deux, il s’agit d’un petit édifice de plan carré ou rectangulaire, qui mesure entre 3 et 6 m de côté, débordant de part et d’autre des fondations du péribole, qui peuvent le traverser ou s’appuyer contre ses murs ; à Talcy (S.124), à Méréville (S.213) et à Vieux (S.280), le porche est manifestement accolé contre l’enceinte, à l’intérieur ou à l’extérieur de la cour sacrée, et semble avoir été doublé à Caillouet-Orgeville (S.50), témoin d’un possible agrandissement. Ses murs sont revêtus de peinture blanche, ornée de motifs multicolores, tandis que son sol est bétonné, à Caillouet-Orgeville (S.50 ; Chédeville et Chédeville, 1908, p. 70), et des débris d’enduits peints ont aussi été reconnus à Macé (S.196 ; Leclerc, 2005, p. 17). Ce type de construction n’est pas propre aux lieux de culte : on le retrouve fréquemment en contexte d’habitat rural, où il contrôle l’accès à la pars urbana ou rustica de villae, par exemple à Richebourg (S.118) ou à Conan (S.104), si l’on s’en tient aux établissements du corpus associés à des temples – mais d’autres cas de figure sont aussi documentés, entre autres, en territoire biturige, tant pour le franchissement de périboles que d’enceintes d’habitats (Girond, 2015, vol. 1, p. 116). Le porche paraît parfois relier l’extérieur et une ou deux galeries qui flanquent la même façade du péribole – à Oisseau-le-Petit (S.20), Aunou-sur-Orne (S.195), Macé (S.196), Châteaubleau (S.204) Méréville (S.213) –, mais on ne peut prouver, pour ces sites, que les deux types d’aménagement sont contemporains. À Jublains (S.32, ph. 3), en revanche, deux des trois entrées identifiées fonctionnent bien avec les galeries auxquelles elles sont intégrées. La plus soignée, à l’est, prend place dans une galerie adossée à l’extérieur du péribole, dont elle devait se démarquer par une élévation distincte : elle est probablement solennisée par un fronton, porté par des piliers associés à des colonnes engagées (Maligorne, 2006, p. 50). D’autres constructions, de plus grandes dimensions, ont parfois été dressées à l’entrée principale de lieux de culte – à Illiers-l’évêque (S.64), Orléans (S.114, ph. 3), Hérouvillette (S.145) Quimper (S.176, ph. 4) et Val-de-Reuil (S.269, ph. 4). Elles se caractérisent par un plan rectangulaire et oblong, mesurent entre 15 et 21 m de long pour 5 à 9 m de large et offrent ainsi une surface interne comprise entre 50 et 135 m². Appuyés contre le péribole, ou bien installés de part et d’autre, ou en faible retrait de celui-ci, comme à Quimper, ces bâtiments sont aussi connus dans d’autres sanctuaires a priori dépourvus d’enceinte (cf. infra, 1.1.4.2), où ils ont été édifiés à quelques mètres, ou dizaines de mètres, à l’est des temples, et semblent également assurer le rôle d’entrée monumentale de l’aire sacrée.
Figure 24 : Porches et grands bâtiments installés à l’entrée de périboles maçonnés.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
28La plupart du temps, aucun aménagement ni mobilier particulier, n’a été découvert au sein des bâtiments de ce type qui ont pu être fouillés. Celui de Quimper aurait livré, selon R.-Fr. Le Men, qui l’a exploré pour la première fois en 1865, « des ferrures de portes et fenêtres », de nombreux charbons de bois qui seraient liés à son incendie et une « grande quantité de paille et de foin » (carbonisés ?) ; l’édifice d’Hérouvillette devait être essentiellement couvert d’un badigeon de lait de chaux ainsi que, par endroits, d’un enduit rouge (Le Men, 1876, p. 185-186 ; Veron dir., 2018, vol. 1, p. 235). Rapportons aussi la découverte d’un foyer ou d’une cheminée, installé(e) dans l’angle nord-ouest de l’édifice d’Orléans (S.114, ph. 3), de même qu’au sein du porche de Macé (S.196), mais on ne sait si son utilisation est contemporaine de celle du sanctuaire, ou postérieure à son abandon (Leclerc, 2005, p. 17 ; Verneau et Noël dir., 2009, vol. 1, p. 274). Enfin, parmi les bâtiments appuyés à l’extérieur des façades pour monumentaliser l’entrée des lieux de culte, il convient de mentionner les imposants porches, accessibles par un escalier, agrémentés de colonnes et sans doute couronnés d’un fronton, qui donnent accès aux galeries ou aux pavillons d’angle des grands sanctuaires d’Allonnes (S.9, ph. 4), Chartres (S.101, ph. 2), Corseul (S.134) et Meaux (S.158, ph. 3). À Corseul et à Chartres, ces entrées sont localisées dans les angles du quadriportique, et non au milieu de la façade principale comme c’est le cas à Meaux et pour d’autres lieux de culte moins monumentaux. Ce sont alors les pavillons, à l’arrière des porches, qui assurent la fonction de vestibule d’entrée et contrôlent « l’accès des personnes extérieures à la structure, auxquelles la vision globale de l’architecture du bâtiment et de ses rythmes ne sera consentie qu’une fois qu’elles auront accédé aux portiques ou à l’area sacra » (V. Mutarelli, in Provost et al., 2010, p. 155).
29La façade principale d’une vingtaine de lieux de culte a reçu un traitement particulier, puisqu’une ou deux galeries, absentes des autres façades, ou bien moins imposantes dans le cas d’un quadriportique – car plus étroites ou simples au lieu de doubles –, y sont adossées (cf. supra, fig. 21). Il est alors aisé d’identifier l’entrée principale du lieu de culte, d’autant plus lorsque le massif de fondation du seuil de la porte est conservé, comme à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 5 ; Guillier dir., 2020, p. 100), ou que celle-ci est encadrée par deux supports, dont le soubassement a été observé, avec le seuil associé, à Amboise (S.237, ph. 2), ou encore à Pussigny (S.244). Dans ce cas, l’accès s’effectue au milieu de la façade, dans l’axe du temple dressé au cœur de la cour sacrée. Pour une quarantaine de lieux de culte, les porches, les bâtiments d’entrée, les portiques externes, les pavillons d’angle, voire des séries d’exèdres ou d’absides, ont donc constitué différentes solutions pour démarquer l’une ou – plus rarement – plusieurs façades du péribole, avec une monumentalité plus ou moins accentuée (cf. infra, 1.2). Dans ce cas de figure, il est intéressant de constater que c’est la façade orientale du sanctuaire qui, à de rares exceptions près, est mise en valeur et détermine le principal accès à l’aire sacrée. Pour autant, à plusieurs reprises, une ou deux galeries peuvent avoir été installées à l’arrière du ou des temples, donc à l’ouest, tandis que l’accès principal s’effectue bien depuis l’est, à l’exemple de l’espace sacré de Macé (S.196), où le porche, à l’orient, semble bien fixer l’entrée du monument. Une galerie placée à l’ouest de la cour sacrée a aussi été reconnue à Comblessac (S.132), mais la ou les entrées du sanctuaire n’ont pas été localisées, tandis que le lieu de culte occidental du Vieil-Évreux (S.80), non fouillé, est équipé de galeries placées sur deux façades opposées, à l’ouest et à l’est. À Hérouvillette, en ce qui concerne le premier état de l’enceinte, son interruption est située en façade méridionale et son entrée semble orientée en fonction d’autres constructions, dont une a été très partiellement dégagée en bordure de la zone de fouille (S.145, ph. 2). En revanche, lors de la phase suivante (ph. 3), le bâtiment marquant l’entrée du sanctuaire, dont l’emprise a été redéfinie, est placé, comme dans la grande majorité des cas, à l’est (Veron dir., 2018, vol. 1).
30L’existence d’accès multiples est attestée pour une quinzaine de lieux de culte. Si dans quelques cas, il semble difficile de distinguer une entrée principale d’éventuelles portes secondaires, plusieurs exemples montrent une réelle hiérarchisation entre les accès, dont le traitement architectural varie d’une façade à l’autre, comme à Jublains (S.32, ph. 3), où trois entrées donnent accès à l’aire sacrée, dont les deux principales sont raccordées au réseau des rues de la ville (cf. infra, 3.1.2.4). De façon générale, la porte principale du sanctuaire est alors située à l’est, face à l’entrée du ou des temples (cf. infra, 1.1.2.2), tandis que les autres ouvertures font communiquer l’aire sacrée avec des espaces périphériques, souvent peu ou pas étudiés, où devaient avoir lieu des activités liées, d’une manière ou d’une autre, aux cultes. Des baies permettant de franchir le péribole à l’arrière ou sur le côté du temple ont été reconnues à Aubigné-Racan (S.11), à Neuvy-en-Champagne (S.19), dont la façade principale, à l’est, est mise en valeur par une double galerie, et probablement à Val-de-Reuil (S.269, ph. 4), tandis qu’un porche est aménagé en façade occidentale des sanctuaires, non fouillés, de Meilleray (S.234) et de Saint-Mars-Vieux-Maisons (S.161), peut-être en complément d’une galerie double implantée de part et d’autre du mur oriental du péribole. Doit-on voir dans ces portes, dont le rôle paraît subsidiaire, des accès réservés au personnel religieux ou à certains visiteurs, ou bien facilitant l’introduction des animaux destinés au sacrifice au sein de la cour ? Il serait nécessaire de définir avec précision l’environnement immédiat de ces lieux de culte, au-delà de ces ouvertures, pour tenter d’en comprendre l’utilité.
1.1.1.4. Des lieux de culte non enclos ?
31À l’inverse des cas précédemment évoqués, plusieurs sanctuaires semblent n’avoir jamais été enclos par un fossé, une palissade ou une enceinte en pierre ; du moins, aucun système de clôture n’a été identifié au cours de leur étude. Cette hypothèse doit être vérifiée au cas par cas, du moins lorsque la documentation est suffisamment étoffée puisque, pour nombre de lieux de culte, le recours aux seules images aériennes n’a livré qu’un plan partiel des vestiges et, pour d’autres, la zone couverte par la fouille, centrée sur le cœur du site, n’est pas suffisamment large pour avoir mis en évidence les vestiges d’une clôture périphérique.
32La question se pose notamment pour plusieurs sites du second âge du Fer, caractérisés par des épandages de mobilier (cf. infra, 2.1.2.2), notamment métalliques, reposant sur des niveaux de sol peu ou pas aménagés et autour desquels aucune enceinte n’a été reconnue. Ainsi, à La Villeneuve-au-Châtelot (S.2, ph. 1), ce sont trois zones de dépôt, couvrant chacune une cinquantaine de mètres carrés, qui rassemblent plusieurs centaines d’objets fragmentés métalliques (armement, parure et outils) de composition similaire. La mise en place des deux enceintes palissadées (cf. supra, 1.1.1.1) est postérieure au rejet de ces objets : leurs tranchées de fondation ont en effet perturbé l’un des trois épandages (cf. infra, fig. 84). À quelques mètres à l’ouest, une autre tranchée d’implantation de palissade, non datée avec précision, est antérieure, elle aussi, aux deux enclos concentriques, mais l’enfouissement des objets a eu lieu à l’extérieur de l’espace qu’elle délimite ; au sein de la fenêtre de fouille, d’une emprise de 1 450 m², aucune limite qui aurait pu marquer l’espace des dépôts d’objets n’a donc été identifiée (Piette, 1989 ; Bataille, 2008, p. 47-48). De même, à Meaux (S.158, ph. 1), trois zones de concentration de mobilier gaulois fragmenté (armement, parures, céramique et faune), dont deux ont aussi livré des objets de l’époque romaine et semblent donc avoir été perturbées ou formées durant le Haut-Empire, prennent a priori place dans un espace dépourvu de clôture. Elles n’ont toutefois été sondées que sur une emprise réduite, alors qu’elles couvrent des surfaces importantes – elles sont réparties sur plus de 300 m de long et sur près de 7 000 m² (Couturier dir., 2005 ; Marion et al., 2019).Des épandages de matériel laténien fragmenté – en particulier des pièces d’armement –, localisés dans des espaces peut-être non enclos, ont aussi été mis au jour sur trois autres sites de l’ouest de la France, dont les niveaux laténiens ont néanmoins été étudiés sur une emprise réduite, à Jublains (S.32, ph. 1 ; Naveau et al., 1997, p. 149-152 ; Lejars, 1997), Aubigné-Racan (S.11, ph. 1 ; Lejars et al., 2001) et Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 1 ; Lejars et Pernet, 2007).
33Ces différents exemples semblent donc montrer que des objets particuliers, notamment métalliques, manipulés et brisés dans le cadre de pratiques rituelles (cf. infra, 2.1.2.2 et 2.3.2.1), sont parfois épandus sur le sol, formant des dépôts d’étendue variable, qui sont localisés dans des espaces a priori non structurés. Ce phénomène ne se cantonne pas à la région étudiée, puisque de grands dépôts laténiens similaires, constitués d’armes, de céramiques, de monnaies et d’ossements animaux, ont aussi été mis au jour à Baâlons-Bouvellemont (Ardennes), où aucun enclos antérieur au Haut-Empire n’a été mis en évidence, bien que la zone de fouille se soit concentrée, encore une fois, autour de ces épandages (Squevin, 1994 ; Goussard et al., 2019). Il convient néanmoins de rester prudent : au sein des sanctuaires enclos avérés du second âge du Fer, notamment les plus vastes, l’abondant matériel, généralement fragmenté, n’est pas toujours enfoui, à l’issue de la chaîne des rituels ou lors d’opérations de nettoyage du site, au sein des fossés qui le délimitent, tel qu’à Bennecourt (S.254, ph. 1). Effectivement, il peut être aussi répandu sur le sol ou enfoui dans des fosses creusées au cœur du site, comme à Juvigné (S.36, ph. 1) ou à Mirebeau-sur-Bèze (Côte-d’Or ; Joly et Barral, 2012). Il est donc possible, pour les cas présentés ici, qu’une enceinte périphérique n’ait pas été reconnue, en raison de l’ampleur limitée des opérations archéologiques qui y ont été menées, que des aménagements postérieurs en aient détruit les vestiges, voire que les objets manipulés au sein du sanctuaire aient été finalement rejetés en dehors de celui-ci, dans sa périphérie (cf. infra, 2.1.2.2). En l’état des connaissances, l’hypothèse de dépôts d’objets à caractère rituel au sein d’espaces ouverts, durant La Tène moyenne et finale, doit donc être émise pour quelques sites, mais ne peut être confirmée ; seule l’extension des aires de fouille, sur les sites concernés, offrirait la possibilité de le vérifier.
34En ce qui concerne les lieux de culte de la période romaine, différents cas de figure doivent être envisagés. Les exemples de petits temples a priori isolés, identifiés en prospection aérienne, sont nombreux (cf. infra, 3.2.3.1), mais les données sont ici insuffisantes pour assurer qu’aucune enceinte n’a été dressée autour de leur aire sacrée. En effet, la lisibilité des vestiges au cours des survols aériens est sujette à de nombreuses conditions et il demeure possible qu’une enceinte fossoyée n’ait pu être perçue, ou encore que l’arasement des vestiges ait fait disparaître les fondations de murets ou des murs du péribole. La question se pose aussi pour une série de sanctuaires, essentiellement documentée par des prospections aériennes, équipées d’un temple et, à quelques mètres ou dizaines de mètres à l’est, d’un bâtiment de plan rectangulaire, qui pourrait marquer l’entrée d’un sanctuaire dont les limites n’ont pas été matérialisées, ou plutôt n’ont pas pu être reconnues (cf. infra, 1.1.4.2).
35Par ailleurs, dans certains cas, l’absence apparente de péribole semble pouvoir être imputée à une mauvaise conservation des vestiges archéologiques. Sur le site des Tirelles, à Chilleurs-aux-Bois (S.103, ph. 2 et 3), le temple découvert, situé en périphérie d’une agglomération secondaire, semble isolé, à l’instar d’autres structures repérées ponctuellement dans un rayon d’une soixantaine de mètres (Fournier dir., 2010). Ces dernières correspondent à plusieurs caves, maçonnées ou boisées, ainsi qu’à quelques fosses, de dimensions variables. La présence de caves suggère l’existence de bâtiments de surface, à leur aplomb ou à leurs abords, dont aucun vestige n’a toutefois été observé. Il semble donc, dans ce cas, que les structures les moins profondément fondées du sanctuaire – dont son enceinte ? – et de son environnement immédiat aient disparu, sous l’effet de l’érosion des sols anciens.
36L’exemple d’Authevernes (S.253, ph. 3 et 4), en contexte rural, pose la question du devenir des enceintes fossoyées qui n’ont jamais été remplacées par un péribole maçonné, à moins que les vestiges de celui-ci n’aient pas été conservés. Les modestes fossés creusés vers le milieu du ier s. de n. è. au sud, à l’est et au nord-est d’une grande cour (cf. supra, fig. 18), dont le centre est occupé par un temple, sont comblés progressivement, entre la seconde moitié du ier s. et la fin du iie s., tandis que le site est fréquenté jusqu’au second quart du iiie s. À l’ouest, en revanche, aucune limite claire n’apparaît, si ce n’est sous la forme d’un alignement de petits bâtiments, présents aussi au nord, dont les plus anciens ont vraisemblablement été construits lors de l’aménagement de l’enceinte, tandis que d’autres sont plus tardifs et se sont élevés à l’aplomb des fossés alors comblés (Michel et al., 2014). La disparition des talus associés aux fossés, peut-être surmontés de haies, trouble cependant notre perception de l’espace et il est probable que les anciennes limites, qui restent bien marquées par les rangées de bâtiments à l’ouest et au nord, soient restées matérialisées d’une manière ou d’une autre au sud et à l’est, où les fossés ont été rapidement remblayés.
37Enfin, au titre de cette réflexion, il est aussi nécessaire d’aborder brièvement la question des aires sacrées intégrées à des établissements ruraux, enclos ou non (cf. infra, 3.2.2). Les fouilles réalisées au sein des villae de Richebourg (S.118) et de Carnac (S.272), le diagnostic conduit à Chilleurs-aux-Bois (S.102), ou encore les temples identifiés en prospection aérienne à Venables (S.270), à Beaune-la-Rolande (S.200) ou à Erceville (S.208), pour se limiter à quelques exemples de temples et d’habitats avérés, montrent bien que des espaces sacrés équipés d’un ou plusieurs bâtiments de culte peuvent prendre place au sein du péristyle de la pars urbana, ou d’une autre cour dépendant de l’établissement, sans pour autant être pourvus de leurs propres limites. Il est néanmoins possible, encore une fois, qu’une modeste clôture formée de buissons, d’un muret ou d’éléments en bois n’ait laissé aucun témoin archéologique, et que l’espace consacré aux rituels, incluant un autel et peut-être d’autres équipements en plus des aedes, ait été séparé des autres activités profanes par un marqueur de ce genre.
1.1.2. Des demeures pour les dieux : les temples et la question des édicules
38Le temple, nommé aedes en langue latine, est l’édifice qui renferme la ou les image(s) sculptée(s) d’une ou de plusieurs divinités qui y résident ; il constitue ainsi l’une des composantes principales des aires sacrées. La statue de culte est abritée dans sa pièce principale, la cella, parfois précédée ou encadrée par d’autres espaces couverts, galerie ou pronaos (Ginouvès, 1998, p. 35-39 ; Van Andringa, 2017a, p. 116). Bien que les recherches les plus anciennes aient souvent été focalisées sur ce type d’édifice, au détriment des autres espaces de l’aire sacrée, l’identification des vestiges des temples n’est pas toujours un exercice facile, d’autant plus lorsqu’ils sont arasés et que seules subsistent leurs fondations – ou, au mieux, la base de leur élévation. Après avoir déterminé et caractérisé la morphologie des temples, en distinguant différents types à partir de leur plan et de leur élévation, il sera utile de revenir sur leurs points communs et les équipements qui aident à définir leurs rôles au sein des rituels, avant d’aborder la question de leur chronologie et notamment de leurs origines et de leur évolution.
1.1.2.1. Des architectures variées : proposition de classement des temples
- 17 Depuis l’identification du type des temples à cella centrale et galerie périphérique par L. de Vesl (...)
39À première vue, il peut paraître difficile d’adopter une typologie qui permette de trier et de hiérarchiser de manière pertinente l’ensemble des temples reconnus. Les lacunes documentaires propres aux sites non fouillés ou particulièrement arasés contraignent souvent à mettre en série des plans de bâtiments dont l’élévation ne peut être restituée de manière précise. Ainsi, durant le siècle passé, les typologies établies à plusieurs échelles ont fréquemment mis l’accent sur les différences planimétriques des temples, critère le plus facile à définir à l’aune des données disponibles17. Cependant, la nécessité de restituer en trois dimensions ces édifices, que ce soit pour évaluer leur monumentalité ou comprendre la part d’influence de l’architecture religieuse classique, a aussi été soulignée à plusieurs reprises au cours des dernières décennies (Brouquier-Reddé et Gruel, 2006 ; Aupert, 2010, p. 246-252 et p. 287-300). Par ailleurs, la diversité et l’originalité des solutions adoptées par les architectes, en raison de choix qui ne peuvent être compris qu’en intégrant le lieu de culte dans son environnement et en s’interrogeant sur les communautés qui le gèrent et qui le fréquentent (cf. infra, chapitre 3), imposent de définir des critères multiples – et surtout de les hiérarchiser afin de pouvoir comparer une large gamme de formes architecturales.
40Au regard de ces éléments, et en nous appuyant sur les essais antérieurs, il nous a semblé judicieux d’adopter un classement qui distingue plusieurs grandes familles de temples. Ces dernières sont définies, en premier lieu, en fonction de l’agencement des espaces qui composent ces édifices : présence ou absence d’une galerie circonscrivant la cella, d’un haut podium accessible par un escalier et, donc, d’une façade principale, mise en valeur par une colonnade ainsi que par un fronton et que l’on franchit pour accéder à un vestibule. Ces considérations invitent aussi à réfléchir, lorsque les données le permettent, à la monumentalité de l’édifice de culte, que l’on peut évaluer à partir de ses dimensions – qu’il s’agisse de son emprise au sol, mais aussi d’une possible surélévation au moyen d’un podium, la hauteur totale de l’édifice étant généralement inconnue –, des matériaux qui le constituent et de son décor, indices qui pourront être intégrés à une réflexion plus large sur la monumentalité et le statut des lieux de culte (cf. infra, chapitre 3 et 5.3.1.3). Quant à la forme générale du temple, qu’il soit de plan carré, rectangulaire, circulaire ou encore octogonal, elle nous paraît devoir être considérée comme un critère secondaire et qui sera donc invoqué dans un deuxième temps, pour distinguer différents types d’édifices au sein de chaque famille. La forme de la cella et, le cas échéant, de la galerie périphérique conditionne certes le parti général du bâtiment (Doulan, 2008, p. 128-131 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 124-125). Pour autant, quelques exemples de sanctuaires dont on peut suivre l’évolution au cours des siècles montrent bien que la forme choisie pour le plan de la cella du temple principal n’est pas immuable, mais qu’elle peut varier d’un état à l’autre, alors que la divinité qui en est la titulaire reste a priori la même : au temple à cella et galerie de plan carré de la Forêterie, à Allonnes (S.9, ph. 3), succède ainsi un édifice monumental doté d’une cella circulaire et dressé sur un podium carré (ph. 4), tandis qu’à Juvigné, l’édifice circulaire est antérieur au bâtiment de plan proche du carré (S.36, ph. 2), ou que le petit temple de forme carrée ou rectangulaire de Guérande (S.166, ph. 2-3) laisse place à une grande construction dont la base est octogonale (Pirault, 2010 ; Brouquier-Reddé et Gruel, 2015 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016). Au contraire, au cours du développement des sanctuaires, l’apparition de certaines composantes – telle une galerie périphérique ou un porche encadré de colonnes – ainsi que les moyens mis en œuvre pour la monumentalisation et l’embellissement progressifs des temples indiquent bien que ces constructions, ou du moins une partie d’entre elles, évoluent en intégrant peu à peu certains traits empruntés à l’architecture religieuse classique, qu’il convient alors de mettre en avant pour hiérarchiser les différents types de bâtiments de culte.
- 18 Les principales caractéristiques de chacun de ces édifices ont été rassemblées dans un tableau repr (...)
41En suivant cette démarche, cinq grandes familles de temples ont été retenues (fig. 25 à 27) pour classer les 506 bâtiments avérés ou hypothétiques identifiés18 : la première (A) rassemble des constructions simplement constituées d’une cella, parfois accessible en franchissant un porche ou en gravissant quelques marches ; la seconde (B) comprend de multiples bâtiments de plan centré à cella et galerie périphérique, de formes variées et dépourvus de façade monumentale, tandis que la troisième (C) réunit de grands édifices à galerie, souvent surélevés sur un podium et dont l’entrée, précédée par un large escalier, est mise en valeur par une colonnade. Les deux dernières catégories correspondent à des architectures dépourvues de galerie périphérique, moins fréquentes et dont les modèles ont manifestement été importés directement de Rome : d’une part, de rares temples rectangulaires sur podium (D), dont la cella est précédée par un pronaos et par un escalier ; d’autre part, trois salles destinées au culte du dieu Mithra (E), caractérisées par un agencement bien particulier et qui leur est propre.
Figure 25 : Répartition des 507 temples avérés ou hypothétiques dans les cinq familles architecturales distinguées.

Réal. S. Bossard.
Figure 27 : Répartition des temples au sein des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise par type d’architecture.

Réal. S. Bossard.
- Les temples à simple cella et la question des édicules (A)
42Près d’un tiers (32 %) des édifices recensés, présents dans toutes les cités, correspond à des constructions faites d’une pièce unique, de forme variable (carrée, rectangulaire, circulaire ou octogonale) et de petite taille – à quelques exceptions près qui sont de dimensions moyennes –, parfois précédée par un porche ou par un escalier de quelques marches, mais en aucun cas dressée sur un haut podium. Délimités par des murs bâtis en matériaux périssables ou maçonnés, ils couvrent tout au plus une centaine de mètres carrés et leur surface moyenne, proche de 25 m², témoigne bien de leur faible emprise au sol. Fréquents au sein des lieux de culte, ils n’ont pourtant été que peu étudiés, au contraire des temples plus grands. Leur identification à des cellae n’est pas avérée dans la plupart des cas, comme nous allons le voir, mais il semble qu’un nombre important d’entre eux corresponde bien à des temples de modeste ampleur – ou du moins à des structures utilisées à des fins cultuelles, qu’elles soient situées au cœur du sanctuaire ou placées dans des espaces périphériques, le long du péribole. Les édicules interprétés comme des cellae peuvent alors être qualifiés de sacella, terme latin qui désigne une chapelle qui peut relever tant d’un culte public que de la religion privée (Dubourdieu et Scheid, 2000, p. 77).
43Leur reconnaissance n’est pas aisée, a fortiori lorsque leur élévation a disparu ou n’a pu être documentée : leur plan, banal, peut être confondu avec celui de bassins, de bases de statues ou d’autels, ou encore de petits bâtiments aux usages divers. Il a donc été choisi de recenser l’ensemble des constructions répondant aux caractéristiques architecturales évoquées supra, qu’elles soient localisées au sein de l’aire sacrée ou à ses abords immédiats, et que leur fonction ait pu être précisée ou non. Cent soixante-deux aménagements de ce type ont ainsi été inventoriés, mais la part de temples avérés, parmi ces nombreux exemples, est difficile à évaluer : seule la base de leur élévation, au mieux, est conservée, et rares sont les autres vestiges associés, qui permettraient d’en comprendre le rôle au sein du sanctuaire. Par exemple, il est possible qu’une série de petites constructions de plan carré, mesurant 2,50 m de côté et encadrant, par paire, les passages communiquant entre les portiques et la cour sacrée du sanctuaire monumental de la Forêterie, à Allonnes (S.9, ph. 4, bâtiments H, I, J et K), ait servi de socles à des images sculptées ornant l’aire sacrée, plutôt que de véritables chapelles (cf. supra, fig. 21 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 334). La question se pose aussi pour des édicules établis à l’extérieur du péribole d’un sanctuaire, le long de sa façade principale et notamment à proximité de son entrée principale, à l’image des petites constructions carrées reconnues sur le site du Devant de la Garenne à Guichainville (S.61, ph. 2, G et H) et à Boisset-les-Prévanches (S.47, C et D) (cf. supra, fig. 21). En Aquitaine, la fouille de l’un des lieux de culte pictons du Gué-de-Sciaux à Antigny a permis de restituer l’élévation de plusieurs petites constructions carrées, très variable d’un exemple à l’autre (Bertrand dir., 2018, vol. 1, p. 403-417, p. 437-445 et p. 461-463). Parmi elles, deux édicules correspondent vraisemblablement à de petits monuments maçonnés pleins (10.A : 2,51 m de côté ; 4.B : 2,60-2,70 m de côté), hauts de plusieurs mètres et agrémentés de colonnettes ou de niches destinées à abriter des statues divines ou à recueillir des offrandes, tandis qu’une autre construction de dimensions similaires (13.A : 2,60 m de côté), dépourvue de fondation et de sol aménagé, est délimitée par des murets maçonnés, couronnés de chaperons, et n’a donc pas été couverte par une toiture. L’hypothèse de temples à proprement parler peut donc être réfutée sur la base d’arguments solides pour ces trois exemples bien documentés, qui montrent bien que les édicules dont seules subsistent les fondations ne doivent pas nécessairement être interprétés comme des cellae, circonscrites par quatre murs et abritées par un toit.
44À l’opposé, dans d’autres cas, l’hypothèse de petits temples est tout à fait crédible. À Saint-Patrice (S.247, A), la partie inférieure d’une probable statue de culte, brisée, a été découverte contre le mur du fond d’un édicule (cf. infra, 1.1.2.2 et supra, fig. 21), mesurant 2,70 m de long pour 2,50 m de large (soit près de 7 m²). L’élévation de ce dernier devait être importante, au regard de la profondeur importante de ses fondations (Guiot, 2003, p. 153-154). La configuration de ce vraisemblable sacellum rappelle celle d’un autre édicule fouillé à Corbeilles (S.177, A), mesurant 3,30 m de côté, soit environ 11 m² (Poitevin, 2015). Effectivement, dans les deux cas, et bien que l’image divine ait disparu sur ce dernier site, une fosse creusée au pied du mur occidental du petit édifice a manifestement servi de fondation au socle de la statue. D’autres édicules de plan carré ont livré de nombreuses monnaies, tels ceux du Mans (S.16, A) et de Mareuil-lès-Meaux (S.157, A), au sein desquels ont été respectivement mises au jour 287 et 39 pièces (Chevet et al., 2014, p. 133-135 ; Bet et Delage dir., 2008, p. 242-244 et p. 1113-1135). Ici, leur accumulation évoque sans doute la pratique religieuse de la iactatio stipis, souvent réalisée devant une statue de culte (cf. infra, 2.2.3.1). Ainsi, à moins d’envisager qu’il existe des structures délimitées par des murs et que l’on utilise comme réceptacles pour des offrandes, sans qu’elles aient pour autant abrité une image divine – peut-être à l’exemple de la construction 13.A du Gué-de-Sciaux ? –, il semble bien que ces édicules aient aussi constitué la demeure d’une divinité qui y était physiquement représentée.
45Par ailleurs, l’évolution d’autres bâtiments de plan circulaire ou rectangulaire, agrandis grâce à l’adjonction d’une galerie périphérique – à Neuville-sur-Sarthe (S.18, J1 à J4 ; Guillier dir., 2020, p. 123-127), à Richebourg (S.118, A1 et A2 ; Barat, 1999) ou à Bennecourt (S.254, B1 à B3 ; Bourgeois dir., 1999) – ou détruits pour laisser place, aussi, à un temple de plan centré plus grand – à Bauné (S.4 ; Mare dir., 1995) ou à Juvigné (S.36, A et B ; Bossard, Dufay-Garel dir., 2016) –, suggère clairement que les états les plus anciens, se présentant sous la forme d’une simple cella, étaient déjà destinés à abriter des activités religieuses. La présence d’un foyer à l’intérieur d’un édicule daté des premières décennies du Haut-Empire peut aussi constituer un argument solide pour son identification à un temple (cf. infra, 1.1.2.2). Enfin, la proximité de certains édicules avec des bâtiments de culte plus grands, à l’image des agencements symétriques observés à Cracouville (Le Vieil-Évreux, s.78 ; Baudot, 1936) et à Criquebeuf-sur-Seine (S.256, B et C ; Vesly et Quesné, 1898), ou encore l’agglomération de plusieurs constructions de ce type au sein d’un même site, tel qu’à Bennecourt (S.254, ph. 4 et 6 ; Bourgeois dir., 1999), invitent aussi à les considérer comme de probables chapelles, à tout le moins pour les plus grands d’entre eux.
Cellae de plan carré (A1) ou rectangulaire (A2)
46Les édifices quadrangulaires, que leur plan soit carré – ou proche du carré – (A1) ou bien oblong (A2), sont de loin les plus nombreux au sein de cette famille et sont présents sur l’ensemble du territoire étudié (cf. supra, fig. 27). Leur surface totale, si l’on ne considère que les chapelles avérées, s’échelonne entre 7 m² (Saint-Patrice, s.247, A : 2,70 m × 2,50 m) et 88 m² (Bennecourt, s.254, C1 : 9,40 m de côté). Il s’agit donc de constructions de taille modeste et dont l’espace intérieur, si l’on retranche l’épaisseur des murs, est particulièrement réduit – environ 2 m² à Saint-Patrice et autour de 45 m² à Bennecourt. Il existe d’ailleurs une trentaine d’exemples plus petits, formés de quatre murs dont les côtés sont longs d’environ 2 m (soit une surface totale d’environ 4 m²), mais on ne sait s’ils correspondent véritablement à des cellae ou plutôt à des aménagements dont les fonctions sont tout autre – supports de statues ou d’autels, espaces réservés au dépôt d’offrandes ? À titre de comparaison, il est intéressant d’évoquer deux édicules maçonnés, aux dimensions particulièrement modestes, mis au jour au sein de l’agglomération de Saint-Marcel/Argentomagus (Indre), sur le territoire des Bituriges Cubes, dans l’insula Y. Mesurant respectivement 1,92 x1,73 m et environ 1,15 m de côté, ils se présentent sous la forme de petits édifices reposant sur un soubassement, ouvert à l’est, fermé sur ses trois autres côtés par des murets et sans doute couvert. Chacun d’eux abrite deux statuettes représentant manifestement des divinités honorées dans un cadre peut-être privé, ainsi que, dans l’un des deux, un simulacre de phallus et une petite table qui a pu accueillir des offrandes (Coulon, 1988 ; J.-M. Flécher et al., in Fauduet dir., 2014, p. 45-47 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 169-170).
47Il existe donc bien des sacella de très petite taille, que l’on peut qualifier de temples miniatures, et il est probable que des aménagements de ce type, non identifiés, car moins bien conservés, aient été bâtis au sein des sanctuaires du centre et de l’ouest de la Lyonnaise. Si l’on considère les plus petits exemples inventoriés au sein de ce territoire, le site des Hernies à Macé (S.196) est l’un des mieux documentés, avec neuf constructions carrées de dimensions similaires, mesurant entre 2,20 et 2,50 m de côté (fig. 28 et cf. infra, fig. 79 ; Leclerc, 2005, 2006 et 2007a et b). Leurs fondations sont maçonnées, en pierre sèche ou sont simplement composées d’un mélange de terre et de chaux, tandis que leur élévation n’est conservée que sur une ou deux assises, constituées de moellons liés à la terre ou au mortier ; la découverte d’enduits peints et de débris de tuiles issus d’une toiture n’a été signalée que pour l’un d’entre eux (E). Construits en plusieurs étapes, à partir de la seconde moitié du ier s. de n. è. et peut-être jusqu’au iiie s. ou au ive s., ils se répartissent aux quatre angles du téménos et le long des murs qui l’enclosent. Les dépôts d’objets associés (notamment des monnaies) sont tardifs, puisqu’ils relèvent de la dernière phase d’occupation du sanctuaire, datée entre la fin du iiie s. et la seconde moitié du ive s. Par ailleurs, d’abondants dépôts cendreux ont été mis au jour dans deux autres édicules (G et I), ainsi qu’un foyer dans l’édicule D. Le ou les rôles de ces neuf petits édifices, dont l’élévation était probablement peu importante et qui n’étaient peut-être pas tous couverts, ne sont donc pas connus avec certitude : si l’hypothèse de modestes chapelles, où ont été accumulées des offrandes auprès d’une image divine disparue, peut être émise pour plusieurs d’entre eux, il est aussi possible qu’ils aient été utilisés comme autels ou comme réceptacles pour des offrandes. Il faut aussi envisager que leur fonction a pu évoluer au fil du temps et aucun indice – aménagement particulier ou dépôt d’objet – n’indique les modalités de leur utilisation avant la fin du iiie s.
Figure 28 : Plan des temples et édicules de type A1a et A2a construits en tout ou partie en matériaux périssables.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
48Les matériaux, les techniques de construction et les décors mis en œuvre lors de leur édification varient d’un site à l’autre, mais aussi en fonction de la chronologie des édicules. Les plus anciens exemples ont été intégralement ou partiellement bâtis en matériaux périssables – murs de terre et de bois, reposant parfois sur des solins de pierre, et probablement du chaume ou des bardeaux de bois, en guise de couverture –, dont ne subsiste que l’empreinte, ou parfois des éléments carbonisés. La charpente de certains de ces bâtiments n’est pas soutenue par des murs porteurs, mais, selon les techniques de construction héritées de la période gauloise, par des poteaux de bois, dont les trous d’ancrage ont été mis en évidence sur plusieurs sites datés entre la fin de La Tène finale et le premier quart du ier s. de n. è. (fig. 28). Les plus anciennes constructions de Saint-Martin-de-Boscherville (S.87), auxquelles succéderont, au même emplacement, d’autres états aux fondations de pierre, se caractérisent par un plan particulièrement lisible : dans un premier temps (A1), vers la fin du ier s. av. n. è., dix trous de poteau, disposés de manière symétrique, définissent le tracé d’un édifice de plan rectangulaire, mesurant 9,30 × 6,30 m (soit 59 m²). Ses parois auraient été élevées sur des sablières basses insérées entre les supports, si l’on se fie aux effets de parois observés au sol, côté nord. Vraisemblablement accessible depuis l’est, il est pourvu d’un foyer plus ou moins central. Dans un second temps (A2), vers le début du ier s. de n. è., cet édifice est arasé pour laisser place à un second, dont la charpente s’appuie désormais sur quatre poteaux, marquant l’emprise d’un bâtiment plus réduit (5,80 × 4,50 m, soit 26 m²) – à moins d’envisager une construction plus vaste, à parois rejetées. Également pourvu d’un foyer, il serait ensuite agrandi grâce à la construction d’une galerie périphérique, protégeant probablement les sept autres petites structures de combustion aménagées à l’est (Le Maho, 1995).
49Des constructions similaires ont peut-être existé, durant la seconde moitié du ier s. av. n. è. ou au début du ier s. de n. è., sur le site de la Forêterie à Allonnes (S.9, ph. 2, A1) et à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2 ?), où les fondations des temples des phases suivantes ont sans doute détruit des trous de poteaux, tandis que d’autres structures du même type, ainsi que plusieurs foyers à Neuville-sur-Sarthe, ont pu être identifiés en fouille à leurs abords (Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 77 ; Guillier dir., 2020, p. 49). De même, à Paule (S.172, ph. 1, A), à partir des années 10 av. n. è., un ensemble de trous de poteau, creusés sur le flanc d’un tumulus de l’âge du Bronze, relève peut-être d’un petit bâtiment en matériaux périssables, mesurant 3,70 × 3,50 m (13 m²) ; sept monnaies républicaines et augustéennes ont été plantées verticalement en surface du tumulus, à l’intérieur de l’espace délimité par les poteaux, qui pourraient alors avoir circonscrit une première cella (Menez et al., 2021, p. 205).
50En revanche, rares sont les constructions sur poteaux de bois postérieures au début du ier s. de n. è. De fait, l’un des modestes édicules de Richebourg (S.118, D, 9 m² ; Barat, 1999, p. 147), composé de quatre poteaux qui encadrent une fosse circulaire centrale, ainsi que la plus ancienne cella de Pouillé (S.243, A ; Bourgeois, 1982, p. 62-66) et le premier état du temple J de Neuville-sur-Sarthe (S.18 ; Guillier dir., 2020, p. 59-61), dont les fondations associent des trous de poteaux et des tranchées ou des solins servant de support à des sablières basses, relèvent de sites occupés depuis les premières décennies du Haut-Empire et on ne peut situer avec précision la date de leur érection.
51Les constructions en matériaux périssables et dont les fondations sont constituées de solins de pierre sèche sont plus facilement identifiables (fig. 28), du moins lorsque l’érosion n’a pas fait disparaître les niveaux superficiels des sites. La quinzaine d’exemples reconnus, dont l’emprise au sol s’étend entre 3 et 88 m², pour une moyenne de 43 m², semble aussi se rattacher essentiellement à des contextes antiques précoces, datés entre la fin du ier s. av. n. è. et les premières décennies de notre ère. Les sablières basses sur lesquelles s’élèvent les murs n’ont laissé aucune trace et, pour deux cellae de Bennecourt (S.254, B1 et C1) et d’autres édifices, mal conservés, de la phase gauloise du site de la Forêterie, à Allonnes (S.9), elles reposent à même le sol, dans des tranchées creusées à l’occasion (Bourgeois dir., 1999, p. 39-41 ; Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 74). Leur sol est composé de terre battue à Bennecourt, d’arène granitique, reposant sur un lit de pierres et de galets, à Vannes (S.278, A1 ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, p. 8-13) ou bétonné, à Bauné (S.4, A1 ; Mare dir., 1995, p. 13-14). Un foyer a été disposé peu ou prou au centre des cellae de Macé (Leclerc, 2007b), Bennecourt et Vannes (S.196, A1 ; s.254, B1 et C1 ; s.278, A1), fréquentées durant les décennies qui ont précédé et suivi le changement d’ère. De leurs parois, subsistent quelques fragments de torchis brûlé, présentant l’empreinte d’un clayonnage disparu et couvert, en surface, par une couche de lait de chaux à Bennecourt ou par des enduits peints, où dominent des tons noirs et marron rouge, à Bauné. Quant à leur toiture, elle se compose de tuiles sur ce dernier temple, tandis qu’aucun élément de ce type n’a été a priori mis au jour au sein ou à proximité des autres édicules, suggérant l’existence de couvertures en matériaux périssables pour nombre d’entre eux.
52Enfin, trente bâtiments de plan quadrangulaire, parmi les exemples fouillés, sont constitués de murs maçonnés, mais il ne fait pas de doute qu’une grande part des édicules dont l’élévation n’est pas conservée, ou de ceux qui ont été identifiés en prospection, ont aussi été construits de cette manière. Comme les précédents, ils se caractérisent par des dimensions très variables (fig. 29), comprises entre 4 et 72 m², pour une moyenne de 26 m². Bâtis, au plus tôt et pour les plus anciens, après 15 de n. è., ils sont fréquentés tout au long de l’époque romaine, leur rôle étant parfois encore important dans les rituels, à Macé (S.196 ; cf. supra) ou à Genainville (S.260, G ; Vermeersch, 2012), par exemple, au cours du ive s. Étant donné qu’ils sont généralement arasés jusqu’à leurs fondations au moment de leur découverte, leur niveau de sol et leur élévation ont souvent disparu, mais, dans plusieurs cas, la base conservée de leurs murs ou des débris jonchant leurs abords donnent une idée de leur architecture. Alors que dans quatre cas, tels qu’au Mans (S.16, A ; Chevet et al., 2014, p. 130-131) et à Mareuil-lès-Meaux (S.157, A ; Bet et Delage dir., 2008, vol. 1, p. 241), un simple sol de terre battue a été mis en place en leur sein, de la craie damée forme le sol des édicules B2 et C2 de Bennecourt (S.254 ; Bourgeois dir., 1999, p. 43), tandis qu’il est bétonné à Pouillé (S.243, A2 ; Bourgeois, 1982, p. 62-66), ou dallé d’ardoises à Paule (S.172, B ; Menez et al., 2021, p. 206), de plaquettes calcaires à Mondeville (S.147, C ; Besnard-Vauterin dir., 2009, p. 167-169) et, probablement, d’un pavage disparu car récupéré à Criquebeuf-sur-Seine (S.256, C ; Vesly, 1909, p. 49).
Figure 29 : Plan des temples et édicules de type A1a et A2a a priori maçonnés.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
53La plupart du temps, on ignore tout de leur élévation et donc de la présence d’éventuelles baies ou de niches. Les murs d’un édicule de 14 m², découvert à quelques mètres du temple principal du lieu de culte des Perrières (Allonnes, s.10, B), sont néanmoins percés de plusieurs ouvertures (fig. 30), dont l’une, circulaire, bordée de briques et mesurant 0,44 m de diamètre, a été aménagée au milieu de sa façade occidentale ; deux autres cavités semi-circulaires, près des angles, ont été identifiées sur les murs méridional et occidental, qui sont les mieux conservés. À ses abords, la mise au jour d’enduits peints rouges, verts, blancs et jaunes indique que ses murs étaient probablement peints (Térouanne et al., 1968). Un revêtement de ce type a d’ailleurs été reconnu pour les murs de dix édicules : il est polychrome à Allonnes ou encore à Évreux (S.56, B, 24 m²), où des panneaux rouges, noirs et blancs, agrémentés de lignes jaunes, ont pu être restitués ; les deux petites constructions voisines du grand temple de Cracouville, au Vieil-Évreux (S.78, B et C), sont en revanche couvertes, à l’extérieur, d’une peinture bleu ciel (Baudot, 1936, p. 90 ; Doyen dir., 2002, p. 10). À l’opposé, un édicule du Mans (S.16, A), dont ne subsistent que les premières assises, est constitué de quatre murs maçonnés non enduits, mais il présente un décor polychrome résultant de l’alternance de moellons de calcaire, de grès blanc et de grès roussard (Chevet et al., 2014, p. 130-131).
Figure 30 : Édicule (B) du lieu de culte Perrières à Allonnes (Sarthe) en cours de fouille. In Térouanne et al., 1968, pl. III.

54Par ailleurs, des blocs fragmentés témoignant d’une ornementation sculptée ont été mis au jour auprès de l’édicule E de Genainville (S.260), de plan rectangulaire (7 × 5,60 m, soit 39 m²). Deux blocs parallélépipédiques subsistant en place et plusieurs fragments de blocs mis au jour à ses abords, au sein d’un niveau de démolition, permettent de restituer une architecture en pierre de taille, ornée d’un décor sculpté similaire à celui du temple voisin : ses murs étaient vraisemblablement couronnés par un entablement pourvu d’une frise ornée de monstres marins et d’une corniche modillonnaire ; des fragments issus d’une dizaine de personnages sculptés en haut-relief proviennent probablement de la paroi interne du mur occidental. À quelques dizaines de mètres, dans un angle de la cour du sanctuaire, un autre édicule (G, 20 m²), contemporain ou plus tardif, a été édifié en utilisant des moellons vraisemblablement obtenus en débitant des blocs parallélépipédiques récupérés sur le site. Ses murs supportent un entablement dont la corniche se compose uniquement de moellons sculptés (Mitard, 1993, p. 300-310 ; Vermeersch, 2012, p. 239-240). Signalons aussi la mise au jour, à proximité de l’édicule A de la villa de Mareuil-lès-Meaux (S.157, 19 m²), de fragments de base de colonne et de chapiteau de pilastre ou de corniche en calcaire, qui ont pu avoir été intégrés à son élévation, entièrement disparue (Bet et Delage dir., 2008, vol. 1, p. 236-241). Enfin, le toit des édicules maçonnés devait souvent être formé de tuiles : des débris de ce type ont été découverts à seize reprises, tandis que le mode de couverture n’est pas renseigné pour les autres.
55L’entrée de ces édicules a été mise en valeur, pour neuf ou dix constructions dont les fondations – et probablement l’élévation – sont en pierre, par un aménagement spécifique (fig. 31), soit plus étroit que la cella (A1b et A2b), soit aussi large que celle-ci (A1c et A2c). Dans le premier cas, il s’agit d’un porche ou bien d’un court escalier, encadré par deux murs d’échiffre, accolé à la façade orientale de l’édifice ; les exemples connus sont toutefois peu documentés, car ils ont été mis en évidence au cours de survols aériens ou lors d’explorations anciennes. Le second cas rassemble cinq bâtiments fouillés en Bretagne et en Normandie, dans le cadre d’opérations archéologiques préventives ou programmées, datés du Haut-Empire et, pour au moins trois d’entre eux, postérieurs au milieu du ier s. de n. è. Ils sont néanmoins arasés jusqu’à leurs fondations et l’identification à des petits temples, d’une surface comprise entre 20 m² et 54 m², reste alors sujette à caution pour la plupart des cas. L’édifice B de Bais (S.183), mis au jour dans un enclos à caractère indéniablement religieux, à proximité d’un autre temple de plan centré, constitue toutefois un candidat sérieux. Il se compose d’une pièce de plan rectangulaire, la cella, précédée d’un second espace, à l’ouest, également circonscrit par des fondations, mais trois fois plus étroit. G. Le Cloirec a proposé de restituer, en façade occidentale, un auvent reposant sur quatre supports, donc aucune trace n’a toutefois été mise au jour, et dont la hauteur serait inférieure à celle de la cella (Pouille dir., 2011, p. 419-421). Un plan tout à fait similaire a été adopté pour les petites constructions de Plomelin (S.174, A ; Arramond et al., 2013, p. 34-36), Montgermont (S.187, A ; Le Martret et al., 2015) et Mordelles (le Val : s.190, A ; Le Boulanger dir., 2016, p. 66-75). Elles sont orientées en direction de l’est ou de l’ouest, bien que pour ce dernier site, les murs prolongeant ceux de l’éventuelle cella pourraient aussi encadrer un escalier formé de quelques marches, puisqu’aucune fondation ne ferme l’espace antérieur à l’est. En contexte religieux, ce type de plan, associant une cella et un porche qui ne sont manifestement pas juchés sur un podium, contrairement aux temples classiques – à moins d’envisager que la partie antérieure de l’édifice marque l’emprise d’un escalier, ce qui n’est pas démontrable –, n’est pas exclusif aux cités de la Lyonnaise (Doulan, 2008, vol. 1, p. 166-170 ; Fauduet, 2010, p. 113-117 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 163-167). Cependant, l’interprétation de bâtiments construits à partir de ce plan n’est pas aisée, comme en témoignent par exemple un édifice comparable à proximité du temple de la villa de Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192 ; Provost et Le Bouteiller, 1986), qui semble plutôt correspondre à une annexe qui sera agrandie dans un second temps, et de probables mausolées de plan tout à fait comparable (cf. infra, 3.2.2 et 3.2.3.1).
Figure 31 : Plan des temples et édicules de type A1 et A2 pourvus d’un porche ou d’un escalier.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
56Enfin, à Guichainville (S.62, B), l’auvent de la probable cella carrée, renfermant un support quadrangulaire qui matérialise vraisemblablement l’emplacement d’une statue de culte, serait supporté par deux piliers ou colonnes, non conservés et dotés de fondations indépendantes, contrairement aux cas précédents (Guillier et Lourdeau dir., 2006, p. 149-152). L’hypothèse d’un sacellum semble ici crédible, d’autant plus que son plan est analogue à celui de trois constructions du sanctuaire des Basiols à Saint-Beauzély (Aveyron), parmi la douzaine de chapelles réunies dans son enceinte (Bourgeois et al., 1993).
Cellae de plan circulaire (A3) ou polygonal (A4)
57Les chapelles et temples pourvus d’une simple cella de plan circulaire (A3), qu’elle soit accessible (A3b) ou non (A3a) par un porche ou un escalier, sont plus rares (cf. supra, fig. 26 et fig. 32), à l’instar des sacella de plan polygonal (A4). De même que pour leurs homologues de plan quadrangulaire, leur reconnaissance n’est pas toujours évidente.
Figure 32 : Plan des temples et édicules de type A3 et A4.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
58Des bâtiments circulaires (A3) construits en matériaux périssables ont été identifiés à Allonnes, où au moins trois édifices de même diamètre (environ 6 m, soit une surface de 28 m²) sont attribués à la première phase du site de la Forêterie (S.9), datée du second âge du Fer (Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 74-75). Leurs fondations correspondent à une tranchée annulaire partiellement conservée, où sont ancrés de petits poteaux disposés à intervalles réguliers. Aucun indice ne permet toutefois de définir la fonction de ces bâtiments anciens et leur place au sein des parcours rituels, s’ils sont bien liés au sanctuaire, n’a donc pu être définie. Deux autres édifices de plan circulaire, d’un diamètre identique, ont pu avoir été bâtis en terre et en bois au cours du Haut-Empire. L’élévation de celui d’Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 2, A ; Lejars et Pernet, 2007) serait structurée par une série d’environ dix poteaux, reposant sur des amas de pierre sèche et de fragments de terres cuites architecturales, tandis qu’à Plouër-sur-Rance (S.137 ; Menez dir., 1996, p. 70-71), un ensemble de trous de poteau pourrait dessiner un cercle matérialisant, au sol, l’un des trois états d’un édifice en matériaux périssables. Néanmoins, la lecture de leur plan est incertaine et l’éventualité de plusieurs constructions quadrangulaires successives ne peut être totalement écartée.
59L’édification de temples en pierre circulaires, composés d’une simple cella, ne fait cependant pas de doute pour l’époque romaine. Ils se présentaient vraisemblablement sous la forme d’un cylindre maçonné, surmonté d’un toit conique composé de tuiles, dont la hauteur exacte n’est jamais connue. Les vestiges d’une construction de ce type, mesurant 11 m de diamètre et arasée jusqu’à ses fondations, ont été récemment fouillés à Juvigné (S.36, ph. 2, A ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 70-73). Cet édifice peut être comparé aux trois états successifs du temple circulaire de Neuville-sur-Sarthe (S.18, I1, I2 et I3), dont le diamètre a varié entre 8,60 m (soit 58 m²) et 12 m (113 m²) ; l’originalité de ce dernier réside dans l’adjonction d’un porche, côté nord, matérialisé par deux murs d’axe divergent, destinés à soutenir un auvent ou à flanquer les marches d’un petit escalier disparu (Guillier dir., 2020, p. 127-131). Ces grands bâtiments de plan circulaire sont rarement attestés à l’échelle des Gaules : un édifice tout à fait similaire, d’un diamètre de 13 m et dépourvu de porche, est cependant connu à Entrains-sur-Nohain ; outre-Manche, la construction de Hayling Island, d’un diamètre identique, mais équipée d’un porche, succède à des bâtiments en bois de plan similaire, datés de la fin de l’âge du Fer (Brouquier-Reddé et Gruel, 2006, p. 138-140 ; Fauduet, 2010, p. 112-113).
60Les autres bâtiments de forme cylindrique, de taille plus réduite (3 à 10 m de diamètre, soit une emprise au sol oscillant entre 7 et 78 m²), sont peu documentés ; ils avoisinent généralement un temple de plan carré plus imposant, et peuvent alors constituer des chapelles dédiées à une divinité secondaire, tel qu’à Jublains (S.34, D ; Caraire, 2020, p. 24-25), Saint-Denis-du-Maine (S.39, B ; Séris dir., 2015, p. 141-143), Illiers-l’évêque (S.64, B ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 457-458), Lestiou (S.110, B ; Delétang, 2001), Mérouville (S.113, B ; Jalmain, 1999b) ou Allaire (S.271, B ; Blain et Santrot, 2000, p. 127). La fouille de ce dernier édicule, ancienne, a permis de recueillir les restes d’une vingtaine de figurines en terre cuite. Néanmoins, dans la plupart des cas, notamment pour ceux qui sont uniquement renseignés par des clichés aériens, l’hypothèse de puits ou de bassins peut aussi être évoquée. Trois de ces édifices circulaires, à La Chapelle-aux-Fougeretz (S.184, C ; Provost, 1991) et à Neuville-sur-Sarthe (S.18, L et M ; Guillier dir., 2020, p. 121), sont situés à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire, auprès d’autres constructions, et leur identification à un temple est donc également douteuse.
61Quant à la forme octogonale (A4), elle n’a été adoptée qu’à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 5, G et H ; Guillier dir., 2020, p. 107-111), pour deux petits bâtiments placés de part et d’autre de l’allée qui conduit de l’entrée du sanctuaire enclos bâti à la fin du ier s. ou au début du iie s. à son temple principal (fig. 32). D’une superficie comprise entre 21 et 22 m², ils se composent également de murs vraisemblablement maçonnés, dont ne subsistent que les fondations, et sont couverts par un toit en tuiles. Leur identification à des chapelles repose uniquement sur l’examen de leur contexte et donc sur leur proximité avec un édifice de culte, puisqu’aucun objet ou aménagement spécifique ne leur est associé ; encore une fois, l’hypothèse de bassins ne peut être totalement exclue. Cette forme est peu répandue en Gaule : à titre d’exemple, signalons, en Aquitaine, la construction établie dans l’une des enceintes du sanctuaire de Saint-Cybardeaux aux Bouchauds (Charente) – il s’agit d’un édifice de 40 m², construit à la fin du iie s. ou au début du iiie s. de n. è. (Doulan, 2008, vol. 1, p. 189).
- Succès et variations du temple à cella centrale et galerie périphérique (B)
62La majorité des temples avérés ou hypothétiques (59 %) se rattache à la famille des bâtiments de plan centré à cella et galerie périphérique, qu’ils soient de plain-pied ou surélevés de moins d’un mètre au moyen d’un petit podium (B). Ce type d’édifice, identifié il y a plus d’un siècle par L. de Vesly (1909) et dont les caractéristiques ont été rappelées par I. Fauduet (2010) ou encore par P. Gros (2011, p. 199-203), a souvent été qualifié, dans la littérature archéologique postérieure au début du xxe s., de temple « romano-celtique », de « tradition celtique », « gallo-romain », ou de « fanum ». Pour autant, l’expression la plus adaptée nous paraît être celle de « temple à cella centrale et galerie périphérique », puisque la part de l’héritage gaulois dans ce parti architectural né au début du Haut-Empire est discutée (cf. infra, 1.1.2.3), que ces temples sont aussi attestés dans les provinces voisines des Gaules romaines et que l’usage du terme latin « fanum », comme nous l’avons rappelé en introduction de cet ouvrage, est impropre. Leur plan caractéristique facilite leur identification, que ce soit au cours d’opérations archéologiques de terrain, ou pour plus d’un exemple sur deux, à partir d’images aériennes. D’une emprise au sol s’échelonnant entre une trentaine de mètres carrés et plus de 400 m² – en moyenne 171 m², pour les cas les mieux documentés –, ils se caractérisent par des dimensions petites ou moyennes, en regard des édifices à galerie périphérique juchés sur un haut podium et pourvus d’une entrée monumentale (C, infra). L’élévation de ces bâtiments, quelquefois conservée sur une hauteur de plusieurs décimètres, est fortement conditionnée par la forme générale de leur plan qui, pour les deux composantes principales, cella et galerie, est souvent carré ou rectangulaire (B1, B2, B3), et parfois circulaire (B4), heptagonal ou octogonal (B5), ou encore différent d’une pièce à l’autre (B6).
Temples à cella centrale et galerie de plan quadrangulaire (B1)
- 19 Les plans rectangulaires ont été rangés aux côtés de ceux de forme carrée, puisque le rapport entre (...)
63À l’échelle des cités étudiées (supra, fig. 27), mais ce constat peut être élargi à celle des Gaules et même des provinces nord-ouest de l’Empire romain (Derks, 1998, p. 177-183 ; Fauduet, 2010, p. 99), les temples de plan carré ou rectangulaire19, pourvus d’une unique cella et d’une galerie de largeur constante (B1), toutes deux concentriques, sont les plus fréquents – avec 268 occurrences, dont 263 édifices qui sont considérés comme avérés. Leur entrée peut être mise en valeur (B1b) ou non (B1a) par un dispositif particulier.
64Si l’on compare les dimensions de 102 temples fouillés et avérés (fig. 33), on observe qu’elles varient du simple au décuple, au moins. En effet, le plus petit édifice, à Chartres (S.100, C1 ; Joly dir., 2010, p. 129-131), mesure environ 6 m de côté (36 m²) et le plus imposant, à Bû (S.99, A2 : Fauduet, 1988), 21 m de long pour 19,50 m de large (410 m²), ou même près de 575 m², si l’on admet que le grand bâtiment des Perrières à Allonnes (S.10, A1 ; Lucas et al., 2019) est bien de plan symétrique et carré, chaque façade étant alors longue d’environ 24 m. La moyenne de leur surface est, dans les deux cas, proche de 160 m² (156 m² dans le premier, 161 m² dans le second), ce qui représente, pour une construction de plan carré, des côtés longs de plus de 12,60 m. Ce nombre est supérieur à celui qui a été calculé pour les édifices religieux de plan carré de la cité des Bituriges Cubes (128 m²), mais inférieur à celui enregistré dans la base de données créée par I. Fauduet à l’échelle des Gaules romaines (200 m² ; Girond, 2015, vol. 1, p. 132). Les temples de moins de 50 m² et de plus de 270 m² sont assez rares, tandis que l’essentiel des valeurs se concentre entre 101 et 200 m² – les bâtiments mesurent alors entre 10 et 14 m de côté.
Figure 33 : Répartition de 102 temples de type B1 en fonction de leur surface, par classe de 10 m².

Réal. S. Bossard.
65Au moins une douzaine de temples de plan quadrangulaire, identifiés au cours de fouilles relativement récentes, a été vraisemblablement construite en tout ou partie en matériaux périssables ; ces édifices figurent parmi les exemples les plus modestes de ce type, avec une surface également peu importante, comprise entre 35 et 196 m² – pour une moyenne de 97 m² (fig. 34). La plupart du temps, leur élévation prend alors appui sur des sablières basses, directement installées dans des tranchées peu profondes – à Chartres (S.101, C1 ; Joly dir., 2010, p. 129-131) –, ou reposant sur des solins de pierre sèche, destinés à les isoler de l’humidité du sol, peut-être à Andard (S.1, A ; Delestre, 1983) et à Chilleurs-aux-Bois (S.102, A ; Segain, 2015), Saint-Martin-de-Boscherville (S.87, A3 : les solins reposent en partie sur des murets maçonnés, où la déclivité du terrain est la plus importante ; Le Maho, 1995), Chartres (S.101, C2 et C3, où l’usage de solins n’est toutefois pas systématique), Bû et Richebourg (S.99, A1 et s.118, A2 : uniquement pour la galerie, les murs de la cella étant a priori maçonnés ; Fauduet, 1988 ; Barat, 1999, p. 145-148), Jouars-Pontchartrain (S.127, A1 et A2 : seule la cella est dotée de fondations de ce type, tandis qu’elles sont maçonnées pour la galerie ; Blin, 2000), Corseul (S.135, A ; Ferrette et al., 2005), Hecmanville (S.152 : Maret dir., 2003) et Guérande (S.166, A ; Pirault, 2010). Le sol de ces différents édifices, de plan plus souvent carré que rectangulaire, a généralement été aménagé de manière rudimentaire, sous forme de terre battue (Jouars-Pontchartrain), qui est mêlée de mortier et de cailloutis compactés à Richebourg, ou bien en étant revêtu de cailloutis (Vieux, s.281 ; Kerébel dir., 2000) ou de marne à Saint-Martin-de-Boscherville, tandis qu’il est bétonné à Bû. À Corseul et à Guérande, un radier de pierre a pu supporter un revêtement plus soigné qui, dans les deux cas, aurait disparu ; l’entrée du bâtiment peut aussi faire l’objet d’un traitement différent, puisqu’elle est empierrée à Corseul, Vieux et Richebourg.
Figure 34 : Plan des temples de type B1a construits en tout ou partie en matériaux périssables.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
66Des matériaux issus de leur élévation, subsistent parfois des fragments d’argile accidentellement cuite, présentant l’empreinte d’un clayonnage disparu, comme à Bû, Jouars-Pontchartrain et peut-être Guérande, bien que, pour ce dernier temple, les débris d’architecture en terre et bois ne soient pas attribués avec certitude à la phase durant laquelle le temple a été érigé. En outre, à Jouars-Pontchartrain, la paroi interne des murs de la cella est probablement couverte d’un simple enduit blanc, tandis que des peintures non décrites ornent manifestement les murs de l’état antérieur (A1), ainsi que ceux de l’édifice A1 de Bû. Quant à l’état A3 du bâtiment de culte de Saint-Martin-de-Boscherville, un revêtement peint imitant l’aspect du marbre a pu être restitué à l’intérieur de la galerie, côté ouest, témoignant d’un décor de qualité.
67Il est souvent impossible, à partir de la seule observation des fondations de ces architectures essentiellement construites en matériaux périssables, de définir si la galerie périphérique, relativement étroite, était délimitée par des piliers de bois et donc ajourée, ou bien fermée par des murs de bois et de terre, à l’instar de la cella. En effet, il est possible que les tranchées ou les solins qui circonscrivent la galerie aient servi de base à un mur bahut faisant office de stylobate, sur lequel auraient été dressés des supports en bois ; l’élargissement des solins aux angles des bâtiments de Jouars-Pontchartrain (A1) et de Corseul (A) pourrait marquer l’emplacement de piliers plus massifs, mais on ne sait s’ils encadrent des parois ou une rangée de poteaux de plus faible diamètre. L’unique temple dont la galerie était encadrée, avec certitude, par une rangée de piliers en bois est celui de Saint-Martin-des-Entrées (S.82, A) : six trous de poteau sont alignés au nord et au sud de sa cella, aux murs peut-être maçonnés, et cinq, plus régulièrement, à l’ouest et à l’est (Paez-Rezende et Adrian, 2014, p. 258-260).
68De même, aucune information n’a pu être collectée au sujet de la hauteur respective de la cella et de la galerie de ces bâtiments, bien que l’on puisse supposer, à l’instar de ce qui est généralement proposé pour les édifices de même plan qui sont maçonnés (cf. infra), que la pièce centrale était dotée d’une élévation plus importante que le déambulatoire périphérique. Leur couverture était fréquemment composée de tuiles, puisque de tels éléments ont été découverts, à l’état de fragments, à l’emplacement ou aux abords de cinq d’entre eux.
69Les temples maçonnés, dont les tranchées de fondation sont généralement mieux préservées – et donc plus aisément identifiables –, sont mieux documentés : 76 édifices de ce type ont été recensés (fig. 35). Une nouvelle fois, il est nécessaire d’insister sur le fait que le mode de construction n’a pu être défini dans nombre de cas, qu’il s’agisse de vestiges endommagés par une érosion destructrice, ou bien observés au cours de prospections aériennes ou géophysiques ; pour autant, il semble raisonnable d’affirmer qu’une grande part des bâtiments inventoriés a été édifiée en opus caementicium. D’une manière générale, leurs tranchées de fondation, quelquefois épierrées lors de leur démolition, sont profondes de plusieurs décimètres, parfois de plus d’un mètre, et sont comblées de moellons ou de blocs de pierre, liés ou non à la terre ou au mortier. Le sol, non conservé dans plus d’un cas sur deux, a parfois reçu un traitement différent dans la cella et dans la galerie périphérique : constitué d’argile dans la cella du temple A2 de Bilaire à Vannes (S.278 ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, p. 13-17), il se compose d’un cailloutis damé dans la galerie ; à Louviers (S.264 ; Vesly, 1909, p. 26-28), de la marne pilonnée tapisse le sol de la cella, tandis qu’un dallage, posé sur de l’argile battue, a été observé dans la galerie. Il peut d’ailleurs être surélevé de quelques centimètres, ou décimètres, dans la salle abritant la statue de culte, soulignant ainsi la hiérarchie établie entre les deux principales composantes du temple – la cella habitée par la divinité, la galerie fréquentée par les mortels (cf. infra, 1.1.2.2). Ce type de configuration, conduisant souvent à la disparition du revêtement de sol de la pièce centrale, arasé, a ainsi été observé, entre autres, à Bauné (S.4, A2 ; Mare dir., 1995, p. 15), Entrammes (S.31, A ; Naveau, 1982) ou Bennecourt (S.254, B3 ; Bourgeois dir., 1999, p. 50). Relativement sommaire dans neuf édifices, où il est modestement constitué de calcaire damé, de cailloutis, d’un épandage de petites pierres ou de galets, ou encore d’argile – à moins qu’il ne s’agisse de niveaux de préparation destinés à supporter un revêtement plus soigné, disparu ? –, le sol est bétonné pour onze autres cas et se compose d’un dallage à douze reprises – en terre cuite ou en calcaire, voire en marbre à Berthouville (S.150, A ; Babelon, 1916, p. 17), le pavement scellant alors généralement un lit d’argile ou de mortier qui a parfois imprimé le négatif de dalles disparues. Enfin, des mosaïques ont pu orner une partie ou l’ensemble des sols du temple A d’Amboise (S.237 ; Laruaz dir., 2008, vol. 1, p. 108), sans certitude toutefois, puisque les tesselles proviennent des niveaux de démolition voisins de l’édifice, dont les sols ne sont pas conservés in situ. Des petits cubes noirs, blancs et rouges ont aussi été découverts, également hors contexte, au sein du sanctuaire de La Londe (S.86, A ; Deglatigny, 1921, p. 54), et d’autres, non décrits, au lieu de culte de Meilleray (S.234 ; Geslin, 1997, p. 122), tous deux dotés de temples de type B1.
Figure 35 : Plan des temples de type B1a a priori maçonnés.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
70L’élévation de ces temples maçonnés est souvent conservée, au mieux, sur quelques décimètres. Leur hauteur atteint au maximum autour de 0,90 m à Beaumont-le-Roger (S.44, A ; Deglatigny, 1927, p. 30) et Bû (S.99, A2 ; Fauduet, 1988, p. 4), et près de 2 m à Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74 ; Poulain, 1915, p. 51) – trois grands temples dont le niveau de sol est surélevé au moyen d’un podium de dimensions moyennes. Comme pour les édicules évoqués supra, l’observation des assises intactes ou des débris accumulés dans les niveaux de démolition formés dans leurs environs proches offre des renseignements utiles à la restitution de leur architecture et de leur décor. Néanmoins, les édifices les mieux conservés – souvent localisés, aujourd’hui, en contexte forestier – sont aussi ceux qui ont été étudiés les premiers, dès le xixe s. ou au début du xxe s., et pour lesquels on ne dispose pas de description détaillée ni, généralement, de clichés ou de relevés de qualité. En ce qui concerne l’allure générale de l’édifice, on admet généralement, depuis les propositions de H. Lehner et de l’architecte R. Schultze (Lehner, 1919), fondées sur l’examen des ruines du temple dit « de Janus » à Autun (Saône-et-Loire) et des vestiges de celui de Pesch, à Netterheim, en Allemagne, que la cella devait habituellement dominer de plusieurs mètres la galerie périphérique. Elle formerait alors une tour plus ou moins haute, éclairée par des baies qui s’ouvrent à l’aplomb du toit en appentis de la galerie (Fauduet, 2010, p. 128-132 ; Aupert, 2010, p. 246-250 ; Gros, 2011, p. 199-203). Des débris de verre à vitre ont d’ailleurs été collectés auprès de cinq ou six temples de plan quadrangulaire.
- 20 Cette dernière hypothèse a certes été avancée pour plusieurs édifices, mais elle ne peut en aucun c (...)
71La question du mode de fermeture de la galerie fait aussi débat, puisqu’on ne peut souvent déterminer si elle est à claire-voie, formant un véritable portique, agrémenté de colonnes ou de piliers et qui enveloppe la cella centrale, ou bien si elle est fermée par des murs percés de baies. On ne peut être certain que la seconde solution a été adoptée pour une partie des temples de cette catégorie. En effet, l’élévation n’est jamais conservée sur une hauteur suffisante pour pouvoir distinguer un mur-bahut, servant de support à une colonnade, d’un haut mur fermant intégralement la galerie20. En revanche, il est assuré que plusieurs temples ont été ceints d’une colonnade en bois ou en pierre. L. de Vesly a ainsi rapporté avoir mis au jour une base tronconique en pierre, en position initiale sur le mur-bahut du temple de Louviers (S.264, A) ; sa face supérieure présente une cavité circulaire, d’un diamètre de 0,42 m, qu’il interprète comme le logement d’une colonne de bois disparue (Vesly, 1909, p. 36-37). Les opérations archéologiques programmées récemment conduites au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, ph. 2, B et C) ont également documenté avec précision l’architecture de plusieurs temples bâtis au cours de la seconde moitié du ier s. de n. è. ; parmi eux, deux édifices géminés sont circonscrits par un déambulatoire séparé de la cour sacrée par une colonnade d’ordre probablement toscan, dont plusieurs fragments ont été mis au jour, tandis que les dés en calcaire qui les supportent, reliés par de petites balustrades, ont été découverts in situ (Bertaudière et al., 2012, p. 110-111). Cependant, dans la grande majorité des cas, le mur-bahut n’est pas conservé sur une hauteur suffisante pour que les bases des supports de la galerie soient préservées en place ; des fragments isolés de colonnes (base, fût ou chapiteau) ont tout de même été reconnus, enfouis dans des niveaux de démolition, pour 11 temples de type B1, tandis que des débris issus d’entablements sont aussi signalés sur 8 sites.
72Quant aux murs, en particulier ceux de la cella, ils ont parfois été couverts d’un simple enduit blanc de propreté (à 2 reprises), mais, le plus souvent, un décor peint polychrome lui a été préféré (41 occurrences). Réduites à l’état de fragments, les peintures forment souvent des panneaux blancs, rouges ou noirs, à l’exemple du temple A2 d’Hérouvillette (S.145), où ces compositions alternent avec des bandes jaunes et vertes et sont agrémentées de motifs floraux et peut-être d’une petite représentation humaine, dont seul le bras aurait été identifié (Veron dir., 2018, vol. 2, p. 482-489). À Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74), la pièce centrale du temple A a fait l’objet d’un soin particulier : tandis que les murs intérieurs et extérieurs de la galerie sont simplement couverts d’un enduit blanc, sur lequel sont tracées des lignes simulant une construction en petit appareil, ceux de la cella présentent des enduits peints multicolores, où domine le rouge (Poulain, 1915, p. 50-52). Les placages de roches appliqués à la base des murs ou peut-être, dans certains cas, en partie haute, sont en revanche plus rares (11 mentions, essentiellement de calcaire et, à 3 reprises, de marbre) ; ils ont été systématiquement retrouvés en position secondaire, sous la forme de débris. Enfin, une toiture en tuiles a pu être restituée, à partir de restes effondrés ou éparpillés aux abords des temples, pour 84 % des temples de ce type (64 cas) ; ce mode de couverture semble donc avoir été largement adopté.
73Le système d’accès du temple de plan quadrangulaire est relativement bien connu pour plus d’un exemple sur cinq, puisqu’un porche, un perron ou un simple petit escalier a pu être identifié, au cours d’une fouille ou à partir de photographies aériennes, pour 55 bâtiments (B1b) (fig. 36). Parmi les exemples normands explorés dans le courant du xixe s. ou au début du xxe s., dont l’état de conservation est remarquable, un perron a été reconnu à l’entrée de deux temples explorés à La Londe (S.86, A et s.263, A) : il est composé de trois marches en pierre qui permettent de rejoindre un palier abrité par un porche, soutenu par deux colonnes (Vesly, 1920 ; Deglatigny, 1921 ; 1925, p. 31-33). Le perron ou le vestibule construit à Beaumont-le-Roger (S.44, A) est exceptionnellement grand : ce temple est édifié sur un soubassement haut d’environ 0,90 m, accessible depuis un escalier aménagé au nord-est du vestibule. Deux supports maçonnés – non relevés en plan –, disposés de part et d’autre du passage central à l’entrée du temple, ont peut-être formé l’assise de deux colonnes ou bien de deux statues encadrant l’accès de ce dernier (Deglatigny, 1927, p. 28-33). Une entrée particulièrement imposante et de plan original a aussi été reconnue pour le temple A de Bû (S.99), puisqu’un grand porche, large de 10 m et encadré par deux murs longs de 8,60 m, s’adosse contre sa façade orientale. L’épaisseur de ces derniers, symétriques, varie d’un point à l’autre de leur tracé, témoignant sans doute d’une élévation complexe. Celle-ci pourrait être liée à la présence, d’est en ouest, d’une porte, ou d’une première volée de marches, d’une paire de colonnes supportant un auvent puis d’un palier ou d’un escalier, indispensable pour rejoindre le sol surélevé de la galerie, mais qui n’a laissé aucune trace tangible (Fauduet, 1988, p. 2-4). Une volée de marches, bien plus modeste, a aussi été identifiée à l’est de l’édifice de culte d’Oissel (S.266, A ; Vesly, 1909, p. 98, fig. 25), tandis qu’au temple A de Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74 ; Poulain, 1915), un escalier de six marches, flanqué de deux murs d’échiffre, donne accès à un podium haut de 1,80 m (fig. 37).
Figure 36 : Plan des temples de type B1b, pourvus d’un porche ou d’un escalier.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 37 : Temple principal du sanctuaire des Motelles à Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), en cours d’exploration au début des années 1910. In Poulain, 1912, p. LVI.

74Il est d’ailleurs probable qu’une grande part de la quinzaine de temples contre lesquels s’appuient deux courts murs parallèles, séparés de 3 à 5 m et invariablement disposés en façade orientale (cf. infra, 1.1.2.2), ait été munie d’un escalier d’accès et donc d’un petit podium, plutôt que d’un porche. De fait, ce type d’aménagement s’observe régulièrement sur des édifices dont les angles sont consolidés par des contreforts, suggérant une hauteur importante, ou du moins l’existence d’un sol surélevé, comme à Neuville-sur-Sarthe (S.18, A ; Guillier dir., 2020, p. 100-104), Évreux (S.56, A ; Doyen dir., 2002, p. 10-15), Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74, A ; Poulain, 1915, p. 50-53) ou Hérouvillette (S.145, A2 ; Veron dir., 2018, vol. 1, p. 224-235). Il semble aussi que l’on a opté pour l’installation d’un escalier – ou d’un vestibule ? – plus important, car de même largeur que la galerie, à Saint-Hilaire (S.222, A ; Besse, 2005, p. 86-87) et à Pithiviers-le-Vieil (S.115, A ; Salé dir., 2011, p. 153-161), deux sites toutefois peu documentés, mais qui s’apparentent à d’autres exemples connus sur les sites des Varennes à Saint-Georges-les-Baillargeaux (Vienne) et de Castel-Sarrazin à Rom (Deux-Sèvres ; Doulan, 2008, vol. 1, p. 160-161). Alors que les temples de type B1a sont de plain-pied, ou que leur sol est tout au plus surélevé d’une vingtaine de centimètres par rapport à celui de la cour sacrée, les bâtiments de culte de type B1b se distinguent donc parfois par la présence d’un podium, dont la hauteur reste toutefois largement inférieure à celle des édifices les plus monumentaux (types C1 et C2, infra). Celle-ci est effectivement comprise – lorsqu’elle a pu être mesurée – entre 0,60 et 0,90 m à Beaumont-le-Roger, La Londe, Bû et Oissel, alors que le temple A de Saint-Aubin-sur-Gaillon fait figure d’exception, avec un podium haut de 1,80 m – valeur toutefois à tempérer en raison de la déclivité du terrain, puisque le temple B voisin, dont le sol est situé à la même hauteur, n’est quant à lui surélevé que de quelques décimètres. L’identification d’un podium n’est pas toujours évidente quand les niveaux de sol ont été détruits et a fortiori lorsque les vestiges de l’escalier d’accès ne sont pas conservés ou n’ont pas été étudiés. Il est ainsi probable que le temple de Rouen (S.268) était pourvu d’un aménagement de ce type, qui n’a pas été mis en évidence au cours des sondages qui y ont été réalisés (Lequoy et Guillot, 2004, p. 79-80). En effet, dans la galerie nord, ont été observés, en 1844 et en 1991, deux arcs en plein cintre, hauts de 2,20 m et appuyés contre les murs de la galerie à proximité de ses angles ; ils semblent avoir soutenu le sol surélevé de l’édifice, construit sur un vide de construction profond de plus de 2 m et comblé de marne compactée. La partie orientale de l’édifice n’ayant pas été étudiée, on ne sait quelle forme prenait l’escalier qui permettait sans doute d’accéder à la galerie.
75D’autres aménagements installés à l’entrée de certains temples ont vraisemblablement constitué des porches de plain-pied, ou peut-être associés à quelques marches, bien que l’état de conservation des vestiges ou leur seule reconnaissance en plan ne permette jamais de restituer leur architecture avec certitude. Il s’agit de petites pièces rectangulaires ou carrées, intégralement circonscrites par des fondations en pierre, accolées ou intégrées au milieu de la façade principale du temple, ou dédoublées et situées dans ses angles, tel qu’à Toury (S.126, A ; Ferdière et al., 2015), Tournai-sur-Dive (S.149, A ; Coulthard et Paez-Rezende dir., 2012, p. 456-457) et Pannes (S.220, A ; Renard et David dir., 1997, p. 35-43). Ce qui s’apparente à un vestibule hypertrophié, long d’environ 14 m et large de 7 m, a aussi été observé, en prospection aérienne, à Faverolles-sur-Cher (S.241, A ; Delétang, 1998). Une grande pièce, construite en avant de la galerie du temple de Pannes (S.220, A), et peut-être aussi à Jublains (S.32, B ; Caraire, 2020, p. 18-21) et Pithiviers-le-Vieil (S.115, A ; Jalmain, 1989), pourrait constituer un véritable vestibule, distinct d’un pronaos puisqu’il n’est pas en contact direct avec la cella, mais l’arasement des vestiges ou l’absence de fouille, pour ces trois sites, limitent les observations à ce simple constat. Le temple de Nécy (S.148, A) est plus modestement précédé par un espace délimité par des poteaux de bois, qui supportent vraisemblablement un grand auvent (Besnard-Vauterin et al., 2013, p. 24-27).
76Parmi les équipements particuliers observés au sein de ces temples de plan carré, signalons aussi le caractère original d’un petit édifice, dont seules les fondations sont conservées, fouillé à Saint-Denis-du-Maine (S.39, A) : une abside, dont la largeur est similaire à celle de la cella, est adossée à l’ouest du bâtiment, contre sa galerie et vraisemblablement à l’opposé de son entrée principale (Séris dir., 2015, p. 137-141). Elle est probablement destinée à abriter un aménagement – statue ou autre ? – qui n’est malheureusement pas conservé.
77Il est remarquable que les temples de type B1 dotés d’un escalier ou d’un porche, marquant de manière visible leur accès, soient souvent bien plus grands (220 m², en moyenne, sans tenir compte de l’emprise de l’entrée) que ceux qui en sont dépourvus (139 m²). Il existe toutefois quelques exceptions, puisque deux petits édifices cénomans, à Neuville-sur-Sarthe (S.18, J4 : 55 m² ; Guillier dir., 2020, p. 123-127) et à Oisseau-le-Petit (S.20, A : 81 m² ; Monteil et al., 2015), sont aussi équipés d’un ouvrage de ce genre. La mise en valeur de la porte principale d’un temple, mais aussi, dans certains cas, le rehaussement de quelques décimètres de son niveau de sol contribuent donc à renforcer sa monumentalité et paraissent destinés, la plupart du temps, à le démarquer des constructions les plus modestes.
78Nous l’avons déjà évoqué, les temples de plan carré ou rectangulaire et qui sont composés d’une cella et d’une galerie périphérique sont très courants en Gaule et se développent à partir du début de l’époque romaine. À l’échelle considérée, peu de contextes précis aident cependant à déterminer la date d’apparition des exemples de ce type, d’abord construits en tout ou partie en matériaux périssables : le mobilier associé renvoie au courant du ier s. de n. è., sans plus de précision, à Saint-Martin-de-Boscherville (S.87, A3 ; Le Maho, 1995), Bû (S.99, A1 ; Fauduet, 1988) et Guérande (S.166, A ; Pirault, 2010), tandis que le bâtiment A du site du musée archéologique de Vieux (S.281 ; Kerébel dir., 2000) n’est a priori pas antérieur au début du iie s. de n. è. En revanche, un terminus postquem plus fiable est renseigné pour une quinzaine d’édifices de culte dont les murs sont maçonnés ou construits dans un matériau indéterminé : les plus anciennes attestations de ce type, à Authevernes (S.253, A ; Michel et al., 2014), aux Busses, sur la commune d’Oisseau-le-Petit (S.20, A ; Monteil et al., 2015, p. 104) – où un as de Claude est piégé dans le sol bétonné de la cella – et à Plestin-les-Grèves (S.173, A ; Arramond et al., 2014) ne sont pas antérieurs aux années 40 de n. è. Une datation similaire, autour du milieu du ier s. de n. è., a été proposée à Quimper (S.176, A ; Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 342), tandis que les temples d’Épiais-Rhus (S.257, A ; Simon, Lemoine, 1972), du Villier à Chênehutte-les-Tuffeaux (S.6, A ; Boisbouvier et Bouvet, 1984), de Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192, A ; Provost et Le Bouteiller, 1986) et du sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, B et C ; Bertaudière et al., 2012, p. 110-111) ont été bâtis, au plus tôt, durant le dernier quart du ier s. de n. è. La construction B de Quimper (S.176 ; Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 336-353), ainsi que le temple B3 de Bennecourt (S.254 ; Bourgeois dir., 1999, p. 53), qui résulte de l’agrandissement d’une cella jusqu’alors dépourvue de galerie périphérique, et l’édifice B1 de l’Aumône/la Justice à Châteaubleau (S.204 ; Parthuisot et al., 2008), sont peut-être plus tardifs, puisqu’ils ont été érigés à partir de la première moitié du iie s. Enfin, seul le temple A2 de ce dernier site a pu avoir été construit durant l’Antiquité tardive, puisqu’un nummus à l’effigie de Constantin Ier, frappé en 318 ou 319, est pris dans la maçonnerie d’un de ses murs ; il s’agit néanmoins d’un cas isolé et l’éventualité d’une réfection du bâtiment dans le courant du ive s., et non d’une édification à proprement parler, pourrait aussi être envisagée (Parthuisot et al., 2008, p. 61). Pour les cités étudiées, à l’aune de ces éléments, il ne semble donc guère prudent d’affirmer que les premières galeries périphériques ont été aménagées avant le changement d’ère, et même avant le second tiers du ier s. de n. è. Le jalon fixé à l’époque augustéenne, par I. Fauduet, pour la création de ce type d’architecture et à l’échelle des Gaules paraît précoce en regard des données concernant le territoire considéré (Fauduet, 2010, p. 150). Cependant, l’attribution chronologique de nombreux exemples reste floue et une datation quelque peu antérieure aux années 40 ne peut être totalement exclue. Pour autant, le plein essor des temples quadrangulaires à galerie paraît bien intervenir plus tard, durant la seconde moitié du ier s. et la première moitié du iie s. de n. è.
Temples à trois cellae quadrangulaires et galerie périphérique (B2)
79Trois ou quatre temples, localisés dans la partie septentrionale de la province (supra, fig. 27), présentent la particularité d’être pourvus de trois cellae non contiguës, alignées sur un même axe et desservies par un même déambulatoire, qui permet de circuler autour de chacune d’entre elles (fig. 38). Les bâtiments de Fontaine-les-Bassets (S.143, A-B-C ; Quévillon, 2011 et 2012) et du site du Champ des Crêtes à Vieux (S.280, A-B-C ; Sala et Tamba, 2016) sont avant tout connus grâce à des prospections géophysiques récentes, bien que le premier ait aussi fait l’objet d’un sondage. Celui du Devant de la Garenne à Guichainville (S.61 ; Flotté et al., 1996), dont les maçonneries sont arasées jusqu’aux fondations, a été étudié au cours d’une fouille préventive. Enfin, les vestiges de l’édifice de Châteaubleau (S.204, C2-F-G ; Parthuisot et al., 2008) ont été partiellement dégagés dans le cadre d’opérations archéologiques programmées.
Figure 38 : Plan des temples de type B2, dotés d’une triple cella.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
80Alors que les monuments de Guichainville, de Fontaine-les-Bassets et peut-être de Vieux semblent relever d’un unique programme architectural – mais la reconnaissance d’anomalies, dans les galeries, laisse penser que ce dernier a connu plusieurs états – celui de Châteaubleau paraît résulter de l’agglomération de deux ensembles distincts : le temple H, de plan carré, qui aurait été édifié en premier, puis les cellae C2 et F, accolées au nord dans un second temps ; le mur fermant la galerie septentrionale de l’édifice H aurait alors été abattu afin de faire communiquer les déambulatoires des deux ensembles. Les triples cellae de Guichainville et de Châteaubleau sont d’ailleurs reliées par des galeries à d’autres temples et appartiennent donc à un complexe plus vaste. Le plan et les dimensions des temples de Guichainville et de Fontaine-les-Bassets sont très proches, puisqu’ils couvrent respectivement 246 et 250 m² ; à Vieux, l’édifice est plus grand (380 m²) et est aussi doté d’une galerie plus large ; à Châteaubleau, le module du temple H, sans doute préexistant à l’ensemble, a manifestement servi de base lors de l’élaboration du bâtiment, dont la taille globale est encore plus importante que pour les précédents exemples (530 m²). L’entrée principale du temple à trois cellae de Guichainville se situe au droit et à l’est de la cella centrale, où les fondations du mur de la galerie s’élargissent ponctuellement pour supporter deux piliers ou piédroits flanquant la porte, tandis qu’à Fontaine-les-Bassets, chaque cella était probablement munie de sa propre issue.
- 21 Du moins pour trois cellae, puisque deux salles abritant une image divine sont réunies au sein d’un (...)
81Peu d’informations ont pu être collectées au sujet de l’élévation des quatre édifices présentés : un lambeau de sol bétonné a été reconnu au sein de celui de Fontaine-les-Bassets ; les murs des quatre temples étaient vraisemblablement maçonnés et des tuiles couvraient, a minima, ceux de Châteaubleau, de Fontaine-les-Bassets et de Guichainville. Les abords de ce dernier ont aussi livré cinq fragments de colonnes et des restes d’enduits peints. Ces quelques édifices témoignent donc de l’association de trois divinités inconnues, réunies au sein d’un même édifice de culte, mais chacune dotée de son propre espace, identique – du moins en plan – pour chacune d’entre elles. Cette configuration, a priori non attestée en dehors de la Lyonnaise21, les distingue donc des temples géminés, constitués de deux édifices accolés l’un à l’autre ou reliés par des galeries, tel qu’au Vieil-Évreux (S.79, ph. 2, B et C), à Sablé-sur-Sarthe (S.24, B-C), à Meaux (S.158, ph. 3, A-B) ou à Meilleray (S.234, A-B-C), ou des trois temples de la phase monumentale du lieu de culte central du Vieil-Évreux (ph. 3, F-G-H). En revanche, elle peut être rapprochée de la solution adoptée à Genainville (S.260, A2), où deux cellae contiguës sont enveloppées par un même déambulatoire (cf. infra, C3). Tandis que le temple à cellae multiples de Guichainville est construit au plus tôt durant la seconde moitié du ier s. de n. è., celui de Châteaubleau a été bâti à partir du milieu du siècle suivant.
Temples à cella quadrangulaire et galerie élargie en façade antérieure (B3)
82Le type B3 réunit huit ou neuf temples de plan rectangulaire, parfois proche du carré, dont la cella, de forme également quadrangulaire, n’est pas centrée au sein de la galerie périphérique, puisque cette dernière est élargie en façade antérieure, à l’entrée de l’édifice (cf. supra, fig. 27 et fig. 39). Cet aménagement est alors destiné à créer un vestibule en avant de la cella, directement relié au déambulatoire et localisé en façade orientale ou sud-est – à l’exception du site de Cauverville-en-Roumois (S.83, A), où il est manifestement installé du côté ouest (Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 211). Le rapport de proportion entre le vestibule et la galerie périphérique, qui a pu être calculé pour 7 édifices, varie entre 1,4 et 2.
83Quatre de ces bâtiments ont été identifiés au cours de prospections aériennes ou géophysiques, tandis que les autres ont été fouillés ou du moins sondés. Leur surface varie entre 100 m² et 284 m², pour une moyenne de 205 m². Ils sont probablement de plain-pied dans la plupart des cas, mais il est probable qu’un podium d’une hauteur inconnue ait existé à Jublains (S.33, A), puisqu’une anomalie que l’on peut interpréter comme un escalier, large d’environ 3,50 m, est accolée au milieu de la façade orientale du temple (Caraire, 2020, p. 29-30 et p. 43). Cet aménagement reste toutefois sans commune mesure avec les larges escaliers de façade caractéristiques du type C1 (cf. infra). Quant à l’édifice de l’Asile des Pêcheurs à Taden (S.139, A), avant tout documenté par des clichés aériens, on ne sait s’il est pourvu d’un tel dispositif et donc s’il se rattache au type B3 ou plutôt C1 (Langouët, 1977 ; Maligorne, 2006, p. 62) ; notons enfin que le temple de Mauves-sur-Loire, d’abord de type B3 (S.167, A1), est ensuite dressé sur un podium en rehaussant le niveau de son sol et en y adjoignant un large escalier, et peut alors être rangé, dans un second temps, parmi les édifices de type C1 (S.167, A2 ; Monteil et al., 2009, p. 163-169).
84Un sol bétonné a été identifié à Caillouet-Orgeville (S.50, A ; Chédeville et Chédeville, 1908) et dans la cella du premier état de celui de Mauves-sur-Loire (S.167, A1), tandis qu’un niveau d’argile forme ici le revêtement de la galerie. Ces temples sont dotés de murs maçonnés pour au moins quatre d’entre eux, alors qu’une élévation en matériaux périssables a été restituée à Hanches (S.109, A ; Dugast, 2009, p. 27-33). Comme l’a noté Y. Maligorne (2006, p. 62) pour des édifices certes plus monumentaux (infra, type C1), l’élargissement de la galerie en partie antérieure du bâtiment rend peu probable la restitution d’un temple dont la cella turriforme émergerait du toit de la galerie ; l’adoption d’un toit en bâtière, couvrant de manière uniforme les deux espaces, paraît alors être une solution plus adaptée, bien que l’arasement des vestiges ne permette pas de le prouver. Néanmoins, à Juvigné (S.36, B), si les tranchées de fondation de la galerie sont de même largeur que celles de la cella, elles sont en revanche remplies de gros blocs de pierre, laissant penser que les murs correspondants supportent une charge plus importante que ceux de la cella, dont les fondations sont plus modestement constituées de moellons de petit module (Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 73-77). L’élévation du premier état du temple de Mauves-sur-Loire intègre déjà un ordre en partie en pierre, dont proviennent des fragments de tuffeau réutilisés pour sa reconstruction ultérieure (Monteil et al., 2009, p. 167 et p. 170). Aucun élément de décor architectonique n’a en revanche été recueilli sur les autres sites et il demeure possible qu’une partie de ces édifices de culte ait été intégralement ou en partie circonscrite par des murs fermés. Un enduit blanc recouvre la base des murs du temple de Caillouet-Orgeville, tandis que des traces de peintures polychromes ont été mises en évidence à Juvigné (fragments vert pâle ou blancs, ornés de motifs rouges) et Hanches (fond blanc, agrémenté de motifs peints en couleur rouge ou ocre). Une toiture de tuiles a couvert au moins trois de ces temples.
85Les sites équipés de ce type de temple sont datés avec approximation, à l’exception de celui de Mauves-sur-Loire, où l’édifice est construit vers le dernier tiers du ier s. de n. è. Cette catégorie de temple semble peu courante en dehors du territoire considéré : en Aquitaine, les deux exemples répertoriés par C. Doulan, à Vendeuvre-du-Poitou et à Sanxay (Vienne) sont peu documentés et le premier d’entre eux semble avoir été juché sur un podium ; il se rapproche donc davantage des édifices de type C1 (Fauduet, 1993, p. 42, no 063 ; Doulan, 2008, vol. 1, p. 157-158). Un édifice similaire, identifié en prospection aérienne, a aussi été recensé par I. Fauduet à Vron (Somme), et un autre a été récemment fouillé à La Bâtie-Montsaléon (Hautes-Alpes ; Martin et Fournier, 2010).
Temples à cella centrale et galerie périphérique de plan circulaire (B4)
86Dix édifices de plan centré circulaire, équipés d’une galerie périphérique, mais a priori dépourvus de pronaos et d’entrée monumentale – tel le temple de Tours (type C2, infra) –, sont connus dans les cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise (supra, fig. 27 et fig. 40). Leur diamètre fluctue entre 8 et 29 m et leur emprise au sol s’échelonne entre 50 et 660 m².
87Cependant, la qualité de la documentation, variable d’un cas à l’autre, ne permet pas toujours d’affirmer avec certitude qu’il s’agit de temples. Si ceux de Sablé-sur-Sarthe (S.24, A ; Monteil, 2015), de Jublains (S.34, C ; Caraire, 2020, p. 24-25), de Beaumont-le-Roger (S.45, A ; Stabenrath, 1830, p. 251-254), du Vieil-Évreux (S.79, A ; Bertaudière et al., 2012) et d’Athée (S.165, A ; Bodard de la Jacopière, 1863 et Bossard, 2015) ont été mis au jour au sein d’un sanctuaire avéré, les autres sont souvent isolés, à l’exception de celui de Souzy-la-Briche (S.123, A ; Petit, 2002 ; Piozzoli, 2015), intégré à une villa (cf. infra, 3.2.2.1). Localisé au-devant de la pars urbana, ce dernier, d’un diamètre de 22 m, est pourvu d’un sol bétonné, peut-être recouvert d’une mosaïque ou d’un dallage en opus sectile, tandis que ses murs sont maçonnés ; des débris d’enduits peints vert clair, ainsi que de nombreuses plaques rectangulaires ou triangulaires en marbre, en calcaire ou en schiste, proviennent vraisemblablement de son élévation. Ce bâtiment présente la particularité d’être circonscrit par une tranchée annulaire aux parois maçonnées, large de plus de 2 m et profonde de 1,30 m, qui a été identifiée à un bassin. Cet aménagement, habituellement absent des abords immédiats des temples, qu’il soit de plan circulaire ou non, rend douteuse l’identification de cet édifice à un bâtiment de culte. En raison de sa position et de ses caractéristiques, il pourrait aussi s’agir d’un élément monumental du décor de la villa, avoisinant l’entrée de son secteur résidentiel. La question se pose aussi pour une très grande construction identifiée à la fin du xixe s. près de Crozon (S.169, A), qui mesurerait 29 m de diamètre (Halna du Fretay, 1894, p. 165). Intégralement bâtie en brique et couverte de tuiles, elle présenterait une ouverture vers l’est, où les murs s’interrompent ; l’interprétation religieuse nous semble ici incertaine, en raison du très grand diamètre et du mode de construction de l’édifice, qui n’a a priori pas livré de mobilier.
88L’élévation de ces édifices à cella et galerie concentriques devait s’apparenter à celle des temples de plan carré : la pièce centrale constitue vraisemblablement une tour qui domine la galerie et sa toiture, bien qu’ici aucun renseignement précis n’a pu être collecté au sujet de la hauteur de leurs murs (Aupert, 2010, p. 246-252). La restitution d’un podium, plus ou moins haut, est toutefois envisageable dans plusieurs cas, en particulier à Beaumont-le-Roger (S.45, A : 135 m² ; Stabenrath, 1830, p. 251-254) et à Athée (S.165, A : 415 m²), où le départ d’une voûte dans la galerie périphérique, à 1,10 m du sol naturel, était encore visible au début du xxe s. et permet de restituer un soubassement voûté relativement haut (fig. 41) ; des tesselles colorées et des fragments d’enduits peints rouges, roses, blancs et ornés de lignes bleu-vert témoignent du soin apporté à l’ornementation de cet édifice (Bodard de la Jacopière, 1863 ; Angot, 1900-1910, vol. 4, p. 757 ; Bossard, 2015b). Le mode de couvrement de la cella n’est documenté en aucun cas et l’hypothèse d’une coupole n’est donc pas étayée. Il est tout à fait possible qu’une charpente, peut-être associée à un plafond suspendu et couverte d’un toit de tuiles, ait surmonté l’élévation de ces pièces circulaires, dont le diamètre intérieur n’excède jamais 11 m.
Figure 41 : Vue des vestiges du temple circulaire des Provenchères à Athée (Mayenne) au début du xxe s. In Angot, 1900-1910, non numérotée.

89Les temples de ce type s’inscrivent dans une série plus ample d’édifices circulaires dont la cella et la galerie sont concentriques, bien que ce parti architectural soit bien moins répandu que celui des bâtiments de plan quadrangulaire. Ils sont bien attestés, pour les provinces des Gaules et des Germanies, en Lyonnaise et en Aquitaine, tandis qu’existent aussi quelques exemples isolés plus orientaux, dans les Alpes, en Belgique et en Germanie supérieure (Bost, 2004 ; Brouquier-Reddé et Gruel, 2006, p. 142-145, Fauduet, 2010, p. 104). P. Aupert (2010, p. 287-294), dans le cadre d’une synthèse sur le monument du Fâ à Barzan (Charente-Maritime), a ainsi recensé, hors du territoire considéré, quinze autres édifices similaires, dont le diamètre n’excède pas 35 m, qui ont été construites entre le milieu du ier s. et la première moitié du iie s. de n. è.
Temples à cella centrale et galerie périphérique de plan heptagonal ou octogonal (B5)
90Plus rares encore sont les bâtiments dont le plan est formé de deux polygones concentriques et réguliers de plus de quatre côtés (cf. supra, fig. 27 et fig. 42) : un édifice de plan heptagonal est attesté à Comblessac (S.132, B ; Maître, 1901 et Blanchet dir., 2000) et cinq autres sont de plan octogonal – Condé-sur-Iton (S.45, A ; Le Maho et al. dir., 2007), Guérande (S.166, B ; Pirault, 2010), Boiscommun (S.201, A ; Morin et al., 2017), Plaudren (S.274, A ; Cussé, 1892) et Pluherlin (S.275, A : Fouquet, 1866 ; Héligon, 1908). Le temple de Condé-sur-Iton présente la particularité d’être pourvu d’une cella dont le plan est octogonal à l’extérieur, côté galerie, mais circulaire à l’intérieur, à l’instar d’autres exemples connus en Aquitaine ou dans le sud-est de la Lyonnaise, à Champallement (Nièvre ; Fauduet, 2010, p. 107). Seule la construction de Boiscommun n’a pas été fouillée, mais son plan, observé au cours de survols aériens et de prospections géophysiques, a pu être dressé avec une précision relativement bonne. La grande majorité de ces temples couvre une surface comprise entre 110 et 205 m², en s’inscrivant dans un cercle de 12,50 à 16,80 m de diamètre. Celui de Boiscommun se distingue des autres par des dimensions bien plus importantes, puisque son emprise atteint 400 m² – la distance entre deux angles opposés est ici de 23,60 m. Sans doute implanté dans l’une des cours d’une opulente villa, il pourrait néanmoins, à l’instar de ce qui a été proposé pour l’hypothétique temple circulaire de Souzy-la-Briche, correspondre à une construction dont la fonction était avant ornementale, plutôt qu’à un édifice de culte, son ampleur étant tout à fait singulière pour un contexte privé (cf. infra, 3.2.2.1). Si l’on exclut ce dernier cas, la moyenne des surfaces mesurées est égale à 204 m² et à 165 m².
91Une nouvelle fois, la restitution de l’architecture et de son décor est tributaire de l’état de conservation du site, du degré de récupération de ses matériaux et de la qualité de son étude archéologique, réalisée il y a plus d’un siècle pour la moitié des sites – Comblessac, Plaudren et Pluherlin. L’élévation de ces édifices, conservée au mieux sur environ 1 m, devait être très proche de celle des temples circulaires, avec une cella de plus grande hauteur que la galerie. Le rehaussement du sol au moyen d’un podium plus ou moins haut est avéré à Pluherlin, où deux marches en granite ont été découvertes à l’est de l’édifice ; deux massifs maçonnés, débordant de part et d’autre du mur délimitant la galerie à l’est, marquent d’ailleurs l’emplacement de son entrée. Tandis que la différence de niveau entre le sol de la cour sacrée et celui de la galerie devait être ici peu importante, le podium du temple de Plaudren, dégagé en 1892, serait haut, selon H. de Cussé, d’environ 1 m, hauteur minimale que l’on peut aussi retenir pour l’édifice de Comblessac, où L. Maître n’a observé aucune interruption à la base des murs, mais les restes d’un mortier de tuileau qui pourrait le comblement ou le revêtement du podium. Le sol n’est manifestement pas conservé à Condé-sur-Iton ni à Guérande, où un empierrement grossier, constituant sans doute le remblai d’installation du sol d’un temple antérieur, a probablement été préservé en guise de soubassement d’un porche ou d’un escalier d’accès, ou plus simplement comme un aménagement stabilisant les abords de son entrée. Enfin, à Pluherlin, un sol bétonné rose et blanchâtre a été décrit, mais la découverte de fragments de marbre blanc et rouge, ainsi que d’un carreau en grès poli et de briques, dont on ne connaît pas l’emplacement d’origine, laisse penser qu’un dallage a aussi pu être mis en place – à moins de restituer un décor plaqué aux murs. Ces derniers sont d’ailleurs, en tout ou partie, agrémentés d’un décor peint, composé de panneaux rouges, gris et blancs, qui sont émaillés de jaune et de vert ; des panneaux rouges et blancs, séparés par un trait noir, ont aussi été observés à Plaudren. En revanche, aucun débris de colonne en pierre n’a été découvert ; les supports ont pu avoir été récupérés lors de la démolition des édifices, à moins de considérer qu’ils étaient en bois, ou bien que la galerie était close par des murs. Des tuiles couvraient les cinq temples qui ont fait l’objet de fouilles.
92D’un point de vue chronologique, le temple de Guérande a été bâti, au plus tôt, durant le second tiers du ier s. de n. è., tandis que celui de Condé-sur-Iton n’est pas antérieur à la fin du ier s. de n. è. La datation des autres exemples n’est pas précise ou inconnue. Aucun autre temple de plan heptagonal n’a été recensé par I. Fauduet (1993 ; 2010) dans les Gaules et les Germanies. En revanche, quelques bâtiments octogonaux ont été inventoriés en Aquitaine, à Chassenon et Aulnay-de-Saintonge (Charente-Maritime), ainsi que dans l’est de la Gaule, à l’exemple du temple de Compierre à Champallement (Nièvre) ou de celui d’Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or), bâti entre les années 40 et 70 de n. è. et consacré au dieu Apollon Moritasgus, ou encore en Germanie (Doulan, 2008, vol. 1, p. 190-192 ; Fauduet, 2010, p. 102 ; Cazanove et al., 2012, p. 101). Ces exemples comparatifs permettent de qualifier les temples des cités de l’ouest et du centre de la Lyonnaise d’édifices de taille moyenne, puisqu’ils s’inscrivent dans un cercle dont le diamètre oscille entre 9,70 m (Chassenon) et 21,50 m (Champallement).
Temples à cella centrale et galerie périphérique de plan mixte (B6)
93Les deux derniers temples rattachés à cette famille se caractérisent par un plan mixte, composé d’une cella et d’une galerie périphérique de formes différentes. Tous deux présentent de faibles dimensions, puisqu’ils couvrent une surface de 100 m² (cf. supra, fig. 27 et fig. 43). Celui de Saint-Martin-de-Bréthencourt (S.87, A), reconnu en prospection aérienne, associe une galerie de plan carré et une cella également carrée à l’extérieur, mais circulaire à l’intérieur (Gauduchon, 2015). Cette configuration évoque celle, à une tout autre échelle, des deux temples monumentaux de Meaux (S.158, A et B), établis en périphérie de la capitale des Meldes. Quant à l’édifice cultuel de Sermon à Mordelles (S.189, A), fouillé au cours d’opérations archéologiques programmées, il se compose d’une cella de plan hexagonal et d’une galerie carrée, combinaison dont aucune autre attestation n’a été recensée, à notre connaissance, dans les Gaules romaines ; pourvu de murs maçonnés couverts d’enduits peints et d’un toit de tuiles, il est aussi équipé d’un vraisemblable porche (Batt, 1994). Ces petits temples constituent donc deux variantes des bâtiments de type B1, la seule dissemblance résidant dans le plan de la cella. Le temple de Mordelles, seul exemple fouillé, n’est pas antérieur à la période augustéenne, sans plus de précision.
- De grands édifices « classicisés », mêlant galerie périphérique et traits empruntés à l’architecture classique (C)
94Au moins 17 temples construits en pierre (3 % de l’ensemble), dont le plan associe une cella et une galerie périphérique de formes variables, se distinguent des précédents par des dimensions particulièrement amples, mais aussi par l’intégration de certains éléments caractéristiques de l’architecture religieuse romaine, associés à un riche décor peint, sculpté et plaqué (cf. supra, fig. 27). Ces grands édifices, à l’exception de celui de Genainville – seul temple de plain-pied, rattaché à un type C3 –, sont alors dotés d’un haut podium accessible par un ou plusieurs larges escaliers, de colonnades et de frontons, ou encore d’un pronaos, ou du moins d’une galerie élargie à l’entrée de la cella, espace de transition entre celle-ci et l’extérieur du temple. Le caractère hybride de ces architectures monumentales, mis en évidence par D. R. Wilson (1975), a conduit P. D. Horne (1986) à les qualifier de classicized temples – de temples « classicisés » ou « mixtes ». Parfois conservés, encore de nos jours, sur plusieurs mètres de haut, les vestiges de ces imposants bâtiments de culte, répartis dans une douzaine de cités, ont été en grande partie étudiés – et donc en partie détruits – au cours du xixe s., mais l’accomplissement de programmes de recherche pluriannuels, depuis le dernier tiers du xxe s. jusqu’à nos jours, a permis de renouveler leurs connaissances et même, dans plusieurs cas, d’aboutir à une restitution détaillée de leur architecture. Leur identification à des bâtiments de culte ne pose généralement aucun problème, si l’on excepte toutefois les édifices les plus arasés, à l’instar du gigantesque monument de la Motte du Ciar à Sens (S.226, A), dont il ne subsiste plus que les fondations maçonnées, d’une emprise de 3 350 m² (Lallier, 1848). Les autres cas, mieux documentés, sont également de grande taille, puisque leur surface (hors escaliers d’accès), en moyenne de 621 m², s’échelonne entre 284 et 1 280 m².
95Certains de ces ouvrages monumentaux présentent un plan tout à fait original, reflétant la volonté de créer des architectures qui, tout en étant adaptées aux rituels et en exprimant la hiérarchie établie entre les dieux et les humains (Maligorne, 2006, p. 68-69), se démarquent des partis habituellement adoptés lors de la conception d’un temple. D’autres, au contraire, reproduisent sous une forme monumentale un type de temple de plan carré ou circulaire répandu dans les Gaules romaines. La distinction de séries au sein de cette famille de grands bâtiments est donc difficile et, plutôt que d’être amené à isoler chaque temple au sein d’un type qui lui est propre, trois catégories principales ont été retenues : la première rassemble une série relativement homogène de temples classicisés de plan rectangulaire et dressés sur un podium (C1), tandis que la seconde réunit d’autres formes d’édifices sur podium plus hétéroclites (C2) ; la troisième comprend un seul temple, celui de Genainville (C3), qui présente deux différences notables – l’absence de podium et le dédoublement de sa cella.
Des temples rectangulaires « mixtes », sur podium (C1)
96Une série d’au moins sept temples, plus ou moins bien documentés, se caractérise par un plan rectangulaire, dont l’allongement résulte de l’élargissement de la galerie périphérique, en façade principale, dans le but de former un vestibule, et par l’aménagement d’un podium particulièrement haut, auquel donne accès un escalier de façade (fig. 44). Il s’agit des édifices d’Aubigné-Racan (S.11, A ; Lambert et Rioufreyt dir., 1998 ; Lambert et Rioufreyt, 2006), de Jublains (S.32, A ; Naveau et al., 1997), du Vieil-Évreux (S.79, F, G et H ; Bonnin, 1860 ; Bertaudière et al., 2017, p. 76-83), de Mauves-sur-Loire (S.167, A2 ; Monteil et al., 2009) et de Rieux.
97L’emprise de leur podium, long entre 18 et 30 m et large de 15,80 à 24,90 m, varie entre 284 m², à Mauves-sur-Loire, et 747 m², pour le temple central du Vieil-Évreux, tandis que les deux temples latéraux, qui le flanquent et lui sont reliés par des galeries, couvrent une surface plus réduite, comprise entre 525 et 595 m². Le rapport entre la longueur et la largeur du podium est relativement constant d’un exemple à l’autre, oscillant entre 1,15 et 1,25. Deux autres édifices, à Taden (S.139, A ; Langouët, 1977) et à Saint-Hilaire (S.222, A ; Besse, 2005, p. 86-87), identifiés en prospection aérienne et pour lesquels la présence d’une galerie élargie en façade antérieure et d’un large escalier d’accès demeure incertaine, sont de plus petite taille, puisque le premier couvre une surface de seulement 130 m², et le second, de 220 m². S’ils sont bien rattachés à cette catégorie de temples, comme le propose Y. Maligorne (2006, p. 62) au sujet de celui de Taden, il s’agirait alors d’édifices de moindre ampleur.
98L’élévation de ce type de monument est particulièrement bien documentée et, si elle témoigne de l’adoption de choix sensiblement différents d’un temple à l’autre, leur apparence est bien celle de temples classiques, pourvus d’un podium et d’un escalier d’accès, d’une colonnade déployée, a minima, en façade principale et d’un toit à deux pans, reposant sur deux frontons et couvrant uniformément l’ensemble de l’édifice (fig. 45 et 46). L’escalier, flanqué par deux murs d’échiffre prolongeant ceux du podium, occupe toute la largeur de leur façade principale, orientée entre le nord-est et le sud-est. Ce dernier est pourvu de murs épais de plus de 1 m et sa hauteur, particulièrement importante, a pu être évaluée dans la plupart des cas : elle mesure environ 1,50 m à Mauves-sur-Loire, 2,40 m à Aubigné-Racan, 3 m à Jublains et 5 à 6 m au Vieil-Évreux – pour une hauteur totale estimée, pour le temple central G, à 22 m. Le soubassement du bâtiment de culte de Mauves-sur-Loire, dont la monumentalisation a été entreprise en remaniant un édifice de plain-pied préexistant, est maçonné et sa surface extérieure est revêtue d’un enduit peint en rouge. En revanche, ceux d’Aubigné-Racan, de Jublains et du Vieil-Évreux ont été parementés au moyen de pierres de taille. Au sommet d’une succession de remblais ou d’un massif de remplissage maçonné, le sol du temple est bétonné, tel qu’à Mauves-sur-Loire ou dans la galerie de l’édifice de Jublains, et dallé de marbre dans la cella de ce dernier, ou encore, selon toute vraisemblance, au Vieil-Évreux.
Figure 45 : Proposition de restitution du plan et de l’élévation des trois temples du sanctuaire central du Vieil-Évreux (Eure).

V. Brunet et L. Guyard (Made-Département de l’Eure), in Guyard et al., 2014, p. 44, fig. 30.
Figure 46 : Évocation graphique du sanctuaire suburbain de la Tonnelle à Jublains (Mayenne).

Aquarelle A. Evang, 2014, www.alexevang.fr/
99Le monument de Jublains et, peut-être, les temples de Mauves-sur-Loire et de Rieux sont des édifices périptères, tandis que ceux du Vieil-Évreux et d’Aubigné-Racan sont fermés par des murs sur trois de leurs côtés ; à l’est, seul le vestibule est alors circonscrit par une colonnade. Sur ce dernier site, les murs encadrant le déambulatoire, hauts de plus de 12 m, ont d’ailleurs en partie basculé, après l’abandon du site, sur le sol de la cour, au sud et à l’ouest. Leur étude a révélé qu’ils sont régulièrement flanqués, à l’extérieur, de pilastres, dont le rythme est vraisemblablement identique à celui de la colonnade de façade. Ces pilastres, maçonnés, sont couverts d’un enduit blanc, sur lequel est tracé un faux grand appareil, tandis qu’entre eux, l’absence de revêtement laisse apparaître un décor géométrique et polychrome, associant lignes obliques, sabliers et chevrons, suggéré par l’alternance de moellons de différentes couleurs et d’assises de briques. À l’intérieur, des stucs moulurés, rehaussés de fleurons et de filets bruns, et des enduits peints verts et rouges, agrémentés de guirlandes et de festons rouges, jaunes, gris et bleus, parent les murs ; un plafond suspendu, dont témoignent des éléments métalliques caractéristiques, a pu être identifié par Chr. Loiseau (2009, vol. 1, p. 298-299).
100La façade principale des temples rattachés à ce type est probablement hexastyle à Rieux, Mauves et Aubigné-Racan, et sans doute octostyle pour les plus grands édifices – à Jublains et au Vieil-Évreux. L’examen de la structure du podium de Jublains, sur lequel apparaît le négatif du soubassement des colonnes (fig. 47), révèle aussi que dix supports se développaient sur ses longs côtés ; Y. Maligorne (2006, p. 63-64) restitue, à partir des dimensions des monuments de Rieux et de Mauves-sur-Loire, sept colonnes sur leurs façades septentrionale et méridionale. Du décor architectonique du vestibule et de la galerie périphérique, il ne reste, au mieux, que quelques membra disiecta : ils se limitent à un fragment de chapiteau orné d’une volute à Rieux et à quelques débris, plus nombreux, à Mauves-sur-Loire, Jublains et Le Vieil-Évreux, relevant d’un ordre corinthien. De même, les blocs de l’entablement couronnant les façades ont souvent été débités et récupérés, mais il en subsiste quelques fragments à Jublains et au Vieil-Évreux. Quant aux frontons de ce dernier site, ils sont manifestement garnis de groupes sculptés en haut-relief, alliant motifs végétaux et figurations anthropomorphes et zoomorphes, au regard des fragments que Th. Bonnin a recueillis parmi les décombres (Bonnin, 1860, Le Vieil-Évreux, pl. XLIII ; Cliquet et al., 1996, p. 23-24).
Figure 47 : Plan du temple du sanctuaire périurbain de la Tonnelle à Jublains (Mayenne). In Naveau et al., 1997, p. 144, fig. 41.

101Enfin, l’élévation de la cella n’est en aucun cas préservée in situ, mais la mise au jour de fragments issus de son ornementation indique qu’un décor plaqué et peint y a généralement été mis en œuvre. Un ordre architectural interne marmoréen a ainsi été identifié à Mauves : les murs de la pièce centrale sont revêtus de pilastres corinthiens et d’un opus sectile, ou d’un enduit peint, délimité par de petites corniches. Un ordre d’applique a aussi pu être restitué à l’intérieur de la cella de Jublains, dont les murs devaient être rythmés par des pilastres, tandis que des crustae de roches diverses sont issus de compositions polychromes en opus sectile, couvrant son sol ou ses murs (Maligorne, 2006, p. 51). Au Vieil-évreux, le temple G, qui est le mieux documenté des trois grâce à des investigations récentes, présente la particularité d’être doté d’une salle inférieure dallée, installée à la base du podium et seulement accessible depuis la cella ; sa fonction n’est pas connue – s’agit-il d’un simple vide de construction ? Au sein de cette dernière, le décor plaqué qui anime les parois est constitué de pilastres en marbre blanc, agrémentés de motifs végétaux, mais aussi d’autres éléments, de ton noir ou blanc, en roches locales, ou bien importées des provinces gauloises ou du bassin méditerranéen (Cormier et al., 2012).
102Alors que les éléments de datation manquent à Rieux et à Aubigné-Racan, à Jublains, les repères chronologiques fournis par la stratigraphie et par l’étude stylistique des peintures et des éléments architectoniques du temple témoignent d’un chantier étalé sur plusieurs décennies, débutant dès le dernier tiers du ier s. et s’achevant au plus tôt à une date avancée du iie s. (Naveau et al., 1997, p. 196-199). De même, les chapiteaux de tuffeau corinthiens coiffant les colonnes de la galerie du monument de Mauves-sur-Loire sont datés, d’un point de vue stylistique, des décennies centrales du iie s., alors que le décor marmoréen mis en œuvre dans la cella est attribué à la toute fin du iie s. ou à la première moitié du iiie s., suggérant une mise en place en plusieurs étapes (Monteil et al., 2009, p. 171-172). Quant à l’imposant monument du Vieil-Évreux, composé de trois temples d’architecture similaire, des critères stylistiques fixent l’installation de son décor à la fin du iie s. ou au début du iiie s. (Bertaudière et al., 2017). D’une manière globale, ce type de monument, dont la construction et l’ornementation nécessitent l’investissement de moyens financiers considérables, n’apparaît donc pas avant le milieu du ier s. de n. è. ; il constitue manifestement l’aboutissement de travaux étalés sur plusieurs décennies, intégrés à des chantiers initiés dans le cadre de la monumentalisation de sanctuaires préexistants (cf. infra, 5.3.2.1).
103Les temples de type C1, spécifiques aux cités étudiées, correspondent donc à des architectures mixtes qui, si elles présentent un plan similaire aux bâtiments de type B3, s’en distinguent par l’introduction d’un haut podium, d’un escalier de façade et, certainement, d’un ordre corinthien monumental. Ces éléments, empruntés au vocabulaire architectural classique, définissent un nouveau type de parcours qui, comme l’a souligné Y. Maligorne (2006, p. 67-69), « intègre l’autel, l’escalier, le porche et la cella », répartis sur un même axe vertical ; leur ordonnance transcrit les rapports hiérarchiques établis entre les dieux et les humains. Ce même auteur a rapproché les monuments de Jublains, de Mauves-sur-Loire, de Rieux et peut-être de Taden des temples périptères de Rome, dont l’apparence est tout à fait comparable. Néanmoins, il reconnaît qu’il ne s’agit pas de « simples transpositions de formules architecturales classiques » : la cella est ici de plan carré ou proche du carré, tandis que le rythme des supports, en façade principale, est plus dense, et que la largeur importante de la galerie périphérique du temple offre aux dévots une proximité certaine avec la divinité, commune à l’ensemble des temples des familles B et C, mais étrangère aux traditions romaines.
Autres temples « mixtes », de formes variées, sur podium (C2)
104Les 9 ou 10 temples réunis au sein de ce second type présentent, comme nous l’avons déjà évoqué, d’amples variations morphologiques (fig. 48). Au-delà de leurs dissemblances, leur monumentalité individualise clairement cette catégorie des précédentes : ils couvrent une surface considérable, supérieure à 520 m², ce qui les range parmi les plus vastes édifices de culte des Gaules. Aussi, à l’instar des bâtiments de type C1, ils sont juchés sur un podium dont la hauteur est supérieure à 2 m et sont parés d’un décor somptueux ; un ou plusieurs porches imposants marquent les entrées de ces architectures.
Figure 48 : Plan des temples monumentaux de type C2 et C3.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
105Certains de ces temples semblent reproduire, sous une forme monumentale, des édifices de plan centré dont le type est bien attesté à l’échelle des cités étudiées. Le bâtiment de culte A2 des Perrières, à Allonnes (S.10), et le temple A2 de Chelles (S.180), partiellement fouillés, présentent ainsi un plan vraisemblablement carré, ou rectangulaire, donc similaire à celui des édifices de type B1. Leurs dimensions peuvent être grosso modo restituées par symétrie axiale : tous deux devaient mesurer plus de 20 m de côté et couvrir une surface comprise entre 500 et 600 m². Ils succèdent à un édifice plus ancien, également peu documenté, agrandi ou simplement remanié à l’occasion. La forme A2 du temple d’Allonnes correspond ainsi au nouvel état d’un bâtiment dont le porche a été étendu ; le sol a peut-être été rehaussé à cette occasion. Des fragments de colonnes et d’entablement – dont un bloc d’architrave orné de créatures marines et d’oiseaux picorant une grappe de fruits –, issus de ses abords, relèvent vraisemblablement de son décor architectonique, si ce n’est d’édicules voisins (Biarne, 2006 ; Lucas et al., 2019). L’élévation du temple de Chelles est en revanche plus difficile à restituer, puisque ses murs, vraisemblablement construits en petit appareil et vraisemblablement agrémentés de peintures polychromes, ont été arasés jusqu’à leurs fondations (Charamond, 1998 ; Chr. Charamond, in Griffisch et al., 2008, p. 424-425).
106Bien que le probable temple récemment découvert sur le site chartrain de Saint-Martin-au-Val (S.101, I) présente lui aussi un plan carré, il se distingue des précédents et par plusieurs traits qui lui sont propres et constitue ainsi un unicum à l’échelle des Gaules (Bazin et al., 2019, p. 127-134). Ce bâtiment, qui constitue sans doute un temple secondaire au sein du site, étant situé aux abords d’un immense quadriportique que l’on suppose avoir servi d’écrin au bâtiment de culte principal, mesure néanmoins 24,90 m de long pour 24,50 m de large (soit 610 m²). Il est vraisemblablement doté de deux accès disposés au nord et au sud et débouchant sur des portiques adjacents. En revanche, aucun escalier ne paraît avoir relié sa façade principale, à l’est, et l’aire ouverte reconnue en contrebas, à 2,50 m plus bas. Par ailleurs, contrairement à la majorité des autres temples des Gaules romaines, la salle centrale qui s’apparente à une cella, décalée vers l’ouest et encadrée par un déambulatoire, est largement ouverte à l’est, où la galerie est d’ailleurs plus spacieuse, dans l’axe des portiques contigus. Elle a peut-être abrité la statue du dieu Apollon Vatumogons, mentionné dans deux dédicaces découvertes aux abords de l’édifice. L’architecture et le décor de ce bâtiment sont soignés : l’édifice, fermé par des murs animés par des piliers sur trois côtés, s’ouvre à l’est par une façade octostyle, composée de colonnes corinthiennes peintes ; la cella est dotée d’un sol dallé et d’un décor plaqué, agrémentant la base de ses murs. Des couches formées lors de la destruction de l’édifice, proviennent aussi des enduits peints et divers éléments d’un décor d’applique polychrome (plaques de marbre ou de calcaire, moulures, pilastres), importés de l’orient méditerranéen, d’Italie et des Gaules.
107De plan circulaire et précédé d’un vaste vestibule, le temple de Tours (S.248, A), d’un diamètre externe de 34,85 m et d’une superficie égale à 1 280 m², peut être rapproché des édifices de type B4, qui sont toutefois de dimensions bien plus modestes (Jouquand, 2007). Dressé sur un podium d’une hauteur proche de 2,20 m, ce bâtiment de culte est accessible par un large escalier de dix marches, dont les dalles ont été récupérées. L’analyse du plan ainsi que plusieurs membra disiecta en calcaire ou en marbre, issus des niveaux postérieurs à la destruction du temple, permettent d’en restituer globalement l’architecture (fig. 49). La hauteur totale du porche est estimée à 18,60 m. Les colonnes de sa façade, hexastyle ou octostyle, mesurent environ 1,20 m de diamètre et sont sans doute couronnées de chapiteaux corinthiens, corinthianisants ou composites, tandis qu’un décor d’applique marmoréen et polychrome pourrait avoir revêtu l’intérieur de la salle circulaire. Malgré l’absence de division interne, il est tout à fait improbable qu’un cylindre de ces dimensions ait été couvert d’un seul tenant par une coupole ou même par une charpente (Aupert, 2010, p. 289). L’hypothèse d’un autre mur annulaire, non identifié au cours des fouilles menées en partie au milieu du xxe s., qui séparerait cella centrale et déambulatoire, doit donc être sérieusement envisagée. Le temple circulaire de Tours s’inscrirait alors dans une série d’édifices monumentaux dont les ouvrages les plus proches ont aussi été reconnus au sud de la Loire, telle la tour de Vésone à Périgueux (Dordogne), le temple de Cahors (Lot) et celui de Barzan, dont le diamètre oscille entre 33,50 et 35 m (Aupert, 2010, p. 289-290).
Figure 49 : Hypothèse de restitution de la façade du vestibule monumental du temple de la rue Nationale à Tours (Indre-et-Loire).

Réal. J. Seigne, P. Neury et T. Morin, in Ferdière et al., 2014, p. 153, fig. 2a.
108Deux autres constructions monumentales, établies à Allonnes (S.9, A3 ; Gruel et Brouquier-Reddé dir., 2004, p. 55-63 et p. 96-107 ; Brouquier-Reddé et al., 2004) et à Meaux (S.158, A et B ; Magnan, 2006), associent un podium, une galerie de plan carré et une cella de forme cylindrique – du moins à l’intérieur, puisqu’à Meaux, les deux temples identiques, reliés par une galerie longue de 22 m, se caractérisent par une cella qui s’inscrit, à l’extérieur, dans un carré. Cette combinaison, attestée à une seule reprise pour un modeste temple sans doute de plain-pied (cf. supra, type B6), et inconnue en dehors du territoire étudié (Brouquier-Reddé et Gruel, 2006, p. 142), témoigne d’une formule originale, couplée ici à un caractère monumental particulièrement marqué. Le double bâtiment de culte meldois, de plan symétrique, est juché sur un podium large de 22 m, dont la hauteur n’a pas été mesurée, qui repose lui-même sur une terrasse, contenue à l’est par un épais mur et au sud par de puissants arcs de décharge. Les deux cellae, entourées d’une galerie périphérique qui leur est propre, sont accessibles par trois porches, précédés par un escalier et disposés sur trois façades ; chaque édifice de culte s’étend sur une emprise de 595 m². Les membra disiecta qui proviennent des niveaux de démolition (tambour de colonne engagée, corniches à modillons, caissons en calcaire lutétien, placages et moulures de marbre, de calcaire marbrier, de porphyre et de cipolin), témoignent là aussi d’un riche décor. À Allonnes, l’unique cella, dont la hauteur d’origine a été évaluée à 17,50 m, est circonscrite par une galerie particulièrement étroite (fig. 50) ; le sol de ces deux espaces domine la cour sacrée avoisinante de 4 m, grâce à un podium long de 31,20 m et large de 20 m. Un grand porche, de largeur toutefois inférieure à celle de la galerie et accessible par un escalier, prolonge la façade orientale ; il est pourvu de quatre colonnes, tandis que les trois autres façades du temple sont hexastyles. L’ordre corinthien a été adopté de manière exclusive au sein de ce temple périptère ; un entablement en grand appareil, décoré d’une frise d’armes, surmonte probablement le mur annulaire de la cella, tandis que le fronton du porche est sans doute peuplé de figures divines ou mythologiques.
Figure 50 : Proposition de restitution du plan (a) et de l’élévation (b et c) du temple monumental de la Forêterie à Allonnes (Sarthe). In Brouquier-Reddé et Gruel (dir.), 2004, pl. VII ; Brouquier-Reddé et al., 2004, p. 119 et 121, fig. 9-10.

109L’association originale de deux formes différentes, pour la cella et la galerie périphérique, caractérise également le temple du Haut-Bécherel à Corseul (S.134, A). Greffé sur le portique principal d’une porticus triplex dont il occupe l’axe médian, à l’ouest et donc en dehors du périmètre que celle-ci définit (fig. 51), le temple s’inscrit ainsi dans une série d’ouvrages dont Y. Maligorne (in Provost et al., 2010, p. 183-194) a identifié les principaux représentants, tels le templum Pacis de Rome ou le sanctuaire des Tours-Mirandes à Vendeuvre-du-Poitou (Vienne). Il se compose d’une cella de plan octogonal, dont la hauteur totale devait être proche de 23 m, bordée à l’est par le portique et encadrée sur ses trois autres côtés par un déambulatoire en forme de π ; ce dernier est clos par des murs et son accès s’effectue, comme pour la cella, depuis le portique. Un pronaos, de même largeur que la cella, prolonge cette dernière à l’est, à la croisée du portique frontal ; on y accède, depuis l’aire sacrée située à 3,70 m en contrebas, en gravissant un escalier, dont subsistent les murs d’échiffre. Les sols du temple sont bétonnés, tandis qu’un placage de schistes locaux et de marbre devait recouvrir la paroi interne des murs de la cella, du moins en partie basse – alors que des peintures ornent le reste de l’élévation. Des plaques fragmentaires de porphyre ont aussi été mises au jour sur le site et de rares éléments de supports verticaux en granite laissent penser que le style toscan a été adopté pour les colonnes des portiques, du pronaos et des pavillons.
Figure 51 : Vue aérienne (a) et évocation graphique (b) du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul (Côtes-d’Armor).

Cl. M. Gautier, 2002 et réal. G. Le Cloirec, in Gautier et al., 2019, p. 273, fig. 266 b.
110La restitution du plan et de l’élévation du vraisemblable temple de Sens (S.226, A) est plus incertaine : il ne subsiste que la base d’un massif de fondation maçonné, mesurant 75,50 m de long pour 64,50 m de large (soit 3 350 m²), alors que le bâtiment s’élevait encore sur près de 5 m à la fin du xviiie s. Il présente un plan original, traversé par un axe de symétrie est-ouest et superposant la forme d’une croix à celle d’un demi-cercle. D’après Fr. Lallier (1848), qui est le seul archéologue à avoir examiné, entre 1844 et 1846, les vestiges de l’édifice dont la destruction s’achevait alors, quatorze cavités de formes variées, mesurant entre 2,20 et 2,80 m de côté, auraient été laissées vides lors de l’aménagement de la plateforme maçonnée. À titre d’hypothèse, ces volumes ont pu servir d’ancrage aux solides fondations en pierre de taille, récupérées, de supports disparus. Par ailleurs, au regard du plan de son massif de fondation, il paraît cohérent de restituer un escalier d’accès à l’est, large d’environ 30 m et conduisant à un porche de plan rectangulaire. Ce dernier constituerait la façade principale d’une construction de plan semi-circulaire, mesurant plus de 30 m de rayon et peut-être composée d’une cella et d’une galerie périphérique. À l’ouest, une saillie rectangulaire, large de 28 m, pourrait matérialiser l’emprise d’un second escalier d’accès qui, d’après Fr. Lallier, serait plaqué de marbre, tandis que deux autres aménagements de même forme, au nord et au sud, pourraient eux aussi correspondre aux fondations d’escaliers latéraux (Péchoux, 2010, p. 382-383). La surface que devait couvrir ce temple, voisine de 2 500 m² (escaliers exclus), reste inégalée à l’échelle du territoire considérée. Quant aux débris provenant de son élévation, reconnus au cours des explorations anciennes, ils témoignent d’un décor opulent, composé de dalles ou de plaques de marbre de diverses couleurs, ainsi que de blocs de pierre tendre ouvragés – fût de colonne, fragment de pilastre, plaques, blocs ornés de décors feuillus, débris d’entablements et autres moulures, représentations notamment anthropomorphes –, présentant pour certains des traces de peinture rouge et jaune.
111Enfin, les vestiges du monument de Douarnenez (S.170, A3) relèvent manifestement d’un autre grand édifice de plan particulier (Halna du Fretay, 1894, pl. h.-t. ; Clément et al., 1987). Sa forme générale, restituée par symétrie à partir de la portion qui en a été fouillée, est celle d’un octogone irrégulier, qui serait constitué d’une imposante cella centrale, aux murs épais de 2 m, et d’une galerie périphérique, délimitée par un mur contre lequel s’appuie, à l’extérieur, une série de contreforts. L’ensemble s’inscrirait dans un cercle de 38 m de diamètre et couvrirait une surface considérable, d’environ 1 150 m². Au sud-ouest, la galerie, dont le sol est bétonné, s’interrompt pour laisser place à une salle rectangulaire, plus large que celle-ci. Selon Y. Maligorne (2006, p. 56-59), cet espace « avait certainement son pendant au nord-est, dans ce qui devait constituer le pronaos du temple », ce qui forme ainsi « une structure d’inspiration classique semblant traverser l’édifice de part en part, le temple présentant sans doute en façade des colonnes et un fronton ». Les diverses explorations du bâtiment ont mené à la découverte de quelques éléments de colonnes ou de colonnettes en granite.
112Cette série de temples de plans variés, réunissant les édifices les plus monumentaux et les plus originaux des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise, a manifestement été bâtie durant les dernières décennies du ier s. ou au début du iie s. de n. è., au plus tôt. Leur érection a nécessité la mise en œuvre de chantiers de grande ampleur, qui ont dû s’échelonner, pour la plupart, sur plusieurs années, voire plusieurs décennies, à l’instar des édifices de type C1. L’exemple de la Forêterie, à Allonnes (S.9, A), est le plus évocateur et l’un des mieux connus : le chantier de reconstruction de ce sanctuaire et du temple monumental associé, dont les aménagements temporaires ont pu être identifiés (cf. infra, 5.3.1.2), s’est étiré sur environ huit décennies : entamé à partir des années 80 de n. è., il s’achève manifestement dans les années 160-170. Le temple est le premier bâtiment à avoir été édifié et son plan a donc été projeté dès les années 80-90. Sa construction était vraisemblablement terminée un demi-siècle plus tard, vers 130 (Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 78 et p. 81). Les travaux des temples de Chartres, de Douarnenez et de Tours ont également débuté, au plus tôt, dans les années 70 ou 80 de n. è., ainsi qu’en témoigne la découverte de mobilier (céramique et numéraire) piégé dans des remblais installés à l’occasion de cette entreprise (Maligorne, 2006, p. 58 ; Jouquand, 2007, p. 189 et p. 192 ; Bazin et al., 2019, p. 145). Dans ce cas, l’analyse du matériel fournit un terminus postquem précis, notamment fixé par deux monnaies émises sous le règne de Domitien à Douarnenez (en 81-84 de n. è.) et à Tours (en 82). Pour ce dernier site, ce jalon chronologique concorde d’ailleurs avec la datation proposée à l’issue de l’étude stylistique des éléments provenant de son décor architectonique, située au dernier tiers du ier s. de n. è. Quant aux travaux de construction du lieu de culte de Corseul, ils ont été entamés, au plus tôt, au tout début du iie s., comme l’indique l’attribution chronologique des tessons de céramique issus de niveaux formés au cours du chantier (Provost et al., 2010, p. 175-179). En revanche, l’étude stylistique des blocs ouvragés découverts aux Perrières, à Allonnes, est plus tardive, puisque rattachée à la seconde moitié du iie s. de n. è., mais il s’agit ici d’une étape d’embellissement d’un édifice antérieur, lui aussi érigé à la fin du ier s. ou au début du iie s. (Lucas et al., 2019).
Le temple de plain-pied et à cella double de Genainville (C3)
113Le dernier temple rattaché à la catégorie des édifices de culte monumentaux doté d’une cella centrale et d’une galerie périphérique (fig. 48), à Genainville (S.260, A2), a fait l’objet de multiples campagnes de fouille programmée entre 1960 et 1991 (Mitard, 1993). Succédant à un bâtiment de culte antérieur, partiellement dégagé, il présente un plan quasi carré (28 × 27,50 m, soit 770 m²) et est composé d’une cella double, divisée en deux chambres rectangulaires accolées et de mêmes dimensions ; celle-ci est encadrée par une galerie périphérique fermée par des murs pleins. La double cella du temple, dont les murs sont encore conservés sur 5 m de haut, devait émerger de la galerie sous la forme d’une tour monumentale, dont la hauteur est estimée entre 25 et 28 m (Barrière et Vermeersch, 2017, p. 170). Le niveau de circulation intérieur, revêtu de terre argileuse battue dans le déambulatoire et bétonné ou dallé dans les cellae, est peu ou prou identique à celui de la cour ; le temple, avoisiné par plusieurs bassins (cf. infra, 1.1.3.1), n’est donc pas juché sur un podium, contrairement aux exemples précédents. Sa galerie est fermée et ses murs, en petit appareil et en pierre de taille, sont ornés de peintures simulant notamment des textures marmoréennes (fig. 52), ou sont agrémentés d’arcs, de niches, de pilastres et de colonnes engagées, mais aussi de représentations sculptées en relief.
Figure 52 : Enduits peints imitant un décor plaqué, conservés à la base de l’élévation de la paroi externe du mur nord de la double cella du temple de Genainville (Val-d’Oise). In Mitard, 1993, p. 242, pl. V-1.

114Ce temple monumental s’inscrit donc dans la série des grands édifices de plan centré et carré, mais présente la spécificité d’être muni d’une double cella et donc d’être consacré à deux divinités ; cette configuration est singulière, puisqu’au sein des bâtiments de ce type connus en Gaule, les cellae sont généralement séparées par un passage intégré au déambulatoire plutôt qu’accolées comme ici (Fauduet, 2010, p. 107). L’édification du temple de Genainville intervient assez tardivement, au plus tôt au milieu du iie s. de n. è. et plus probablement durant la seconde moitié de ce siècle : des monnaies, mises au jour sous les niveaux de sol localisés à l’intérieur ou aux abords du bâtiment, fixent un terminus postquem en 141, tandis que l’étude stylistique des blocs sculptés intégrés à son architecture renvoie à la seconde moitié du iie s. ; des datations archéomagnétiques réalisées sur des briques provenant de son élévation se rapportent aussi à la fin du iie s. ou au début du iiie s. de n. è. (Mitard, 1993, p. 415).
- Un parti architectural rarement adopté : les temples de plan classique, dépourvus de galerie (D)
115Dans les cités centrales et occidentales de la Lyonnaise, l’identification de temples de plan classique repose sur un nombre très limité d’exemples, dont l’état de conservation est particulièrement médiocre (cf. supra, fig. 27 et 53). De fait, rares sont les édifices composés d’un podium, accessible par un escalier, sur lequel se dressent un pronaos, précédé d’une colonnade, et une cella de plan quadrangulaire, fermée par des murs.
Figure 53 : Plan des temples « classiques » (D) et de probables édifices sur podium dont l’élévation n’est pas conservée.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
116Seuls deux bâtiments présentent un plan suffisamment caractéristique pour être classés parmi ce type d’édifice. Les vestiges du temple de la Cordellerie, à Oisseau-le-Petit (S.21, A), ont été exhumés et identifiés en 1890 par Fr. Liger, qui en a fourni une description succincte, ainsi qu’un plan où il restitue un édifice pseudopériptère. Il s’inspire alors de l’exemple de la Maison Carrée de Nîmes (Gard), malgré l’absence, ici, de tout débris de support ou d’entablement (Liger, 1895, p. 16-19). Les dimensions qu’il a renseignées ont été confirmées, récemment, par plusieurs images aériennes, qui révèlent aussi que les fondations de l’édifice, enfouies, sont encore préservées (Bouvet dir., 2001, p. 386-387). Ce bâtiment, long de 17,37 m et large de 11,85 m selon son inventeur, couvre donc une surface totale de 206 m² – et d’environ 165 m² si l’on retranche l’emprise de son escalier d’accès, encadré par deux murs d’échiffre, pour ne conserver que la superficie de la cella et du pronaos. Le podium sur lequel s’élève la cella est délimité par des murs maçonnés particulièrement épais (1,35 m), encore partiellement conservés à la fin du xixe s. L’inventeur a aussi signalé la découverte de fragments issus de placages de marbre polychrome, qui proviendraient de l’intérieur de la cella, ainsi que de « petits cubes en terre cuite », vestiges de probables mosaïques, et de restes d’enduits peints, qui témoignent de la richesse du revêtement et du décor architectural de l’édifice, couvert d’un toit de tuiles. Sa chronologie, peu précise, n’a pu être établie qu’à partir du matériel collecté au cours de prospections pédestres récentes : attribué à une période comprise entre La Tène finale et le iie s. de n. è., il n’aide guère à fixer la date de construction du temple.
117L’édifice de Tiercé (S.8, A), étudié au cours d’une opération de fouille préventive, présente un plan tout à fait similaire à celui d’Oisseau-le-Petit, mais il est de dimensions bien plus réduites (Guérin et Pétorin dir., 2006). Long de 9 m, il est large de 5 m et s’étend ainsi sur 45 m² – et 38 m² sans tenir compte de l’escalier d’accès. Il n’en reste que les fondations, partiellement épierrées. Le long des murs d’échiffre de l’escalier, deux trous de poteau, ou des retours de maçonnerie dont ne subsisterait que la fondation endommagée sont vraisemblablement liés à l’aménagement de marches. De son élévation, ne sont conservés que des nodules de mortier, suggérant la présence de murs maçonnés, et des fragments de terre cuite architecturale, provenant sans doute de sa toiture. Le mobilier associé est issu des fossés de l’enclos de plan trapézoïdal au fond duquel il est installé : la céramique témoigne d’une fréquentation de cet espace clôturé, a minima, entre les années 40 et 80 ou 90 de n. è.
118Cette courte liste ne rassemble donc que deux édifices peu documentés, dont l’élévation a disparu et qui ne sont associés à aucun mobilier confirmant leur identification à un temple. Si celle-ci est plausible, il ne faut néanmoins pas écarter d’emblée l’hypothèse de mausolées, en particulier à Tiercé (cf. infra, 3.2.3.1). Par ailleurs, quatre autres édifices de plan rectangulaire, dont les vestiges ne sont pas suffisamment bien conservés pour valider l’hypothèse de temples classiques, mais qui s’inscrivent dans une enceinte dont la vocation religieuse est avérée ou tout à fait probable, sont peut-être aussi à rattacher à cette catégorie. L’un des deux états d’un bâtiment de culte récemment reconnu à Valognes (S.251, B), au cours de prospections géophysiques, présente un plan dont la lecture reste sujette à caution, puisqu’il a manifestement été détruit pour être remplacé par un temple de type B1a – à moins que ce dernier lui soit au contraire antérieur –, plus grand et dont les maçonneries se superposent en partie aux siennes (Jeanne et al., 2018, p. 123-140 et 158-162). Long de 14 m et large de 9 m (126 m²), il semble se composer de trois espaces, délimités par des murs, de taille inégale : à l’est, un compartiment étroit pourrait marquer l’emplacement d’un escalier ; au centre, la plus grande salle correspondrait à la cella ou à une partie de celle-ci, tandis que le dernier espace, à l’ouest, de dimensions identiques au premier, pourrait être assimilé, à titre d’hypothèse, au podium de la cella, sur lequel repose la statue de culte et qui serait alors doté de ses propres fondations. Enfin, les monuments d’Angers (S.3, B ; Chevet et Pithon, 2015, p. 105-107), de Paris (S.181, A : Busson, 2019, p. 64-69) et de Troyes (S.235, A ; Driard, 2014, p. 27-28) ont manifestement été bâtis sur un podium dont il ne reste que les imposantes fondations maçonnées, sous la forme d’une platée ou de tranchées, partiellement dégagées. À Angers, le massif de fondation rectangulaire reconnu semble être trop étroit (15 × 8 m, soit 120 m²) pour que le temple ait été d’une galerie périphérique. En revanche, les bâtiments de Paris, large de 14,80 m et longue de plus de 15 m, et de Troyes, de dimensions similaires, pourraient aussi bien relever d’un temple à déambulatoire (cf. supra, C1) que d’un grand édifice d’architecture classique. Dans ce dernier cas, les fragments issus de son élévation correspondent à des déchets produits lors de la récupération de blocs de grand appareil et, probablement, à un tambour de colonne cannelé. Les données utiles à l’établissement de la chronologie de ces trois monuments, peu nombreuses, orientent la date de leur construction vers la fin du ier s. de n. è., au plus tôt.
119La rareté de ce type d’édifice n’est pas spécifique à ce secteur de la Lyonnaise : C. Doulan (2008, vol. 1, p. 166-169 et p. 171-172) n’a identifié que trois temples classiques en Aquitaine, à Antigny (65 m²), et à Saint-Léomer (108 m²), dans la Vienne ; ils ont été construits à partir du début du iie s., voire dès la seconde moitié du ier s. pour le second site. En Germanie supérieure, elle a aussi relevé la présence d’un édifice de même plan, doté, dans un second temps, d’une galerie périphérique, en Germanie supérieure, à Équevillon (Jura ; 84 m²).
120Les temples dont le plan témoigne de l’association, sur un même axe, d’une cella, d’un pronaos et d’un escalier (D) semblent être apparentés, d’un point de vue morphologique, aux édifices de type A1c et A2c, simplement pourvus d’une cella de plan quadrangulaire et d’un pronaos : ils pourraient en constituer une version plus monumentale, dressée sur un podium, et parfois de dimensions bien plus importantes, tel qu’à Oisseau-le-Petit. Néanmoins, l’élévation des bâtiments de ces trois catégories reste très mal documentée pour le territoire considéré, contrairement à l’exemple bien documenté d’Antigny (Bertrand dir., 2018, vol. 1, p. 347-359), et il n’est pas certain que l’espace identifié au pronaos ait toujours été délimité par une colonnade de même hauteur que les murs de la cella, et non par un modeste auvent accolé à cette dernière, dont la hauteur pourrait être plus importante, à l’exemple des temples de plan centré. Par ailleurs, les bâtiments sur podium d’Oisseau-le-Petit, de Tiercé, de Masamas, d’Antigny et d’Équevillon se caractérisent par une cella de plan carré, ou proche du carré, à l’instar des édifices de type A1c, A2c ou B1, et non rectangulaire, comme le sont habituellement les temples prostyles ou pseudopériptères de Rome ou de Narbonnaise, par exemple, à partir de la fin du ier s. av. n. è. (Gros, 2011, p. 140-160). La qualification de « classique », pour ces temples dépourvus de galerie, doit donc être tempérée ; leur connaissance repose encore sur un nombre de cas limité, dont l’élévation n’est généralement pas renseignée.
- Des mithraea au plan standardisé (E)
- 22 S’y ajoute un quatrième, sans doute localisé sur la commune de Jort (Calvados), mais dont l’emplace (...)
121Les sanctuaires du culte de Mithra, généralement conçus pour accueillir une communauté rassemblant une dizaine ou une vingtaine d’initiés, présentent une architecture tout autre, stéréotypée. Les caractéristiques de cette dernière ont été récemment résumées par R. Turcan (2000, p. 74-78) et, pour les dix-sept exemples connus en Gaules et dans les Germanies, par Y. Dubois (2012, p. 430-440). Au sein du territoire considéré, trois édifices ont été interprétés comme des mithraea22 (cf. supra, fig. 27 et fig. 54).
Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
122Le spelaeum, salle où se déroulent les rituels, présente dans les trois cas un plan grosso modo rectangulaire. Il mesure entre 8,20 et 15 m de long pour 5,20 à 7,40 m de large, soit une surface variant du simple au double, égale à 43 m² à Septeuil (S.122, A ; Gaidon-Bunuel, 2000, p. 200-208), 80 m² à Lillebonne (S.85, A ; Cochet, 1866, p. 409-410 ; Harmand, 1970 ; Gauthier, 1982) et 100 m² à Angers (S.2, A ; Brodeur, 2013 ; Brodeur dir., 2014, vol. 1, p. 135-157 et p. 324-328) – soit une moyenne de 74 m². Il s’agit donc de constructions d’ampleur assez modeste, les mithraea recensés dans les Gaules et les Germanies présentant une surface comprise entre 34 et 190 m², pour une moyenne de 87 m² (Dubois, 2012, p. 432). Comme souvent, le sol du spelaeum d’Angers, manifestement installé dans une ancienne cave, est en contrebas du niveau de circulation extérieur : quelques marches permettent d’y descendre depuis un vestibule d’environ 12 m², situé au sud, qui devait être lui-même accessible depuis une cour localisée à l’ouest. De même, le mithraeum de Septeuil (fig. 55), entaillant le flanc d’un coteau, est à demi enterré et le spelaeum a été aménagé dans la moitié méridionale, qui devait être peu éclairée, d’un ancien nymphée où jaillit une source, captée par un bassin. Il est séparé de la partie de l’édifice où se trouve ce dernier, faisant office de vestibule, mais aussi de cuisine, par une cloison de bois que l’on franchit probablement près de son angle nord-est. Le caractère souterrain ou du moins semi-enterré de ces deux spelaea, dont on sait s’il est aussi partagé par l’édifice de Lillebonne, exploré anciennement, ne leur est pas spécifique, puisqu’il concerne la majorité des édifices de ce type, de manière à évoquer la caverne où le dieu Mithra sacrifie le taureau qu’il a capturé (Turcan, 2000, p. 75 et p. 97). Si l’orientation du spelaeum de Lillebonne et de celui de Septeuil est similaire, puisqu’ils sont tous deux traversés d’est en ouest par un même axe de symétrie, celle d’Angers en diffère, avec de longs côtés orientés nord-sud.
Figure 55 : Plan du mithraeum de Septeuil (Yvelines). In Gaidon-Bunuel et Caillat, 2008, p. 257, fig. 3.

123L’organisation interne est analogue d’un exemple à l’autre et elle respecte encore une fois des normes communes à l’ensemble des mithraea. La salle, conçue notamment pour que les initiés partagent un repas, est divisée en trois parties : une nef centrale, large entre 2,60 et 3,60 m et dont le sol est couvert de planches de bois à Septeuil, est bordée par deux banquettes latérales qui longent ses murs. Délimitées par des murets maçonnés à Angers et à Lillebonne, les banquettes, sur lesquelles prenaient place les convives, sont structurées par des blocs de pierre en réemploi, vraisemblablement recouverts de lattes de chêne, à Septeuil. À l’entrée de la salle d’Angers (fig. 56), au pied des banquettes, une paire de socles monolithiques a pu servir de supports aux statues des dadophores, jeunes acolytes de Mithra. L’un de ces socles, à l’est, est jouxté par une vasque et par une probable base d’autel en pierre. Peut-être destiné à la cuisson d’aliments consommés sur place, un foyer est installé à l’extrémité d’une banquette dans les trois spelaea. Enfin, à l’extrémité de la salle faisant face à l’entrée, se tient le bêma, podium recevant l’image de culte sculptée (cf. infra, 1.1.2.2). Peut-être installé dans une niche à Lillebonne, qui serait matérialisée, sur le plan, par l’épaississement du mur occidental, le podium est bien conservé à Angers, où il est accessible par trois marches, revêtu d’un lit de tegulae et pourvu d’un socle maçonné qui accueillait le relief mithriaque. À Septeuil, le relief de Mithra tauroctone reposait simplement sur deux bases de colonnes dépareillées, dont l’une a été retravaillée. À proximité immédiate, une autre image de Mithra, représentant la naissance du dieu, est peut-être juchée sur un fût de colonne retaillé, lui-même disposé sur un fragment de soubassement maçonné.
Figure 56 : Vue du mithraeum de la Clinique Saint-Louis à Angers (Maine-et-Loire), en cours de fouille. De part et d’autre de l’allée centrale, ont été aménagées deux banquettes latérales et, au fond, se dresse le podium qui accueillait l’image de culte. In Brodeur, 2013, p. 12, fig. 1.

124Le décor de ces salles cultuelles, à l’exception des représentations sculptées liées à l’imagerie mithriaque (cf. infra, 2.2.3.1), est relativement sobre. Un morceau de colonnette et trois fragments d’un autel en pierre ont été mis au jour à Angers, ainsi que les débris d’un fût de colonne cannelé, probablement issu d’un ancien monument. À Septeuil, des plaques de calcaire carrées, sur lesquelles sont gravés des motifs en bas-relief évoquant des boucliers, pourraient avoir décoré les murs du mithraeum, tandis que la statue d’une nymphe, intégrée à l’édifice antérieur, a manifestement gardé sa place au sein du spelaeum, dans une niche. Enfin, à Lillebonne, des tronçons de colonne, avec des fragments de blocs sculptés, ont été profondément ensevelis dans l’angle nord-est de la salle, mais l’emplacement d’origine de ces éléments, peut-être extérieurs au spelaeum, n’est pas connu.
125Si ces lieux de culte sont tout à fait originaux en regard des temples consacrés aux autres divinités, ils relèvent néanmoins d’une série d’architectures standardisées à l’échelle de l’Empire romain, mais encore peu connues en Lyonnaise – il faut y ajouter le mithraeum de Nuits-Saint-Georges, en territoire éduen – ou en Aquitaine, dont le seul représentant a été fouillé à Bordeaux (Mouraire, 1997 ; Gaidon-Bunuel, 1991). En revanche, ce type de bâtiment est mieux documenté dans l’est des Gaules, en Belgique et en Germanie supérieure. Il apparaît, pour les provinces mentionnées, à partir du milieu du iie s. (Dubois, 2012, p. 429). Alors que le mithraeum de Lillebonne n’est pas daté, celui d’Angers a manifestement été fondé dès la seconde moitié du iie s. (Brodeur dir., 2014, vol. 1, p. 118-135 et p. 317-324). Les vestiges de son premier état, peu connus, ont été en grande partie oblitérés lors de sa reconstruction, située vers le milieu du iiie s. Celle-ci a vraisemblablement été réalisée en plusieurs étapes, dont l’ultime – qui est évidemment la mieux renseignée – correspond à l’édifice présenté supra. Enfin, à Septeuil, le remplacement du nymphée par un mithraeum est plus tardif : de premiers foyers sont allumés dans ce bâtiment, probablement en ruines, entre 340 et 350, marquant peut-être le début de sa transformation en sanctuaire consacré au culte de Mithra. Le réaménagement définitif de l’édifice n’intervient cependant qu’aux alentours de 355-360 (Gaidon-Bunuel, 2000, p. 200 et p. 208).
1.1.2.2. Architectures et rituels : orientation et équipements des temples
126Au-delà de la variété de formes que le classement proposé supra a mis en évidence, un grand nombre de temples, quel que soit le type auquel ils sont rattachés, partagent certains traits communs qui montrent que les architectures et leurs aménagements s’adaptent aux rituels et répondent à certains impératifs religieux. À ce titre, deux points, en particulier, méritent réflexion : d’une part, l’orientation des édifices de culte et, d’autre part, les deux types d’équipement que l’on retrouve régulièrement au sein des cellae ou des galeries périphériques – les foyers et les vestiges des statues de culte et de leur support.
Des temples généralement tournés vers l’est
127L’orientation de l’accès principal du temple a pu être déterminée avec certitude pour 100 édifices – mithraea exceptés (cf. supra, type E). De fait, la reconnaissance d’un porche, d’un vestibule ou d’un escalier, ou parfois le seuil d’une porte, permet de localiser sans réserve l’entrée d’une aedes, en particulier lorsqu’elle a été définie comme étant de type A1b, A1c, A2b, A2c, A3b, B1b, C ou D. En outre, pour 121 bâtiments de culte supplémentaires, la disposition de leur entrée majeure peut être supposée en faveur de leur position au sein de l’aire sacrée – lorsqu’ils sont situés en fond de cour ou qu’ils sont précédés d’une paire d’édicules, encadrant manifestement l’allée qui y conduit depuis la porte du sanctuaire. Il existe sans doute des temples dotés d’accès secondaires, souvent non identifiés, à l’exception du double édifice de plan centré fouillé au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, B et C ; Bertaudière et al., 2019, p. 471-474). Néanmoins, ces accès mineurs – qui ne devaient toutefois pas exister pour les édifices sur podium – ne sont jamais mis en valeur par une architecture particulière, puisque les porches et les escaliers identifiés sont systématiquement présents sur une seule façade du bâtiment, et non plusieurs.
128De manière générale, la façade principale du temple fait face à l’est ou, éventuellement, au nord-est, à l’est-nord-est, au sud-est ou à l’est-sud-est (fig. 57). Les exceptions, au nombre d’une quinzaine (soit moins de 1 % des cas étudiés), restent tout à fait anecdotiques et peuvent parfois être expliquées par la topographie des lieux ou par la proximité de constructions qui auraient polarisé la position de l’entrée de l’aedes. Ainsi, à Auvers-le-Hamon (S.26), les vestiges de deux temples juxtaposés, dotés d’un porche ou d’un escalier appuyé contre leur façade occidentale, prennent place sur le versant occidental de la vallée de l’Erve ; la présence, étonnante, d’accès « occidentalisés » pourrait s’expliquer par la topographie : les temples sont accessibles depuis le sommet du coteau (Gautier et al., 2019, p. 270). Sur le site de l’Hôtellerie à Corseul (S.135), un petit temple est installé dans l’angle oriental d’un enclos qui se prolonge largement au-delà de l’emprise des sondages qui y ont été conduits (Ferrette et al., 2005). Son entrée semble tournée vers le nord-ouest, où un empierrement stabilise sans doute ses abords, et l’on peut supposer qu’elle est dirigée vers autre aménagement installé au centre de l’enceinte (cf. infra, 3.1.2.3). Un dernier exemple, celui de Pussigny (S.244), montre également que l’environnement du sanctuaire doit être pris en compte pour comprendre l’orientation du temple – ici, à l’ouest-sud-ouest –, ainsi que la position de l’entrée de l’aire sacrée, qui est alignée sur l’axe de ce dernier (Coutelas et Hauzeur, 2017). De fait, la proximité immédiate, à l’est, d’une nécropole protohistorique, dont les tertres les plus monumentaux pouvaient être encore perceptibles durant l’époque romaine et entraver la circulation, a probablement été déterminante lors de l’implantation du lieu de culte. Par ailleurs, l’existence d’une concentration de bâtiments à une soixantaine de mètres à l’ouest a aussi pu présider au choix de son orientation, tout à fait singulière (cf. infra, 3.2.3.3).
Figure 57 : Orientation de l’entrée principale de 221 temples, qu’elle ait été identifiée avec certitude (pour 100 d’entre eux) ou supposée à partir de la position du temple au sein de l’aire sacrée (pour 121 autres).

Réal. S. Bossard.
129Il arrive parfois que l’orientation du temple et celle du péribole qui l’encadre divergent, l’écart étant de quelques degrés ou parfois plus important ; c’est le cas à Sylvains-les-Moulins (S.76), Jouars-Pontchartrain (S.127, A), Lestiou (S.110) ou encore à Authevernes (S.253). Pour ces exemples, la différence observée peut s’expliquer par la volonté d’orienter strictement l’entrée du bâtiment de culte vers l’est, tandis que la définition des limites du péribole a certainement dû respecter d’autres contraintes liées à l’environnement proche – la trame d’une agglomération à Jouars-Pontchartrain et des parcelles agricoles préexistantes sur les autres sites ? L’importance d’ouvrir le temple à l’est transparaît aussi à Pouillé (S.243) : sa porte fait face à ce point cardinal, alors que le sanctuaire a été établi en bordure orientale d’une rue et que les accès à son aire sacrée s’effectuent donc depuis sa façade occidentale (Bourgeois, 1982).
130L’exposition quasi systématique de l’entrée du temple vers l’orient n’est pas spécifique au territoire étudié, puisque cette caractéristique a aussi été mise en évidence dans les sanctuaires des autres provinces gauloises (Cabuy, 1991, p. 64-66 ; Doulan, 2008, vol. 1, p. 121 ; Mitton, 2008, p. 25 ; Fauduet, 2010, p. 122). Contrairement aux principes énoncés par Vitruve (De l’architecture, IV, 5, 1), suivis aussi par Hygin et Frontin, qui préconisent que l’aedes soit dirigée vers le couchant – norme qui, d’ailleurs, ne semble guère avoir été respectée à Rome même (Cazanove, 2020, p. 170) –, l’orientation vers le levant constitue donc une règle à laquelle ne dérogent que de rares exemples. Cette préférence tire sans aucun doute ses origines d’une tradition plus ancienne, en vigueur dès le second âge du Fer : d’une manière générale, l’entrée des enclos à rituels préromains est également située sur leur façade orientale (Brunaux et Malagoli, 2003, p. 20 ; Poux, 2008, p. 13 ; cf. supra, 1.1.1.1) et les plus anciens bâtiments qui peuvent être identifiés à des temples, datés de la fin du second âge du Fer ou de la période augustéenne, à l’image de celui de Saint-Martin-de-Boscherville (S.87, A1 ; cf. supra), présentent aussi une entrée dirigée vers ce point cardinal et le soleil levant.
Cellae et galeries périphériques : deux espaces aux fonctions distinctes
- 23 Néanmoins, pour cet exemple éloigné des provinces gauloises, le bâtiment de culte et le portique on (...)
131En Gaule romaine, les deux principales composantes du temple, la cella et la galerie périphérique, constituent deux entités distinctes, mais souvent complémentaires – à l’exception des édifices des familles A, D et E. Leurs différences sont parfois accentuées par la surélévation du niveau de sol de la cella (cf. supra, 1.1.2.1, notamment le type B1) et par une ornementation plus soignée de celle-ci, à laquelle sont parfois réservés les décors plaqués ou les peintures polychromes. La fonction et le statut de ces deux espaces ne sont pas les mêmes, comme peut l’illustrer un passage souvent commenté d’une lettre de Pline le Jeune à l’architecte Mustius (Lettres, IX, 39), à qui il commande la restauration d’un temple de Cérès bâti sur ses terres en Italie, « pour l’usage de la déesse », et l’adjonction d’un portique, « pour l’usage des visiteurs »23. Ainsi, tandis que la cella correspond au domaine de la divinité, la galerie des temples des Gaules romaines a manifestement été fréquentée par les dévots, qui peuvent approcher au plus près la résidence du dieu ou de la déesse et l’honorer tout en étant abrités du soleil et des intempéries (Scheid, 1996, p. 254 ; Van Andringa, 2017a, p. 110 et p. 121). La circulation répétée des hommes au sein de la galerie, qu’elle soit parée d’une colonnade ou close par des murs est d’ailleurs confirmée par les données archéologiques, notamment l’usure des sols, et montre bien l’importance cruciale de cet espace périphérique au sein des pratiques rituelles des Gaules romaines. Si, à l’échelle des cités considérées, aucun graffito transcrivant un message faisant référence à un acte religieux ne paraît avoir été gravé sur les murs extérieurs de la cella des temples (Van Andringa, 2017a, p. 121), et que le mobilier découvert au sein de la galerie est globalement peu abondant (cf. infra, 2.1.2.1), l’examen du monument du Haut-Bécherel, à Corseul (S.134, A), révèle que cet espace a été particulièrement fréquenté. Directement accessible depuis le grand portique frontal du sanctuaire, le déambulatoire qui circonscrit la cella de plan polygonal est doté d’un sol bétonné qui est tassé par endroits, témoignant de passages répétés, mais aussi de l’installation de plusieurs supports pesants, alignés le long du mur occidental (Provost et al., 2010, p. 208). À l’instar des deux exèdres nichées dans les angles de la galerie périphérique, ces éléments disparus sont certainement liés, d’une manière ou d’une autre, aux pratiques cultuelles, que l’on admette ou non que des rites circumambulatoires aient eu lieu autour de la cella des temples des Gaules, malgré l’absence évidente de preuves pour l’époque romaine (Gros, 2011, p. 202 ; Van Andringa, 2017a, p. 110). En tout état de cause, ces supports ont pu accueillir des statues – images divines ou impériales ? (Van Andringa, 2000 b, p. 40) –, ou bien avoir servi de réceptacles pour des offrandes. De même, certaines petites pièces de plan carré ou rectangulaire, accolées à la galerie périphérique ou à au vestibule des temples de Cracouville, au Vieil-Évreux (S.78, A1), de Tournai-sur-Dive (S.149, A) ou de Pannes (S.220, A), ainsi que l’abside ouvrant à l’arrière de la galerie de l’édifice de Saint-Denis-du-Maine (S.38, A), ont probablement été destinées à mettre en valeur d’autres statues, ou à accumuler des objets offerts à la divinité, dont il ne reste aucune trace (cf. supra, fig. 35 et 36).
132Cependant, les aménagements identifiés à l’intérieur de la cella ou de la galerie périphérique des temples restent peu nombreux et, généralement, ils peuvent être rattachés à deux types d’équipements : d’une part, à la présence de l’image de culte trônant dans la cella et, d’autre part, à des foyers installés sur le sol de cette dernière ou bien du déambulatoire.
133Si l’on excepte les deux reliefs mithriaques, représentant, suivant un modèle standardisé, Mithra sacrifiant le taureau (cf. supra, 1.1.2.1, E et infra, fig. 335), dont plusieurs fragments ont été mis au jour au sein du spelaeum d’Angers (S.2 ; environ 1,20 m de haut) et de Septeuil (S.122 ; plus de 1,50 m de haut), un seul temple a livré avec certitude l’image de culte – fragmentaire – qui trônait au sein de sa cella. Il s’agit d’un modeste édicule de plan quasi carré, d’une surface interne d’environ 2 m², installé dans un téménos dépendant d’un établissement rural fouillé à Saint-Patrice (S.247 ; Guiot, 2003, p. 153-154). La partie inférieure d’une statue de culte en pierre, brisée, a été découverte dans une fosse creusée au fond de la cella, contre son mur occidental (fig. 58). Conservée sur 0,38 m de haut, elle représente une divinité de sexe indéterminé, assise dans une niche ou dans un édicule flanqué de colonnes. Ses jambes sont couvertes d’un long vêtement qui descend jusqu’à ses pieds, qui semblent chaussés ; la statue est brisée à hauteur des genoux et devait mesurer, à l’origine, près d’un mètre de haut.
Figure 58 : Base de la statue de culte d’une divinité indéterminée découverte dans un édicule de la villa de Tiron à Saint-Patrice (Indre-et-Loire). In Guiot, 2003, p. 156, fig. 25 et (dir.), 2003, p. 77, ph. 33.

134Le socle en pierre qui recevait l’image divine a été conservé, in situ, dans deux temples dont les vestiges ont été exhumés il y a plus d’un siècle : à Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74, A ; 2,40 × 1,60 m), où il est encadré par des degrés revêtus de marbre (Poulain, 1915, p. 52), et à Carnac (S.272, A), simple bloc de tuffeau parallélépipédique (0,68 × 0,68 × 0,08 m), mouluré sur trois faces et scellé au sol (Miln, 1877, p. 134). Parmi les explorations anciennes, la fouille des temples de la Butte des Buis à Beaumont-le-Roger (S.44, A) et d’Orival (S.267, A) a aussi permis d’identifier un support maçonné installé au fond de la cella, en forme de π pour le premier et peut-être dédoublé, pour accueillir deux statues, pour le second (Deglatigny, 1927, p. 14 et p. 31). Plus récemment, à Jouars-Pontchartrain (S.127), c’est une base maçonnée de plan carré, dont la surface est enduite d’une peinture rouge, qui a été identifiée au centre du temple A2 (Blin, 2000, p. 101). Aux abords du socle maçonné de la statue de l’une des deux cellae du temple monumental de Genainville (S.260, A2), le sol bétonné est incrusté de petits galets alignés, tandis qu’une grande niche, aménagée dans le mur occidental, devait mettre en valeur l’image de culte, sans doute de haute taille, placée à quelques décimètres au-devant (Mitard, 1993, p. 90-94). Par ailleurs, un espace dallé, mesurant près de 1 m de côté, distingue l’emplacement de la statue divine de la cella de Louviers (S.264, A) du reste du sol, simplement composé de marne pilonnée (Vesly, 1909, p. 28). À Rouen (S.268), le socle maçonné, constitué de moellons et de briques, était probablement accolé au mur occidental de la cella, tandis qu’au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, B, C et D), les trois temples de plan quadrangulaire de la fin du ier s. de n. è. sont équipés d’un support, encadré par trois murets, également appuyé contre le mur du fond de leur pièce centrale (Lequoy et Guillot, 2004, p. 79-80 ; Bertaudière et al., 2012, p. 110-111). Un massif maçonné, adossé au mur ouest de la cella du premier état du temple du Havre (S.84, A), a sans doute aussi assuré la fonction de podium pour la statue de culte, malgré son étroitesse, tandis qu’à Saint-Martin-au-Val, à Chartres (S.101, I), l’espace surélevé au fond de la probable cella, formant une bande large d’environ 2,20 m et d’une hauteur inconnue, constitue un aménagement similaire, mais bien plus grand (Lachastre, 1967 ; Bazin et al., 2019, p. 128-134).
135Toutefois, le plus souvent, il ne reste – au mieux – que les fondations du support de la statue de culte qui, dans certains temples modestes, ne nécessitait probablement pas d’être profondément ancré et n’a donc laissé aucune trace. Il s’agit alors d’une fosse de plan carré ou, plus fréquemment, elliptique, comblée ou non de moellons, parfois liés au mortier et accompagnés de débris de tuiles de gros module, à l’image des structures observées au centre ou au fond des cellae des temples de Neuville-sur-Sarthe (S.18, J ; Guillier dir., 2020, p. 123-127), d’Entrammes (S.31, A ; Naveau, 1982, p. 30), de Guichainville (S.62, B ; Guillier et Lourdeau dir., 2006, p. 149-152), de Saint-Martin-des-Entrées (S.82, A ; Paez-Rezende et Adrian, 2014, p. 260), du Havre (S.84, A, second état ; Lachastre, 1967), de Richebourg (S.118, A et D ; Barat, 1999, p. 125 et p. 145), de Corbeilles (S.206, A ; Poitevin dir., 2007, p. 97), de Pannes (S.220, C ; Renard et David dir., 1997, p. 34), de Chanceaux-sur-Choisille (S.239, A ; Hascoët et Rialland dir., 1993, p. 35), d’Épiais-Rhus (S.257, A ; Simon et Lemoine, 1972, p. 70), de Genainville (S.260, A1 et A2 ; Mitard, 1993, p. 90-94), ou encore de Vannes (S.278, A2 ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, p. 13-17). Des anomalies perceptibles sur des images aériennes, au sein de la cella, renvoient sans doute à des structures similaires, tel qu’à Vaas (S.25, A ; Gautier et al., 2019, p. 241) ou à Jouy-sur-Eure (S.65, A ; Provost et Archéo 27 (dir.), 2019, p. 464). L’empreinte d’un élément disparu, en bois ou en pierre, observé au centre de ces fondations, tel qu’à Richebourg (S.118, D ; Barat, 1999, p. 147) ou à Genainville (S.260, A1 ; Mitard, 1993, p. 43-46) suggère que les pierres calaient directement le socle de la statue, alors que celui-ci devait plutôt reposer sur le radier formé par les moellons ou les débris de terre cuite architecturale dans les autres cas.
136Enfin, un support en bois, plutôt qu’une base de statue en pierre, a pu être restitué à l’intérieur de deux modestes édifices de culte. L’un, hypothétique, localisé à Mondeville (S.147, C), correspond à une simple cella dont le sol est tapissé de plaquettes de calcaire. Plus ou moins au centre de l’édifice, une couche de terre noirâtre, dont l’emprise dessine un rectangle (1,50 × 1,20 m), repose sur ce revêtement. Elle semble résulter de la décomposition d’un cadre ou d’un support composé de pièces de bois (Besnard-Vauterin dir., 2009, p. 168-169). L’un des états du temple de la place des Épars à Chartres (S.100, C3) est également doté d’une structure rectangulaire en bois (1,80 × 0,80 m), accolée au mur occidental de la cella ; en témoignent quatre petits trous de poteau qui devaient servir d’ancrage à un socle de bois, construit au fond de la pièce (Joly dir., 2010, p. 131).
137La disparation quasi systématique des statues de culte, comme de leur support, témoigne de leur récupération et de leur recyclage probable, qu’elles soient en pierre ou en métal, au même titre qu’une grande partie du décor architectonique – colonnes, entablement, etc. – que l’on ne retrouve généralement qu’à l’état de fragments épars. Néanmoins, il faut aussi évoquer l’hypothèse d’effigies divines en bois, qui n’auraient laissé aucune trace, notamment pour les édifices de culte les plus modestes, comme l’évoque Pline au sujet du temple de Cérès bâti sur l’un de ses domaines (Lettres, IX, 39).
La question des foyers aménagés au sein des temples
138L’autre type de structure que l’on retrouve à plusieurs reprises à l’intérieur des temples est le foyer, aménagé soit au sein même de la cella, soit dans un ou plusieurs secteurs de la galerie périphérique – et qui est parfois identifié, aussi, à l’extérieur des bâtiments de culte, ainsi que dans les mithraea (cf. 1.1.2.1 et 1.1.5.3).
139Une série de cellae de plan carré ou rectangulaire (types A1a et A2a), datées des décennies qui ont immédiatement précédé et suivi le changement d’ère, se caractérise par la présence d’un foyer établi grosso modo en leur centre (cf. supra, fig. 28) : cette configuration est attestée pour les édifices A1 et A2 de Saint-Martin-de-Boscherville (S.87 ; ph. 1 et 2 ; Le Maho, 1995), A1 et peut-être B de Macé (S.196, ph. 1 et 2 ?; Leclerc, 2007b), A1 de Vannes (S.278, ph. 2-3 ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, p. 8-13), ainsi que B1 et C1 de Bennecourt (S.254, ph. 2-3 ; Bourgeois dir., 1999, p. 36-42). À Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2 ; Guillier dir., 2020), au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, ph. 1 ; Bertaudière, 2015, p. 64-66), à Bû (S.99, ph. 1 ; Fauduet, 1988, p. 5-8) et à Authevernes (S.253, ph. 2 ; Michel et al., 2014, p. 199), les vestiges de structures similaires, mis au jour à l’emplacement d’un ou de plusieurs temples plus tardifs, laissent penser qu’un premier état de ces bâtiments de culte, non identifié, a pu exister et les abriter, à moins que les feux n’aient brûlé à l’extérieur de toute construction.
140Ces structures de combustion ont souvent connu plusieurs états. Plusieurs d’entre elles, tels les plus anciens foyers de Bennecourt et peut-être ceux de Neuville-sur-Sarthe, ont été allumées directement sur le sol de la pièce. N’en témoignent alors que des traces de rubéfaction ayant marqué la surface du sol ; de tels stigmates ont certainement disparu dans nombre de cas pour lesquels les niveaux d’occupation ne sont pas conservés. Les foyers reconnus à Saint-Martin-de-Boscherville, quant à eux, sont installés dans une cuvette creusée dans le sol, tandis que les structures les plus récentes de Bennecourt, ainsi que celles de Bû et de Vannes, sont constituées d’une plaque quadrangulaire en argile. Celle-ci est relativement grande, à Bû ou à Bennecourt (environ 1 m de côté), où elle est d’ailleurs encadrée par quatre planches de bois. Des trous de piquet, observés à proximité du premier foyer de Saint-Martin-de-Boscherville et peut-être aussi à Bû, témoignent de possibles structures en bois aménagées à leurs abords, peut-être en guise de pare-feu. Les rejets cendreux ont été manifestement enfouis à proximité, dans de petites fosses (Bennecourt, ph. 2), ou ont pu avoir été rejetés le long des parois de la cella ou évacués par sa porte (Saint-Martin-de-Boscherville, A1).
- 24 L’auteur ne précise toutefois pas si elles ont été passées au feu (Bourgeois dir., 1999, p. 38).
141Que brûlait-on dans les flammes de ces foyers ? Les traces parfois subtiles de ces structures n’aident guère à le savoir. Néanmoins, quelques esquilles d’os de faune, consumées par le feu, proviennent des édifices de Vannes et de Saint-Martin-de-Boscherville, où des grains de blé carbonisés ont aussi été découverts. L’une des fosses de Bennecourt, qui accueille vraisemblablement les restes de la vidange d’un foyer – son comblement est charbonneux –, a livré au moins neuf fibules24, tandis que d’autres objets de parure analogues sont issus d’une autre structure de combustion, plus tardive.
142Il semble donc, à l’aune de ces divers exemples, que des structures de crémation plus ou moins pérennes ont été installées au cœur de cellae, construites en tout ou partie en matériaux périssables et datées des premières décennies de l’époque romaine. Elles ont été utilisées afin de brûler, entre autres, de la viande animale, des céréales et des fibules, que l’on peut alors interpréter comme divers types d’offrandes sacrifiées aux divinités (Van Andringa, 2017a, p. 105). Il est intéressant de noter que ces aménagements destinés à la combustion semblent avoir précédé l’installation des premières statues de culte, à moins d’envisager que des effigies en bois, n’ayant laissé aucune trace, aient été dressées à l’arrière de ces premiers autels qui, contrairement à ceux des générations suivantes, sont disposés à l’intérieur même du temple. De fait, à Bennecourt, Saint-Martin-de-Boscherville et Macé, les foyers ne sont pas localisés au centre même de la cella, mais sont décalés vers l’est, libérant un espace contre son mur occidental, peut-être occupé par une statue. Néanmoins, cette position excentrée pourrait aussi être expliquée par la nécessité de rapprocher le feu de la porte de l’édifice, pour une meilleure évacuation de la fumée. D’ailleurs, à Rome, le temple où brule continuellement le feu de Vesta était a priori dépourvu de toute statue de culte, « Vesta ni le feu [n’ayant] d’image » (Ovide, Les Fastes, VI, 295-304).
143Au sein du territoire considéré, aucune structure de ce type ne semble avoir été aménagée au sein des bâtiments des sanctuaires antérieurs à la conquête romaine. Comme l’a souligné L. Bourgeois (1999, p. 172-173), l’apparition de plateformes de crémation, souvent abritées par un édifice pourvu d’une simple cella, au cours de la période augustéenne ou, peut-être, dès les années qui l’ont précédée, a été reconnue dans de multiples sanctuaires des Gaules, que ce soit à Gournay-sur-Aronde (Oise), Mouzon (Ardennes), Naix-aux-Forges (Meuse) ou encore à Antigny (Vienne). Elle témoigne du rôle accru du feu, lors de ces décennies, dans la chaîne des rituels. Il est d’ailleurs possible que les multiples fragments de plusieurs plaques foyères – au moins six – mis au jour au cœur du sanctuaire de Juvigné (S.36, ph. 1), au sein d’un niveau formé, sans plus de précision, entre La Tène finale et les années 10 de n. è., relèvent de ce même phénomène (Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 127-130). Puis, au-delà du second quart du ier s. de n. è., seuls quelques édicules de plan carré semblent avoir encore accueilli un aménagement de ce type, probablement à Criquebeuf-sur-Seine (S.256, B et C ; Vesly, 1909, p. 48-49) et, durant l’Antiquité tardive, à Macé (S.196, ph. 5, édicules D, E et peut-être G et I ; Leclerc, 2007b). L’identification de ces dernières structures à des cellae n’est toutefois pas avérée (cf. supra) et il est possible que certaines d’entre elles aient été réutilisées en tant qu’autels, ou bien pour y rassembler des restes carbonisés issus de foyers voisins.
144Enfin, un ou plusieurs foyers ont été reconnus sur le sol de la galerie périphérique de neuf temples, mais ils n’ont généralement pas pu être datés. Il est donc possible qu’une partie d’entre eux aient été utilisés tardivement, après l’abandon des bâtiments de culte, alors réoccupés de manière temporaire ou pérenne, à l’instar de ce qui a été observé à Bennecourt (S.254, ph. 7, B3), entre le dernier quart du iiie s. et la fin du ive s. (cf. infra, 6.1.1.2). Les cinq foyers établis à une date indéterminée dans la galerie du temple des Jardins du Bourg à Pithiviers-le-Vieil (S.116, A ; Salé dir., 2011, p. 153-161), les deux autres identifiés à Chênehutte-les-Tuffeaux (S.6, A ; Boisbouvier et Bouvet, 1984, p. 27) et à Richebourg (S.118, A ; Barat, 1999, p. 145) ou encore l’unique structure de ce type reconnue à Jouars-Pontchartrain (S.127, A ; Blin, 2000, p. 102), à Macé (S.196, A2 ; Leclerc, 2007 b, p. 135) – où elle est associée à des résidus vitrifiés –, ou à Montaigu-la-Brisette (S.249, A ; Coulthard et Paez-Rezende dir., 2012, p. 401-404) pourraient ainsi avoir été aménagés en dehors de tout cadre religieux, bien qu’on ne puisse le prouver. En revanche, plusieurs petits foyers successifs, non décrits, ont été mis au jour sur le sol de la galerie du second état du temple de la place des Épars à Chartres (S.100, C2 ; Joly dir., 2010, p. 131), dans le courant du iie s. ou du iiie s. de n. è., avant que celui ne soit reconstruit et donc à une période durant laquelle le sanctuaire était a priori en activité. Par ailleurs, à Entrammes (S.31, A ; Naveau, 1982, p. 31), ce sont quatre petits foyers qui ont été identifiés dans les angles du déambulatoire ; l’un d’entre eux comprend deux états, le premier établi avant la pose du sol de mortier, et le second après cette opération ; les relations stratigraphiques ne permettent pas de déterminer si les autres structures de combustion sont antérieures ou postérieures à l’édification du temple maçonné et à l’installation de ses sols. Quoi qu’il en soit, dans ces deux cas, l’hypothèse d’aménagements postérieurs à l’abandon du site ne peut pas être émise et il faut donc admettre que la galerie périphérique de certains temples a manifestement servi d’abri à des structures utilisées pour la crémation d’objets indéterminés, bien que cette pratique semble être restée anecdotique.
1.1.2.3. Origine et évolution des temples : synthèse chronologique
145Le classement des architectures révèle que les concepteurs des bâtiments de culte ont opté pour des choix très divers, que ce soit au moment de tracer leur plan, d’élaborer leur élévation ou encore de définir les techniques de construction et d’ornementation à mettre en œuvre. Ces paramètres ont aussi évolué au fil des siècles, notamment en ce qui concerne la forme des temples et les matériaux utilisés pour leur construction (fig. 59). Plusieurs étapes majeures peuvent ainsi être identifiées dans les transformations qui affectent l’architecture religieuse des cités étudiées et, plus largement, des provinces gauloises.
Figure 59 : Chronologie des différents types de temples, établie à partir des données issues des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise.

Réal. S. Bossard.
- 25 À Juvigné (S.36, ph. 1 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 55-70), Plouër-sur-Rance (S.137 ; Me (...)
146À quel moment dater l’apparition des premiers temples au sein de cette région ? L’examen des bâtiments de bois et de terre des états laténiens des sanctuaires a bien montré les difficultés à identifier un ou plusieurs édifices qui domineraient la cour des enclos préromains. Le plus souvent, une concentration plus ou moins diffuse de trous de poteau25 signale l’existence d’une ou de plusieurs constructions dont ni le plan, ni la chronologie ne peuvent être déterminés avec précision. Quant à ce qui est considéré par L. Bourgeois comme la plus ancienne structure en bois de Bennecourt (S.254, ph. 1, A), sa datation pose problème : cette construction légère, de plan quadrangulaire (environ 14 m²) et délimitée par des rangées de piquets et de poteaux, aurait abrité une fosse creusée au centre de l’enclos de la fin du iie s. av. n. è. (cf. supra, fig. 16 et fig. 60), à l’instar de ce qui a été restitué, entre autres, à Gournay-sur-Aronde, dans l’Oise (Bourgeois dir., 1999, p. 30 et p. 170-171). Toutefois, ce secteur a été perturbé par des aménagements postérieurs, datés de l’époque romaine, notamment par une fosse et une structure (E) dont le plan est en forme de π, aménagés au début du iie s. de n. è., au même emplacement et suivant la même orientation que les constructions supposées laténiennes (Bourgeois dir., 1999, p. 50-52). L’attribution du petit édifice A à la première phase du site nous semble donc incertaine, de même que celle d’une fosse centrale, dont la fonction n’est d’ailleurs pas connue – « autel creux », comme le propose l’auteur, ou bien ancrage d’un élément en bois disparu ? D’autres bâtiments datés de La Tène finale, sans qu’il soit possible de proposer un phasage plus précis, ont été identifiés au sanctuaire de la Forêterie, à Allonnes (S.249, ph. 1), et sont, comme à Bennecourt, associés à un abondant mobilier qui témoigne bien de la vocation rituelle du site dès le second âge du Fer (Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 74-76). Pour autant, ces constructions de plan circulaire ou quadrangulaire, dont les fondations correspondent à des tranchées partiellement conservées, sont multiples et avoisinent probablement d’autres bâtiments sur poteaux. Il n’est donc guère aisé de comprendre l’organisation spatiale de ce site, d’autant plus qu’il est fort probable que ces différents édifices, construits en matériaux périssables, ne soient pas tous contemporains.
Figure 60 : Proposition de restitution de la construction en matériaux périssables associée à l’enclos laténien de la Butte du Moulin à Vent à Bennecourt (Yvelines). In Bourgeois (dir.), 1999, p. 30, fig. 21.

147Ainsi, la connaissance du bâti des sanctuaires antérieurs à la conquête romaine demeure très lacunaire au sein de la zone géographique considérée. La fonction des quelques édifices avérés ou supposés n’est pas connue et aucun argument ne permet d’y voir la résidence d’une puissance divine ; l’hypothèse de temples gaulois équipés de statues de bois, récemment soutenue par M. Poux (2019), ne peut en aucun cas être confirmée ici. Les espaces cérémoniels préromains semblent bien avoir été aménagés en plusieurs étapes et ils ont peut-être été pourvus, du moins pour certains, d’édifices multiples, dont le rôle au sein des pratiques rituelles ne peut être clairement défini. Les plus anciens temples identifiables en tant que tels, auxquels succéderont généralement, tout au long de l’époque romaine, d’autres édifices de même nature, reconstruits au même emplacement, n’apparaissent manifestement pas avant le troisième ou le dernier quart du ier s. av. n. è. Composés d’une pièce unique de plan carré ou rectangulaire, ils sont construits en matériaux périssables, soit intégralement – tel qu’à Bennecourt (S.254, B1 et C1) –, ou bien partiellement, lorsque leur élévation repose sur des solins de pierre – à Bauné (S.4, A1), Richebourg (S.118, A1), Macé (S.196, A1), Bennecourt (S.254, B1 et C1) ou Vannes (S.278), et peut-être à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2-3 ?) et à Bû (S.99, ph. 1 ?) (cf. supra, 1.1.2.1, types A1/A2). Dans la plupart des cas, ces petits édifices, mesurant quelques dizaines de mètres carrés et parfois agrémentés d’un décor peint, sont équipés d’un foyer, dans lequel brûlent manifestement des offrandes sacrifiées : il est alors possible de les qualifier d’autels. En revanche, on ne sait si les divinités, dont ces petits bâtiments constituent vraisemblablement la demeure, y sont représentées physiquement, par une effigie peinte ou sculptée qui aurait été installée à proximité du feu. La construction de cellae maçonnées, succédant parfois à leurs homologues en matériaux périssables, tel qu’à Bennecourt (S.254, B2 et C2), débute au plus tôt vers 15 de n. è., du moins pour les sites les mieux datés.
148L’évolution des bâtiments de culte connaît une étape marquante autour des années 40 de n. è., ou peut-être quelques années plus tôt, notamment pour des édifices construits sur des solins de pierre, bien que les arguments manquent à l’échelle du territoire considéré. L’adjonction d’une galerie périphérique, autour d’une cella préexistante ou lors de la construction d’un nouvel ouvrage, transforme effectivement l’architecture de la plupart des temples de plan quadrangulaire (type B1). Comme l’ont souligné, avec justesse, J.-L. Brunaux (1995, p. 158) et T. Derks (1998, p. 177-183) – et leurs conclusions sont pleinement confirmées au sein des cités ici étudiées –, on ne saurait considérer les temples à cella centrale et galerie périphérique comme les héritiers directs d’un prototype celtique, malgré l’aire de répartition particulière de ce type d’architecture, qui se développe essentiellement dans les Gaules, y compris en Narbonnaise, dans le sud de l’île de Bretagne et dans les Germanies. De fait, le portique qui se déploie autour d’une pièce souvent de plan carré apparaît, au plus tôt, plus d’un demi-siècle après la conquête césarienne. Les quelques exemples de bâtiments en bois et en terre de la fin du second âge du Fer – antérieurs ou plutôt postérieurs à la conquête césarienne ? –, identifiés dans les sanctuaires des Gaules, des Germanies et de Bretagne, présentent généralement un plan quadrangulaire ou circulaire. Si une tranchée circonscrit parfois l’ensemble des trous des poteaux qui supportaient leur charpente (Poux et Fichtl, 2019, p. 456-457), on ne peut prouver qu’elle délimite bien une galerie qui encadrerait une cella centrale fermée, puisque ce type de plan est aussi caractéristique des édifices gaulois à parois rejetés, couverts par une toiture unique (Maguer et Le Gall, 2018, p. 330-337).
149Ainsi, en l’état des connaissances, le temple à cella centrale et galerie périphérique paraît bien correspondre à une création de l’époque romaine impériale, sans doute « adaptée à la redéfinition des cultes et de l’espace sacrificiel » : elle associe deux des principales composantes que l’on retrouve habituellement dans les sanctuaires du monde gréco-romain, une cella, propriété divine, et un portique, fréquenté par les dévots (Van Andringa, 2017a, p. 109-110). L’adjonction d’une galerie périphérique ne concerne pas l’ensemble des bâtiments religieux, puisque de simples cellae, de différents modules, continueront d’être construites et fréquentées tout au long du Haut-Empire, voire au-delà ; néanmoins, cette forme simple semble désormais réservée aux édifices les plus modestes. À partir du milieu du ier s. de n. è., au plus tard, il ne fait pas de doute que la statue du dieu ou de la déesse honorée trône bien au centre ou au fond de la cella, malgré sa disparition quasi systématique après l’abandon du site, tandis que les structures de combustion caractéristiques des décennies précédentes ne prennent plus place dans la pièce centrale du temple. De fait, l’autel, généralement en pierre, mais également très rarement conservé (cf. infra, 1.1.5.2), est désormais installé à l’extérieur du bâtiment de culte, dans la cour sacrée. Ces modifications, qui aboutissent donc à la formation d’un binôme composé d’un temple et de son autel, sont les témoins d’une « reformulation drastique des espaces sacrés opérée progressivement à partir de l’époque augustéenne » dans les Gaules romaines (Van Andringa, 2017a, p. 107).
150Durant la seconde moitié du ier s. de n. è., et en particulier au cours de ses deux ou trois dernières décennies, l’architecture religieuse connaît un essor sans précédent, marqué par la construction de multiples temples de plan centré et quadrangulaire, pourvus d’une galerie périphérique (Fauduet, 2010, p. 151). S’y ajoute aussi le développement de nouvelles formes, notamment des édifices abritant des cellae multiples (B2), ou bien de plan circulaire (B4), heptagonal ou octogonal (B5), très souvent équipés d’un déambulatoire. En parallèle apparaissent des bâtiments particulièrement monumentaux et originaux, dotés d’un décor opulent (C3) et, pour la plupart, dressés sur un haut podium (C1, C2, D). La construction et l’embellissement de ces derniers semblent s’être étirés sur plusieurs décennies et se poursuivent tout au long du iie s., voire au début du iiie s., tandis que l’érection de temples plus modestes n’est pas interrompue pour autant. Ainsi, après le milieu du ier s., coexistent de multiples formes architecturales, dont les dimensions et l’ornementation varient d’un édifice à l’autre ; la répartition spatiale des différents types identifiés, étendue (cf. supra, fig. 27), indique les partis architecturaux ne sont pas spécifiques à certaines cités, mais que les formules adoptées lors de la conception des temples sont souvent sélectionnées parmi une gamme préexistante de plans. Il existe néanmoins quelques formes uniques, témoins d’adaptations et de variations locales, pour des édifices monumentaux ou au contraire bien plus modestes. Les mithraea, salles de culte dont l’architecture répond à des normes particulières, liées aux pratiques religieuses des initiés qui s’y réunissent, n’apparaissent pas avant le milieu du iie s.
151Au terme de ce bilan chronologique, il apparaît que si la majorité des temples identifiés n’a pu être datée, en raison d’interventions archéologiques d’ampleur souvent limitée, les jalons posés pour les cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise concordent globalement avec les principales étapes de développement qui ont été reconnues à l’échelle des Gaules romaines. Pour autant, les architectures les plus anciennes, notamment les premiers temples en bois et en torchis, sont aussi les moins bien documentées, puisque leurs vestiges ont généralement été endommagés lors des réaménagements ultérieurs, tandis que les formes les plus monumentales sont, à l’opposé, les mieux connues.
1.1.3. Le rôle de l’eau : aménagements et parcours hydrauliques
152Comme l’a clairement mis en relief J. Scheid (1991 b, p. 209-210), l’eau est un élément fréquemment utilisé dans le cadre des pratiques religieuses du monde romain : elle sert à la purification des victimes animales et des officiants, au cours d’une ablution préliminaire – qui pouvait aussi avoir lieu en dehors du sanctuaire – ou pour le lavement répété des mains durant les cérémonies. Elle intervient aussi lors de la préparation de la cuisine destinée aux banquets sacrés et devait être indispensable pour le nettoyage des abords de l’autel, en particulier à l’issue des sacrifices sanglants.
153De fait, l’eau apparaît sous diverses formes au sein ou en bordure immédiate de plusieurs lieux de culte du centre et de l’ouest de la Gaule Lyonnaise. En revanche, elle semble absente des espaces cérémoniels du second âge du Fer, à l’exception, peut-être, du mobilier fragmenté découvert dans une ancienne zone humide reconnue à Aubigné-Racan (S.11 ; Lejars et al., 2001, p. 1). Toutefois, on ne peut être certain que le terrain était bien inondé au moment même de la formation des dépôts et que son éventuel état marécageux ait justement présidé au choix de l’emplacement du site ; le lieu de mise au rebut est d’ailleurs peut-être différent de celui où ont été manipulés, dans le cadre de rituels, les objets. En tout état de cause, de récents travaux, s’inscrivant dans le sillage des observations réalisées par Cl. Bourgeois en 1991 (p. 215), ont montré que les sanctuaires bâtis antérieurs à la conquête des Gaules par César et les rituels associés sont généralement dépourvus de tout lien avec l’élément aquatique : ils ne sont pas construits à l’emplacement de résurgences ou sur les rives de cours d’eau, et les aménagements hydrauliques y sont inexistants (Barral et al., 2015 ; Golosetti, 2015a ; Gruel, 2015 ; Vurpillot, 2016, p. 237-244). Le constat est donc le même pour les espaces sacrés des cités ici étudiées : ceux pour lesquels l’eau joue un rôle prépondérant au sein du culte, ou même secondaire, ne présentent a priori pas d’antécédent laténien.
154Au contraire, les usages de l’eau et les installations destinées à la capter, à l’acheminer, à la stocker ou à l’évacuer, se développent dès les décennies qui ont suivi la conquête romaine et restent prégnants, dans plusieurs cas, tout au long de l’Antiquité. Pour autant, d’autres lieux de culte, complètement fouillés, n’ont livré aucune structure témoignant de la présence de l’eau en leur sein : les aires sacrées des Busses à Oisseau-le-Petit (S.20), de Guichainville (S.60), de Macé (S.196) ou encore de Pouillé (S.243) en sont assurément exempts. Il ne fait néanmoins pas de doute qu’en milieu urbain, des puits ou des fontaines publiques, voire des thermes, étaient accessibles dans les environs proches. En contexte rural, la proximité d’une mare, à Guichainville, montre bien que l’accès à l’eau ne devait pas non plus poser de problème dans la plupart des cas.
155Par ailleurs, au sein des sanctuaires antiques, plusieurs dispositifs hydrauliques n’ont manifestement aucun lien avec les pratiques rituelles : il s’agit notamment des systèmes liés à l’évacuation des eaux pluviales, visant à drainer les cours sacrées, qui sont composés de caniveaux installés le long de leurs portiques ou d’un temple et qui recueillent l’eau qui se déverse de leur toiture, parfois pour les collecter dans des puisards – tel qu’à Allonnes (S.9 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 314 et p. 340), Sceaux-du-Gâtinais (S.225 ; Vilpoux, 1996, p. 117-119), Baron-sur-Odon (S.279 ; Dumons, 1961, p. 12-13 et Bertin, 1971, p. 6) et peut-être Troyes (S.235 ; Driard, 2014, p. 26). Par ailleurs, comme l’a suggéré s. Bertaudière, il faut probablement admettre que les puits installés dans la galerie qui relie les temples G et H du lieu de culte monumental du Vieil-Évreux (S.79, ph. 3), manifestement trop peu profonds pour avoir atteint la nappe phréatique, correspondent à des ouvrages inachevés ou plutôt à des puisards, malgré la profondeur importante de l’un d’entre eux (30 m) et son cuvelage partiel de dalles de calcaire (Bertaudière et al., 2019, p. 473).
156Les autres aménagements identifiés au sein des aires sacrées révèlent que les usages de l’eau sont variés ; il est possible de classer les sanctuaires qui en sont pourvus au sein de deux catégories : d’une part, les multiples espaces sacrés où l’emploi de l’eau, captée au moyen d’un puits, ou stagnant dans un bassin dont la qualité esthétique est souvent mise en avant, reste certainement limitée aux besoins liés au déroulement des sacrifices et des banquets sacrés, ainsi qu’à l’ornementation du lieu de culte ; d’autre part, un ensemble de sites où la présence de l’eau, associée à des aménagements plus ou moins monumentaux et parfois réceptacle d’offrandes diverses, constitue l’une des caractéristiques majeures du sanctuaire.
1.1.3.1. Un rôle souvent secondaire, adapté aux besoins des cultes et lié à l’agrément
- 26 À Chartres (place des Épars, S.100, ph. 3 et 4 ; J.-M. Morin, in Joly dir., 2010, p. 130), à Hérouv (...)
157Un puits a pu être identifié, mais pas systématiquement fouillé, dans les environs d’une douzaine de temples ; ce type de structure est néanmoins difficile à déceler en prospection aérienne et il est donc probable qu’un grand nombre de sanctuaires qui étaient établis à l’aplomb d’une nappe phréatique accessible en étaient dotés. Lorsqu’il n’est pas installé au sein même de l’aire sacrée, il fait partie des équipements de l’établissement privé dont dépend le sanctuaire et est alors localisé dans un autre secteur de l’habitat, tel qu’à Guichainville (S.62 ; Guillier et Lourdeau dir., 2006, p. 158) ou à Corbeilles (S.206 ; Poitevin, 2015). Parfois foré dans l’un des angles de la cour du lieu de culte26, il est au contraire situé aux abords de l’un des temples de Châteaubleau (S.204 ; Parthuisot et al., 2008, p. 55-56), ou à un point plus éloigné du cœur du site à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 2 ou 3 ; Guillier dir., 2020, p. 55), Villeneuve-le-Comte (S.164 ; Berga et Bet, 2016) et peut-être à Val-de-Reuil (S.269 ; Lukas, 2018a). Un puits reconnu au sein de la cella du temple A2 de Chelles (S.180, ph. 3 ; Charamond, 1998), dont la fouille n’a pas été achevée, présente une situation plus inattendue, bien qu’elle soit aussi attestée à la Maison Carrée de Nîmes (Veyrac, 2006, p. 111-113). Tandis que la superstructure, sans doute modeste, qui a pu abriter le puits n’est pas conservée dans la plupart des cas, il s’agit d’un petit édifice de plan octogonal à Châteaubleau (fig. 61), où cet équipement est donc mis en valeur (Parthuisot et al., 2008, p. 55-56).
Figure 61 : Bassins possibles et avérés et puits couvert de plusieurs sanctuaires du centre et de l’Ouest de la Lyonnaise.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
158Dans d’autres cas, l’eau est acheminée depuis l’extérieur du sanctuaire pour alimenter, grâce à un réseau de canalisations, un ou plusieurs bassins, ou parfois des vasques installées sur un socle. Ainsi, un support maçonné, mis au jour au sud du temple C du sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, ph. 2), constitue probablement le soubassement d’un ouvrage de ce genre, disparu, puisqu’il semble relié à plusieurs canalisations (Bertaudière et al., 2019, p. 473-474). À Chartres (S.100), durant la seconde moitié du ier s. et le début du iie s. de n. è., un modeste bassin de plan carré (1,40 × 1,40 × 0,80 m) est aménagé dans l’angle de la cour qui accueillera, au plus tard dans le courant du iie s., un petit temple de plan centré. Ses parois et son fond ont été étanchéifiés au moyen d’argile et d’un coffrage en bois et la mise en évidence, sur son pourtour, de petites fosses ou plutôt de trous de poteau régulièrement disposés, suggère qu’il était protégé par une construction en bois (Joly dir., 2010, p. 129-130). Dans d’autres lieux de culte, un bassin maçonné, de forme et de dimensions variables (fig. 61), est installé face à l’entrée du temple, dans son axe, à plus ou moins grande distance de celui-ci, à Allonnes (S.9, ph. 3 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 334-335), Aubigné-Racan (S.11, ph. 2 ; Lambert et Rioufreyt, 2006), Orléans (S.114, ph. 2 ; Verneau, 2014, p. 98-99), Sens (S.226 ; Parruzot et Laubie, 1961) et peut-être, pour deux sites reconnus en prospection aérienne, à Thomer-la-Sôgne (S.77 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 668) et à Guillerval (S.209 ; Besse, 2005, p. 324-325). Les dimensions du bassin de Sens, remarquables (84 × 9,50 m), sont à l’avenant de celle du lieu de culte, monumental ; sa forme oblongue et ses extrémités arrondies rappellent la structure d’Orléans, bien plus petite (13,65 × 4,35 m), construite vers le second quart du ier s. et captant peut-être directement l’eau du sous-sol. L’ouvrage non daté d’Aubigné-Racan (fig. 62), de taille encore plus réduite (9,40 × 4,70 m), se caractérise par un plan rectangulaire, terminé par deux hémicycles de moindre largeur. Le drainage de la cour et l’évacuation de l’eau de ce bassin sont assurés par des égouts dallés, dont le tracé a pu être suivi à l’arrière du temple et dans la moitié septentrionale de l’aire sacrée, tandis qu’une emboîture métallique, relevant d’une canalisation en bois sans doute liée à un aqueduc, a été découverte à l’ouest du temple. À Allonnes, le bassin du sanctuaire monumental (ph. 3), achevé vers 160-170, dont le système d’alimentation n’a pas été identifié, présente un plan hexagonal (fig. 63) ; il est délimité par des dalles de marbre pyrénéen et est encadré par un socle de plan carré, mesurant près de 9 m de côté, et probablement abrité par un édicule supporté par des piliers. Enfin, à Jublains (S.32, ph. 3), un probable bassin semi-circulaire, plus modeste, est accolé au quadriportique, près de son angle sud-est, et est installé à une dizaine de mètres de l’escalier d’accès du temple (Naveau et al., 1997, p. 158-160). Contrairement aux exemples précédents, le bassin maçonné identifié à Saclas (S.221 ; 2,80 × 1,50 × 1,30 m), dont le système d’alimentation n’est pas connu, prend place à une dizaine de mètres au nord-ouest du temple, probablement près de l’un des angles de l’aire sacrée ; une série de marches en pierre permet d’y descendre (Manson et Noël, 1973).
Figure 62 : Vue du bassin et du temple de Cherré à Aubigné-Racan (Sarthe) en cours de fouille. In Lambert et Rioufreyt (dir.), 1998, pl. 13.

Figure 63 : Vue du bassin hexagonal de la Forêterie à Allonnes (Sarthe), en cours de fouille. In Brouquier-Reddé et al., 2004, p. 111, fig. 3.

159Au Vieil-Évreux, sur le site de Cracouville (S.78), exploré au cours du xixe s. et dans les années 1930, les aménagements hydrauliques installés au-devant du temple (A) sont multiples et s’inscrivent dans une mise en scène qui intègre aussi deux probables petites cellae rectangulaires (B et C), l’ensemble obéissant à une symétrie dont l’axe est défini par l’édifice de culte principal (fig. 64). Deux massifs carrés (D et E ; 1,60 m de côté), constitués de dalles de calcaire et de tuiles et traversés par une rigole alimentée en eau à l’aide de canalisations en bois, semblent correspondre à des supports de vasques en calcaire ouvragé, dont plusieurs fragments ont été mis au jour à proximité (Baudot, 1936, p. 77-78 ; Lantier, 1955, n° 8328). À plus grande distance du temple, deux plateformes en silex noyés dans un mortier de tuileau (F et G ; 9 × 5 m) sont reliées par une canalisation à un petit bassin central de plan carré (H ; 1,40 m de côté), placé dans l’axe du temple, et ont probablement aussi servi de réservoir d’eau. Outre son utilisation au cours des rituels, l’élément aquatique, vraisemblablement acheminé depuis l’aqueduc qui alimente la ville du Vieil-Évreux, a manifestement aussi relevé – ici comme pour d’autres bassins, tels ceux de Sens ou d’Aubigné-Racan – de l’agrément du lieu de culte, tout en générant des jeux de reflets (Wech, 2015, p. 264).
Figure 64 : Aménagements hydrauliques du sanctuaire de Cracouville au Vieil-Évreux (Eure) : plan global des vestiges (a) et relevés de Th. Bonnin des constructions D, E et H.

Réal. S. Bossard, d’après Baudot, 1936 ; in Bonnin, 1860, « Le Vieil-Évreux », pl. XVII.
160Ces différentes structures, puits, bassins et vasques, ont vraisemblablement fourni l’eau nécessaire pour le bon déroulement du culte, mais ne semblent pas avoir fait l’objet d’immersion d’offrandes, à moins que celles-ci n’aient été régulièrement ou plus ponctuellement récupérées. Pour plusieurs de ces exemples, l’élément aquatique est mis en scène au moyen de bassins et de vasques, de formes variées, et composés de matériaux parfois de qualité, et son rôle ne se limite alors pas aux usages imposés par les rituels, puisqu’il contribue aussi à embellir l’aire sacrée. Prenant souvent place dans l’axe du temple, entre la porte principale du sanctuaire et ce dernier, le bassin a alors pu avoir été intégré aux parcours des cérémonies religieuses. Lorsque le puits ou le bassin est établi dans les environs proches de l’édifice de culte, et donc de l’autel associé, il semble logique de considérer que l’eau a été utilisée dans le cadre des rites sacrificiels. La purification préalable, à laquelle se livrent les officiants, a aussi pu avoir lieu, dans plusieurs cas, au sein de thermes localisés à proximité de l’aire sacrée. De modestes édifices balnéaires ont ainsi été reconnus à proximité de temples intégrés à des villae, tandis qu’en ville, les établissements publics sont généralement situés, tout au plus, à quelques centaines de mètres des principaux lieux de culte (cf. infra, 3.2.2.1 et 3.1.3.1).
161Signalons aussi la découverte, à Jublains (S.32, ph. 3), d’un dispositif, aménagé près de l’entrée du sanctuaire périurbain, qui a aussi pu assurer le rôle de delubrum, c’est-à-dire de lieu localisé à proximité d’une aire sacrée, utilisé par les sacrifiants pour se purifier avant qu’ils ne rejoignent l’autel (Scheid, 1991 b, p. 209). Un bâtiment, accolé à l’angle sud-est du péribole, y renferme un bassin rectangulaire (5 × 3,70 m). Construit au plus tôt en 120 de n. è., peut-être durant le chantier de monumentalisation du lieu de culte, il est chauffé au moyen d’un hypocauste à partir de la fin du iiie s. ou le début du ive s. L’aménagement hydraulique a été installé au droit d’un regard aligné avec une maçonnerie qui traverse le portique méridional, possible soubassement d’un petit canal, en bordure duquel existe un puits ; l’eau a ainsi pu avoir été recueillie dans le puits et versée dans le canal pour alimenter ensuite le bassin chauffé. Les propriétés drainantes du sol et du sous-sol de la cour, installée sur un terrain dépourvu d’alimentation naturelle en eau, ont été exploitées afin de pouvoir remplir ce puits et, donc, le bassin voisin. De fait, une canalisation maçonnée, voûtée et souterraine, prend naissance à l’angle sud-est du temple, où s’accumulent les eaux d’infiltration du podium, pour aboutir au puits. Comme l’a souligné P. Wech, « la canalisation maçonnée provenant des fondations du temple devait donner l’illusion que celui-ci abritait une source dans ses soubassements » : la ressource naturelle, absente à l’origine, est ici simulée (Naveau et al., 1997, p. 155-163 ; Wech, 2015, p. 262-263).
1.1.3.2. L’élément aquatique au cœur des rituels : des « sanctuaires des eaux » ?
162Dans la majorité des lieux de culte dotés d’un accès à l’eau, cette dernière a donc été acheminée ou directement captée, grâce à un système de puisage depuis une nappe profonde et invisible, lorsqu’elle n’était pas simplement collectée du ciel. Cependant, elle est parfois accessible en surface, sous la forme d’une résurgence ou d’un modeste cours d’eau, au sein de sanctuaires que l’on a choisi d’aménager à ses abords. Il faut alors envisager que sa présence a pu avoir été un facteur déterminant au moment de l’implantation de l’aire sacrée. Interprétée dans l’Antiquité, du moins dans certains cas, comme l’œuvre et le lieu de résidence d’une divinité (Scheid, 2008 b, p. 627-628), elle fait ici l’objet d’aménagements divers et est parfois mise en valeur par des architectures monumentales, tandis qu’un ou plusieurs temples peuvent avoir été bâtis à proximité immédiate. Ce dossier rassemble une demi-douzaine de sanctuaires avérés ou hypothétiques, souvent partiellement explorés ; chacun d’entre eux présente une configuration qui lui est propre et le rôle et l’importance de l’eau semblent avoir varié d’un site à l’autre.
163Au sein des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise, au moins quatre sites, auxquels peuvent être ajoutés d’autres exemples plus incertains, ont été aménagés autour – ou à proximité immédiate – d’une ou de plusieurs résurgences. En territoire sénon, le monument de Montbouy (S.217 ; Dupuis, 1861 ; Langalerie, 1862 ; Kisch, 1997), édifié dans un méandre du Loing, se compose d’une grande cour bipartite (71 × 61 m) et encadrée de portiques, sur lesquels se greffe une construction de plan octogonal, installée au milieu de la galerie méridionale (fig. 65). D’un diamètre d’environ 25 m (soit 545 m²), cet espace – probablement non couvert et agrémenté d’enduits peints polychromes, de colonnettes engagées et peut-être de mosaïques – accueille, en son centre, un bassin de plan circulaire, d’environ 7 m de diamètre et d’une profondeur de 1,60 m. Accessible par une série de marches, ce dernier a été construit à l’emplacement d’une source, qui jaillit dans un compartiment triangulaire en pierre aménagé en son fond. Une canalisation prend naissance au niveau du bassin de captation de la source et alimente un second aménagement du même type, situé à l’extérieur, au sud-ouest de l’espace octogonal ; il est intégré à un bâtiment de plan rectangulaire, d’environ 13 m de côté, accessible par quatre entrées et pourvu d’un sol dallé, ainsi que de murs parés de colonnettes engagées. Enfin, un troisième bassin, tapissé de pierres de taille, plus petit (1,20 m de côté pour 0,60 m de profondeur) et mal documenté – il ne figure pas sur le plan –, pourrait avoir servi d’intermédiaire entre les deux premiers. Les deux principaux bassins ont livré un abondant mobilier, que l’on peut en tout ou partie interpréter comme des offrandes (cf. infra, chapitre 2) : des monnaies – au moins 198, essentiellement émises entre les règnes d’Auguste et de Claude, dans le bassin circulaire –, des tessons de céramique, des fragments de figurines en terre cuite et une dizaine de sculptures anthropomorphes en bois. Néanmoins, on ignore la fonction d’une grande part des composantes du monument, a priori dépourvu de temple et dont la construction est sans doute plus tardive que la déposition des premières monnaies. L’organisation spatiale de cet édifice monumental est d’ailleurs similaire à celui du Moulin du Chemin à Triguères (S.230), également situé au sein de la cité des Sénons, au bord de la rivière Ouanne, malgré le peu de données réunies au sujet de ce second site, exploré uniquement au milieu du xixe s. (Boutet de Monvel, 1863, p. 149-152 et pl. 7). Bâti à une vingtaine de mètres au nord d’une source, dont on ne sait si elle était déjà exploitée durant l’Antiquité, il se compose également de deux cours (au total, 100 × 60 m), dont l’une pourrait renfermer un temple et un bassin, sans certitude toutefois.
Figure 65 : Plan de sanctuaires aménagés à l’emplacement d’une source.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
164Les aménagements hydrauliques et le cadre architectural du sanctuaire véliocasse de Genainville (S.260) (fig. 65) sont mieux documentés (Mitard, 1993 ; Vermeersch, 2012). Implanté au fond d’un vallon, il succède à une nécropole protohistorique (cf. infra, 4.2.2). Les plus anciens vestiges attribués à l’époque romaine (ph. 1) comprennent notamment une mare sommairement aménagée à l’aplomb d’une résurgence de la nappe phréatique. Le matériel associé, découvert sur ses berges, est caractéristique de la période augustéenne ou du début du règne de Tibère ; il se compose de céramiques, de deux fibules, d’une vingtaine de monnaies gauloises et deux monnaies à l’autel de Lyon, frappées sous Auguste. L’abondance du numéraire et la présence de quelques objets de parure, vraisemblables offrandes, suggèrent que le lieu de culte est fondé dès les alentours du changement d’ère, mais on ne sait quasiment rien de sa prime structuration, si ce n’est qu’au moins un point d’eau capte la nappe phréatique. Un premier temple en pierre (A1) est construit, dans une aire enclose par un péribole, vers le milieu du ier s. de n. è. (ph. 2). Il est ensuite remplacé, à partir de la seconde moitié du iie s. (ph. 3), par un édifice de culte monumental (A2), renfermant une double cella et complété par un ou deux autres édicules (E et G ?). En parallèle de ces transformations, une série de bassins bordés de pierres de taille est progressivement aménagée et restructurée à proximité du temple principal ; deux d’entre eux (B1 et C) sont directement alimentés par l’aquifère souterrain, alors que le troisième (D) est rempli grâce à un tuyau de bois relié aux précédents ; chacun d’eux est accessible par un escalier (fig. 66), dont les marches sont particulièrement usées pour le bassin C, témoignant de passages répétés. Lors de la monumentalisation du temple (état A2), le bassin B est également agrandi en direction du nord (état B2) et est désormais encastré dans le mur méridional du bâtiment de culte, où il est couvert par une voûte ; l’eau jaillit du mur du fond, orné de la représentation sculptée, en relief, d’un couple de personnages divins ou mythologiques, et semble ainsi provenir du soubassement du temple. Des vasques et des statues en ronde-bosse, dont les fragments ont été découverts dans les bassins (cf. infra, 2.2.2.1), ont sans doute agrémenté leurs abords, dans un cadre qui n’est pas connu ; deux sculptures représentent d’ailleurs des femmes dévêtues, probables nymphes, qui sont associées à d’autres personnages. Enfin, plus tardivement, un quatrième bassin (F) est construit vers la première moitié du iiie s., à une dizaine de mètres à l’ouest du temple A2. Seul le bassin B2 a livré un nombre important de monnaies (99), témoignant du jet d’espèces principalement tardives, frappées au iie s. et surtout aux iiie s. et ive s., tandis que ce type d’objet, comme les autres catégories de mobilier, est peu présent au fond des autres ouvrages.
Figure 66 : Vue d’un bassin (D) du lieu de culte des Vaux-de-la-Celle à Genainville (Val-d’Oise) en fin de fouille. In Mitard, 1993, p. 295, fig. 20.

- 27 Cl. Bourgeois (1992, p. 107-112) a bien montré que ce terme est utilisé dans la littérature moderne (...)
165Dans la cité des Carnutes, l’édifice bâti à l’aplomb d’une source à Septeuil (S.122, ph. 1), qualifié de « nymphée »27 depuis sa découverte et sa fouille (1984-1988), relève peut-être d’un ensemble plus vaste (Gaidon-Bunuel, 2000, p. 196-200). De fait, durant le Haut-Empire – le bâtiment a vraisemblablement été construit vers la fin du ier s. ou au début du iie s. de n. è. et a été entretenu jusqu’à la seconde moitié du iiie s. –, il avoisine d’autres constructions peu documentées, dont un grand édifice, à l’est, distant de quelques mètres seulement, pourvu d’un soubassement en pierres de taille et de colonnes, ainsi qu’un vraisemblable bassin maçonné. La construction qui abrite la source (fig. 65) s’inscrit dans un rectangle arrondi sur sa façade septentrionale (environ 15 × 10 m). Sa moitié méridionale est semi-enterrée, car elle entaille le flanc du coteau ; au nord, en revanche, au-delà de deux accès latéraux et d’un caniveau, l’édifice est pourvu d’une colonnade qui encadre un bassin de plan octogonal (environ 3,50 m de côté), couvert de marbre blanc et alimenté directement par la résurgence. L’excès d’eau peut s’écouler par un caniveau entaillant le dallage et franchissant un troisième accès, situé au nord du bassin. Par ailleurs, une niche, aménagée dans la partie haute du mur méridional, dans l’axe de symétrie du bâtiment, abrite un autre petit bassin, de plan rectangulaire et maçonné, ainsi que la statue en marbre blanc d’une probable nymphe allongée. L’eau provient cette fois-ci d’une canalisation découverte au sud de l’édifice ; elle pénètre le mur méridional de ce dernier et se déverse dans le bassin à travers l’hydrie que tient la nymphe, avant de rejoindre le caniveau médian de l’édifice. Le mobilier découvert dans ce bâtiment étant essentiellement lié au culte mithriaque qui s’y développe durant l’Antiquité tardive, on ignore si des monnaies sont déjà jetées – comme ce sera ensuite le cas – dans le bassin octogonal, et à quels usages est destiné le bâtiment au cours du Haut-Empire. L’hypothèse d’une résurgence mise en valeur dans le cadre de la monumentalisation d’un lieu de culte plus important peut être émise, mais il est aussi possible que cet édifice relève d’un autre type d’établissement, public ou privé, dont l’essentiel n’a pas été exploré.
166La présence d’une résurgence captée au sein même du monument de Sceaux-du-Gâtinais (S.225) est plus incertaine, bien que la présence d’une divinité patronne des eaux qui y circulent ne fasse pas de doute. De fait, l’édifice à péristyle de Sceaux-du-Gâtinais relève d’un vaste complexe public, composé, en sus d’un théâtre, d’une série de cours successives et étagées, installées dans un vallon sec et alignées sur un axe nord-sud, dont il constitue la terrasse supérieure. Il comprend quatre corps de bâtiment, composés de portiques et de plus petites pièces en enfilade, également ouvertes sur la cour par une colonnade et dont la fonction n’est pas connue, qui encadrent une cour centrale de plan rectangulaire (70 × 59 m), fermée au nord par un grand hémicycle (fig. 65). Au contact de ce dernier, au nord, semblent se dresser une ou plusieurs constructions monumentales – peut-être un temple ? –, dont le plan et la nature n’ont pu être déterminés avec certitude. En effet, seule la partie méridionale de l’édifice, construite en plusieurs étapes entre la fin du ier s. et le ive s. de n. è., a fait l’objet de fouilles stratigraphiques récentes (Vilpoux, 1996). L’eau semble traverser ce monument du nord au sud, et alimenter successivement un bassin installé en son sein, près de la galerie méridionale, puis un édifice thermal richement décoré, accolé au sud de cette dernière, à l’extérieur, avant d’être évacué vers le sud, dans la cour inférieure. Néanmoins, son origine et son parcours dans les deux tiers septentrionaux de la cour demeurent mal connus. De fait, il est possible que l’eau provienne en tout ou partie d’une source localisée au nord du monument, puisque l’abbé Cosson (1873) mentionne avoir découvert un canal – d’adduction d’eau ? – qui traverserait le grand hémicycle. Cependant, il est aussi possible – et les deux hypothèses ne sont pas contradictoires – que l’eau sourde dans la partie centrale de la cour, non fouillée : une zone aujourd’hui humide, d’où proviennent des débris de mortier de tuileau, pourrait être liée à la présence d’une résurgence, à moins qu’elle ne corresponde au point de convergence du ruissellement d’une nappe (Vilpoux et Laurent-Dehecq, 2014, p. 28-29). Quoi qu’il en soit, c’est depuis cette zone humide que se dirige l’eau qui alimente le bassin établi en bordure méridionale de la cour. Celui-ci, d’abord de plan rectangulaire (A1 : 2,50 × 1,20 m), et peut-être protégé par une superstructure maçonnée, agrémentée de colonnes, de plaques de marbres et d’enduits peints, est ensuite agrandi (A2 : 8,90 × 7,80 m), peut-être durant la première moitié du iie s. ; de plan symétrique et composé de trois absides, il est alors circonscrit par un muret maçonné. Nombre d’offrandes (monnaies, figurines en terre cuite et ex-voto anatomiques, entre autres) ont été mises au jour dans le bassin ; elles ont certainement été immergées tout au long de la fréquentation du site, comme le suggère la chronologie des émissions monétaires qui y sont représentées. Le comblement de cette structure a aussi livré un disque de marbre portant une dédicace adressée à la déesse éponyme Segeta, qui a donné son nom à l’agglomération antique de Sceaux-du-Gâtinais, Aquae Segetae. Quant aux thermes voisins, l’hypothèse d’eaux curatives est ici appuyée par la découverte de quelques ex-voto anatomiques, dont la quantité n’est toutefois pas précisée (cf. infra, 2.2.2.1).
167L’élément aquatique parcourt également, du sud au nord, différents aménagements du monument de la Tannerie à Châteaubleau (S.205), qui pourrait aussi avoir été érigé à l’emplacement d’une résurgence (Revenu, 2008). Construit au plus tard dans le courant du iie s., il est délimité par un péribole maçonné de plan rectangulaire (35 × 32 m) qui circonscrit une cour bordée par une porticus triplex, sur laquelle s’ouvrent deux paires d’absides, tandis que l’entrée s’effectue en façade orientale (fig. 65 et infra, fig. 231). L’espace central de la cour est occupé par un bassin dallé (A ; 8,85 × 4,65 m), divisé en deux piscines carrées, profondes de 1,60 m ; chacune d’entre elles est accessible par un double escalier. À moins de 4 m au sud-est, existe une petite construction (B) composée de trois murs disposés en forme de π, dont l’orientation est similaire à celle du bassin – et donc diffère de celle du triportique. Vraisemblablement alimenté en eau, peut-être par une résurgence qu’il capterait, cet édicule pourrait avoir encadré un autre bassin, ou bien avoir constitué une modeste cella abritant une statue divine, dont il ne reste aucune trace. En tout état de cause, l’eau constitue un élément majeur au sein du monument, mais en l’état des connaissances, il est encore difficile d’en restituer précisément le parcours, ainsi que ses usages. Il est certain qu’elle est en tout ou partie acheminée depuis l’extérieur, à partir d’une source ou d’une résurgence karstique non localisée, située au sud du sanctuaire. De fait, un canal empierré, observé aux abords méridionaux du péribole, franchit l’abside C, traverse la galerie sud et se dirige enfin vers la construction B, où l’on perd son tracé. Ainsi, la jonction entre l’édicule B et le bassin A n’a pas pu être établie, bien qu’elle soit très probable. L’eau du bassin A est ensuite évacuée en direction du nord, par une canalisation souterraine puis à ciel ouvert, parcourt la construction G, adossée au nord du mur de péribole et pourvue d’une colonnade, pour ensuite se diriger vers la vallée de l’Yvron, cours d’eau situé à plusieurs centaines de mètres vers le nord. L’abondant mobilier provenant de la cour, mis au jour au contact de son sol ou dans les portiques, en particulier dans les exèdres, témoigne indéniablement de gestes rituels : il s’agit de 186 débris de figurines en terre cuite, de nombreux restes de céramique et déchets alimentaires, d’au moins quatre ex-voto anatomiques et d’environ 1 400 monnaies, en majorité datées de l’Antiquité tardive.
168Le lien entre un sanctuaire et une source est moins évident, mais reste probable, à Orléans (S.114), lieu de culte (fig. 67) établi en bordure d’un vallon aujourd’hui emprunté par un ru et récemment fouillé (Verneau et Noël dir., 2009 ; Verneau, 2014). En effet, des travaux réalisés au début des années 1820 avaient mené à la mise au jour, à environ 30 m plus au sud, de débris de construction et de matériel antiques autour d’une résurgence, captée dans un bassin en bois. Aussi, un bloc de calcaire, sur lequel est inscrite une dédicace honorant la déesse Acionna (CIL XIII, 3063), a été découvert à proximité ; il mentionne un portique que l’on peut probablement identifier à celui qui borde la façade occidentale de l’avant-cour du lieu de culte (cf. infra, 1.1.4.1). Il est alors probable que cette déesse, dont le nom d’origine gauloise est formé à partir de la racine « onno », « ona », « unna », qui signifie « fleuve » (M. Dondin-Payre, in Verneau et Noël dir., 2009, p. 163-170), ait élu résidence dans la ou les sources situées dans les environs immédiats du sanctuaire qui, pour autant, a été bâti à proximité et non à leur emplacement même. De fait, la présence de la ressource naturelle pourrait bien avoir motivé, du moins à l’origine, l’établissement d’un lieu de culte. Celui-ci est fondé durant la seconde moitié du ier s. av. n. è., lors de l’aménagement d’un vaste enclos fossoyé (ph. 1). De plan carré, ce dernier abrite plusieurs constructions en bois et en terre, dont la nature et la fonction n’ont pu être déterminées, ainsi qu’une zone dévolue à la déposition d’objets, localisée dans sa partie orientale, c’est-à-dire au fond du vallon. Aucun argument ne permet d’affirmer que le cours d’eau actuel était déjà actif au début de l’Antiquité ; il est toutefois possible qu’un secteur humide, voire marécageux, ait existé à cet emplacement et qu’il ait alors constitué le lieu d’enfouissement du mobilier manipulé au sein du sanctuaire (céramiques, plusieurs dizaines de monnaies gauloises et d’ex-voto en tôle de bronze, objets de parure). Puis, à partir du second quart du ier s. de n. è. (ph. 2), peut-être en parallèle de l’édification du temple (A), un bassin peu profond (B ; cf. supra, 1.1.3.1) est construit au fond du vallon. Son fond n’est pas bétonné et il est donc possible qu’il capte directement l’une des sources du site, qui serait alors intégrée, au cours de cette seconde étape, à l’aire sacrée, sous le regard de la déesse dont la statue est installée à une vingtaine de mètres à l’ouest. Cependant, cette structure n’a pas été préservée lors de la monumentalisation du sanctuaire, mise en œuvre vers le milieu du iie s. (ph. 3) : le bassin est effectivement détruit et désormais, l’eau semble absente de la cour sacrée, enclose par un péribole maçonné. Le fond du vallon, asséché, est alors emprunté par le tracé d’un aqueduc fournissant en eau la ville voisine d’Orléans, passant à quelques mètres à l’est de l’entrée du nouvel état du lieu de culte.
Figure 67 : Évolution des sanctuaires de la Fontaine de l’Étuvée à Orléans (Loiret ; a) et des Jacobins au Mans (Sarthe ; b).

Réal. S. Bossard, d’après Verneau, 2014, p. 99-100, fig. 83-85 et Chevet (dir.), 2016, p. 494-506, fig. 402, 404 et 407.
169Enfin, il reste à évoquer un dernier sanctuaire, au Mans (S.16 ; Chevet et al., 2014 ; Chevet dir., 2016), qui matérialise le lien établi entre l’Isaac, modeste ruisseau probablement transformé en étendue d’eau stagnante, et l’établissement d’un culte dans un quartier périphérique de la ville antique (fig. 67). Comme à Montbouy, à Genainville et à Orléans, des offrandes sont jetées ou enfouies dans une zone humide dès la seconde moitié du ier s. av. n. è. ou, au plus tard, au début du ier s. de n. è. (ph. 1) : une cinquantaine de monnaies essentiellement gauloises provient des berges du ruisseau. Puis, à partir des années 15-20, le dépôt de numéraire (au moins 287 monnaies) est effectué en premier lieu dans un édicule maçonné de plan carré (A), installé à une vingtaine de mètres au nord-ouest et alors interprété comme une cella. À partir des années 40 de n. è. (ph. 2), un grand plan d’eau artificiel semble être créé dans la zone où l’on jetait auparavant des monnaies dans le cours d’eau. Toutefois, les limites de cet étang, le système de retenue d’eau et la chronologie précise des épisodes d’envasement du site n’ont pu être déterminés lors de la fouille : l’étang a-t-il été régulièrement asséché, en fonction du débit du ruisseau, qui devrait être modeste, ou est-il resté en eau durant plusieurs décennies, avant son envasement généralisé ? En bordure et peut-être même dans cet étang, inscrit à partir du courant du iie s. (ph. 3) dans une cour clôturée par un péribole maçonné, des offrandes (numéraire, objets de parure, probables tablettes de defixio, pots contenant des offrandes carnées) sont introduites tout au long de la fréquentation du site, a minima jusqu’à la fin du iie s. Il est possible que d’autres constructions, peut-être plus monumentales que le petit bâtiment carré, aient été bâties dans la partie orientale du sanctuaire, non fouillée, et que d’autres dieux ou déesses aient donc aussi été vénérés dans le même enclos.
170« S’il existe donc indéniablement des lieux de culte liés aux eaux jaillissantes, la notion même de sanctuaire de source continue de poser problème, en particulier parce qu’elle recouvre des situations très différentes les unes des autres » : ainsi que l’ont rappelé O. de Cazanove et J. Scheid (2003, p. 5), dans les cités étudiées comme dans le reste du monde romain, l’analyse des exemples archéologiques illustrant cette catégorie de lieux de culte révèle des configurations très variées et démontre les limites d’une définition commune.
171La description du lieu de culte italique des sources du Clitumne, telle qu’elle nous est livrée dans l’une des lettres de Pline le Jeune (Lettres, VIII, 8), dépeint l’organisation spatiale de l’un de ces sanctuaires des eaux : le dieu éponyme patronne la principale résurgence qui donne naissance au fleuve et son temple, bâti à proximité immédiate, est avoisiné par plusieurs chapelles, appartenant à plusieurs divinités associées, dont certaines possèdent une autre source du Clitumne. Tandis qu’un premier bassin, situé en aval de la source et dans lequel des monnaies sont jetées, constitue la propriété inviolable et donc sacrée de la divinité, que l’on peut seulement parcourir en barque, l’eau devient profane au-delà d’un pont, où il est alors autorisé de se baigner. Comme l’a souligné J. Scheid (2008 b, p. 630), il existe donc, au sein de ce sanctuaire de source, une différence marquée entre une partie sacrée, où l’on ne pénètre que pour célébrer le culte, et un espace profane, où les visiteurs peuvent entrer en contact physique avec l’eau et la manipuler. Qu’en est-il dans les exemples présentés ci-dessus ?
172Notons, avant tout, que l’ensemble des sites décrits ne semblent pas avoir été fréquentés à des fins religieuses avant la seconde moitié du ier s. av. n. è. Dès ces décennies, sur les sites de Genainville, du Mans, d’Orléans et de Montbouy, des monnaies, et parfois d’autres objets, comme des parures, sont lancés dans l’eau, ou enfouis dans une zone humide (cf. infra, 2.2.3.1). En revanche, les gisements antiques de Sceaux-du-Gâtinais, de Septeuil et de Châteaubleau n’ont livré aucun vestige antérieur à la fin du ier s. ou au début du iie s. de n. è. et paraissent donc, en l’état des connaissances, avoir été fondés plus tardivement que les autres. Quant à l’aménagement de la ou des résurgences, sous une forme monumentale – bassins dallés à Montbouy, Genainville, Châteaubleau ou Septeuil, et peut-être à Orléans ; création d’un possible plan d’eau au Mans –, il n’est pas antérieur aux années 40 ou 50 de n. è., lorsqu’il a pu être daté, et intervient dans le cadre d’une reconstruction progressive des aires sacrées et de leurs équipements. La construction d’un temple aux abords de la source, abritant vraisemblablement l’image divine du dieu ou de la déesse qui possède cette dernière, est attestée au Mans, à Genainville – où le temple, du moins lors de la phase 3, est dédié à un couple divin, et est complété par plusieurs chapelles, plus éloignées des résurgences – et peut-être à Châteaubleau, si l’on accepte l’identification de l’édicule B à une cella. Alors que les édifices du Mans (A) – mais on ne dispose ici qu’une partie du sanctuaire – et peut-être de Châteaubleau (B) sont de dimensions très modestes, le double bâtiment de culte de Genainville (A2), qui succède certes à un temple à cella centrale et galerie périphérique de plus petite taille (A1), constitue sans aucun doute l’un des édifices les plus monumentaux de la province (cf. supra, 1.1.2.1). On ne sait si un temple se dressait à l’extrémité nord de la cour à péristyle du monument de Sceaux-du-Gâtinais, bien que cela soit probable, et si l’eau sourdait au centre même de cette dernière. Quant à l’édifice de Septeuil, sa forme n’est pas caractéristique d’un temple et, si une statue de nymphe est intégrée à sa partie semi-enterrée, on ne peut la considérer avec certitude comme une image de culte, qui prendrait place au sein d’une cella ; le « nymphée », d’ailleurs, appartient sans doute à un ensemble plus large de constructions et pourrait constituer, comme à Genainville, la forme monumentale d’un bassin installé à l’aplomb d’une source et intégré à un sanctuaire plus vaste.
173L’examen du parcours de l’eau témoigne aussi de situations diverses. La résurgence habitée par la divinité est probablement localisée à l’extérieur de l’aire sacrée dans le cas du sanctuaire d’Orléans, du moins dans son état postérieur au milieu du iie s., de même qu’elle n’est a priori pas située au sein du téménos du Mans, où l’eau est avant tout présente sous la forme d’un ru puis d’un étang – mais une résurgence a pu exister plus à l’est, dans la partie non fouillée du sanctuaire. À Montbouy, on ne sait si le monument comportant une double cour correspond exclusivement à un lieu de culte, ou s’il s’agit d’un établissement public destiné à des activités variées (Vurpillot, 2016, vol. 1, p. 280-281) ; en tout cas, la résurgence dans laquelle se manifeste la divinité est mise en valeur par un grand édifice de plan octogonal, à ciel ouvert, pleinement intégré au complexe, dont il constitue manifestement l’une des composantes majeures. À Genainville, les sources sont multiples et une seule d’entre elles, durant la phase 3, est clairement associée au temple monumental, qui la recouvre en partie et dont l’eau semble jaillir de son soubassement. Pour autant, sur ce site, on n’observe pas la bipartition décrite par Pline aux sources du Clitumne : l’ensemble des bassins est accessible par un escalier et les dévots y ont sans doute pénétré sans interdit particulier, comme en témoigne l’usure de leurs marches. À Montbouy, le bassin circulaire, captant la résurgence, est également circonscrit par quelques degrés qui pourraient aussi avoir été empruntés pour entrer en contact avec l’eau jaillissante. Une autre possibilité consiste à envisager que l’on pouvait uniquement accéder à l’eau du second grand bassin, situé à l’extérieur des cours encadrées de portiques et approvisionné par cette même source. Selon une autre configuration, à Sceaux-du-Gâtinais, l’eau, dont on ne sait si elle est captée au sein même du monument, traverse un bassin a priori dépourvu d’accès, dans lequel ont été immergées des offrandes de divers types, avant de rejoindre un édifice balnéaire situé à l’extérieur du quadriportique et donc de l’aire correspondant sans doute à la propriété divine ; il est alors autorisé de plonger dans une piscine froide, remplie grâce à cette même eau. Au Mans, la découverte de treize lests de filet dans le probable étang laisse penser qu’on pouvait y pêcher et que l’eau était donc accessible pour des activités profanes (Chevet et al., 2014, p. 138-141) ; cette dernière était peut-être inviolable plus en amont, si l’on restitue une résurgence – ou bien un autre bassin, distinct de celui-ci – située plus à l’est, qui serait considérée comme la propriété divine. Enfin, l’eau de Châteaubleau, dont l’origine est également incertaine, pénètre d’abord dans l’édicule B (cella ou bassin ?), où elle se mêle peut-être au liquide jaillissant d’une autre résurgence, probablement avant de rejoindre le double bassin dans lequel on peut se baigner, en y descendant quelques marches. Si la construction B correspond bien à une cella, on observerait alors un parcours similaire à celui qui est mis en scène à Genainville, où l’eau paraît avoir été en contact avec le temple, résidence divine, avant d’emplir le bassin. Ce parcours rappelle aussi celui qui a été observé au sanctuaire d’Apollon Moritasgus à Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or) : une canalisation acheminant l’eau issue d’une source traverse les fondations du temple du dieu avant de rejoindre une fontaine, patronnée par Sirona, et un bâtiment thermal établi dans l’aire sacrée (Cazanove et al., 2012, p. 105-106).
174Dans la plupart des sanctuaires évoqués dans cette partie, l’eau « n’est plus simplement l’objet des aménagements, mais en devient l’acteur » (Wech, 2015, p. 266). C’est le cas notamment des lieux de culte de Châteaubleau, de Montbouy, de Sceaux-du-Gâtinais, du Mans, ou encore, probablement, de Genainville. On peut alors les qualifier de « sanctuaires des eaux », c’est-à-dire de lieux de culte, comme l’a récemment défini D. Vurpillot (2016, vol. 1, p. 188), « où le médium d’expression principal du divin est l’élément aquatique », parfois « interprété directement comme la manifestation physique de la présence de la divinité tutélaire du lieu ». En revanche, l’aire sacrée d’Orléans semble avoir été bâtie en périphérie d’une source et si Acionna, comme Segeta à Sceaux, semble avoir élu résidence dans l’eau qui sourd à proximité, son lieu de culte présente des liens bien moins étroits que les autres avec l’élément aquatique.
175En guise de conclusion, notons que les rôles de l’eau au sein de ces lieux de culte, associés à de modestes résurgences ou à de simples ruisseaux, mais jamais situés à la source de grands fleuves, ne peuvent être cernés avec toute la précision requise, faute d’une étude exhaustive des monuments et de leur environnement immédiat, qu’ils soient implantés au sein d’agglomérations ou en milieu rural (Bossard, 2021, vol. I, p. 579-581). L’élément aquatique, généralement mis en scène, suit des parcours variés, alimentant souvent plusieurs bassins et nouant des liens de proximité avec des édifices de culte que l’on peut supposer avoir été habités par la même puissance divine – ou par des personnages divins associés, à l’exemple d’Apollon Moritasgus et de Sirona à Alise-Sainte-Reine. Quant à l’hypothèse d’eaux salutaires et de divinités guérisseuses, si elle peut être appuyée par la découverte d’ex-voto anatomiques à Sceaux-du-Gâtinais ou à Orléans, elle ne peut pas être retenue dans la majorité des cas, où l’on ignore alors les usages des bassins qui la captent ou la mettent à disposition des dévots.
1.1.4. Des bâtiments fréquentés par les hommes : portiques et autres édifices
176Les autres constructions identifiées au sein des aires sacrées, ou dans leur périphérie immédiate, sont souvent peu documentées, faute d’une étude systématique et surtout d’aménagements ou de mobilier particuliers en leur sein, qui permettraient d’en comprendre la nature et la place au sein des parcours rituels. Il est néanmoins possible de distinguer trois types de bâtiments : des portiques installés le long du péribole et les éventuelles exèdres associées ; des constructions indépendantes de plan barlong, souvent installées face à l’entrée des temples ; d’autres types d’édifices, aux fonctions sans doute variées, répartis sur le pourtour de l’aire sacrée.
1.1.4.1. Portiques, exèdres et pavillons d’angle
177Les portiques déployés autour de la cour sacrée constituent l’un des types de constructions les plus fréquents au sein des sanctuaires : ils sont attestés pour 61 phases correspondant à 52 lieux de culte différents (soit près de 19 % des sanctuaires). L’édification d’une porticus « cum suis ornamentis », avec ses ornements, est d’ailleurs mentionnée dans une inscription découverte en 1823 près de l’entrée de l’aire sacrée de la Fontaine de l’Étuvée à Orléans. La fouille récente de ce lieu de culte a vraisemblablement permis d’identifier la construction en question, appuyée contre le mur occidental de la plus grande de ses cours (cf. supra, 1.1.3.2 et fig. 67). Espace de circulation et d’accueil couvert, le portique, emprunté à l’architecture gréco-romaine, protège les hommes de la pluie et du soleil, comme l’écrit Pline le Jeune au sujet de celui qu’il fait ériger près d’un temple de Cérès établi sur ses terres (Lettres, IX, 39 ; cf. Scheid, 1996 ; Van Andringa, 2017a, p. 121). Le nombre et l’agencement de ces galeries, comme leurs dimensions, leur élévation et leur décor, diffèrent d’un sanctuaire à l’autre, bien que certaines configurations soient régulièrement reconnues, tandis que les activités qu’ils accueillent demeurent peu documentées.
178Ces édifices, de plan barlong, sont longs de plusieurs dizaines de mètres, en fonction des dimensions de l’enceinte du sanctuaire, tandis que leur largeur varie amplement d’un exemple à l’autre (cf. supra, fig. 21 et infra, fig. 70, 74, 77 et 78). Relativement étroits dans certains cas, tels qu’à Rosporden (S.178) et à Macé (S.196, ph. 3), où ils ne mesurent que 2 m de large, ils sont au contraire très spacieux au sein de grands monuments, comme à la Forêterie à Allonnes (S.9, ph. 4), au complexe de Saint-Martin-au-Val de Chartres (S.101) et probablement à la Motte du Ciar à Sens (S.226), où leur largeur atteint 10 m. Néanmoins, le plus souvent, cette dernière est comprise entre 3 et 5 m. Ils ne bordent qu’un seul côté du péribole au sein d’au moins vingt-deux ensembles phasés : dans la grande majorité des cas, il s’agit alors de la façade principale du lieu de culte, située à l’est ou plus rarement à l’ouest du ou des temples. Cette façade, par laquelle on accède à l’aire sacrée, est parfois même mise en valeur par un doublement de la galerie, attesté à Montoire-sur-le-Loir (S.17), Neuvy-en-Champagne (S.19), Juvigné (S.36), Saint-Mars-Vieux-Maisons (S.121), Cléden-Cap-Sizun (S.168), Meilleray (S.234) et Pussigny (S.244). La présence de portiques installés le long de deux côtés de l’enceinte du sanctuaire est bien plus rare – cette configuration n’a été reconnue que pour l’une des phases du lieu de culte de Macé (S.196, ph. 4) et pour l’un des sanctuaires du Vieil-Évreux (S.80), non fouillé.
179Cependant, la plus grande part des aires sacrées flanquées de ce type de construction (soit 31 phases) sont encadrées sur au moins trois de leurs côtés par des portiques : tandis que certaines cours sont enserrées par une porticus triplex, à l’exemple des lieux de culte du Haut-Bécherel à Corseul (S.134) ou de la Tannerie à Châteaubleau (S.205), d’autres sont circonscrites par un quadriportique, forme la plus fréquente ; les périboles de plan polygonal de Bilaire à Vannes (S.278) et de Baron-sur-Odon (S.279), quant à eux, pourvus respectivement d’au moins cinq et de dix côtés, sont également longés par des galeries continues, dédoublées à Baron-sur-Odon. Le schéma architectural du triportique ou du quadriportique, importé de l’Orient hellénistique et fréquemment mis en œuvre dans les grands sanctuaires italiques à partir de la fin de la République, confère une monumentalité certaine aux lieux de culte et « un surcroît de dignité » au(x) temple(s) dont cette architecture forme l’écrin (Provost et al., 2010, p. 198). Les quadriportiques de sept sanctuaires plus ou moins monumentaux sont d’ailleurs doublés en bordure orientale, à l’instar de certaines galeries présentes sur une seule façade, par un second portique, ouvert vers l’extérieur et solennisant son entrée principale – la Forêterie à Allonnes (S.9), Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 5), Jublains (S.32), Meaux (S.158), La Chapelle-des-Fougeretz (S.184), Sens (S.226) et Valognes (S.251). Notons qu’au forum de Paris, le quadriportique, reposant sur des cryptoportiques, enserre la place publique qui accueille le probable temple qui le domine (S.181) et qui est bordée à l’est par la basilique, suivant une organisation fréquente pour ce type de monument (cf. infra, 3.1.2.1). Au sein des villae d’Erceville (S.208) et de Sermaises (S.228), c’est le double ou triple portique ourlant les ailes de la pars urbana qui encadre la grande cour au sein de laquelle sont installés les temples relevant de ces domaines privés (cf. infra, 3.2.2.1).
180Il n’est pas assuré que toutes les galeries qui longent une ou plusieurs façades des périboles puissent être qualifiées de portiques, c’est-à-dire de couloirs dont au moins l’un des longs côtés s’ouvre par une colonnade ou par une série de piliers sur la cour du sanctuaire ou pour les structures doublées en façade principale, sur l’extérieur. De fait, la découverte de fragments de supports provenant avec certitude d’un portique, et non d’un temple, de même que l’identification d’un mur-bahut destiné à les soutenir, est peu fréquente : l’existence d’un ou de plusieurs portiques n’est confirmée que pour 18 sanctuaires, bien qu’elle soit probable pour un grand nombre d’autres cas, qui n’ont jamais été fouillés ou qui ont été particulièrement affectés par la récupération tardive de blocs. Au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, ph. 2 ; Cliquet et al., 1996, p. 23 et Bertaudière et al., 2012, p. 110-111), à Orléans (S.114 ; Verneau, 2014) ou à la Chapelle-des-Fougeretz (S.184 ; Provost, 1991), il n’en subsiste plus que les plots maçonnés sur lesquels s’appuyaient des colonnes en pierre ou des piliers de bois, dont il ne reste aucune trace. Les trous d’ancrage de piliers en bois sont conservés pour le premier état du portique de Bennecourt (S.254, ph. 4), doté d’un sol de craie damée, alors qu’à Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 2), les supports, très probablement en matériaux périssables aussi, reposent sur des amas de pierre sèche (Bourgeois dir., 1999, p. 48 ; Lejars et Pernet, 2007). Un mur-bahut, haut de 0,60 m et soutenant le poids de supports disparus – en bois ou en pierre ? –, a été identifié à Macé (S.196, ph. 3 et 4). Le sol de ces modestes portiques est généralement simplement constitué de terre battue, ou bien d’un cailloutis damé (Leclerc, 2007b). Des colonnes composées de briques en quart-de-rond, revêtues d’une couche de stuc, ont pu être restituées à Troyes (S.235), tandis que des éléments similaires provenant des galeries de Juvigné (S.36), peu nombreux, semi-cylindriques et a priori non enduits, pourraient avoir servi de soubassement isolant à des piliers de bois (Driard, 2014, p. 26 ; Bossard, 2014, vol. 1, p. 54-55). Enfin, les fragments de colonnes en pierre, reposant sur un mur-bahut maçonné ou en grand appareil, proviennent exclusivement des sites les plus monumentaux, pourvus de larges porticus, dont le sol est généralement bétonné ou même dallé, à Berthouville (S.150 ; La Croix, 1897, p. 73-74). D’ordre corinthien à Allonnes, la Forêterie (S.9, ph. 4 ; Brouquier-Reddé dir., 2004, p. 339-340), Jublains (S.32, ph. 3 ; Naveau et al., 1997, p. 166-180), Chartres (S.101 ; Bazin et al., 2013), Châteaubleau, la Tannerie (S.205 ; Revenu, 2008) ou encore Sceaux-du-Gâtinais (S.225 ; Vilpoux, 1996), généralement à l’instar des temples associés, la colonnade s’inscrit alors dans un courant largement diffusé dans les Gaules et les provinces voisines, puisque ce style est le plus fréquemment adopté à partir de l’époque d’Auguste (Maligorne, 2012a, p. 511-515). En revanche, comme l’a mis en évidence Y. Maligorne, le choix d’une colonnade de style toscan à Corseul (S.134) n’est pas spécifique au sanctuaire monumental du Haut-Bécherel, puisque cet ordre se développe aussi sur les façades d’autres architectures publiques ou privées de la ville voisine. Outre pour la recherche d’une certaine unité architecturale, cette préférence s’explique probablement, dans le cadre de ce grand chantier édilitaire, par les difficultés rencontrées par les commanditaires, manifestement dépourvus des moyens financiers nécessaires pour importer des roches plus faciles à tailler que le granite local et pour « faire appel à des lapidarii capables d’élaborer des ordonnances décoratives plus complexes » (Maligorne, 2012a, p. 517). En tout état de cause, les portiques bordés d’une colonnade en pierre constituent des espaces richement ornés, que ce soit grâce aux décors sculptés – motifs végétaux, animaux et anthropomorphes – qui envahissent le fût des supports de la porticus triplex de Châteaubleau (S.205 ; Revenu, 2008, p. 68-69), ou bien grâce au décor peint et plaqué dont sont revêtus les murs des portiques d’Allonnes (S.9, ph. 4 ; Brouquier-Reddé dir., 2004, p. 339-340) ou de Jublains (S.32, ph. 3 ; Naveau et al., 1997, p. 180-187). Tandis que sur ce dernier site, dans la galerie marquant son entrée principale, des vignettes représentant des oiseaux agrémentent des compositions à dominante noire, ce sont des panneaux alternativement rouges et noirs, parés – en trompe-l’œil – de colonnettes et de guirlandes végétales nouées de ruban, et rythmés par des pilastres d’applique, qui ornent les murs des portiques et des exèdres d’Allonnes (fig. 68). Couverts d’un plafond suspendu à Allonnes (S.9, ph. 4 ; Loiseau, 2009, vol. 1, p. 250-256) et stuqué à Corseul (S.134 ; Provost et al., 2010, p. 145), les porticus sont surmontées d’un toit de tuiles dans au moins 10 sanctuaires.
181Quels vestiges témoignent de la fréquentation de ces espaces et de leurs rôles au sein de l’aire sacrée ? Le mobilier y est globalement rare (cf. infra, 2.1.2.1) et on ne peut donc prouver que certaines offrandes, telles que des ex-voto anatomiques métalliques, aient été clouées sur leurs murs (Van Andringa, 2017a, p. 121-122). Par ailleurs, les graffiti incisés sur les enduits des murs des sanctuaires de Jublains (S.32, ph. 3) et d’Athée (S.165) – livrant des noms de personnes, ainsi qu’une insulte à Jublains et, à Athée, le théonyme Mars Mullo, ainsi que l’image d’un cerf entravé – semblent provenir du portique situé à l’extérieur de l’aire sacrée et non du périmètre délimité par le péribole (Bodard de la Jacopière, 1863, pl. h.-t. ; J.-P. Bost, in Naveau et al., 1997, p. 192-194). Les galeries sont généralement dépourvues de tout aménagement ancré dans leur sol, mais il est possible que des statues, des autels, des meubles ou des offrandes diverses aient été accumulés en leur sein, sans n’avoir laissé aucune trace, de même que des plaques honorifiques ou commémorant certains actes religieux ont pu avoir été affichées sur leurs murs. Plusieurs structures de combustion ont été sommairement aménagées au sol des galeries des lieux de culte de Jublains (S.32, ph. 3 ; Naveau et al., 1997, p. 122-128) et de Macé (S.196, ph. 3 ; Leclerc, 2007a, p. 10), mais on ignore à quelle date et on ne sait donc si leur usage est bien contemporain des activités religieuses. Si c’est le cas, ces foyers ont peut-être servi à la cuisson d’aliments consommés dans le cadre de banquets sacrés, qui ont pu être tenus dans les portiques mêmes (Van Andringa, 2017a, p. 113) ou à leurs abords, au sein de la cour. Enfin, à Chelles (S.180, ph. 3), c’est une fosse quadrangulaire (1,50 × 0,80 m) qui a été creusée au pied du mur de péribole dans la galerie nord-est, près de l’exèdre ; son fond est constitué d’un lit de mortier et Chr. Charamond (1998, p. 58) propose d’y reconnaître un bassin.
Figure 68 : Fragment d’enduit peint représentant un oiseau sur fond noir (a), ornant le portique extérieur du sanctuaire de la Tonnelle à Jublains (Mayenne) ; décor peint (b), fragments et restitution de l’ordre (c) du quadriportique de la Forêterie à Allonnes (Sarthe). In Naveau (dir.), 1997, ph. 1 h.-t. ; Brouquier-Reddé et Gruel (dir.), 2004, p. 339, fig. 57 et pl. X, fig. 59-b.

- 28 Allonnes, la Forêterie (S.9) ; Évreux (S.57) ; Chartres, Saint-Martin-au-Val (S.101) ; Corseul (S.1 (...)
182Dans une dizaine de monuments28, des exèdres de plan rectangulaire, ou parfois des absides, scandent régulièrement ou plus ponctuellement une ou plusieurs façades du péribole et ouvrent sur les portiques adjacents. Ainsi, à Allonnes (S.9, ph. 4), six petites pièces rectangulaires (L, M, N, O, P et Q), larges de 9 m et profondes entre 4 et 8 m – d’une surface interne comprise, donc, entre 36 et 72 m² – donnent de plain-pied sur les galeries nord, ouest et sud ; au moins l’une d’entre elles (P) est agrémentée d’une paire de piliers ou de colonnes qui la sépare du portique (Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 336-339). Leurs dimensions varient donc d’une exèdre à l’autre, de même que leur forme peut changer – à Chartres (S.101) ou à Corseul (S.134) (cf. infra, fig. 69). Par ailleurs, elles sont installées en divers points du sanctuaire, que ce soit sur sa façade principale – à Chartres et à Meaux (S.158) ou bien dans les environs du temple, tel qu’à Allonnes ou pour deux exèdres de Corseul, traduisant parfois une hiérarchie entre ces espaces. Ici ou là, les aménagements installés en leur sein sont absents et identifier leur fonction relève donc de la gageure. Néanmoins, à Châteaubleau (S.205), les quatre absides qui agrémentent le quadriportique de la Tannerie recèlent des ossements de faune en quantité relativement importante, notamment des restes de poulet, plus fréquents que dans les autres parties du sanctuaire ; à moins qu’ils n’aient constitué des aires de rejet privilégiées durant les derniers temps du lieu de culte, ces espaces ont donc pu avoir constitué des lieux de réunion, peut-être équipés de bancs pour des repas (Bontrond et al., 2008, p. 98). À Corseul, Y. Maligorne et A. Provost ont émis l’hypothèse, du moins pour les absides ouvrant sur les portiques latéraux, de salles accueillant des statues monumentales, peut-être des effigies impériales (in Provost et al., 2010, p. 205) – ou celles de notables locaux, par exemple les évergètes ayant contribué au financement de la construction du sanctuaire. À Ribemont-sur-Ancre (Somme), en revanche, l’une des trois exèdres identifiées, localisée à une vingtaine de mètres à l’ouest du temple des iie s. et iiie s., est équipée de foyers successifs et est alors interprétée comme une cuisine (Fercoq du Leslay, 2017, p. 284). En définitive, il est probable que les usages de ces espaces secondaires, desservis par les portiques et donc sans doute accessibles aux visiteurs, aient varié d’un sanctuaire à l’autre, en fonction de leurs dimensions et de leur position au sein de l’aire sacrée. Rappelons aussi que les galeries ou portiques ont parfois été utilisés pour relier plusieurs temples entre eux, tel qu’à Châteaubleau (S.204) et Guichainville (S.61) ou encore, sous une forme plus monumentale, au Vieil-Évreux (S.79) et Meaux (S.158) (cf. supra, 1.1.2.1).
Figure 69 : Plan des sanctuaires d’époque romaine dont les angles du péribole sont occupés par des pavillons de plan rectangulaire.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
183Les portiques sont parfois raccordés, dans des sanctuaires particulièrement monumentaux, à de grands pavillons qui occupent au moins deux angles de la cour sacrée (fig. 69) – à Allonnes (la Forêterie, s.9, ph. 4 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 335), Chartres (Saint-Martin-au-Val, s.101 ; Bazin dir., 2013), Corseul (le Haut-Bécherel, s.134 ; Provost et al., 2010, p. 88-98), Cléden-Cap-Sizun (S.168 ; Galliou, 2015) et peut-être Valognes (S.251 ; Jeanne et al., 2018, p. 123-140 et 158-162). De fait, qu’ils soient saillants ou dans œuvre, ils apparaissent aux deux extrémités du mur ou du portique – simple ou double – qui solennise la façade principale du lieu de culte – et même, probablement, les quatre angles du quadriportique à Chartres. Leur présence accentue la monumentalité du sanctuaire, à travers l’élaboration d’une composition symétrique que l’on retrouve aussi dans certaines villae à galerie à de façade et pavillons latéraux (Gros, 2017, p. 326). D’une surface interne s’échelonnant entre 80 et 255 m², ces espaces sont généralement dépourvus de tout cloisonnement, à l’exception du site de Valognes. En sus d’une fonction de grand vestibule à Chartres et à Corseul, où ces pavillons sont précédés des porches donnant accès à l’aire sacrée (cf. supra, 1.1.1.3), il est donc probable qu’ils aient servi de lieux de réunion, disposant de capacités d’accueil importantes. Y. Maligorne et A. Provost (in Provost et al., 2010, p. 204-205) ont d’ailleurs émis l’hypothèse qu’à Corseul, les deux grandes salles aient pu accueillir une partie des convives participant aux banquets sacrés organisés au sein du sanctuaire, à raison d’environ 35 à 40 individus assis par pavillon. Il est même envisageable que ces pavillons aient été dotés d’un étage et donc d’une ou de plusieurs salles supplémentaires, si l’on se fie aux puissants contreforts renforçant leurs angles à Corseul, ou encore à l’épaisseur importante des murs de ceux de Cléden-Cap-Sizun.
184Le portique constitue donc un espace dont les fonctions sont sans doute multiples : d’une part, permettre la circulation, à l’abri, des dévots au sein du sanctuaire, et parfois d’assurer la liaison entre différentes composantes du monument – notamment lorsqu’ils aboutissent à des pavillons installés dans leurs angles ou qu’ils desservent des exèdres ou même l’entrée du temple, tel qu’à Corseul (S.134) – ; d’autre part, ils contribuent à la dignitas du monument, d’autant plus lorsqu’ils s’articulent pour former un tri- ou quadriportique. Ils ont pu aussi accueillir, mais les preuves manquent encore, d’autres activités dans le cadre des cérémonies religieuses, liées au partage de repas collectifs ou au dépôt d’offrandes. Inconnus, au sein des sanctuaires étudiés, avant le milieu du ier s. de n. è., ils ont parfois été intégrés au premier projet d’édification ou de monumentalisation d’un sanctuaire, tel qu’à Corseul (S.134 ; Provost et al., 2010, p. 147-148) à partir du début du iie s., ou bien ont été ajoutés ultérieurement le long d’un péribole préexistant, parfois en plusieurs étapes, comme le montrent les exemples des Busses à Oisseau-le-Petit (S.20 ; Monteil et al., 2015, p. 104), de Meaux (S.158 ; Magnan, 2006), de Macé (S.196 ; Leclerc, 2007b), ou encore de Genainville (S.260, ph. 3 ; Vermeersch, 2012).
1.1.4.2. Des bâtiments de plan barlong, liés à l’accueil des visiteurs et aux banquets ?
185Une série d’une quinzaine de bâtiments partage des caractéristiques communes et mérite une attention particulière : il s’agit de constructions de plan barlong, compartimentées ou non en plusieurs pièces, indépendantes de l’éventuel péribole et édifiées le plus souvent face à l’entrée du temple, à l’est et dans l’axe de celui-ci. Ces édifices, mis en évidence au cours de survols aériens ou de fouilles souvent anciennes ou partielles, présentent cependant des dimensions très variables et sont situés à une distance parfois importante du temple principal (tabl. III et fig. 70).
Tableau III : Caractéristiques des bâtiments de plan barlong reconnus aux abords des temples de Lyonnaise.

FIchier source : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.899f3j02/e90918850f382bd9c020c725e6d451b0387d35d2
Réal. S. Bossard.
Figure 70 : Plan de bâtiments de plan barlong indépendants de tout péribole maçonné, installés le plus souvent à l’est du temple, et des portiques à avancées reconnus en Lyonnaise.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
186Les formes les plus simples, au nombre de onze, sont de plan rectangulaire et ne présentent aucune division interne. Longues entre 9,10 et 22,30 m, elles sont larges de 4 à 8,90 m et leur surface totale est comprise entre 42 et 198 m². Les deux édifices de ce type qui ont fait l’objet d’opérations archéologiques récentes, à Villeneuve-le-Comte (Berga et Bet, 2016, p. 64) et à Pannes (Renard et David dir., 1997, p. 29-30), étaient arasés jusqu’à leurs fondations au moment de leur découverte et on ignore donc tout de leur élévation. Les explorations conduites anciennement à Caillouet-Orgeville (Chédeville et Chédeville, 1908) et à Saint-Saëns (Le Breton, 1894, p. 273) ont révélé la présence d’un sol bétonné au sein de l’édifice qui, pour ce dernier, serait compartimenté – mais les murs de refend n’ont pas été relevés en plan – et dotés de peintures murales. Sur le site de Cracouville, au Vieil-Évreux, un enduit rouge a été observé à l’extérieur des murs, tandis que des placages de roche recouvrent leur paroi interne. Le mur ou muret méridional, dont la hauteur n’est pas précisée, présente à son sommet un biseau également recouvert d’enduit rouge. Plutôt qu’une construction fermée, M. Baudot (1936, p. 78-79) y voit un bassin ; toutefois, le sol de la construction n’est pas conservé et aucun système d’adduction ou d’évacuation de l’eau n’y a été mis au jour. Enfin, à Oissel, le bâtiment est équipé d’un hypocauste chauffé grâce à un praefurnium repéré au nord de la salle ; son sol surélevé est pavé et ses murs sont couverts d’un enduit rouge (Vesly, 1909, p. 103-104 ; Deglatigny, 1927, p. 11-12).
187Seul le bâtiment de Vaudoy-en-Brie, identifié à partir d’images aériennes et d’une emprise au sol d’environ 156 m², est pourvu de deux galeries de même longueur, accolées l’une à l’autre (Brunet, 2016). En revanche, les édifices d’Entrammes, de Mauves-sur-Loire, de Quimper et peut-être aussi celui de Bû, se caractérisent par un plan plus complexe, associant une double galerie et de petites salles latérales, flanquant leurs extrémités ; ce sont alors les plus grandes constructions de la série, longues entre 26 et 35 m et d’une surface oscillant entre 260 et 434 m². Le bâtiment d’Entrammes, dont les deux pièces latérales sont aussi larges que la galerie double, a été doté, après une première phase d’occupation, d’un sol en mortier, reconnu dans la galerie orientale, tandis qu’un pavement en pierre semble constituer le sol de la galerie occidentale et de la pièce sud (Naveau, 1982, p. 31-33). D’après R.-Fr. Le Men (1876, p. 185), celui de Quimper, de nouveau sondé à la fin du xxe s., se compose de six pièces au sol bétonné. Parmi celles-ci, une galerie, à l’ouest, dont le mur occidental est probablement renforcé par des contreforts, est prolongée au nord par une petite pièce qui est équipée d’un four ; à l’est, quatre pièces sont disposées en enfilade – une salle de petites dimensions, dont les murs sont revêtus d’enduits peints, une autre galerie et deux pièces plus réduites. L’une de ces dernières pourrait avoir accueilli la cage d’un escalier menant à un étage, dont la présence est plausible au vu de l’épaisseur importante des murs. La construction fouillée à Mauves-sur-Loire est divisée en cinq pièces de taille inégale : deux galeries, qui communiquent entre elles au moyen de deux portes latérales, sont flanquées d’une à deux petites salles à leurs extrémités. Leur sol est en tout ou partie bétonné et la base des murs conservait encore, à la fin du xixe s., des vestiges d’enduits peints à décor géométrique et polychrome. Une colonnade a pu exister en façade du bâtiment, mais sa présence n’a pu être démontrée. À l’intérieur, a été mis en évidence un aménagement qui en est bien contemporain : trois murets définissent un espace quasi rectangulaire, dont le sol est composé de dalles polygonales de schiste et de fragments de tuiles liés au mortier (Monteil et al., 2009, p. 164-166 et p. 169). Enfin, à Bû, la construction, partiellement dégagée, comporte une double galerie, fermée au moins au nord par deux salles plus petites. Un lit de chaux a été observé à la base des murs et des fragments d’enduits peints rouges proviennent de ces derniers (Fauduet, 1988, p. 12-14).
188La position de ces édifices par rapport au temple est invariable : ils sont situés à l’est de celui-ci, soit à une courte distance, comprise entre 5 m et une vingtaine de mètres, soit plus à l’écart, entre une trentaine et une cinquantaine de mètres du bâtiment de culte, voire même à 94 m à Cracouville (Le Vieil-Évreux). Tandis que la plupart d’entre eux ont été bâtis au sein d’un sanctuaire a priori dépourvu de péribole, ceux de Caillouet-Orgeville, d’Oissel – et une configuration similaire a peut-être existé à Fouqueville (Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 365) et à Guainville (Delémont et al., 2012) – sont implantés à l’extérieur d’une enceinte circonscrivant l’aire sacrée associée au temple ; la contemporanéité entre les deux constructions, bâtiment rectangulaire et péribole, n’est toutefois pas prouvée.
189Quelles fonctions ces bâtiments ont-ils pu recouvrir ? L’hypothèse d’un bassin a été évoquée par M. Baudot (1936, p. 78-79) au Vieil-Évreux, en raison du vraisemblable muret qui ferme la construction au sud ; aucun système d’arrivée ou d’évacuation de l’eau n’a toutefois été reconnu et son sol n’est pas préservé. L’emplacement de ces constructions, à l’est et souvent dans l’axe du temple, rappelle d’ailleurs celle de plusieurs bassins (cf. supra, 1.1.3.1) et les plus simples d’entre elles, de forme rectangulaire, pourraient, du moins pour certaines, avoir été remplies d’eau. Pour autant, aucun des édifices fouillés n’a livré les preuves de la présence d’eau et le traitement de leurs murs, parfois peints, se prête davantage à des édifices fermés qu’à des bassins.
190Par ailleurs, I. Fauduet (2010, p. 77-78) a suggéré d’y voir, pour les plus grands, des entrées monumentales, en considérant leur emplacement au sein de l’aire sacrée et l’absence apparente de péribole associé. Cette hypothèse a été réfutée, pour l’édifice de Mauves-sur-Loire, par M. Monteil et al. (2009, p. 167), puisque ce bâtiment est manifestement accessible par deux portes latérales et non par une entrée axiale, ce qui ne semble guère adapté à une entrée monumentale. Certaines constructions de plan rectangulaire sont d’ailleurs situées à l’extérieur de l’aire sacrée, comme nous l’avons vu, mais il est toutefois possible qu’elles aient signalé et mis en valeur l’accès principal du lieu de culte avant l’édification d’un péribole maçonné. L’éventualité d’un bâtiment d’entrée maçonné paraît néanmoins tout à fait probable à Pannes : les temples, au sein de ce qui s’apparente à la cour des dépendances d’une villa, sont installés dans un espace qui leur est propre, ceinturé par des rangées de poteaux semblant s’appuyer, en façade sud-est, contre les petits côtés du bâtiment de plan rectangulaire (Renard et David dir., 1997). La question se pose aussi à Villeneuve-le-Comte : l’édifice en question a recouvert un ancien fossé qui a vraisemblablement marqué, pendant un temps, les limites de la cour sacrée, peut-être dès la fondation du sanctuaire, alors qu’au moins une partie des autres fossés ceinturant le sanctuaire a manifestement été conservée (Berga et Bet, 2016, p. 64).
191Notons aussi que les bâtiments les plus simples, de plan rectangulaire ou comprenant une double galerie, présentent des proportions et des dimensions tout à fait similaires à certains grands édifices faisant office de porche et accolés à la façade orientale d’un péribole maçonné (cf. supra, 1.1.1.3). L’hypothèse de constructions destinées à marquer l’entrée d’un lieu de culte dont l’enceinte – clôture de bois, haie, muret dépourvu de fondations ou fossé ? – n’aurait pas été identifiée dans la plupart des cas, faute d’une fouille extensive, ne peut donc être totalement écartée. Il est même possible que ces édifices aient été construits en bordure de sanctuaires dépourvus de péribole clairement matérialisé. Dans un cas comme dans l’autre, ces bâtiments auraient alors constitué le vestibule du sanctuaire. Au regard de leurs dimensions, il paraît toutefois réducteur de les considérer comme un simple espace de transition entre l’espace profane et l’aire sacrée : il est probable qu’ils aient aussi – et avant tout ? – été utilisés par les visiteurs à certaines occasions. Ils auraient alors assuré le même rôle que les portiques ceinturant parfois la cour sacrée, ici systématiquement absents. La comparaison entre ces longues galeries et certains de ces édifices de plan rectangulaire, parmi les plus étroits – tel celui de Bennecourt (S.254, ph. 4-6 ; Bourgeois dir., 1999, p. 46-48) –, semble d’ailleurs pertinente. On ignore cependant si des piliers de bois ou, éventuellement, des colonnes de brique ou de pierre agrémentaient la façade de ces bâtiments qui était tournée vers la cour.
192Par ailleurs, plusieurs vestiges associés témoignent de leur utilisation probable au cours de banquets, mais aussi dans le cadre d’autres pratiques rituelles. Ainsi, dans la pièce méridionale du bâtiment d’Entrammes, une fosse a été creusée au pied de l’un des murs, avant la réfection des sols, pour y enfouir les rejets issus d’un foyer ; elle contient aussi des restes fauniques brûlés et de nombreux tessons de céramique, probables déchets issus de repas (Naveau, 1982, p. 33). À Quimper, où l’une des pièces est équipée d’un four et a très probablement été utilisée comme cuisine, R.-Fr. Le Men (1876, p. 185) signale aussi la découverte de nombreux restes fauniques et malacofauniques dans l’étroit passage séparant le bâtiment D du porche d’entrée – dont le plan est d’ailleurs tout à fait similaire à celui des édifices de plan rectangulaire évoqués ici. En outre, plusieurs petits foyers ont été mis au jour dans les deux salles situées au nord des galeries de l’édifice D de Bû et à leurs abords ; des moules, des esquilles d’os brûlés, quelques tessons de céramique proviennent des amas charbonneux et cendreux qui les composent et, à l’instar de l’une des pièces de Quimper, il est possible que ces espaces aient accueilli les cuisines du sanctuaire (Fauduet, 1988, p. 12-14). Enfin, à Mauves-sur-Loire, des traces de cendres ont été observées sur les sols bétonnés les plus récents du bâtiment B ; la structure en forme de π pourrait correspondre, comme l’ont souligné M. Monteil et al. (2009, p. 167), à des bancs destinés à la réunion d’un groupe de quelques dévots.
193Espaces d’accueil des dévots, mais aussi de réunion, notamment pour des commensaux, voire lieux privilégiés pour le dépôt d’offrandes : il est vraisemblable que les édifices les plus grands, pourvus d’une double galerie et de salles latérales, aient donc accueilli ces diverses activités liées à la vie religieuse. Ce type de bâtiment de plan barlong, indépendant des murs de l’enceinte du sanctuaire, a manifestement été intégré à plusieurs aires sacrées dès le courant du ier s. de n. è. et continue d’être bâti durant le siècle suivant, d’après les données stratigraphiques collectées au cours des fouilles menées pour les exemples précités. En dehors de la zone étudiée, le seul exemple comparable, d’un point de vue morphologique, a été reconnu en prospection aérienne à Niherne, dans l’Indre, sur le territoire des Bituriges Cubes (Girond, 2015, vol. 1, p. 111-112). En revanche, il peut être rapproché d’une série de constructions que l’on qualifie généralement de « portiques à avancées », dont plusieurs exemples sont d’ailleurs attestés dans les sanctuaires de Lyonnaise et des provinces voisines (tabl. III et fig. 70). Défini par R. Ginouvès (1998, p. 78) par son « plan qui présente, aux deux extrémités du rectangle central, une avancée courte et plus ou moins large », ce type d’architecture a été développé, dans un premier temps, dans les espaces publics de la Grèce classique. Dans les Gaules romaines, plusieurs siècles après, son succès paraît avoir été assez limité, bien qu’il ait été adopté à plusieurs reprises comme variante du simple portique. D’abord identifié au sein du lieu de culte d’Apollon Moritasgus à Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or), par O. de Cazanove (2012, p. 166-168), il a aussi été reconnu au sein du sanctuaire de Mars Mullo à la Forêterie (Allonnes, S.9, ph. 3 ; Gruel et al., 2015, p. 178) et à Neuville-sur-Sarthe (S.18 ; Guillier dir., 2020, p. 117-119), où deux états succèdent peut-être à un premier édifice en bois, ainsi qu’au sein du complexe monumental de l’Aumône/la Justice à Châteaubleau (S.204 ; Pilon, 2012, p. 109). Ajoutons à cette liste un édifice essentiellement documenté par des images aériennes, sur le site des Vallées à Fontenoy, dans l’Yonne, ainsi que, dans de tout autres dimensions, un bâtiment reconnu à partir des mêmes méthodes à Vendeuvre-du-Poitou (Vienne ; environ 120 m de long). Mentionnons enfin le portique de l’ensemble monumental de Tintignac à Naves (Corrèze ; 74 m de long), dont la forme est aussi plus originale, puisqu’il est pourvu d’une grande exèdre médiane et de deux absides complémentaires, disposées sur sa façade occidentale (Maniquet, 2004, p. 18 et p. 20 ; Nouvel et Izri, 2016, p. 12 ; Aupert, 2017, p. 660, fig. 1).
194Dans les cités de Lyonnaise ici considérées, ces édifices sont de modeste taille : à Neuville-sur-Sarthe et à Châteaubleau, ils sont longs entre 12 et 20,70 m (pour une surface comprise entre 83 et 105 m²). À l’opposé, l’exemple d’Allonnes, long de 50 m et couvrant un espace de 294 m², est plus imposant et se rapproche ainsi davantage des bâtiments de Fontenoy (340 m²) et d’Alise-Sainte-Reine (390 m²). L’élévation des ouvrages des civitates étudiées n’est en aucun cas conservée ; signalons toutefois que les avancées du portique d’Allonnes s’inscrivent dans deux pavillons aux fondations indépendantes – et de hauteur plus importante ? –, contrairement aux autres exemples, et que les soubassements de piliers en bois ont été mis en évidence sur la façade septentrionale du bâtiment de Châteaubleau.
195Localisé à l’ouest et donc probablement à l’arrière du temple, l’édifice C de la phase 3 du sanctuaire d’Allonnes participe sans doute d’une scénographie monumentale visant à mettre en valeur ce dernier ; celui d’Alise-Sainte-Reine, au contraire, est localisé à l’avant du temple et en contrebas, se dressant ainsi en façade principale du lieu de culte, à l’extrémité orientale du mont Auxois. Quant aux deux édifices successifs de Neuville-sur-Sarthe, ils font face à l’entrée du sanctuaire enclos, dont ils sont distants de 75 m, et relèvent d’un complexe monumental plus vaste, associant aussi d’autres temples, dont ils pourraient marquer l’entrée (cf. infra, 3.2.3.1) ; leur disposition par rapport au lieu de culte principal évoque d’ailleurs celle de l’édifice de Fontenoy, érigé à une soixantaine de mètres à l’est d’un groupe de temples, ou encore la configuration du complexe de Tintignac. Enfin, aucune mise en scène monumentale ne semble avoir été recherchée à Châteaubleau, puisque le portique à avancées n’est pas orienté en fonction du lieu de culte principal, bien qu’il soit situé à proximité de ce dernier et du théâtre qui lui est associé.
196Les portiques à avancées, qu’ils se dressent en bordure la cour sacrée en dehors de celle-ci, alors incorporés à un complexe public composé de multiples édifices, ont pu revêtir des fonctions similaires à celles que l’on attribue aux bâtiments de plan barlong : espaces vraisemblablement fréquentés par les visiteurs, ce sont des lieux d’accueil et peut-être de réunion, pour des occasions dont la teneur nous échappe. Ils constituent, avec les édifices à double galerie et à salles latérales, des formes bien plus monumentales que les constructions de plan rectangulaire sans division interne.
1.1.4.3. D’autres constructions aux fonctions variées : cuisines, logements, espaces de réception ?
197Les autres constructions identifiées au sein des aires sacrées sont globalement peu nombreuses. Dans une douzaine de sanctuaires, des édifices, souvent modestes et de plan varié, sont implantés en bordure interne du péribole. Ils sont en grande partie connus grâce à des prospections aériennes ou géophysiques, ou une exploration ancienne ; leurs vestiges sont donc souvent difficiles à interpréter et leur plan est même parfois sujet à caution (fig. 71). Ce sont parfois des bâtiments formés d’une simple pièce de plan carré ou rectangulaire, installée dans un angle ou sur l’un des côtés de la cour, tel qu’à Baudreville (S.94 ; Jalmain, 1985), Mérouville (S.112 et s.113 ; Jalmain, 1999b) ou Oissel (S.266 ; Vesly, 1909, p. 92-113 et pl. VI-VII). D’autres sanctuaires, qui n’ont jamais fait l’objet de fouilles archéologiques, comportent des bâtiments annexes divisés en multiples salles, disposées en enfilade – à Toury (S.126 ; Ferdière et al., 2015), Méréville (S.213 ; plan révisé par S. Bossard) et Saint-Valérien (S.223 ; Nouvel et Venault dir., 2017, p. 187-259). Certains édifices suivent des agencements plus complexes, résultant probablement de différentes phases de construction – à Jublains (S.34 ; Caraire, 2020, p. 24-25) ou à Athée (S.165 ; Bodard de la Jacopière, 1863). Aussi, la fouille du lieu de culte de Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74) a révélé la présence, dans l’angle nord-est de l’aire sacrée, d’un grand bâtiment (environ 175 m²). Il se compose d’une série de cinq ou six pièces disposées en enfilade et adossées au péribole (D à H), à l’extérieur, et de deux autres salles accolées aux précédentes, installées du côté de la cour et de construction soignée (I et J), pourvues d’un sol probablement dallé, de peintures polychromes et de baies vitrées. Situé à une cinquantaine de centimètres en contrebas, l’ensemble de pièces localisées à l’extérieur de la cour est équipé d’une cave, accessible par un escalier maçonné, et d’au moins un foyer (Poulain, 1915, p. 61-65). La fonction de ces annexes n’est pas clairement identifiable, mais il peut être supposé que les deux salles situées côté cour constituent des espaces de réception – pour des banquets ? –, tandis que les petites pièces situées à l’extérieur de l’espace enclos seraient dévolues au stockage et à la préparation de repas, ce dont témoignerait aussi la mise au jour de nombreux ossements d’animaux et coquillages.
198L’identification d’un espace polyvalent, utilisé notamment comme cuisine, ne pose en revanche pas de problème au sein du mithraeum de Septeuil (S.122, ph. 2). En effet, la moitié septentrionale de l’ancien « nymphée » a été réaménagée afin de servir de vestibule au spelaeum, mais elle accueillait aussi d’autres activités, notamment culinaires : un grand foyer, régulièrement entretenu, a été construit à l’ouest du bassin de captage de la source, conservé en l’état, tandis qu’un appentis, dont la fonction n’est pas connue, est adossé à l’ouest de cet espace. L’abondant matériel faunique qui provient du foyer témoigne bien de sa destination culinaire ; il devait alors servir à préparer les repas qui étaient consommés dans la salle cultuelle voisine (Gaidon-Bunuel, 2000, p. 204-206).
199Rares sont les sanctuaires qui se distinguent des précédents par un nombre important d’édifices qui ceinturent la cour sacrée, tels ceux de Jublains (S.34 ; Caraire, 2020, p. 24-25), Quimper (S.176, ph. 4 ; Le Men, 1876, p. 186-188 ; Nicolas et Villard dir., 2019, p. 73-76), Authevernes (S.253, ph. 3 et 4 ; Michel et al., 2014, p. 197-198 et p. 235) ou Vieux (S.281 ; Kerébel dir., 2000, vol. 1, p. 41-46). Il s’agit systématiquement de modestes constructions de plans variés, bâties parfois en matériaux périssables et de dimensions relativement petites ; leur construction a pu avoir lieu en plusieurs étapes. On ne connaît généralement pas leur fonction, faute d’aménagement ou de mobilier spécifique. À Authevernes, cependant, un édifice d’une quinzaine de mètres carrés, isolé en bordure orientale de la cour (J), comporte deux pièces juxtaposées, dont l’une est équipée d’une structure de combustion, qui a pu servir à chauffer un hypocauste. Son élévation, vraisemblablement maçonnée, est de construction soignée : des enduits peints polychromes et des briques de revêtement pariétal en proviennent. S’agit-il d’un petit édifice balnéaire ? Par ailleurs, de nombreux ossements de faune, des tessons de céramique et un grill, évoquant la tenue de banquets, ont été mis au jour dans ou aux abords d’autres bâtiments (B à D et K à N) : une partie d’entre eux a donc pu avoir été utilisée lors de repas, soit en accueillant les convives, soit en servant de cuisine pour leur préparation.
Figure 71 : Plan de sanctuaires d’époque romaine pourvus de bâtiments de formes diverses installés le long de l’enceinte qui les circonscrit.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
200Par ailleurs, plusieurs édifices, adossés au mur de péribole, présentent un lien parfois évident avec le sanctuaire, bien qu’ils en soient cette fois-ci situés à l’extérieur (fig. 72). À Chelles (S.180 ; Charamond, 1998), à Aunou-sur-Orne (S.195 ; Lejars et Pernet, 2007) et à Baron-sur-Odon (S.279 ; Bertin, 1977), une salle de plan rectangulaire, ouvrant directement sur la cour ou sur l’une des galeries qui la bordent, constitue une annexe dont la fonction n’a pu être déterminée – doit-on y voir des lieux de réunion pour certaines cérémonies, à l’instar des pavillons d’angle ? L’édifice accolé à la façade septentrionale du péribole du grand sanctuaire de Berthouville (S.150) semble avoir été accessible depuis l’extérieur de l’aire sacrée : au nord, une galerie marque probablement son entrée principale ; elle dessert un couloir central qui sépare deux salles latérales (La Croix, 1897, p. 73, pl. I ; Conte et al., 2005). Ce bâtiment, dont le plan évoque celui de certaines habitations, pourrait aussi avoir été destiné à l’accueil d’une partie des dévots, ou bien au logement des prêtres, à moins qu’il n’ait abrité les cuisines du lieu de culte. Un édifice tout à fait similaire a d’ailleurs été reconnu dans l’angle nord-est de l’un des deux sanctuaires localisés au cœur de l’agglomération secondaire d’Amel-sur-l’Étang (Meuse ; Ritz, 2020, vol. 1, p. 293-294), tandis que d’autres constructions dont le plan est comparable ont été identifiées aux abords de plusieurs sanctuaires (cf. infra, 3.2.3.3). Quant au bâtiment situé dans l’angle sud-est du sanctuaire suburbain de Jublains (S.32, ph. 3), déjà évoqué supra (1.1.3.1), il se compose de plusieurs salles, dont l’une est équipée d’un bassin, alimenté grâce au système hydraulique mis en place dans l’aire sacrée, et est alors interprété comme un delubrum. Enfin, à Jouars-Pontchartrain (S.127, ph. 3), un petit enclos (80 m²) accolé à l’est du péribole, en bordure d’une rue, abrite, à partir du milieu du iie s., un monument sculpté plus ancien – car daté des alentours de 100 de n. è. –, arasé au moment de sa découverte. Probablement offerte par la communauté des vicani, résidant dans l’agglomération secondaire auquel le lieu de culte est rattaché, cette pile, reposant sur un socle carré et orné de scènes religieuses ou mythologiques, fait sans doute partie des équipements de l’aire sacrée, bien qu’elle soit installée dans un espace distinct (Blin, 2000, p. 104-114).
Figure 72 : Plan de sanctuaires d’époque romaine pourvus d’édifices accolés à l’extérieur de leur péribole.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
201Les édifices bordant parfois l’enceinte des sanctuaires, situés à l’intérieur ou l’extérieur de l’aire sacrée, sont donc relativement peu nombreux et les activités qu’ils accueillent demeurent très peu documentées, faute d’aménagements ou de mobilier associés spécifiques, mais aussi en raison de la faible part d’exemples fouillés. La découverte de foyers, de déchets culinaires, parfois d’une cave ou d’un bassin, témoigne, pour quelques lieux de culte, d’espaces probablement liés à la préparation et à la tenue de banquets au sein même de l’aire sacrée (Titta, 2020), au stockage d’une partie des denrées qui y sont consommées, ou encore aux ablutions réalisées en préalable des cérémonies. Le nombre de cuisines avérées reste faible et les dimensions des aires sacrées ne permettent pas toujours de réunir un nombre élevé de commensaux, comme l’a aussi noté W. Van Andringa à l’échelle des Trois Gaules et des Germanies (Van Andringa, 2017a, p. 113-114). Cette remarque est d’autant plus valable si l’on considère que certaines salles, installées dans un angle sur un côté de la cour, étaient bien destinées à la pratique du banquet : elles n’ont pu recevoir qu’une petite partie des cultores, selon des critères de sélection qui nous sont totalement inconnus. Ajoutons enfin qu’on ne peut identifier avec certitude, faute d’éléments probants, d’éventuels espaces réservés au parcage des animaux destinés à être sacrifiés, que ce soit au sein ou en bordure de l’aire sacrée, bien que certaines parcelles accolées à l’extérieur du péribole, en milieu rural (cf. infra, 3.2.3.2), aient pu servir à cet usage.
1.1.5. Les espaces vides de constructions et le parcours des hommes
202D’autres aménagements plus modestes, rassemblés ou au contraire isolés au sein de la cour sacrée, à proximité ou à distance des temples, jalonnent les parcours des hommes durant leur visite et les cérémonies auxquelles ils participent, mais aussi ceux des animaux destinés au sacrifice. Rarement conservés, car peu voire pas ancrés dans le sous-sol, ils témoignent de la fréquentation du lieu de culte et des rites qui y sont pratiqués : il s’agit d’empierrements facilitant la circulation des dévots, d’autels, de statues exposées dans la cour sacrée ou encore de foyers installés en extérieur. Cette dernière section, destinée à souligner l’importance des espaces ouverts du sanctuaire, propose de passer en revue une sélection d’aménagements bien documentés et de redonner vie à ces aires souvent grandes, qui ne font que rarement l’objet d’une fouille exhaustive. Les fosses creusées pour enfouir des objets – notamment des offrandes – manipulés dans le cadre des pratiques religieuses sont quant à elles analysées infra, au même titre que les autres contextes de découverte de mobilier (2.1.2.2).
1.1.5.1. Dans les pas des dévots : les espaces de circulation
203Les surfaces destinées à la circulation des hommes – et des animaux que l’on va sacrifier – n’ont été que rarement documentées. D’une manière générale, le sol de la cour des sanctuaires, lorsqu’il est conservé, n’a pas reçu d’aménagement particulier, ou bien est simplement revêtu d’une couche de cailloutis ou de cailloux, souvent limitée aux abords du temple, tel que sur les sites de la Fermerie à Juvigné (S.36 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 77-78) et du musée archéologique à Vieux (S.281 ; Kerébel dir., 2000, p. 41-46). Un niveau de calcaire damé a néanmoins été reconnu dans la cour des sanctuaires du Vieil-Évreux (S.79, ph. 3 ; Bertaudière et al., 2017, p. 76), de Bû (S.99, ph. 3 ; Fauduet, 1988, p. 8-9), de Sceaux-du-Gâtinais (S.225 ; Vilpoux, 1996, p. 121) et de Sens (S.226 ; Parruzot et Laubie, 1961), tandis que des lambeaux de sol bétonné, alternant avec des surfaces dépourvues de tout revêtement, ont été mis en évidence à Amboise (S.237, ph. 2 ; Laruaz dir., 2008, vol. 1, p. 26-29). Une couche de mortier a été mise en place en périphérie immédiate des édifices de culte d’Entrammes (S.31 ; Naveau, 1982, p. 30) et de Mauves-sur-Loire (S.167 ; Monteil et al., 2009, p. 163-164), tandis qu’un trottoir formé de tuiles posées à plat encadre le temple des Busses à Oisseau-le-Petit (S.20 ; Monteil et al., 2015). Quant aux dallages, peu répandus, ils sont généralement réservés aux caniveaux bordant les portiques (cf. supra, 1.1.3) ou à la zone située à l’entrée de temples relativement monumentaux, comme à Cracouville et au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.78 et s.79, ph. 2 ; Cliquet et al., 1996, p. 11 ; Bertaudière et al., 2012), ou encore, selon toute vraisemblance, au pied du temple de plan circulaire de Tours (S.248 ; Jouquand, 2007).
204Dans quelques cas, c’est une véritable allée empierrée, conduisant de la porte principale du sanctuaire au temple, qui définit un parcours axial au sein de l’aire sacrée. Formée de calcaire damé et large de 4,50 m à Aubigné-Racan (S.11 ; Lambert et Rioufreyt, 2006, p. 224), où elle est flanquée de deux rangées de moellons de grès, elle est plus étroite (1,50 m) à Jouars-Pontchartrain (S.127 ; Blin, 2000, p. 101). À Genainville (S.260, ph. 3), le traitement du chemin dallé qui relie le portique oriental du sanctuaire à l’édifice de culte monumental est particulièrement soigné (fig. 73). Large d’environ 7,30 m et long de 35 m, il s’élargit aux abords du bâtiment de culte ; aussi, une allée secondaire s’y greffe près de l’entrée de la cour pour desservir une petite cella (G), installée dans son angle sud-est (Mitard, 1993, p. 281-284 ; Vermeersch, 2012). Des parcours similaires, rectilignes et également orientés suivant un axe est-ouest, se devinent sur les images aériennes du sanctuaire occidental du Vieil-Évreux (S.80 ; Guyard et al., 2015, p. 221-223) et du lieu de culte oriental de Jouars-Pontchartrain (S.128 ; Blin, 2000, p. 92, fig. 1). Par ailleurs, des ornières, longeant le mur nord-est du péribole de la Place des épars à Chartres (S.100, ph. 3 et 4), témoignent du passage de véhicules et de l’existence d’une allée reliant probablement l’entrée du sanctuaire, depuis la ruelle, à celle du temple (Joly dir., 2010, p. 131). À Richebourg (S.118), dans un tout autre registre, un chemin, dont la surface est tapissée de cailloux, longe au sud-est les quatre constructions du sanctuaire privé de la villa, et les relie ainsi à l’axe principal qui traverse la pars rustica (Barat, 1999, p. 145).
Figure 73 : Vestiges de l’allée dallée conduisant de la porte principale au temple monumental du sanctuaire des Vaux-de-la-Celle à Genainville (Val-d’Oise). In Mitard, 1993, p. 282, fig. 1.

205Les autres parcours reconnus au sein de l’aire sacrée, sans doute secondaires, sont plus rares : un chemin empierré, antérieur à la voie dallée, a été identifié au nord du temple de Genainville (S.260, ph. 2) ; il suit un tracé curviligne sur plus de 20 m de long, mais on ignore tout des espaces qu’il est censé raccorder (Mitard, 1993, p. 42, pl. II). L’espace situé à l’arrière de temples a également été parfois fréquenté : une allée, vraisemblablement bordée par une haie et abritée par une pergola, est ainsi conservée à l’ouest des temples du Vieil-Évreux (S.79, ph. 2), dont elle dessert des accès secondaires ; de nombreux clous de chaussure y ont été mis au jour (Bertaudière et al., 2019). Au sanctuaire périurbain de Jublains (S.32), des ornières apparaissent à l’ouest du temple, indiquant que des chars ou des charriots avaient accès à la cour, peut-être lors des cérémonies (Naveau et al., 1997, p. 153-154). L’existence d’accès secondaires à l’aire sacrée, évoquée supra (1.1.1.3), ainsi que le déploiement de quadriportiques ou de bâtiments installés le long des murs du péribole, dans certains lieux de culte, montre bien que la circulation au sein de la cour ne se limite pas à un simple trajet entre la porte principale du sanctuaire et le ou les temples, mais que d’autres itinéraires, peut-être empruntés à des occasions particulières, ont été prévus et suivis.
1.1.5.2. Autels et bases de statues, jalons des aires sacrées
206La reconnaissance d’autels ou de bases de statue en pierre – ou, à défaut, des radiers qui leur servaient de fondations – apporte aussi des informations sur les trajets qui sont réalisés à pied au sein de la cour du sanctuaire, mais aussi sur les points focaux des cérémonies et notamment des sacrifices, en ce qui concerne les autels. Cependant, ces derniers ont disparu, à de rares exceptions près, après l’abandon des lieux de culte et leur position d’origine, sans doute près de l’entrée du temple, est souvent difficile à localiser avec précision.
207La liste des autels identifiés au sein des sanctuaires étudiés est courte. Un bloc en grès, haut de 0,87 m et dédié à Aug(usto) et au Deo Iovi Optimo Maximo, a été découvert au xixe s. dans les environs proches du lieu de culte central de Jublains, probablement situé en bordure du forum de la ville (S.33 ; cf. infra, 3.1.2.1), mais on ne sait s’il provient bien de cette aire sacrée ou d’une autre, relevant du centre civique (Barbe, 1879, p. 529 ; Naveau dir., 1997, p. 88). Par ailleurs, de deux autels fragmentaires, qui auraient été mis au jour à la fin du xixe s. à Criquebeuf-sur-Seine (S.256) et à Saint-Saëns (S.88), n’a été publié aucun dessin ou cliché qui permettrait de vérifier qu’il ne s’agit pas de bases de statues ou d’autres blocs ouvragés (Le Breton, 1894, p. 271 ; Vesly, 1909, p. 53). Bien plus récemment, la fouille préventive du mithraeum d’Angers (S.2 ; Brodeur dir., 2014, vol. 1, p. 149) a permis de collecter plusieurs débris d’un autel en pierre, installé au sein même du spelaeum, et non dans la cour du sanctuaire, comme c’est le cas dans le cadre du culte des autres divinités (Van Andringa, 2017a, p. 120). Quant aux trois petits autels votifs, entiers ou fragmentaires, qui ont été découverts à La Villeneuve-au-Châtelot (S.236 ; Frézouls, 1977, p. 404), Oisseau-le-Petit (S.20 ; Monteil et al., 2015, p. 105) et Allonnes (les Perrières, s.10 ; Lucas et al., 2019, p. 541), ils sont consacrés à des divinités dont le nom n’est pas conservé ; il ne s’agit sans doute pas des blocs – qui devaient être plus massifs – installés à l’entrée des temples correspondants.
208Malgré l’absence fréquente de tels éléments, peut-on identifier leur emplacement d’origine au sein de l’aire sacrée ? Il est probable que pour une partie des temples sur podium (types C1, C2 et D), l’autel ait été installé sur un palier intégré à l’escalier de façade, comme l’ont proposé V. Brouquier-Reddé et K. Gruel (2015, p. 80) à Allonnes (la Forêterie, s.9, ph. 4) ; il était ainsi surélevé par rapport à la cour, où étaient rassemblés les cultores. Néanmoins, à Jublains (S.32, ph. 3), un lit de mortier, reconnu à un demi-mètre à l’est de l’escalier du temple, pourrait aussi correspondre au soubassement d’un autel couvert de plaques de marbre, dont plusieurs fragments ont été mis au jour dans ce secteur ; dans ce cas, l’autel aurait alors été installé à son pied (Cormier, 2008, p. 275-276). Par ailleurs, à Meaux (S.158, ph. 3), il est possible que l’autel principal du sanctuaire monumental prît place au sommet d’un mur contenant, à l’est, la terrasse sur laquelle repose le double édifice de culte. L’épais mur s’élargit effectivement dans sa partie médiane et pouvait ainsi supporter, à cet endroit, une élévation disparue, probablement un autel monumental (Van Andringa, 2017a, p. 78).
209Toutefois, le plus souvent, l’autel devait se trouver à l’est du temple, sur le sol de la cour. Cette hypothèse est tout à fait crédible, par exemple, à Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74) : au début du xxe s., G. Poulain a observé au-devant du temple A un dallage de calcaire, de gros silex et un « trottoir macadamisé » (c’est-à-dire une couche bétonnée ?) qui encadraient un espace rectangulaire vide, correspondant vraisemblablement à l’emplacement de l’autel, alors disparu (Poulain, 1915, p. 51). De même, à Bennecourt (S.254, ph. 5), une fosse de plan elliptique, creusée à plus d’un mètre à l’est du temple B3 et comblée de craie, pourrait avoir servi de fondations à un autel. À quelques mètres plus au nord, à l’entrée de la cella C2, une autre fosse circulaire, d’environ 1,60 m de diamètre, est encadrée par une tranchée en forme de π, ouverte en direction de l’édifice de culte. De forme assez irrégulière, la tranchée présente un profil en auge et définit un espace de 5,50 m de long pour 5,15 m de large. Ces aménagements pourraient être en lien avec un autre autel, mis en valeur par un dispositif particulier – peut-être un édicule destiné à l’abriter ou des bancs en forme d’exèdre, à l’instar de ceux établis en bordure du sanctuaire de Lenus Mars de Trèves (Bourgeois dir., 1999, p. 177-180) ?
210D’autres blocs, ou des massifs de fondations constitués de pierres sèches ou liées au mortier, ont été reconnus près de l’entrée de temples ou dans leurs environs proches, mais on ne peut être certain qu’ils supportaient bien des autels, et non des statues, des vasques, ou encore des troncs monétaires, dont il ne subsiste généralement rien. Outre des amas de pierres et des aires bétonnées, supportant à l’origine des élévations dont il ne reste rien dans plusieurs sanctuaires, mentionnons notamment deux bases installées près de l’angle nord-est du temple monumental de Tours (S.248), qui devaient border directement l’allée qui y conduisait (Jouquand et al. dir., 2002, p. 24-25) : l’une se présente sous la forme d’un bloc de tuffeau long (1,90 × 1,10 × 0,30 m), tandis que de la seconde structure, il ne subsiste que le radier (> 1,60 × 1,40 m). Les fondations d’un socle et un bloc de calcaire (1 m × 0,60 m) ont aussi été découverts au pied de l’escalier du temple central du complexe monumental du Vieil-Évreux (S.79, ph. 3 ; Bertaudière et al., 2017, p. 76). Par ailleurs, à la Forêterie, à Allonnes (S.9, ph. 4), une base (2,40 × 1,20 m) a été construite à proximité du bassin installé en contrebas du temple ; elle devait être couverte de plaques de marbre rose et pourrait avoir supporté une colonne ciselée, dont plusieurs fragments ont été mis au jour à proximité. Plus à l’est, une autre base en calcaire coquillier, de plus grandes dimensions (1,30 × 0,77 × 0,65 m), a pu supporter une statue, non conservée (Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 335). De même, au sein du sanctuaire d’Oissel (S.266, D), L. de Vesly (1909, p. 102-103) a rapporté avoir dégagé un massif maçonné à une dizaine de mètres à l’est du temple, qu’il interprète comme le soubassement d’une « statue colossale », dont des fragments mutilés et épars, non décrits, auraient été ramassés au milieu de déblais.
211La présence d’autels comme de bases de statues n’est donc que rarement attestée dans les sanctuaires : il est souvent difficile d’en identifier les vestiges, généralement arasés jusqu’aux fondations – de même que la découverte de débris de statuaire n’est attestée qu’à quelques reprises (cf. infra, 2.2.2.1). Il est toutefois probable qu’un nombre plus ou moins important d’aménagements de ce genre, simplement posés sur le sol de la cour et sans doute de modestes dimensions dans les aires sacrées privées, aient été détruits ou recyclés après l’abandon des lieux de culte, sans laisser aucune trace.
1.1.5.3. Des structures de combustion en plein air
212Par ailleurs, dans de rares sanctuaires, des structures de combustion ont été aménagées à même le sol de la cour sacrée, et non à l’intérieur d’édifices de culte ou de portiques (cf. supra, 1.1.2.2 et 1.1.4.1). Un foyer a parfois été identifié à quelques mètres au-devant d’un temple ; il a alors souvent livré des restes fauniques calcinés – à Juvigné (S.36), où une monnaie en provient aussi (Bossard, 2014, vol. 1, p. 51), à Corseul (S.134 ; Provost et al., 2010, p. 117-118) et à Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 2 ; Lejars et Pernet, 2005, p. 10) – et a pu servir à la cuisson d’aliments ou en tant qu’autel, complétant ou précédant peut-être un monument sacrificiel en pierre. On ne peut toutefois exclure d’autres usages, tel celui de points de cuisson ou de combustion mis en place lors des chantiers de construction des sanctuaires, s’il ne s’agit pas de foyers postérieurs à l’arrêt des pratiques religieuses et donc contemporains d’une réoccupation profane du site (cf. infra, 5.3.1.2 et 6.1.1.2).
213Cependant, au sein du modeste lieu de culte de Paule (S.172), dépourvu de portiques ou de bâtiments en dehors de cellae et d’un porche, c’est une dizaine de structures de combustion, essentiellement concentrées dans le quart sud-oriental de l’aire enclose, qui a été mise en évidence (Menez et al., 2021, p. 206). Ces fours et ces foyers témoignent vraisemblablement de la cuisson d’aliments au sein du sanctuaire : la plupart d’entre eux ont été installés dans des fosses, dont le remplissage contient aussi quelques restes fauniques carbonisés ; ils sont associés à des fosses remplies de rejets brûlés, creusées à proximité pour leur vidange. Deux foyers constitués d’un lit de terres cuites architecturales complètent l’ensemble. Les rares tessons qui proviennent de ces structures liées à la cuisson sont datés du iiie s. de n. è., mais certains aménagements de ce type sont probablement plus anciens – notamment un four recouvert par le sol de l’une des cellae. Au regard de ces éléments, il est possible que ces multiples équipements aient été mis en place pour brûler des offrandes animales destinées aux divinités, ou bien préparer des repas consommés au sein de ce lieu de culte, qui n’était pas doté d’une véritable cuisine.
1.1.5.4. Espaces vides et capacités d’accueil
214Au sein des sanctuaires, les espaces dépourvus de constructions ne sont donc pas pour autant vides de tout aménagement : les vestiges identifiés dans plusieurs lieux de culte témoignent de la présence de statues, d’autels, de foyers ou encore de vasques, auxquels s’ajoutent probablement des troncs monétaires (cf. infra, 2.1.2.1 et 2.2.3.1) – soit divers équipements qui n’ont pu laisser aucune trace archéologique sur d’autres sites, s’ils ont été récupérés. Il est probable, aussi, que les cours aient été agrémentées d’arbustes, de haies ou d’arbres. En témoigne par exemple l’identification de cinq chablis, toutefois non datés, au sein du sanctuaire de Paule (S.172 ; Menez et al., 2021, p. 205), ainsi que la reconnaissance d’une rangée de fosses de plantation, bordant une allée du sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79, ph. 2 ; Bertaudière et al., 2019, p. 473-474) ou encadrant régulièrement le temple de Pussigny (S.244 ; Coutelas et Hauzeur, 2017, p. 83).
215Quoi qu’il en soit, les zones non bâties des sanctuaires sont souvent vastes et forment alors des espaces propices aux grands rassemblements. La surface de ces aires vides de constructions a pu être évaluée pour soixante-quatre lieux de culte d’époque romaine dont l’ensemble du plan est connu, ou presque : elle s’étend alors de 40 m² à Saint-Patrice (S.247) à environ 84 000 m² dans le sanctuaire monumental de Sens (S.226). Si l’on exclut ce dernier exemple ainsi que celui du Vieil-Évreux (S.79, au moins 54 600 m²), tous deux pourvus d’une ou de plusieurs cours de taille démesurée, l’espace vide du sanctuaire couvre en moyenne 2 103 m², mais l’essentiel des valeurs est inférieur à 1 500 m² (fig. 74).
Figure 74 : Surface (en mètres carrés) des espaces non bâtis de 65 lieux de culte d’époque romaine, par classe (a) et par ordre croissant (b : les sanctuaires du Vieil-Évreux (54 600 m²) et de Sens (84 000 m²) ont été exceptés).

Réal. S. Bossard.
216Peut-on, à partir de ces chiffres, estimer les capacités d’accueil des sanctuaires au cours des cérémonies religieuses, notamment lors des sacrifices réalisés dans le cadre de la fête annuelle du dieu ou de la déesse, auxquels pouvait assister une foule de dévots (Scheid, 2010, p. 148 ; 2013, p. 115) ? On ignore tout du déroulement de ces manifestations, notamment si les banquets sacrés qui concluaient les sacrifices avaient bien lieu au sein même du sanctuaire et s’ils pouvaient réunir l’ensemble de la communauté concernée par le culte ou seulement ses représentants. Bien que des déchets caractéristiques de repas aient été rejetés à de multiples reprises au sein ou en bordure de l’aire sacrée (cf. infra, 2.1.2 et 2.2.1), aucun aménagement comparable à la série de fossés mis au jour dans l’enceinte localisée à l’entrée occidentale de l’agglomération antique d’Yverdon-les-Bains (canton de Vaud, Suisse), interprétés comme des structures où s’asseyaient les convives pour banqueter au sein de l’aire sacrée, n’est documenté dans les cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise (Brand et al., 2019, p. 61-63). Il est néanmoins possible que des rangées de tables en bois aient été déployées dans les plus vastes lieux de culte à de telles occasions – parfois au sein d’avant-cours, précédant l’enclos qui abrite les temples, tels qu’au sanctuaire central du Vieil-Évreux (S.79) ou à Orléans (S.114) ? –, ou même dans des sanctuaires plus modestes, destinés à des cultes privés. Dans le cadre de banquets réunissant plusieurs centaines ou milliers de participants, il faut probablement restituer aussi des points de service, qui ont pu avoir été construits à l’occasion et démontés à l’issue des festivités, sans guère laisser de traces.
217Si l’on considère que, au cours du sacrifice, lorsque l’animal est abattu auprès de l’autel dressé devant le temple, cette scène – l’immolatio – pouvait être visible par toute l’assistance réunie, il paraît alors plausible d’estimer qu’entre un quart et la moitié de la surface vide de la cour était occupée par des dévots. En effet, l’espace situé sur les côtés et à l’arrière du ou des bâtiments de culte, généralement installés au centre ou bien au fond de la cour, n’a guère dû être prisé pour suivre les gestes de l’officiant. À titre d’hypothèse, si l’on évalue la densité de la foule à deux visiteurs par mètre carré, une vingtaine ou une trentaine de personnes auraient pu participer aux cérémonies du modeste lieu de culte de Saint-Patrice, tandis que des sanctuaires dont l’espace vide occupe environ 850 m², tel qu’à Orléans (S.114), Fontaine-les-Bassets (S.143) ou Hérouvillette (S.145), auraient pu accueillir entre 400 et 800 dévots ; à Vaas (S.25), Guichainville (S.61) ou Saint-Mars-Vieux-Maisons (S.161) – environ 2 000-2 500 m² –, c’est un millier de participants qui auraient pu assister publiquement aux rites. De grands monuments, tels ceux de la Forêterie à Allonnes (S.9, environ 6 000 m² libres), d’Aubigné-Racan (S.11, 7 300 m²) ou Meaux (S.158, environ 8 000 m²) ont pu rassembler plusieurs milliers de visiteurs, voire même quelques dizaines de milliers d’individus au Vieil-Évreux (S.79), à Sens (S.226) ou à Chartres (S.101). En sus de la cour, les portiques qui la bordent ont aussi pu abriter plusieurs centaines, voire milliers de personnes supplémentaires et ont probablement été privilégiés, dans le cadre de diverses cérémonies, en cas de mauvais temps.
218Ces estimations, si elles reposent sur de multiples inconnues et ne fournissent donc qu’un ordre de grandeur discutable, soulignent néanmoins les capacités d’accueil importantes de certains lieux de culte, tandis que d’autres, qu’ils soient monumentaux ou non, sont dotés de cours bien plus étroites ; l’analyse de leur contexte d’implantation est alors cruciale pour identifier les communautés qui ont pu les fréquenter (cf. infra, chapitre 3). Il ne fait pas de doute que les surfaces a priori vierges de structures constituent donc, au même titre que les autres composantes des sanctuaires, des espaces fréquentés et utilisés dans le cadre des cultes, mais aussi, dans certains cas, qu’elles contribuent à la monumentalité du site, créant de vastes zones vides autour d’un ou de plusieurs temples de grandes dimensions. Il est donc nécessaire de les prendre en considération, à l’instar des zones bâties, pour caractériser l’organisation spatiale des lieux de culte.
1.2. L’organisation spatiale des sanctuaires : proposition de classement typologique
219Si l’établissement d’une typologie des temples des Gaules romaines est un exercice auquel se sont prêtés nombre d’archéologues (cf. supra, 1.1.2.1), encore peu de tentatives ont été réalisées pour essayer de classer les sanctuaires en fonction de l’agencement de leurs principales composantes et donc de leur organisation spatiale.
220Au début des années 1990, M. Fincker et Fr. Tassaux ont cependant distingué trois types de configuration pour les « grands sanctuaires ruraux » enclos d’Aquitaine, en fonction du nombre de bâtiments de culte dont ils sont pourvus : les enceintes à structure dominante ; les enceintes à temples géminés ; les enceintes à édifices multiples (Fincker et Tassaux, 1992, p. 50). Cette proposition de classement planimétrique a été reprise et affinée par C. Doulan une quinzaine d’années plus tard, à l’aune d’un corpus de sites plus étoffé : elle a alors conservé les trois catégories susmentionnées et y a ajouté celle des enceintes à espace cloisonné, dont la cour est divisée en plusieurs enclos, ainsi qu’un unique sanctuaire monumental à terrasses, dressé sur le puy de Dôme (Orcines, Puy-de-Dôme). En outre, elle a distingué, pour la première catégorie, deux sous-types définis en fonction de l’emplacement du ou des temples au cœur ou en bordure du péribole et, pour la seconde catégorie, les lieux de cultes dotés de deux temples identiques, encadrés ou non par la même galerie périphérique, de ceux qui sont pourvus d’édifices de culte de plan différent (Doulan, 2008, vol. 1, p. 76-91). Plus récemment, S. Girond (2015, vol. 1, p. 117-121) a appliqué la classification établie par C. Doulan aux sites religieux de la cité des Bituriges Cubes, en soulignant cependant le fait que pour la majorité des sanctuaires, aucune délimitation matérielle n’a pu être mise en évidence – mais ces lieux de culte n’ont que rarement fait l’objet d’une fouille.
221Comme l’a bien formalisé J. Scheid (1995), l’organisation spatiale d’un sanctuaire comprend plusieurs espaces de différents statuts, dont l’agencement contribue à construire « une représentation de l’ordre des choses » et traduit la hiérarchie établie entre les dieux, auxquels les cellae sont réservées, et le commun des mortels, qui a accès à la cour et aux portiques. Par ailleurs, le nombre important de temples et de chapelles bâtis dans plusieurs sanctuaires des cités de l’ouest et du centre de la Lyonnaise, comme dans d’autres provinces des Gaules (Gros, 2011, p. 202-203), témoigne de l’association de divinités au sein d’un même lieu de culte. En outre, il faut admettre qu’il existait sans doute une hiérarchie entre les dieux et déesses de ces espaces cultuels, puisque leurs demeures sont généralement de forme et surtout de taille différente.
222Au regard de ces éléments, trois critères peuvent être retenus pour classer les lieux de culte du territoire considéré à partir de leur organisation interne : le nombre de temples, ainsi que l’ont proposé M. Fincker et Fr. Tassaux, qui indique si le sanctuaire abrite le culte d’une ou de plusieurs divinités ; le cas échéant, la forme et la taille respective des temples multiples, révélant les rapports hiérarchiques établis entre ces puissances divines ; enfin, la matérialisation ou non des limites de l’aire sacrée, malgré les problèmes liés à l’identification de certains périboles (cf. supra, 1.1.1.4). De fait, il est tout à fait vraisemblable qu’une part des sanctuaires considérés comme non enclos aient en fait été dotés d’une enceinte qui n’aurait pas été reconnue. Il serait vain de prétendre pouvoir caractériser l’ensemble des sanctuaires étudiés : d’une part, la documentation est insuffisante pour une grande part d’entre eux (soit 123 phases), dont le plan demeure incomplet ; d’autre part, certaines configurations particulières posent question. Par exemple, l’absence supposée de temple dans certains sanctuaires des eaux, tels ceux de Montbouy (S.217) et peut-être de la Tannerie à Châteaubleau (S.205), invite ainsi à considérer que certains lieux de culte monumentaux aient pu être dépourvus de ce type de construction, la divinité honorée résidant avant tout dans l’élément aquatique (cf. supra, 1.1.3.2). Par ailleurs, les bâtiments dressés au sein de complexes rassemblant plusieurs sanctuaires accolés, enclos ou non, ont été considérés comme relevant de différentes entités juxtaposées, dont certaines sont construites autour d’un temple unique ; la prise en compte de l’ensemble du complexe les rapproche néanmoins de certains lieux de cultes composés de temples multiples (cf. infra, chapitre 3).
223Après avoir évoqué la configuration des sanctuaires du second âge du Fer (I), pour lesquels la présence d’un temple n’est pas avérée et qui répondent donc a priori à d’autres formes de représentation du sacré, l’organisation spatiale des lieux de culte de l’époque romaine sera analysée en distinguant trois grandes catégories, divisées en plusieurs types (tabl. IV) : les aires sacrées dominées par un temple principal, isolé ou environné de chapelles (II) ; les lieux de culte composés de temples multiples (III) ; enfin, les sanctuaires de Mithra (IV), peu nombreux, dont l’organisation et les composantes sont spécifiques.
1.2.1. La question des sanctuaires de l’âge du Fer (I)
224L’examen planimétrique des sanctuaires gaulois de l’ouest de la Celtique est indispensable pour cerner les modifications apportées à leur structuration après la conquête romaine, du moins pour ceux qui continuent d’être fréquentés (cf. infra, 4.1.3). Cependant, leur organisation spatiale demeure encore peu connue : leurs vestiges ont souvent été en partie détruits par des aménagements postérieurs, datés notamment de l’époque romaine. Néanmoins, au plus tard à partir de la fin du iiie s. ou du début du iie s. av. n. è., une enceinte fossoyée semble bien avoir délimité une part importante d’entre eux (type I-2). L’enceinte est alors de plan souvent quadrangulaire – à Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 1), Juvigné (S.36, ph. 1), Bennecourt (S.254, ph. 1), Saumeray ou Ablis (S.91, ph. 1) –, ou plus rarement circulaire (à Saumeray), voire polygonal (Saint-Malo ?). Elle circonscrit une surface interne très variable, mesurant entre une cinquantaine de mètres carrés et plus de 2 500 m². D’autres aires consacrées aux rituels ont pu avoir été délimitées par une clôture en bois, comme à Allonnes (S.9, ph. 1) ou à Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 1), et peut-être à Jublains (S.32, ph. 1) – si la palissade n’est pas plus tardive (cf. supra, 1.1.1.1 et fig. 16 et 20).
225Peu d’informations ont pu être réunies au sujet de la structuration interne de ces enclos : dans la plupart des cas, des concentrations de trous de poteau – ou bien, à Allonnes, les tranchées d’implantation de parois de bâtiments quadrangulaires et circulaires – témoignent de l’existence d’une ou de multiples constructions en bois et en terre, contemporaines ou successives, dont le plan et la fonction restent souvent inconnus. S’y ajoutent souvent des fosses de taille et de formes variables, dont la fonction – extraction de limon, fosse de plantation, « autel creux » destiné à recevoir des offrandes disparues, mise au rebut de mobilier ? – reste souvent indéterminée. En tout état de cause, aucun édifice que l’on pourrait interpréter comme un temple, renfermant une image divine (cf. supra, 1.1.2.3), ni aucun portique en bois, à l’instar de ceux qui ont été déployés le long de l’enceinte du sanctuaire de Corent (Puy-de-Dôme) vers le début du ier s. av. n. è., n’a pu être formellement identifié au sein de ces enclos fossoyés (Poux et Demierre dir., 2015, p. 520). Les aménagements hydrauliques y font aussi défaut.
226Quant à l’hypothèse de lieux de rituels communautaires laténiens dépourvus d’enceinte (type II-1), bien que plausible, elle demeure sujette à caution. Les trois sites qui pourraient se rattacher à cette catégorie – à Aubigné-Racan (S.11, ph. 1), Meaux (S.158, ph. 1) et La Villeneuve-au-Châtelot (S.236, ph. 1) –, nous l’avons vu (1.1.1.4), n’ont été que très partiellement fouillés. Il est alors possible que les concentrations d’objets fragmentés qui y ont été épandus sur le sol soient localisées au sein d’une enceinte dont les contours n’auraient pas été perçus, ou éventuellement en périphérie d’un sanctuaire construit, dont l’emplacement demeurerait inconnu.
1.2.2. Les lieux de culte à temple dominant (II)
227À partir du début du Haut-Empire, le ou les temples occupent une place de choix au sein de l’aire sacrée des sanctuaires. La majorité de ces derniers (215 phases de sanctuaires, soit 78 % de ceux qui ont pu être rattachés à un type) est pourvue d’un édifice de culte qui domine la cour, qu’il soit environné de temples plus petits, que l’on peut qualifier de chapelles (type II-3), ou non (types II-1 et II-2).
228Les 163 aires sacrées (soit 76 % de la catégorie II) a priori équipées d’un temple unique (type II-1), isolé au centre ou au fond d’un espace souvent enclos, présentent des configurations diverses (fig. 75). Pour 43 % d’entre elles, aucune structure qui pourrait relever d’un péribole n’a été identifiée aux abords du temple (II-1a). Il ne fait néanmoins pas de doute qu’une enceinte a bien existé pour une partie probablement importante d’entre eux, puisque ces sites sont essentiellement documentés par des clichés aériens, par des explorations sommaires ou par des sondages limités au secteur du temple. Il est aussi possible que certains temples a priori isolés aient en réalité été installés au sein d’un habitat rural dont les autres structures, peut-être non maçonnées, n’auraient pas été localisées. En effet, 13 % des aires comportant un unique temple prennent place au sein d’un établissement rural, à proximité immédiate des bâtiments d’habitation ou à l’écart, mais dans une cour délimitée par un fossé ou un mur qui circonscrit l’emprise du domaine (II-1b). Dans ce cas, les limites propres à l’aire sacrée ne semblent pas avoir été matérialisées et le temple est alors intégré à l’enclos d’habitat (cf. infra, 3.2.2). Enfin, les 44 % autres temples isolés dominent une cour dont le périmètre est clairement marqué par un fossé (11 occurrences), une palissade (1) ou, le plus souvent, une enceinte dont au moins les fondations sont en pierre (59) (II-1c).
Figure 75 : Sélection de plans de sanctuaires à temple unique (type II-1).

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
229Par ailleurs, une série d’au moins 7 sanctuaires (3 % de la catégorie II) se caractérise par l’adjonction, à quelques mètres ou dizaines de mètres à l’est du temple, d’un bâtiment de plan rectangulaire, parfois divisé en galeries et en salles de petites dimensions (cf. supra, 1.1.4.2), alors qu’aucun péribole ne semble fermer l’aire sacrée qui intègre ces deux constructions (type II-2) (fig. 76). Il est néanmoins possible, comme le suggèrent les exemples de Pannes (cf. supra, fig. 20) et peut-être de Villeneuve-le-Comte (cf. supra, fig. 17), que certains de ces édifices de plan barlong – du moins les plus simples, tandis que les plus développés pourraient avoir accueilli des banquets – aient été construits à l’entrée d’une aire sacrée délimitée par un fossé ou par une clôture de bois, ou peut-être par une haie. D’autres ont toutefois pu avoir été mis en place en limite d’aires sacrées qui n’ont jamais été ceinturées par une enceinte, bien que les preuves manquent.
Figure 76 : Sélection de plans de sanctuaires à temple et bâtiment de plan barlong, a priori dépourvus de péribole maçonné (type II-2).

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
230Enfin, 45 autres temples (soit 21 % de la catégorie II) sont localisés dans un téménos qui est aussi occupé par un ou plusieurs édicules (temples de la famille A) qui, dans la plupart des cas, constituent de vraisemblables chapelles où est célébré le culte de divinités associées au dieu ou à la déesse principale (type II-3) (fig. 77). Le nombre de ces édicules change d’un exemple à l’autre : une seule petite construction flanque parfois le temple principal, tandis qu’une paire de chapelles, généralement disposées de part et d’autre de l’allée qui conduit de la porte du sanctuaire à l’édifice de culte majeur, a été observée à huit reprises. Plus rarement, comme à Cracouville (Le Vieil-Évreux, s.78) et peut-être à Lestiou (S.110), de multiples constructions de plan carré sont alignées dans la cour. Il est possible que certaines chapelles aient été offertes par un dédicant dans un sanctuaire préexistant ou qu’elles aient été réservées à certains cultes privés, célébrés au sein d’un espace public ou non (Derks, 1998, p. 212). Si près d’un quart (24 %) de ces sites pourvus d’un temple principal et d’édicules secondaires semble avoir été démuni de péribole (II-3a) – mais encore une fois, des problèmes d’identification peuvent expliquer cette absence –, deux d’entre eux, à Richebourg (S.118) et vraisemblablement à Saint-Denis-du-Maine (S.39), sont ainsi installés dans un enclos dépendant d’une propriété privée, aux côtés d’autres annexes ou de son habitation principale (II-3b). Cependant, plus des deux tiers de ces lieux de culte (69 %) sont équipés d’un péribole, invariablement doté de fondations en pierre (II-3c).
Figure 77 : Sélection de plans de sanctuaires à temple dominant et édicule(s) périphérique(s) (type II-3).

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
231Les sanctuaires comportant un temple dominant, dont l’architecture relève généralement des familles B, C ou D (cf. supra, 1.1.2.1), couvrent une surface très variable, dont l’emprise a pu être évaluée lorsqu’une enceinte en marque clairement les contours. Alors qu’à Saint-Patrice (S.247), elle ne mesure que 75 m², le sanctuaire monumental de Sens (S.226) s’étend sur 10,8 ha. Au sein de la cour, le temple est parfois volontairement mis en valeur, notamment dans les lieux de culte les plus vastes : il se dresse alors au fond de l’aire sacrée, dont le plan est traversé par un axe de symétrie reliant l’entrée du sanctuaire à la porte du temple. Dans plusieurs cas, l’adjonction d’un triportique ou d’un quadriportique, formant l’écrin de la cour et magnifiant le temple qui s’en détache et domine l’ensemble par sa hauteur, contribue aussi à la recherche de perspective et de monumentalité. Ce parti architectural est fréquent, mais pas systématique, dans les lieux de culte équipés d’un temple monumental (type C ou D), à l’exemple des espaces sacrés de la Forêterie à Allonnes (S.9, ph. 4), de Jublains (S.32, ph. 3) ou de Sens (S.226). Il a aussi été adopté pour des aires sacrées de plus faible ampleur, aménagées autour d’un temple plus modeste (type B1), tel qu’à Oisseau-le-Petit (les Busses, s.20) ou à Rosporden (S.178). Dans une moindre mesure, l’installation d’une paire d’édicules qui précède et encadre le bâtiment de culte principal introduit également un jeu architectural en renforçant la symétrie axiale de l’ensemble. Par ailleurs, les architectes du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul (S.134) – et vraisemblablement aussi de Chartres (S.101), dont le temple principal n’a toutefois pas été localisé – ont su tirer parti de la topographie du site, accusant une pente inclinée vers l’est, pour répartir ses composantes sur différents paliers et affirmer la primauté de l’édifice de culte : la cour est située en contrebas du sol des portiques latéraux, lui-même moins élevé que celui du portique frontal et du temple qui lui est accolé (Provost et al., 2010, p. 195).
1.2.3. Les lieux de culte à temples multiples (III)
232Les sanctuaires accueillant plusieurs temples de plan identique (III-1) ou de formes ou de taille différentes (III-2) sont moins nombreux, puisque 46 phases répondant à ces critères ont été recensées à l’échelle des cités étudiées.
233Seulement 5 d’entre eux (11 %) sont équipés de temples géminés ou rassemblant trois cellae de même module, desservies par une galerie périphérique commune et dominant la cour sacrée (type III-1) (fig. 78). Le lieu de culte de Sermaises (S.228), peu documenté, est le seul exemple aménagé au sein d’une cour bordée par les constructions d’une vraisemblable villa (III-1a). Les quatre autres occurrences correspondent à des sanctuaires plus monumentaux, pourvus de leur propre péribole, bordé intégralement ou partiellement de portiques (III-1b). À Meaux (S.158, ph. 3) et à Genainville (S.260, ph. 3), deux divinités principales ont été honorées dans un grand bâtiment de type C2 ou C3, composé de deux temples accolés et reliés par une grande galerie dans le premier cas, et de deux cellae circonscrites par une même galerie dans le second. Il semble plausible qu’un dieu et sa parèdre, ou bien deux divinités d’importance équivalente au regard de la communauté qui en célébrait le culte, aient élu résidence au sein de ces édifices doubles. À Genainville (S.260, ph. 3), le temple doté de deux cellae est complété par plusieurs édicules et par une série de bassins captant ou non des sources, tandis qu’à Fontaine-les-Bassets (S.143) et à Vieux (S.280), c’est un bâtiment pourvu de trois cellae a priori identiques qui se dresse au centre ou au fond de l’aire sacrée. Comme pour les exemples précédents, on ignore tout de l’identité des divinités qui y étaient représentées par leur statue de culte.
Figure 78 : Sélection de plans de sanctuaires équipés de temples géminés ou de temple à triple cella (type III-1).

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
234L’essentiel des lieux de culte (89 % des cas) équipés de plusieurs temples de dimensions relativement importantes (type III-2) rassemble des édifices de forme et d’ampleur variables (fig. 79). Leur nombre est aussi une valeur changeante : le plus souvent égal à deux ou trois, pour les bâtiments des familles B, il atteint six temples et un édicule en périphérie occidentale de l’agglomération de Pithiviers-le-Vieil, où il est toutefois probable que deux ensembles distincts – réunissant respectivement quatre et deux édifices de culte à cella centrale et galerie périphérique –, aient été munis de limites propres, non reconnues sur les images aériennes. S’y ajoutent souvent un ou plusieurs édicules supplémentaires, formant parfois des ensembles particulièrement denses de temples et de chapelles, comme à Méréville (S.213) et à Macé (S.196), sanctuaires équipés de deux temples à galerie (type B1) et de nombreux édicules de plan carré (type A1a). Ces lieux de culte se composent presque systématiquement d’un temple plus imposant que les autres et constituent alors des variantes plus ou moins monumentales des sanctuaires pourvus d’un temple principal et d’édicules périphériques (type II-3). D’ailleurs, dans certains cas – les sanctuaires du Vieil-Évreux (S.78, ph. 3) ou de Meilleray (S.234) en sont des exemples éloquents –, la zone des temples regroupe trois édifices alignés, parfois reliés par des galeries, dominés par un bâtiment central de plus grandes dimensions ; cette configuration rappelle celle des aires sacrées pourvues d’un temple à galerie et d’une paire d’édicules qui le flanque. Les sanctuaires de Guichainville (S.61, ph. 2) et de Châteaubleau (S.204, ph. 2 et 3), au sein desquels un culte est voué, a minima, à respectivement quatre et cinq divinités, sont tous deux équipés d’un temple à triple cella, témoignant de l’association étroite de trois d’entre elles, réunies au sein même édifice. La grande majorité (73 %) des lieux de culte de type III-2 est délimitée par une enceinte en pierre, ou bien par une palissade à Bennecourt (S.254, ph. 3 et 4) (III-2c). Seul l’ensemble de temples de Pannes (S.220) prend vraisemblablement place au sein de la cour regroupant les dépendances d’une villa (III-2b), tandis que trois lieux de culte à édifices multiples, incomplètement étudiés, sont peut-être dépourvus de péribole (III-2a).
Figure 79 : Sélection de plans de sanctuaires équipés de temples multiples et hiérarchisés (type III-2).

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
235Les sanctuaires de la catégorie III sont dotés d’une cour sacrée qui peut être bordée par des portiques et qui, la plupart du temps, est relativement grande : son emprise est généralement supérieure à 1 500 m² et dépasse même 2 ha à Châteaubleau (S.204) et 6 ha, répartis dans plusieurs cours, au Vieil-Évreux (S.78, ph. 3). Ils réunissent les demeures de plusieurs divinités sans doute honorées par une même communauté, bien que, comme l’a mis en relief T. Derks (1998, p. 212), les variations de taille existant entre les temples et les chapelles, parfois nombreux, suggèrent que les cultes rassemblés peuvent avoir été célébrés par plusieurs groupes rattachés à cette communauté. Dans la plupart des cas, la prééminence d’un dieu ou d’une déesse sur les autres personnages divins est manifestement traduite par les dimensions plus importantes attribuées à son temple et, probablement, par une élévation et un décor plus soignés. Il s’agit aussi d’un édifice présent dès la fondation du lieu de culte, comme à Guichainville (S.61), à Comblessac (S.132) ou à Bennecourt (S.254), tandis que les bâtiments de culte de plus petite taille ont pu avoir été construits plus tardivement, témoignant de l’attention accordée à de nouvelles divinités – à moins que celles-ci n’étaient déjà honorées auparavant grâce à un simple autel dressé dans la cour sacrée, complété par un temple dans un second temps. La volonté de mettre en valeur le temple principal est parfois évidente, comme au Vieil-Évreux (S.78, ph. 3), à Pithiviers-le-Vieil (S.115), à Pacé (S.193), à Serbonnes (S.227) ou à Meilleray (S.234), puisque celui-ci est disposé au centre d’une composition plus ou moins symétrique, regroupant les différents édifices de culte. En revanche, aucun bâtiment prééminent n’est décelable au sein du vaste sanctuaire de Châteaubleau (S.204), dont la partie occidentale, qui pourrait avoir accueilli un édifice plus monumental, n’est toutefois pas connue.
1.2.4. Des sanctuaires particuliers : les mithraea (IV)
236Les rares mithraea identifiés dans les cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise (fig. 80) doivent être considérés à part car, au même titre que les autres édifices de ce type reconnus dans l’Empire romain, notamment dans les Gaules et les Germanies (Dubois, 2012), leur conception répond à des exigences propres au culte de Mithra, déjà en grande partie évoquées (cf. supra, 1.1.2.1, famille E). À Angers et à Septeuil, qui sont les deux exemples les mieux documentés, notons cependant que le spelaeum semi-enterré fonctionne avec d’autres espaces qui relèvent aussi du sanctuaire (Gaidon-Bunuel, 2000 ; Brodeur dir., 2014 ; Brodeur et Petit, 2016). Dans le premier cas, il s’agit d’une cour, close par des murs maçonnés, qui se développe à l’ouest de la salle cultuelle ; elle est bordée au nord par une série de petites pièces préexistantes, conservées lors de la première phase d’aménagement – pour accueillir, entre autres, les activités culinaires liées au culte ? – et détruites lors de la seconde. Le spelaeum de Septeuil, quant à lui, est bordé au nord par la partie de l’ancien nymphée qui était, durant le Haut-Empire, circonscrite par une colonnade, sans doute en grande partie détruite lors de l’implantation du mithraeum. Cet espace, construit autour d’un bassin captant une résurgence, est alors transformé pour servir de vestibule à la salle cultuelle, mais aussi pour accueillir la cuisine du mithraeum, équipée d’un grand foyer et contre laquelle s’adosse un appentis, dont la fonction n’a pu être déterminée.
Figure 80 : Plan des mithraea des cités de l’ouest et du centre de la Lyonnaise.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
237***
238Tout au long de cet itinéraire au sein des sanctuaires antiques des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise et de leurs antécédents gaulois, l’idée de diversité morphologique a été évoquée à de nombreuses reprises : il n’existe pas de formule architecturale unique, mais de multiples variantes que révèle l’étude des plans, des élévations, des décors et des dimensions, témoignant d’adaptations locales et d’une évolution chronologique.
239La configuration des sanctuaires du Haut-Empire, qui sont en l’état des connaissances les mieux documentés, montre que l’on cherche généralement à définir un parcours axial, à la fois visuel et physique, conduisant de l’entrée du lieu de culte, souvent placée au milieu de la façade orientale de son péribole, à la porte de la cella qui lui fait face. Entre ces deux points se dresse l’autel, probablement placé près de l’entrée du temple, parfois un bassin, mais la vue sur le ou les édifices de culte principaux est souvent dégagée. D’ailleurs, à de multiples reprises, des jeux de symétrie et de perspective contribuent à mettre en valeur ces derniers.
240Que les temples soient installés au fond de la cour ou en leur centre, les divinités qui y demeurent président et surveillent les activités qui se déroulent au sein de cette dernière, dont les dimensions sont souvent importantes. La hiérarchie établie entre les êtres est clairement exprimée au sein du lieu de culte : les cellae sont le siège des puissances divines, tandis que les dévots se réunissent dans la cour, souvent adaptée aux rassemblements, et ont accès aux galeries qui ceinturent parfois l’espace sacrée ou entourent la cella. Ces espaces abrités et fréquentés par les mortels sont probablement occupés au cours de cérémonies, bien que peu de traces permettent d’en comprendre les circonstances précises. Par ailleurs, des sources captées grâce à des bassins sont quelquefois intégrées aux aires sacrées, lorsque l’eau n’est pas acheminée depuis un point extérieur, et paraissent, pour la plupart, avoir été accessibles aux visiteurs, qui pouvaient y jeter des objets et parfois même s’y baigner. Quant aux autres équipements des lieux de culte, ils sont globalement peu variés et semblent répondre à des besoins spécifiques : alimentation ponctuelle en eau, annexes utilisées dans le cadre des cultes, probablement pour la réception des dévots, la préparation et la tenue de banquets, ou encore aménagements paysagers et ornamenta, dont il ne subsiste que des vestiges souvent lacunaires, difficiles à interpréter.
- 29 À ce titre, P. Gros suggère que, durant le Haut-Empire, les communautés civiques faisaient appel à (...)
241L’identité des propriétaires divins des temples est très souvent inconnue et on ne peut donc tenter d’identifier si des formes de temples sont spécifiques au culte de telle ou telle divinité. Néanmoins, la morphologie générale d’un temple ne semble pas répondre à des impératifs d’ordre divin (cf. supra, 1.1.2.1), mais plutôt aux choix de ses commanditaires, à leurs moyens financiers, voire aux idées de l’architecte en charge du projet29 – à l’exemple de Mustius qui, dans un cadre privé, est sollicité par Pline le Jeune (Lettres, IX, 39) pour définir la configuration d’un sanctuaire établi dans l’une de ses villae italiennes, notamment en fonction des contraintes imposées par le terrain. La variété morphologique des temples exprime aussi différents degrés de monumentalité, depuis la simple cella au grand édifice sur podium, encadré par une galerie et agrémenté d’un riche décor. La recherche de faste ne se limite toutefois pas aux seuls bâtiments de culte : les plus imposants d’entre eux, dont l’ornementation peinte ou sculptée est aussi de belle qualité, sont généralement ceux que l’on installe au sein d’une vaste cour bordée de portiques et dont la façade principale est souvent mise en valeur. Entre les espaces sacrés les plus modestes et les plus monumentaux, existe aussi toute une gamme de formes intermédiaires, tels les petits sanctuaires équipés d’une simple galerie, ou même parfois un quadriportique étroit, ou les grandes cours associées à un temple dépourvu de tout décor (cf. infra, 5.3.1.3).
242On ne peut expliquer les amples variations des formes architecturales, des dimensions et de la monumentalité des lieux de culte, mais aussi l’association ou non des divinités au sein d’un même espace, en se limitant à la seule étude de leurs aménagements et de leur agencement au sein de l’aire sacrée. Deux autres aspects doivent être examinés pour cerner l’identité des communautés qui les gèrent et des dévots qui les fréquentent : les objets qui y sont manipulés et déposés dans le cadre des pratiques rituelles, ainsi que leurs modalités d’implantation.
Notes
12 Un murus est ainsi attesté à Nantes, dans un sanctuaire vraisemblablement dédié à Minerve (CIL XIII, 3104 = Æ, 2006, 830).
13 De plan carré, il mesure 16 m de côté ; ses fossés sont larges entre 1 m et 2 m et profonds de 0,70 m à 0,80 m (Poyeton et Séguier, 1999 ; Poux, 2004, p. 422-425).
14 Le premier (enclos I) mesure 10 m de côté et est délimité par un fossé large de 1,50 m et profond de 0,80 m, tandis que le second (enclos II) présente un diamètre maximal de près de 11 m et un fossé large de 0,50 à 0,60 m et profond de 0,30 à 0,40 m ; leur surface interne couvre une cinquantaine de mètres carrés (Hamon et Lejars, 2002).
15 Les murs circonscrivant la vaste enceinte de Cléden-Cap-Sizun (S.168), probable sanctuaire osisme, auraient toutefois été encore conservés sur près de 6 m de haut à la fin du xvie s. (Galliou, 2015, p. 32).
16 Soit, dans l’ordre décroissant : Sens (S.226), environ 10,9 ha ; Le Vieil-Évreux, sanctuaire central (S.79, ph. 3), environ 8,2 ha ; Chartres, Saint-Martin-au-Val (S.101, ph. 2), environ 5,8 ha, Le Vieil-Évreux, sanctuaire central (S.79, ph. 2), environ 2,7 ha. Il est aussi possible de mentionner le lieu de culte de l’Aumône/la Justice à Châteaubleau (S.204, ph. 2 et 3) et probablement la grande enceinte de Thomer-la-Sôgne (S.77) – qui renferme deux temples, dont l’un est lui-même installé dans un quadriportique –, qui s’étendent sur plus de 2 ha.
17 Depuis l’identification du type des temples à cella centrale et galerie périphérique par L. de Vesly (1909), citons par exemple les travaux d’Y. Cabuy (1991) menés à l’échelle des cités des Trévires et des Tongres, qui ont abouti à distinguer quatre types en fonction de la présence ou non d’une galerie et d’un porche ou d’un pronaos, ou encore ceux d’I. Fauduet (1993, réédités en 2010), dont le territoire d’étude correspond à la Gaule romaine, qui a distingué les édifices à galerie de ceux qui en sont dépourvus, en détaillant aussi différents sous-types.
18 Les principales caractéristiques de chacun de ces édifices ont été rassemblées dans un tableau reproduit ailleurs : Bossard, 2021, vol. II, p. 151-183, tabl. H.
19 Les plans rectangulaires ont été rangés aux côtés de ceux de forme carrée, puisque le rapport entre leur longueur et leur largeur, faible – il n’excède en aucun cas 1,2 –, montre bien que l’allongement de la cella et de la galerie n’est guère significatif.
20 Cette dernière hypothèse a certes été avancée pour plusieurs édifices, mais elle ne peut en aucun cas être démontrée (Bossard, 2021, vol. I, p. 148-149).
21 Du moins pour trois cellae, puisque deux salles abritant une image divine sont réunies au sein d’un même édifice sur les sites de Tintignac à Naves (Corrèze) et du Puy Lautard à Saint-Pierre-Bellevue (Creuse), par exemple, en Aquitaine (Doulan, 2008, vol. 1, p. 152-154).
22 S’y ajoute un quatrième, sans doute localisé sur la commune de Jort (Calvados), mais dont l’emplacement n’est pas connu, dont témoigne la découverte de blocs sculptés en réemploi, ornés de scènes à caractère mithriaque (Hincker et al., 2015).
23 Néanmoins, pour cet exemple éloigné des provinces gauloises, le bâtiment de culte et le portique ont sans doute formé deux édifices indépendants. L’examen des vestiges fouillés à San Giustino (Ombrie, Italie), s’ils correspondent bien aux bâtiments mentionnés par Pline (Braconi et Uroz Sáez, 2001 ; Bassani, 2017, p. 285-286), révèle toutefois que le temple en question, imbriqué dans la galerie, au niveau de son axe médian, présente un lien étroit avec cette dernière.
24 L’auteur ne précise toutefois pas si elles ont été passées au feu (Bourgeois dir., 1999, p. 38).
25 À Juvigné (S.36, ph. 1 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016, p. 55-70), Plouër-sur-Rance (S.137 ; Menez dir., 1996, p. 66-74), Douarnenez (S.170, ph. 1 ; Clément et al., 1987, p. 35-36), Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 1 ; Pernet et Lejars, 2007, p. 108), La Villeneuve-au-Châtelot (S.236, ph. 2 ; Piette, 1989 ; 2018) ou Authevernes (S.253 ; Michel et al., 2014, p. 191-193), et peut-être à Moulay (Le Goff, 2016).
26 À Chartres (place des Épars, S.100, ph. 3 et 4 ; J.-M. Morin, in Joly dir., 2010, p. 130), à Hérouvillette (S.145, ph. 2, où il est conservé lors de la ph. 3, après agrandissement du téménos ; Veron dir., 2018, vol. 1, p. 206-209), et peut-être à Baudreville (S.94 ; Jalmain, 1985), bien que son creusement semble ici avoir été avorté.
27 Cl. Bourgeois (1992, p. 107-112) a bien montré que ce terme est utilisé dans la littérature moderne pour désigner des monuments antiques très variés, dont le lien avec un lieu de culte consacré aux nymphes n’est pas toujours évident ; il recommande de n’utiliser ce terme qu’avec réserves pour les Gaules romaines et de plutôt qualifier les fontaines remarquables de « monuments des eaux ». H. Lavagne a également exposé les difficultés liées à l’identification de nymphées en Gaule, mais retient tout de même ce terme, attesté dans une inscription provenant de Metz (Moselle ; CIL XIII, 4325), pour désigner le monument de Septeuil, ainsi que le bassin accolé au temple monumental de Genainville (Lavagne, 1992, p. 222 ; 2012).
28 Allonnes, la Forêterie (S.9) ; Évreux (S.57) ; Chartres, Saint-Martin-au-Val (S.101) ; Corseul (S.134) ; Meaux (S.158, ph. 3) ; Chelles (S.180) ; Châteaubleau, la Tannerie (S.205) ; Montbouy (S.217) ; Sens (S.226) ; Triguères, le Moulin du Chemin (S.230) ; Vannes, Bilaire (S.278).
29 À ce titre, P. Gros suggère que, durant le Haut-Empire, les communautés civiques faisaient appel à « des techniciens munis de plans cotés sur parchemin (membranulae) [qui] se déplaçaient et proposaient aux responsables des schémas ou des formules modulables selon leurs moyens » (Gros, 1998, p. 40).
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Figure 14 : Répartition des phases des sanctuaires en fonction de l’identification ou non d’une enceinte. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 96k |
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Titre | Figure 15 : Surface des aires sacrées closes par un péribole fossoyé ou en bois, par ordre croissant. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-2.jpg |
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Titre | Figure 16 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du second âge du Fer avérés ou hypothétiques. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-3.jpg |
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Titre | Figure 17 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-4.jpg |
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Titre | Figure 18 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires du Haut-Empire et enclos non datés. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-5.jpg |
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Titre | Figure 19 : Enceintes fossoyées délimitant des sanctuaires ou des établissements ruraux équipés d’une aire sacrée. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-6.jpg |
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Titre | Figure 20 : Clôtures de bois ceinturant des sanctuaires du second âge du Fer (?) et du Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-7.jpg |
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Titre | Figure 21 : Enceintes maçonnées ou aux fondations de pierre délimitant des sanctuaires de l’époque romaine. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-8.jpg |
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Titre | Figure 22 : Répartition de 81 périboles maçonnés ou aux fondations de pierre en fonction de leur forme. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-9.jpg |
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Titre | Figure 23 : Répartition de 94 aires sacrées délimitées par un péribole maçonné ou aux fondations de pierre en fonction de leur surface, par classe de 1 000 m². |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-10.jpg |
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Titre | Figure 24 : Porches et grands bâtiments installés à l’entrée de périboles maçonnés. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-11.jpg |
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Titre | Figure 25 : Répartition des 507 temples avérés ou hypothétiques dans les cinq familles architecturales distinguées. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
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Titre | Figure 26 : Effectifs et surfaces des temples par type d’architecture. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-13.jpg |
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Titre | Figure 27 : Répartition des temples au sein des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise par type d’architecture. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-14.jpg |
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Titre | Figure 28 : Plan des temples et édicules de type A1a et A2a construits en tout ou partie en matériaux périssables. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-15.jpg |
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Titre | Figure 29 : Plan des temples et édicules de type A1a et A2a a priori maçonnés. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-16.jpg |
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Titre | Figure 30 : Édicule (B) du lieu de culte Perrières à Allonnes (Sarthe) en cours de fouille. In Térouanne et al., 1968, pl. III. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-17.jpg |
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Titre | Figure 31 : Plan des temples et édicules de type A1 et A2 pourvus d’un porche ou d’un escalier. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-18.jpg |
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Titre | Figure 32 : Plan des temples et édicules de type A3 et A4. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-19.jpg |
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Titre | Figure 33 : Répartition de 102 temples de type B1 en fonction de leur surface, par classe de 10 m². |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-20.jpg |
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Titre | Figure 34 : Plan des temples de type B1a construits en tout ou partie en matériaux périssables. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-21.jpg |
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Titre | Figure 35 : Plan des temples de type B1a a priori maçonnés. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-22.jpg |
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Titre | Figure 36 : Plan des temples de type B1b, pourvus d’un porche ou d’un escalier. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-23.jpg |
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Titre | Figure 37 : Temple principal du sanctuaire des Motelles à Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), en cours d’exploration au début des années 1910. In Poulain, 1912, p. LVI. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-24.jpg |
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Titre | Figure 38 : Plan des temples de type B2, dotés d’une triple cella. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-25.jpg |
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Titre | Figure 39 : Plan des temples de type B3. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-26.jpg |
Fichier | image/jpeg, 144k |
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Titre | Figure 40 : Plan des temples de type B4. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-27.jpg |
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Titre | Figure 41 : Vue des vestiges du temple circulaire des Provenchères à Athée (Mayenne) au début du xxe s. In Angot, 1900-1910, non numérotée. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-28.jpg |
Fichier | image/jpeg, 677k |
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Titre | Figure 42 : Plan des temples de type B5. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-29.jpg |
Fichier | image/jpeg, 145k |
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Titre | Figure 43 : Plan des temples de type B6. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-30.jpg |
Fichier | image/jpeg, 55k |
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Titre | Figure 44 : Plan des temples monumentaux de type C1. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-31.jpg |
Fichier | image/jpeg, 346k |
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Titre | Figure 45 : Proposition de restitution du plan et de l’élévation des trois temples du sanctuaire central du Vieil-Évreux (Eure). |
Crédits | V. Brunet et L. Guyard (Made-Département de l’Eure), in Guyard et al., 2014, p. 44, fig. 30. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-32.jpg |
Fichier | image/jpeg, 462k |
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Titre | Figure 46 : Évocation graphique du sanctuaire suburbain de la Tonnelle à Jublains (Mayenne). |
Crédits | Aquarelle A. Evang, 2014, www.alexevang.fr/ |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-33.jpg |
Fichier | image/jpeg, 708k |
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Titre | Figure 47 : Plan du temple du sanctuaire périurbain de la Tonnelle à Jublains (Mayenne). In Naveau et al., 1997, p. 144, fig. 41. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-34.jpg |
Fichier | image/jpeg, 863k |
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Titre | Figure 48 : Plan des temples monumentaux de type C2 et C3. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-35.jpg |
Fichier | image/jpeg, 485k |
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Titre | Figure 49 : Hypothèse de restitution de la façade du vestibule monumental du temple de la rue Nationale à Tours (Indre-et-Loire). |
Crédits | Réal. J. Seigne, P. Neury et T. Morin, in Ferdière et al., 2014, p. 153, fig. 2a. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-36.jpg |
Fichier | image/jpeg, 237k |
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Titre | Figure 50 : Proposition de restitution du plan (a) et de l’élévation (b et c) du temple monumental de la Forêterie à Allonnes (Sarthe). In Brouquier-Reddé et Gruel (dir.), 2004, pl. VII ; Brouquier-Reddé et al., 2004, p. 119 et 121, fig. 9-10. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-37.jpg |
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Titre | Figure 51 : Vue aérienne (a) et évocation graphique (b) du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul (Côtes-d’Armor). |
Crédits | Cl. M. Gautier, 2002 et réal. G. Le Cloirec, in Gautier et al., 2019, p. 273, fig. 266 b. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-38.jpg |
Fichier | image/jpeg, 580k |
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Titre | Figure 52 : Enduits peints imitant un décor plaqué, conservés à la base de l’élévation de la paroi externe du mur nord de la double cella du temple de Genainville (Val-d’Oise). In Mitard, 1993, p. 242, pl. V-1. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-39.jpg |
Fichier | image/jpeg, 818k |
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Titre | Figure 53 : Plan des temples « classiques » (D) et de probables édifices sur podium dont l’élévation n’est pas conservée. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-40.jpg |
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Légende | Figure 54 : Plan du spelaeum des trois mithraea identifiés (E). |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-41.jpg |
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Titre | Figure 55 : Plan du mithraeum de Septeuil (Yvelines). In Gaidon-Bunuel et Caillat, 2008, p. 257, fig. 3. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-42.jpg |
Fichier | image/jpeg, 819k |
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Titre | Figure 56 : Vue du mithraeum de la Clinique Saint-Louis à Angers (Maine-et-Loire), en cours de fouille. De part et d’autre de l’allée centrale, ont été aménagées deux banquettes latérales et, au fond, se dresse le podium qui accueillait l’image de culte. In Brodeur, 2013, p. 12, fig. 1. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-43.jpg |
Fichier | image/jpeg, 795k |
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Titre | Figure 57 : Orientation de l’entrée principale de 221 temples, qu’elle ait été identifiée avec certitude (pour 100 d’entre eux) ou supposée à partir de la position du temple au sein de l’aire sacrée (pour 121 autres). |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-44.jpg |
Fichier | image/jpeg, 131k |
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Titre | Figure 58 : Base de la statue de culte d’une divinité indéterminée découverte dans un édicule de la villa de Tiron à Saint-Patrice (Indre-et-Loire). In Guiot, 2003, p. 156, fig. 25 et (dir.), 2003, p. 77, ph. 33. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-45.jpg |
Fichier | image/jpeg, 616k |
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Titre | Figure 59 : Chronologie des différents types de temples, établie à partir des données issues des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-46.jpg |
Fichier | image/jpeg, 335k |
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Titre | Figure 60 : Proposition de restitution de la construction en matériaux périssables associée à l’enclos laténien de la Butte du Moulin à Vent à Bennecourt (Yvelines). In Bourgeois (dir.), 1999, p. 30, fig. 21. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-47.jpg |
Fichier | image/jpeg, 772k |
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Titre | Figure 61 : Bassins possibles et avérés et puits couvert de plusieurs sanctuaires du centre et de l’Ouest de la Lyonnaise. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-48.jpg |
Fichier | image/jpeg, 174k |
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Titre | Figure 62 : Vue du bassin et du temple de Cherré à Aubigné-Racan (Sarthe) en cours de fouille. In Lambert et Rioufreyt (dir.), 1998, pl. 13. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-49.jpg |
Fichier | image/jpeg, 3,3M |
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Titre | Figure 63 : Vue du bassin hexagonal de la Forêterie à Allonnes (Sarthe), en cours de fouille. In Brouquier-Reddé et al., 2004, p. 111, fig. 3. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-50.jpg |
Fichier | image/jpeg, 837k |
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Titre | Figure 64 : Aménagements hydrauliques du sanctuaire de Cracouville au Vieil-Évreux (Eure) : plan global des vestiges (a) et relevés de Th. Bonnin des constructions D, E et H. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Baudot, 1936 ; in Bonnin, 1860, « Le Vieil-Évreux », pl. XVII. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-51.jpg |
Fichier | image/jpeg, 274k |
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Titre | Figure 65 : Plan de sanctuaires aménagés à l’emplacement d’une source. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-52.jpg |
Fichier | image/jpeg, 892k |
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Titre | Figure 66 : Vue d’un bassin (D) du lieu de culte des Vaux-de-la-Celle à Genainville (Val-d’Oise) en fin de fouille. In Mitard, 1993, p. 295, fig. 20. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-53.jpg |
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Titre | Figure 67 : Évolution des sanctuaires de la Fontaine de l’Étuvée à Orléans (Loiret ; a) et des Jacobins au Mans (Sarthe ; b). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Verneau, 2014, p. 99-100, fig. 83-85 et Chevet (dir.), 2016, p. 494-506, fig. 402, 404 et 407. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-54.jpg |
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Titre | Figure 68 : Fragment d’enduit peint représentant un oiseau sur fond noir (a), ornant le portique extérieur du sanctuaire de la Tonnelle à Jublains (Mayenne) ; décor peint (b), fragments et restitution de l’ordre (c) du quadriportique de la Forêterie à Allonnes (Sarthe). In Naveau (dir.), 1997, ph. 1 h.-t. ; Brouquier-Reddé et Gruel (dir.), 2004, p. 339, fig. 57 et pl. X, fig. 59-b. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-55.jpg |
Fichier | image/jpeg, 812k |
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Titre | Figure 69 : Plan des sanctuaires d’époque romaine dont les angles du péribole sont occupés par des pavillons de plan rectangulaire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-56.jpg |
Fichier | image/jpeg, 832k |
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Titre | Tableau III : Caractéristiques des bâtiments de plan barlong reconnus aux abords des temples de Lyonnaise. |
Légende | FIchier source : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.899f3j02/e90918850f382bd9c020c725e6d451b0387d35d2 |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-57.png |
Fichier | image/png, 480k |
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Titre | Figure 70 : Plan de bâtiments de plan barlong indépendants de tout péribole maçonné, installés le plus souvent à l’est du temple, et des portiques à avancées reconnus en Lyonnaise. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-58.jpg |
Fichier | image/jpeg, 505k |
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Titre | Figure 71 : Plan de sanctuaires d’époque romaine pourvus de bâtiments de formes diverses installés le long de l’enceinte qui les circonscrit. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-59.jpg |
Fichier | image/jpeg, 794k |
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Titre | Figure 72 : Plan de sanctuaires d’époque romaine pourvus d’édifices accolés à l’extérieur de leur péribole. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-60.jpg |
Fichier | image/jpeg, 534k |
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Titre | Figure 73 : Vestiges de l’allée dallée conduisant de la porte principale au temple monumental du sanctuaire des Vaux-de-la-Celle à Genainville (Val-d’Oise). In Mitard, 1993, p. 282, fig. 1. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-61.jpg |
Fichier | image/jpeg, 734k |
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Titre | Figure 74 : Surface (en mètres carrés) des espaces non bâtis de 65 lieux de culte d’époque romaine, par classe (a) et par ordre croissant (b : les sanctuaires du Vieil-Évreux (54 600 m²) et de Sens (84 000 m²) ont été exceptés). |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-62.jpg |
Fichier | image/jpeg, 150k |
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Titre | Figure 75 : Sélection de plans de sanctuaires à temple unique (type II-1). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-63.jpg |
Fichier | image/jpeg, 811k |
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Titre | Figure 76 : Sélection de plans de sanctuaires à temple et bâtiment de plan barlong, a priori dépourvus de péribole maçonné (type II-2). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-64.jpg |
Fichier | image/jpeg, 169k |
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Titre | Figure 77 : Sélection de plans de sanctuaires à temple dominant et édicule(s) périphérique(s) (type II-3). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-65.jpg |
Fichier | image/jpeg, 569k |
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Titre | Figure 78 : Sélection de plans de sanctuaires équipés de temples géminés ou de temple à triple cella (type III-1). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-66.jpg |
Fichier | image/jpeg, 516k |
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Titre | Figure 79 : Sélection de plans de sanctuaires équipés de temples multiples et hiérarchisés (type III-2). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-67.jpg |
Fichier | image/jpeg, 569k |
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Titre | Figure 80 : Plan des mithraea des cités de l’ouest et du centre de la Lyonnaise. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10470/img-68.jpg |
Fichier | image/jpeg, 212k |
Pour citer cet article
Référence papier
« Chapitre 1 – Composantes architecturales et organisation spatiale des lieux de culte », Revue archéologique de l'Ouest, Supplément 14 | -1, 49-146.
Référence électronique
« Chapitre 1 – Composantes architecturales et organisation spatiale des lieux de culte », Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], Supplément 14 | 2024, mis en ligne le 18 novembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/rao/10470 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12pph
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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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