Chapitre 3 – Des villes au territoire des cités : l’intégration des sanctuaires dans leur environnement
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« Just as the ritual calendar dictates the rhythm of life in time, the locations of culte places may do so in space. »
Derks, 1998, p. 135.
- 55 Les apports de la géographie humaine, culturelle ou sociale à l’étude archéologique et historique d (...)
1L’étude du paysage religieux ne peut s’affranchir d’une lecture spatiale des cultes et des rites, qui « n’existent qu’en tant qu’ils sont ancrés dans l’espace, que ce soit de manière stable ou provisoire » (Scheid et Polignac, 2010, p. 431). Les données examinées au cours des deux précédents chapitres doivent alors être couplées à une approche géographique55, visant à appréhender l’environnement des sanctuaires, afin de tenter d’expliquer leur localisation et de définir les modalités de leur fréquentation et l’identité des dévots qui pouvaient les visiter. Cet exercice consiste à caractériser les interactions spatiales qui existent entre les sites à vocation religieuse et les diverses composantes des espaces vécus et fréquentés par les hommes, en contexte urbain ou rural. Il invite alors à tenter d’identifier les communautés qui avaient accès aux sanctuaires et qui les géraient, et donc à réfléchir au statut de ces derniers, qu’il soit public ou privé (cf. introduction). Pour cela, il est possible de s’appuyer sur différents critères, bien que les données ne permettent pas toujours de trancher. Ainsi que l’a résumé W. Van Andringa, durant l’époque romaine, « l’envergure monumentale d’un sanctuaire, son ancienneté, la présence d’équipements spécifiques (théâtre, thermes), la multiplication des offrandes (chapelles, statues, etc.), l’intervention avérée des autorités de la cité et sa place dans l’urbanisme comme la nature des divinités honorées sont autant de critères – il y en a d’autres – qui, pris ensemble, permettent d’identifier avec vraisemblance un temple accueillant des cérémonies publiques », et donc d’exclure l’hypothèse d’un lieu de culte privé (Van Andringa, 2017a, p. 86, note 59 ; voir aussi Scheid, 1997, p. 56 et 2000, p. 23 ; Agusta-Boularot et al., 2017, p. 6). Il est donc utile de comparer l’architecture et l’environnement des sanctuaires, ainsi que, dans une moindre mesure, leur mobilier, pour essayer d’en déterminer le rang institutionnel.
- 56 Dans le cadre de cette enquête, ont été arbitrairement retenus les sanctuaires localisés à moins de (...)
2Un rapide examen des lieux de culte fréquentés au cours de la période romaine (fig. 170) conduit à distinguer d’emblée ceux qui ont été établis au sein ou dans les environs proches56 d’une agglomération (chef-lieu de cité ou agglomération secondaire) de ceux qui sont a priori situés à l’écart des principaux centres de peuplement, en lien ou non avec des établissements ruraux. En l’état des connaissances, et si l’on s’en tient uniquement aux sanctuaires avérés, la majorité d’entre eux semble avoir été implantée dans les campagnes (69 % des sites, dont 9 % sont situés à courte distance d’une agglomération), tandis que seulement 25 % sont localisés dans les quartiers ou en bordure immédiate d’un chef-lieu (7 %) ou d’une agglomération secondaire (18 %). Quant aux 6 % restants, il s’agit d’une quinzaine de cas, qui seront discutés dans ce chapitre, pour lesquels les données collectées ne permettent pas de trancher entre l’hypothèse d’une agglomération associée et celle d’un environnement.
Figure 170 : Répartition des sanctuaires avérés et hypothétiques en fonction de leur contexte d’implantation.

Réal. S. Bossard.
3Cependant, parmi les sanctuaires avérés – et en particulier ceux qui étaient a priori établis dans les campagnes –, nombreux sont les sites identifiés au cours de prospections avant tout aériennes (fig. 171), qui n’offrent souvent qu’une image partielle des aménagements anciens. Il est alors tout à fait possible que certains espaces cultuels considérés comme « isolés » dans les campagnes aient en réalité été associés à de modestes agglomérations, dont les quartiers d’habitation et divers équipements, construits essentiellement en matériaux périssables, n’auraient pas été reconnus (cf. infra, 3.1.3). Il faut donc demeurer prudent au sujet de l’isolement supposé d’un grand nombre de sanctuaires et de leur caractère a priori rural. Par ailleurs, un autre facteur doit être pris en compte pour expliquer la sous-représentation des aires sacrées identifiées en contexte d’habitat groupé : la topographie religieuse des agglomérations restées occupées, de manière continue, depuis l’Antiquité voire la fin de l’âge du Fer est peu documentée, à l’opposé des sites désertés – ou dont l’aire urbaine s’est rétractée – dès la fin de l’époque romaine. Les vestiges des sanctuaires qui y étaient implantés ont pu avoir été détruits par des aménagements postérieurs ou, du moins, le tissu urbain actuel limite les possibilités d’investigation archéologique. Il ne fait pas de doute que certaines agglomérations, du moins parmi les plus grandes, aient été dotées de multiples lieux de culte, peut-être par dizaines. Les résultats de campagnes de fouilles et de prospection géophysique entreprises à Jublains, chef-lieu déchu durant la première moitié du ve s., en fournissent d’ailleurs une belle illustration : quatre sanctuaires (S.32-35) ont été reconnus, tandis que le plan d’un tiers seulement de la ville du Haut-Empire peut aujourd’hui être restitué (cf. infra, 3.1.2 et fig. 176).
Figure 171 : Nature des interventions et qualité de la documentation archéologique des sanctuaires avérés, en fonction de leur contexte d’implantation.

Réal. S. Bossard.
4En s’appuyant sur les cas les mieux documentés et en analysant une série d’exemples plus problématiques, il convient de définir les caractéristiques des sanctuaires établis, d’une part, dans les habitats agglomérés et, d’autre part, dans les campagnes. Il faut alors examiner leur articulation spatiale et chronologique avec les principaux monuments, les axes de communication, les résidences et autres aménagements, tout en distinguant les occupations laténiennes de celles de la période romaine.
3.1. Les dieux dans la ville : sanctuaires et agglomérations
5À partir du principat d’Auguste, le processus de la municipalisation transforme les cités des Gaules romaines et leur armature urbaine, avec la fondation ou la refondation systématique d’un chef-lieu et le déploiement, sur leur territoire, d’un réseau d’agglomérations dites secondaires, d’ampleur variable (Van Andringa, 2015). Certains de ces habitats groupés prennent le relai d’un établissement plus ancien, d’origine gauloise, tandis que d’autres sont progressivement créés dans le courant du Haut-Empire, en particulier tout au long du ier s. de n. è. pour certaines agglomérations secondaires. Que ce soit dans les capitales des civitates ou sur leur territoire, les villes et les habitats groupés plus modestes évoluent à différents rythmes, étant agrandis et dotés peu à peu d’architectures dont la monumentalité varie selon les moyens disponibles.
6Quelle est la place des sanctuaires et des pratiques religieuses au sein de ces espaces où s’organisent et se regroupent les hommes, mais aussi les dieux, dont l’installation a accompagné celle des communautés ? Avant d’aborder la question des lieux de culte urbains de l’époque romaine, il est nécessaire de présenter un bref état des lieux des sanctuaires associés aux agglomérations laténiennes, encore peu connus. Puis, les rapports entre les espaces cultuels et les habitats agglomérés des cités rattachées à l’Empire romain seront examinés sous plusieurs angles, en distinguant les chefs-lieux des cités des autres habitats groupés, dépourvus de ce rang. Seront d’abord caractérisées les aires sacrées intégrées aux quartiers urbains, puis celles localisées en périphérie, tout en faisant la part entre les architectures les plus monumentales, qui forment la parure religieuse des villes et sont parfois associées à d’autres édifices publics, et les plus modestes, relevant probablement des sacra privata. Pour chacune de ces catégories de sites, leur articulation au sein ou en bordure de l’espace urbain, leurs équipements, le mobilier qui en provient, leur chronologie et les divinités dont le nom ou l’image a été conservé seront décrits et analysés dans l’optique de définir les modalités de leur fréquentation.
3.1.1. Agglomérations et espaces cérémoniels gaulois : des articulations encore peu connues
7À l’échelle du territoire considéré et en l’état des connaissances, le dossier des sanctuaires aménagés au sein ou à proximité des agglomérations préromaines est très peu documenté et seules quelques pistes peuvent donc être explorées. De fait, la restitution de l’armature urbaine des territoires gaulois et de l’organisation interne des habitats groupés est encore très lacunaire, tandis que l’identification des espaces collectifs qui sont voués aux rituels, en leur sein comme en contexte rural, pose parfois problème (cf. infra, 4.1.1).
8Plusieurs découvertes, réalisées au cours d’opérations archéologiques conduites dans les quartiers centraux et septentrionaux de l’oppidum d’Amboise (Indre-et-Loire), fondé au tournant des iie s. et ier s. av. n. è., illustrent ces difficultés. Il s’agit notamment de lots de dizaines ou de centaines d’amphores italiques à vin, accumulées dans des fosses ou des fossés et présentant des traces de bris volontaire, de dépôts en fosse d’objets métalliques (épée, monnaies, landier, clefs) associés à des céramiques peut-être manipulées dans le cadre de banquets, ou encore d’un grand bâtiment associé à une place. Ces vestiges, répartis dans un secteur assez vaste (au moins 3 ha) de l’agglomération fortifiée, témoignent vraisemblablement de pratiques communautaires, de la tenue d’assemblées, de banquets ou de rites accomplis à titre individuel ou collectif, sans que l’on puisse déterminer si ces activités s’inscrivent dans le cadre d’une ou de plusieurs résidences aristocratiques ou d’un ou de plusieurs espaces à caractère public et à vocation religieuse et politique (Troubady et al., 2019, p. 276-282).
9Par ailleurs, à Trégueux (Côtes-d’Armor), la fonction d’un imposant bâtiment dont l’ossature est en bois, établi au contact d’un habitat groupé de La Tène finale et d’une résidence aristocratique qui l’avoisine, pose question. Composé d’une cour de 25 m de côté, dont le centre est occupé par une petite construction de plan carré, et de quatre ailes qui l’encadrent, il n’a livré que de rares éléments de mobilier (Menez, 2016, p. 75-76 ; Menez et Allen, 2016). S’il semble plausible d’y voir un édifice à usage collectif, qui s’inscrit d’ailleurs dans une série de bâtiments reconnus dans d’autres agglomérations gauloises, on ne peut déterminer s’il est destiné à des rassemblements politiques ou religieux, ou encore à des activités commerciales (Barral et al., 2018).
10Dans d’autres cas, c’est l’existence même d’un habitat aggloméré aux abords de sanctuaires avérés qui peut être mise en doute. À Saint-Jean-Trolimon (S.179, ph. 1), il n’est guère aisé d’interpréter les vestiges exhumés en 1881 par P. du Châtellier à quelques dizaines de mètres au nord d’un secteur, occupé par un vraisemblable sanctuaire, où se concentrent des débris d’armes laténiennes et des ossements animaux et humains. La relation des fouilles fait état de la présence d’au moins neuf « maisons » de plan rectangulaire, mesurant 5 à 6 m de long, dont les murs, en matériaux périssables, reposent sur des solins ou des murets en pierre. Le mobilier associé (céramique noire grossière, armes en fer, perles en verre, monnaies gauloises, fibules en fer, casque bimétallique) renvoie au second âge du Fer ou au tout début de l’époque romaine. Entre les deux zones explorées, une sépulture à inhumation, attribuée, sur la base de la découverte de monnaies gauloises épigraphes, à la seconde moitié du ier s. av. n. è., témoigne aussi de la présence de structures funéraires sur le site, dont l’organisation générale et l’évolution chronologique ne peuvent être restituées avec précision (Châtellier, 1882 ; Duval, 1990). Si l’hypothèse d’une agglomération associée à un sanctuaire est tout à fait plausible, elle ne repose malheureusement que sur des arguments dont la fragilité est le corollaire d’une documentation de piètre qualité, non renouvelée depuis lors.
11Bien que les données collectées à Aunou-sur-Orne (S.195, ph. 1) soient plus récentes et qu’elles aient été acquises suivant une démarche scientifique rigoureuse, il est également difficile de caractériser la concentration particulièrement dense de trous de poteau et de fosses identifiés à quelques mètres au nord d’une zone de dépôts d’objets métalliques, notamment des pièces de fourniment militaire datées des trois derniers siècles avant notre ère. L’emprise limitée de la fouille ne permet effectivement pas de déterminer l’étendue de ce secteur bâti, où se sont succédé différentes constructions en matériaux périssables, ni de définir avec cohérence le plan de ces dernières (Lejars et Pernet, 2007, p. 108 et p. 114). Encore une fois, l’éventualité d’un habitat groupé doit néanmoins être évoquée, bien qu’elle ne puisse être prouvée, une telle densité de structures étant rare en contexte rural.
12En contexte d’agglomération assurée, les sanctuaires gaulois avérés, identifiés à partir des dépôts caractéristiques qui y ont été enfouis (cf. supra, 2.3.2.1 et infra, 4.1.2), se limitent à de rares attestations. Les deux enclos fouillés sur le site du Bas des Touches à Saumeray (Eure-et-Loir) constituent l’exemple le mieux renseigné, bien que leur étude soit restée inaboutie (fig. 172). L’agglomération laténienne près de laquelle ils ont été établis a vraisemblablement été fondée au cours de la première moitié du iie s. av. n. è., dans la plaine alluviale du Loir et à l’ouest d’un espace à vocation funéraire, dont les plus anciens vestiges ont été datés de l’âge du Bronze (Hamon et Riquier, 1998 ; Hamon et Lejars, 2002, p. 112-114). Les deux enceintes fossoyées à vocation religieuse, de plan carré (I) et elliptique (II) et d’une surface interne d’une cinquantaine de mètres carrés, ont été creusées en lisière de l’habitat, à une centaine de mètres au sud. Distantes l’une de l’autre d’environ 70 m, elles prennent place sur de petites éminences, « dans un secteur très marqué par des dénivelés générés par l’activité d’anciens cours d’eau » (Hamon et Lejars, 2002, p. 114) et présentent donc une situation quelque peu dominante. L’abondant matériel recueilli dans le remplissage de leurs fossés – alors que peu d’objets et aucune structure n’ont été mis au jour en leur sein –, composé d’armes, de céramiques, de monnaies ou encore de parures, est caractéristique de La Tène C2 et D1, soit du iie s. av. n. è., et indique que les enceintes ont vraisemblablement été aménagées et fréquentées durant les premiers temps de l’agglomération, abandonnée dès le début du Haut-Empire. Peu d’informations ont pu être rassemblées au sujet de leurs environs proches : rares sont les structures – quelques fosses et fossés arasés – découvertes à leurs abords et on ignore si elles relèvent ou non d’un ensemble plus vaste, exclusivement ou en partie lié aux activités cérémonielles. Il semble cependant probable que les enclos prenaient place dans un espace faiblement bâti, à l’écart de l’habitat.
Figure 172 : L’agglomération laténienne du Bas des Touches à Saumeray (Eure-et-Loir) et les deux enclos interprétés comme des sanctuaires.

D’après Hamon et Lejars, 2002, p. 113, fig. 1.
13Il est également plausible que le sanctuaire de Jublains (S.32, ph. 1), moins bien documenté, ait été installé en périphérie – ici septentrionale – d’une agglomération laténienne, dont peu de vestiges ont encore été mis au jour. De fait, l’épaisse succession de niveaux formés au cours de l’époque romaine, alors que le site est occupé par le chef-lieu de cité des Aulerques Diablintes, rend difficile l’accès aux niveaux les plus précoces de l’habitat. Le site à vocation domestique et artisanale du Taillis des Boissières, dans les quartiers orientaux de l’agglomération supposée, est cependant structuré à partir de La Tène finale, mais certains objets, attribués à La Tène moyenne, pourraient relever d’une occupation plus ancienne (Bocquet et Le Goff, 2016). Au nord de la ville de l’époque romaine, la fouille du lieu de culte monumental de la Tonnelle (cf. infra, fig. 176) a livré des fragments d’armes et de céramiques laténiennes, en grande partie découverts dans des contextes postérieurs à la guerre des Gaules, mais aussi en relation avec un niveau de sol peut-être antérieur au début du Haut-Empire (cf. supra, 1.1.1.1). Ces objets ont sans doute été introduits au sein d’un premier sanctuaire préromain, fondé dès la première moitié du iiie s., voire la fin du ive s. av. n. è., d’après leur étude typologique (Lejars, 1997). Ainsi, comme l’ont proposé A. Bocquet et E. Le Goff (2016, p. 120), la présence d’un sanctuaire plus ancien a pu avoir conditionné le développement de l’habitat groupé dès la fin de l’âge du Fer. Quoi qu’il en soit, la morphologie et l’évolution de l’espace destiné aux rituels au cours de la période gauloise ne sont pas connues et, à ce jour, on ne sait s’il était positionné en bordure immédiate de l’habitat aggloméré ou bien à plusieurs dizaines ou centaines de mètres à l’écart de celui-ci.
14L’hypothèse d’un sanctuaire enclos qui aurait polarisé une agglomération de la fin du second âge du Fer a aussi été émise par E. Le Goff au sujet de l’agglomération de Moulay (Mayenne ; Le Goff dir., 2015, vol. 2, p. 123-152 et vol. 4, p. 354-365 ; 2016, p. 130-131 et p. 136). Cet oppidum, vaste de 135 ha et voisin de quelques kilomètres de Jublains, a été identifié à la capitale du peuple gaulois des Diablintes, fondée à la fin du iie s. ou au début du ier s. av. n. è. et abandonnée à l’issue de la conquête romaine. Une fouille préventive d’envergure a récemment révélé l’existence, au centre et sur un point haut de la ville fortifiée, d’un enclos fossoyé de plan carré, mesurant 31 m de côté. Antérieur au développement des quartiers de l’agglomération, ou contemporain des tout premiers édifices (fig. 173), il abrite plusieurs constructions sur poteaux, dont le plan est incomplet. Le comblement de ses fossés n’a permis de recueillir qu’un nombre limité de tessons de céramique et les débris d’une demi-douzaine d’armes mutilées, appartenant à une ou deux panoplies guerrières fabriquées au début du iiie s. et à la fin du iie s. av. n. è. Comme l’a récemment souligné J. Remy (2021, p. 204-206), l’hypothèse d’un sanctuaire, pour cet enclos dont les vestiges sont arasés, est incertaine : elle repose essentiellement sur sa position particulière et sur la présence d’armes dégradées, somme toute peu nombreuses. En outre, si cet espace a pu coexister avec les premiers aménagements de la ville, il a manifestement été rapidement détruit pour laisser place au développement de nouveaux quartiers et d’une place publique. Son rôle en tant que possible sanctuaire urbain aurait donc été limité dans le temps, ce qui semble étonnant comparé à d’autres exemples ; l’hypothèse d’un enclos résidentiel, par exemple, pourrait aussi être envisagée.
Figure 173 : Vestiges mis au jour au centre de l’oppidum de Moulay (Mayenne), antérieurs ou contemporains de sa fondation (iiie s. - fin du iie s. av. n. è.).

15Réal. S. Bossard, d’après Le Goff (dir.), 2015, vol. 4, p. 360, fig. 346.
16L’argumentaire développé à l’égard du site gaulois du Foulon d’Avrolles à Champlost (S.203) est tout aussi fragile, puisque le sanctuaire qui y a été identifié, à l’instar de l’agglomération auquel il est vraisemblablement rattaché, n’a pas été fouillé (fig. 174). En ce qui concerne la période gauloise, la mise au jour, au cours de ramassages de surface, d’au moins deux épées ployées en fer, de 75 monnaies gauloises – dont l’introduction sur le site pourrait néanmoins être plus tardive et relever d’une phase antique –, de céramiques produites entre La Tène ancienne et la toute fin du second âge du Fer et de quelques parures a conduit à y reconnaître un probable lieu de rituels laténien, de datation imprécise. L’émission des plus anciennes monnaies, datée entre 250 et 130 av. n. è., pourrait indiquer, si leur dépôt n’a pas été plus tardif, que cet hypothétique sanctuaire a été fréquenté dès La Tène moyenne. Au regard du mobilier collecté en prospection pédestre dans les parcelles avoisinantes, dans la plaine du Créanton, une agglomération y a vraisemblablement été fondée entre la seconde moitié du iie s. et le début du ier s. av. n. è. Elle prendrait place aux abords d’une ancienne nécropole, dont les origines remontent à la fin du premier âge du Fer, le long d’une voie et au pied d’un habitat fortifié, qui a occupé les hauteurs du mont Avrellot durant la seconde moitié du ier s. av. n. è. Elle engloberait alors le sanctuaire du Foulon d’Avrolles, situé à son extrémité orientale, et s’étendrait sur une surface d’une dizaine d’hectares (P. Nouvel, in Delor dir., 2002, p. 219-223 et p. 281-282 ; Coutand, 2008, vol. 1, p. 18-19 ; Nouvel, 2010 ; Barral et Nouvel, 2012, p. 148-150). L’antériorité du sanctuaire par rapport à l’agglomération ne peut toutefois être considérée comme certaine, en l’absence de fouille, de même que l’identification même de celui-ci demeure hypothétique.
Figure 174 : L’agglomération de La Tène finale d’Avrolles/Champlost (Yonne).

Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2010, fig. 7, sur fond IGN.
17Le lieu de culte gaulois et antique d’Ablis (S.91), dont l’étude est en cours, constitue un dernier exemple de sanctuaire intégré à une potentielle agglomération préromaine. Les arguments manquent toutefois pour affirmer que l’habitat groupé, bien attesté à partir du début du Haut-Empire, tire ses origines d’une occupation plus ancienne, qui remonterait à la fin du second âge du Fer (Brutus et Leconte, 2014 ; Ginoux et al., 2020 ; Mouchene-Borys dir., 2020). En tout état de cause, les données réunies au sujet du sanctuaire sont, encore une fois, très lacunaires : les interventions conduites sur le site ont seulement permis d’identifier un ou plusieurs enclos fossoyés, associés à un grand nombre de débris d’armement datés du milieu du iiie s. au début du iie s. av. n. è.
18Le bilan est maigre : dans l’ouest et le centre de la Celtique, les rapports entre les sanctuaires et les agglomérations de la fin du second âge du Fer ne peuvent être étudiés qu’à partir d’un nombre réduit de dossiers lacunaires ; ils pourront cependant être précisés à l’aune de nouvelles découvertes, ou notamment en poursuivant les recherches menées à Saumeray ou à Ablis. Les formes des espaces cérémoniels clairement rattachés à des habitats groupés ne peuvent généralement pas être définies avec précision, de même que les activités qui s’y déroulent. La découverte d’armes témoigne de rites à caractère guerrier, mais la présence conjointe de céramique (à Jublains ou à Saumeray) et de fibules et de monnaies (à Saumeray) renvoie aussi à d’autres pratiques, encore peu documentées. Par ailleurs, la question des liens chronologiques entre habitats groupés et sanctuaires devra être approfondie afin de confirmer l’antériorité de plusieurs lieux de rituels communautaires, dont l’implantation a pu assurer un rôle décisif lors du développement d’agglomérations ouvertes ou fortifiées, dès la fin de La Tène moyenne ou dans le courant de La Tène finale. La création d’autres espaces cérémoniels, tels les enclos de Saumeray, a manifestement été concomitante de la fondation d’habitats. Au sein du territoire étudié, s’il ne fait pas de doute qu’au moins certaines agglomérations ouvertes fussent pourvues d’un ou de plusieurs sanctuaires, l’aménagement d’espaces à caractère religieux au sein des villes fortifiées reste à prouver, de même que peu d’associations de ce type ont pu être mises en évidence dans les oppida du centre-est de la Gaule (Barral et al., 2019, p. 79-80).
3.1.2. Au cœur des cités antiques : les sanctuaires des chefs-lieux, entre centre et périphérie
19Étroitement liées à la recomposition des cités et des provinces des Gaules romaines, impulsée par l’empereur Auguste, la fondation et la structuration des chefs-lieux de cité ont été initiées au cours des deux décennies qui ont précédé et suivi le changement d’ère (Van Andringa, 2015). Les espaces urbains des cités de Lyonnaise, dès lors vertébrés par un réseau de rues orthogonal qui dessine des îlots (insulae) plus ou moins réguliers, suivant les contraintes de la topographie, ne sont pas pour autant restés figés à l’issue du principat augustéen. Tout au long du Haut-Empire, des chantiers sont engagés pour édifier ou agrandir et embellir la parure monumentale des villes, de même que les quartiers à vocation résidentielle ou artisanale et leurs lieux de culte privés connaissent des rythmes de construction et de réaménagement progressifs et variables. En ce qui concerne les espaces publics des chefs-lieux, il est crucial de rappeler que les cités de l’aire géographique considérée, sans doute pérégrines au début du Haut-Empire, n’avaient aucune obligation en matière de règles religieuses ; il faut vraisemblablement attendre le milieu ou la seconde moitié du ier s. de n. è. pour qu’elles acquièrent le droit latin, dont l’obtention a certainement été déterminante pour la transformation des aires sacrées (Van Andringa, 2017a, p. 52-53 ; cf. infra, 5.3.2.1).
20L’occupation souvent séculaire de ces villes, qui ont pour la plupart conservé leur caractère urbain après l’Antiquité, brouille la lecture de leurs niveaux archéologiques les plus anciens, du moins quand ils sont accessibles. La connaissance de la topographie religieuse des capitales des civitates, comme des agglomérations secondaires (cf. infra, 3.1.3), est donc systématiquement partielle (fig. 175). Dans la majorité des cas, ce sont tout au plus les vestiges d’un seul lieu de culte qui ont pu être mis au jour et identifiés au sein même des chefs-lieux, tandis que les recherches menées dans leur périphérie proche permettent parfois de compléter la carte des édifices religieux périurbains, comme à Corseul (S.133 à S.135). Seul l’exemple de Jublains offre une image plus complète (fig. 176), en particulier grâce à de récentes campagnes de prospection géophysique qui ont révélé l’existence de trois lieux de culte jusqu’alors inconnus, ou presque (S.33 à S.35), alors que seul le sanctuaire monumental situé en bordure septentrionale du maillage urbain (S.32) avait été auparavant identifié (Naveau et al., 1997 ; Caraire, 2020).
Figure 175 : Répartition des sanctuaires des chefs-lieux de cités en fonction de leur emplacement au sein ou en bordure de la ville.

Réal. S. Bossard.
Figure 176 : Vestiges d’époque romaine de Jublains/Noviodunum (Mayenne), chef-lieu des Aulerques Diablintes.

Réal. S. Bossard, d’après Naveau, 1997b, p. 74, fig. 8 et p. 78, fig. 10 et Caraire, 2020, sur fond IGN.
21Si les chefs-lieux des cités concentrent une partie des cultes publics et sont aussi parsemés de nombre de sanctuaires privés, gérés par des quartiers, des associations ou des familles, leur statut, de même que les choix qui ont dicté leur implantation, ne sont pas pour autant toujours évidents à déterminer. Vitruve (De l’architecture, IV, 5, 2) préconise de placer les sanctuaires des dieux de manière à ce qu’une partie aussi grande que possible de la ville soit visible depuis leur aire sacrée, mais ces conseils s’appliquent difficilement aux agglomérations établies sur un terrain plat ou au relief peu marqué, fréquentes en Lyonnaise, et ne concernent certainement pas les aires sacrées relevant de la sphère privée. Pour tenter de définir l’importance des espaces cultuels au sein de l’armature religieuse des villes, il faut alors examiner leur position au sein ou à l’extérieur du maillage urbain, ainsi que leur emprise, leur architecture et les liens que l’on a cherché à nouer avec les autres composantes du paysage monumental ou avec les îlots d’habitation, tout en tenant compte de la chronologie des implantations. Ces critères permettent d’identifier différents ensembles, parmi lesquels figurent notamment une série de grands lieux de culte, installés au cœur des villes et mis en relation de façon plus ou moins étroite avec leur centre civique monumental.
3.1.2.1. Des sanctuaires centraux : temples et forum, au cœur des villes et de la vie civique
22À ce jour et à l’échelle des cités considérées, peu de temples directement installés sur la ou l’une des places publiques relevant du forum ont été découverts, mais d’autres sanctuaires, implantés dans les quartiers centraux des chefs-lieux, présentent aussi des rapports de proximité patents avec leur centre civique. L’area forensis – sous sa forme monumentale – et ses composantes, où se concentrent « tous les signes de la dignité municipale » (Gros, 2011, p. 207), n’a toutefois pas été localisée avec assurance dans la plupart des villes-capitales étudiées ; les réflexions sont alors restreintes à un nombre limité de dossiers plus ou moins étoffés (Bossard, 2021, vol. I, p. 413, note 1657).
23D’une manière générale, dans les villes du monde romain occidental, le temple qui domine la place publique et portiquée du forum, « siège de la religion officielle » (Van Andringa, 2017a, p. 59), est souvent localisé sur l’un de ses petits côtés, tandis que l’extrémité opposée est occupée par la basilique. Mais dans la pratique, ce modèle est soumis à de multiples adaptations et variations, notamment lorsque le temple, « s’entourant d’un véritable téménos […], bénéficie dès lors d’une réelle autonomie par rapport à la place elle-même », dont il peut être séparé par une rue (Gros, 2011, p. 207).
24Au sein des chefs-lieux considérés, peut-on identifier des temples édifiés sur l’un des petits côtés de la place publique ? L’exemple le plus vraisemblable est localisé au sein même de l’aire civique de Paris/Lutetia, capitale des Parisii (fig. 177). Parmi les vestiges dégagés au cours des travaux d’urbanisme haussmannien suivis dans la rue Soufflot par l’archéologue T. Vacquer, entre 1847 et 1894, figurent ceux d’un soubassement de plan rectangulaire, mis au jour dans la moitié occidentale de la place centrale (110 x 45 m), qui est bordée de larges portiques sur trois côtés et est close, à l’est, par une basilique. La séparation entre les aires sacrée, à l’ouest, et civile, à l’est, ne semble matérialisée par aucun aménagement spécifique, si ce n’est par l’axe formé par les deux entrées principales du monument, à l’ouest duquel le sol des galeries qui encadrent la place centrale est surélevé grâce à un système de cryptoportiques. La platée maçonnée servant de fondations au probable temple, large de 14,50 m, est vraisemblablement longue de près de 30 m (Busson, 1998, p. 92-112 ; 2019, p. 64-69). Aucun élément issu de son élévation n’a été décrit et la restitution de son architecture ne repose donc que sur des conjectures : il est probable qu’il prenait la forme d’un bâtiment sur podium, accessible par un escalier installé au pied de sa façade orientale et pourvu ou non d’une galerie encadrant la cella (cf. supra, 1.1.2.1, types C1 ou D). Quoi qu’il en soit, l’ordonnancement axial des espaces (temple – place – basilique) du forum de Lutetia, vraisemblablement érigé après le troisième quart du ier s. de n. è., l’inscrit dans une série d’espaces civiques dont les représentants les plus proches, d’un point de vue morphologique, sont situés à Feurs (Loire) et Augst (canton de Bâle-Campagne, Suisse), respectivement bâtis durant le premier tiers et vers le milieu du ier s. de n. è. (Valette et Guichard, 1991 ; Van Andringa, 2017a, p. 55-57).
Figure 177 : Des constructions sur la place publique du forum : temples ou aménagements d’une autre nature ?

Réal. S. Bossard, d’après Busson, 1998, p. 97, fig. 20 ; Jardel et Lelièvre, 2014, p. 171, fig. 8 ; Sala et Tamba, 2016 ; Chevet et al., 2009, p. 126, fig. 12.
25Dans les cités de l’ouest de la Lyonnaise, l’existence d’un temple dominant la place des quelques fora identifiés est plus incertaine. Ainsi, à Vieux (fig. 177), une anomalie de plan proche du carré, perçue au cours de prospections géophysiques et prenant place à l’extrémité occidentale de l’aire centrale (68 × 21 m) du forum, semble être d’une taille trop modeste (12,50 × 11 m) pour correspondre aux fondations d’un temple civique, en regard de l’exemple parisien ; il faut toutefois prendre en considération les dimensions globales de l’area forensis de Vieux, bien moindres qu’à Lutetia. Des sondages entrepris en façade orientale de cet aménagement ont révélé la présence d’un alignement d’imposants blocs de marbre de Vieux, prenant appui sur de profondes fondations ; d’un remblai fouillé à ses abords proviennent des éléments de placage taillés dans le même matériau (Jardel et Lelièvre, 2014, p. 171-174).
- 57 Les similitudes que présente ce monument avec un sanctuaire récemment découvert en bordure du forum(...)
26À cette découverte font écho, dans de moindres proportions, les vestiges observés sur le site de l’École à Corseul (Côtes-d’Armor), dans les insulae centrales de la ville antique (cf. infra, fig. 187). Ils prennent place au sein d’une cour intégrée à un espace monumental, bâti après le milieu du ier s. de n. è. et interprété comme le forum de la ville57 (Maligorne, 2006, p. 33-34 ; Chevet et al., 2009 ; Ferrette et al., 2017, p. 32-33 et p. 37). Encadrée par un quadriportique, l’aire ouverte (44,20 x 37,60 m) accueille, dans sa moitié occidentale, un massif maçonné (environ 4,40 x 4,10 m). Celui-ci a servi de support à une élévation aujourd’hui disparue et a été flanqué, dans un second temps, par un escalier composé de trois degrés, accolé à sa façade occidentale et enveloppant ses deux angles (fig. 177 et 178). Les niveaux de destruction associés recèlent des débris de terres cuites architecturales, des moellons, des fragments de placages de marbre et des morceaux certainement issus de statues de bronze. Ces vestiges suggèrent alors la présence d’une construction surélevée et couverte, abritant des images dont le profil ne peut être restitué ; comme l’ont remarqué les auteurs de son étude, l’accès depuis l’ouest semble cependant peu compatible avec l’hypothèse d’un petit temple (Chevet et al., 2009, p. 139-140). Plutôt qu’une cella qui se dresserait dans la cour du forum, il faut donc restituer, à Corseul et peut-être à Vieux, une construction monumentale agrémentant l’espace civique, peut-être destinée à mettre en valeur un groupe sculpté ou un autel, tandis que le temple principal serait à rechercher en périphérie de la place – à l’est ou à l’ouest, à Corseul ?
Figure 178 : Vestiges de la construction maçonnée édifiée dans la cour du monument de l’École à Corseul (Côtes-d’Armor).

Cliché H. Paitier (Inrap), in Maligorne, 2006, p. 34, fig. 12.
27En revanche, plusieurs découvertes récentes attestent l’existence d’aires sacrées relativement monumentales et indépendantes, équipées de temples et fondées en bordure immédiate ou dans le voisinage du forum de plusieurs chefs-lieux de cités, le long des rues qui l’encadrent (fig. 179). Les recherches effectuées à Vieux/Aregenua, dont le centre civique a déjà été évoqué, en fournissent l’illustration la plus éloquente. Des prospections géophysiques entreprises au Champ des Crêtes ont permis de dresser avec une certaine précision le plan global d’un lieu de culte (S.280) d’une surface de 2 900 m², aménagé le long de la façade méridionale du forum (Sala et Tamba, 2016). La partie centrale de la cour sacrée, vraisemblablement entourée de portiques, est occupée par un grand temple à triple cella. Les autres aménagements de l’espace sacré sont plus difficiles à interpréter, mais on peut restituer sans problème un porche, en façade occidentale, reliant la cour du sanctuaire à une probable place, d’une surface de plus de 2 000 m². Cette dernière, ouvrant peut-être à l’ouest sur une rue, est flanquée à l’est par le péribole du lieu de culte, au nord par une série de constructions, dont le plan est lacunaire, et au sud par un imposant établissement thermal, sans aucun doute public (Jardel et Lelièvre, 2014, p. 168). Ce secteur, localisé dans les quartiers méridionaux du chef-lieu (fig. 180), en constitue donc le centre monumental, où sont rassemblés les principaux équipements collectifs – à l’exception du théâtre, bâti en périphérie nord-est de la ville.
Figure 179 : Plan de grands sanctuaires implantés dans les quartiers centraux des chefs-lieux de cités.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 180 : La ville de Vieux/Aregenua (Calvados) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Jardel et al., 2017, fig. 3, sur fond IGN.
28La présence d’un complexe monumental peu ou prou central n’est pas exclusive à Aregenua, puisqu’un regroupement similaire d’édifices publics a été mis en évidence à Vannes/Darioritum, notamment grâce à une fouille préventive récente (Le Martret dir., 2020). Cette dernière a notamment permis de dresser le plan d’un lieu de culte installé près de l’angle méridional du forum, au sud-ouest des thermes et du théâtre qui prolongent ce dernier (S. Daré, in Galliou dir., 2009, p. 345-356 ; Maligorne, 2014, p. 14 et p. 17). D’une surface équivalente (3 045 m²) à celle de l’aire sacrée identifiée à Vieux, le sanctuaire de Vannes comprend une cour de plan rectangulaire, bordée d’un quadriportique, à l’ouest de laquelle est sis le temple, accolé à l’extérieur du périmètre circonscrit par les portiques, dans l’axe de symétrie du monument.
29Si l’on se fie à l’interprétation généralement proposée pour le complexe monumental de la Tonnelle, probable forum situé au cœur de la ville antique de Jublains/Noviodunum (Naveau dir., 1997 p. 89 ; Maligorne, 2006, p. 30-32 ; cf. supra, fig. 176), il est alors possible de compléter l’inventaire des sanctuaires établis en bordure d’un centre civique par un autre lieu de culte (S.33), dont la présence a été récemment confirmée au cours d’une prospection géoradar (Caraire, 2020). Le plan du probable centre civique et de l’angle oriental du sanctuaire voisin (fig. 179), établi au nord-ouest de celui-ci, a été sommairement et partiellement dressé par H. Barbe (1879, p. 526-529), mais il peut être complété, du moins pour sa partie occidentale, grâce aux acquis de sondages plus récents et des prospections géophysiques. Le forum semble alors se caractériser par une certaine modestie : la cour centrale (environ 40 x 35 m) est encadrée au sud-ouest par une possible basilique et sur ses trois autres côtés par d’autres constructions, dont le plan et la fonction sont plus difficiles à restituer ; aucun temple n’a été formellement identifié dans son enceinte. En tout état de cause, le sanctuaire adjacent, également peu imposant, en est bien séparé par une rue et se développe donc dans un îlot indépendant, dont il n’occupe que deux cinquièmes de l’emprise totale. Également pourvu d’un quadriportique, peut-être doublé par une seconde galerie en façade principale, à l’est, l’espace sacré présente une surface relativement peu importante (1 500 m²), peut-être contrainte par l’existence de propriétés antérieures au sein du même l’îlot – mais l’absence de donnée chronologique limite fortement toute réflexion sur la constitution et l’évolution de cette insula. Quant au temple, il se compose d’une cella de plan rectangulaire, d’une galerie périphérique, plus large en façade orientale, et d’un probable podium (cf. supra, 1.1.2.1). Il n’est guère aisé de comprendre l’articulation entre la place publique et le lieu de culte, puisque les aménagements reconnus par H. Barbe, resté laconique au sujet de leur description, posent question ; on ne sait si un accès reliait directement le portique marquant la façade principale du sanctuaire et l’area forensis. En l’état des connaissances, le sanctuaire implanté au centre du maillage urbain de Jublains constitue le seul monument vraisemblablement public établi au contact du forum, dont les abords sont toutefois encore peu documentés.
30Les vestiges arasés d’un autre monument, reconnus dans l’enceinte du château médiéval d’Angers (S.3), pourraient aussi correspondre à ceux d’un lieu de culte enclos, établi à la pointe d’un éperon dominant la vallée de la Maine, dans l’angle occidental du probable forum (fig. 179 et 181). De fait, les substructions de portiques monumentaux, enserrant une place de dimensions inconnues, mais que l’on peut raisonnablement interpréter comme l’aire principale du centre civique de Iuliomagus, ont été récemment mis au jour lors d’une fouille réalisée à l’est du château, sur la promenade du Bout-du-Monde (Pithon dir., 2017). Plus à l’ouest, l’enceinte identifiée à un sanctuaire, étudiée au cours de travaux échelonnés entre 1953 et 2003, de plan carré et de grandes dimensions (a minima 3 600 m²), était probablement accessible par une porte située sur sa façade nord-orientale ; elle a été occupée, sans doute successivement, par plusieurs constructions dont ne subsistent que les fondations, particulièrement arasées, qui entaillent une terrasse artificielle, aménagée au cours de travaux d’envergure, au plus tôt dans les années 15-10 av. n. è. De l’état monumental du site, vraisemblablement postérieur aux années 70 de n. è., il reste notamment, au centre, un massif de fondations de plan rectangulaire (long de plus de 13 m et large de 8 m environ), base d’un probable temple classique en pierre de taille (cf. supra, 1.1.2.1). Ce dernier est peut-être encadré au nord-est et au sud-ouest par deux autres constructions – contemporaines ou postérieures ? –, dont la platée de fondations est d’emprise plus réduite. Cet ensemble succède vraisemblablement à un bâtiment de plan quadrangulaire, mesurant au moins 5 m de côté et associé à un matériel daté des années 40 à 70 de n. è. ; il est possible, mais non démontré, qu’il s’agisse d’un premier temple, dont le plan ne peut toutefois être restitué dans son intégralité. Les abords immédiats de l’enceinte, à l’est et au sud, n’ont pas été étudiés et on ignore si elle relève d’un complexe monumental plus vaste, intégrant d’autres monuments établis au contact du vraisemblable forum (Brodeur dir., 1997, vol. 1, p. 60-64 et pl. 57-59 et 63 ; vol. 2, p. 89-103 et pl. 141 à 149 ; Chevet et Pithon, 2015, p. 105-107).
Figure 181 : La ville d’Angers/Iuliomagus (Maine-et-Loire) au iie s. de n. è.

Réal. S. Bossard, d’après Pithon, à paraître.
31Trois derniers lieux de culte, établis dans les quartiers centraux de villes du Haut-Empire, ont également pu border la place du forum, qui n’a toutefois pas été reconnue avec certitude. Le temple monumental de Tours/Caesarodunum (S.248), comptant parmi les plus grands édifices de culte de la province, s’inscrit ainsi dans un environnement dont on ne connaît que peu d’éléments (Jouquand et al., 2006 ; Jouquand, 2007). De plan circulaire et pourvu d’un haut podium, d’un porche et d’un décor plaqué de qualité (cf. supra, 1.1.2.1), il prend place dans une cour dont les limites ne sont pas connues, à l’exception de son angle sud-est ; par symétrie, il est toutefois possible de restituer une aire sacrée de plus de 4 200 m², soit l’une des plus vastes enregistrées en contexte de chef-lieu de cité (fig. 179). Des thermes publics existent à environ 200 m au sud, tandis que la proposition de restituer le forum dans l’îlot prolongeant à l’est l’aire du sanctuaire monumental ne s’appuie que sur des arguments topographiques fragiles – cet espace est néanmoins situé au croisement des deux principales rues de l’agglomération, dans le prolongement du pont de bois qui franchit la Loire (fig. 182 ; Galinié et al., 2007).
Figure 182 : La ville de Tours/Caesarodunum (Indre-et-Loire) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Galinié (dir.), 2007, p. 327, fig. 3.
32La question de l’emplacement du forum de Rouen/Rotomagus n’est également pas résolue (fig. 183). Il est possible, mais non démontré, qu’il se situe dans les insulae voisines d’un édifice thermal public, d’un probable bâtiment à usage commercial et d’un temple (S.268), dont les maçonneries ont été en partie dégagées en 1844 puis en 1991 dans la rue Eugène-Boudin (Lequoy et Guillot, 2004, p. 79-80 et p. 84, fig. 24). De plan quadrangulaire, associant une cella et une galerie périphérique, l’édifice de culte repose manifestement sur un podium dont le sol, surélevé, est maintenu au moyen d’un système d’arcs. Ses dimensions lui confèrent une monumentalité certaine, puisqu’il s’étend sur plus de 21 m de côté, et la découverte de fragments de chapiteaux corinthiens et de colonnes feuillagées, dans une fosse fouillée à proximité, pourrait témoigner d’une élévation soignée, à condition que ces membra disiecta proviennent bien de cet édifice. Si M.-Cl. Lequoy et B. Guillot considèrent que l’espace de circulation bordant au nord le temple correspond à une rue, fermée au nord par un portique, cette aire non bâtie pourrait aussi correspondre à la cour sacrée, sur laquelle ouvrirait alors une ou plusieurs galeries (fig. 179). Dans tous les cas, le complexe thermal se développe immédiatement au-delà du mur clôturant le portique, soit à une douzaine de mètres au nord du temple. À l’instar des exemples précédents, il est alors possible de restituer, dans le centre de Rotomagus, un complexe monumental associant à tout le moins un sanctuaire, pourvu d’un grand temple et peut-être de portiques, et un édifice thermal.
Figure 183 : La ville de Rouen/Rotomagus (Seine-Maritime) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Lequoy et Guillot, 2004, pl. h.-t.
33Enfin, à Valognes/Alauna, la reconnaissance d’un grand sanctuaire (S.251) et de son plan global ne pose guère de problème, grâce aux apports récents de prospections géophysiques, alors que le statut même de la ville est discuté et que l’identification d’autres monuments adjacents, notamment du forum que L. Jeanne et L. Paez-Rezende proposent de localiser dans l’îlot situé au sud, est incertaine (fig. 179 et 184 ; Jeanne et al., 2018). D’un point de vue architectural, le lieu de culte, de grande ampleur – il couvre une surface d’environ 3 500 m², soit l’intégralité d’une insula –, est pourvu d’une enveloppe monumentale, matérialisée par un quadriportique et, en façade orientale, par de vraisemblables pavillons d’angle. Au sein de l’aire sacrée, se dresse un grand temple (A/B), installé en fond de cour, et deux édicules qui flanquent l’allée qui y conduit (C et D). Le temple principal a manifestement connu au moins deux états successifs, dont on ne peut déterminer l’ordre chronologique : un possible temple classique (B : type D ?) et un bâtiment de plan centré et carré (A : type B1a), de taille plus imposante – et donc plus récent ? L’absence de fouille ne permet pas de détailler davantage la morphologie et l’évolution de ce sanctuaire.
Figure 184 : La ville de Valognes/Alauna (Manche) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Jeanne et al., 2018, p. 153, fig. 20, sur fond IGN.
34Ces divers exemples, qu’ils soient directement intégrés au centre civique ou qu’ils le côtoient, témoignent de la diversité des formes architecturales mises en œuvre lors de l’édification de lieux de culte dont la position, les dimensions et le décor – du moins lorsque ses fragments ont pu être étudiés – sont révélateurs de la dignité qui leur était conférée. En ce qui concerne les temples, l’adoption des canons classiques de l’architecture religieuse a manifestement été un choix rarement privilégié, contrairement à celui d’édifices dotés d’une galerie circonscrivant la cella. Un temple classique, dont l’aménagement signe l’adhésion de la cité aux formes architecturales italiques, a néanmoins pu constituer le cœur du forum de Lutetia, du lieu de culte d’Angers et peut-être de celui de Valognes, au cours de l’un de ses états. L’absence de normes, en tout cas, est suggestive : chaque cité dicte ses propres règles en concevant une aire sacrée adaptée à ses besoins – et aux moyens de ses édiles – et, sans doute, au culte de la divinité qu’elle décide d’honorer. Au-delà de la variété morphologique du temple principal et des équipements qui l’environnent, encore peu documentés, le caractère monumental de cet ensemble de sanctuaires constitue sans nul doute l’un de ses traits les plus saillants. La cour, enclose par un péribole maçonné et plus ou moins grande, est, à de rares exceptions près, mise en valeur par un quadriportique ; l’aire ouverte et les galeries forment l’écrin du temple principal, généralement dressé sur un podium.
35Ces espaces cultuels semblent donc destinés au culte d’une divinité majeure, résidant dans un grand temple qui domine l’aire sacrée (soit une organisation spatiale de type II-1, cf. supra, 1.2.2) et que l’on avait probablement désignée comme figure tutélaire de la ville. Elle pouvait être accompagnée par d’autres dieux et déesses sans doute secondaires, dont l’image est abritée dans une paire d’édicules à Valognes. Le cas de Vieux doit être considéré à part : l’édifice de culte réunit trois cellae, indiquant qu’un culte est rendu à trois puissances divines, élues comme protectrices de la communauté urbaine, sans que l’on puisse déterminer leur identité et les liens qui les caractérisent ; il est toutefois possible qu’une hiérarchie était établie entre les trois dieux ou déesses, celui ou celle étant le titulaire de la cella centrale ayant pu avoir la préséance.
36L’absence fréquente de dédicaces conservées, pour ces temples urbains comme pour ceux, plus généralement, des Trois Gaules (Van Andringa, 2017a, p. 52), rend souvent impossible l’identification de leurs propriétaires divins. Parmi les exemples considérés, la seule inscription suffisamment complète pour que le sens en soit compris est issue de l’exploration archéologique du probable forum de Jublains ou du sanctuaire qui l’avoisine : l’autel en grès sur lequel elle a été gravée a été exhumé dans l’espace intermédiaire, interprété comme une rue, situé entre ces deux monuments (Barbe, 1879, p. 529 ; CIL XIII, 3184). On ne peut alors affirmer avec assurance que la dédicace à Jupiter Très Bon, Très Grand et à Auguste désigne le titulaire du temple de plan rectangulaire, puisque le dieu suprême a aussi pu avoir été honoré dans un autre espace cultuel localisé au sein du forum voisin. Dans les Gaules romaines, c’est d’ailleurs au culte de celui-ci, premier des dieux de l’État romain et associé au pouvoir impérial, ou du Génie de la cité que sont traditionnellement dédiées les aires sacrées installées au sein même du forum ou dans ses environs (Mauger, 2016 ; Van Andringa, 2017a, p. 60-62).
37Par ailleurs, l’examen du mobilier provenant de ces sites est peu instructif à l’égard des pratiques rituelles qui s’y déroulaient : la plupart d’entre eux n’a pas fait l’objet de fouilles ou n’a été explorée que dans le cadre de sondages étroits, tandis que les autres n’ont livré qu’une quantité très réduite d’objets archéologiques. Seules quelques monnaies des iie s. et iiie s. ont ainsi été signalées à Rouen (Deville, 1844, p. 188) ; à Angers, le numéraire, complété par de rares tessons de céramique, est représenté par une cinquantaine de pièces, également tardives, puisque l’essentiel a été émis entre la fin du iiie s. et lors de la première moitié du ive s. (P.-A. Besombes, in Brodeur dir., 1997, vol. 2, annexe D). Enfin, à Tours, aucun artefact n’a pu être rattaché aux couches contemporaines de la fréquentation du lieu de culte. Pour ces différents exemples, les niveaux de circulation du temple ne sont jamais conservés et ses abords, dans la cour sacrée ou dans les portiques, n’ont été que peu étudiés ; on ne sait donc si la rareté d’objets est liée à des nettoyages réguliers de l’aire sacrée, par exemple, ou simplement à une déficience documentaire.
38Il reste enfin à évoquer la chronologie de ces sanctuaires urbains centraux – du moins de ceux pour lesquels on dispose de jalons précis, notamment d’un terminus post quem établi à partir de la fouille des niveaux antérieurs à leur construction. D’une manière générale, les données manquent pour caractériser les aires sacrées fondées avant le milieu du ier s. de n. è. Il est ainsi difficile de restituer la morphologie du ou des éventuels états antérieurs à l’aire civique monumentale de Lutetia. Pourtant, le monument de la rue Soufflot n’a pas été construit ex nihilo : les vestiges d’occupations antérieures ont été signalés par T. Vacquer, durant la seconde moitié du xixe s., et au cours de sondages réalisés en 1971, sous la direction d’A. Bouthier. En bordure méridionale du monument, sous la rue Le Goff, une construction circulaire, mesurant 21,40 m de diamètre, est recoupée par les murs des boutiques flanquant le forum monumental ; à proximité, des dés en pierre constituent les vraisemblables supports d’une élévation en bois, disparue. Ces substructions pourraient avoir relevé d’un édifice public antérieur, peut-être d’un temple de plan circulaire et d’un portique qui dépendraient du premier forum, mais les descriptions de T. Vacquer sont trop imprécises pour en être certain. Par ailleurs, les vestiges de murs en torchis, de puits et de diverses autres fosses, datés des trois premiers quarts du ier s. de n. è., ont été mis au jour dans la partie septentrionale de ce qui deviendra le forum monumental : des quartiers d’habitat ont manifestement été acquis par la cité et rasés afin d’aménager – ou plutôt d’étendre ? – le centre civique (Busson, 1998, p. 109-111 ; 2019, p. 66). Il est probable qu’à Lutetia, à l’instar de ce qui a été observé à Vannes, à Rennes ou encore à Périgueux pour les premières décennies du Haut-Empire (Van Andringa, 2017a, p. 59-60), l’espace civique, d’emprise encore relativement réduite, ait d’abord été matérialisé par une esplanade, peut-être occupée ou bordée par des constructions de terre et de bois. Ici, comme ailleurs, un simple autel a pu servir d’élément matériel, dans les premiers temps, pour l’exercice de la religion officielle de la cité, notamment à travers la célébration du culte dynastique (Mauger, 2016, p. 299-300). Au demeurant, à Sens, une base inscrite supportant une statue colossale provient des abords du vraisemblable forum du Haut-Empire et rend hommage à Caius César, fils adoptif d’Auguste décédé en 4 de n. è. ; elle appartient à un monument auquel fait écho une série de chapelles ou d’autels funéraires contemporains, dans les Gaules, que l’on considère généralement comme les premières manifestations de la religion publique des cités (CIL XIII, 2942 ; Nouvel, 2015, p. 241 ; Van Andringa, 2017a, p. 49-50).
39L’érection des grands sanctuaires aménagés dans les environs proches des fora de plusieurs chefs-lieux semble également débuter à une date assez tardive, puisqu’elle est postérieure de quelques décennies à l’éclosion des espaces urbains, à tout le moins pour les deux cas les mieux documentés. Le dieu ou la déesse tutélaire de la ville de Tours est ainsi honoré dans un temple monumental dont la construction a vraisemblablement été entamée – plutôt qu’au milieu du ier s. de n. è., comme le suggèrent des datations dendrochronologiques réalisées à partir de pieux de fondation – vers le dernier quart du ier s. ou le début du iie s. de n. è., si l’on se fie au terminus post quem fourni par le matériel piégé dans les niveaux du chantier. Les fondations du temple sont ancrées dans un terrain occupé depuis que le quartier a été urbanisé, au cours du règne de Tibère (14-37 de n. è.) ; les plus anciens vestiges conservés (trous de poteau, empreinte de sablière, fosses dépotoirs, puits), certes lacunaires, évoquent un contexte domestique plutôt qu’un premier lieu de culte, à l’exception d’un mur massif – il est épais de près de 1 m –, qui pourrait relever d’une construction monumentale de nature indéterminée (Jouquand et al., 2006, p. 155 ; Jouquand, 2007, p. 189-192 ; Ferdière et al., 2014). En tout état de cause, l’édification du sanctuaire, comme des autres lieux de culte urbains monumentaux, a certainement dû s’étirer sur plusieurs années, voire même sur quelques décennies, là encore en fonction des moyens disponibles (cf. infra, 5.3.2.1).
40À Angers, la terrasse sur laquelle se dresse l’enceinte interprétée comme un sanctuaire, a pu avoir été créée dès la fin du ier s. av. n. è., scellant un espace occupé à la fin du second âge du Fer par l’un des quartiers à vocation résidentielle et artisanale de l’oppidum préexistant. La structure des remblais qui la composent, constituée de couches ondulées et épaisses jusqu’à 2,30 m, qui forment des gouttières parallèles, semble adaptée « à la préparation d’un terrain destiné à accueillir une composition arborée » (Chevet et Pithon, 2015, p. 105 et p. 107 ; voir aussi Brodeur dir., 1997, vol. 2, p. 79-88 et pl. 139-140). Il n’est donc pas certain que les travaux de grande ampleur menés pour transformer radicalement l’angle de l’éperon aient été programmés, à l’origine, pour l’aménagement spécifique d’une aire sacrée. Il s’agit dans tous les cas d’une entreprise certainement publique, dictée par les concepteurs de la ville nouvelle, dès sa fondation ou dans les années qui l’ont suivie. Après une durée indéterminée, peut-être longue de plusieurs décennies, la terrasse est à nouveau réaménagée : les constructions maçonnées ont été élevées au cœur d’une cour désormais clôturée par des murs, dont les fondations recoupent le remblai préexistant. L’orientation de ces constructions diffère de celle des murets bâtis lors de la constitution de la terrasse ; elle s’aligne alors sur la trame viaire de la ville du Haut-Empire, planifiée dès la période augustéenne et mise en œuvre, pour l’essentiel, à partir du règne de Tibère. Cet acte signe probablement la fondation du monument, dont les premiers états, peut-être datés des années 40-70, sont peu documentés. Quant à la monumentalisation du site, avec la construction de bâtiments reposant sur des massifs maçonnés, interprétés comme de possibles temples ou édicules, elle intervient probablement après cette date (cf. supra).
41Dans les Trois Gaules, d’autres exemples de temples monumentaux, insérés dans le maillage urbain des chefs-lieux de cités, ont aussi été construits après le milieu du ier s. de n. è., sur des terrains auparavant dévolus à d’autres activités. L’acquisition de terrains privés par la cité, dans l’optique de bâtir un imposant lieu de culte, est également attestée à Périgueux/Vesunna (Dordogne) : le grand sanctuaire dit de la Tour de Vésone prend ainsi place, à partir de la fin du ier s. ou du début du iie s., à quelques mètres au nord du forum de la ville, là où se dressait auparavant une domus. À Cahors/Divona, un autre temple circulaire, sur le site du centre hospitalier, est bâti à partir des années 50-60, sur un terrain peut-être réservé depuis le second quart du ier s. de n. è., alors que de probables demeures y avaient d’abord été bâties durant la période augusto-tibérienne (Rigal, 2009, p. 385 ; Van Andringa, 2017a, p. 79).
42Il est regrettable que l’on ne puisse déterminer le profil des divinités dont le culte était célébré dans ces grands sanctuaires urbains. Il ne fait toutefois pas de doute qu’elles devaient figurer parmi les divinités majeures du panthéon de la cité et qu’elles devaient être considérées comme les protectrices de la communauté urbaine. En bordure du centre civique, doit-on y voir une simple juxtaposition et un dédoublement des aires sacrées, le dieu principal de la ville étant honoré sur la place même du forum, tandis qu’un autre culte majeur serait assuré dans cet imposant sanctuaire adjacent ? À Jublains, comme à Vieux et à Vannes, aucun édifice de culte n’a pu être identifié avec certitude au sein de l’area forensis, tandis que l’aire sacrée enclose est installée sur l’un des longs côtés de la place publique – sans recherche, toutefois, d’axialité ou de lien particulier entre les deux monuments, au demeurant séparés par une rue. Il est alors possible, mais non démontré, puisque la connaissance de ces fora demeure lacunaire, que ces trois sanctuaires – et d’autres, tels ceux de Tours, de Valognes ou de Rouen, voire d’Angers ? – aient constitué l’area sacra du forum et aient abrité le culte de la divinité tutélaire, qui résidait parfois en périphérie de la place publique, comme l’a rappelé P. Gros (cf. supra). L’hypothèse semble plausible pour de modestes centres civiques, tel celui de Jublains : l’espace réservé lors de la fondation du chef-lieu n’aurait pas été suffisant pour y déployer, au cours des travaux publics du ier s. de n. è., un forum de grande ampleur ; il aurait alors fallu installer l’annexe religieuse de ce dernier en périphérie, au sein d’un îlot peut-être intégralement ou partiellement acquis pour cette occasion. Pour les exemples étudiés, la chronologie du forum et des sanctuaires voisins n’est toutefois que rarement connue ; elle devra être ultérieurement affinée pour déterminer si leur construction relève d’un programme unitaire, lié au développement global de la parure monumentale de la ville et peut-être à l’acquisition, par la cité, du droit latin (cf. infra, 5.3.2.1), ou s’il s’agit de chantiers indépendants de toute promotion juridique. Il est tout aussi envisageable que d’autres lieux de culte aient bordé le forum de ces villes et aient ainsi relevé d’un centre monumental associant de multiples aires sacrées, où l’on célébrait publiquement le culte des grands dieux de la cité et les hommages rendus au pouvoir impérial, à l’image du réseau de sanctuaires formé au début du Haut-Empire en bordure de l’area forensis de Pompéi (Van Andringa, 2009, p. 70).
3.1.2.2. D’autres grands lieux de culte parsemant les tissus urbains
43Peu de sanctuaires dispersés dans les quartiers des villes, à l’écart des centres monumentaux, ont à ce jour été identifiés dans les cités considérées ; il faut par ailleurs distinguer de vastes aires sacrées, dont le statut est probablement public, de lieux de culte d’emprise bien plus restreinte et d’architecture souvent modeste, sans doute privés (cf. infra, 3.1.2.3). Parmi les lieux de culte les plus importants, seule l’aire enclose des Jacobins, au Mans (S.16), a été étudiée – bien qu’incomplètement – dans le cadre d’une opération de fouille préventive, dirigée par P. Chevet (Inrap, 2010-2011), tandis que le sanctuaire nord-ouest de Jublains (S.34) et celui du Clos Julio, à Corseul (S.133) ont été reconnus au cours de prospections géophysiques, pour le premier, et aériennes, pour le second (fig. 185).
Figure 185 : Plan de grands sanctuaires implantés dans les quartiers périphériques des chefs-lieux de cités.

Réal. S. Bossard, d’après Langouët, 1991, t. 3 ; Caraire, 2020, p. 25, fig. 21 et p. 46, fig. 42 ; Chevet (dir.), 2016, vol. 1, p. 494-506.
44Le site manceau des Jacobins est localisé dans les quartiers orientaux de Vindinum, dont l’organisation au cours du Haut-Empire est encore peu documentée : la ville se développe en grande partie sur la butte du Vieux Mans, qui accueille vraisemblablement son centre civique – à environ 300 m à l’ouest, sous l’actuelle place Saint-Pierre ? – et une partie de ses monuments, pour la plupart non localisés, ainsi que sur le versant occidental de celle de la Couture, s’étendant de l’autre côté de la vallée du ruisseau de l’Isaac, affluent de la Sarthe aujourd’hui disparu (fig. 186). Les vestiges d’un édifice de spectacle, dont la forme n’a pu être déterminée, ont été partiellement exhumés à la fin du xviiie s. à une centaine de mètres au sud-est du sanctuaire des Jacobins, tandis qu’aucun autre monument n’a été reconnu dans ses environs proches. L’emplacement du lieu de culte, aménagé au fond de la vallée de l’Isaac, a manifestement été déterminé par le passage du cours d’eau, prenant sa source à plus d’un kilomètre à l’est-nord-est et canalisé dès le début du ier s. de n. è. En effet, de premiers dépôts de monnaies gauloises et augustéennes, probablement jetées dans le ruisseau et accumulées par dizaines dans son lit ou sur ses berges, sont réalisés durant la seconde moitié du ier s. av. n. è. (cf. supra, 2.2.3.1), alors que les abords de l’Isaac sont occupés par des constructions de bois et de terre et par un four de potier. La stips continue d’être pratiquée au cours des décennies suivantes, dans l’eau, mais aussi au sein d’un édicule maçonné (A) construit à une vingtaine de mètres au nord du ruisseau, probablement vers les années 15-20 de n. è. ; il semble plausible de considérer qu’il abrite la statue de la divinité ayant aussi élu résidence dans l’élément aquatique (cf. supra, 1.1.3.2). L’identification des limites de l’aire sacrée, dans son état antérieur aux décennies centrales du ier s. de n. è. (S.16, ph. 1), pose problème, puisque d’autres aménagements, localisés sur la rive droite de l’Isaac, entre l’édicule A et le cours d’eau – dont des fosses, un bâtiment de plan rectangulaire (B), construit en matériaux périssables, et un chemin empierré –, pourraient n’avoir aucun lien avec la pratique d’un culte et témoigner de la coexistence d’activités profanes et religieuses.
Figure 186 : La ville du Mans/Vindinum (Sarthe) au iie s. de n. è.

Réal. S. Bossard, d’après Chevet et al., à paraître, sur fond IGN.
45La création d’un possible étang, grâce à un système de retenue d’eau et à l’emplacement où l’on jetait jusqu’alors les monnaies, paraît intervenir vers les années 40-50 de n. è., au plus tôt, au moment où la trame urbaine est mise en place ; celle-ci structure désormais le quartier des Jacobins, aussi traversé par le cours canalisé de l’Isaac (S.16, ph. 2). Durant cette phase, des offrandes de divers types continuent d’être déposées ou rejetées dans l’étang ou à ses abords immédiats, ainsi que dans l’édicule A, dans un espace qui semble dès lors réservé aux pratiques religieuses. L’emprise de l’aire sacrée, de grandes dimensions, n’est cependant pas connue : le site se prolonge vers le nord-est, au-delà de la limite de fouille, comme l’indique la construction d’un péribole maçonné de plan trapézoïdal, au plus tôt dans les années 110-130, dont le tracé n’a pu être intégralement suivi (S.16, ph. 3). On ignore donc si d’autres édifices, peut-être plus monumentaux, existent au sein de l’aire sacrée, de même que l’entrée principale de cette dernière n’a pu être localisée. Il est cependant certain que le sanctuaire, bien que ses limites ne coïncident pas avec celles de l’îlot, couvre une surface importante, probablement égale, au bas mot, à 2 500 m².
46La fouille des espaces situés au sud et au sud-ouest de l’enceinte, le long des rues qui encadrent cette dernière – notamment de celle qui relie sans doute l’édifice de spectacle voisin à la butte du Vieux Mans – a révélé l’existence de constructions relativement modestes. Celles-ci ont été interprétées comme des habitations, des ateliers artisanaux – dont l’une accueille les activités d’un bronzier, produisant des statues – ou encore comme une probable taverne. En revanche, on ignore tout de l’environnement du sanctuaire le long de ses façades nord-ouest, vraisemblablement directement bordée par une rue, et nord-est, qui a également pu être longée par un axe de circulation (Chevet et al., 2014 ; Chevet, 2015 ; dir., 2016, vol. 1-1).
47L’intégration du sanctuaire nord-ouest de Jublains (S.34) dans le tissu urbain de la ville antique est mieux documentée (cf. supra, fig. 176 et 185), bien que les éléments de chronologie manquent pour ce site, récemment découvert au cours des prospections géophysiques (Caraire, 2020). L’aire sacrée a été aménagée en bordure de l’un des axes qui traversent Noviodunum du nord-ouest au sud-est, en longeant notamment le grand sanctuaire suburbain (S.32), localisé à une centaine de mètres au nord (cf. infra, 3.1.2.4), ainsi que des thermes publics et le théâtre, sis dans les quartiers méridionaux de la ville. Située dans le quart nord-ouest du maillage urbain, elle est entourée, a minima au nord, à l’est et au sud, par des insulae qui semblent avoir été partagées entre plusieurs propriétés privées. Les abords occidentaux de l’insula, marquant la limite de l’espace urbain, n’ont pas été étudiés et on ne sait donc s’ils ont été véritablement lotis. Aucune anomalie n’a d’ailleurs été repérée sur la frange sud-ouest de l’îlot accueillant le sanctuaire ; il est possible que ce dernier n’en occupât que les deux tiers, alors que la partie restante aurait pu avoir été laissée vide de toute construction – à moins que de modestes édifices, bâtis en matériaux périssables, n’ait ici laissé aucune trace perceptible au moyen d’un géoradar.
48Il n’est donc pas facile de cerner les limites de ce lieu de culte, qui devait néanmoins occuper la majeure partie de l’insula, en particulier son angle septentrional, sur une surface égale ou supérieure à 3 300 m². Il n’est également pas certain que l’ensemble des bâtiments bordant les rues situées au nord-ouest et au nord-est de l’aire sacrée, s’ils en sont bien contemporains, aient été rattachés au sanctuaire ; leur plan est incomplet et on ne peut, dans tous les cas, en reconnaître la fonction. Un grand édifice de plan rectangulaire (H), au nord-est, pourrait cependant avoir marqué l’entrée du lieu de culte. Il est plus aisé de restituer l’organisation de l’espace central de la cour sacrée : deux temples (A et C) sont environnés de multiples édicules – chapelles, bases de statues ou d’autels ? –, tandis qu’un troisième édifice de culte (B), placé le long de la façade nord-ouest du sanctuaire, semble avoir été bordé par d’autres constructions. On ignore si les aménagements identifiés relèvent d’un même programme de construction ou, plutôt, au regard de l’encombrement de la cour, du développement progressif des équipements du sanctuaire. Une autre inconnue réside dans la question des origines du lieu de culte : son emplacement était-il réservé dès la mise en place de la trame urbaine, vraisemblablement postérieure au milieu du ier s. de n. è. (Bocquet et Naveau, 2004, p. 176), ou bien a-t-il été bâti plus tardivement, après avoir rasé d’éventuelles constructions antérieures ?
49Les données réunies au sujet du sanctuaire du Clos Julio à Corseul (S.133) sont encore moindres. Les vestiges reconnus par L. Langouët en prospection aérienne se limitent à un temple de plan centré (A) et à une petite construction carrée (B), distante d’une vingtaine de mètres et située dans l’axe de l’entrée du bâtiment principal (Langouët, 1991, t. 3). Ces deux édifices occupent la partie centrale d’un îlot a priori vide d’autres constructions et mesurant, tout au plus, 90 m de long pour 70 m de large ; ce dernier est localisé en bordure méridionale du carroyage dessiné par les rues du chef-lieu, près de son angle sud-est (fig. 185 et 187). Seule la position centrale du temple et de son annexe – une chapelle, une base de statue ou d’autel, un bassin ou encore le porche marquant l’entrée de l’aire sacrée ? – au sein de l’insula, dont les limites orientale et méridionale ne sont d’ailleurs pas assurées, permet de supposer que l’emprise du lieu de culte se confond avec celle de l’îlot. Il faudrait alors restituer une aire sacrée de plusieurs milliers de mètres carrés, peut-être même de plus d’un demi-hectare.
Figure 187 : La ville de Corseul (Côtes-d’Armor) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Ferrette et al., 2017, p. 55, fig. 28, sur fond IGN.
50Les trois sanctuaires étudiés, malgré les lacunes documentaires évoquées et leurs particularités propres, partagent plusieurs traits communs qu’il convient de souligner. Leur position dans les quartiers périphériques du maillage urbain n’est pas nécessairement liée à des questions de chronologie et de fondation tardive, comme le démontre l’exemple du Mans, dont les plus anciennes manifestations sont précoces. Au contraire, il est possible que les lieux de culte de Jublains et de Corseul aient été bâtis après l’aménagement des quartiers les plus centraux de la ville, dans les seuls espaces encore disponibles pour accueillir une vaste aire sacrée. Si cette dernière s’étend sur plusieurs milliers de mètres carrés et recouvre la majeure partie, voire la totalité d’un îlot urbain, leurs équipements ne peuvent pour autant, en l’état des connaissances, être qualifiés de monumentaux, à l’opposé des lieux de culte implantés dans les quartiers centraux des chefs-lieux. De fait, point de temple classique : les édifices de plan centré (types B1a, B1b et B4) ou même les simples cellae (type A1a), simples ou multiples, dominent ; leurs dimensions sont moyennes, voire petites. Quant aux autres équipements, ils sont également limités et l’absence supposée de portiques est notable.
51Les divinités honorées n’ont pu être identifiées. Elles sont multiples à Jublains, où plusieurs temples à galerie coexistent, et peut-être à Corseul, si l’on admet que l’édicule B correspond à une cella. Au Mans, il s’agit d’au moins un dieu ou une déesse résidant dans l’eau. Pour ce dernier site, P. Chevet et al. (2014, p. 158) ont proposé de mettre en relation des bases de statues épigraphes, réemployées dans les fondations de l’enceinte tardive de la ville, et le lieu de culte des Jacobins, distant de 400 m de leur lieu de découverte ; néanmoins, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, on ne peut être certain que les divinités qui y sont mentionnées – Apollon Auguste Atesmertus et sa parèdre Sirona Siveli[a ?] (Æ, 1984, 641-642) – ont bien été honorées sur ce site et non dans une autre aire sacrée de l’espace urbain.
52Les pratiques de déposition d’offrandes ne sont documentées qu’au Mans, seul site fouillé. Les objets découverts témoignent de dons variés, parmi lesquels le numéraire paraît occuper une place prépondérante : dès les origines du sanctuaire, au plus tard durant la période augustéenne, des monnaies sont jetées dans l’eau, ainsi que dans une cella à partir du début de notre ère, sans avoir été récupérées. De vraisemblables offrandes alimentaires, ainsi que des parures, des accessoires vestimentaires et divers petits objets ont également été accumulés sur les berges du ruisseau ou de l’étang, où la pêche était sans doute également pratiquée, comme en témoigne la découverte de lests de filets de pêche (Chevet et al., 2014, p. 133-155). Ce sanctuaire – comme celui de Jublains, situé le long de l’une des principales rues de l’agglomération ? – semble donc avoir été activement fréquenté, et ce durant plusieurs siècles.
53Malgré leur localisation à l’écart du centre monumental de la ville, ces lieux de culte semblent donc avoir figuré parmi les sanctuaires les plus importants des espaces urbains : leur surface remarquable et surtout la portion qui leur est réservée au sein même de l’aire quadrillée par les rues témoignent de la place de choix qui leur a été accordée, même s’ils n’ont a priori jamais connu d’état monumental, en dépit de réaménagements successifs au Mans. Leur développement est donc certainement lié à l’histoire locale des communautés, par exemple à la présence d’un dieu ayant élu résidence dans l’eau, qui a fixé l’emplacement de son sanctuaire dans la ville naissante de Vindinum, ou peut-être à la volonté de regrouper le culte de plusieurs dieux et déesses d’importance secondaire dans les quartiers nord-ouest de Jublains. L’exemple des Jacobins montre que le lieu de culte évolue au gré des transformations qui modèlent le chef-lieu et ses quartiers périphériques, notamment lorsque la retenue d’eau est créée – et ce pour modifier le tracé d’un ruisseau traversant la ville du Haut-Empire – en parallèle de la mise en place des rues de cette dernière (Chevet et al., 2014, p. 385). Au regard de ces éléments et malgré l’absence d’inscription significative, il paraît donc plausible de reconnaître à ces sanctuaires un statut public, du moins pour ceux du Mans et de Jublains.
3.1.2.3. Des sanctuaires privés, fréquentés à l’échelle d’un quartier ou liés aux cultes d’associations ?
- 58 Les travaux en cours de M. Mauger (2018a ; en préparation), menés à l’échelle des Gaules romaines, (...)
54D’autres sanctuaires, implantés dans le tissu urbain et également pourvus d’un ou de plusieurs temples, présentent un caractère bien plus modeste et peuvent certainement être rangés parmi les lieux de culte privés localisés en ville, au même titre que les petites chapelles intégrées à certaines résidences urbaines. Ces dernières, destinées à la célébration du culte des divinités protectrices de la famille et que l’on peut qualifier de sanctuaires domestiques, n’ont pas été prises en compte ici58.
55Quatre cas méritent ici une analyse détaillée : il s’agit de trois sanctuaires fouillés, dans un cadre préventif, à Chartres, sur la place des Épars (S.100), à Vieux, en amont de la construction du musée archéologique (S.281), et à Corseul (S.135), sur le site de l’Hôtellerie, ainsi que d’un temple récemment reconnu au cours de la campagne de prospection géoradar menée à Jublains (S.35).
56L’un des intérêts majeurs de l’opération archéologique conduite sur la place des Épars à Chartres (S.100) est d’avoir permis l’étude, de façon certes incomplète, de plusieurs îlots composant les quartiers occidentaux d’Autricum (fig. 188). Les premiers bilans édités permettent de brosser à grands traits l’histoire du quartier et notamment celle d’un petit lieu de culte (Joly dir., 2010 ; Canny et al., 2019).
Figure 188 : La ville de Chartres/Autricum (Eure-et-Loir) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Joly et al., 2015, p. 119, fig. 2.
57L’îlot rectangulaire (138 × 125 m) dans lequel s’inscrit le sanctuaire (fig. 189 et 190) a été fondé durant la fin de la période augustéenne, au cours des années qui ont marqué la mise en place du chef-lieu, qui a succédé à une agglomération de la fin du second âge du Fer. Il est dès lors scindé en deux parties inégales par une ruelle, dont l’axe diffère quelque peu de celui des rues qui l’encadrent, et est divisé en étroites parcelles, larges entre 8 et 11 m et donnant sur les rues adjacentes. C’est en bordure méridionale de la ruelle qu’est installée la cour qui accueillera, à partir du début du iie s., le temple C. Empierrée dès son origine, cette aire clôturée est d’abord dominée par un bâtiment en terre et en bois (A), construit sur une plateforme faiblement surélevée (S.100, ph. 1). Si l’on ne peut en restituer le plan et les dimensions exactes, son orientation, identique à celle du futur temple à galerie et distincte de celle des limites de la cour, et plusieurs dépôts d’objets à proximité (céramiques, restes fauniques, monnaies), militent en faveur de l’hypothèse d’un premier édifice de culte, sans doute modeste.
Figure 189 : Le quartier de la place des Épars à Chartres (Eure-et-Loir).

Réal. S. Bossard, d’après Joly (dir.), 2010, p. 129, fig. 2.
58Entre le deuxième quart du ier s. et le deuxième quart du iie s., une grande domus est bâtie sur quatre parcelles alors réunies, et borde désormais la cour avec deux autres demeures de taille moyenne. Bien que vraisemblable, l’existence du sanctuaire voisin n’est également pas confirmée lors de cette phase : la possible cella a été détruite et seul un bassin en bois, dans l’angle oriental de la cour, semble relever de cette phase (S.100, ph. 2). Puis, au début du iie s., le quartier subit les dommages d’un incendie, avant d’être rapidement reconstruit ; une autre domus, occupant trois parcelles, est alors érigée au nord-est du sanctuaire. Celui-ci est réaménagé au même moment et accueille désormais un temple à galerie périphérique (S.100, ph. 3 et 4, C ; 60 m²). Durant le iie s., tandis que la construction maçonnée est privilégiée pour les autres édifices de ce quartier, seul le temple C conserve une élévation en matériaux périssables, malgré sa reconstruction à deux reprises. En outre, l’aire associée au temple est restée étroite – sa surface couvre à peine, au total, 600 m². L’espace bordant la ruelle n’a pu être fouillé et on ignore donc si d’autres aménagements sont associés au sanctuaire, également pourvu d’un puits ; des ornières, conservées à l’est du temple, indiquent que des véhicules pouvaient pénétrer dans la cour, sans doute depuis la ruelle. Il est toutefois possible qu’un autre accès, au sud-ouest, reliait l’espace sacré à la parcelle voisine, occupée par des bâtiments localisés en dehors des limites de la fouille. Ainsi, on ne peut être certain que ce modeste lieu de culte était indépendant des autres espaces de l’îlot ; on peut tout à fait envisager qu’il était rattaché à un ensemble plus vaste – le siège d’une association, ou la résidence d’une famille ? Le réaménagement concomitant de la domus située au nord-est du lieu de culte et de ce dernier, au début du iie s., pourrait d’ailleurs être significatif d’un lien entre ces deux ensembles (Canny et al., 2019, p. 435), mais la destruction générale du quartier par le feu explique sans doute, aussi, que ses diverses composantes aient été reconstruites au même moment.
59Le sanctuaire de Vieux (S.281) est mieux documenté, puisque le temple et son environnement ont pu être étudiés dans leur intégralité (Kerébel dir., 2000). Le bâtiment de culte prend place dans une cour de plan rectangulaire, localisée en bordure orientale d’Aregenua, le long d’une rue qui dessert le théâtre de la ville (cf. supra, fig. 180 et 190). La cour (environ 1 050 m²), à l’origine pavée de grès et délimitée par un mur d’enceinte sur au moins trois de ses côtés, est d’abord dépourvue de temple : il n’a été édifié qu’après en avoir surélevé le niveau de circulation, au plus tôt durant la première moitié du iie s. de n. è., tandis que l’aménagement de la cour et des nombreux bâtiments qui la bordent, peut-être contemporains de sa fondation, n’est pas daté – l’îlot auquel se rattache l’ensemble a toutefois été structuré entre la fin du ier s. et le milieu du iie s. de n. è. Les édifices qui encadrent la cour, de plans variés, sont formés d’une ou de plusieurs pièces, pour la plupart vides de toute structure – seul l’édifice F est équipé d’un foyer. Ces modestes constructions, comme le petit temple de plan centré et carré (A : 98 m²) et un édicule adjacent (B), ont toutes été édifiées en matériaux périssables, sur des solins de pierre, à l’instar des autres bâtiments de l’îlot – le seul édifice aux murs maçonnés est plus tardif. Doit-on y voir des annexes utilisées dans le cadre du culte ? La postériorité du temple par rapport à la cour et, peut-être, à la majorité des bâtiments qui l’encadrent suggère une autre hypothèse : celle d’un établissement privé qui a pu réunir, peut-être après plusieurs années ou décennies d’existence, les moyens nécessaires à l’édification d’un temple – un simple autel était-il dressé auparavant dans la cour ? L’organisation des constructions adossées au mur d’enceinte de la cour n’est guère caractéristique d’un habitat urbain ; les éléments de comparaison manquent pour identifier un siège de corporation, mais cette éventualité peut néanmoins être évoquée.
Figure 190 : Plan de modestes sanctuaires, vraisemblablement privés, implantés au sein ou en périphérie de chefs-lieux de cités.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
60Par ailleurs, si les deux parcelles accolées au sud de la cour, dans la même insula, semblent accueillir des habitations ou des boutiques et être totalement indépendantes de l’aire sacrée, une porte assure probablement la communication entre l’édifice construit dans l’angle sud-est de la cour et un bâtiment voisin, à l’est, laissant entrevoir un possible lien entre le lieu de culte et la parcelle qui se développe à l’est et au sud-est. Cet édifice adjacent, bien que mal conservé, présente un plan original, composé notamment d’une cour bordée sur ses quatre côtés d’une galerie au sol bétonné, dont la fonction n’est pas connue – s’agit-il d’un espace de réception ou un jardin, intégré ou non à une demeure ? Ainsi, ce sanctuaire semble bien faire partie d’un ensemble plus grand et être en lien avec d’autres espaces de l’îlot, peut-être fréquentés par la communauté qui le gère.
61Situé à environ 300 m à l’est de l’aire urbaine quadrillée par le réseau de rues de Corseul (cf. supra, fig. 187), le temple de l’Hôtellerie (S.135) est aussi localisé à quelques dizaines de mètres au nord-est d’une probable route quittant la ville en direction du sanctuaire monumental du Haut-Bécherel (cf. infra) et de Rennes. Les opérations archéologiques réalisées au cours des dernières années dans ses environs ont montré qu’un quartier suburbain, accueillant des habitations ainsi que des infrastructures à vocation artisanale – dont un four de potier –, s’est manifestement développé aux abords de la voie (Bizien-Jaglin et Sorinas, 2010 ; Ferrette dir., 2019). L’orientation des murs et des fossés identifiés dans ce secteur, y compris pour le temple et le fossé qui l’avoisine, s’aligne d’ailleurs sur l’axe de la voie et non sur le quadrillage de la trame urbaine. Le bâtiment de culte n’est effectivement pas isolé, puisqu’il a été aménagé dans l’angle oriental d’un enclos, délimité par un fossé profond de moins de 1 m (fig. 190). Les dimensions de l’enceinte, ainsi que ses autres composantes, ne sont pas connues. La position du temple et son orientation particulière – son entrée est effectivement placée au nord-ouest, contrairement à la plupart des édifices de culte (cf. supra, 1.1.2.2) – semblent avoir été contraintes par l’existence d’autres constructions au sein de l’enclos, dont il n’occuperait alors qu’une place secondaire. Au demeurant, il est de très petite taille (42 m²) et a été essentiellement construit en matériaux périssables. Il paraît plausible d’envisager que l’établissement enclos, probablement modeste, correspond, plutôt qu’à un sanctuaire équipé de multiples temples, à un habitat périurbain, au siège d’une corporation d’artisans ou peut-être à un lieu d’accueil des voyageurs, comme le suggèrent le passage d’un axe routier majeur ainsi que son emplacement à l’entrée du chef-lieu. Les arguments manquent pour privilégier une hypothèse à une autre, d’autant plus que le mobilier collecté sur le site, composé de tessons de céramique et de verre et de rares monnaies, n’aide guère à en déterminer la nature ; il indique toutefois que l’établissement est fréquenté, à tout le moins, durant les deux premiers siècles de notre ère (Ferrette et al., 2005).
62Enfin, à Jublains/Noviodunum (S.35), la nature des données recueillies au cours d’une récente prospection géophysique limite à quelques observations d’ordre planimétrique l’étude d’un troisième modeste temple (Caraire, 2020). Implanté dans la partie septentrionale d’une insula, il se caractérise par un emplacement particulier, puisqu’au-delà de la rue qui longe cet îlot au nord et qui marque l’une des limites de la trame urbaine, s’étend le grand sanctuaire suburbain de Jublains (S.32 ; cf. supra, fig. 176 et 190). Pour autant, le temple en question semble avoir été installé, en dépit d’incertitudes liées à la lecture difficile des anomalies repérées, dans la partie occidentale d’une cour fermée par des murs et donc indépendante du complexe monumental voisin. Il s’inscrit effectivement dans un îlot densément bâti, qui paraît avoir été dépourvu de toute construction monumentale ; au moins deux parcelles peuvent être individualisées au sein de l’insula et le sanctuaire se rattache à la plus grande d’entre elles, occupant ses deux tiers orientaux. L’interprétation des vestiges, en l’absence d’une fouille, est toutefois délicate et on ne peut préciser les rapports qu’entretient le temple, dont les abords orientaux semblent avoir été occupés par une cour, avec les autres composantes du quartier. En tout état de cause, l’aire sacrée ne semble pas s’étendre sur plus de 500 m², tandis que ses propres dimensions en font l’un des plus petits édifices à cella centrale et galerie périphérique parmi les sanctuaires étudiés (environ 80 m²). Il faut alors considérer cet espace, dont on sait peu de choses, comme l’un des lieux de culte privés de Jublains ; sa position aux abords du grand sanctuaire suburbain témoigne peut-être d’un lien entre les divinités qui y sont respectivement honorées. Une association religieuse a aussi pu rechercher un rapport de proximité entre le temple de la puissance divine à laquelle elle rend un culte et celui de la divinité sans doute principale (cf. infra, 3.1.2.4) de la cité des Aulerques Diablintes.
63Il n’est guère utile d’insister sur la modestie de ces quatre sanctuaires, déjà évoquée à plusieurs reprises : les dimensions de leur temple, invariablement de plan centré et carré, de même que celles de la cour qui l’encadre sont tout à fait réduites ; à Vieux comme à Corseul, les matériaux employés trahissent aussi une construction de moindre coût. Dans tous les cas, la cour de ces établissements enclos ne permet de réunir, de manière simultanée, que quelques dizaines ou, tout au plus, une centaine de visiteurs. Par ailleurs, ces lieux de culte de faible ampleur s’inscrivent systématiquement dans des îlots situés en marge du centre urbain, au contact d’autres parcelles loties, avec lesquelles ils présentent parfois des liens, plus ou moins évidents. Il semble logique d’expliquer ces derniers – du moins à Vieux et à Corseul – par une relation de dépendance entre le temple et un établissement voisin, dont il est difficile de définir la nature. À Chartres et à Jublains, le temple occupe une parcelle peut-être sans accès vers les propriétés voisines ; l’aire sacrée ouvrirait alors uniquement sur la rue ou la ruelle qui la borde, de même qu’un tel passage, entre la rue occidentale et la cour, a certainement aussi existé à Vieux.
64Comme souvent, l’identité de la divinité honorée au sein de ces sanctuaires – qui pourrait être associée, à Vieux, à un autre dieu ou déesse d’importance secondaire, comme en témoignerait la présence d’un édicule voisin – n’a pu être déterminée. Le mobilier collecté lors de la fouille des sanctuaires de Chartres et de Vieux, bien que varié (céramique, restes fauniques, quelques monnaies, lames de haches en pierre et en alliage cuivreux à Chartres, fibules et autres objets à Vieux), est globalement peu abondant, de même qu’à Corseul. Au demeurant, l’examen comparé des artefacts provenant de la cour et des autres parcelles de l’îlot, à Vieux, révèle que leur concentration n’est pas plus importante dans l’enceinte occupée par le temple (cf. supra, 2.1.1). La fondation relativement tardive de ces espaces, ou du moins des temples formellement identifiés – postérieure au début du iie s. à Vieux et peut-être à Chartres, bien qu’un premier édifice de culte en bois ait pu y prendre place dès le début du ier s. de n. è. – pourrait cependant expliquer aussi la relative rareté des offrandes conservées (cf. supra, 2.3.2.2).
65À l’aune des données réunies, on est en droit d’estimer que ces sanctuaires ont accueilli des cultes privés, célébrés à l’échelle d’une association ou d’un quartier – voire d’un établissement d’accueil des voyageurs –, à l’instar de ce qui a été proposé pour un autre petit édifice de culte, installé dans une cour dès la fondation d’un îlot de la ville antique de Vienne (Isère), place Camille-Jouffray (Golosetti, 2016, p. 309-311). Le profil des dévots qui les fréquentent et des individus qui assurent leur gestion et leur entretien ne peut toutefois être restitué avec certitude. À Chartres, l’espace destiné aux cultes est réservé dès l’urbanisation du quartier, ce qui plaide en faveur d’un lieu de culte destiné à ses résidents ; quoi qu’il en soit, le temple est reconstruit à de multiples reprises, jusqu’à la restructuration de l’îlot au début de l’Antiquité tardive : il était manifestement important de conserver, sous une forme qui est toujours restée modeste, cet édifice dans le paysage urbain. À Vieux, l’aménagement d’une aire sacrée semble postérieur à la construction du quartier qui l’accueille, mais on ne peut écarter totalement l’hypothèse d’un modeste sanctuaire plus ancien, dépourvu de temple ; l’édification tardive de ce dernier marque probablement la volonté de doter l’établissement, dont la nature exacte pose question, d’un lieu de culte adapté aux besoins religieux des habitants d’Aregenua qui le fréquentent. Quant au modeste temple de Jublains, sa position en bordure d’un grand sanctuaire ne semble pas fortuite, mais les indices rassemblés ne suffisent pas à comprendre véritablement son rôle au sein du quartier, au-delà des hypothèses formulées plus haut.
3.1.2.4. Aux marges de la ville : les espaces cultuels périurbains
66L’identification de sanctuaires notamment publics en périphérie des chefs-lieux des cités des Gaules et des Germanies romaines, et en particulier en Lyonnaise, n’est pas un fait nouveau : ce thème a déjà été abondamment traité, pour ne citer que les travaux les plus récents, par W. Van Andringa (2017a, p. 66-79) et L. Péchoux (2010 ; 2012 ; 2016). Il convient ici de déterminer les spécificités propres aux monuments inscrits en lisière des capitales des civitates du centre et de l’ouest de la Lyonnaise, en actualisant ce dossier à l’aune des dernières découvertes et en ne retenant que les sanctuaires dont l’identification est assurée. Seuls les environs proches des chefs-lieux de cité sont pris en compte : il s’agit des sanctuaires installés en bordure immédiate du maillage urbain et d’autres implantés en retrait, mais à moins de 1,5 km de ce dernier, soit à environ un quart d’heure à pied.
67L’analyse des sanctuaires établis dans ces contextes permet de distinguer trois groupes d’établissements : une série de lieux de cultes périurbains de grande ampleur, parfois intégrés à des ensembles monumentaux et situés à une distance plus ou moins importante des limites du chef-lieu ; d’autres lieux de culte peut-être publics, peu monumentaux et à l’écart des villes ; enfin, les mithraea, fondés plus tardivement, qui répondent à d’autres logiques d’implantation et que l’on retrouve essentiellement en marge des agglomérations.
Des sanctuaires monumentaux aux portes ou en retrait des chefs-lieux
- 59 Pour les Trois Gaules, W. Van Andringa (2017a, p. 78 et p. 88, note 106) désigne par ce terme de « (...)
68La plupart des lieux de culte identifiés dans la périphérie proche ou plus lointaine des villes – et que l’on peut donc qualifier de périurbains, voire de suburbains59 pour ceux qui sont installés au plus près de leur périmètre – se caractérisent par des dimensions et une monumentalité remarquables, qui trahissent sans nul doute, malgré l’absence de tout document épigraphique significatif, un statut public (fig. 191 et 192). Pour autant, la diversité est de mise en ce qui concerne l’articulation entre l’aire sacrée et le chef-lieu, mais aussi les formes architecturales qui y sont déployées, les pratiques observées ou encore les rythmes de fondation et d’évolution ; les titulaires des temples restent, encore une fois, globalement inconnus.
Figure 191 : Plan de sanctuaires monumentaux installés en périphérie de chefs-lieux de cités.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 192 : Plan de sanctuaires monumentaux installés en périphérie de chefs-lieux de cités (suite).

Réal. S. Bossard, d’après Bazin et al., 2019, p. 17, fig. 1 ; Parruzot et Laubie, 1961 ; Nouvel, 2013b, p. 33-35.
69Le sanctuaire suburbain de Jublains (S.32, ph. 3-4) présente une relation étroite avec l’espace urbain auquel il est associé (Naveau et al., 1997 ; Naveau, 2006 ; Caraire, 2020). En effet, l’emplacement de cet équipement public, situé en bordure nord-ouest de la ville, a certainement dicté celui de ses autres monuments – dont le probable forum et le lieu de culte qui lui est associé (cf. supra, 3.1.2.1), ainsi qu’un établissement thermal et le théâtre. De fait, ils sont alignés sur un même axe, encadré par deux rues qui structurent l’espace urbain en le traversant du nord-ouest au sud-est (cf. supra, fig. 176). Vraisemblablement mises en place lors de la seconde moitié du ier s. de n. è., à l’instar de la trame urbaine, les composantes de la parure monumentale ont ainsi été implantées en fonction du grand sanctuaire, d’origine plus ancienne (cf. infra), mais dont l’orientation diffère toutefois de quelques degrés par rapport à celui du réseau des rues.
70L’aire sacrée, de plan carré et accueillant le temple périptère (A) d’une divinité indéterminée, est ceinturée par un quadriportique, doublé d’une galerie supplémentaire à l’est, qui solennise sa façade principale tout en marquant l’aboutissement de l’une des rues principales de l’agglomération. Au porche qui surmonte l’entrée orientale répond un autre accès monumentalisé, à l’ouest, qui débouche sur la voie en provenance d’Avranches, dans le prolongement d’une autre rue de la ville. Le sanctuaire enclos n’est pas directement juxtaposé aux quartiers septentrionaux de la ville : entre la façade méridionale de son péribole et la rue définissant la limite nord-ouest de la trame urbaine, existe un espace faiblement bâti, d’une surface proche de 2 500 m², correspondant probablement à la « place publique » que H. Barbe (1879, p. 525) avait sommairement décrite. À l’est, une série d’édifices, relevant peut-être de dépendances du sanctuaire, mais dont on ne connaît pas précisément la fonction, ferme cette aire en longeant la rue qui aboutit à sa porte principale. Par ailleurs, les investigations géophysiques ont confirmé l’existence d’un autre bâtiment, installé dans l’angle sud-ouest de cette probable place, qui s’apparente, en plan, à un second temple (B), à moins d’y voir un monument funéraire dressé à la limite de la zone urbaine. Selon H. Barbe, des urnes funéraires auraient en effet été mises au jour aux abords méridionaux et occidentaux du sanctuaire, témoignant de l’existence d’une vraisemblable nécropole dans ses environs. Toutefois, l’hypothèse religieuse semble prévaloir pour la construction B, en raison de sa proximité avec l’enceinte cultuelle monumentale et, surtout, puisque le même archéologue relate avoir découvert, près de cette dernière et « au carrefour de la place et d’une rue dont le pavage était encore visible [celle longeant la place à l’ouest ou au sud ?], un appartement de quatre mètres en carré, rattaché à d’autres constructions » (Barbe, 1879, p. 525), qui a livré un riche matériel, interprété depuis peu comme des offrandes (cf. supra, 2.1.2.1).
71Ainsi, les activités religieuses, en périphérie septentrionale de Noviodunum, ne se cantonnent pas à l’enceinte monumentale qui y a été reconnue de longue date, mais peuvent aussi s’étendre à d’autres constructions, bâties entre celle-ci et l’espace urbain. Un troisième accès à l’aire portiquée existe d’ailleurs en façade méridionale du péribole : il s’agit d’une simple baie, précédée de quelques marches destinées à compenser la différence de niveau entre le sanctuaire, dont le sol est surélevé, et la zone qui le borde au sud. Les liens existant entre le lieu de culte et cet espace intermédiaire, bordant directement la ville, sont encore peu documentés, faute d’une fouille récente.
72L’articulation entre les sanctuaires suburbains des autres chefs-lieux et les quartiers périphériques de ces derniers sont moins bien connus qu’à Jublains. À Sens (S.226), le sanctuaire monumental de la Motte du Ciar, dont l’emprise (près de 11 ha) est démesurée en regard des autres exemples étudiés, semble avoir été établi à l’écart de la ville, dans la plaine alluviale de l’Yonne. Il est effectivement localisé au sud de l’un de ses affluents, la Vanne, qui devait marquer une séparation assez nette entre les deux entités – mais dont le cours a sans doute évolué depuis l’Antiquité (fig. 193). En tout état de cause, l’enceinte à vocation religieuse est située à environ 500 m des quartiers méridionaux d’Agedincum, desservis par les rues du quadrillage régulier ; entre les deux espaces, à près de 300 m du sanctuaire, les quelques découvertes archéologiques effectuées dans le quartier Saint-Paul témoignent de la présence d’un espace servant peut-être de décharge, car ponctué de fosses dépotoirs, mais aussi de l’existence d’une probable résidence périurbaine, comme en témoigne la mise au jour d’une mosaïque (Delor dir., 2002, p. 698).
Figure 193 : La ville de Sens/Agedincum (Yonne) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2015, p. 237, fig. 4, sur fond IGN.
73Le monument de la Motte du Ciar, dont l’exploration est ancienne, est assez peu connu ; le plan global dressé au xixe s. a néanmoins pu être confirmé, depuis, par quelques sondages et surtout grâce à de récents travaux de photo-interprétation (Lallier, 1848 ; Hure, 1941 ; Debatty, 2006 ; Nouvel, 2013b, p. 33-34 et 2015, p. 242-243). Le péribole circonscrit une très vaste cour de plan rectangulaire, prolongée à l’ouest par un grand hémicycle dans lequel s’inscrit le temple monumental ; malgré la disparition totale des vestiges de ce dernier, la découverte de blocs sculptés témoigne d’une ornementation soignée, digne d’un édifice dont l’emprise restituée (plus de 3 000 m²) est d’ailleurs exceptionnelle (cf. supra, 1.1.2.1).
74L’orientation du péribole diffère de celle de la trame urbaine d’Agedincum, pour des raisons que l’on pourrait lier à la prise en compte d’aménagements antérieurs, aux contraintes inhérentes à la proximité d’une zone humide, à l’ampleur de l’enceinte, à la recherche d’un arrière-plan monumental, formé par la colline de Saint-Bond qui se dresse sur l’autre rive de l’Yonne, ou encore à des impératifs religieux. Quoi qu’il en soit, il n’est pas isolé, puisque les substructions d’au moins un autre bâtiment ont été repérées, au cours de sondages et surtout à partir d’images aériennes, à une vingtaine de mètres environ au nord, près de son angle nord-ouest (Martin, 1962, p. 475 ; Martin, 1964, p. 335). Long au minimum de 38 m, cet édifice est constitué d’au moins deux ailes qui bordent une cour, d’une galerie et d’une série de cellules disposées en enfilade ; y ont été mis au jour un fragment de colonne en calcaire, une monnaie de Faustine mère et quelques tessons du ier s. et du iie s. de n. è. À titre d’hypothèse, il pourrait avoir abrité des logements, des espaces de stockage ou des boutiques qui s’inscriraient dans le cadre des activités religieuses pratiquées au sein du complexe monumental de la Motte du Ciar, dont il est vraisemblablement contemporain. Dans l’angle sud-ouest du sanctuaire, d’autres constructions semblent s’appuyer contre le portique de la cour rectangulaire et de l’hémicycle ; leur plan, à peine perceptible sur les images aériennes, demeure néanmoins incomplet en l’état des connaissances. D’une manière générale, les environs proches du complexe monumental, qui était probablement entouré d’autres aménagements liés à son fonctionnement, restent cependant peu connus ; on ne peut ainsi déterminer la distance réelle entre les composantes de cet ensemble et l’espace urbain à proprement parler.
75Des interrogations similaires peuvent être formulées au sujet de l’ensemble monumental de Saint-Martin-en-Val, localisé en bordure méridionale de la ville de Chartres/Autricum (S.101), selon une configuration qui rappelle celle du complexe de la Motte du Ciar (cf. supra, fig. 188). En effet, une enceinte de plan rectangulaire et de très grande envergure (près de 6 ha), ourlée de portiques, correspond vraisemblablement à l’écrin monumental d’un sanctuaire ; son temple principal, qui serait situé au fond de la cour ou plutôt adossé à l’ouest du portique occidental, n’a pas été découvert. Depuis 2006, des opérations de fouille préventive et programmée sont régulièrement menées dans l’angle nord-est du site, tandis que plusieurs sondages complémentaires permettent de compléter le plan du complexe et de restituer une partie de son environnement (Bazin dir., 2013 ; Bazin et al., 2014). L’implantation de cet ouvrage, en limite de la basse terrasse alluviale de l’Eure et à l’extérieur du carroyage dessiné par les rues, répond probablement aux mêmes contraintes qu’à Sens, où l’installation d’un tel monument au sein même de la ville n’était pas envisageable et nécessitait un terrain suffisamment vaste et peu accidenté ; la pente a été d’ailleurs mise à profit pour étager les différents espaces sur plusieurs terrasses. La grande esplanade entourée d’un quadriportique est longée, à l’est, par une voie reliant vraisemblablement le caput civitatis à la ville d’Orléans. Au-delà de celle-ci s’étendent d’autres constructions, relevant manifestement d’un même complexe public : les dernières campagnes de fouille, dont les résultats sont encore inédits, témoignent de l’existence d’une imposante galerie, large d’une dizaine de mètres et probablement longue de plus de 100 m, reliant plusieurs constructions, dont un vraisemblable temple monumental (I). En contrebas, à l’est, une cour dallée et enclose par une enceinte maçonnée (J), dont la partie méridionale n’a pas encore été étudiée, est agrémentée d’au moins un bassin plaqué de marbre (Bazin et al., 2019, p. 127-144).
76Les découvertes réalisées au nord et au nord-ouest du complexe, du côté de la ville, permettent quant à elles de restituer un paysage de frange urbaine, où coexistent maisons, activités artisanales et espaces funéraires. De fait, à quelques dizaines de mètres au nord et au nord-ouest du vaste quadriportique, ont été dégagés les vestiges d’habitations antérieures ou contemporaines de la construction de ce dernier. Par ailleurs, des carrières de craie et des ateliers artisanaux – liés à des activités de poterie, de métallurgie, de taille de pierre et de préparation de la chaux – ont investi l’espace à l’ouest du quadriportique, au cours de la seconde moitié du ier s. et de la première moitié du iie s. de n. è. Ils ont vraisemblablement fonctionné, du moins pour la taille du calcaire et sa transformation en chaux, dans le cadre des travaux de construction du complexe monumental. À partir de la seconde moitié du iie s., ce secteur sert désormais d’espace funéraire pour les nourrissons (Bazin dir., 2013, p. 94).
77Les monuments suburbains de la rue Jeanne d’Arc à Troyes/Augustobona (S.235) et de la rue de la Justice à Évreux/Mediolanum (S.56) n’ont été que partiellement fouillés, au cours d’opérations préventives récentes et, si l’hypothèse de sanctuaires est tout à fait probable, elle ne peut être pleinement confirmée. L’environnement immédiat de ces sites, localisés dans des espaces aujourd’hui densément bâtis, demeure par ailleurs peu connu, de même que le tissu des villes voisines. Dans le premier cas, l’édifice, s’apparentant à un sanctuaire pourvu d’une cour portiquée et d’un temple sur podium, prend manifestement place en bordure sud-ouest du chef-lieu. Établi entre deux voies en direction d’Auxerre et de Sens, il occupe les flancs méridionaux d’une colline, au nord de laquelle existe une nécropole (fig. 194). On ne sait s’il bordait directement ou non les quartiers occidentaux de l’espace urbain (Driard, 2014, p. 25).
Figure 194 : La ville de Troyes/Augustobona (Aube) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Driard, 2014, p. 26, fig. 15 et Kasprzyk et al., 2015, p. 255, fig. 8, sur fond IGN.
78À Évreux, un édifice sans aucun doute public, dont seule la limite orientale a pu être étudiée, a été identifié à 200 m à l’est du théâtre de la ville (fig. 195), au nord d’une voie quittant cette dernière en direction du sud-est – vers le Vieil-Évreux ? Entre les deux monuments, aucune découverte archéologique ne permet de déterminer si celui de la rue de la Justice est en retrait de l’espace urbain ou s’il est situé dans le prolongement immédiat de ses quartiers orientaux. Il s’agit d’un monument composé d’une cour d’au moins 80 m de côté qui est bordée, au moins à l’est, par un portique pourvu d’exèdres, à l’instar des sanctuaires de la Forêterie à Allonnes (S.9) ou du Haut-Bécherel à Corseul (S.134). L’interprétation d’une autre enceinte maçonnée, localisée à quelques mètres au sud-est de la première et reliée à celle-ci par un court mur, pose également problème. De plan carré (47 m de côté), elle abrite trois constructions, regroupées dans sa partie centrale, dont il ne reste que les platées de fondation, trop petites pour avoir supporté un ou plusieurs temples – la plus grande mesure effectivement plus de 6 × 4,20 m. Leur élévation, intégralement récupérée, ne peut être restituée et on ne sait donc s’il s’agit de socles de statues, d’autels ou encore de colonnes (Guillot et Millard dir., 1995). Si le plan de cet ouvrage évoque celui du monument du Château à Angers (S.3 ; cf. supra, 3.1.2.1), ses dimensions plus réduites et sa position, à l’extérieur de la ville et le long d’une route, pourraient aussi convenir à un enclos funéraire, équipé de trois petits monuments, voire à une enceinte accueillant une colonne surmontée d’une statue de Jupiter à l’anguipède, dont plusieurs exemples sont connus dans les Trois Gaules (Le Martret, 2013). Que l’enclos d’Évreux intègre ou non un complexe public, l’hypothèse d’un sanctuaire périurbain, pour l’enceinte principale, reste tout à fait plausible, mais l’interprétation des vestiges se heurte à la rareté des données relatives à cette dernière.
Figure 195 : La ville d’Évreux/Mediolanum Aulercorum (Eure) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Wech, 2013, p. 160, fig. 5 et Hartz, 2015a, vol. 1, p. 246, fig. 108, sur fond IGN.
79Les deux derniers lieux de culte monumentaux reconnus en périphérie d’un chef-lieu de cité, à Corseul et à Meaux, ont été assurément installés à l’écart de la ville, qui en est distante de plusieurs centaines de mètres, voire d’un peu plus d’un kilomètre pour le monument du Haut-Bécherel, dans le premier cas (S.134). Ce dernier, qui a fait l’objet de fouilles programmées récentes et constitue l’un des lieux de culte périurbains les mieux documentés, est localisé au sud-est de la ville et prend place à une centaine de mètres au sud d’une voie antique quittant cette dernière en direction de Rennes, de Jublains et d’Avranches, dont le passage a probablement été un facteur déterminant au moment de sa fondation (Provost et al., 2010). Installé sur le versant nord-est d’une colline, il pouvait être visible – du moins pour sa cella, conservée sur plus de 10 m de haut (cf. supra, fig. 51) – depuis les quartiers orientaux de la ville, ainsi que depuis la voie qui le borde, jusqu’à 2 km en direction de l’est. Il se compose d’une cour fermée, de plan carré et encadrée par une porticus triplex, et d’un temple à galerie en π, prenant appui contre la galerie occidentale. Il est possible que ce monument enclos relève d’un ensemble plus important, bien que ses abords n’aient été encore que peu étudiés. Néanmoins, à 400 m à l’est-sud-est, autour de la source de Saint-Uriac et dans l’axe du monument, des blocs de grand appareil en réemploi, ainsi que des débris de construction et des tessons de céramique jonchant les parcelles aux alentours d’un hameau récent, semblent indiquer l’existence d’un autre site d’époque romaine, qui pourrait toutefois n’avoir aucun rapport avec le sanctuaire. Par ailleurs, l’identification d’un théâtre, proposée par A. Provost et Y. Maligorne (in Provost et al., 2010, p. 133) à 650 m à l’ouest-nord-ouest du monument, en raison d’anomalies parcellaires curvilignes, nous paraît audacieuse. En l’état des connaissances, on ne peut donc affirmer que le lieu de culte était bien isolé à proximité de la voie.
80En revanche, il ne fait pas de doute que le grand sanctuaire de la Bauve, à Meaux (S.158), s’inscrivait dans un ensemble monumental établi en périphérie orientale du chef-lieu (fig. 196 et 197). Au plus tard au début du iie s. de n. è., une terrasse a effectivement été aménagée à près de 900 m à l’est de la zone urbaine, sur le flanc méridional d’une colline qui domine Meaux, pour asseoir une vaste cour enserrée par des portiques ; sur cette dernière se dressent deux imposants temples géminés, que l’on pouvait probablement contempler depuis Iatinum (Magnan dir., 1988 ; collectif, 1998 ; Magnan, 2000 et 2006). Par ailleurs, les diagnostics archéologiques conduits depuis vingt ans aux abords du lieu de culte ont révélé la présence d’un théâtre d’environ 90 m de diamètre, érigé à 150 m à l’est, à une date qui n’a pu être déterminée avec précision ; plusieurs bâtiments, fondés dès le milieu du ier s. de n. è. à une centaine de mètres au nord-est de l’édifice de spectacle, ont aussi été repérés (Magnan, 2012, p. 206-229 ; Damour dir., 2014). Certains de ces édifices, sis dans une zone délimitée au nord par un réseau de fossés, ont été occupés jusqu’au début du iie s., au plus tôt, tandis qu’un seul d’entre eux est encore fréquenté, de manière assurée, jusqu’à la fin du iie s. ou le début du iiie s. Il n’est donc pas certain que l’ensemble de ces bâtiments soit bien resté en fonction après l’achèvement de l’édification du sanctuaire monumental. Leur plan n’a pu être dressé que de manière lacunaire et leur fonction demeure donc indéterminée : s’agit-il des vestiges d’une véritable agglomération secondaire ou de bâtiments liés à une occupation plus épisodique des lieux, en relation avec les activités religieuses ou le chantier de construction des monuments ?
Figure 196 : La ville de Meaux/Iatinum (Seine-et-Marne) et sa périphérie durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après Magnan, 2006, p. 179, fig. 2, sur fond IGN.
Figure 197 : Vestiges du site de la Bauve à Meaux (Seine-et-Marne) durant l’époque romaine, de la seconde moitié du ier s. av. n. è. à la fin du ier s. ou au début du iie s. de n. è. (a) et de la fin du ier s. ou du début du iie s. à la fin du ive s. (b).

Réal. S. Bossard, d’après Couturier (dir.), 2005, p. 7, fig. 2 ; Magnan, 2006, p. 182, fig. 6 ; 2012, p. 124, fig. 73 et Damour (dir.), 2014, p. 171, fig. 107.
81L’examen de ces sept lieux de culte périurbains et monumentaux révèle donc des modalités d’implantation variées : si la plupart d’entre eux est positionnée en bordure du maillage urbain ou, tout à au plus, à quelques centaines de mètres de la limite supposée de la ville, ceux de Corseul et de Meaux ont été édifiés à une distance plus importante, de l’ordre du kilomètre, mais pouvaient être visibles depuis les chefs-lieux voisins. Si une position dominante plus ou moins marquée, par rapport à l’agglomération, a pu avoir été volontairement choisie à Meaux, à Troyes ou encore à Évreux, ce n’est pas le cas à Sens, à Chartres ou à Jublains, puisque le monument est ici au même niveau, voire en contrebas du centre urbain. Il faut sans doute envisager, à tout le moins pour les immenses esplanades portiquées de Chartres et de Sens, que la volonté de bâtir un monument de grande ampleur impliquait de multiples contraintes, qui ne laissaient guère de choix pour leur emplacement, a fortiori lorsque leur fondation est postérieure à la mise en place du schéma urbain et au lotissement des insulae.
82D’autres facteurs, outre la proximité de la ville et la topographie locale, doivent aussi être pris en compte pour tenter d’expliquer les raisons qui ont dicté leur lieu d’implantation. Il s’agit notamment de la présence d’un site antérieur, auquel aurait succédé le sanctuaire monumental. Les fouilles conduites à Corseul ont néanmoins montré que la fondation a manifestement eu lieu ex nihilo, vers le début du iie s. de n. è. (Provost et al., 2010, p. 175-179), bien qu’il demeure possible que le monument ait été construit en périphérie d’une occupation plus ancienne, en dehors de la zone étudiée. De même, à Évreux, aucune construction antérieure à la création du monument à portique, vraisemblablement postérieure au début du iie s., n’a pu être mise en évidence, mais son exploration est très incomplète (Guillot et Millard dir., 1995). Les explorations archéologiques entreprises à Sens dans le courant du xixe s. et du xxe s. ont délaissé la question des origines du sanctuaire, qui ne sont donc pas documentées. Toutefois, il est admis que le vaste monument a été installé à l’emplacement ou en bordure immédiate d’une ancienne agglomération laténienne. En l’état des connaissances, aucun argument sérieux ne permet cependant d’affirmer que le site est resté occupé de manière continue entre la fin du second âge du Fer et l’édification du monument, à une date qui demeure incertaine, ou qu’un sanctuaire plus ancien, dont les racines seraient gauloises, l’ait précédé (Nouvel, 2015, p. 234). Par ailleurs, à Chartres, les opérations archéologiques réalisées dans l’angle nord-est du complexe monumental n’ont pas révélé l’existence de vestiges antérieurs au ier s. de n. è. ; la galerie monumentale a vraisemblablement été bâtie dès le courant de ce siècle, avant d’être reconstruite, au même moment que la vaste esplanade à quadriportique, au plus tôt dans les années 70 (Bazin et al., 2019, p. 128-129). En revanche, à Troyes, le terrain n’est pas vierge d’aménagement au moment de la construction du monument, peut-être dès le courant ou à la fin du ier s. de n. è. : les plus anciennes structures identifiées, mal conservées en raison d’un décaissement opéré lors de son édification, sont des fosses, dont de probables caves, qui ont livré un lot de céramiques attribué aux années 20 av. n. è. à 30 de n. è. Ces vestiges évoquent les traces d’un probable espace résidentiel antérieur à la construction du sanctuaire, mais trois blocs de grand appareil, en situation de réemploi en bordure de l’une des fosses, indiquent certainement la proximité d’une construction monumentale, peut-être déjà démantelée (Driard, 2014, p. 28-29).
83Ainsi, la majorité des sanctuaires monumentaux de périphérie urbaine ont été manifestement fondés à l’époque romaine, dès la création de la ville associée ou, souvent, plus tardivement, dans le courant du ier s. ou du iie s. de n. è., comme l’a aussi noté L. Péchoux (2010, p. 44-53 et p. 116-118) à l’échelle des Gaules. Il faut toutefois faire preuve de prudence, puisque dans certains cas, les niveaux les plus anciens n’ont pas été atteints. Du reste, seuls deux sites présentent des antécédents laténiens avérés, correspondant à d’anciens lieux de rituels, à l’instar d’autres sanctuaires implantés dans les agglomérations ou en campagne (cf. infra, 4.1.3). À Jublains, les niveaux les plus anciens n’ont été que peu étudiés ; une palissade pourrait avoir circonscrit un état plus ancien du sanctuaire, à la fin de La Tène (S.32, ph. 1) ou durant les premières décennies du Haut-Empire (ph. 2 ; cf. supra, 1.1.1.1), mais c’est surtout la découverte de céramiques gauloises et d’armement laténien mutilé qui confirme la destination religieuse du site au cours du second âge du Fer, dès le ive s. ou le iiie s. av. n. è. et probablement jusqu’au terme de La Tène finale (Lejars, 1997). Malgré la présence de quelques objets datés des premières décennies du Haut-Empire, on ne peut certifier que le lieu de culte perdure, sous une nouvelle forme, entre la fin de l’âge du Fer et la construction du monument à quadriportique, entamée au plus tôt dans les années 60 de n. è., faute de structures clairement rattachés à cet intervalle (Naveau et al., 1997, p. 196). Encore une fois, l’argument a silentio doit être manié avec précaution ; l’enclos palissadé, dont la datation est imprécise et qui se développe en grande partie au nord de la zone fouillée, a effectivement pu avoir délimité l’aire sacrée durant une partie de l’époque julio-claudienne.
84Au contraire, à Meaux, les objets attribués à la fin du ive s. ou au début du iiie s. av. n. è. (céramiques, restes fauniques et pièces de fourniment militaire), mis au jour au sein d’épandages ou de remblais datés du début de l’époque romaine, constituent les seuls artefacts indubitablement introduits sur le site avant la guerre des Gaules (S.158, ph. 1) et, si une nouvelle occupation investit les lieux durant la seconde moitié du ier s. av. n. è., le site semble bien avoir été abandonné durant plus de deux siècles (Magnan, 2000 et 2006 ; Marion et al., 2019 ; cf. infra, 4.1.3). Quant à la phase directement antérieure à l’édification du lieu de culte monumental (ph. 2, de la seconde moitié du ier s. av. n. è. à la fin du ier s. ou au début du iie s. de n. è.), elle est marquée par l’aménagement de multiples bâtiments, sans doute rattachés à plusieurs états, découverts en périphérie orientale de la future esplanade portiquée et au nord-est du théâtre, à plus de 300 m de distance (fig. 197, a ; collectif, 1998 ; Magnan, 2000 ; Damour dir., 2014). Ces constructions, dont la fonction n’a pu être déterminée – s’agit-il de simples habitations ? –, dépendent d’un ou de plusieurs ensembles circonscrits par des fossés ou des palissades ; elles étaient probablement associées à un premier lieu de culte antique, si l’on se fie à la nature et à l’abondance du mobilier daté de cette période, provenant de niveaux de remblais : une centaine de monnaies, 41 fibules, des tessons de céramique ou encore des restes fauniques. Les vestiges immobiliers de ce sanctuaire julio-claudien et du ou des probables temples qui y ont été construits n’ont toutefois pas été mis au jour dans l’aire fouillée. Le site de la Bauve, qui s’est développé en parallèle de la ville de Iatinum, voisine de 1 km, se caractérise donc par une histoire longue et complexe ; fréquenté par des populations gauloises dans le cadre de rites variés au tournant des ive s. et iiie s. av. n. è., il est occupé dès les décennies qui ont suivi la conquête césarienne par un site dont la nature – agglomération ou autre ? – est incertaine, malgré la présence probable d’un lieu de culte, avant que ne s’y soit installé, vers la fin du ier s. ou le début du iie s. de n. è., un ensemble monumental s’articulant autour d’un grand sanctuaire et d’un théâtre, peut-être associés à d’autres constructions.
85Que ces sanctuaires succèdent ou non à un site plus ancien, la proximité d’une ou de plusieurs voies majeures, facilitant leur accès depuis le chef-lieu, mais aussi depuis une partie du territoire que celui-ci administre, paraît aussi avoir été un facteur déterminant au moment de leur fondation. L’exemple de Corseul en fournit une belle illustration : la création tardive du monument a eu lieu à quelques dizaines de mètres de l’une des routes principales qui dessert la partie nord-est du territoire de la cité, tout en permettant de joindre rapidement la capitale. Le sanctuaire de la Bauve, près de Meaux, est quant à lui installé en retrait – soit à 400 m à l’est – d’une route reliant le chef-lieu aux villes de Soissons et de Reims (Magnan, 2006, p. 179, fig. 2) ; la proximité entre un ou deux axes de communication et les lieux de culte suburbains de Jublains, de Troyes, d’Évreux et de Chartres a déjà été évoquée. En revanche, celui de Sens ne semble pas avoir été bordé par l’un des itinéraires principaux de la cité, mais par un chemin secondaire, franchissant l’Yonne à quelques centaines de mètres plus au sud (Nouvel, 2015, p. 23).
86Les travaux engagés pour la construction de ces monuments témoignent, dans tous les cas, d’une décision sans doute prise par les autorités des cités : des opérations d’envergure ont été menées pour créer des terrasses artificielles aux abords des chefs-lieux, en décaissant ou en remblayant le terrain sur plusieurs milliers de mètres carrés, pour créer de grandes plateformes maintenues par le cadre que forment les murs de péribole. De surcroît, les aires sacrées comptent parmi les plus vastes au sein des cités étudiées : généralement supérieures à un demi-hectare, elles atteignent les valeurs exceptionnelles de près de 6 ha à Chartres et d’environ 11 ha à Sens. Les capacités d’accueil des cours sacrées autorisent le rassemblement de milliers, voire de dizaines de milliers de visiteurs (cf. supra, 1.1.5.4), au cours de cérémonies qui devaient certainement être destinées à l’ensemble des membres de la cité (cf. infra, 5.3.2.2). Les dimensions des temples, correspondant exclusivement à des édifices installés sur un podium haut de plusieurs mètres, lorsque sa hauteur a pu être restituée, sont également remarquables, puisqu’elles dépassent souvent 500 m² ; le temple de Sens, à l’avenant de l’enceinte qui clôt la cour sacrée et le met en valeur, est de loin le plus grand des cités de l’ouest et du centre de la Lyonnaise, avec une emprise évaluée à 3 350 m². Quant aux équipements – notamment les quadriportiques, invariablement déployés autour de la cour sacrée – et aux matériaux et décors peints, sculptés et plaqués mis en œuvre lors de l’aménagement de ces sanctuaires monumentaux, ils contribuent de façon ostentatoire à leur faste et à la dignitas des chefs-lieux associés, ainsi que l’a souligné L. Péchoux (2010, p. 104-108 ; 2012). En outre, au regard de l’architecture des bâtiments de culte, souvent originale (cf. supra, 1.1.2.1, type C2, le plus souvent représenté), il est tout à fait envisageable que les représentants des cités aient participé à l’élaboration des formes choisies, « chaque cité – dans un contexte d’émulation et d’affirmation de son identité civique – [voulant] se distinguer de sa voisine » (Péchoux, 2010, p. 141).
- 60 Le dédoublement des théâtres du chef-lieu de la cité, dont l’un est étroitement associé à un sanctu (...)
87Les exemples les mieux documentés témoignent de l’association étroite de ces constructions monumentales avec d’autres édifices de culte – à Jublains, à Chartres et peut-être à Évreux, si l’on admet que l’enclos carré abrite un ou plusieurs autels –, formant parfois de véritables quartiers religieux en périphérie des villes. Par ailleurs, la présence d’un bâtiment peut-être lié à des fonctions d’accueil ou commerciales, en bordure septentrionale de l’enceinte de la Motte du Ciar, semble indiquer que ces complexes monumentaux, dont les abords sont encore peu connus, rassemblent diverses activités, probablement liées aux cérémonies religieuses organisées – chaque année, ou plus fréquemment ? – au sein de l’enceinte principale. L’édification d’un théâtre, aux abords orientaux du sanctuaire de la Bauve, à Meaux, rappelle d’autres configurations observées en contexte d’agglomération secondaire avérée ou supposée et doit certainement être mise en relation avec la tenue de spectacles à caractère religieux et de processions entre les deux monuments (cf. infra, 3.1.3.1), d’autant plus que la ville de Iatinum, cernée par un méandre de la Marne, est pourvue de deux autres édifices de spectacle, dont un théâtre, probablement contemporain à celui de la Bauve60 (Magnan, 2012). Il est d’ailleurs tout à fait probable que le sanctuaire et l’agglomération de Iatinum étaient visibles depuis les gradins de l’édifice de spectacle et qu’ils se développaient ainsi à l’arrière-plan de la scène, du moins si le mur qui la fermait était de faible hauteur. Si la définition d’un parcours liturgique entre le sanctuaire et le théâtre semble ici évidente, elle est également suggérée, à Jublains, par la position respective de ces deux monuments, aux extrémités nord-ouest et sud-est du chef-lieu, et par les deux rues qui permettent de les joindre en traversant les quartiers urbains, tout en marquant une éventuelle étape au forum, espace également privilégié pour les processions lors des fêtes religieuses (Van Andringa, 2009, p. 185-186 ; 2017a, p. 77). Le théâtre et le possible sanctuaire suburbain d’Évreux ont été implantés à 200 m de distance, mais on ignore tout des itinéraires qui permettaient de se rendre de l’un à l’autre ; quant aux chefs-lieux de Corseul, de Chartres, de Sens et de Troyes, leur théâtre n’a pas été identifié.
88La rareté des inscriptions et des images divines suffisamment complètes pour être interprétées prive de nouveau la réflexion d’éléments cruciaux pour identifier les titulaires de ces grands sanctuaires périurbains. Le recensement des quelques temples identifiés montre que les sanctuaires, dotés d’un (à Corseul, Jublains Sens et Troyes ?) ou de deux bâtiments de culte monumentaux (à Meaux) – et dont l’organisation est donc de type II-1c ou III-1b (cf. supra, 1.2) –, accueillaient généralement le culte d’une divinité majeure, et probablement d’un couple divin à Meaux. D’autres espaces secondaires, telles les exèdres ouvrant sur la porticus triplex du Haut-Bécherel ou le temple I de Chartres, situé à l’extérieur de l’enceinte, ont aussi pu accueillir le culte de divinités invitées, ou bien des hommages rendus au pouvoir impérial ou à certains notables (Provost et al., 2010, p. 205). À Jublains, la découverte d’une grande statue, haute de plus de 2 m et représentant une vraisemblable déesse siégeant sur un fauteuil, ne suffit pas pour y reconnaître la propriétaire du temple monumental, puisqu’il pourrait aussi s’agir d’une offrande représentant une autre divinité (Naveau et al., 1997, p. 187-189). De même, il est impossible de déterminer si le toponyme Fanomartis, que l’on peut lire sur la Table de Peutinger à l’emplacement supposé de Corseul, fait bien référence au monument périurbain du Haut-Bécherel, qu’il faudrait alors identifier à un sanctuaire consacré à Mars (Provost et al., 2010, p. 206-207). Des fragments de plaques gravées, issus du site de la Motte du Ciar, à Sens, pourraient évoquer à deux reprises le dieu Vulcain, mais les lacunes sont trop importantes pour le certifier ; quant aux blocs d’une base monumentale, érigée en l’honneur de Mars, Vulcain et Vesta, que l’on a découverts dans les fondations de l’enceinte tardive de la ville, ils pourraient tout aussi bien avoir été acheminés depuis le site suburbain, comme l’a proposé B. Debatty, que depuis le forum d’Agedincum, plus proche du lieu de leur exhumation (CIL XIII, 2940 ; Debatty, 2006, p. 166-167 et p. 171-172).
89En définitive, seules les récentes opérations de fouille programmée entreprises à Chartres renseignent avec certitude l’une des divinités honorées au sein d’un sanctuaire de périphérie urbaine, bien que les fragments de blocs inscrits et de statuaire recueillis proviennent des abords du vraisemblable temple I, situé à l’est du complexe, et non de l’enceinte principale (E. Rosso et N. Laubry, in Bazin et al., 2015, p. 138-143 ; Bazin et al., 2017, p. 103-107). De fait, deux dédicaces au dieu Vatumogons ou à Apollon Vatumogons – associé sur l’une à Augustus –, incisées sur une plaque et sur un socle de statue, ainsi qu’un buste fragmentaire en calcaire, représentant peut-être Diane ou une figure mythologique équipée d’un carquois, ont été mis au jour dans les niveaux de démolition associés à l’édifice, qui était peut-être consacré au dieu susnommé. D’une manière générale, en Lyonnaise comme dans les provinces gauloises voisines (Van Andringa, 2017a, p. 81-82 ; cf. infra, 5.3.2.2), il est probable que les lieux de culte périurbains monumentaux abritaient les grands dieux locaux des cités, peut-être à l’exemple d’Apollon Vatumogons pour les Carnutes – mais il pourrait aussi s’agir d’une divinité secondaire, résidant à proximité de la demeure du dieu ou de la déesse principale.
90À l’instar des sanctuaires établis dans les quartiers centraux des villes, rare est le mobilier découvert dans les niveaux – lorsqu’ils sont conservés – liés à la fréquentation des lieux de culte monumentaux périurbains, que ce soit pour les sites dont l’exploration n’a été que partielle (Évreux, Troyes et Sens) ou pour ceux qui ont été étudiés d’une façon plus approfondie (Péchoux, 2010, p. 109-110). Si l’on exclut les artefacts piégés dans les couches liées à la construction ou à d’éventuelles occupations antérieures, très peu d’objets, essentiellement des tessons de céramique, ont ainsi été recueillis lors des fouilles programmées réalisées à Corseul (Provost et al., 2010, p. 179-182) ; la relative abondance de numéraire à Troyes, à Jublains et surtout à Meaux renvoie à une fréquentation tardive de ces sites, dans un cadre qui n’est peut-être plus celui de cultes officiels (cf. supra, 2.2.3.1 et infra, 6.1). L’entretien régulier et la collecte des offrandes, du moins au cours du Haut-Empire, peuvent expliquer les phénomènes observés ; les restes de sacrifices, de banquets ou les dons ont effectivement pu avoir été évacués des aires sacrées et enfouis dans leurs espaces périphériques, qui n’ont été que peu étudiés, tandis que certaines offrandes de plus grande valeur – notamment les statues – ont probablement été détruites et recyclées pendant la fréquentation et surtout après l’abandon des sites.
91Au terme de ce tour d’horizon des sanctuaires bâtis en lisière des capites civitatis, la périphérie urbaine apparaît donc comme un espace privilégié pour l’expression monumentale de la religion publique des cités. Les dimensions et la qualité de l’architecture et du décor de ces aires sacrées, qui ne sont pas contraintes par le maillage régulier des rues et peuvent ainsi s’étendre sur une vaste surface, les érigent au rang des principaux lieux de culte des cités, parfois au même titre que d’autres sanctuaires aménagés au sein des agglomérations secondaires (cf. infra, 3.1.3.1 et 5.3.2.2). Placés à l’articulation entre la ville et le territoire des civitates, ils forment ainsi « autant de prolongements de l’espace public sur les marges de l’espace urbanisé ou légèrement au-delà » (Van Andringa, 2017a, p. 82). Ils correspondent sans nul doute, à l’instar et en complément des temples dépendant de l’area forensis, à des sanctuaires civiques, voués à accueillir des cérémonies publiques célébrées par et pour des milliers ou des dizaines de milliers de dévots, qu’ils résident en ville ou qu’ils aient parcouru le territoire de la cité pour cette occasion. Il est manifeste que ces lieux de culte, du moins les plus imposants, ont été intégrés à des ensembles publics plus importants, comme l’illustrent les exemples de Chartres ou de Meaux, sans que l’on puisse encore caractériser avec toute la précision possible l’environnement proche de ces espaces, ni la fréquence et l’éventail des activités qui y étaient organisées.
D’autres lieux de culte publics, à l’écart des villes ?
92La liste des établissements implantés en situation périurbaine et de statut probablement public doit être complétée par deux derniers sites qui, contrairement aux exemples précédents, sont bien moins monumentaux (fig. 198). En effet, les sanctuaires du lycée d’enseignement professionnel Hébert, à Évreux (S.56), et de Bilaire, à Vannes (S.278), dont l’éloignement vis-à-vis de l’aire urbaine est relativement important (environ 1 km), s’apparentent davantage à d’autres sanctuaires isolés en contexte rural, émaillant le territoire des cités (cf. infra, 3.2.3). À Évreux, une enceinte, d’une surface probablement inférieure à 3 000 m² et dépourvue de portiques, est vraisemblablement fondée dès les premières décennies du ier s. de n. è. ; elle n’accueille qu’un temple de plan centré, peut-être sur podium, et un édicule (Doyen dir., 2002). Pour autant, les dimensions relativement importantes du temple (324 m²) et la position du sanctuaire, probablement aux abords d’une voie reliant la capitale de cité à l’agglomération secondaire du Vieil-Évreux, plaident en faveur d’un statut public, bien qu’on ne puisse l’affirmer avec certitude.
Figure 198 : Deux sanctuaires probablement publics, situés à environ 1 km de chefs-lieux de cités.

Réal. S. Bossard, d’après Doyen (dir.), 2002, pl. II et IV ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, fig. 14, 29 et 30.
93Le lieu de culte de Vannes, quant à lui, présente une configuration plus originale et, aussi, une histoire plus complexe (Baillieu et Simon, 2000). Succédant à un site du second âge du Fer dont la nature ne peut être clairement définie (ph. 1), le sanctuaire est probablement fondé, au plus tard, entre les années 10 av. n. è. et les années 10-40 de n. è., comme l’indiquent les plus anciens dépôts de mobilier (céramiques, monnaies, fibules) et l’aménagement de premiers foyers, prenant probablement place au sein ou en bordure d’un premier temple (ph. 2). Par la suite (ph. 3-5), jusqu’au début du ive s., le lieu de culte se structure autour de deux pôles, dont les environs n’ont pas été étudiés et accueillent peut-être d’autres aménagements liés au sanctuaire. Au sud-ouest, un temple de plan centré et carré, de dimensions moyennes, succède au probable ancien édifice de culte, tandis qu’à une vingtaine de mètres au nord-est, une enceinte de plan pentagonal ou hexagonal et d’au moins 600 m², d’abord construite en matériaux périssables, est ensuite rebâtie en pierre, puis bordée de galeries qui encadrent une cour centrale. Il n’est pas certain que cette dernière, dont la partie septentrionale n’a pas été fouillée, accueille un autre temple, bien que les vestiges d’une construction de plan polygonal (B) pourraient être interprétées dans ce sens, ou bien correspondre à un bassin ; pour autant, un grand nombre d’objets (céramique, faune, numéraire ou encore parures), en tout ou partie identifiables à des offrandes, y a été accumulée au cours du ier s. et du début du iie s. Si ce sanctuaire ne présente pas les dimensions et la monumentalité des autres lieux de culte établis en périphérie des chefs-lieux de cités, son occupation durant plusieurs siècles, sa construction progressive, en y bâtissant notamment une enceinte à portiques et sa position, en bordure de la vraisemblable voie reliant Vannes à Rennes (S. Daré, in Galliou, 2009, p. 344), appuient également l’hypothèse d’un statut public.
Les mithraea, en lisière des agglomérations de la fin de l’Antiquité ?
- 61 L’exemple du mithraeum de Jort (Calvados), localisé aussi en contexte d’agglomération secondaire, m (...)
94La fondation des mithraea relève d’initiatives privées et leur fréquentation répond à des logiques de recrutement des dévots différentes de celles des autres sanctuaires, puisque seules de petites communautés, comptant une dizaine à une trentaine d’initiés, pouvaient se réunir dans ces salles souterraines (Dubois, 2012, p. 426). Parmi les trois édifices de ce type identifiés au sein des cités considérées61 (cf. supra, fig. 80), dont l’architecture et le mobilier associé ont déjà été décrits (cf. supra, 3.1.2.1, type E ; 3.2.4 et 4.3.2.3), deux – à Angers (S.2) et à Lillebonne (S.85) – présentent indubitablement, du moins au cours de l’Antiquité tardive, une situation périurbaine ; l’emplacement du troisième, en bordure de la probable agglomération secondaire de Septeuil (S.122), renvoie également à une implantation en marge d’un habitat groupé.
95À Angers/Iuliomagus, le mithraeum a été vraisemblablement fondé dès les années 160-170, dans l’un des îlots sud-ouest de la ville (cf. supra, fig. 181 ; Brodeur dir., 2014). Il est alors construit dans un quartier résidentiel, le long d’une rue secondaire, dont l’orientation diverge de la trame urbaine, à l’emplacement de l’ancienne cave d’un édifice sur solins qui avait été bâti dès la première moitié du ier s. de n. è. À ses abords, des bâtiments maçonnés, construits à partir du milieu du ier s. de n. è., ont été réaménagés dans le courant du iie s. : la construction sur solins est alors adossée à un grand bâtiment qui se développe au nord, hors de l’emprise fouillée (fig. 199, a). S’agit-il d’une domus dont dépend cet édifice plus modeste, ou bien d’un habitat indépendant ? Une autre grande résidence est édifiée durant la même période, à l’est de la rue, et continuera d’être occupée après l’inauguration du mithraeum. En revanche, dès la fin du iie s., soit au moment de la création de la salle cultuelle ou peu de temps après, le quartier montre les premiers signes caractéristiques d’un essoufflement urbain qui affecte une partie de la ville du Haut-Empire : l’une des rues voisines, au sud-ouest, cesse ainsi d’être entretenue et les portiques qui l’encadrent sont alors démantelés, alors que la domus située à l’est de la ruelle, face au mithraeum, demeure occupée et est même réaménagée durant le second tiers du iie s. L’entretien des rues qui la bordent au nord et à l’est se dégrade malgré tout dans le courant du iiie s. et, peu après le milieu de ce siècle, après de premiers signes de déclin, la domus est abandonnée à la suite d’un incendie. À partir de la seconde moitié du iiie s., le mithraeum devient donc le seul édifice encore fréquenté au sein du secteur fouillé, tandis que les constructions voisines, désaffectées, sont progressivement détruites (fig. 199, b). Il occupe donc désormais une position périurbaine, qu’il conservera jusqu’à son abandon vers la toute fin du ive s. de n. è. Au demeurant, il est situé extra-muros, puisque les portes de l’enceinte urbaine, édifiée au tournant des iiie s. et ive s. autour de l’ancien centre civique de la ville, sont situées à 400 m au nord-est (fig. 200). La petite rue qui dessert le mithraeum, conservée dans le paysage de l’Antiquité tardive, y conduit probablement.
Figure 199 : Le mithraeum de la clinique Saint-Louis à Angers (Maine-et-Loire) et son environnement entre le milieu du iie s. et le milieu du iiie s. (a) et du milieu du iiie s. à la fin du ive s. (b).

Réal. S. Bossard, d’après Brodeur (dir.), 2014, vol. 1, p. 318, fig. 404 et p. 327, fig. 410.
Figure 200 : La ville d’Angers/Civitas Andecavorum (Maine-et-Loire) durant l’Antiquité tardive.

Réal. S. Bossard, d’après Pithon, à paraître, sur fond IGN.
96Les modalités de l’implantation du mithraeum de Lillebonne/Iuliobona, dont les vestiges ont été explorés au milieu du xixe s., sont moins bien renseignées (Cochet, 1866, p. 409-410 ; Harmand, 1970 ; Gauthier, 1982). La fouille a néanmoins montré que le lieu de culte mithriaque a été bâti le long de la cour enclose d’une grande demeure aristocratique périurbaine (cf. supra, fig. 80), située à une vingtaine de mètres au nord d’un modeste quartier d’habitation, probablement installé après le milieu du iie s. à la limite orientale de la ville du Haut-Empire (fig. 201). La chronologie de l’imposante résidence de laquelle semble dépendre le mithraeum n’est pas connue, de même que celle de ce dernier, et on ne sait donc si elle continue d’être fréquentée en parallèle des activités religieuses (Follain, 1989, p. 65-67 ; Rogeret, 1997, p. 366).
Figure 201 : La ville de Lillebonne/Iuliobona (Seine-Maritime) durant le Haut-Empire.

Réal. S. Bossard, d’après S. Follain, in Rogeret, 1997, p. 327, fig. 266, sur fond IGN.
97Ces deux mithraea ont donc été établis dans des secteurs périphériques – et dont le caractère marginal s’est d’ailleurs accentué, au moins à Angers, au cours de l’Antiquité tardive –, à l’écart des quartiers centraux de deux chefs-lieux de cité. Il est possible que le troisième édifice du même type, fouillé à Septeuil, ait aussi été implanté en bordure d’un habitat groupé, correspondant cette fois-ci à une agglomération secondaire. De fait, il a été aménagé vers le milieu du ive s. dans un ancien nymphée, bâti à l’aplomb d’une source captée dans les quartiers méridionaux de l’agglomération du Haut-Empire. On sait néanmoins peu de chose de l’organisation et de la chronologie de cette dernière, qui, au demeurant, n’était peut-être plus fréquentée durant l’Antiquité tardive (Gaidon-Bunuel, 2000, p. 193-196 ; Barat, 2007, p. 328-340).
98Au sein du territoire étudié, le développement des mithraea semble donc être un phénomène avant tout lié aux villes de la fin du Haut-Empire et de l’Antiquité tardive, qui devaient fournir l’essentiel des initiés, bien que l’on privilégie des terrains en retrait des espaces urbanisés et que peu d’exemples soient encore documentés. La position périurbaine observée pour ces quelques sites n’est cependant pas exclusive au centre et à l’ouest de la Lyonnaise. Dans les Gaules et les Germanies, si certains mithraea ont été fondés au cœur d’agglomérations secondaires, à l’exemple de celui de Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or), aménagé auprès d’un grand sanctuaire central, ou encore en contexte rural, tel celui d’Orbe-Boscéaz (canton de Vaud, Suisse), rattaché à une vaste villa, d’autres ont été bâtis en bordure d’habitats groupés, que ce soient des chefs-lieux de cité (à Bordeaux, Gironde) ou des agglomérations secondaires – à Strasbourg-Königshoffen (Bas-Rhin) et à Biesheim (Haut-Rhin ; Dubois, 2012, p. 426-429).
99Les liens établis entre les sanctuaires et les habitats groupés, à présent définis pour une vingtaine de sites implantés au sein ou en périphérie d’un chef-lieu, doivent aussi être examinés pour un grand nombre de lieux de culte – une soixantaine de cas avérés, auxquels s’ajoutent vingt exemples plus incertains – intégrés aux autres agglomérations, dites secondaires, qui maillent les territoires des civitates : il est possible d’y identifier des degrés de monumentalité et des rapports au tissu aggloméré tout aussi variés qu’en contexte de ville-capitale.
3.1.3. Sanctuaires et agglomérations secondaires : l’ancrage des cultes sur le territoire des cités antiques
100L’étude des sanctuaires localisés au sein ou dans les environs proches des agglomérations secondaires pâtit, encore une fois, de nombreuses lacunes liées à la connaissance incomplète de leurs quartiers, mais aussi des problèmes inhérents à l’identification même de certains de ces habitats groupés, dont l’ampleur – depuis de modestes agglomérations routières s’étendant sur moins de 10 ha au site monumental du Vieil-Évreux, couvrant environ 230 ha – et les activités qui y sont regroupées sont très variables. Ainsi, rares sont les agglomérations au sein desquelles ont été identifiés plusieurs sanctuaires, alors qu’elles devaient cependant être nombreuses : seuls deux sites se caractérisent par la présence de trois espaces sacrés avérés, disséminés dans différents secteurs de l’habitat, tandis que deux lieux de culte ont été reconnus pour neuf autres agglomérations ; dans les autres cas, qui sont majoritaires, il s’agit de lieux de culte a priori uniques au sein de l’habitat, qu’ils soient ou non associés à d’autres monuments. Au total, ce sont 72 sanctuaires avérés ou incertains (pour 5 d’entre eux) que l’on peut rattacher à une agglomération secondaire (pour 54 de ces sites, dont 5 hypothétiques) ou qui étaient situés dans ses environs proches, à moins de 1,5 km (pour les 18 autres). Dispersés au sein ou en périphérie proche de 52 habitats agglomérés distincts, auxquels s’ajoute une douzaine de cas plus hypothétiques, ils se répartissent de manière inégale sur le territoire considéré pour cette étude, d’autant plus qu’aucun sanctuaire n’a pu être reconnu pour un grand nombre d’agglomérations avérées du centre et de l’ouest de la Lyonnaise (fig. 202).
Figure 202 : Répartition des sanctuaires des agglomérations secondaires en fonction de leur position au sein ou en bordure de l’habitat.

Réal. S. Bossard.
101Il n’est pas toujours évident de déterminer le statut des lieux de culte des agglomérations secondaires à partir du simple examen des vestiges archéologiques : tandis que de grands sanctuaires monumentaux, occupant des espaces privilégiés et parfois associés de manière patente à d’autres édifices publics, relèvent sans guère de doute des équipements gérés par la cité, et que de rares aires sacrées, très modestes, correspondent vraisemblablement à des sanctuaires privés, une série de lieux de culte, de taille moyenne et dotés de structures peu caractéristiques, sont plus difficiles à ranger dans une catégorie ou dans l’autre. Après avoir précisé les caractéristiques des sanctuaires que l’on peut supposer avoir revêtu un statut public ou privé et étudié le cas particulier des agglomérations les plus modestes, établies le long de voies majeures, il sera utile de s’attarder sur quelques exemples d’habitats pourvus de multiples sanctuaires, ainsi que sur la question des sanctuaires implantés à l’extérieur des agglomérations, dans leur proche périphérie.
3.1.3.1. Identifier et caractériser les sanctuaires publics des agglomérations secondaires
102Pour la grande majorité des sanctuaires implantés au sein ou en lisière d’une agglomération secondaire, l’épigraphie n’est d’aucun secours pour déterminer leur statut, puisqu’aucun objet inscrit n’y a été mis au jour. Deux exceptions notables, sur lesquelles nous reviendrons, suggèrent néanmoins l’existence de monuments publics installés au cœur ou en bordure d’habitats groupés établis sur le territoire des cités. D’une part, il s’agit d’une série de dédicaces faites, entre autres, à l’empereur régnant, par la cité des Aulerques Cénomans au sein du sanctuaire de la Forêterie à Allonnes (S.9), que d’autres inscriptions permettent d’identifier à un lieu de culte de Mars Mullo. Au moins quatre plaques de marbre gravées et attribuées, au plus tôt, au iie s., y mentionnent explicitement la civitas, qui n’a pu les exposer que dans l’un des grands lieux de culte de la cité, ici localisé à quelques kilomètres du chef-lieu (Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 361-370 et p. 373). D’autre part, un monument sculpté, dressé près de l’entrée principale du sanctuaire occidental de Jouars-Pontchartrain (S.127), dans un enclos indépendant (cf. supra, 1.1.4.3), a vraisemblablement été offert par les vicani – membres d’une communauté « qui constituent sur place l’autorité officielle » (Scheid, 2011c, p. 249 ; voir aussi Scheid, 2008a, p. 18), ici de la cité carnute –, dont le nom a été inscrit en grandes lettres sur l’un des blocs (Blin, 2000, p. 113). Ainsi, le lieu de culte associé correspond vraisemblablement à l’un des principaux équipements publics du vicus, dont le nom antique n’est pas connu ; rappelons que la prédominance des os de bœuf, parmi les nombreux restes fauniques recueillis au sein de l’aire sacrée, appuie d’ailleurs l’hypothèse de rites célébrés à titre public, car l’achat de ces grands animaux pour les sacrifices, probablement offerts à une divinité majeure du panthéon, devait être coûteux et la viande issue du sacrifice, abondante (cf. supra, 2.2.1.3).
103L’identification des sanctuaires d’agglomération appartenant au domaine public doit donc s’appuyer sur d’autres critères, en particulier sur l’association d’aires sacrées à certains espaces publics – théâtre, bâtiments thermaux ou places –, sur la présence d’architectures monumentales dans leur enceinte même, ainsi que sur les liens chronologiques et spatiaux tissés avec les quartiers d’habitation voisins. Il sera alors possible, après avoir analysé ces différents aspects, de définir les traits saillants des espaces religieux vraisemblablement publics des agglomérations secondaires.
Sanctuaires monumentaux et autres équipements collectifs : l’articulation des espaces publics
104Certains sanctuaires d’agglomération, souvent de grande taille, ne sont pas isolés au milieu des quartiers d’habitation, mais intègrent un ensemble monumental composé de plusieurs espaces sans doute publics, parmi lesquels les édifices de spectacle sont relativement fréquents. Ainsi, au sein ou en périphérie de certains chefs-lieux de cité, tels Meaux et Jublains (cf. supra, 3.1.2), mais aussi et surtout de plusieurs agglomérations secondaires avérées ou potentielles (cf. infra), des lieux de culte sont étroitement associés à des théâtres ou à des édifices à arène – tandis que les rapports établis avec les amphithéâtres, réservés aux villes-capitales des cités étudiées, est moins évident (fig. 203). Dans l’ouest de la Lyonnaise, l’existence d’un lien entre un sanctuaire et un édifice de spectacle est d’ailleurs suggéré, selon Y. Maligorne (2007, p. 60), par le contenu d’une inscription (CIL XIII, 3106) mentionnant un tribunal cum locis. Il s’agirait d’une estrade et de places assises, qu’il interprète comme les composantes d’un théâtre, offertes par deux représentants du vicus Portensis, l’un des quartiers de la ville de Nantes/Condevicnum, à Vulcain, probablement dans l’un de ses lieux de culte urbains.
Figure 203 : Répartition des grands sanctuaires (publics ?) des agglomérations secondaires et autres monuments dont ces habitats sont pourvus.

Réal. S. Bossard.
105Il est communément admis, depuis les travaux de C. Jullian (1920, p. 189), qu’un grand nombre de théâtres des Gaules romaines, lieux de rassemblements ludiques, mais aussi civiques et religieux, présente des liens de proximité clairement affirmés avec des sanctuaires plus ou moins monumentaux (Fincker et Tassaux, 1992, p. 54-62 ; Brunet-Gaston, 2008 ; Dumasy, 2011). Dans les provinces gauloises comme dans le reste de l’empire, ces édifices de spectacle, fréquentés à des rythmes que l’on ne peut souvent préciser, ont vraisemblablement connu une forte affluence au cours des représentations théâtrales – les ludi scaenici – données en l’honneur des dieux et du pouvoir impérial, en particulier dans le cadre de fêtes inscrites au calendrier religieux des cités. Si l’on se fie aux témoignages concernant avant tout la partie orientale de l’Empire, mais qui évoquent des cérémonies qui avaient probablement lieu, aussi, dans les provinces occidentales, la nature des jeux organisés à cette occasion devait être très variable : ils pouvaient se décliner sous la forme de danses, de manifestations musicales, de pièces de théâtre, de concours, de pantomimes ou encore de mimes, voire de combats d’athlètes, de chasses et de gladiature dans les édifices équipés d’une arène (Dumasy, 2011, p. 213-216 ; Hufschmid, 2016 ; Ferreira, 2017, p. 646-656). En outre, les jeux étaient probablement précédés de processions, les pompae, partant des lieux de culte voisins : des cortèges ont alors pu accompagner, au son de musiciens, les images portatives des dieux et les effigies des membres de la famille impériale et des divi qui venaient ainsi assister aux spectacles, depuis une estrade où on leur rendait les hommages qui leur étaient dus (Van Andringa, 2009, p. 180-189 ; Marc, 2015 ; Hufschmid, 2016).
- 62 Comme le précise l’auteur, les théâtres des cités de Lyonnaise comme des provinces voisines sont gé (...)
106Si les parcours liturgiques et la place des dieux, de l’empereur et de ses proches n’ont guère laissé de témoins matériels dans les théâtres conservés (Ferreira, 2017, p. 675-686), des rapports spatiaux ou de visibilité réciproque, créés entre les sanctuaires et ces derniers, reflètent les patronages divins sans doute établis au sein de certaines agglomérations secondaires. Le jeu de correspondance entre les deux types de monuments (fig. 204), installés au cœur ou en bordure de l’habitat groupé, est parfois patent et témoigne de ce que F. Dumasy qualifie de « composition sacrée », c’est-à-dire que le théâtre et le lieu de culte, parfois associés à d’autres aménagements, occupent une place particulière au sein de la conception de l’espace habité et parcouru par les hommes et par les dieux62. Un premier cas de figure est illustré par les sanctuaires monumentaux de Genainville (S.260) et de Sceaux-du-Gâtinais (S.225) : l’édifice de spectacle a été placé sur l’un des longs côtés de l’enceinte à vocation religieuse, tout en prenant appui, dans un cas comme dans l’autre, sur la pente du vallon au fond duquel est établi le sanctuaire, à l’emplacement de résurgences à Genainville et, peut-être aussi, à Sceaux-du-Gâtinais (Mitard, 1993, p. 49-61 ; Vilpoux, 1999 ; Barrière et Vermeersch, 2017). Alors que sur ce dernier site, une construction monumentale, très peu connue – s’agit-il d’un temple dominant la cour à quadriportique ? – prend vraisemblablement place dans le petit axe du théâtre, à quelques mètres à l’arrière de son mur de scène, une place publique est située au contact des édifices de Genainville, formant le centre monumental de l’agglomération. Les découvertes effectuées à Hanches témoignent d’une association similaire entre un petit théâtre et un modeste temple à cella centrale et galerie périphérique, a priori dépourvu de péribole : le mur nord-ouest du bâtiment de culte s’aligne avec le mur de scène de l’édifice de spectacle, dont les environs proches ne sont pas connus (Dugast, 2009).
Figure 204 : Vestiges de grands sanctuaires et de l’édifice de spectacle qui leur est étroitement associé.

Réal. S. Bossard.
- 63 L’édifice de spectacle est ici à plusieurs dizaines de mètres au sud et non à l’est du sanctuaire p (...)
107Dans d’autres cas, le dialogue architectural est traduit par l’alignement, sur un même axe, du sanctuaire et du théâtre, dont le mur curviligne fermant la cavea fait alors face à l’un des côtés du péribole – souvent sa façade principale –, distant de quelques dizaines ou centaines de mètres (fig. 204). Ce genre de lien est évident à Châteaubleau (S.204), bien que le couloir axial du théâtre, situé à une trentaine de mètres à l’est du vaste lieu de culte circonscrit par des portiques, ne soit pas aligné avec l’entrée orientale de ce dernier (Bontrond, 2008). Une configuration tout à fait similaire a été observée au Vieil-Évreux (S.79), dont le sanctuaire central, particulièrement monumental, est prolongé à l’est par un grand théâtre (Guyard et al., 2015), ou encore à Meilleray (S.234), où une centaine de mètres sépare les deux édifices, parfaitement alignés (Geslin, 1997 ; Magnan et Le Coz, 2012, p. 31-32). Pour ces exemples, les divinités font donc face à l’orchestra et à la scène et semblent ainsi, d’une manière symbolique, suivre les représentations depuis leur temple, malgré les murs-écrans qui devaient fermer les aires sacrées et les théâtres et ainsi empêcher, comme souvent, toute intervisibilité d’un point à l’autre (Cazanove et Fouriaux, 2015, p. 132). Quoi qu’il en soit, ces agencements, comme ceux que l’on retrouve à Athée (S.165) ou à Sognolles-en-Montois (S.229)63, devaient faciliter les trajets entre les deux monuments, bien que les cheminements qui les relient n’aient pas été mis en évidence.
108Enfin, à Berthouville (S.150) et à Triguères (S.230, sanctuaire hypothétique), comme à Meaux (cf. supra, 3.1.2), l’édifice de spectacle est plus ou moins tourné vers le lieu de culte monumental, formant peut-être la toile de fond des représentations données sur scène ou dans l’orchestra, si le mur diamétral ne fermait pas complètement l’horizon (La Croix, 1897, p. 75-76 ; Conte et al., 2005 ; Vilpoux, 2016). Pour ces trois exemples, l’espace intermédiaire, probablement traversé par une voie à Triguères, n’a pas été étudié et on ne sait donc s’il constituait une vaste esplanade, à l’instar des compositions mises en œuvre à Avenches (canton de Vaud, Suisse) ou à Mandeure (Doubs ; Dumasy, 2011, p. 197-198), ou si d’autres constructions s’y dressaient.
109Dans les autres agglomérations pourvues d’au moins un sanctuaire et d’un théâtre ou d’un édifice à arène, aucun lien particulier n’a pu être mis en évidence entre les deux ensembles, éloignés de plusieurs centaines de mètres : l’édifice de spectacle s’inscrit alors dans une composition urbaine et a manifestement été positionné, avant tout, en fonction de la topographie du site et de l’organisation du tissu de l’habitat (Dumasy, 2011, p. 195). Ce type de configuration, observé à Aubigné-Racan (S.11), Oisseau-le-Petit (S.20-22), Criquebeuf-la-Campagne (S.54-55), Jouars-Pontchartrain (S.127-128), Augers-en-Brie (S.153), Mauves-sur-Loire (S.167), Montbouy (S.217) et peut-être à Montoire-sur-le-Loir (S.17) et Fontaine-les-Bassets (S.143), si l’identification d’un théâtre est juste, n’interdit toutefois pas l’accomplissement de processions entre le ou les sanctuaires et l’édifice de spectacle. Cependant, le statut du sanctuaire ne peut être déterminé, pour ces cas, à partir d’un critère de proximité avec l’édifice de spectacle et il faut donc considérer d’autres aspects (cf. infra).
110L’étude comparée de la surface des aires sacrées et des dimensions de l’édifice de spectacle associé, dont le diamètre peut servir de valeur de référence, en tenant compte des états les plus récents (tabl. IX), montre bien que les sanctuaires les plus vastes – et aussi les plus monumentaux, à l’exemple de ceux du Vieil-Évreux, de Châteaubleau, de Sceaux-du-Gâtinais, de Berthouville, de Meaux, de Genainville, et peut-être de Triguères – sont localisés à une distance relativement courte d’un théâtre. En outre, les capacités d’accueil de ce dernier sont particulièrement importantes, puisque son diamètre mesure entre 70 m et une centaine de mètres, tandis qu’il est souvent inférieur à 70 m pour les autres exemples. Il faut sans doute considérer que ces deux types de monuments étaient fréquentés par une même foule de dévots au cours de fêtes religieuses, mais on ignore tout des circonstances et du déroulement de ces dernières. F. Ferreira (2017, p. 580-581) a estimé les capacités d’accueil des théâtres de Genainville et du Vieil-Évreux à environ 15 000 places assises, tandis que celui de la Bauve, à Meaux, aurait pu accueillir 10 000 spectateurs ; les cours sacrées voisines ont certainement pu recevoir, également, plusieurs milliers ou dizaines de milliers de visiteurs, dont le nombre maximal est cependant difficile à évaluer (cf. supra, 1.1.5.4).
Tableau IX : Caractéristiques des grands sanctuaires et des édifices de spectacle associés, en contexte de chef-lieu de cité (CL) ou d’agglomération secondaire (AS). Réal. S. Bossard.
No | Commune | Statut de l’agglomération | Cité antique | Distance entre le(s) sanctuaire(s) et le théâtre | Surface de l’aire sacrée | Type d’édifice de spectacle | Diamètre de l’édifice de spectacle | |||
< 100 m | 100-199 m | 200-500 m | > 500 m | |||||||
S.109 | Hanches | AS ? | Carnutes | ● | ? | Théâtre | +/- 35 m | |||
S.127-128 | Le Tremblay-sur-Mauldre | AS | Carnutes | ● (S.128) |
● (S.127) |
- S.127 : > 1 300 m² - S.128 : ? |
Théâtre | +/- 40 m | ||
S.229 | Sognolles-en-Montois | AS | Sénons | ● | ? | Théâtre | +/- 40 m | |||
S.143 | Fontaine-les-Bassets | AS | Ésuviens | ● | +/- 1 600 m² | Théâtre ? | +/- 45 m | |||
S.20-22 | Oisseau-le-Petit | AS | Aulerques Cénomans | ● (S.20, S.21) |
● (S.22) |
- S.20 : 490 m² - S.21 : ? - S.22 : > 700 m² |
Théâtre ? | +/- 50 m | ||
S.153 | Augers-en-Brie | AS | Meldes | ● | ? | Théâtre | +/- 50 m | |||
S.54-55 | Criquebeuf-la-Campagne | AS | Aulerques Eburovices | ● (S.55) |
● (S.54) |
- S.54 : ? - S.55 : +/- 3 300 m² |
Édifice à arène ? | +/- 55 m | ||
S.165 | Athée | AS | Namnètes | ● | +/- 2 600 m² | Théâtre | +/- 60 m | |||
S.234 | Meilleray | AS | Tricasses | ● | +/- 4 900 m² | Théâtre | +/- 60 m | |||
S.167 | Mauves-sur-Loire | AS | Namnètes | ● | ? | Théâtre | +/- 60 m | |||
S.11 | Aubigné-Racan | AS ? | Aulerques Cénomans | ● | 8 100 m² | Théâtre | 63 m | |||
S.230 | Triguères | AS | Sénons | ● | +/- 5 200 m² | Théâtre | +/- 70 m | |||
S.150 | Berthouville | AS ? | Lexoviens | ● | +/- 18 900 m² | Théâtre | +/- 70 m | |||
S.251 | Valognes | CL ? | Unelles ? | ● | +/- 3 500 m² | Théâtre | 73 m | |||
S.32 | Jublains | CL | Aulerques Diablintes | 5 960 m² | Théâtre | +/- 73 m | ||||
S.17 | Montoire-sur-le-Loir | AS ? | Aulerques Cénomans | ● | +/- 2 000 m² | ? | +/- 75 m | |||
S.257 | Epiais-Rhus | AS | Véliocasses | ● | ? | Théâtre | +/- 75 m | |||
S.204 | Châteaubleau | AS | Sénons | ● | > 22 000 m² | Théâtre | 78 m | |||
S.280 | Vieux | CL | Viducasses | ● | +/- 2 900 m² | Théâtre | 80 m | |||
S.158 | Meaux | CL | Meldes | ● | +/- 16 900 m² | Théâtre | +/- 85 m | |||
S.217 | Montbouy | AS | Sénons | ● | +/- 4 300 m² | Édifice à arène | +/- 95 m | |||
S.260 | Genainville | AS | Véliocasses | ● | 9 240 m² | Théâtre | +/- 100 m | |||
S.225 | Sceaux-du-Gâtinais | AS | Sénons | ● | +/- 6 700 m² | Théâtre | 104 m | |||
S.79 | Le Vieil-Evreux | AS | Aulerques Eburovices | ? | ? | +/- 82 000 m² | Théâtre puis édifice à arène | 106 m |
111Enfin, d’un point de vue chronologique, notons que le théâtre, lorsqu’il a pu être daté, est généralement postérieur à la fondation du sanctuaire. C’est le cas au Vieil-Évreux, puisque le projet de l’édifice de spectacle a vraisemblablement été intégré au grand chantier de construction du centre monumental de la ville, entamé à la fin du ier s. ou au début du iie s., soit un demi-siècle après le premier état en pierre du lieu de culte voisin, qui a peut-être lui-même succédé à un lieu de culte plus ancien (Hartz, 2015a, vol. 1, p. 226 ; cf. infra). L’aménagement du théâtre de Châteaubleau, vers le milieu du iie s., semble également postérieur de quelques années ou décennies de celui des premiers temples, attribué à la première moitié de ce siècle (Bontrond, 2008), tandis que l’édifice de spectacle de Genainville est daté de la seconde moitié du iie s. ou du iiie s., à l’instar de la phase monumentale du lieu de culte, vraisemblablement fondé dès la période augustéenne (Barrière et Vermeersch, 2017 ; cf. infra).
112L’articulation entre les sanctuaires et les thermes publics des agglomérations secondaires est moins bien documentée au sein des cités considérées : les établissements balnéaires n’ont pas été systématiquement identifiés, tout comme certains lieux de culte majeurs. Pour autant, dans plusieurs habitats groupés, aucun rapport de proximité n’a manifestement été recherché entre ces deux types d’édifices publics. Ainsi, à Chanceaux-sur-Choisille (S.239 ; cf. infra, fig. 214), Mauves-sur-Loire (S.167 ; fig. 215) et Allonnes (S.9-10 ; fig. 211) – soit trois agglomérations d’étendue tout à fait différente, respectivement estimée à une douzaine d’hectares, une trentaine d’hectares et 50 ha –, l’édifice thermal principal est situé à plusieurs centaines de mètres du ou des grands lieux de culte de l’agglomération, qui lui sont néanmoins vraisemblablement raccordés par une rue (Monteil et al., 2009, p. 154-156 ; Gruel et al., 2015, p. 172 ; Doyen et Dubois, 2016).
113En revanche, le rapprochement volontaire d’un lieu de culte d’une certaine ampleur et d’un établissement thermal peut être envisagé pour d’autres exemples, à l’instar de regroupements observés dans certains chefs-lieux de cité – tels Rouen, Vieux ou Vannes (cf. supra, 3.1.2.1). Au cœur de l’agglomération de Pithiviers-le-Vieil (S.116), un sanctuaire, partiellement fouillé, est ainsi établi à moins de 15 m au sud d’un ensemble thermal d’une emprise de 1 000 m² (fig. 205 ; Salé dir., 2011). Ce dernier a pu revêtir un statut public, d’autant plus qu’il borde au sud une place dont les limites n’ont pas été cernées, mais qui constitue probablement l’un des principaux lieux destinés aux rassemblements de l’agglomération (Cribellier, 1992 ; 1999). Tandis que le bâtiment balnéaire a vraisemblablement été fondé à la fin du ier s. ou dans le courant du iie s., les preuves manquent pour certifier l’existence du sanctuaire, doté d’un temple relativement grand (182 m²) et d’au moins deux édicules, avant le iie s. (cf. infra). Il est cependant possible que l’aménagement de ces deux espaces soit concomitant et s’inscrive dans un même projet visant à doter le centre de l’habitat d’équipements à usage collectif. Quoi qu’il en soit, la proximité des thermes, ici comme pour les exemples suivants, a néanmoins pu être mise à profit pour réaliser les ablutions auxquelles devaient se livrer les officiants avant de pénétrer au sein de l’aire sacrée (cf. supra, 1.1.3.2).
Figure 205 : L’agglomération secondaire de Pithiviers-le-Vieil (Loiret).

Réal. S. Bossard, d’après Cribellier, 1992, p. 3, fig. 2 et 3 et p. 5, fig. 4 ; Cribellier, 1993a et b, pl. 1 ; Cribellier, 1999, p. 206, fig. 56 et Salé (dir.), 2011, p. 53, fig. 8, sur fond IGN.
114La ville du Vieil-Évreux (cf. infra, fig. 213), est dotée de divers aménagements sans doute publics, parmi lesquels figure, à près de 400 m au sud-ouest du théâtre et du sanctuaire central monumental (S.79), un vaste établissement thermal. Il est localisé en lisière de l’immense espace en grande partie réservé, au cœur de l’espace urbain, à la parure monumentale, et est bordé par deux autres édifices, dont l’un, au sud-est, est interprété comme un marché à viande (macellum), tandis que l’autre, à 20 m au nord, correspond à un autre lieu de culte, de plus faible ampleur (S.80). Des prospections géophysiques entreprises dans ce secteur ont permis de localiser les axes de circulation qui encadrent le péribole de ce dernier et le relient aux deux autres monuments voisins (Guyard et al., 2015, p. 221-223). Pour autant, on ne peut déterminer les choix qui ont dicté son installation en bordure des thermes et il est probable, à l’instar d’un troisième sanctuaire, marquant la limite nord-est de l’espace monumental (S.81), que ce soient plutôt la configuration générale de ce dernier et l’alignement des principaux édifices publics qui aient présidé à son implantation. Il semble alors plausible de reconnaître, pour ces deux aires sacrées d’environ 2 800 m² et 1 400 m², dont l’organisation est similaire, des sanctuaires publics, bien moins imposants cependant que le lieu de culte central, dont l’aménagement auprès des principaux monuments de la ville a été décidé par les autorités locales.
115La situation est tout à fait différente à Sceaux-du-Gâtinais/Aquae Segetae, station thermale mentionnée sur la Table de Peutinger. Le quadriportique identifié au sanctuaire de Segeta (S.225), peut-être implanté à l’emplacement d’une résurgence où résiderait la déesse et bordé au sud par un édifice thermal relativement modeste (cf. supra, 1.1.3.2), s’inscrit dans un ensemble monumental plus vaste. Ce dernier, occupant les franges orientales de l’agglomération, inclut un théâtre, déjà mentionné, mais aussi une succession de terrasses, au sud, délimitées par une enceinte qui prolonge vraisemblablement les murs des longs côtés du péribole (fig. 206). L’une de ces terrasses, située à 140 m du quadriportique, a pu accueillir un grand bâtiment thermal, identifié notamment grâce à la découverte, au xixe s., de salles chauffées et de mosaïques, mais aussi, au cours de ramassages de surface plus récents, de fragments de tubulures. Cet établissement, probablement public, a pu avoir été alimenté – à l’instar d’autres thermes adossés au quadriportique – par l’eau provenant de l’enceinte à vocation religieuse, qu’elle y ait été directement captée ou non. Il constituerait alors l’un des principaux édifices de la station thermale, au sein duquel on pouvait bénéficier de l’eau patronnée par la déesse Segeta (Vilpoux, 1996, p. 48-51 ; 1999).
Figure 206 : L’agglomération secondaire de Sceaux-du-Gâtinais (Loiret).

Réal. S. Bossard, d’après Vilpoux, 1999, p. 213, fig. 59, sur fond IGN.
- 64 Je tiens ici à remercier A. Couderc (Inrap), responsable de la fouille préventive (2019), de m’avoi (...)
116D’autres sanctuaires ont été bâtis, dans certaines agglomérations secondaires, sur l’un des côtés d’une place publique et relèvent ainsi d’un ensemble structurant les quartiers centraux de ces habitats. La proximité d’un lieu de culte et d’une esplanade, à Pithiviers-le-Vieil (S.116) et surtout à Genainville (S.260), a déjà été évoquée ; un autre cas de figure, similaire à ce dernier, se présente à Amboise (S.237) [fig. 207]. En effet, le principal sanctuaire identifié, partiellement fouillé, est localisé à l’ouest d’une probable place (Laruaz, 2009, vol. 1, p. 142). Son étendue n’a pu être déterminée avec précision ; en bordure occidentale s’étend le lieu de culte enclos, abritant un grand temple (240 m²) et un édicule, tandis qu’au nord, un autre temple, bien plus modeste (environ 65 m²) et peut-être doté d’une cour sacrée délimitée par une enceinte qui lui est propre, semble également donner sur la même aire ouverte. La présence d’un troisième temple et de galeries circonscrivant une cour, à plus d’une cinquantaine de mètres à l’est du grand sanctuaire enclos et donc en limite orientale de la probable place, a été récemment confirmée64 : il faut alors restituer tout un quartier manifestement réservé à des activités religieuses, rassemblant diverses constructions dont le statut ne peut pas toujours être défini. En tout état de cause, en ce qui concerne le sanctuaire occidental, les dimensions importantes de son temple, la galerie de façade qui marque son entrée principale et assure la jonction entre la probable place et son aire sacrée, ou encore les travaux de terrassement accomplis pour niveler le sol de cette dernière, constituent les témoins d’une vraisemblable intervention publique (Laruaz, 2009, vol. 1, p. 135-137).
Figure 207 : L’agglomération secondaire d’Amboise (Indre-et-Loire).

Réal. S. Bossard, d’après Laruaz, 2009, vol. 2, fig. 45, sur fond IGN.
117À Chênehutte-les-Tuffeaux (S.5), l’identification d’un vraisemblable espace ouvert et d’un temple établi à proximité, au croisement des deux rues principales de l’agglomération secondaire, témoigne peut-être d’une configuration analogue (Monteil, 2012, vol. II, p. 232-234 et p. 282). Toutefois, dans ce cas, le plan des vestiges n’a pu être dressé qu’à partir de photographies aériennes et il demeure donc imprécis et incomplet (fig. 208) ; du sanctuaire, seul le bâtiment de culte, dont l’emprise au sol ne semble guère dépasser la centaine de mètres carrés, est visible, et on ne peut déterminer son statut à partir de ces seules données. L’hypothèse d’un petit édifice public, aménagé dans les quartiers centraux de l’habitat, pourrait cependant être envisagée.
Figure 208 : L’agglomération secondaire de Chênehutte-les-Tuffeaux (Maine-et-Loire).

Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 234, fig. 202, sur fond IGN.
118Évoquons également le cas du sanctuaire occidental de Saint-Valérien (S.223), dont les substructions ont été récemment repérées au cours de prospections géophysiques (Nouvel et Venault dir., 2017, p. 187-259). Comportant au moins deux temples et d’autres constructions dont le plan est plus difficilement restituable, il est aménagé dans l’un des îlots rectangulaires bordant, au sud, la route qui traverse l’agglomération et en définit le plan (fig. 209). En plus d’occuper une position de choix au sein de l’habitat, il couvre une surface particulièrement importante, de l’ordre de 7 200 m². En outre, il est accolé à l’est d’un autre ensemble d’édifices, localisé dans le même îlot, vraisemblablement constitué d’une cour centrale, fermée a minima à l’est par une douzaine de cellules de plan rectangulaire et de même largeur. Le plan de cet ensemble évoque celui de boutiques bordant une place publique, ou peut-être d’un macellum ou d’un grand entrepôt, qui relèverait, dans tous les cas, des équipements collectifs de l’agglomération. Le regroupement de cet espace et du vaste lieu de culte, en bordure d’une route majeure, reliant Sens à Orléans, suggère que le sanctuaire constitue l’une des principales aires sacrées de Saint-Valérien, et qu’il a pu revêtir, lui aussi, un statut public.
Figure 209 : L’agglomération secondaire de Saint-Valérien (Yonne).

Réal. S. Bossard, d’après Driard (dir.), 2010, vol. 4, pl. 261 et Nouvel et Venault (dir.), 2017, p. 200, fig. 10 et p. 217, fig. 14, sur fond IGN.
D’autres lieux de culte vraisemblablement publics, isolés au cœur ou en périphérie des agglomérations
119Nombre de sanctuaires ne présentent aucun lien de proximité avec les autres équipements publics des agglomérations secondaires, au demeurant parfois absents ou non identifiés ; cependant, leurs dimensions, leur monumentalité et, dans une moindre mesure, leur position au sein de l’habitat laissent penser qu’ils ont eux aussi pu relever des sacra publica disséminés sur le territoire des cités.
120La reconnaissance d’un grand temple monumental, généralement juché sur un podium et pourvu d’une colonnade et d’un entablement en pierre (de type C1, C2 ou D : cf. supra, 1.1.2.1), constitue ainsi un argument convaincant pour repérer une partie des lieux de culte sans doute public (Maligorne, 2012b, p. 128-129) : les sanctuaires associés à un édifice de spectacle en sont d’ailleurs parfois pourvus – au Vieil-Évreux (S.79), à Aubigné-Racan (S.11) et à Genainville (S.260). Il en est de même pour le monument public de la Forêterie à Allonnes (S.9 ; cf. supra), équipé, durant sa dernière phase (ph. 4), d’un bâtiment de type C2, intégré à une aire sacrée de 11 900 m², qui est bordée par un quadriportique ourlé d’exèdres. C’est aussi le cas de l’autre lieu de culte reconnu à Allonnes (les Perrières, S.10), en bordure méridionale de l’agglomération et doté d’une aire sacrée d’environ 6 000 m² (Biarne, 2006 ; Lucas et al., 2019), ainsi que du temple de Rieux (S.277), exploré en 1887, dont le voisinage n’a pas été étudié (Maître, 1887 ; Maligorne, 2006, p. 59-60 et p. 62-64). Mentionnons aussi l’édifice de Mauves-sur-Loire (S.167), implanté dans les quartiers sud-est de l’habitat groupé et associé à un bâtiment composé d’une double galerie et de pièces latérales (Monteil et al., 2009). À Oisseau-le-Petit (la Cordellerie, S.21), en territoire cénoman, un temple de plan classique (D), rarement adopté dans les cités étudiées (cf. supra, 1.1.2.1), pourrait aussi relever d’un sanctuaire public, mais son élévation n’est pas documentée, de même que son environnement proche (Liger, 1895). Achevons cette liste par le temple de l’Asile des Pêcheurs (type C1 ?), situé en limite méridionale de l’habitat groupé de Taden (S.139), de dimensions certes moins importantes (130 m²), de même que l’aire sacrée qui lui y est associée (environ 600 m² ; Langouët, 1977 ; Maligorne, 2006, p. 62).
121Parmi les sanctuaires localisés dans les quartiers périphériques des agglomérations secondaires, il faut manifestement reconnaître un statut public aux grands monuments de Chelles (S.180 ; C. Charamond, in Griffisch et al., 2008, p. 424-425) et de Montbouy (S.217 ; Dupuis, 1851, p. 12-15 ; Kisch, 1997), tous deux mis en valeur, du moins dans leur état le plus récent et selon toute vraisemblance pour le premier, par un triportique ou un quadriportique, à l’instar des lieux de culte de la Forêterie à Allonnes (S.9) et, si l’identification est correcte, de Triguères (S.230). De même, et bien qu’aucun temple particulièrement monumental ou de portique n’y ait été mis en évidence, on est en droit d’estimer que l’important sanctuaire établi à la Grande Raye, reconnu en prospection aérienne en périphérie nord-ouest de l’agglomération de Pithiviers-le-Vieil (S.115), compte parmi les principaux lieux de culte de cette dernière et, peut-être, de la cité des Carnutes (cf. supra, fig. 205). En effet, il rassemble, dans au moins deux cours distinctes, pas moins de sept temples de plan carré, dotés d’une cella centrale et d’une galerie périphérique, dont deux sont peut-être munis d’un escalier et donc d’un podium (Jalmain, 1989).
122Intégrés aux quartiers plus ou moins centraux d’habitats groupés d’ampleur variable, d’autres lieux de culte, non fouillés ou bien explorés partiellement, sont également pourvus d’une cour relativement grande et d’équipements plus ou moins remarquables, mais leurs caractères monumentaux sont moins marqués ; un statut public peut aussi être envisagé, mais il demeure hypothétique en l’état des connaissances. Il s’agit notamment d’une aire sacrée, d’une surface d’environ 1 600 m², encadrée par un vraisemblable triportique et accueillant un temple à triple cella (type B2), reconnue au cours de prospections géophysiques et de sondages dans les quartiers méridionaux de Fontaine-les-Bassets (S.143 ; fig. 210 ; Quévillon, 2011 ; 2012). Peuvent aussi être mentionnées les enceintes, identifiées en prospection aérienne, de Plaudren (S.274, environ 6 500 m²), Criquebeuf-la-Campagne (S.54, environ 3 300 m²), Vaas (S.25, environ 2 200 m²) et Montoire-sur-le-Loir (S.17, environ 2 000 m²) ; elles sont toutes équipées d’un temple unique, de plan centré, qui est isolé dans une cour relativement grande – fermée d’un côté, au demeurant, par une double galerie à Montoire-sur-le-Loir. Évoquons, pour terminer, un imposant sanctuaire mis au jour au cours de sondages réalisés à Montaigu-la-Brisette (S.249), dont l’emprise au sol (évaluée à plus de 5 900 m²) et le temple particulièrement grand (299 m²) suggèrent un probable statut public (Coulthard et Paez-Rezende dir., 2012, p. 400-413), ainsi que le lieu de culte, plus modeste, de Chanceaux-sur-Choisille (S.239, plus de 1 600 m²), étudié au cours de prospections aériennes et de sondages ; il est doté d’une vraisemblable galerie de façade et d’au moins deux temples de plan centré, et constitue sans doute le lieu de culte principal d’une modeste agglomération d’une douzaine d’hectares (cf. infra, fig. 214 ; Hascouët et Rialland dir., 1993 ; Doyen et Dubois, 2016).
Figure 210 : L’agglomération secondaire de Fontaine-les-Bassets (Orne).

Réal. S. Bossard, d’après Quévillon, 2012, p. 31, fig. 6, sur fond IGN.
Aires sacrées, espaces profanes et genèse des habitats : organisation et développement des quartiers résidentiels auprès des principaux sanctuaires
123Les liens spatiaux et chronologiques tissés entre les sanctuaires et les quartiers à vocation résidentielle et artisanale des habitats groupés ne peuvent être que rarement définis, faute d’une étude approfondie de la plupart des agglomérations pourvues d’une ou de plusieurs aires sacrées. La question des origines et du développement des sanctuaires, qu’ils soient ruraux ou en contexte d’habitat aggloméré, est détaillée dans les chapitres suivants (4 et 5), mais il est nécessaire, dès à présent, de s’interroger sur les étapes d’aménagement et de reconstruction de plusieurs lieux de culte bien documentés. De fait, l’évolution parallèle du lieu de culte et de l’agglomération, voire l’antériorité du premier par rapport à la seconde, plaide parfois en faveur d’un statut public. Par ailleurs, dans certains cas, il convient d’analyser l’étendue et les formes de l’habitat associé à de grands sanctuaires intégrés à des ensembles monumentaux, qui paraissent démesurés en regard des occupations qui se développent à leurs abords.
124Rares sont les agglomérations manifestement fondées autour ou en bordure d’un lieu de culte préexistant, qui aurait ainsi cristallisé la formation d’un habitat plus ou moins développé. Ce cas de figure est supposé à Allonnes, l’une des principales composantes de l’armature urbaine de la cité des Aulerques Cénomans (fig. 211), pour le sanctuaire de la Forêterie (S.9), dont les origines gauloises sont indéniables (cf. infra, 4.1). Bien que les niveaux et les structures de la période laténiennes soient assez peu documentés, la nature du mobilier collecté montre indubitablement que le site est fréquenté dans le cadre de pratiques rituelles – et ce, manifestement, sans interruption – dès la fin du ive s. ou le début du iiie s., au plus tard (Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004 ; 2015). L’existence d’une agglomération gauloise associée n’est toutefois pas prouvée, bien que la densité des structures reconnues sur le site même de la Forêterie, implanté sur le flanc nord d’une butte qui borde la rive droite de la Sarthe, témoigne d’une occupation relativement dense, qu’elle soit exclusivement liée ou non aux activités religieuses. Dans tous les cas, l’habitat groupé qui se développe auprès de la butte, à moins de 5 km au sud-ouest du nouveau chef-lieu de la cité, Le Mans/Vindinum, n’est pas antérieur, en l’état des connaissances, à la première moitié du ier s. de n. è. (Gruel et al., 2015, p. 172-173). Durant les mêmes décennies, le sanctuaire, alors consacré à Mars Mullo, est pourvu de premières constructions maçonnées, comprenant au moins un temple de plan centré, un portique à avancées et d’autres édifices dont la fonction n’a pu être déterminée ; il sera reconstruit, sous une forme monumentale, entre la seconde moitié du ier s. et la seconde moitié du iie s., au cours d’un chantier particulièrement long. En parallèle, l’agglomération du Haut-Empire, dont l’organisation est encore assez peu connue, se développe jusqu’à couvrir une emprise d’au moins 50 ha ; elle est également dotée d’un grand établissement thermal et d’un possible autre édifice public, non datés, installés dans ses quartiers septentrionaux. Quant au lieu de culte des Perrières (S.10), positionné à son extrémité méridionale, il a vraisemblablement été fondé au début du ier s. de n. è., soit au moment de la naissance de l’habitat groupé, et sera progressivement agrandi, puis monumentalisé, au cours du Haut-Empire. Ainsi, l’existence d’un important lieu de rituels préromain, encore en activité durant la période augustéenne, semble ici avoir conditionné la création d’une agglomération secondaire de grande ampleur, à quelques kilomètres du caput civitatis des Cénomans. La topographie des environs du lieu de culte a probablement conduit à implanter le nouvel habitat à ses abords occidentaux, sur un terrain relativement plat et en retrait de la rivière, et non autour du monument, sur les pentes de la colline.
Figure 211 : L’agglomération secondaire d’Allonnes (Sarthe).

Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 241, fig. 207a, Legeard-Hervé, 2012 et Gruel et al., 2015, p. 172, fig. 5, sur fond IGN.
125Bien que l’environnement antique du sanctuaire monumental de Genainville (S.260) n’ait été encore que peu étudié, il est possible qu’il soit aussi à l’origine du développement d’un habitat groupé, aménagé au fond d’un vallon étroit et sur la partie basse des versants qui l’encadrent (cf. supra, fig. 212). Les états les plus anciens de ce lieu de culte véliocasse sont aussi les moins bien documentés. Les données recueillies à l’issue de plusieurs décennies de fouille ont révélé que le site antique a été fondé durant la période augustéenne, à l’emplacement d’une importante nécropole tumulaire de l’âge du Fer et d’une nappe phréatique affleurant au fond du vallon. C’est aux abords de l’un des bassins, sommairement aménagé vers la fin du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è., qu’ont été vraisemblablement déposés les premières offrandes (ph. 1), avant qu’ils ne soient mis en valeur par des parements en pierre de taille, vers le milieu du ier s. de n. è., alors qu’un premier temple maçonné, associé à un péribole, est construit à quelques mètres (ph. 2). C’est à cette même période qu’est vraisemblablement bâti le quartier d’habitation fouillé près de l’angle sud-ouest du sanctuaire, qui serait alors postérieur à sa fondation. Quant aux autres constructions reconnues dans son voisinage – un grand théâtre, un autre espace résidentiel situé à une quarantaine de mètres du premier et une probable résidence aristocratique, localisée à 180 m au sud-est du lieu de culte –, elles ne semblent pas antérieures au iie s. ; le lieu de culte est d’ailleurs reconstruit, en agrandissant son aire sacrée et en la dotant d’un temple monumental, après le milieu du iie s. (ph. 3). L’aménagement d’un sanctuaire dès la période augustéenne, sous une forme qui ne peut être déterminée, mais qui semble liée à la présence de résurgences – interprétées comme des résidences divines ? – et, peut-être, d’un espace funéraire plus ancien (cf. infra, 4.2.2), pourrait avoir motivé l’installation d’un habitat à ses abords, quelques décennies plus tard. Dans ce cas, l’installation des premiers quartiers a pu avoir été concomitante de la décision de reconstruire le lieu de culte – et de le doter d’un statut public ? Néanmoins, les vestiges identifiés aux abords de l’enceinte à vocation religieuse n’ont été étudiés que sur une petite surface et on ne peut affirmer avec assurance que les édifices reconnus n’ont pas succédé à des aménagements plus précaires, qui seraient contemporains de la première phase du sanctuaire. En tout état de cause, le relief contraignant du site n’a pu permettre le développement d’une agglomération sur une superficie importante ; les vestiges s’étendent au moins sur 5 ha et il est probable que l’emprise globale de l’habitat, dont l’appréciation reste toutefois difficile en raison du bois qui recouvre aujourd’hui le fond du vallon, n’ait pas excédé la quinzaine d’hectares, ce qui est assez peu en regard de la surface considérable couverte par le péribole et le théâtre – soit plus de 1,6 ha (Mitard, 1993 ; Vermeersch, 2012 ; Barrière, 2017 ; Barrière et Vermeersch, 2017 ; Barrière et al., 2019, p. 80-96).
Figure 212 : L’agglomération secondaire de Genainville (Val-d’Oise).

Réal. S. Bossard, d’après Vermeersch, 2012, p. 231, fig. 3, sur fond IGN.
126Un troisième exemple, qui demeure exceptionnel à l’échelle des Gaules, est celui du Vieil-Évreux, vaste agglomération éburovice localisée à moins de 6 km au sud-est du chef-lieu des Aulerques Éburovices, Évreux/Mediolanum. Elle est constituée, à partir du iie s. de n. è., d’une esplanade centrale où se dressent les principaux monuments de la ville, et d’une couronne polygonale de quartiers bâtis, l’ensemble se développant sur plus de 230 ha (Guyard et al., 2015 ; Hartz, 2015a, vol. 1, p. 225-238 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 708-740). Les plus anciens vestiges identifiés sur ce site – dont seule une infime partie a fait l’objet de fouilles – correspondent aux premières structures aménagées à l’emplacement du grand sanctuaire central (S.79), dès la fin du ier s. av. n. è. Au moins quatre états y ont été reconnus, mais l’étroitesse des sondages ne permet guère de comprendre l’organisation globale du site et, surtout, la nature des activités qui s’y déroulent (Bertaudière, 2015, p. 64-66). Néanmoins, la présence de grands foyers, au sein ou aux abords des vestiges de constructions de bois et de terre, évoque les premiers autels que l’on retrouve dans plusieurs sanctuaires augustéens (cf. supra, 1.1.2.2) et si l’hypothèse religieuse ne peut être confirmée, elle demeure tout à fait plausible. À ce potentiel premier lieu de culte succèdent des bâtiments sur solins puis, à partir du milieu du ier s. de n. è., un sanctuaire maçonné, dont l’identification ne fait désormais plus de doute : l’aire sacrée, intégrée à une vaste enceinte d’environ 2,7 ha, accueille trois temples en pierre et d’autres constructions. Quant à l’agglomération du Vieil-Évreux, elle ne semble se développer, si l’on suit la synthèse récemment proposée par C. Hartz (2015a, vol. 1, p. 225-238), qu’à partir de la fin du ier s. de n. è., lorsqu’un ou deux pôles d’occupation, composés de bâtiments probablement construits en matériaux périssables, sont vraisemblablement créés, l’un à l’ouest du sanctuaire et l’autre, mal daté, près d’une grande place publique aménagée à 350 m au nord-est de celui-ci.
127Il faut cependant attendre la fin du ier s. et le début du iie s. pour que l’habitat groupé soit transformé d’une façon spectaculaire, avec la mise en chantier d’une parure monumentale particulièrement développée et de nouveaux quartiers d’habitations. Ces derniers forment alors la grande couronne polygonale qui ceinture le terrain occupé par les édifices publics. Ce développement rapide, manifestement dicté par les autorités de la cité éburovice, comprend l’embellissement du sanctuaire central, dont l’organisation générale n’est guère modifiée, mais aussi la construction probable d’un théâtre, de grands thermes et d’un aqueduc traversant la ville. Si les espaces à vocation domestique sont en partie rejetées autour de l’esplanade centrale, elles n’en sont toutefois pas complètement absentes. De fait, les quartiers résidentiels avoisinant la place publique paraissent encore occupés, d’après des données issues de prospections pédestres, durant les iie et iiie s., tandis que d’autres bâtiments, non datés, ont été repérés à quelques dizaines de mètres au sud du grand sanctuaire, le long du tracé de l’aqueduc. Enfin, la seconde moitié du iie s. et les premières décennies du iiie s. marquent l’apogée de l’agglomération : l’aqueduc, autrefois en bois, est réédifié en maçonnerie, tandis que le sanctuaire central est monumentalisé, les thermes et le théâtre agrandis, les habitations embellies et un macellum mis en chantier au sud-est des bains publics – les deux autres sanctuaires reconnus (S.80-81, cf. supra), s’ils n’ont pas été bâtis plus anciennement, relèvent peut-être aussi de cette phase (fig. 213).
Figure 213 : L’agglomération secondaire du Vieil-Évreux (Eure) lors de la première moitié du iiie s. de n. è.

Réal. S. Bossard, d’après Hartz, 2015, vol. 1, p. 234, fig. 100, sur fond IGN.
128Ainsi, le lieu de culte central, dont les grandes phases de reconstruction ont accompagné les principales étapes du développement de l’agglomération, pourrait avoir été fondé dès la fin du ier s. av. n. è. et être alors antérieur à la création des premiers quartiers, toutefois peu documentés. Plus tardivement, la présence de cet édifice sans doute public a généré un développement urbanistique sans précédent, avec la mise en place d’une formule originale, associant une vaste esplanade – dont il occupe le centre, avec d’autres monuments établis sur sa périphérie – et des quartiers d’habitations rejetés, pour l’essentiel, sur sa bordure.
129Dans d’autres cas, la fondation du sanctuaire est manifestement concomitante de celle de l’agglomération – ou de sa transformation, pour les habitats d’origine gauloise –, ou bien a suivi de peu sa création. Les prospections pédestres et les sondages réalisés à Chanceaux-sur-Choisille (S.239) semblent indiquer que le lieu de culte, situé à la limite occidentale d’une modeste agglomération de 12 ha (fig. 214), a ainsi été fréquenté entre la première moitié du ier s. et le début du iie s., à l’instar de thermes, couvrant environ 900 m², identifiés à son extrémité orientale. Un quartier, composé de bâtiments – habitations et ateliers artisanaux – en matériaux périssables, développé aux abords méridionaux de ce dernier édifice public, s’inscrit dans la même chronologie (Hascoët et Rialland dir., 1993, p. 12 et p. 66-67 ; Doyen et Dubois, 2016). Pour autant, les opérations archéologiques conduites à l’emplacement du sanctuaire n’ont pas permis de distinguer d’éventuels états de construction successifs et on ne sait donc si cet édifice probablement public a été doté de murs maçonnés dès sa fondation, de même que les thermes établis à plus de 300 m à l’est.
Figure 214 : L’agglomération secondaire de Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire).

Réal. S. Bossard, d’après Doyen et Dubois, 2016, p. 256, fig. 2, sur fond IGN.
130Le dossier d’Amboise/Ambacia (S.237) est plus fourni : la genèse du lieu de culte des Châtelliers est datée des années 40-30 av. n. è. à 15-20 de n. è. ; bâti sur un terrain vraisemblablement peu bâti de l’ancien oppidum laténien, ou du moins libéré de ses anciennes constructions, il est dès lors délimité par une enceinte palissadée et accueille les premières manifestations d’un culte, dont témoigne la découverte d’abondants restes fauniques et céramiques, ou encore d’une centaine de monnaies (Laruaz, 2009, p. 119-121). C’est également durant la période augustéenne que l’habitat groupé se rétracte, passant d’une surface de 52 ha à celle d’une vingtaine ou d’une trentaine d’hectares ; de nombreuses structures en creux sont alors remblayées et de nouvelles formes d’habitat se développent sur le plateau. En outre, à l’emplacement du sanctuaire, l’aménagement plus tardif d’une imposante terrasse, maintenue par les murs d’un péribole maçonné et accueillant désormais un grand temple de plan centré, est datée, au plus tôt, du milieu du ier s. de n. è. ; la reconstruction du sanctuaire est alors peu ou prou contemporaine du développement des autres quartiers de l’agglomération, marqué par de nouvelles constructions à partir de la seconde moitié de ce siècle (cf. supra, fig. 207 ; Laruaz, 2009, vol. 1, p. 124-144 ; Laruaz dir., 2017). Le terminus post quem déterminé pour la fondation et la reconstruction du sanctuaire, coïncidant avec les principales phases d’aménagement d’Ambacia, semble indiquer que leur évolution est liée : les représentants de la communauté urbaine, agissant probablement au nom de la cité, ont sans doute décidé d’investir les fonds nécessaires à la pétrification et à l’embellissement de l’un des lieux de culte principaux de leur agglomération, au gré du développement de cette dernière.
131Bien que les données soient ici moins précises, il est probable que les lieux de culte namnète et sénon de Mauves-sur-Loire (S.167) et de Sceaux-du-Gâtinais (S.225), respectivement fondés vers les années 20-30 et durant la seconde moitié du ier s. de n. è., aient connu un destin analogue. Dans le premier cas, le premier état du sanctuaire succède à une occupation gauloise mal définie, après une probable interruption de son occupation, quelques années seulement après la fondation de l’habitat groupé – s’il ne succède pas à une agglomération gauloise, non identifiée à ce jour. De fait, diverses opérations archéologiques, menées dans les quartiers septentrionaux de l’agglomération et dans la résidence périurbaine de la Pinsonne, située à près de 300 m à l’ouest du lieu de culte, indiquent que les premiers quartiers semblent se structurer, pour l’époque romaine, à partir de la période augustéenne (Monteil et al., 2009 ; Séris dir., 2014 ; Brodeur dir., 2016). Les données manquent, en revanche, pour déterminer si les phases de réaménagement du sanctuaire – doté d’un temple en pierre à partir du dernier quart du ier s., qui sera monumentalisé vers la seconde moitié du iie s. – accompagnent ou non le développement de l’agglomération et de sa parure monumentale, comprenant aussi un théâtre et des thermes (fig. 215). De même, dans le second cas, à Sceaux-du-Gâtinais/Aquae Segetae, le monument à quadriportique qui abrite le culte de la déesse éponyme Segeta a manifestement été bâti dès la seconde moitié du ier s. de n. è., peut-être à la fin de ce siècle, puis réaménagé à deux reprises durant le iie s. La datation de sa fondation est aussi celle que l’on retient, en l’état des connaissances, pour le développement global de cette station thermale, vraisemblablement née de l’exploitation d’une source patronnée par la divinité (Vilpoux, 1996 ; 1999).
Figure 215 : L’agglomération secondaire de Mauves-sur-Loire (Loire-Atlantique).

Réal. S. Bossard, d’après Monteil et al., 2009, p. 156, fig. 2 et Brodeur (dir.), 2016, p. 40, fig. 5, sur fond IGN.
132La naissance tardive de l’agglomération de Châteaubleau, sise aux confins septentrionaux de la cité des Sénons, offre une autre illustration du développement parallèle de quartiers urbains et d’un centre monumental, intégrant un vaste lieu de culte (S.204 ; Pilon, 2012 ; 2016, p. 20-35). La fondation du sanctuaire intervient dans le cadre de l’expansion considérable d’une agglomération jusqu’alors confinée, depuis le ier s. de n. è., aux abords d’une voie reliant Sens et Meaux. À partir de la fin du ier s. et surtout de la première moitié du iie s., l’occupation est étendue en direction du nord-est, avec la création de nouveaux quartiers et d’une enceinte vaste de plus de 7 ha, délimitée par des fossés, qui constitue désormais le cœur de l’habitat, dont la surface totale dépasse, à son apogée, 20 ha (fig. 216). Dans sa partie orientale – la moitié occidentale, accueillant peut-être d’autres monuments, n’est pas documentée –, est bâtie une série de trois temples, alignés sur un même axe, ainsi qu’un premier théâtre (cf. supra), construit vers le milieu du iie s. S’y ajoutent ensuite deux autres édifices à usage probablement collectif – des espaces de réception ? –, dont l’un s’apparente à un portique à avancées (cf. supra, 1.1.4.2), attribués à la seconde moitié du iie s. Le centre monumental, séparé des autres quartiers par un système de fossés, est ensuite remodelé à la fin du iie s. ou au début du iiie s. : un grand péribole, longé d’une galerie – puis d’une seconde, vers la fin du iiie s. ? –, est édifié pour isoler du reste de l’espace public l’aire sacrée de plus de 2 ha, complétée par de nouveaux temples ; le théâtre est reconstruit à la même période. Au même moment, au nord d’une rue qui longe désormais la façade septentrionale du sanctuaire et dans l’espace toujours délimité par un fossé, au moins trois bâtiments sont édifiés au plus près du centre monumental ; le plus grand d’entre eux, doté d’une galerie de façade, couvre au sol 264 m². Contrairement aux autres habitations de l’agglomération, ces possibles résidences et leurs annexes ne sont pas mitoyennes, puisqu’elles sont installées dans des parcelles indépendantes. Il pourrait s’agir d’un « quartier résidentiel d’un niveau social élevé » (Pilon, 2012, p. 110) ou, peut-être, en raison de leur emplacement privilégié, de bâtiments liés aux activités religieuses du sanctuaire voisin – notamment à l’accueil et à l’hébergement des officiants ou de certains dévots, ou à la préparation et à la tenue de banquets (cf. infra, 3.2.3.3) ? Quoi qu’il en soit, la fondation ex nihilo d’un centre monumental de plusieurs hectares, progressivement équipé et embelli, signe la volonté d’établir un nouveau sanctuaire public sur le territoire de la cité sénone, accueillant dès lors le culte de plusieurs divinités.
Figure 216 : L’agglomération secondaire de Châteaubleau (Seine-et-Marne).

Réal. S. Bossard, d’après Pilon, 2016, p. 20, fig. 4, sur fond IGN.
133Quant aux exemples de fondations religieuses postérieures à la création de l’habitat, ils sont rares et peu documentés. L’exemple du lieu de culte central de Pithiviers-le-Vieil, sur le site des Jardins du Bourg (S.116), déjà évoqué supra (fig. 205), témoigne vraisemblablement de l’aménagement d’un temple et de son aire sacrée dans un espace autrefois occupé par des habitations et désormais accolé à un édifice thermal. En effet, le quartier où se dressera le temple à partir du iie s. est loti dès le milieu du ier s. de n. è. et, si P. Salé identifie un premier sanctuaire dès cette étape, le plus ancien bâtiment reconnu, dont les murs sont en matériaux périssables, n’est guère caractéristique d’un édifice de culte et semble plutôt correspondre à un autre type de construction (Salé dir., 2011, p. 122-136). Il faut alors envisager que le sanctuaire a pris place au sein d’une parcelle privée déjà bâtie, acquise et remise à nu pour permettre son édification ; il pourrait alors relever, avec les thermes voisins, d’un espace public aménagé au cœur de l’agglomération entre la fin du ier s. et le iie s.
134Il est également possible que l’érection du monument périurbain de Chelles (S.180) ait succédé, plusieurs décennies après le développement de l’agglomération voisine, à l’arasement de constructions qui n’avaient aucun rapport avec la pratique d’un culte. Cependant, les plus anciens aménagements reconnus sur le site, datés du ier s. av. n. è. et de la première moitié du ier s. de n. è. – et donc contemporains de la naissance de l’habitat groupé –, sont difficiles à caractériser. Un temple maçonné, édifié vers le milieu du ier s. de n. è., laisse ensuite place, vers la première moitié du iie s., à un autre bâtiment de culte, plus monumental, dominant une vaste cour ; celle-ci est probablement encadrée par un quadriportique, dont l’essentiel se situe en dehors des limites de la fouille réalisée (Charamond, 1998 et in Griffisch et al., 2008, p. 424-425). La fondation du lieu de culte interviendrait donc durant les décennies centrales du ier s. de n. è. et pourrait être contemporaine de la réorganisation de l’agglomération adjacente : à la même période, de fréquentes inondations et le déplacement du cours de la Marne conduisent à l’abandon de certains quartiers et à de grands travaux d’assainissement ; à l’exception de ce sanctuaire, la parure monumentale de l’habitat, couvrant plus de 20 ha, n’est toutefois pas connue et on ne sait si la construction des édifices publics est bien liée à la même phase de réaménagement.
135L’identification de quartiers d’habitations au contact d’imposants sanctuaires associés à d’autres monuments, notamment à un édifice de spectacle, n’est pas toujours évidente : existe-t-il des ensembles monumentaux établis sur les territoires des civitates, à l’écart des principaux centres agglomérés, qui seraient jouxtés par des structures d’hébergement temporaire, exclusivement fréquentés au cours des fêtes religieuses, ou du moins par des habitations dont la modestie contrasterait avec leur monumentalité ?
136L’idée de lieux de rassemblement ruraux, liés à l’organisation de pèlerinages ou de marchés dont les origines seraient gauloises, n’est pas nouvelle et a longuement alimenté, depuis la découverte du sanctuaire de Sanxay (Vienne) à la fin du xixe s. et tout au long du xxe s., un débat dont la teneur et les arguments invoqués ont été récemment résumés par C. Hartz (2015b). Ces ensembles parsemant les Trois Gaules ont été qualifiés, suivant les auteurs et parfois de façon impropre, de « grands sanctuaires » (Grenier, 1960, p. 575), de « conciliabula » (Picard, 1970, p. 162 et 1973, p. 146-147 ; contra Jacques, 1991, qui a montré que ce terme latin est impropre à leur désignation), de « centres civiques ruraux » (Picard, 1983) ou encore de « villes saintes » ou d’« agglomérations-sanctuaires » (Fincker et Tassaux, 1992, p. 47). En réalité, comme l’ont montré les recherches effectuées au cours des dernières décennies, battant en brèche l’hypothèse de monuments isolés dans les campagnes, ces sanctuaires monumentaux sont généralement environnés de quartiers d’habitations tout à fait comparables à ceux des autres agglomérations secondaires. Par ailleurs, les rythmes et les raisons de leur développement, de même que celui des habitats groupés associés – qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement le prolongement d’une occupation laténienne –, sont variés et propres à chaque site (Hartz, 2015 a et b).
137Pour autant, plusieurs découvertes récentes témoignent de l’existence de sites particuliers, dont on peine encore à comprendre la place au sein des cités et le fonctionnement. Ils se caractérisent par l’association d’un ensemble monumental probablement public, dont un lieu de culte et un théâtre, et de bâtiments interprétés comme des habitations pérennes ou temporaires, dont la morphologie et l’organisation lâche ne sont guère caractéristiques de contextes urbains, mais renvoient davantage aux formes architecturales mises en œuvre dans les établissements ruraux, en particulier les villae. La fouille de l’ensemble monumental de Magny-Cours (Nièvre), en territoire éduen, a ainsi révélé l’existence de diverses constructions, bâties dès le second tiers du ier s. de n. è. et complétées à la fin du même siècle puis durant le iie s., en bordure d’une voie tracée à la même période. Ce n’est qu’au cours de la seconde étape qu’un temple de plan rectangulaire, à cella centrale et galerie périphérique et d’environ 15 m de côté, est construit au cœur du site, d’une surface d’environ 1,5 ha et alors délimité, au nord et à l’est, par une enceinte ; un théâtre de 51 m de diamètre, des petits thermes, un bâtiment à double exèdre, des latrines et d’autres édifices, dont la fonction n’a pu être déterminée, s’ajoutent à la liste des bâtiments conservé (Rocque et al., 2019).
138Par ailleurs, pour des raisons similaires, S. Ritz a récemment qualifié l’habitat d’Amel (Meuse), en Gaule Belgique, d’agglomération « à faciès rural » : au nord et au sud d’un complexe monumental, composé d’un sanctuaire enclos, regroupant au moins quatre temples répartis dans deux cours, d’un théâtre, de probables thermes, d’un grand bâtiment à vocation commerciale ou de stockage et diverses constructions, sont réparties, le long de deux rues qui ceinturent les édifices publics, deux ensembles de résidences. Contrairement à l’agglomération secondaire de Senon, localisée à environ 1,5 km plus au nord, les quartiers résidentiels d’Amel, identifiés surtout au moyen de prospections géophysiques, sont composés de multiples parcelles indépendantes, dont le bâti, aéré, associe une construction principale et diverses annexes, environnées d’espaces vides, à l’instar de ce qui a par exemple été observé en bordure septentrionale du sanctuaire de Châteaubleau, pour seulement quelques bâtiments (cf. supra). Les édifices d’Amel, de plan variés, reprennent « tout un éventail de modèles architecturaux typiques des établissements ruraux de la région » et évoquent « une agglomération de petites exploitations, comprenant diverses structures de production regroupées autour d’une résidence principale » (Ritz, 2020, vol. 1, p. 357 et p. 361). L’auteur considère alors que la concentration de tels aménagements aux abords d’un grand sanctuaire résulte des besoins générés, en matière de productions agropastorales, par l’activité économique de l’ensemble monumental – notamment pour fournir les animaux sacrifiés sur l’autel des temples, des offrandes végétales ou d’autres mets consommés dans le cadre de banquets ; la viande et les ossements issus de l’abattage des victimes sacrificielles auraient également pu être préparés et travaillés dans ces établissements (Ritz, 2020, vol. 1, p. 363-364). À notre sens, l’ampleur des quartiers résidentiels semble toutefois trop importante pour que l’ensemble de ces exploitations aient pu fonctionner de manière rentable avec les seules activités religieuses, d’autant plus qu’il faudrait considérer que leur fréquentation ait été sans interruption, ou presque, pour justifier la présence d’un tel nombre d’équipements privés. L’exemple d’Amel témoigne néanmoins de l’existence de formes d’agglomération originales, associées à une parure monumentale particulièrement développée.
139Qu’en est-il au sein du territoire ici étudié ? Il ne fait guère de doute que la plupart des monuments intègrent des agglomérations plus ou moins amples, dont les formes et la place accordée aux édifices religieux varient, comme l’illustrent les exemples, déjà décrits, du Vieil-Évreux (S.79-81), de Châteaubleau (S.204), de Sceaux-du-Gâtinais (S.225) ou encore de Genainville (S.260). Dans d’autres cas, à Criquebeuf-la-Campagne (S.54-55 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 258-260), à Athée (S.165 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 225-227), à Sognolles-en-Montois (S.229 ; Geslin, 2003 ; Watel, 2012, vol. 2, p. 319-326) ou à Meilleray (S.234 ; Geslin, 1997), les données issues de prospections pédestres plaident en faveur d’un habitat assez dense, mais dont on ne peut dresser le plan, puisque la plupart des quartiers, probablement composés d’habitations dont les fondations ne sont pas conservées ou sont simplement constituées de solins, n’apparaissent pas sur les clichés aériens, où l’on ne perçoit que les substructions en pierre d’un sanctuaire et d’un théâtre. De même, à Hanches (S.109), la rareté des investigations archéologiques entreprises à ce jour ne permet pas de rejeter l’hypothèse d’une agglomération formée aux abords du théâtre et du temple, tous deux de modeste taille, d’autant plus que plusieurs découvertes témoignent d’une occupation des espaces environnants (Dugast, 2007, p. 7-11). Cependant, les dimensions, le plan et l’agencement de ces deux édifices, vraisemblablement réunis au sein d’un même espace, sans péribole marquant l’aire associée au temple, rappellent la configuration du site de Magny-Cours ; la comparaison entre les deux ensembles ne peut toutefois aller plus loin, les données réunies à Hanches étant bien plus lacunaires.
140Il reste cependant à évoquer deux cas particuliers, pour lesquels l’existence d’un habitat aggloméré doit être discutée. Les monuments du Villeret, à Berthouville (S.150), ont fait l’objet, depuis le xixe s., de multiples interventions archéologiques qui ont avant tout conduit à la découverte d’un théâtre et d’un grand sanctuaire (cf. supra, fig. 204), abritant au moins deux divinités dont, très probablement, Mercure Canetonnessis, et peut-être sa parèdre, Rosmerta ou Maia. Les dimensions de ces deux monuments, dont le plan peut être restitué avec une certaine précision grâce à de récentes prospections géophysiques (Conte et al., 2005), sont considérables : le théâtre mesure près de 70 m de diamètre et le lieu de culte, dont l’aire sacrée se compose de deux grandes cours portiquées, se déploie sur environ 4 500 m². Aux abords des deux édifices sans nul doute publics, qui relèvent de la cité des Lexoviens, la couverture géophysique, élargie à plus d’une cinquantaine de mètres autour de ces derniers, n’a permis d’identifier qu’une seule structure archéologique assurément ancienne : il s’agit d’un imposant fossé, large de plus de 5 m et profond d’au moins 2 m, définissant un enclos trapézoïdal, long de 160 m et large de 140 m (soit près de 1,9 ha). Son orientation diffère nettement de celle du péribole qui s’inscrit en son sein. Aucun élément probant ne permet de dater cet aménagement monumental, qui pourrait être protohistorique, antique ou même médiéval.
141Par ailleurs, en 1896, les sondages réalisés autour du Villeret par C. de la Croix ont révélé l’existence de plusieurs occupations datées de l’époque romaine qui restent difficiles à caractériser à partir des descriptions fournies. En tout état de cause, aucune autre structure maçonnée n’a été repérée dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres autour du sanctuaire et du théâtre, qui semblent en définitive relativement isolés, comme paraissent d’ailleurs le confirmer les résultats de la prospection géophysique. C. de la Croix a cependant identifié deux puits, à 90 m au sud et à 98 m au nord-ouest des temples, mais leur datation est incertaine (La Croix, 1897, p. 74-75). Si les tranchées de sondages qu’il a creusées au hameau du Villeret se sont avérées être négatives, les vestiges d’un hypocauste, ou encore des fragments de terre cuite et de céramique, ont été mis au jour à une centaine de mètres au nord-ouest du lieu de culte. L’archéologue jésuite rapporte également avoir exhumé les vestiges d’habitations gallo-romaines au lieu-dit le Poteau, à plus de 500 m au nord-ouest de l’aire sacrée (La Croix, 1897, p. 76-77).
142Il est donc difficile de conclure, en l’état des connaissances, sur la nature des occupations périphériques du sanctuaire de Berthouville. Il serait pertinent d’étendre les prospections géophysiques pour vérifier si les vestiges observés par le Père de la Croix relèvent d’un habitat aggloméré, qui serait implanté à l’écart de l’ensemble monumental – formant peut-être une couronne périphérique comme au Vieil-Évreux ? – ou bien de plusieurs établissements ruraux indépendants. Une autre hypothèse consiste à envisager, à proximité des monuments, la présence d’aménagements plus modestes, dépourvus de fondations profondes, qui n’auraient pu être repérés au cours des investigations géophysiques, ou qui auraient été détruits par les labours récents.
143Des interrogations similaires peuvent être formulées au sujet de l’ensemble monumental de Cherré, à Aubigné-Racan (fig. 217). Les explorations réalisées au xixe s. et, surtout, les prospections aériennes et les fouilles programmées dirigées par C. Lambert et J. Rioufreyt entre les années 1970 et 2000, ont documenté plusieurs monuments, édifiés entre les années 70 et 150 de n. è., et d’autres constructions plus modestes, l’ensemble étant réparti sur une surface d’environ 10 ha (Liger, 1896 ; C. Lambert et J. Rioufreyt, in Bouvet dir., 2001, p. 140-164 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 184-185). Le sanctuaire (S.11), doté d’un temple sur podium, d’un bassin et d’un péribole de plan carré, occupe une place centrale parmi les monuments identifiés : un théâtre, d’un diamètre de 63 m, et une probable place-marché – un espace ouvert bordé de galeries – ont été fouillés à plus de 250 m au nord, tandis qu’existent, à 50 m au sud, des thermes publics, alimentés en eau par un aqueduc. En outre, à 20 m au nord du sanctuaire, un bâtiment à portique, qui en dépend peut-être, a été repéré au cours de sondages. Aux côtés de ces monuments publics, sur lesquels s’est concentré l’essentiel des opérations archéologiques, aucun habitat ni aucune nécropole n’ont été formellement reconnus, mais les vestiges de constructions sur solins – non fouillés –, dont un grand bâtiment, ont été identifiés à proximité des thermes, qui leur seraient postérieurs ; une autre construction maçonnée pourrait avoir existé au sud-ouest du grand sanctuaire. Pour ces raisons, l’existence d’une agglomération romaine à Cherré n’est pas certaine, d’autant plus que la stratigraphie, sur l’ensemble des sites fouillés ou sondés, est mince et traduirait plutôt d’une occupation saisonnière des lieux (Lambert et al., 2015, p. 84). Il est cependant impossible de se prononcer définitivement, encore une fois, sur la nature de l’occupation associée à ces monuments, en l’absence d’une couverture géophysique ou de sondages complémentaires, qui permettraient de confirmer ou de réfuter l’hypothèse d’une véritable agglomération secondaire.
Figure 217 : La possible agglomération secondaire d’Aubigné-Racan (Sarthe).

Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 185, fig. 162.
En guise de bilan : parure religieuse et sacra publica des agglomérations
144Les arguments évoqués au cours des pages précédentes, s’ils n’ont pas la même valeur qu’une inscription qui confirmerait le statut public d’un lieu de culte, permettent toutefois d’identifier les principaux sanctuaires des agglomérations secondaires avérées ou hypothétiques, que l’on peut supposer, avec plus ou moins de certitude, avoir relevé des sacra publica des cités. Trente-quatre monuments, répartis dans trente agglomérations, ont ainsi été retenus (fig. 218 et 219 ; Bossard, 2021, vol. I, p. 474-478, tabl. XXXI) ; s’y ajoutent probablement d’autres sanctuaires moins bien documentés, ou pour lesquels il est plus difficile de préjuger de leur statut (cf. infra, 3.1.3.3).
Figure 218 : Plan d’une sélection de sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et dont le statut a pu avoir été public.

Réal. S. Bossard.
Figure 219 : Plan d’une sélection de sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et dont le statut a pu avoir été public (suite).

Réal. S. Bossard.
145L’implantation de ces monuments et leur articulation avec les autres espaces publics – notamment les places, les thermes et les édifices de spectacle – ont déjà été évoquées supra. D’une manière générale, il peut être noté qu’ils sont rattachés à des agglomérations de taille relativement grande (fig. 220), dont la surface est, la plupart du temps, supérieure à 20 ha – soit les habitats des classes I à III, selon la répartition en sept classes, proposée par M. Monteil (2012, vol. II, p. 270-273) pour les cités de l’ouest de la Lyonnaise. En revanche, les plus petits habitats sont peu représentés et, pour la plupart d’entre eux, la surface estimée est une valeur minimale qui doit probablement être augmentée – les quartiers de certains sites, tels Aubigné-Racan (S.11), Hanches (S.109), Sognolles-en-Montois (S.229) ou Genainville (S.260), demeurent effectivement peu connus.
Figure 220 : Répartition des agglomérations secondaires au sein desquelles au moins un sanctuaire a été identifié et part des habitats équipés d’au moins un sanctuaire supposé public.

Réal. S. Bossard.
146Lorsque que leur position au sein du tissu aggloméré a pu être définie, ces sanctuaires se répartissent aussi bien dans une zone plus ou moins centrale de l’habitat (pour 14 d’entre eux) que dans ses quartiers périphériques (14 autres). Néanmoins, la notion de centre et de périphérie est ici moins évidente que pour les chefs-lieux de cité, notamment pour les habitats qui s’étirent le long d’un ou de deux axes de circulation, et puisque les nécropoles établies aux à leurs portes n’ont été que rarement localisées ; par défaut, toute aire sacrée avoisinant l’une des limites supposées de l’agglomération a été considérée comme relevant d’un secteur périphérique.
147Les grands lieux de culte implantés au cœur des espaces bâtis ont pu avoir été aménagés au sein de parcelles réservées dès la fondation de l’habitat, tel qu’à Châteaubleau (S.204), Saint-Valérien (S.223) ou Amboise (S.237), qui succède à un oppidum plus ancien ; d’autres sont manifestement antérieurs au développement urbain – au Vieil-Évreux (S.79) et peut-être à Genainville (S.260) –, tandis qu’à Pithiviers-le-Vieil (S.116), l’installation d’une aire sacrée dans les quartiers centraux de l’agglomération semble postérieure de plusieurs décennies à la genèse de cette dernière (cf. supra). L’aire située au centre des habitats est parfois occupée par un véritable ensemble monumental, composé d’un sanctuaire, d’un théâtre, d’espaces vides et parfois d’autres édifices publics, autour duquel gravitent les quartiers résidentiels et artisanaux – cf. les exemples déjà mentionnés du Vieil-Évreux (S.79-81) ou de Châteaubleau (S.204). Les fouilles conduites depuis une vingtaine d’années à Amboise (S.237) ont révélé l’existence d’un conglomérat de temples et d’aires sacrées, vraisemblablement répartis autour d’une place publique, dont l’organisation générale et l’étendue devront être précisées ultérieurement. Le regroupement des principaux dieux honorés au sein de l’agglomération – au moins quatre, dont l’identité n’est pas connue, dans le cadre de cultes publics, mais aussi privés ? –, dans son quartier central et au sein de cours distinctes, évoque l’exemple bien documenté de l’insula A de Saint-Marcel/Argentomagus (Indre), en territoire biturige, qui réunit au moins trois enceintes à vocation religieuse, chacune abritant un temple (Fauduet dir., 2014, p. 40-44 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 266-275).
148Dans d’autres cas, un quartier sacré a pu avoir été établi en bordure de l’agglomération, comme le suggèrent les vestiges visibles sur les images aériennes du site de la Grande Raye, localisé au nord-ouest de l’habitat antique de Pithiviers-le-Vieil (S.115) : au moins sept édifices de culte, dont la contemporanéité ne peut être prouvée, mais est tout à fait plausible, ont été probablement rassemblés dans deux cours, séparées par un ensemble de bâtiments dont on ignore le plan et la fonction. La chronologie de ce quartier à vocation religieuse n’est toutefois pas connue.
149Par ailleurs, certains monuments sont plus ou moins isolés en lisière d’une agglomération, qu’ils soient implantés ou non à l’endroit d’un sanctuaire plus ancien, comme l’illustrent les deux exemples d’Allonnes (S.9-10). Le monument à quadriportique de Triguères (S.230), interprété comme un probable sanctuaire, est également situé en limite occidentale de l’habitat, peut-être pour avoisiner un théâtre dont l’implantation a été dictée par la topographie, tandis qu’à Montbouy (S.217), c’est la présence d’une résurgence qui a présidé au choix de l’emplacement d’un autre monument (cf. supra, 1.1.3.2). La recherche d’une certaine visibilité a aussi pu contribuer à placer le temple monumental de Mauves-sur-Loire (S.167) en bordure de falaise et en périphérie de l’agglomération antique.
150L’aire sacrée de ces sanctuaires majeurs est quasi systématiquement encadrée par un péribole maçonné, du moins à partir du courant du ier s. de n. è. La surface enclose a pu être déterminée pour vingt-quatre lieux de culte. Si l’on ne tient compte que de l’état de construction le plus récent de chacun d’entre eux, elle s’échelonne entre 600 m² (à Taden ; S.139) et environ 8 ha au Vieil-Évreux (S.79) – en considérant l’ensemble des enceintes accolées à la cour qui accueille les temples –, pour une moyenne de 8 393 m². En excluant les deux valeurs extrêmes, peu représentatives de la plupart des sanctuaires, la superficie s’étend alors entre 1 400 m² et probablement plus de 2 ha à Châteaubleau (S.204), pour une moyenne de 5 637 m² – ce qui reste tout de même supérieur à la majorité des lieux de culte recensés (cf. supra, 1.1.1.2). La cour dominée par le ou les temples est encadrée par un tri- ou quadriportique dans 9 cas, soit un quart des sanctuaires retenus, tandis que 8 autres sont simplement équipés d’une ou de deux galeries longeant un ou deux côtés du péribole.
151Le nombre de temples identifié au sein des aires sacrées varie d’un exemple à l’autre. Les deux tiers des sanctuaires dont les édifices de culte ont pu être reconnus correspondent à des cours dominées par un seul grand temple (organisation de type II, cf. supra, 1.2.2), près duquel est parfois construit un seul édicule ou, éventuellement, une série de chapelles, tandis que le tiers restant se compose de sanctuaires équipés de deux grands temples, voire davantage (type III, cf. supra, 1.2.3). La part des sanctuaires au sein desquels est rendu un culte à plusieurs divinités, possédant chacune un grand édifice, est donc relativement importante, en particulier si on les compare aux aires sacrées implantées au sein ou en périphérie des chefs-lieux (cf. supra, 1.1.2) ou dans les campagnes, que ce soit dans l’enceinte ou à l’écart des établissements ruraux (cf. infra, 1.2.3.1). Ces sanctuaires à édifices de culte multiples apparaissent essentiellement dans les quartiers centraux des agglomérations et sont parfois étroitement associés à un édifice de spectacle – à Châteaubleau (S.204) : cinq temples alignés ; Fontaine-les-Bassets (S.143) : temple à triple cella ; Le Vieil-Évreux (S.79) : trois temples reliés ; Saint-Valérien (S.223) : au moins deux temples ; Genainville (S.260) : temple à double cella).
152Si l’on ne considère que l’état le plus récent de chaque sanctuaire, ce sont cinquante temples, dont l’architecture est suffisamment documentée pour être caractérisée, qui ont été identifiés au sein des aires sacrées. Les formes monumentales sont assez peu nombreuses, mais il est remarquable que les temples de type C1 (cf. supra, 1.1.2.1), de plan rectangulaire, juchés sur un haut podium et comportant une galerie périphérique, sont assez fréquents au sein des agglomérations secondaires avérées ou probables : six exemples, répartis sur quatre sites – Aubigné-Racan (S.11), Le Vieil-Évreux (S.79), Mauves-sur-Loire (S.167) et Rieux (S.277) – ont été dénombrés, alors qu’en dehors de ce type de contexte, ce genre d’architecture n’est attestée qu’à Jublains (S.204). Les autres ouvrages particulièrement monumentaux sont relativement rares : un probable temple classique à Oisseau-le-Petit (S.21 : D), deux édifices à cella centrale et galerie périphérique, élevés sur un haut podium, à Allonnes (S.9 et S.10 : C2) et une imposante construction de plain-pied, à cella double, à Genainville (S.260) ; le bâtiment de Chelles (S.180) n’a été que partiellement étudié et reste indéterminé. Au sein des autres aires sacrées se dressent des temples à cella centrale et galerie périphérique (type B), dépourvus de podium ou dont le sol n’est surélevé que de quelques décimètres : trente-quatre constructions répondant à ces critères ont été inventoriées, dont vingt-neuf sont de plan carré ou rectangulaire (B1). Notons toutefois la présence de grands édifices, de plan circulaire à Athée (S.165 : environ 415 m²), carré ou rectangulaire à Berthouville (S.150 : environ 340 m² et 270 m²) et à Sognolles-en-Montois (S.229 : environ 290 m², 270 m² et 180 m²), ou composés d’une triple cella à Châteaubleau (S.204 : 530 m²) et à Fontaine-les-Bassets (S.143 : 250 m²). Les six bâtiments restants correspondent à des chapelles constituées d’une simple cella (type A), flanquant toujours un édifice plus imposant.
153Les sanctuaires du Haut-Empire qui ont le livré les plus importants lots d’objets interprétés comme des offrandes individuelles, ou des vestiges de sacrifices et de banquets, sont généralement ceux qui ont été fondés dès la seconde moitié du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è., si ce n’est durant le second âge du Fer (fig. 221 ; cf. supra, 2.3.2.2). C’est ainsi une ou plusieurs centaines de monnaies gauloises et augustéennes qui ont été collectées au sein des lieux de culte de la Forêterie à Allonnes (S.9), de Montbouy (S.217), d’Amboise (S.237) et de Genainville (S.260) [cf. supra, 2.2.3.1]. À Amboise, les restes fauniques, issus d’au moins quatre-vingt animaux, et la céramique – plus d’une centaine de vases en terre cuite –, témoignant d’offrandes alimentaires ou de repas tenus au sein de l’aire sacrée, sont également abondants (Laruaz dir., 2008, vol. 1, p. 30-84 et p. 85-101) ; à Jouars-Pontchartrain (S.127), le bœuf, animal coûteux et très probablement sacrifié dans le cadre de cérémonies publiques, domine d’ailleurs l’assemblage de restes osseux (cf. supra, 2.2.1 ; Blin et Lepetz, 2008). Les sites fréquentés dans le courant du ier s. de n. è., à Mauves-sur-Loire (S.167), à Jouars-Pontchartrain (S.127) ou à Allonnes (S.9 et S.10), par exemple, présentent un faciès assez varié, au sein duquel les objets de parure et les monnaies occupent une place plus ou moins considérable, mais sans que l’on puisse identifier des spécificités propres aux sites d’agglomération secondaire. Le matériel, comme souvent, est bien plus rare dans les niveaux datés entre la fin du ier s. et le iiie s., à l’exception de quelques sanctuaires établis au cœur de certains habitats, tels ceux de Jouars-Pontchartrain (S.127) ou de Genainville (S.260), où la quantité de monnaies émises après le milieu du ier s. de n. è. demeure particulièrement élevée (cf. supra, 2.2.3.1). Cette relative abondance témoigne d’une fréquentation probablement importante de ces sites centraux, où le numéraire n’est pas systématiquement collecté pour être réinvesti.
Figure 221 : Faciès mobilier des sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et supposés publics.

Réal. S. Bossard.
154L’identification des divinités constitue l’une des principales faiblesses de ce dossier : les inscriptions sont globalement rares, de même que la statuaire. Rappelons que les enceintes à temples multiples sont relativement fréquentes au sein des habitats groupés considérés, de même que, dans une moindre mesure, la juxtaposition de multiples aires sacrées. Ces espaces, « regroupant les dieux communautaires dont le pouvoir d’action était adapté aux activités et à la politique locales du moment » (W. Van Andringa, in Bertrand et al., 2015, p. 6), accueillent donc plusieurs divinités, dont la hiérarchie est manifestement exprimée par les différences de taille et d’architecture que l’on perçoit entre leurs temples. Ainsi, au cœur d’Amboise (S.237), du Vieil-Évreux (S.79), de Châteaubleau (S.204) ou en périphérie de Pithiviers-le-Vieil (S.115), on célèbre le culte de multiples divinités, sans que l’on puisse déterminer précisément l’identité du propriétaire divin de chaque temple. Au sanctuaire du Vieil-Évreux (S.79), une inscription mentionnant le dieu local Gisacus (CIL XIII, 3197), ainsi que deux statues en alliage cuivreux de Jupiter et d’Apollon (cf. supra, 2.2.2.1), proviennent des niveaux explorés au xixe s. aux abords des trois temples sur podium, sans que l’on puisse déterminer si chacun de ces trois dieux réside bien dans l’un des temples – ce qui est toutefois probable pour Jupiter, qu’il semble alors logique d’associer au plus grand d’entre eux, occupant la place centrale (Cliquet et al., 1996, p. 25 ; Guyard et al., 2012). Les découvertes effectuées au sein du téménos de l’Aumône/la Justice, à Châteaubleau (S.204), ont aussi permis d’identifier deux divinités qui ont tout à fait pu avoir leur place au sein des cinq temples progressivement dressés dans la partie orientale de la cour, et reliés par des galeries à partir du iiie s. (Parthuisot et al., 2008). Le remplissage du puits localisé à proximité du temple septentrional contenait effectivement, entre autres, une patère dédicacée à Mercure Solitumaros, ainsi que plusieurs représentations équines en alliage cuivreux ou en pierre, dont une ou deux étaient chevauchées par la déesse Epona (cf. supra, 2.2.2.1). Les objets épigraphes du trésor de Berthouville (S.150 ; cf. supra, 2.1.2.2), donnent le nom du probable titulaire de l’un des deux temples reconnus, Mercure, parfois qualifié d’Auguste ou de Canetonnessis, qui a pu avoir été honoré, sans certitude toutefois, avec sa parèdre Rosmerta ou Maia. Vénus et Apollon sont aussi mentionnés sur une patère, mais l’on ne connaît pas leur place au sein du sanctuaire (CIL XIII, 3183 ; Avisseau-Broustet et Colonna, 2017, p. 41-55 ; Dondin-Payre, 2017). Le même couple, composé de Mercure et Rosmerta, a aussi pu être révéré à Genainville (S.260), mais les fragments d’inscriptions sont ici trop lacunaires pour l’affirmer (Mitard, 1993, p. 311).
155Quant aux espaces sacrés où l’on célèbre le culte d’une divinité principale, peut-être assistée de divinités secondaires, il s’agit de dieux et déesses variés. À Plaudren (S.274), il est probable que Jupiter, Très Bon, Très Grand ait été le titulaire du temple de plan polygonal, si l’on se fie au nom gravé sur une plaquette métallique qui proviendrait de l’enceinte du péribole (Moitrieux, 2010). À Sceaux-du-Gâtinais/Aquae Segetae (S.225), apparaît le nom de la déesse éponyme Segeta, vraisemblablement liée à une source captée dans l’enceinte du sanctuaire (Æ, 1974, 423 ; Vilpoux, 1996, p. 13-15 et p. 122). Enfin, le grand dieu Mars Mullo a très probablement été choisi par la cité des Aulerques Cénomans comme divinité tutélaire, honorée dans le sanctuaire implanté en lisière d’Allonnes (S.9), sur le site de la Forêterie, où plusieurs bases de statue lui ont été offertes (Æ, 1960, 319 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 308-310 et p. 374-375), tandis que Minerve est invoquée sur une stèle-buste issue de l’autre lieu de culte de l’agglomération, aux Perrières (S.10), mais on ne sait s’il s’agissait ici de la divinité principale (Æ, 1983, 697 ; F. Bérard, in Raux et al. dir., 2015, p. 242-243, no 16). Le théonyme de Mars Mullo a aussi été lu sur un bloc en réemploi dans l’église Saint-Clément de Craon (Mayenne), voisine de 2 km du sanctuaire d’Athée (S.165), où un graffito mentionnant « Mullonis » a d’ailleurs été exhumé : il semble plausible que le grand temple circulaire de l’agglomération lui ait été dédié (CIL XIII, 3096 et 3097i ; Maligorne et Meuret, 2005). Il faudrait alors admettre que la règle énoncée par Vitruve (De l’architecture, I, 7, 1), qui préconise de placer les temples de Mars en dehors des villes, ne s’applique pas au sanctuaire de l’agglomération secondaire, qui, au demeurant, a pu avoir été fondé alors que la cité des Namnètes était encore pérégrine et jouissait d’une certaine liberté en matière de religion.
156Les quelques noms divins que l’on peut associer aux temples des principaux sanctuaires des habitats groupés installés sur le territoire des cités témoignent donc d’un éventail assez large de divinités, importées de Rome, d’origine locale ou « mixtes », qui figuraient vraisemblablement dans leurs panthéons civiques – bien que les sanctuaires publics aient pu accueillir, aussi, des cultes privés (Van Haeperen, 2020, p. 120). Si l’importance des cultes ancrés au sein des agglomérations secondaires doit être mesurée en prenant en considération l’ensemble des sacra publica de la cité (cf. infra, 5.3.2.2), il peut déjà être noté que certains sanctuaires situés en dehors des chefs-lieux, particulièrement monumentaux – on pense notamment aux exemples du Vieil-Évreux (S.79), d’Allonnes (S.9), de Sceaux-du-Gâtinais (S.225) ou de Genainville (S.260), dont le développement est intimement lié à celui des habitats associés – ont sans aucun doute occupé une place de choix au sein du paysage religieux des civitates dont ils dépendent. D’autres, plus modestes, ont pu avoir un rayonnement plus local, bien qu’on ne puisse identifier, en l’absence d’inscriptions, l’identité des dévots qui les fréquentaient au cours des fêtes religieuses ou plus quotidiennement, si l’on admet que ces sanctuaires étaient bien ouverts, toute l’année, aux habitants des agglomérations ou aux voyageurs.
3.1.3.2. Les temples privés des agglomérations secondaires : de rares exemples attestés
157À l’opposé de ces grands sanctuaires dont la monumentalité est plus ou moins marquée, il est encore difficile d’identifier les lieux de culte privés, qui ont pu avoir été gérés, par exemple, par une association professionnelle ou religieuse, établis au sein des agglomérations secondaires. L’apport des inscriptions est nul, puisqu’aucun texte issu des habitats groupés étudiés ne fait référence aux sacra privata. En outre, rares sont les aires sacrées dont la modestie des équipements et du décor architectural tranche radicalement avec les lieux de culte précédemment décrits : seuls deux exemples peuvent être retenus (fig. 222), tandis que pour d’autres (cf. infra, 3.1.3.3 et 3.1.3.4), l’interprétation des vestiges est moins aisée.
Figure 222 : Plan de deux probables sanctuaires privés aménagés dans les quartiers périphériques de deux agglomérations secondaires.

Réal. S. Bossard, d’après Bourgeois, 1982, p. 62, fig. 25 et Quévillon, 2012, p. 28, fig. 4.
158Un petit temple, situé à une vingtaine de mètres au nord-est de probables thermes dépendant de l’habitat groupé de Fontaine-les-Bassets (S.144) et à autant de mètres au sud-est d’une rue (cf. supra, fig. 210), pourrait correspondre à l’un de ces sanctuaires privés, si l’on se fie à ses dimensions réduites (81 m²) et à l’absence d’aménagements particuliers observé à ses abords (Quévillon, 2012). Faut-il restituer un péribole fossoyé, que les prospections géophysiques n’auraient pas mis en évidence ? Dans tous les cas, le bâtiment semble isolé en périphérie de l’agglomération et son emplacement n’a vraisemblablement aucun lien, non plus, avec une voie passant à 100 m au nord-est.
159Le second exemple, mieux documenté car fouillé, notamment, par C. Bourgeois entre 1974 et 1980, relève de la petite agglomération de Pouillé (S.243), qui s’étend sur au moins 3 ha en rive gauche du Cher, face à un autre habitat groupé, probablement plus vaste, localisé à Thésée/Tasciaca (Collectif, 1982 ; Cadalen-Lesieur dir., 2016). Il s’agit d’un temple de modeste taille – son emprise ne couvre que 42 m², pour son état le plus récent –, installé dans une cour de plan trapézoïdal, aux angles arrondis, ceinturée par un mur ou un muret et également de faible emprise (165 m²), soit l’un des plus petits téménos reconnus au sein des cités étudiées (cf. supra, 3.1.1.2). Si le temple, de plan carré, a bien connu deux états distincts, comme le propose C. Bourgeois (1982, p. 62-66), il n’a jamais été équipé d’une galerie périphérique ; la cella, d’abord construite en terre et en bois, a ensuite été pourvue d’un sol bétonné, de murs maçonnés, revêtus d’enduits peints polychromes, et d’une toiture de tuiles. Les autres aménagements identifiés dans la cour correspondent à deux probables édicules, dont l’un, accolé au mur septentrional du temple, était également couvert de tuiles. De l’aire sacrée, en dépit de sa surface peu importante, provient une vingtaine de monnaies, des tessons de céramique, un millier de restes fauniques – trop fragmentés pour être analysés –, une cinquantaine de rondelles en terre cuite, sept objets de parure, deux ex-voto anatomiques ou encore quelques fragments de figurines en terre cuite, témoignant d’une fréquentation assez intense de cet espace entre le début du ier s. et le iie s. ou le iiie s. de n. è. Le nom de la divinité honorée dans ce modeste lieu de culte, qui devait figurer sur une plaque de calcaire inscrite, sans doute accrochée dans le temple pour commémorer l’acquittement d’un vœu privé, n’est malheureusement pas connu, puisque le texte est lacunaire. Néanmoins, les fragments conservés indiquent que la divinité invoquée a vraisemblablement sauvé de la noyade – dans le Cher, distant de moins de 200 m ? – le fils d’un pérégrin, dont le nom a également disparu (Æ, 1976, 454 et 1978, 498 ; Picard et Bourgeois, 1980).
160Si aucun document ne renseigne l’identité des autres dévots, l’implantation de ce petit sanctuaire, aménagé à l’est d’une rue qui traverse l’agglomération et rejoint probablement la rivière, montre qu’il était probablement fréquenté avant tout par une communauté d’artisans. De fait, les découvertes réalisées dans le quartier des Bordes, prospecté et sondé à plusieurs reprises, ont révélé l’existence de grands bâtiments, interprétés comme des entrepôts, d’au moins quatorze fours de potier et d’habitations (fig. 223). L’occupation de la rive gauche du Cher, relativement peu étendue, semble donc avoir été principalement orientée vers des activités artisanales et l’établissement d’un petit sanctuaire, dans les années ou les décennies qui ont suivi la création du quartier, vers la fin du ier s. av. n. è., pourrait être lié à l’instauration de cultes privés, assurés par une corporation professionnelle résidant et travaillant dans le voisinage (Cadalen-Lesieur dir., 2016, p. 85). Il est intéressant de noter que le mur ou muret d’enceinte du lieu de culte est interrompu à trois reprises le long de la rue qui le dessert et il est donc probable que la cour sacrée, et peut-être aussi le temple, était accessible sans restriction aux visiteurs.
Figure 223 : Les agglomérations secondaires de Thésée et de Pouillé (Loir-et-Cher).

Réal. S. Bossard, d’après Cadalen-Lesieur (dir.), 2016, p. 82, fig. 62, sur fond IGN.
3.1.3.3. La question des lieux de culte implantés au sein de modestes agglomérations routières
161Dans certains cas, les informations recueillies sur le terrain sont insuffisantes pour déterminer si les cultes pratiqués au sein d’un sanctuaire l’étaient à titre public ou privé. La question se pose notamment pour une série de sanctuaires identifiés au sein de modestes agglomérations, établies le long d’une voie qui leur est sans doute antérieure et dont la surface est très réduite (moins de 7 ha, lorsqu’elle a pu être mesurée). L’observation du plan de ces habitats montre que l’axe de communication a assuré un rôle structurant lors de leur développement. En effet, les constructions composant cette dernière s’alignent sur au moins l’une de ses berges – à Pécy, le Chaufour (S.159) et Villeau (S.130) ? –, de part et d’autre de son emprise – à Beaune-la-Rolande (S.199) et à Pécy, Mirvaux (S.160) –, ou parfois le long de la route et d’une autre voie qui lui est perpendiculaire, à Baudreville (S.94) et peut-être à Lizines (S.211-212).
162Les sanctuaires intégrés au tissu de ces agglomérations n’ont généralement pas fait l’objet d’une fouille, à l’exception de celui de Baudreville, étudié par D. Jalmain en 1971-1972 (Jalmain, 1985 ; 1999a). Il s’agit d’une aire sacrée enclose, établie à une vingtaine de mètres à l’est d’un axe routier reliant les agglomérations secondaires d’Ablis et de Blois et à environ 130 m au sud d’une autre route, perpendiculaire, probablement plus importante, car assurant la liaison entre Chartres et Sens. L’hypothèse d’une agglomération secondaire repose sur l’identification, à proximité du sanctuaire, d’un ensemble de constructions, dont le plan a été dressé de façon schématique par D. Jalmain (fig. 224) : il y a reconnu les vestiges d’un important établissement enclos – station routière ou villa ? –, implanté au carrefour routier, et d’une série plus éparse d’édifices, disséminés le long des deux itinéraires. Le sanctuaire, délimité par un péribole maçonné, présente des dimensions assez modestes, avec une emprise de 830 m² et un temple de plan centré et carré de 102 m² ; d’autres bâtiments, dont l’usage n’est pas connu, se répartissent autour de la cour et sont adossés à l’enceinte. Le ou les entrées de l’aire sacrée n’ont pas été repérées et on ignore donc si une porte donnait directement sur le chemin adjacent. Quant au mobilier recueilli sur le site, il est peu abondant : quelques tessons de céramique et des restes fauniques, une dizaine de monnaies, deux fibules, un bracelet et des outils en fer ont été recensés.
Figure 224 : Le sanctuaire de la Mône à Baudreville (Eure-et-Loir) et son environnement : une agglomération routière ?

D’après Jalmain, 1971, plan h.-t. et Jalmain, 1999, p. 63, fig. 15.
- 65 Leur plan a été dressé par l’auteur de ces lignes à partir d’orthophotographies consultées sur Appl (...)
163Les quatre autres exemples, documentés uniquement par des images aériennes, sont moins bien renseignés (fig. 225 et 226). Les temples, tous de plan carré et pourvus d’une cella et d’une galerie périphérique, présentent des dimensions variées ; seul celui reconnu à Lizines (S.212), à l’est de la voie principale, se caractérise par une certaine monumentalité, avec une surface d’environ 360 m², tandis que les autres sont de taille moyenne (entre 100 et 200 m²). Les deux sanctuaires de Lizines65 et celui de Villeau (Lelong, 1992 ; archives scientifiques du sra de Centre-Val de Loire) ne comportent qu’un seul temple, tandis que deux édifices de culte, de taille différente, ont été perçus, par voie aérienne, à Pécy (le Chaufour, S.159 ; D. Jalmain, archives scientifiques du sra d’Île-de-France) et à Beaune-la-Rolande (S.199 ; Chesnoy, 2005) – où ils sont peut-être associés à deux autres cellae. Aucun péribole n’a pu être mis en évidence pour ces sites, à l’exception probable du lieu de culte occidental de Lizines (S.211), mais la qualité des clichés aériens permet de douter de son absence dans plusieurs cas ; il est aussi possible qu’une enceinte fossoyée ait délimité leur cour sacrée.
Figure 225 : Vestiges de sanctuaires probablement intégrés à de modestes agglomérations routières.

Réal. S. Bossard, d’après Lelong, 1992 ; orthophotographie Apple Maps, consultée en août 2020 ; cliché aérien de D. Jalmain (1976), Paris, archives scientifiques du SRA d’Île-de-France et Griffisch et al., 2008, p. 963, fig. 1108 ; orthophotographie mise en ligne par Google Earth, datée du 31 décembre 2003.
Figure 226 : L’agglomération secondaire de Beaune-la-Rolande (Loiret).

Réal. S. Bossard, d’après Cribellier, 2016, p. 393, fig. 2 et p. 394, fig. 3, sur fond IGN.
164L’emplacement des espaces cultuels par rapport à l’axe routier est également variable. Le sanctuaire de Beaune-la-Rolande, localisé en limite d’une vaste zone récemment fouillée au cours d’une opération préventive (Cribellier, 2016), borde directement la route, qui relie Sens et Orléans, et est implanté à l’entrée occidentale de l’habitat. Il est possible qu’il ait été fondé au moment de la création de ce dernier, entre 40 et 70 de n. è, ou peut-être plus tardivement, à l’instar d’un petit bâtiment thermal, édifié au iie s. ou au iiie s. à l’autre extrémité de l’agglomération. La situation est similaire à Villeau, bien que l’habitat soit ici moins bien connu : le temple est situé à une quinzaine de mètres d’une probable route et devait être directement accessible depuis la voie. En revanche, l’aire sacrée de Pécy est située en retrait, à l’arrière d’une rangée de bâtiments, fouillés entre les années 1970 et 1996, qui relèvent des équipements de la station routière (Griffisch et al., 2008, p. 963-967) ; un passage conduit néanmoins de la route, interprétée comme un segment du réseau d’Agrippa reliant Sens et Meaux, à la zone des temples. À plus d’un kilomètre au sud de cette agglomération, l’autre temple repéré sur la même commune, au lieu-dit Mirvaux (S.160), est également installé en bordure de la voie faisant probablement partie du réseau d’Agrippa ; il pourrait aussi avoir intégré une station routière. De fait, l’existence d’un site gallo-romain, soupçonnée depuis la fin du xixe s., a été confirmée lors d’une surveillance de travaux effectuée en 1987 le long de la route départementale 209. Au moins trois concentrations de bâtiments – d’époque romaine ou médiévale, d’après le mobilier collecté –, dont le plan n’a pas été dressé, ont été reconnues sur plus de 500 m de long, à l’est et à l’ouest de l’axe de communication (Geslin, 1998, p. 100-101 ; Griffisch et al., 2008, p. 608 et 968). Enfin, à Lizines, les édifices de culte sont localisés à proximité d’un autre tronçon de la même voie, à moins de 20 km au sud de Pécy, mais en retrait de celle-ci. En effet, les temples ont été reconnus à plus de 70 m et 100 m de la route, mais ils sont alignés, avec d’autres bâtiments, sur un même axe : il est alors possible d’envisager l’existence d’un chemin perpendiculaire, desservant l’ensemble de ces bâtiments et reliant peut-être l’axe routier à l’agglomération secondaire de Sognolles-en-Montois, située à 1 km plus ou à l’ouest.
165Ces modestes agglomérations, établies le long d’axes routiers souvent importants, voire au carrefour de deux itinéraires, ont pu servir d’étape pour les voyageurs, mais elles ont aussi accueilli, du moins pour les plus importantes d’entre elles, de véritables quartiers résidentiels et artisanaux. Au demeurant, à Lizines, parmi différents témoins d’occupations antiques, les vestiges d’un atelier de potier, dont les productions ont été diffusées à l’échelle régionale, ont été identifiés à quelques dizaines de mètres au sud du temple oriental (Poilane, 2017). Des activités métallurgiques ont aussi été pratiquées sur ce même site, ainsi qu’à Beaune-la-Rolande et à Pécy, le Chaufour (Cribellier, 2016 ; Griffisch et al., 2008, p. 963-967). Les sanctuaires associés à ces occupations, souvent modestes, pourraient avoir été gérés directement par les communautés établies au sein de ces petites agglomérations, peut-être par des associations professionnelles, et donc avoir relevé du domaine privé. Cependant, le temple oriental de Lizines, particulièrement grand, ainsi que l’aire sacrée de Beaune-la-Rolande, équipée de multiples édifices de culte, paraissent avoir été plus imposants et pourraient peut-être avoir fait partie des sanctuaires publics de la cité, ancrés au sein d’agglomérations créées le long d’axes majeurs. Dans tous les cas, il est probable que ces lieux de culte, implantés à courte distance des voies, aient été aussi accessibles aux voyageurs qui, pour les plus pieux, comme le rapporte Apulée (Florides, I), « ont coutume, si quelque bois sacré, quelque lieu saint se présente à eux sur leur route, de formuler un vœu, de faire l’offrande d’un fruit, de s’asseoir un moment ».
3.1.3.4. Des habitats groupés dotés de multiples aires sacrées : hiérarchisation ou complémentarité des cultes ?
166Comment interpréter la présence de multiples sanctuaires, souvent de petites ou de moyennes dimensions, au sein d’un même habitat groupé ? Les exemples du Vieil-Évreux (S.79-81) et d’Allonnes (S.9-10), décrits supra (3.1.3.1), ont montré qu’il existe de grandes agglomérations secondaires, dont la parure monumentale est particulièrement développée, au sein desquelles des cultes manifestement publics ont été rendus dans plusieurs sanctuaires, implantés au centre ou en lisière de l’espace habité. Si le lieu de culte le plus monumental de chacun de ces deux centres urbains peut être considéré comme un sanctuaire civique (cf. infra, 5.3.2.2), il est plus difficile de définir la place des autres lieux de culte, tant dans l’organisation des cultes de la cité que dans le quotidien des habitants. Dans d’autres cas, il n’est pas certain que l’ensemble des sanctuaires identifiés ait été bâti à titre public ; du moins, leur monumentalité n’est pas aussi marquée et l’empreinte de la cité y est donc moins évidente. Il faut alors réfléchir aux rapports qu’entretiennent ces lieux de culte avec l’habitat environnant pour tenter de comprendre leur place au sein du paysage religieux de l’agglomération. Quatre sites, relativement bien documentés à l’issue de campagnes de prospection aériennes et géophysiques, mais aussi de fouilles et de sondages, méritent d’être examinés à ce titre.
167Trois sanctuaires, dont deux ont été étudiés au cours de fouilles archéologiques, sont ainsi rattachés à l’agglomération d’Oisseau-le-Petit (S.20-22), en territoire cénoman, qui présente la particularité d’être associée à une imposante villa (Bouvet dir., 2001, p. 376-395 ; Desforges dir., 2012 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 279-281). Alors que l’exploration de l’établissement aristocratique est ancienne et que ses origines et son développement ne peuvent donc être datés avec précision, des données plus récemment recueillies indiquent que l’habitat d’époque romaine, d’une surface d’environ 20 ha, succède à une agglomération laténienne, fondée dès le début du iie s. av. n. è. (Remy, 2016, p. 53-54), et qu’il reste occupé jusqu’à la fin de l’Antiquité. Des prospections aériennes et géophysiques, ainsi que des sondages, ont révélé l’organisation générale du tissu urbain, structuré par un réseau plus ou moins orthonormé de rues et doté d’un petit théâtre et d’un probable bâtiment thermal, établis à ses extrémités nord et sud (fig. 227).
Figure 227 : L’agglomération secondaire d’Oisseau-le-Petit (Sarthe).

Réal. S. Bossard, d’après Desforges (dir.), 2012 et Monteil, 2012, vol. II, p. 245, fig. 210 et divers clichés aériens, sur fond IGN.
168Dans ses quartiers centraux, le sanctuaire des Busses (S.20), intégralement fouillé entre 1984 et 1991, a été construit en plusieurs étapes : le péribole et les portiques qui y sont accolés, définissant une aire sacrée de seulement 490 m², n’ont été bâtis que dans un second temps ; ils n’étaient pas prévus dans le projet d’origine et leur aménagement a oblitéré les fossés bordiers des rues ouest, et sans doute sud, qui les longent (C. Lambert et J. Rioufreyt, in Bouvet dir., 2001, p. 384-386 ; Monteil et al., 2015). En revanche, l’édification de son temple de plan centré, également de petites dimensions (81 m²), a probablement eu lieu dès la fondation et est postérieure, dans tous les cas, à 41 de n. è., terminus post quem déterminé par une monnaie claudienne, piégée dans le sol bétonné de la cella. Aucun argument ne permet d’envisager avec sérieux l’hypothèse d’un lieu de culte plus ancien, même si la découverte de quinze monnaies gauloises pourrait témoigner d’une prime occupation datée des premières décennies de notre ère, voire de la fin du ier s. av. n. è. L’aménagement d’un sanctuaire a donc vraisemblablement accompagné la structuration et le développement de l’agglomération d’époque romaine, à l’instar d’autres lieux de culte fondés en contexte d’habitat naissant (cf. supra, 3.1.3.1). Pour autant, il n’est pas évident de reconnaître un statut public à cette aire sacrée qui, si elle a été enrichie ultérieurement par l’adjonction d’une enceinte maçonnée et d’un quadriportique, a conservé tout au long de l’époque romaine des traits modestes, tant du point de vue de ses dimensions que de ses équipements, en particulier du petit temple ; de l’ornementation de ce sanctuaire, ne subsistent d’ailleurs que des fragments d’enduits sobrement peints en blanc ou noir.
169Un second temple (S.21), déjà évoqué (cf. supra, 3.1.3.1), a vraisemblablement été érigé sur le site de la Cordellerie, en lisière occidentale de l’agglomération et à 200 m au sud-ouest du précédent. Exploré à la fin du xixe s., on n’en connaît que peu de choses, si ce n’est son plan, classique, et quelques débris d’un décor opulent, qui comprendrait des plaques de marbre, des peintures et peut-être des mosaïques (Liger, 1895, p. 16-19 ; Bouvet dir., 2001, p. 378). Il faut probablement y voir un édifice religieux public, dont la chronologie et l’environnement proche sont peu documentés. La découverte, à proximité, d’un dépôt monétaire trahit cependant la présence vraisemblable d’un sanctuaire dès la fin du ier s. av. n. è. ou du début du ier s. de n. è., puisque les pièces sont mutilées (cf. supra, 2.2.3.1), peut-être installé – mais les preuves manquent – dans un grand enclos fossoyé identifié par voie aérienne. Quoi qu’il en soit, ce dernier semble antérieur à la construction du temple, sans doute érigé dans le courant du Haut-Empire.
170Enfin, le troisième lieu de culte (S.22), à Champ Vérette, est implanté en bordure orientale de l’habitat et dans l’axe du précédent temple, à moins de 400 m à l’est (Birée, 1998 ; Gautier et al., 2019, p. 238-239). Son plan, dressé à partir de photographies aériennes, n’est que partiel : un temple de plan centré est installé dans une enceinte délimitée par un mur maçonné, elle-même encadrée par un système de fossés, peut-être antérieurs ou contemporains. Le bâtiment de culte, de dimensions relativement petites (environ 95 m²), a vraisemblablement connu au moins deux états. Une vingtaine de tessons de céramique, mis au jour en prospection pédestre, renvoient aux deux premiers siècles de notre ère. L’examen de ces données ne permet pas de définir le statut de ce sanctuaire, qu’on ne peut toutefois qualifier de monumental.
171La documentation réunie au sujet des équipements religieux de l’agglomération, peut-être complétés par d’autres lieux de culte non identifiés, est donc lacunaire et ne permet pas d’établir avec précision la chronologie des sanctuaires, tous trois rattachés à sa phase romaine, ni de définir avec certitude le profil du ou des individus à l’initiative de leur construction. L’aire sacrée de la Cordellerie, équipée d’un temple monumental à partir d’une date inconnue, pourrait être la plus ancienne – car en activité dès la période augustéenne, au plus tard ? – et avoir fait partie des sanctuaires publics des Aulerques Cénomans, tandis que celle des Busses, au cœur de l’habitat, a conservé une apparence modeste, malgré l’adjonction d’un quadriportique. Doit-on y voir l’œuvre d’une association ou d’un notable désirant embellir l’un des sanctuaires centraux d’Oisseau-le-Petit ?
172En tout état de cause, il est tout à fait probable que la famille aristocratique possédant une imposante résidence en bordure nord-est de l’agglomération, et dont le propriétaire a pu siéger au sénat local des Cénomans, ait contribué au développement de cette dernière, avec laquelle elle semble avoir d’ailleurs noué des liens étroits : la villa, d’une emprise supérieure à 10 ha, est manifestement établie au contact du tissu urbain, face au théâtre ; de grands bâtiments, aménagés de part et d’autre de l’entrée de l’établissement, le long de la route qui prolonge sans doute l’une des rues, ont pu servir d’entrepôts pour un usage collectif, implantés à l’interface entre le domaine privé et l’habitat groupé. En ce qui concerne la parure religieuse de ce dernier, la gens propriétaire de la luxueuse demeure périurbaine a pu financer la construction ou l’ornementation de certains lieux de culte, qu’ils soient publics ou privés, telle l’érection du temple monumental de la Cordellerie ou des portiques des Busses. De telles initiatives évergétiques liées à un ancrage familial local sont d’ailleurs évoquées par Pline le Jeune, qu’une petite ville de Toscane située près de l’une de ses propriétés, Tifernum Tiberinum, avait choisi comme patron ; il y a fait bâtir un temple public, à ses frais, sur un terrain de son choix qui lui avait été cédé par les décurions de la cité (Pline le Jeune, Lettres, IV, 1 ; X, 8 ; Scheid, 1996). Il faudrait néanmoins, pour vérifier si cette hypothèse est concevable à Oisseau-le-Petit, s’assurer que la construction de la villa est bien antérieure à celle des sanctuaires.
173Dans l’agglomération de Jouars-Pontchartrain/Le Tremblay-sur-Mauldre (fig. 228), vicus de la cité des Carnutes qui s’étend sur une surface similaire à celle d’Oisseau-le-Petit – soit près de 20 ha –, existent au moins trois lieux de culte, dont deux, voisins et simplement séparés par une rue, sont rassemblés dans les quartiers nord de la ville (S.127), tandis que le troisième est localisé dans un secteur plutôt central, à proximité de la Mauldre, cours d’eau qui traversait le site.
Figure 228 : L’agglomération secondaire de Jouars-Pontchartrain/Le Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines).

Réal. S. Bossard, d’après Blin, 2000, p. 92, fig. 1, sur fond IGN.
174Le premier ensemble comprend notamment un sanctuaire enclos qui relève certainement des sacra publica de la cité, comme l’indique la présence d’un monument sculpté mentionnant – et représentant ? – les vicani, dressé dans une petite cour adossée au péribole (cf. supra, 3.1.3.1 ; Blin, 2000). L’existence de ce lieu de culte, ainsi que d’un autre temple (B) situé à une vingtaine de mètres au nord-ouest, de l’autre côté d’une rue et dans un espace a priori dépourvu de limite maçonnée, est attestée à partir de la seconde moitié du ier s. de n. è. (ph. 2 et 3). Cependant, le terrain est occupé dès la seconde moitié du ier s. av. n. è. (ph. 1), c’est-à-dire à partir des premiers temps de l’habitat, vraisemblablement fondé au cours du même siècle. La nature des plus anciens vestiges conservés – fosses, fossé, trous de poteaux, céramique, faune, cendres et charbons –, étudiés seulement sur une petite surface, ne suffit toutefois pas pour identifier la vocation du site au cours de cette première phase et on ne sait donc pas s’il s’agit déjà d’un espace partagé entre les hommes et les dieux.
175Au cours du Haut-Empire, ce sanctuaire accueille au moins un temple de plan carré, de dimensions moyennes ; sa partie méridionale n’a pas été fouillée et on ne peut exclure l’hypothèse d’un ou de plusieurs autres édifices de culte. Au sein de l’aire sacrée, a été retrouvé un abondant matériel, en particulier des monnaies, attestant une fréquentation relativement intense du site tout au long de l’Antiquité, mais aussi des restes fauniques. L’étude de ces derniers a révélé que le bœuf était l’animal de prédilection pour les sacrifices et que sa viande, découpée sur place en grande quantité, était vraisemblablement écoulée en dehors du péribole – c’est-à-dire, selon toute vraisemblance, dans les marchés ou les quartiers résidentiels de la ville (Blin et Lepetz, 2008).
176Ce sanctuaire manifestement public, dédié à une ou à plusieurs divinités dont le nom ne nous est pas parvenu, semble donc avoir constitué l’un des grands lieux de culte du vicus, voire le principal, bien que son temple, comme ses autres équipements, ne soient guère monumentaux. On ignore si d’autres équipements publics étaient installés à ses abords, puisque les terrains situés directement au sud n’ont pas été étudiés ; l’existence de thermes, à une centaine de mètres dans cette direction, est néanmoins présumée, tandis qu’un probable théâtre est situé à près de 300 m à l’est. Quoi qu’il en soit, la présence de cet important lieu de culte a peut-être été un facteur déterminant lors du choix de l’emplacement du petit temple B, dont on sait peu de chose, et qui a pu avoir abrité, à titre d’hypothèse, le culte d’une divinité honorée à titre privé. Il est aussi probable que les constructions bâties directement au nord du péribole aient eu un lien avec les activités religieuses : un grand bâtiment à deux nefs – espace de réception couvert pour des banquets ou d’autres cérémonies ? – y a été construit lors de la seconde moitié du ier s. ou dans le courant du iie s., puis, à partir du iiie s., une cour y est aménagée. Elle est vraisemblablement bordée de quelques boutiques, au sud, et accueille un puits et un édicule ; il est possible qu’elle ait été fréquentée dans le cadre d’activités annexes au culte, dont on ne peut toutefois définir les caractéristiques (Blin, 2016b).
177Quant au troisième sanctuaire de l’agglomération (S.128), distant de 200 m et dont seul un plan incomplet a pu être dressé, on ne peut en préciser la chronologie ni même l’étendue (Blin, 2000, p. 91-92). Un temple de plan centré et carré, dont les dimensions semblent inférieures à celles du bâtiment de culte du grand sanctuaire nord-ouest, occupe le fond d’une cour qui est manifestement bordée de bâtiments, donnant sur les deux rues qui l’encadrent au nord et au sud. S’agit-il de constructions liées au sanctuaire, ou bien d’habitations ou de boutiques indépendantes ? L’emprise de ce lieu de culte semble peu importante et sa visibilité, depuis les rues voisines, est limitée. Il pourrait n’avoir eu qu’un rôle secondaire au sein de l’agglomération et avoir constitué un petit sanctuaire de quartier, ou bien correspondre au lieu de culte d’une association, établi au sein de son siège, dont les principaux bâtiments seraient répartis autour de la cour. La lecture incertaine des clichés aériens et l’absence de fouilles ne permettent toutefois pas d’approfondir ces réflexions.
178Les deux derniers exemples, correspondant à des sanctuaires uniquement documentés par des prospections aériennes (à Mérouville) ou géophysiques (à Saint-Valérien), peuvent être évoqués à titre de comparaison, mais l’interprétation est ici limitée par la nature même des données recueillies.
179Il n’est pas nécessaire de revenir sur le caractère probablement public du grand sanctuaire occidental de Saint-Valérien (S.223), occupant une place de choix au sein du tissu urbain (cf. supra, 3.1.3.1). D’autres temples ont pu exister dans les quartiers centraux de l’agglomération sénone d’environ 30 ha, mais l’identification de leurs substructions est incertaine et il serait alors vain de tenter d’en préciser les caractéristiques (cf. supra, fig. 209). En revanche, un autre lieu de culte (S.224) a été assurément identifié au cours des mêmes prospections au géoradar, à seulement 40 m à l’est du premier, c’est-à-dire dans l’insula adjacente (Nouvel et Venault dir., 2017, p. 187-259). Son aire sacrée, délimitée par une enceinte aux fondations empierrées, est bien moins étendue : elle couvre environ 1 800 m², soit le quart du grand sanctuaire. Si la cour n’occupe que l’angle nord-est d’un îlot, elle a néanmoins été installée le long de la rue principale de l’habitat groupé, correspondant à l’axe routier reliant Sens à Orléans ; au demeurant, elle fait face à de probables thermes publics, dont témoigne la découverte de fragments de mosaïques et de tubulures. Cet espace enclos accueille deux temples de plan centré et carré, probablement accompagnés d’un ou de plusieurs édicules. Malgré ses dimensions relativement peu importantes, ce sanctuaire paraît donc avoir bénéficié d’une position privilégiée au sein de l’agglomération. S’agit-il pour autant d’une structure publique ? Il est possible qu’une importante communauté d’habitants, telle une corporation d’artisans, ait décidé d’installer les demeures des dieux qu’elle honore à titre privé dans un secteur particulièrement fréquenté de l’habitat groupé, afin qu’elles soient « visibles de l’extérieur par le passant et contribuent à la promotion ou à l’auto-représentation du collège », comme l’a noté Fr. Van Haeperen (2020, p. 107) au sujet de plusieurs espaces cultuels d’Ostie. Un quartier à vocation résidentielle et artisanale, équipé notamment des structures nécessaires à la pratique d’activités métallurgiques, a d’ailleurs été récemment fouillé non loin de là, à quelques dizaines de mètres au nord-est du sanctuaire (Driard dir., 2010).
180Le plan général des vestiges observés par le prospecteur aérien D. Jalmain à Mérouville (fig. 229), autre agglomération carnute couvrant une surface d’environ 40 ha, est approximatif (Jalmain, 1999b ; archives scientifiques du Sra de Centre-Val de Loire). Il est néanmoins certain qu’au moins deux sanctuaires ont existé au sein de l’habitat, traversé par deux axes routiers qui se rejoignent dans sa partie centrale ; l’un est situé dans son quart nord-ouest (S.113) et l’autre, distant d’environ 400 m, dans son quart sud-ouest (S.112). Un ou plusieurs autres lieux de culte ont pu prendre place dans les quartiers centraux, le long des voies, mais la lecture des images aériennes est ici plus difficile. S’il n’est guère aisé de mesurer avec précision les dimensions des deux aires sacrées identifiées et de leurs équipements, il peut être noté que les cours semblent s’étendre sur une surface relativement importante, supérieure à 2 000 m². Chacune d’elles est dominée par un temple principal, de plan carré et pourvu d’une galerie périphérique, qui est environné d’édicules ou de constructions diverses, accolées au péribole. Un portique a pu exister en façade principale du sanctuaire nord-ouest, qui semble d’ailleurs intégré à un îlot plus important ; à l’ouest, une enfilade de pièces pourrait constituer des annexes de l’aire sacrée ou bien des boutiques indépendantes, tournées vers une rue adjacente. En tout état de cause, les aménagements reconnus sont loin d’être monumentaux, même si l’absence de fouille nous prive des éléments d’architecture et de décor des édifices, qui ont pu avoir été soignés. Dans les deux cas, il faut admettre qu’on ne peut déterminer le statut du sanctuaire, de taille moyenne, qui pourrait tout aussi bien avoir revêtu un statut public qu’avoir été construit dans le cadre de cultes privés. Situés à l’écart des voies, dans des quartiers assez densément occupés, ils ont pu avoir été fréquentés uniquement par les habitants des rues voisines ou par les membres d’une association, ou bien avoir accueilli des célébrations au nom de la cité, pour des divinités honorées par l’ensemble des habitants de l’agglomération et de la cité, au moment de leurs fêtes religieuses.
Figure 229 : Plan schématique de l’agglomération secondaire de Mérouville (Eure-et-Loir) et de ses sanctuaires.

Réal. S. Bossard, d’après Jalmain, 1986, p. 3, p. 8 et archives scientifiques du SRA de Centre-Val de Loire.
181Ces quelques dossiers, malgré les incertitudes qui ressortent de leur analyse, montrent bien que l’étude des sanctuaires ne peut s’affranchir de l’examen des quartiers qui les environnent, mais aussi de l’organisation générale de l’agglomération, de sa chronologie, de son statut et des activités qui y sont pratiquées. Aux côtés de grands sanctuaires publics, particulièrement monumentaux, d’autres, également gérés par la cité, présentent manifestement une architecture plus modeste et une organisation somme toute peu originale. Les sanctuaires de taille moyenne sont donc difficiles à interpréter, a fortiori lorsqu’ils n’ont pas été fouillés. Il faut probablement envisager que des lieux de culte privés, même s’ils sont localisés près d’espaces publics et qu’on ne puisse aujourd’hui définir les modalités de leur accès, ont été fréquentés par des communautés de taille réduite, tandis que les espaces cultuels gérés par la cité auraient été visités par des groupes de dévots plus importants. La multiplication des aires sacrées publiques, du moins dans certaines grandes agglomérations, indique cependant qu’il faut envisager une relation de complémentarité entre leurs sanctuaires et les cultes qui y sont rendus, bien que les habitants aient pu privilégier, au quotidien, telle ou telle divinité, résidant peut-être à proximité de leur propre demeure, pour adresser leurs prières. En tout état de cause, le faible nombre de divinités identifiées au sein de ces sanctuaires constitue un obstacle majeur pour restituer le paysage religieux des agglomérations secondaires ; on ne peut comprendre si les cultes des dieux et des déesses honorés, qu’ils soient dispersés dans différents secteurs de l’habitat ou bien regroupés au sein de quartiers religieux plus ou moins amples (cf. supra, 3.1.3.1), étaient liés les uns aux autres, notamment dans le cadre de fêtes religieuses au cours desquelles les parades processionnelles pouvaient faire étape d’un sanctuaire à l’autre (Van Andringa, 2009, p. 189).
3.1.3.5. Des aires sacrées en retrait des agglomérations secondaires
182Quels rapports ont pu avoir été établis entre les dix-huit lieux de culte implantés dans la proche périphérie des agglomérations secondaires – ici considérée, comme pour les chefs-lieux de cité, dans un rayon de 1,5 km – et l’habitat qu’ils avoisinent (fig. 230 ; Bossard, 2021, vol. I, p. 496-497, tabl. XXXV) ?
Figure 230 : Plan des sanctuaires d’époque romaine localisés dans les environs proches (à moins de 1,5 km) d’agglomérations secondaires.

Réal. S. Bossard.
183Parmi ces sites, d’importants sanctuaires sont clairement à l’écart de l’espace habité, contrairement à d’autres monuments qui paraissent avoir été implantés directement en bordure de leurs quartiers, comme c’est le cas à Allonnes (S.9-10), Pithiviers-le-Vieil (S.115), Taden (S.139) et peut-être Chelles (S.180 ; cf. supra, 3.1.3.1). Pour autant, ils peuvent avoir tissé des liens étroits avec l’agglomération qu’ils avoisinent, comme l’illustre l’enceinte monumentale de la Tannerie (S.205) : bâtie à 300 m au nord des quartiers septentrionaux de l’habitat sénon de Châteaubleau, elle est néanmoins directement reliée à ce dernier – et probablement à son centre monumental – par une longue galerie (cf. supra, fig. 216 et 231). Ce sanctuaire des eaux est équipé d’une porticus triplex, ourlée d’absides et agrémentée de colonnes ornées de motifs variés, qui forme l’écrin monumental d’une cour dont le centre est occupé par un double bassin, lieu de résidence probable d’une divinité (cf. supra, 1.1.3.2 ; Revenu, 2008). Si le système d’alimentation du bassin, accessible aux dévots par des escaliers, n’est pas connu avec précision, il semble bien que l’emplacement de l’espace cultuel, en bordure d’un thalweg et en contrebas de l’agglomération, ait été déterminé par la présence ou la proximité d’une résurgence. Sa fondation remonte, au plus tard, au milieu du iie s. de n. è. et pourrait donc avoir eu lieu au cours des décennies durant lesquelles s’est développé l’habitat groupé (cf. supra, 3.1.3.1), bien que les niveaux les plus anciens du site de la Tannerie soient peu renseignés. Quoi qu’il en soit, l’aménagement de l’enceinte et surtout celle d’une galerie monumentale, prenant naissance à la porte orientale du sanctuaire et aboutissant vraisemblablement, après un parcours de plusieurs centaines de mètres, à proximité du grand lieu de culte central de l’agglomération, témoigne de travaux d’envergure et, certainement, d’un statut public.
Figure 231 : Évocation graphique du sanctuaire de la Tannerie à Châteaubleau (Seine-et-Marne).

© N. Arilla et J.-M. Woehrel, Postumus, empereur gaulois, Assor Hist & BD, 2013.
184Plusieurs arguments concourent à identifier un lieu de culte également public à environ 300 m de la sortie orientale de l’agglomération osisme de Locmaria à Quimper (fig. 232), près du sommet du mont Frugy (S.176), hauteur qui la domine d’une quarantaine de mètres (Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 294-369 ; Nicolas et Villard dir., 2019). Partiellement étudié, le site se présente, à l’ultime phase de son développement – soit à partir de la fin du ier s. ou du début du iie s. de n. è. (ph. 4) – sous la forme d’une vaste enceinte (environ 6 600 m²), dont la partie centrale est occupée par deux temples, au moins, de dimensions toutefois peu importantes (55 m² et environ 100 m²). Une importante série de bâtiments, dont un édifice marquant l’entrée orientale du sanctuaire, une grande construction composée de galeries et de petites salles latérales – probablement fréquentée dans le cadre de banquets (cf. supra, 1.1.4.2) – et d’autres aménagements, peut-être liés aux diverses activités du sanctuaire, se répartissent le long du péribole. Cet état pérennise une organisation antérieure du lieu de culte, mise en place vers les années 40 de n. è., au plus tôt, alors qu’il était délimité par un imposant fossé (ph. 3), mais la fondation du sanctuaire est sans doute encore plus ancienne. D’importants dépôts de céramiques, de faune en partie brûlée, de monnaies ou encore de fibules proviennent effectivement du comblement d’une tranchée d’implantation de palissade qui a vraisemblablement circonscrit une première aire sacrée, d’emprise différente, à partir du début du ier s. de n. è. (ph. 2). En outre, la découverte de nombreux petits vases complets en terre cuite et de quartiers de viande de bœuf, en lien avec un enclos de La Tène finale, pourrait même indiquer qu’un lieu de rituels y existe dès la fin de la période gauloise (ph. 1 ; cf. infra, 4.1.1).
Figure 232 : L’agglomération secondaire de Quimper (Finistère).

Réal. S. Bossard, d’après Nicolas et Villard (dir.), 2019, p. 29 et p. 204.
185L’aménagement du lieu de culte de Quimper pourrait donc être contemporain de la création de l’habitat groupé voisin, peu connu, né au tout début du ier s. de n. è., ou même lui être antérieur de plusieurs décennies. Il a été reconstruit à plusieurs reprises et se caractérise par une certaine longévité, appuyant l’hypothèse d’un espace public. Durant l’époque romaine, sa position à l’extérieur du tissu aggloméré ne fait pas de doute, puisqu’il est situé au-delà d’une nécropole qui en marque la limite orientale. Le sanctuaire est installé en hauteur et, selon toute vraisemblance, à proximité d’un carrefour de voies en provenance de différentes régions de la cité. En outre, il n’est probablement pas isolé : un second temple de plan centré a été découvert à 150 m au nord-ouest, rue Eugène Boudin (S.177 ; Dizot, 1896), tandis qu’un lot de plusieurs centaines de fragments de figurines en terre cuite a été mis au jour à plus de 200 m au nord, sur le site de la Tourelle (Le Men, 1868 ; Grenot, 1871 ; cf. supra, 2.2.2.1). D’autres constructions de l’époque romaine, peu documentées, ont aussi été signalées dans le même secteur et la concentration de ces différents vestiges, qui semblent en tout ou partie liés à la pratique des cultes, a conduit J.-P. Le Bihan à considérer « l’ensemble du sommet du plateau comme un espace d’environ 6 ha consacré aux activités religieuses durant l’époque romaine » (Le Bihan et Villard dir., 2012, p. 357, p. 361-362 et p. 677). Si l’on ne peut prouver que le mont Frugy était bien couvert de sanctuaires, force est de constater qu’au moins une partie de cet espace situé à l’extérieur de l’agglomération antique de Quimper devait être réservée à la pratique de la religion. Depuis le sommet de l’imposante colline, les dieux ont pu veiller aux activités des habitants de l’agglomération, bénéficiant probablement d’un point de vue sur cette dernière.
186Le sanctuaire de Saclas (S.221) s’inscrit dans une position similaire à celle des lieux de culte de Quimper : il est implanté à l’entrée méridionale d’une agglomération antique, en bordure d’une voie, mais sur un promontoire qui surplombe d’environ 30 m l’habitat, occupant la vallée de la Juine ; ce dernier est peu documenté et on ne peut en restituer l’organisation spatiale. La fouille de l’aire sacrée n’a pas mené à une publication de synthèse et les données recueillies ne permettent pas de reconstituer la chronologie du site avec précision, ni d’en cerner les limites ou de déterminer la fonction de l’ensemble de ses équipements (Pothin et Binvel, 1999 ; Dunet, 1988 ; Naudet, 2004, p. 212-214). Le sanctuaire semble avoir été fondé dès le ier s. de n. è. ; il se compose d’un temple de plan carré et centré et de diverses constructions, dont l’usage n’est pas connu, qui sont réparties à l’est et au nord, au moins, de la cour sacrée ; un bassin et différents édicules, d’où proviennent des blocs de pierre ouvragés, ont aussi été identifiés dans sa moitié nord. Il est alors difficile de déterminer si le sanctuaire est pourvu de multiples bâtiments annexes, utilisés dans le cadre des cultes, comme on peut le supposer à Quimper, ou bien s’il s’agit d’un établissement privé, installé aux portes de l’agglomération et pourvu d’un temple et d’édicules. Dans tous les cas, le site reste activement fréquenté jusqu’à la fin du ive s., comme en témoigne le nombre considérable de monnaies tardo-antiques (1 612) collectées, notamment, aux abords des édicules et du temple.
187Dans d’autres cas, l’établissement d’un lieu de culte isolé à proximité d’un habitat groupé et peut-être public semble lié à la volonté de créer un lien avec le passé, en fondant un sanctuaire à l’emplacement d’un ancien lieu de rituel laténien, à La Villeneuve-au-Châtelot (S.236), ou d’une agglomération gauloise désertée, à Entrammes (S.31 ; cf. infra, 4.1.3 et 4.2.1). En revanche, on ne peut déterminer les raisons qui ont motivé l’installation d’un important espace cultuel à Cracouville, site localisé à 1 km au sud-ouest de la grande agglomération du Vieil-Évreux (S.78 ; Baudot, 1936 ; Cliquet et al., 1996, p. 11-16). Ici, point de résurgence, de relief particulier ou de site antérieur – bien que la fouille soit ancienne et que les couches les plus profondes soient aussi les moins étudiées. Le lieu de culte semble avoir été fondé autour du changement d’ère, peut-être au même moment que le sanctuaire central du Vieil-Évreux (cf. supra, 3.1.3.1). Les jalons chronologiques manquent pour déterminer si la construction de multiples édicules et bassins, et surtout celle d’un premier temple à cella centrale et galerie périphérique, puis son agrandissement et sa monumentalisation, se font aux rythmes des édifices publics de l’agglomération voisine. En tout état de cause, l’emprise du bâtiment de culte principal atteint 349 m² dans son dernier état et les blocs recueillis sur le site, pour lequel aucun système de clôture n’a d’ailleurs été reconnu, témoignent d’un décor sculpté et peint de qualité ; il semble bien, au regard de ces éléments, qu’il faille également reconnaître un statut public au sanctuaire de Cracouville.
188À l’opposé, des lieux de culte plus modestes, localisés à quelques centaines de mètres d’agglomérations antiques, pourraient dépendre d’un autre pôle, bien que leurs abords immédiats soient souvent peu documentés. Le modeste temple du Clos Saint-Michel à Portbail (S.250), par exemple, de plan carré et d’une surface de seulement 96 m², est localisé à plus de 750 m au sud-ouest d’une agglomération secondaire, reconnue au hameau Saint-Marc, et à 120 m au nord-est du trait de côte actuel de la Manche. À ses abords, sondés à plusieurs reprises, n’ont mis en évidence que de rares aménagements de l’époque romaine (fosses, probable foyer et surface empierrée ; Delahaye dir., 2008 ; Paez-Rezende dir., 2016 ; 2017). En revanche, des recherches effectuées dans l’église Notre-Dame de Portbail, localisée à 100 m au sud-ouest du temple, y ont révélé l’existence d’un vraisemblable édifice balnéaire antique, daté sans précision (Bonhomme, 2013). Ainsi, plutôt que de voir dans les vestiges d’époque romaine du Clos Saint-Michel les témoins d’une « ville basse tournée vers une activité portuaire autour du havre » (Coulthard, Paez-Rezende dir., 2012, p. 3), la faible densité de structures et la présence d’un petit temple et d’un édifice thermal, dans un secteur assez peu bâti, suggèrent l’existence d’un établissement rural et ses annexes, telle qu’une villa implantée sur le littoral, à quelques centaines de mètres d’une agglomération.
189Il est également possible que le temple du Villier, à Chênehutte-les-Tuffeaux (S.6), ait dépendu d’un habitat rural, situé dans un vallon, probablement parcouru par un chemin, à 300 m environ au sud-ouest et à une trentaine de mètres en contrebas de l’agglomération voisine, sise au sommet d’un plateau (cf. supra, fig. 208 ; Boisbouvier et Bouvet, 1984). Effectivement, d’autres témoins d’occupations antiques ont été reconnus dans un rayon de 200 m autour du lieu de culte, fondé au plus tard durant le dernier tiers du ier s. de n. è. et doté d’un temple de dimensions moyennes ; il s’agit notamment d’un édifice identifié à partir d’images aériennes et de prospections au sol, manifestement pourvu d’une cour à péristyle et de salles chauffées (Provost, 1988b, p. 56). L’hypothèse d’un établissement rural, équipé d’un temple et de thermes, entre autres, semble alors tout à fait plausible. De même, au Havre (S.84) un temple est installé en rebord de plateau et domine ainsi l’agglomération antique d’Harfleur, cantonné à la vallée de la Lézarde, à plus de 500 m à l’est. L’architecture et le décor du bâtiment de culte sont de qualité, comme en témoigne la découverte de fragments de colonnes et d’entablement en pierre, ainsi que d’enduits peints polychromes. Selon son inventeur, L. Fallue (1840, p. 124-126), il existait auprès du temple les vestiges d’une villa, protégés au début du xixe s. par une butte de terre ; vers 1820, l’affaissement de la voûte d’une cave est à l’origine de la découverte, sur ce site, d’un abondant mobilier, composé de vases en terre cuite et d’objets en alliage cuivreux et en fer. Si l’on ne peut prouver, en l’état des connaissances, qu’il s’agit bien d’un établissement aristocratique rural, il est toutefois probable que le temple relevait d’un ensemble plus vaste, peut-être privé – à moins de restituer, comme à Quimper, un quartier religieux distinct de l’habitat, qui surplomberait ce dernier, mais les preuves manquent.
190Les autres exemples sont peu documentés et n’appellent que quelques commentaires. Il s’agit notamment de temples qui semblent isolés de toute construction – des édifices de plan circulaire à Gennes (S.7 ; Leroux, 2012) et de plan carré à Entrammes, la Furetière (S.30 ; Gautier et al., 2019, p. 269) et Panzoult (S.242 ; Troubady et al., 2019, p. 272-277) –, ou bien associés à un bâtiment à double galerie, à Vaudoy-en-Brie (S.162 ; Brunet, 2016), ou installés dans une enceinte de plan rectangulaire, à Arnières-sur-Iton (S.42 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 114). Enfin, à Triguères (S.231 ; Boutet de Monvel, 1863, p. 138-140 et p. 154-155), un temple, peut-être construit à l’emplacement d’une architecture mégalithique plus ancienne (cf. infra, 4.2.2), avoisine une enceinte de plan carré, abritant un édicule qui pourrait correspondre à une autre cella – ou à un monument funéraire ? Les données sont insuffisantes pour déterminer si ces lieux de culte, situés à plus de 300 m – et même, la plupart du temps, autour de 1 km – d’un habitat groupé, ont été aménagés ou non à proximité d’un établissement rural.
3.2. Sanctuaires et campagnes, des établissements ruraux aux champs
191La majorité des sites étudiés s’inscrit dans un contexte a priori rural, malgré les réserves évoquées en introduction de ce chapitre, puisque leurs abords n’ont été que rarement étudiés. L’examen de leur environnement proche, lorsqu’il est documenté, révèle une variété de configurations, avec la présence – ou l’absence – de divers aménagements, dont l’interprétation n’est pas toujours aisée, à plus ou moins courte distance des périboles. Après quelques remarques sur les lieux de rituels gaulois implantés à l’extérieur des agglomérations, seront analysés les lieux de culte aménagés au cœur des domaines des villae, à proximité ou au sein de l’enclos résidentiel, puis ceux qui sont manifestement installés au sein d’établissements ruraux plus modestes. Enfin, il faudra déterminer les caractéristiques des autres sanctuaires, a priori situés à l’écart des habitats groupés et ruraux, et étudier leur place au sein des campagnes et du maillage des établissements ruraux. La mise en évidence de modestes constructions à leurs abords, dans plusieurs cas, invitera aussi à réfléchir à l’existence de dépendances, d’habitats temporaires ou de hameaux développés à leurs abords.
3.2.1. L’environnement des sanctuaires a priori ruraux du second âge du Fer
192L’environnement proche des sanctuaires de l’âge du Fer considérés comme ruraux est encore peu documenté. Leur implantation au sein des campagnes est d’ailleurs souvent présumée en l’absence d’habitat groupé reconnu à leurs abords, mais le réseau des agglomérations gauloises ne peut être, aujourd’hui, qu’en partie restitué. En l’état des connaissances, les lieux de rituels situés à l’écart des agglomérations semblent donc être plus nombreux que les espaces cérémoniels des villes gauloises.
193Durant le Haut-Empire, certains lieux de culte d’origine laténienne sont intégrés aux quartiers d’une agglomération ou localisés dans sa proche périphérie ; en l’état des connaissances, on ne peut cependant pas démontrer que l’habitat d’époque romaine succède également à une agglomération de la fin de l’âge du Fer et les sanctuaires correspondants semblent donc être restés plus ou moins isolés jusqu’au changement d’ère, tel qu’à Meaux (S.158, ph. 1 ; D. Magnan, in Griffisch et al., 2008, p. 713-819 et 2006, p. 182-183), La Villeneuve-au-Châtelot (S.236, ph. 1 ; Nouvel et Venault dir., 2017, p. 344-351) ou encore Allonnes (la Forêterie, S.9, ph. 1 ; Brouquier-Reddé et Gruel dir., 2004, p. 296-306 ; Brouquier-Reddé et Gruel, 2015, p. 74-76 ; Remy, 2016, p. 50-51).
194D’autres lieux de culte, que l’on suppose avoir pris place à l’écart des agglomérations de l’époque romaine, semblent déjà prendre place en milieu rural au cours du second âge du Fer. La grande enceinte de Juvigné (S.36, ph. 1), installée sur un terrain relativement plat et abritant un sanctuaire vraisemblablement fondé vers la fin du iiie s. ou le début du iie s. av. n. è., paraît ainsi avoir été isolée, mais son environnement archéologique est très peu connu, puisqu’aucun vestige d’époque gaulois ou romaine n’a été identifié dans un rayon de 2 km (Bossard, 2014, vol. 1 ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016). Le constat est le même pour l’enclos de Bennecourt (S.254, ph. 1), qui pourrait être situé à l’écart de toute occupation gauloise, au sommet d’un promontoire, la butte du Moulin à Vent, bordé par un méandre de la Seine qu’il domine de plus de 85 m (Bourgeois dir., 1999, p. 11 et p. 195-196). Si la topographie et la proximité possible de limites de peuples gaulois a pu avoir été déterminante au moment de son implantation (cf. infra, 5.3.2.2), il faut reconnaître que les environs de l’espace cérémoniel, au sommet de la butte, n’ont pas été étudiés et qu’un habitat laténien a pu aussi y exister et motiver sa fondation.
195Certains lieux de rituels, aménagés dès le second âge du Fer, ont peut-être noué des liens de dépendance avec des établissements ruraux, dont on ne sait toutefois que peu de chose (fig. 233). À Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 1), les plus anciens enclos reconnus sur le site, attribués – sans plus de précision – à La Tène finale, ont été aménagés au contact d’une vaste enceinte fossoyée, dont le tracé est irrégulier, qui se développe vers le nord et se prolonge au-delà du secteur fouillé (Guillier dir., 2020, p. 36-38). L’intérieur du grand espace ainsi circonscrit n’a livré aucune structure et pourrait accueillir un vaste établissement rural, auquel se rattacherait ce petit sanctuaire, à moins d’envisager qu’il ne constitue une dépendance de ce dernier ou, du moins, une aire étroitement associée. Une telle configuration a par exemple été mise en évidence à Mirebeau-sur-Bèze (Côte-d’Or ; Joly et Barral, 2012, p. 87), dès le iiie s. ou le iie s. av. n. è. : une enceinte aux contours irréguliers, mesurant environ 60 m de diamètre et dont la fonction n’est pas connue, enserrait probablement une faible éminence qui paraît exempte de constructions – enserre-t-elle un espace boisé ?
Figure 233 : Vestiges de sanctuaires de l’âge du Fer avérés ou hypothétiques et de leur environnement rural.

Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 38, fig. 17 ; Pernet et al., 2011, p. 264, fig. 4.
196L’association d’une enceinte à vocation probablement religieuse et d’un grand enclos rappelle aussi les aménagements observés aux Sept-Perthuis, sur la commune de Saint-Malo, où la présence d’un sanctuaire préromain est toutefois incertaine, puisque seul un fragment d’épée y évoque clairement des pratiques rituelles (cf. infra, 4.1.1). Ici, deux ou trois enclos successifs sont également installés en bordure méridionale d’une grande enceinte d’au moins 2 300 m², délimitée par un modeste fossé au tracé curvilinéaire, qui abrite quelques fosses et au moins un bâtiment sur poteaux – faisant partie d’une exploitation agricole ? –, mais dont l’essentiel est localisé en dehors de l’emprise de l’opération archéologique. Il ne fait pas de doute que l’état le plus récent de l’enclos qui a pu avoir été réservé aux rituels, prenant appui contre la grande enceinte, a été aménagé à la même période que cette dernière, de laquelle ne provient toutefois que de rares objets (Bizien-Jaglin et Lejars, 2003). L’espace interprété comme un possible sanctuaire, qu’il ait ou non servi dans le cadre d’activités religieuses, pourrait ainsi constituer la dépendance d’un établissement rural plus vaste.
197À Alençon (S.194, ph. 1), le mobilier manipulé dans le cadre de rituels – armement, parure, restes fauniques et céramiques – provient du remplissage d’une section longue de quelques mètres d’un fossé suivi, au total, sur plus de 90 m (Pernet et al., 2011). Cette structure, profonde de 1,50 m, est comblée durant La Tène finale, avant de laisser place à une clôture de bois puis à un édifice maçonné ; elle a peut-être constitué, durant la période gauloise, la limite sud-ouest d’un vaste établissement rural, divisé en plusieurs enclos : l’angle d’une autre enceinte fossoyée, également datée du second âge du Fer, a été repéré à environ 50 m au nord-ouest de la zone riche en mobilier. À l’emplacement de cette dernière enceinte a d’ailleurs été aménagé, durant le Haut-Empire et avec un décalage de quelques mètres, un établissement enclos d’environ 2 000 m², circonscrit par des murs et pourvu d’au moins un bâtiment, d’un puits et de deux salles chauffées, situées sur sa façade nord-ouest. Cette enceinte d’époque romaine, partiellement fouillée, s’apparente donc à une petite villa et semble alors avoir succédé à un habitat plus ancien, gaulois, délimité par les fossés. Durant le second âge du Fer, la zone réservée aux pratiques rituelles aurait alors pris place à proximité du long fossé, servant d’enceinte au premier établissement rural et dans lequel auraient été enfouis les objets lors d’une phase de réaménagement majeure. Avec toutes les réserves possibles, on peut donc émettre l’hypothèse d’un sanctuaire privé de La Tène finale, qui dépendrait d’un établissement rural peut-être aristocratique, même si les éléments de comparaison, à l’échelle des Gaules, sont peu nombreux (Menez dir., 2021, p. 358-359). Cependant, des armes, des parures, des ossements de faune et de la vaisselle en terre cuite ont aussi été recueillis dans un imposant fossé ceinturant l’extrémité de l’éperon de la Fosse Muette à Montmartin (Oise), au sein d’un établissement plus vaste. Bien que partiellement fouillé, celui-ci est interprété, d’après l’étude du mobilier qui y a été collecté, comme le lieu de résidence d’une famille d’aristocrates, occupé essentiellement durant La Tène moyenne et finale (Brunaux et Méniel, 1997).
198Enfin, à Balloy (Seine-et-Marne), un petit enclos carré, dont la fouille a permis de recueillir une quantité relativement importante d’amphores italiques du début du ier s. av. n. è. (cf. supra, 2.2.1.3), pourrait être associé à d’autres aménagements relevant d’un même ensemble, dont la contemporanéité n’est toutefois pas assurée (Poyeton et Séguier, 1999). Un bâtiment sur poteaux, d’une emprise d’au moins 80 m², est établi à une quinzaine de mètres au sud de l’enclos, tandis que d’autres constructions plus petites, dont le plan et la fonction sont incertains, ont aussi été identifiées à moins de 80 m de l’enclos ; une monnaie gauloise épigraphe, un creuset et des tessons de céramiques et d’amphore proviennent de ce secteur (P. Gouge et J.-N. Griffisch, in Griffisch et al., 2008, p. 249-254). Il est difficile d’interpréter cet ensemble de vestiges, qui pourraient appartenir aux annexes d’un établissement plus vaste, dont la partie centrale n’aurait pas été identifiée, voire – mais cela semble moins probable – relever d’un habitat plus modeste, établi auprès de l’enclos carré et dépourvu de limites fossoyées.
199L’environnement des sanctuaires a priori ruraux de la fin de l’âge du Fer est donc encore peu documenté à l’échelle du territoire étudié : si certains modestes lieux de rituels semblent dépendre d’un établissement plus vaste, et auraient alors été gérés par une ou plusieurs familles résidant en leur sein, force est de reconnaître que les abords immédiats de la plupart des sanctuaires préromains ne sont pas suffisamment renseignés pour déterminer d’éventuels liens avec des habitats proches. L’examen de ces quelques sites montre bien qu’il existe manifestement une variété de formes de sanctuaires ruraux gaulois, depuis de petites enceintes – tout à fait similaires, du point de vue de leur forme et de leurs dimensions, à celles de Saumeray, situées en bordure d’une agglomération (cf. supra, 3.1.1) – jusqu’à de vastes enclos ou de grands ensembles de constructions, dont l’organisation générale et l’évolution n’ont pu être restituées avec toute la précision souhaitable. Quant aux pratiques qui y sont réalisées (cf. supra, 2.3.2.1), elles sont variées – dépôts d’armes, de parures, de monnaies, probables banquets – et semblent également similaires à celles que l’on retrouve en contexte d’habitat groupé (cf. infra, 4.1.2).
3.2.2. Temples et résidences rurales antiques : des liens étroits
200À partir de la période augustéenne, il ne fait plus de doute qu’une partie des lieux de culte localisés à l’écart des agglomérations est implantée au sein même d’établissements ruraux enclos ou à leurs abords immédiats. Les dimensions et les équipements des habitats parsemant les campagnes permettent de distinguer, parmi ces derniers, deux grandes catégories : les exploitations agricoles dotées d’un espace résidentiel luxueux (les villae), correspondant aux propriétés rurales des notables, et des établissements plus modestes, que l’on peut qualifier de fermes, qu’elles soient autonomes ou qu’elles dépendent d’un domaine plus important. Les temples reconnus ont surtout été identifiés au sein des villae, qui comportent généralement deux ensembles, séparés de manière plus ou moins nette en fonction des cas : d’une part, des bâtiments à vocation résidentielle – la pars urbana, généralement enclose –, dont la construction (en dur) et le décor sont soignés, et qui sont agrémentés d’équipements de confort (salles chauffées, thermes) ; d’autre part, elles sont pourvues de logements pour la main-d’œuvre travaillant sur le domaine et d’infrastructures liées aux activités de production et de stockage qui y sont pratiquées (pars rustica) ; ces dépendances sont parfois réunies dans une même cour, voisine de la pars urbana (Ferdière, 1988, p. 158 ; Gandini, 2008, p. 96-98, p. 100 et p. 246-249 ; Gros, 2017, p. 265-266 ; Nüsslein et Bernigaud, 2018, p. 154-163).
201Les espaces cultuels établis au sein même des villae ont très probablement été aménagés et administrés par le propriétaire de ces dernières, à l’instar de Pline le Jeune, qui a assuré l’entretien et l’embellissement d’un temple de Cérès, édifié dans l’une de ses propriétés italiennes (Pline, Lettres, IX, 39). Ces sanctuaires relèvent alors des sacra privata, du moins si l’on peut prouver que leur développement est bien lié et concomitant à celui de l’établissement : leur contrôle n’est pas assuré par les autorités de la cité, mais par un propriétaire terrien. Comme l’indique Pline, la fréquentation de ces lieux de culte privés peut dépasser le cercle familial et concerner une communauté rurale plus élargie, résidant probablement dans les environs (Scheid, 1996, p. 243-244). L’examen des critères d’implantation du lieu de culte au sein de l’établissement, mais aussi de ses caractéristiques architecturales, des témoins matériels des pratiques religieuses et de leur chronologie est alors nécessaire pour réfléchir aux modalités de leur fréquentation et à leur ouverture ou non aux populations environnantes.
- 66 Il s’agit des cités du Vésuve (Bassani, 2008), de la Cisalpine (2011), de l’Italie centrale (2017), (...)
202La question des cultes assurés au sein de résidences rurales ou, plus largement, sur les domaines des villae a été récemment traitée pour plusieurs régions du monde romain occidental, et tout particulièrement dans les travaux de M. Bassani, portant sur différents secteurs de l’empire66. En ce qui concerne plus spécifiquement les campagnes des provinces gauloises, le sujet a aussi été abordé dans le cadre de plusieurs synthèses réalisées à l’échelle des Trois Gaules (Ferdière, 1988, p. 249-261 ; Fauduet, 2004 ; 2010, p. 62-66 ; 2018) et, pour des territoires plus réduits, lors de bilans dressés au sujet de plusieurs cités d’Aquitaine – les Arvernes et les Vellaves (Mitton, 2008, p. 129-133) et, plus récemment, les Bituriges Cubes (Girond, 2015, vol. 1, p. 306-325 ; Girond et Gandini, 2018). S’y ajoutent les recherches, déjà évoquées pour les contextes urbains, que M. Mauger mène actuellement autour des cultes domestiques et dont les premiers résultats, centrés sur l’ouest des Gaules, ont fait l’objet de plusieurs publications (Mauger, 2018 a et b. ; Mauger, en préparation).
203Au sein des villae ou d’établissements ruraux plus modestes, les espaces cultuels pouvaient prendre des formes très variées, comme l’ont montré les travaux de M. Bassani ou encore ceux de M. Mauger pour la péninsule armoricaine. Un autel et des figurines à l’effigie de dieux et déesses, ou encore d’animaux, peuvent prendre place dans une niche, dans un édicule ou sur un podium aménagé au sein de l’une des pièces de la résidence, notamment dans la cour à péristyle, voire dans une salle réservée à l’exercice du culte, qui peut d’ailleurs être agrémentée de peintures représentant des personnages divins ou des scènes à caractère religieux. Ces chapelles domestiques, généralement qualifiées de sacraria, constituent les manifestations les plus modestes de la religion privée et n’ont pas été prises en compte ici. Il est probable qu’elles accueillent exclusivement les dévotions de la communauté familiale et leur implantation obéit donc à des règles spécifiques, liées notamment à l’organisation interne des résidences. Dans le cadre de cette enquête, n’ont été retenus que les temples formant une construction indépendante de la demeure, qu’ils aient été édifiés dans la cour principale de l’habitat, dans un enclos réservé à la pratique de la religion, dans un espace ouvert partagé entre des constructions de diverses natures ou encore en bordure de l’établissement rural.
204Du reste, l’identification de ces cellae bâties au sein ou en périphérie immédiate des habitats ruraux n’est pas toujours évidente, a fortiori lorsque leurs vestiges sont arasés jusqu’aux fondations et que peu de mobilier en provient, ou bien que leur plan n’a pu être dressé qu’à partir d’images aériennes ou d’investigations géophysiques. Ainsi, l’interprétation des structures conservées, qu’elles soient modestes ou au contraire monumentales, est parfois équivoque : on ne peut trancher, dans certains cas problématiques, entre l’hypothèse d’un bâtiment de culte et celle d’un monument funéraire, ou encore celle d’un équipement voué à agrémenter l’un des espaces ouverts de la villa, tel un bassin, la base d’une statue ou un édicule qui ne serait pas considéré comme la résidence d’une divinité (Bossard, à paraître).
205Par ailleurs, certains sanctuaires ruraux et privés ont sans doute été établis à plusieurs centaines de mètres de l’habitat dont ils dépendent, en particulier pour les domaines relevant de demeures aristocratiques, plus ou moins vastes. Pour les archéologues qui étudient leurs vestiges, il est alors difficile d’établir avec certitude un lien entre l’habitat et son lieu de culte, surtout lorsque l’environnement archéologique du ou des temples est peu documenté. Seuls les exemples localisés à moins de 200 m de villae ont été pris en considération ici, tandis que les autres, généralement moins bien documentés, sont discutés infra (3.2.3.5). D’autres exemples de temples, a priori établis au sein d’habitats ruraux dont l’architecture et les équipements sont trop modestes pour être qualifiés de villae, doivent aussi être analysés, de même qu’un édifice installé au sein d’un probable établissement à vocation métallurgique.
3.2.2.1. Sanctuaires et pratiques religieuses au sein des villae
206Au regard de ces éléments et si l’on écarte les exemples les plus douteux, ce sont trente-et-un sites qui peuvent être retenus pour analyser l’implantation, les équipements, les pratiques rituelles, la chronologie et la fréquentation des sanctuaires avérés ou probables des villae du centre et de l’ouest de la Lyonnaise (fig. 234 ; Bossard, 2021, p. 512-515, tabl. XXXVI).
Figure 234 : Répartition des sanctuaires de l’époque romaine implantés au sein ou en bordure d’établissements ruraux.

Réal. S. Bossard.
L’implantation de l’espace cultuel au sein de l’établissement : des configurations variées
207D’un point de vue général, l’observation de la position du ou des temples au sein ou en lisière de l’établissement révèle des configurations très variées, qui transcrivent les liens plus ou moins étroits que l’on a souhaité instaurer entre les dieux, les propriétaires de la demeure principale et, souvent, les autres habitants du domaine (fig. 235 à 242).
- 67 Le plan a été dressé par l’auteur de ces lignes, à partir de divers clichés pris par A. Lelong entr (...)
208La volonté de bâtir un édifice de culte au plus près de la résidence aristocratique est manifeste dans plusieurs cas (fig. 235 et 236). À Erceville (S.208 ; Godefroy, 2011), il prend ainsi place dans l’angle nord-ouest de la cour de la pars urbana, bordée sur trois côtés de portiques ainsi que, à l’est, par une série d’appartements et, au sud, par un probable ensemble thermal. L’établissement de Viabon67 (S.129) paraît plus modeste et présente une configuration plus originale, puisque ce qui s’apparente au cœur d’une villa est circonscrit par une enceinte de plan polygonal. Cependant, l’emplacement du temple rappelle celle de l’exemple précédent : il occupe manifestement la moitié occidentale d’une cour, dont l’ampleur semble limitée. Si les édifices D et E de la villa de Bais (S.183) correspondent bien à des temples, et non à d’autres types de structures, la situation est comparable : ces édifices de culte seraient installés dans la cour résidentielle, à quelques mètres de la demeure, qui s’inscrit ici dans un seul corps de bâtiment (Pouillé dir., 2011).
Figure 235 : Plan de villae équipées d’un temple installé au sein même de la cour de la pars urbana.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 236 : Plan de villae équipées d’un temple installé à proximité de la résidence principale.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
209Pour ces exemples, les temples sont avant tout accessibles à la famille qui réside au sein de la pars urbana et à ses invités ; aucun péribole n’a alors été aménagé pour les isoler de l’établissement – à moins de restituer des clôtures de bois, des murets ou des haies n’ayant laissé aucune trace archéologique – et les dieux semblent alors accorder leur protection à l’ensemble de l’espace habité et enclos. Des comparaisons pertinentes peuvent être effectuées avec les établissements de Montgermont (S.187 ; Le Martret et al., 2015) et de Plomelin (S.174 ; Arramond et al., 2013), même si la reconnaissance d’un temple est incertaine (cf. infra) et que, pour ce dernier cas, aucune enceinte n’a été à ce jour identifiée autour de la pars urbana.
210Dans d’autres habitats avérés ou probables, caractérisés par des dimensions moindres et par un bâtiment résidentiel moins imposant – du moins lorsqu’il a été reconnu –, le temple peut aussi avoir été édifié au sein du seul enclos identifié, généralement le long de l’un de ses côtés : une telle disposition peut être envisagée à Saint-Denis-du-Maine (S.39 ; Séris dir., 2015) et à Coulombiers (S.13 ; archives scientifiques du sra des Pays de la Loire), probables petites villae, ainsi qu’à Corbeilles (S.206 ; Poitevin, 2015) et peut-être à Barmainville (S.93 ; Lelong, 2011). Au sein des petites villae de Nouvoitou (S.191 ; Gautier et al., 2019, p. 248-249) et de Carnac (S.272 ; Miln, 1877), le temple a été bâti sur l’un des côtés d’une cour réunissant les composantes de la pars urbana – voire de la pars rustica ? –, assurant ainsi un accès pratique depuis la résidence (fig. 237).
Figure 237 : Plan de villae équipées d’un temple installé à proximité de la résidence principale ou dans la cour agricole, avec les autres dépendances.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
211À l’opposé, dans d’autres habitats, l’espace cultuel est intégré à la cour des dépendances, où il occupe parfois une place de choix (fig. 237) ; son accès ne semble pas avoir été réservé à la famille aristocratique, puisqu’il ouvre sur un espace polyvalent, où réside probablement une partie des travailleurs du domaine. L’exemple de Pannes (S.220 ; Renard et David dir., 1997), dont la pars urbana n’a pas été découverte, est significatif : plusieurs temples et édicules ont été implantés dans la partie centrale d’une cour trapézoïdale, dans un espace délimité par une clôture de bois (cf. infra). Son entrée est vraisemblablement localisée à quelques mètres à l’arrière de l’accès principal de la villa, tandis que les autres constructions de la pars rustica, ainsi que des thermes bâtis dans l’angle oriental de la cour, ont été répartis sur les longs côtés du trapèze. Les temples devaient ainsi s’imposer à la vue des visiteurs, lorsqu’ils pénétraient dans l’enceinte de la villa, tandis que la pars urbana, située à plus d’une centaine de mètres au nord-ouest, devait apparaître à l’arrière-plan. Une telle mise en scène a probablement été recherchée, aussi, à Souzy-la-Briche (S.123), si l’interprétation d’un temple est correcte pour un grand bâtiment de plan circulaire, situé à quelques mètres en avant de la pars urbana et peut-être au fond d’une vaste cour qui se déploierait au sud de cette dernière (fig. 238 ; Piozzoli et al., 2015). À Richebourg (S.118), le secteur à vocation religieuse a également été placé près de l’entrée de l’enclos résidentiel, dans la vaste cour de plan trapézoïdal, mais il est décalé au sud-ouest du porche marquant l’accès au cœur de l’habitat et n’est donc pas placé dans son axe. Le maître des lieux n’avait qu’à parcourir quelques dizaines de mètres, depuis la porte menant à sa demeure, pour rejoindre les temples, qui étaient vraisemblablement fréquentés, aussi, par les autres habitants du domaine. Quant au temple de Venables (S.270), il s’insère parmi les multiples constructions flanquant la grande cour agricole, à 200 m au sud-est de la pars urbana (Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 692). Enfin, à Sermaises (S.228), la zone des temples est sise dans une vaste cour autour de laquelle se déploient de multiples constructions, relevant probablement à la fois des quartiers résidentiels du maître et des dépendances utiles au fonctionnement du domaine (cliché Ph. Besse, archives scientifiques du sra de Centre-Val de Loire).
Figure 238 : Plan des villae de la Cave Sarrazine à Souzy-la-Briche (Essonne) et des Sommeries à Boiscommun (Loiret) et de leur hypothétique temple de plan circulaire ou octogonal.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
212Dans plusieurs villae, le temple, dont l’identification est toutefois hypothétique (cf. infra), a pu avoir été construit dans une cour voisine de celle qui abrite la résidence principale, parfois avec d’autres aménagements qui ne relèvent pas, a priori, d’un sanctuaire (fig. 239). C’est le cas d’un possible édifice de culte – ou d’un bassin ? – aménagé en bordure sud-ouest de l’un des espaces à ciel ouvert de la villa de Saint-Martin-de-Bréthencourt (S.120 ; Gauduchon, 2015), tandis que son angle nord-ouest est occupé par un imposant édifice thermal. À Boiscommun (S.201 ; Morin et al., 2017), un possible temple de plan polygonal (fig. 238) est localisé à l’extrémité orientale d’une cour prolongeant au sud les bâtiments de la pars urbana ; d’autres constructions, difficilement interprétables à partir des résultats de prospections géophysiques et aériennes, semblent avoir pris place à ses côtés. De même, un édifice de plan centré et carré – temple ou monument funéraire ? – a été aménagé dans l’angle méridional d’une grande enceinte englobant le secteur résidentiel de la villa de Conan (S.104 ; Delétang et Leymarios, 2005, p. 89), qui a pu accueillir, comme à Boiscommun, des jardins. À Guichainville (S.62 ; Guillier et Lourdeau dir., 2006), les deux possibles temples sont au centre d’un enclos, délimité par une série de fossés et de clôtures en bois, dont la surface est équivalente à celle de la cour encadrant la demeure, accolée au sud ; d’autres modestes constructions, un puits et des fours ont aussi pris place au sein du même espace enclos, mais ils sont peut-être antérieurs ou postérieurs aux édifices centraux.
Figure 239 : Plan de villae équipées d’un temple installé dans un espace distinct de la cour résidentielle.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
213Plus rarement, l’aire sacrée peut avoir été délimitée par sa propre enceinte, que l’on peut alors qualifier de péribole, tout en étant placée à proximité de l’enclos résidentiel (fig. 239 et 240). À Bais (S.183) et à Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192) – comme à Prégilbert (Yonne), sur le territoire des Éduens (Delor dir., 2002, p. 544) –, le sanctuaire est au demeurant localisé à la charnière entre la pars urbana et la cour agricole, et était peut-être accessible directement depuis une voie qui longe l’établissement à l’est (Provost, 1990 ; Pouille dir., 2011 ; Simier dir., 2016). Ils se caractérisent ainsi par un rapport privilégié avec la pars rustica et le domaine, tout en étant à proximité de la résidence principale (Mauger, 2018b, p. 343). Un tel lien est moins évident à Mareuil-lès-Meaux (S.157 ; Bet et Delage dir., 2008), étant donné que le ou les cellae ont été construites en retrait de la cour des dépendances, dans un espace bordant au sud la pars urbana, de même qu’à Saint-Patrice (S.237 ; Guiot, 2003), où les dépendances semblent avoir été concentrées au nord de la cour résidentielle, tandis que le petit sanctuaire prend place au-delà de portiques, à l’est de celle-ci. Il est possible que des fossés, perceptibles sur des clichés aériens, aient délimité la cour entourant le temple de Motreff (S.171), localisé au nord de l’enceinte principale, maçonnée (Gautier et al., 2019, p. 76). De même, aucune limite n’a été perçue à Damblainville (S.142 ; Vipard, 2002 ; Desloges, 2011, p. 138) ni à Villeperrot (S.233 ; Nouvel, 2016, p. 191), où le bâtiment de culte, associé à un autre édifice (cf. infra), est à quelques dizaines de mètres de la pars urbana. Toutefois, pour ces deux sites non fouillés, comme à Crouy-sur-Ourcq (S.155 ; Girot et Lecoeur, 2011), le système de clôture n’a peut-être pas été mis en évidence (cf. infra). La position du temple de Villeperrot, à l’ouest de la pars urbana – tandis que la cour des dépendances se développe probablement au nord-est, de l’autre côté – rappelle d’ailleurs celle du bâtiment de culte de la villa de Fain-lès-Montbard (Côte-d’Or), en territoire éduen (Goguey et Cordier, 2015, p. 172 et 264). Notons aussi que les temples de Damblainville et de Crouy-sur-Ourcq ont été installés en rebord de plateau : une certaine visibilité depuis les terres environnantes a probablement été recherchée, au détriment d’une construction en bordure immédiate de l’habitat.
Figure 240 : Plan de villae équipées d’un temple doté de son propre péribole, ou aménagé à l’extérieur de la cour résidentielle.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
214Enfin, les sanctuaires de Gouillons (S.107 ; archives scientifiques du sra de Centre-Val de Loire) et de Toury (S.126 ; Ferdière et al., 2015) ont été établis à l’écart de l’habitat, à 100 m au nord dans le premier cas et à 200 m au nord-ouest dans le second, qui correspond d’ailleurs à une luxueuse villa (fig. 241 et 242). La proximité relative de l’établissement rural, ici comme à Boncourt-le-Bois (Côte-d’Or) ou à Levet (Cher), pour d’autres cités des Gaules romaines, laisse toutefois penser que le bâtiment de culte en dépend, mais on ne peut déterminer les causes d’un tel éloignement (Goguey et Cordier, 2015, p. 266 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 308).
Figure 241 : Plan de la probable villa et du temple des Hauts de Chatenay à Gouillons (Eure-et-Loir).

Réal. S. Bossard, d’après Jalmain, 1994, p. 20.
Figure 242 : Plan de la villa et du sanctuaire de la Butte de l’Orme Belet à Toury (Eure-et-Loir).

Réal. S. Bossard, d’après Ferdière et al., 2015, fig. 2.
Des équipements relativement modestes
215Ainsi, rares sont les sanctuaires domaniaux dont la cour sacrée est délimitée par une enceinte qui lui est propre : un péribole fossoyé ou maçonné n’a été clairement identifié que pour cinq sites – à Toury (S.126 ; Ferdière et al., 2015), Rosporden (S.178 ; Pouille, 2006a et b), Bais (S.183 ; Pouille dir., 2011, p. 148-170), Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192 ; Provost et Le Bouteiller, 1986 ; Provost, 1990) et Saint-Patrice (S.237 ; Guiot, 2003). Tandis qu’à Bais se succèdent deux états fossoyés puis un dernier « mixte », associant des tronçons maçonnés et des fossés – ainsi que des haies ? –, de même qu’à Noyal-Châtillon-sur-Seiche (cf. supra, 1.1.1.2), les autres exemples se caractérisent par la présence exclusive de murs d’enceinte. Aussi, il est intéressant de noter que l’espace accueillant les temples et les édicules de Pannes (S.220) a manifestement été séparé du reste de la pars rustica par des rangées de poteaux qui supportent des clôtures en bois (Renard et David dir., 1997). La surface enclose est généralement peu importante : elle est inférieure à 1 000 m² – et ne couvre même que 75 m² à Saint-Patrice –, à l’exception des lieux de culte de Toury, qui se distingue au demeurant des autres par sa position en retrait du cœur de la villa (plus de 2 600 m²), et de Pannes (plus de 5 000 m²), où l’espace réservé aux temples n’a été qu’en partie bâti. Pour ce dernier site, il faut sans doute lier cette particularité à l’intention de mettre en valeur les édifices de culte, ainsi isolés, mais aussi la résidence principale, à l’arrière-plan (cf. supra).
216L’adjonction de portiques bordant les côtés de la cour sacrée est un choix qui n’a été adopté qu’à Rosporden, où la présence d’une porticus triplex est vraisemblable. Pour autant, les galeries encadrant les cours résidentielles où ont été implantés d’autres bâtiments religieux ont aussi pu abriter, de manière occasionnelle, les dévots qui les fréquentaient – à Erceville (S.208), à Sermaises (S.228) et peut-être à Viabon (S.129 ; Godefroy, 2011 ; F. Besse, in archives scientifiques du sra de Centre-Val de Loire). Par ailleurs, l’entrée de la cour sacrée de Pannes est mise en valeur par un bâtiment de plan rectangulaire, que l’on retrouve également face aux temples de Damblainville (S.142) et de Villeperrot (S.233), où l’édifice est a priori dissocié de tout péribole – mais l’hypothèse de clôtures fossoyées ou en bois, à l’instar de Pannes, peut être émise pour ces deux sites connus uniquement grâce à des prospections aériennes. Ce type de constructions, qui n’est pas spécifique aux sanctuaires des villae, a pu servir à signaler l’accès principal du lieu de culte, mais aussi à accueillir plusieurs dizaines de célébrants au cours de certaines cérémonies, tels les banquets sacrés (cf. supra, 1.1.4.2). À l’exception de ces ouvrages, rares sont les autres types de constructions identifiés aux abords des temples et que l’on pourrait lier aux activités religieuses : seuls quelques bâtiments divisés en plusieurs pièces, dont la fonction n’est pas connue, flanquent les aires sacrées de Toury et de Noyal-Châtillon-sur-Seiche. Sur ce dernier site, les salles bordent l’une des ailes de la pars urbana et il est aussi possible qu’elles constituent une extension de celle-ci, plutôt que des dépendances du sanctuaire (Provost et Le Bouteiller, 1986).
217Les temples sont les édifices les mieux documentés et les plus aisément identifiables de ces sanctuaires, malgré l’arasement prononcé de la plupart d’entre eux et les difficultés liées à l’interprétation de certaines architectures. Alors que dans la majorité des cas, un seul bâtiment de culte a été dressé dans l’enceinte de la villa ou à ses abords, quelques établissements ont été dotés de temples multiples. Les espaces cultuels de Richebourg (S.118) et de Pannes (S.220) sont dominés par un bâtiment de culte principal, comportant une cella et une galerie périphérique (de type B1a ou B1b, cf. supra, 3.1.2.1), de dimensions relativement grandes (respectivement 163 m² et 265 m²). Près de cet édifice, où prend sans doute place la divinité majeure du sanctuaire, ont été bâtis plusieurs édicules (A1a ou A2a) – trois à Richebourg et quatre, accompagnés d’un autre temple pourvu d’un déambulatoire (B1a), à Pannes. Dans l’enclos de Bais (S.183, ph. 2 et 3 ?), il est également probable qu’auprès d’un édifice (A) de type B1a, aient été construits successivement deux sacella de plan carré (B, de type A2c puis C, de type A1a). À Saint-Denis-du-Maine (S.39), un édicule de plan circulaire (B), avoisinant le temple principal (A), a aussi pu constituer une chapelle (Séris dir., 2015). À Sermaises (S.228), trois temples carrés, également de type B1a, appartiennent manifestement à deux phases de construction : à un premier bâtiment (A), ont vraisemblablement succédé deux nouveaux édifices (B et C), à peine plus grands et de même module, que l’on a disposés l’un à côté de l’autre. Par ailleurs, il est impossible de déterminer si la villa de Mareuil-lès-Meaux (S.157) a été pourvue, dans un espace localisé au sud de la pars urbana, d’une ou de deux cellae : si l’identification d’un édicule carré (A) à une chapelle est assurée en raison de la découverte d’un nombre important de monnaies (cf. infra), la fonction d’une autre petite construction (B), distante de 26 m, de même plan et de dimensions similaires, n’est pas connue (Bet et Delage dir., 2008, vol. 1, p. 235-248). Enfin, à Guichainville (S.62), l’interprétation religieuse paraît plausible pour l’édicule B, dont l’entrée est encadrée par deux supports – une paire de colonnes ? – et qui abritait probablement une effigie divine installée au pied de son mur occidental (cf. supra, 3.1.2.1, type A1c), tandis qu’elle est plus incertaine pour la construction A, de plan rectangulaire (Guillier et Lourdeau dir., 2006, p. 141-152).
218L’analyse du plan des édifices de culte et, lorsqu’elle est renseignée, de leur élévation, témoigne de la mise en œuvre d’architectures et de matériaux variés. Les simples cellae de plan carré ou rectangulaire (A1a et A2a) et peut-être circulaire (A3a), de petites dimensions – soit moins de 50 m² –, sont relativement fréquentes, puisqu’elles apparaissent sur huit sites. Pour partie construites en matériaux périssables à Richebourg (A1 et D), elles sont au contraire maçonnées dans les autres cas. En Bretagne et en Normandie – à Plomelin (S.174 ; Arramond et al., 2013, p. 34-36), Bais, Montgermont (S.187 ; Le Martret et al., 2015) et Guichainville –, de petits édifices (fig. 243), dont la surface s’échelonne entre 20 m² et 54 m², s’apparentent à des chapelles pourvues d’une cella et d’un porche ou d’un escalier de même largeur que la façade principale, bien que dans certains cas, d’autres hypothèses, telles celles de monuments funéraires ou d’annexes agricoles, pourraient aussi être proposées (cf. supra, 1.1.2.1, types A1c et A2c). Quoi qu’il en soit, ce type de plan semble n’avoir été que rarement adopté, au sein du territoire étudié, en dehors des sanctuaires des villae.
Figure 243 : Cliché des vestiges de l’édifice interprété comme le temple de la villa des Petits Prés à Montgermont (Ille-et-Vilaine).

In Le Martret et al., 2015, p. 117, fig. 9.
219Les temples de plan carré, associant une cella centrale et une galerie périphérique, sont de loin de les plus nombreux – mais ce sont aussi des édifices dont l’identification est aisée, contrairement aux simples édicules. Les formes les plus simples, dépourvues de porche (B1a ou B6) et généralement maçonnées, sont attestées au sein de vingt lieux de culte ; elles couvrent au sol une surface comprise entre 46 m² et 255 m², pour une moyenne voisine de 148 m² – soit une valeur proche de celle calculée pour l’ensemble des édifices de ce type (cf. supra, 1.1.2.1), bien que les édifices de culte de petite taille (Saint-Denis-du-Maine, Bais, Noyal-Châtillon-sur-Seiche, Carnac) soient ici bien représentés. Les temples reconnus à Saint-Denis-du-Maine et à Saint-Martin-de-Bréthencourt (S.120) se distinguent des autres par un plan inédit, comportant dans le premier cas une abside accolée au nord-ouest de la galerie périphérique et, dans le second, une cella de plan circulaire, inscrite dans un déambulatoire de forme carrée – il n’est toutefois pas certain que cette construction, repérée au cours de survols aériens, soit bien un temple : implantée dans une cour accueillant aussi un bâtiment thermal et probablement accessible depuis le nord, il pourrait aussi s’agir d’un bassin (Séris dir., 2015, p. 137-141 ; Gauduchon, 2015, p. 79). À Pannes et à Toury, deux temples de plan centré et carré, précédés d’un grand vestibule, pour le premier site, et de deux compartiments carrés – possibles bases de statues, encadrement d’un escalier, porches ou chapelles accolées ? – se caractérisent également un plan original (type B1b). Un dallage de calcaire et des enduits peints en rouge témoignent d’un décor relativement sobre à Pannes, tandis que des peintures rouges, ainsi que des plaques de marbre, ont aussi été signalées à Carnac (S.272) [Renard et David dir., 1997, p. 42 ; Miln, 1877, p. 139].
220Quant aux formes les plus monumentales, elles sont absentes de la plupart des villae : seuls les possibles temples de Souzy-la-Briche (S.123, de type B4) et de Boiscommun (S.201, de type B5), de plan circulaire et octogonal et d’une surface d’environ 380 m² et 400 m², correspondent à des ouvrages de très grandes dimensions. Une telle monumentalité en contexte privé, mais aussi la présence d’un vraisemblable canal annulaire autour de l’édifice de Souzy-la-Briche (Petit, 2002), sont toutefois singulières et invitent à considérer avec circonspection l’hypothèse religieuse ; il pourrait aussi s’agir, par exemple, de constructions – couvertes ou non – à vocation avant tout ornementale, agrémentant les jardins de ces villae (Bossard, à paraître). En tout état de cause, ces ouvrages prennent place en bordure de l’espace résidentiel d’amples villae que l’on peut qualifier de palatiales (cf. infra) et, qu’elles correspondent ou non à des édifices de culte, elles ont sans aucun doute revêtu un caractère ostentatoire, destiné à afficher l’opulence du propriétaire des lieux.
221D’une manière générale, les architectures religieuses implantées au sein des villae se caractérisent donc par une certaine modestie, malgré la mise en œuvre de plusieurs formes originales et d’éventuels temples monumentaux, en nombre toutefois anecdotique. Les dimensions et la qualité de la construction et du décor des équipements religieux sont sans doute liées aux capacités financières de leur commanditaire : il n’est pas anodin de remarquer que les plus petites chapelles dépendent d’établissements dont l’ampleur est relativement limitée – tels les sites de Saint-Patrice, de Corbeilles, de Guichainville ou Saint-Denis-du-Maine –, alors que les temples les plus imposants relèvent de grandes villae, pourvues d’une cour à péristyle et dotées de bains privés et d’autres éléments de confort – à Toury, Erceville et probablement Pannes, voire à Boiscommun et à Souzy-la-Briche. L’élévation des édifices de culte est un point encore peu documenté, à l’instar de celle des autres composantes des aires sacrées.
Des vestiges cultuels souvent peu abondants
222Peu d’informations peuvent être réunies au sujet des divinités honorées dans ces temples : dans la grande majorité des cas, aucun objet inscrit ni fragment de statue de culte n’a été mis au jour. Un bloc lacunaire en marbre de Vieux, qui a aujourd’hui disparu et dont les dimensions n’ont pas été mesurées, provient de la villa de Damblainville (S.142), mais il a été exhumé au sein de la pars urbana et, plus précisément, à l’extrémité de ce qui s’apparente au portique bordant la cour résidentielle au nord (Caumont, 1847, p. 396). Sur l’une des faces de ce bloc, que l’on a alors interprété comme un autel, sont gravées plusieurs lettres, dont la première (« A ») évoque une dédicace en l’honneur de l’empereur, d’Apollon ou peut-être d’une autre divinité. Le lieu de découverte, à 120 m au nord-ouest du temple, ne permet toutefois pas d’établir un lien entre cet espace cultuel et la probable dédicace, qui a d’ailleurs pu avoir pris place dans une chapelle domestique aménagée dans la cour à péristyle.
223La vraisemblable statue de culte en calcaire, fragmentaire, mise au jour dans la petite cella de Saint-Patrice (S.237), au pied de son mur occidental, a déjà été évoquée (cf. supra, 1.1.2.2 et fig. 58). Elle représente très probablement une divinité assise dans une niche ou dans un édicule flanqué de colonnes, dont seules les pieds et les jambes, jusqu’aux genoux, sont conservés ; d’une hauteur de 0,38 m, le bloc devait mesurer, à l’origine, moins de 1 m de haut et était peut-être juché sur un socle, disparu. Les lacunes sont malheureusement trop importantes pour définir les caractéristiques de cette divinité, dont le sexe même ne peut être déterminé (Guiot, 2003, p. 153-154). De même, seule la tête d’une statuette, conservée sur 14 cm de haut, provient des abords de l’édicule A de Mareuil-lès-Meaux (S.157) et on ne peut être certain que l’homme imberbe représenté corresponde bien à la puissance divine dont le culte était célébré dans le lieu de culte de la villa, et non à un dévot qui lui aurait offert sa propre image (cf. supra, 2.2.2.1 et fig. 104 ; Bet et Delage dir., 2008, p. 237-239 et p. 1111-1112). L’identité des dieux et déesses auxquels un culte était voué au sein des sanctuaires domaniaux des cités du centre et de l’ouest de la Lyonnaise n’est donc pas connue.
224En revanche, l’examen du mobilier, pour la douzaine de sites qui ont fait l’objet de fouilles, fournit de plus amples renseignements au sujet de certains rituels pratiqués au sein de ces espaces cultuels. D’une manière générale, peu de matériel provient cependant de la zone des temples : le mobilier semble absent, à l’exceptions de quelques tessons de céramique, auprès des bâtiments de culte de Saint-Denis-du-Maine (S.39) et de Rosporden (S.178), mais les niveaux d’occupation et de destruction ont disparu sous l’effet d’une importante érosion (Pouille, 2006 a et b ; Séris dir., 2015). Au contraire, sur d’autres sites, tels ceux de Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192) et de Saint-Patrice (S.237), la préservation de ce type de couches, ainsi que de structures en creux (fossés et fosses) comblées de mobilier, a permis la conservation de divers artefacts et écofacts, liés aux activités religieuses ou peut-être à celles de l’habitat associé, mais dont la quantité reste tout de même inférieure à la plupart des lieux de culte des cités étudiées (fig. 244).
Figure 244 : Faciès mobilier des sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’une villa.

Réal. S. Bossard.
225La céramique et la faune constituent les catégories de mobilier les plus fréquentes, même si les restes provenant des niveaux rattachés à l’aire sacrée n’aient été que rarement quantifiés ; les ossements d’animaux sont au demeurant mal conservés dans les quelques sanctuaires implantés sur le massif armoricain (cf. supra, 2.2.1.1). Pour autant, les débris de vaisselle en terre cuite, issus de formes variées, sont relativement abondants à Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192) et à Bais (S.183). Pour ce dernier site, ils proviennent tout particulièrement du comblement des fossés des deux premiers enclos et d’une fosse ayant livré plus de quatre cents restes, issus d’au moins douze vases, pour partie complets, de la seconde moitié du ier s. de n. è. ; ces vestiges, associés à des rejets charbonneux, évoquent la tenue de sacrifices ou de banquets réunissant peut-être un petit nombre de convives (Pouille dir., 2011, p. 148-170 et p. 255-257 ; cf. supra, 2.2.1.3). Rappelons d’ailleurs la présence de salles ou de portiques, à proximité des temples des villae (cf. supra), qui ont pu constituer des lieux appropriés pour la réunion de dévots, notamment dans le cadre de repas sacrés.
226La céramique, également présente sous une forme fragmentée à Saint-Patrice (S.237), côtoie ici des restes fauniques, pour certains détritiques et pour d’autres, relevant de trois squelettes complets de caprinés, inhumés dans autant de fosses – avec, pour deux d’entre eux, un vase complet (Guiot, 2003, p. 79). Il est intéressant de noter que la mise en terre de dépouilles animales, rarement attestée en contexte de sanctuaire et inconnue dans les lieux de culte des agglomérations (cf. supra, 2.2.1.3), a aussi été pratiquée à Mareuil-lès-Meaux (S.157) : un autre squelette de jeune mouton a été découvert dans une fosse creusée au pied de l’édicule A, interprété comme une cella, tandis qu’un quartier de viande de poulet a été placé dans un autre creusement, réalisé à l’intérieur de la même construction ; d’autres morceaux de caprinés ont aussi été enfouis dans une fosse aménagée dans l’autre édicule (B), dont la fonction est plus incertaine (Bet et Delage dir., 2008, p. 239, p. 245 et p. 1023-1034). Le sens de ces rites particuliers nous échappe, mais on peut supposer que les animaux domestiques, non consommés et non brûlés, qu’ils soient entiers ou représentés par des pièces de viande, ont été élevés au sein même de l’exploitation ; leur offrande pourrait avoir été motivée par des demandes en rapport avec la bonne productivité du domaine ou la vitalité du cheptel.
227Parmi les autres types d’objets recensés, les monnaies occupent une place importante dans les assemblages de seulement deux ou trois sites, à Richebourg (S.118), à Mareuil-lès-Meaux (S.157) et peut-être à Carnac (S.272), où le contexte de découverte de 13 monnaies n’est toutefois pas documenté (Miln, 1877, p. 144-153). Dans le premier cas, 12 monnaies – relevant d’un lot à l’origine composé d’au moins 30 monnaies, dont une part n’a pu être étudiée –, renvoient aux premiers temps de la fréquentation du sanctuaire, puisque le numéraire se compose essentiellement d’émissions gauloises et d’une pièce augustéenne, découvertes dans la cella la plus ancienne (A1) ou à ses abords immédiats (Barat, 1999, p. 125). À Mareuil-lès-Meaux, les dépôts, manifestement plus tardifs – la plupart des 39 monnaies provenant de l’intérieur de l’édicule A ont été produites entre le iie s. et le ive s. de n. è. – se concentrent également au sein d’une cella. Ces deux séries de monnaies témoignent probablement de la pratique de la iactatio stipis, consistant à jeter une pièce en direction d’une statue divine, qui n’est d’ailleurs pas exclusive aux temples des villae ; certaines monnaies de Mareuil-lès-Meaux, vraisemblablement fichées dans le sol, pourraient toutefois indiquer que d’autres gestes pouvaient être appliqués à l’adresse d’une divinité (cf. supra, 4.2.3.1 ; B. Foucray, in Bet, Delage dir., 2008, p. 242-244 et p. 1113-1135). Si des collectes, au moyen de troncs monétaires, ont pu avoir été organisées au sein de ces lieux de culte, il n’en subsiste aucune trace, les pièces identifiées ne semblant pas avoir été destinées à être récupérées.
228L’abondance des figurines en terre cuite dans certains espaces cultuels de villae de la péninsule armoricaine a déjà été remarquée par plusieurs archéologues (cf. notamment Talvas, 2007, vol. 1, p. 113-121 et Mauger, 2018b, p. 345-350). Cependant, ces petits objets ont aussi été retrouvés en grand nombre – en particulier dans cette même région – dans des lieux de culte localisés en contexte urbain et à l’écart des grands établissements ruraux (cf. supra, 2.2.2.1) : il est donc important de souligner qu’ils ne sont pas spécifiques aux sanctuaires domaniaux. Alors qu’aucun débris de figurine n’a été collecté au sein de la villa de Bais, ce sont respectivement 46 et 153 restes que l’on a inventoriés parmi le mobilier recueilli dans l’aire sacrée des espaces cultuels de Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192) et de Carnac (S.272), tandis qu’ils sont quasiment absents des autres secteurs de ces habitats (Miln, 1877, p. 139-150 ; Provost et Le Bouteiller, 1986 ; Mauger, 2018b, p. 345-346). Comme souvent, au sein de ces lots, les représentations féminines sont majoritaires : les figurines sont à l’image de Vénus, de déesses-mères allaitant ou de Minerve et aussi, sur le premier site, d’un chien et d’un cheval. La production de ces objets est attribuée, d’après des critères stylistiques, à une période s’étirant entre le milieu du iie s. et le milieu du iiie s. de n. è. Comme l’a noté à juste titre M. Mauger, les figurines sont des offrandes qui ne sont pas discriminantes pour identifier la divinité à laquelle elles ont été données. Leur interprétation n’est guère aisée, puisque les contextes de découverte et l’absence d’inscriptions associées ne permettent pas de déterminer s’il s’agit, par exemple, de présents exclusivement féminins, déposés par de jeunes filles ou par des mères de famille, ou bien d’objets liés au culte de déesses – ou de dieux ? – que l’on sollicite pour la fertilité des champs, la protection territoriale ou bien celle de communautés rurales (Mauger, 2018b, p. 346-350). Ces fragments, appartenant probablement à des dizaines d’objets, ont pu avoir été introduits sur les sites durant plusieurs décennies et il est donc difficile d’estimer, à partir de leur décompte, le nombre de dévots concernés par ces pratiques.
229Les autres objets identifiés au sein des aires sacrées des villae sont plus rares. Mentionnons la découverte remarquable d’un vraisemblable ex-voto oculaire en argent inscrit à Pannes (S.220). Si le nom de la divinité remerciée n’y est pas précisé, celui de la dédicante – la citoyenne Prisceia Aviola, appartenant peut-être à la famille possédant la résidence aristocratique ? – apparaît en toutes lettres (Dondin-Payre et Cribellier, 2011). Deux rouelles en plomb ont été mises au jour à proximité immédiate de l’édicule de Corbeilles (S.206) – mais deux autres objets du même type ont été recueillis dans d’autres secteurs de l’habitat (Poitevin dir., 2007, p. 97 et p. 130). Une lame de hache polie provient des sanctuaires de Richebourg (S.118 ; Barat, 1999, p. 145) et de Saint-Patrice (S.237 ; Guiot dir., 2003, p. 77), tandis que deux autres objets du même type ont été enterrés à l’intérieur de l’édifice A de Guichainville (S.62), dont la nature – temple ou autre annexe de l’établissement ? – n’est pas connue (Guillier et Lourdeau dir., 2006, p. 144). Enfin, les parures et autres accessoires vestimentaires, pourtant abondants dans plusieurs lieux de culte fréquentés durant les premières décennies du Haut-Empire, sont ici rares, y compris dans les sanctuaires les plus précoces : les perles d’un collier ou d’un bracelet ont néanmoins été inhumées dans une fosse, avec l’ex-voto, à Pannes (Dondin-Payre et Cribellier, 2011), tandis qu’une fibule complète ou fragmentaire – égarée plutôt que volontairement déposée ? – a été découverte à Noyal-Châtillon-sur-Seiche, à Richebourg et à Bais (Provost et Le Bouteiller, 1986, p. 63 ; Barat, 1999, p. 147, fig. 23 ; Pouille dir., 2011, p. 355). Mentionnons encore, parmi les objets singuliers, la présence d’une lampe à huile à Noyal-Châtillon-sur-Seiche et d’un couteau pliant, orné d’une figure de gladiateur, à Saint-Patrice (Guiot, 2003, p. 154).
230Globalement peu nombreux, le mobilier provenant de ces aires cultuelles témoigne donc de pratiques variées, parmi lesquelles il est possible de restituer des gestes individuels, mais aussi, peut-être, des repas réunissant plusieurs individus, du moins dans certains sanctuaires – voire des offrandes collectives, par exemple pour les animaux enfouis entiers sans avoir été consommés ? Une étude exhaustive de la céramique et de la faune, entre autres, permettrait d’approfondir la connaissance des rites opérés au sein des villae, qui demeurent peu connus. En outre, en l’état de la recherche, il est encore difficile de définir si les objets découverts ont été introduits par les seuls habitants du domaine, au cours de plusieurs décennies, ou bien s’il s’agit de vestiges d’offrandes – ou de pertes – de visiteurs plus lointains, séjournant sur invitation des propriétaires ou résidant dans les environs. Avec toutes les réserves possibles, leur quantité relativement faible plaide toutefois en faveur de communautés de dévots réduites, comportant peut-être une ou quelques dizaines d’individus – soit la famille du maître des lieux et, dans certains cas, les travailleurs du domaine ?
Villa et sanctuaire domanial : questions de chronologie
231La chronologie du sanctuaire n’a pu être déterminée que dans quelques cas, pour lesquels l’implantation de ce dernier est invariablement contemporaine ou postérieure à la fondation de l’habitat associé, mais jamais antérieure : la préexistence d’un lieu de culte ne semble donc pas avoir motivé l’installation d’un établissement rural à ses abords.
232Les monnaies introduites dans la première cella de Richebourg (S.118), composées essentiellement de numéraire gaulois et d’un as frappé, au plus tôt, en 12 av. n. è., plaident en faveur de rites pratiqués dès la seconde moitié du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è., probablement durant la période augustéenne (cf. supra, 2.2.3.1). L’édification de la chapelle primitive, en bois et en torchis (A1), coïnciderait alors peu ou prou avec l’établissement du premier habitat, survenu lors de la seconde moitié du ier s. av. n. è. En revanche, aucun élément ne permet de dater précisément la reconstruction de ce temple, ensuite pourvu d’une cella aux murs maçonnés et d’une galerie périphérique (A2), ni l’édification des trois sacella voisins (B à D). Il est probable que le sanctuaire ait été agrandi et embelli au cours de l’un des chantiers de réaménagement de la villa, peut-être dès la première moitié du ier s. de n. è., lorsque celle-ci est reconstruite en dur (Barat, 1999 ; 2007, p. 290-302).
233Les enclos successifs du sanctuaire de Bais (S.183) ont manifestement été modifiés, aussi, en parallèle du développement de la villa dont ils dépendent (Pouille dir., 2011). Les fossés de la première enceinte, de plan proche du carré, ont livré un lot de tessons de céramique attribués au dernier quart du ier s. av. n. è. et à la première moitié du ier s. de n. è., soit une datation identique à celle proposée pour le matériel provenant du grand enclos voisin, abritant sans doute le cœur de l’habitat. Au sein du probable sanctuaire enclos, seule une fosse a pu être rattachée à cette première phase ; l’absence apparente de construction est probablement liée à la disparition de vestiges peu ancrés dans le sol : aucun bâtiment n’a également été reconnu dans l’enceinte principale pour cette période. Puis, vers le milieu du ier s. de n. è., alors que l’habitat est restructuré, le lieu de culte est agrandi, avec le creusement de nouveaux fossés ; il est possible que les premiers temples aux fondations de pierre (A et B ?) aient aussi été construits au cours de cet état. Enfin, un péribole partiellement maçonné est mis en place, au plus tôt, durant le dernier quart du ier s. n. è. – tandis que les temples, notamment l’édicule C, sont bâtis ou reconstruits ? –, soit, selon toute vraisemblance, au moment où l’enclos résidentiel reçoit une nouvelle enceinte et des bâtiments en pierre. Tout au long de son évolution, l’espace cultuel a ainsi conservé ses propres limites et sa position en périphérie du secteur résidentiel.
234L’exemple de Saint-Patrice (S.237) est plus incertain : au sein de la petite cour, installée à l’est de l’habitat, cernée de murs – ou de murets – et qui abrite une cella, le mobilier céramique recueilli renvoie globalement à la seconde moitié du iie s. et au début du iiie s., alors que l’établissement a été créé dès la seconde moitié du ier s. de n. è. et qu’il est doté de structures maçonnées à partir du début du iie s. Les six monnaies collectées dans l’emprise du sanctuaire, émises entre les règnes de Claude (41-54) et de Commode (180-192), ne suffisent pas pour affirmer que la fondation du sanctuaire est plus ancienne que le milieu du iie s., la durée de circulation de ces objets pouvant atteindre plusieurs décennies (Guiot, 2003, p. 154-155, p. 157 et p. 165 ; Guiot dir., 2003, p. 149-151).
235À Noyal-Châtillon-sur-Seiche (S.192), la postériorité du lieu de culte par rapport à l’habitat semble davantage probable, bien que la fouille du sanctuaire n’ait été que partielle. Le terrain où est construit le temple à partir de la fin du ier s. de n. è., qui s’étend à l’est de l’enclos résidentiel, était auparavant occupé, depuis la fondation de l’exploitation rurale au début du ier s. de n. è., par un ensemble de bâtiments en matériaux périssables et d’aménagements divers qui relevaient vraisemblablement de ses annexes agricoles. Ce n’est donc que tardivement, probablement lors d’un agrandissement de l’habitation et de la reconstruction du bâtiment thermal qui lui est associé, que l’édifice de culte aurait été ajouté. Cependant, cette étape, intermédiaire dans le développement du site, intervient probablement avant que la pars urbana n’ait été embellie par l’adjonction de deux nouvelles ailes et de portiques, entre le milieu du iie s. et le milieu du iiie s. de n. è. (Provost, 1990, p. 14-21 ; Simier dir., 2016, p. 146-151).
236Dans les autres cas, la datation des bâtiments de culte repose sur des arguments plus fragiles, faute de mobilier permettant de définir un terminus post quem précis pour leur construction. L’édicule de Corbeilles (S.206) a peut-être été bâti lors de la reconstruction en dur, vers la fin du ier s. ou le début du iie s., d’un établissement fondé dès la première moitié du ier s. de n. è., mais l’existence d’un état antérieur, dont les vestiges n’auraient pas été conservés, pourrait aussi être envisagée (Poitevin dir., 2007 ; 2015). En suivant le même raisonnement, le temple de Saint-Denis-du-Maine (S.39) et l’édicule circulaire adjacent pourraient relever de la phase de réaménagement du probable habitat, ce qui est tout à fait vraisemblable si l’on se fie aux matériaux employés pour les fondations. De fait, le bâtiment situé au centre de l’enclos – correspondant à la demeure ? –, repose sur des fondations en grès et pourrait avoir été érigé dès le premier quart du ier s. de n. è., alors qu’une enceinte fossoyée délimitait encore l’établissement, tandis que le temple et l’édicule ont été édifiés sur des tranchées remplies de moellons de calcaire bleu, à l’instar des murs d’enceinte bâtis à partir du troisième quart du ier s. de n. è. (Séris dir., 2015). De la même façon, l’examen des fondations des bâtiments de Guichainville (S.62) laisse également penser – si l’on admet que l’emploi de matériaux différents signe bien plusieurs étapes de construction – que les deux édicules pouvant correspondre à des cellae ont été aménagés en deux temps, en parallèle du développement de la résidence voisine, situé entre le milieu du ier s. et le courant du iie s. de n. è. Un silex blond constitue effectivement les fondations de l’édicule A et du premier état de l’habitation, alors qu’un silex noir a été utilisé lors de l’extension de cette dernière et de la construction de l’édicule B (Guillier et Lourdeau dir., 2006).
237Enfin, à Mareuil-lès-Meaux (S.157), il est également difficile de dater avec précision l’aménagement des deux édicules établis à proximité de la pars urbana. La villa, qui succède vraisemblablement à une ferme laténienne, est fondée dès la fin de la période augustéenne, mais n’adopte sa configuration bipartite, avec secteur résidentiel et cour agricole, qu’à partir de la fin du ier s. ou le début du iie s., lorsqu’un double enclos fossoyé est mis en place pour définir son emprise. Le petit bâtiment A, dont l’identification à une chapelle ne fait pas de doute, est associée à une quarantaine de monnaies, découvertes surtout en son sein et à ses abords ; l’étude de leur date d’émission et de leur usure indique qu’elles n’y ont pas été déposées avant le iie s. ou le iiie s., pour les plus anciennes, et que l’essentiel d’entre elles a été introduit entre la fin du iiie s. et le début du ive s. (B. Foucray, in Bet et Delage dir., 2008, p. 242-244 et p. 1113-1135). Néanmoins, rien n’empêche que les offrandes monétaires aient débuté plusieurs décennies après l’édification du sacellum, peut-être bâti dès les travaux d’aménagement de la villa, au tournant des ier et iie s.
238Ainsi, dans certains cas, l’installation des dieux a accompagné celle des hommes, qui réservent un espace dévolu aux rituels, en périphérie de l’enclos résidentiel, dès la fondation de l’établissement. Dans d’autres cas, l’aménagement d’un espace cultuel pourvu d’un ou de plusieurs temples semble plus tardif et s’inscrit sans doute dans un projet d’agrandissement et d’embellissement de la résidence rurale et de ses dépendances : le maître des lieux décide alors d’équiper sa demeure d’un petit lieu de culte qui, à l’instar de bâtiments thermaux et d’autres aménagements, relève des éléments de confort progressivement intégrés à l’établissement. Pour autant, on ne peut être certain que les dieux n’avaient pas leur place dans les états les plus anciens de ces habitats ruraux : il est tout à fait possible que leur culte ait été d’abord rendu dans une modeste chapelle installée au sein même de la maison, dans une niche ou sur un support, puis qu’il ait été transféré dans un sanctuaire plus ample, à l’extérieur de l’habitation. Un premier temple en terre et en bois, qui n’aurait laissé aucune marque perceptible sur le terrain, a pu aussi précéder l’édifice maçonné bâti à proximité de la demeure.
239Malgré l’état lacunaire de la documentation relative aux sanctuaires domaniaux de l’aire géographique considérée, les données rassemblées au sein de ce dossier témoignent, dans tous les cas, de liens étroits entre ces derniers et les établissements ruraux desquels ils dépendent indubitablement. Leur implantation au sein des habitats, au sein ou en bordure du secteur résidentiel, est généralement concomitante de l’aménagement de la première résidence ou, sinon, d’une extension ou d’une reconstruction complète de cette dernière. Il ne fait alors aucun doute que ces sanctuaires, privés, sont gérés par le propriétaire de l’établissement, qui participe certainement au choix de leur emplacement, à l’élaboration de leur plan et de leur élévation, en concertation avec les architectes chargés des travaux.
240Parfois directement installés dans l’enclos résidentiel, notamment pour les habitats les plus modestes, mais aussi pour certains grandes villae – à Erceville, par exemple –, les temples sont plus souvent localisés à la charnière entre les partes urbana et rustica, suggérant qu’ils étaient ouverts à la fois à la famille propriétaire et aux travailleurs du domaine. Il est toutefois possible que les habitants de la pars urbana disposaient de leur propre lieu de culte domestique, intégré au bâtiment résidentiel ou localisé dans l’enclos dont l’accès leur était réservé – l’hypothèse est tout à fait plausible à Bais. Dans les plus grands établissements, la position du sanctuaire au sein de la villa et l’architecture des temples, originale dans plusieurs cas, contribuent parfois à la recherche d’une mise en scène de l’espace, à Pannes et à Sermaises par exemple, et peut-être à Souzy-la-Briche. Ici, les bâtiments de culte se dressent de manière ostentatoire dans la grande cour de l’établissement et expriment ainsi, avec les jardins, les portiques et d’autres constructions monumentales, les richesses déployées par le propriétaire pour embellir son domaine.
241En faisant bâtir un ou plusieurs temples dans l’enceinte même de la villa ou dans sa proche périphérie, les propriétaires terriens placent aussi leur exploitation et les activités qui s’y déroulent sous la protection d’une ou de plusieurs divinités – dont l’identité n’a pu être déterminée en aucun cas –, tout en offrant à la main-d’œuvre agricole un accès au culte, qu’ils devaient eux-mêmes assurer. Ainsi, tout en conciliant « piété et générosité » (Pline le Jeune, Lettres, IX, 39), ils « facilitent l’intégration et le contrôle des populations paysannes dans le système domanial » (Leveau et al., 1999). Comme le suggère Pline le Jeune, ce processus est aussi assuré grâce à l’organisation de fêtes religieuses, à l’exemple de celle de la déesse Cérès, hébergée dans son domaine, qu’il organise chaque année aux ides de septembre et à laquelle participe « une grande foule venue de la région entière » pour s’acquitter de leurs vœux ou en contracter de nouveaux, traiter « beaucoup d’affaires » et, sans doute, assister au sacrifice offert à la divinité (Lettres, IX, 39 ; trad. J. Scheid, 1996). Le portique qu’il prévoit de construire pour accueillir et abriter du soleil et des intempéries les dévots réunis à cette occasion montre bien que le sanctuaire devait permettre le rassemblement d’un nombre important de visiteurs. Parmi les exemples étudiés ici, certains lieux de culte paraissent cependant trop modestes pour de tels regroupements : c’est notamment le cas du petit enclos de Saint-Patrice ou des édicules bâtis à proximité de la résidence, tels ceux de Mareuil-lès-Meaux ou de Corbeilles. En revanche, l’aménagement de bâtiments de plan rectangulaire – des portiques ? – face aux temples de Damblainville, de Villeperrot et de Pannes pourrait être lié au besoin d’accueillir plusieurs dizaines de dévots au cours de certaines cérémonies, notamment dans le cadre des repas sacrés. De même, les cours, relativement grandes, associées aux édifices de culte de Toury, de Pannes ou encore de Noyal-Châtillon-sur-Seiche ont aussi pu permettre la réunion, au sein d’espaces découverts, d’un grand nombre de participants. Lors de l’ultime phase du développement du sanctuaire enclos de Bais, un enclos fossoyé a d’ailleurs été aménagé à l’est de la zone des temples et constitue ainsi une extension de l’aire sacrée, qui a tout à fait pu avoir accueilli de tels rassemblements (Pouille dir., 2011, p. 164-168).
242En regard de certains sanctuaires implantés au sein des agglomérations ou dans les campagnes, à l’écart des villae, les lieux de culte installés auprès des résidences rurales ont néanmoins conservé, tout au long de l’époque romaine, des dimensions relativement modestes, que ce soit pour leur aire sacrée ou pour les bâtiments qui s’y dressent – à quelques temples près, dont l’interprétation est au demeurant discutable. Le mobilier recueilli au sein ou aux abords des temples est globalement peu abondant et il faut probablement envisager une fréquentation plutôt restreinte de ces espaces cultuels qui, s’ils pouvaient accueillir au quotidien les habitants du domaine et, peut-être occasionnellement, les populations environnantes, n’ont sans doute eu qu’un rayonnement local.
3.2.2.2. Des temples privés au sein d’établissements plus modestes
243D’autres établissements ruraux, enclos par des fossés, pourvus d’une modeste habitation et dont les équipements de confort sont limités, ne présentent pas les caractères des villae et peuvent alors être qualifiés de fermes (Gandini, 2008, p. 249-253). Les édifices de culte ne sont pas pour autant absents de tels habitats, dont l’ampleur varie, puisqu’une dizaine de sites dotés d’un petit temple répondent, avec plus ou moins de certitude, à ces critères (fig. 245 et supra, fig. 234 ; Bossard, 2021, vol. I, p. 532, tabl. XXXVII).
Figure 245 : Plan des sanctuaires intégrés à de modestes établissements ruraux, avérés ou probables.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
244Le probable habitat rural fouillé à Mondeville (S.147) se compose de plusieurs bâtiments aux fondations de pierre, répartis autour d’une cour qui est directement bordée, au sud-ouest, par un chemin rural. Parmi ces constructions, un grand édifice de plan carré (D, environ 325 m²) pourrait constituer l’habitation principale, établie au nord-est de la cour, tandis qu’un plus petit bâtiment (A), pourvu d’un four, pourrait être une seconde maison ou une annexe à vocation agricole ou artisanale. Deux édicules, enfin, dans l’espace central et à l’ouest de la cour, ont pu correspondre à des cellae. L’hypothèse est probable, du moins, pour la construction C (22 m²) : dans la partie centrale de la pièce, sur son sol dallé de plaquettes calcaire, reposait manifestement un support de bois – le socle d’une statue de culte, non conservée (cf. supra, 1.1.2.2) ? Quant à l’édicule B, quelque peu plus grand (27 m²), sa fonction n’est pas connue, mais la découverte de fragments d’enduits peints polychromes, dans une fosse voisine, pourrait indiquer que son ornementation était soignée ; un fragment de figurine en terre cuite, représentant Vénus anadyomène, provient d’ailleurs du fossé qui le borde à l’ouest. L’établissement, modeste et fréquenté entre le début du iie s. et la première moitié du iiie s., a ainsi pu avoir été équipé d’une ou de deux petites cellae, dont l’identification reste toutefois incertaine (Besnard-Vauterin dir., 2009, p. 163-172).
245La présence d’au moins un temple, à Saint-Martin-des-Entrées (S.82), est en revanche assurée (Paez-Rezende et Adrian, 2014). Le bâtiment en question, de plan carré, est pourvu d’une cella aux fondations de pierre sèche et d’une galerie délimitée par des poteaux de bois (A). À une vingtaine de mètres plus à l’ouest, une autre construction aux fondations empierrées (B) pourrait éventuellement correspondre à une seconde cella, plus petite que la première. Ces édifices relèvent d’un établissement plus vaste : ils prennent place au sein d’un grand enclos cerné par des fossés et aménagé en deux étapes, entre le milieu du ier s. de n. è. et la fin du iie s. Il n’a pas été complètement fouillé et l’emprise étudiée n’a permis de reconnaître qu’un seul autre bâtiment (C), installé dans la partie sud d’une extension créée lors de la seconde phase. Cet édifice, couvrant au moins 50 m², a été construit en bois et en terre ; il pourrait s’agir d’une habitation ; d’autres aménagements, peut-être plus imposants, ont pu exister sur le pourtour de l’enclos, notamment dans ses angles nord-ouest et sud-est, qui n’ont pas été étudiés. Plutôt que de considérer cet établissement comme un grand sanctuaire rural doté d’un ou de deux temples et de dépendances utilisées dans le cadre des cultes, comme l’a proposé L. Paez-Rezende, il semble plausible d’y voir un habitat rural, dont la demeure principale correspondrait peut-être au bâtiment méridional et dont la cour accueillerait au moins un temple, d’architecture au demeurant modeste.
246L’hypothèse d’un grand établissement pourvu d’un édifice de culte privé peut aussi être privilégiée à Chilleurs-aux-Bois, sur le site de la Cognée (S.102), vraisemblablement occupé tout au long du Haut-Empire : un petit temple a été reconnu, au cours d’un diagnostic archéologique, dans l’angle occidental d’un vaste enclos quadrangulaire ceinturé par des fossés, marquant très probablement les limites d’une exploitation rurale (Segain, 2015). Le cœur de l’habitat serait alors situé à 180 m plus à l’est, dans une enceinte fossoyée inscrite dans le grand enclos ; la découverte, à proximité, de débris de constructions en dur plaide en faveur de cette hypothèse. Le temple, aux fondations de pierre, a alors été installé dans ce qui s’apparente à une cour agricole, à l’écart de l’habitat, avec d’autres constructions en terre et en bois.
247Trois autres sites, partiellement fouillés, se caractérisent par une configuration similaire, bien que le secteur résidentiel n’ait pas été localisé, en raison de l’emprise restreinte de l’opération archéologique. Tous trois délimités par des fossés de dimensions variables (cf. supra, 1.1.1.1), les établissements de Bauné (S.4 ; Mare dir., 1995), de Nécy (S.148 ; Besnard-Vauterin et al., 2013) et d’Hecmanville (S.152 ; Maret dir., 2003) sont dotés d’un temple de plan carré, composé d’une cella centrale et d’une galerie périphérique, souvent installé dans l’angle d’un enclos qui se prolonge au-delà des limites de la fouille. Il est alors possible, mais non démontré – à l’instar de ce qui a été avancé au sujet de l’établissement périurbain de l’Hôtellerie à Corseul (cf. supra, 3.1.2.3) –, que ces enclos abritent également une demeure rurale et qu’ils correspondent alors à un habitat doté d’une aire sacrée et non à un sanctuaire isolé. En effet, à Bauné, un autre bâtiment, dont seul un angle a été dégagé, existe à quelques mètres au sud du temple, d’abord construit en matériaux périssables, à la fin du ier s. av. n. è. ou au début du ier s. de n. è. (ph. 1), puis agrandi et pourvu de murs maçonnés à partir du second quart du ier s. (ph. 2). Ces constructions prennent place dans un espace ceinturé par un imposant fossé, probablement d’origine gauloise, puisque le site d’époque romaine succède à un établissement préexistant, dont certaines structures ont sans doute été conservées et réaménagées (cf. infra, 4.2.1). À Hecmanville, un grand enclos, partitionné en plusieurs espaces, s’étend au nord de l’enceinte qui accueille le temple, construit en terre et en bois sur des solins de pierre : il faut probablement voir, là aussi, différents espaces dépendant d’une exploitation agricole, dont un sanctuaire fréquenté entre le ier s. et le début du iiie s. de n. è., peut-être installé en bordure de l’enclos résidentiel.
248Évoquons enfin trois exemples découverts en prospection aérienne, pour lesquels l’association entre un petit habitat rural et un temple est probable, sinon avérée. L’organisation de l’espace peut être globalement appréhendée à Mespuits (S.214) : le temple est installé en bordure extérieure d’un grand enclos fossoyé de plan trapézoïdal, divisé en trois cours, dont la plus petite, à l’ouest, est occupée par une habitation aux fondations de pierre, d’environ 200 m². Aucun autre édifice n’a pu être identifié au sein de cet établissement que l’on peut qualifier de grosse ferme ou de petite villa, mais il est probable que d’autres constructions, en matériaux périssables, aient existé dans les deux autres cours ou à leurs abords (Besse, 2005, p. 269 ; 2008). Un temple et une probable résidence aux fondations empierrées, dont le plan est incomplet, ont aussi été reconnus à Morigny-Champigny (S.218) ; distants d’une soixantaine de mètres, ils relèvent probablement d’un même habitat (Besse, 2011). Un réseau de fossés, pour partie recoupés par les murs de la vraisemblable demeure, a pu avoir délimité un état plus ancien de la propriété. Quant au site de la Tuile à Rouessé-Fontaine (S.23), il se compose d’un temple, manifestement installé dans un grand enclos fossoyé, et d’un autre bâtiment, sis à une quarantaine de mètres au nord-est, dans le prolongement du fossé, qui a pu constituer une habitation ou l’annexe d’un établissement rural (Leroux, 2006).
249Ces différents exemples se caractérisent donc par la présence d’un modeste temple, constitué d’une simple cella (type A1a ou A2a) ou, plus souvent, d’une cella et d’une galerie périphérique, toutes deux de plan carré (B1a ou B1b) et de dimensions peu importantes – les édifices de type B1 mesurent ici entre 60 m² et 180 m², pour une moyenne d’environ 115 m², soit une valeur inférieure à celle calculée pour l’ensemble de ces bâtiments (cf. supra, 1.1.2.1). La maison associée, lorsque sa présence est avérée, présente également une surface inférieure à celle des habitations reconnues au sein des villae (cf. supra, 3.2.2.1) ; l’emploi de matériaux périssables et la mise en œuvre de clôtures fossoyées sont également plus systématiques. Le temple, installé en bordure ou, au contraire, à l’écart de l’espace habité, n’est pas associé à un péribole, puisqu’il prend directement place dans l’enclos principal, dans une cour secondaire ou en périphérie immédiate de l’établissement, sauf peut-être à Hecmanville.
250Le mobilier issu des aires sacrées est peu varié et correspond essentiellement, pour les sites qui ont été fouillés, à des tessons de céramique et à des ossements de faune, parfois abondants, comme c’est le cas à Hecmanville pour la vaisselle en terre cuite (cf. supra, 2.2.1.2 ; E. Leclerc, in Maret dir., 2003, vol. 2), tandis qu’ils sont bien plus rares auprès des autres temples. Au demeurant, on ignore si les importantes quantités de tessons – appartenant à plus de 1 575 vases – recueillis au sein de ce dernier établissement sont liées à l’organisation de banquets ou bien aux rejets domestiques d’une habitation, qui serait localisée au sein du même enclos ou dans l’une des parcelles voisines. La chronologie de ces sites s’étend généralement sur deux ou trois siècles, tout au plus, et les données manquent pour déterminer si le temple est bâti dès la fondation de l’habitat, ou plus tardivement.
251Ces vraisemblables fermes, plus ou moins grandes, sont donc pourvues d’un temple peu imposant, qui constitue l’un des rares équipements reconnus et qui, souvent, est doté de fondations de pierre, contrairement à d’autres bâtiments. L’édifice de culte est sans doute lié aux dévotions privées de la famille qui y réside, composée peut-être de propriétaires indépendants des grands domaines et souhaitant, à l’image de ces derniers, posséder leur propre espace cultuel. Ces établissements sont encore peu documentés et, pour l’essentiel, n’ont pas été étudiés dans leur intégralité ; il demeure possible que certains d’entre eux, pour lesquels les bâtiments d’habitation n’ont pas été repérés, correspondent en réalité à des sanctuaires indépendants de toute exploitation rurale, mais qui, dans tous les cas, ne semblent pas avoir revêtu un statut public au regard de leur modestie.
3.2.2.3. Un temple dépendant d’un établissement métallurgique privé ou public ?
252Le cas de l’établissement de Joigny (S.210) doit être traité à part : un petit temple maçonné, vraisemblablement installé dans une cour délimitée par une enceinte, est localisé en périphérie occidentale d’un établissement spécialisé dans la production de métal, en activité dès le Haut-Empire (Perrugot, 1982 ; Delor dir., 2002, p. 432 ; Nouvel, 2016, p. 160-168). La découverte de scories, dans les fondations du temple ou dans des niveaux qui lui sont antérieurs, indique que la construction de l’édifice de culte a été entreprise après le début des activités métallurgiques, à une date qui n’a toutefois pas pu être déterminée – de rares tessons, une monnaie de Vespasien et des restes fauniques constituent les seuls éléments de mobilier découverts au cours des sondages réalisés en 1982 par D. Perrugot. L’établissement, qui a pu relever du domaine d’un propriétaire privé ou bien de la sphère publique (Nouvel, 2016, p. 160-168), est également équipé de thermes de plus de 150 m², construits ou rénovés vers la fin du iie s. de n. è., de citernes, de puits et de divers bâtiments (fig. 246). Parmi ces derniers, figurent probablement les logements des travailleurs, mais l’organisation générale de l’établissement et ses composantes, à l’exception des thermes et du modeste temple, de même que sa chronologie, ne sont guère connues.
Figure 246 : Vestiges du vraisemblable établissement métallurgique de Haut le Pied à Joigny (Yonne) et du sanctuaire associé.

Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2016, p. 160, fig. I3-42.
3.2.3. Les autres sanctuaires a priori ruraux de l’époque romaine : un isolement à relativiser
253Les sanctuaires a priori isolés dans les campagnes, qui ne sont donc pas rattachés à une agglomération secondaire ni à un établissement rural, sont les plus nombreux, avec une centaine d’exemples recensés. Toutefois, la documentation qui s’y rapporte est souvent lacunaire et il est tout à fait probable qu’une part d’entre eux ait en réalité été associée à l’un de ces types d’habitat, dont aucun vestige n’aurait encore été identifié avec certitude. D’ailleurs, dans nombre de cas, la présence de vestiges maçonnés ou fossoyés à leurs abords, dont on ne peut restituer l’organisation générale ni déterminer la fonction, suggère l’existence d’établissements associés, sans que l’on puisse préciser s’il s’agit d’un habitat ou d’infrastructures liées aux activités religieuses. En outre, à l’instar des autres aires sacrées dispersées dans les campagnes (cf. supra, fig. 171 et 3.2.2), les sanctuaires qui ne présentent pas de lien évident avec un établissement rural sont surtout connus grâce à des méthodes non invasives – essentiellement des prospections pédestres ou aériennes, pour 60 % d’entre eux – ou par des explorations sommaires (20 %), tandis que les sites sondés ou fouillés sont assez rares (20 %).
Figure 247 : Répartition des sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux ; les numéros correspondent aux sanctuaires dont l’environnement est discuté infra.

Réal. S. Bossard.
254L’examen global de ces nombreux espaces à vocation religieuse fait cependant ressortir des caractéristiques variées, qu’il est nécessaire de résumer avant de poursuivre la réflexion. Puis, après avoir étudié deux exemples de sanctuaires a priori bâtis en plein champ, il conviendra de nuancer l’isolement apparent d’autres espaces cultuels en examinant leur environnement proche. Il faut, d’une part, analyser une série de sanctuaires associés à de modestes constructions périphériques, dont la fonction – dépendances du sanctuaire, habitat pérenne ou temporaire lié à ce dernier ? – et le statut doivent être discutés ; d’autre part, l’étude des occupations dispersées dans un rayon de 2 km autour des sanctuaires permet de réfléchir à leur place au sein du maillage des établissements parsemant les campagnes et à leurs éventuels liens avec certains habitats ruraux établis à plusieurs centaines de mètres.
3.2.3.1. Des formes et des pratiques variées : panorama général des sanctuaires « isolés »
255Parmi 131 sites qui n’ont apparemment pas été bâtis au sein ou en périphérie immédiate d’un habitat groupé ou rural avéré (fig. 247 ; Bossard, 2021, vol. I, p. 536-546, tabl. XXXVIII), tous ne peuvent être qualifiés avec certitude de sanctuaires. Outre quelques cas peu documentés (Bossard, 2021, vol. I, p. 546-547), au moins deux possibles lieux de culte, qui ont fait l’objet de fouilles préventives récentes, pourraient aussi être interprétés comme des espaces à vocation funéraire, équipés d’un mausolée (fig. 248). À Tiercé (les Tardivières, S.8) comme à Mordelles (le Val, S.190), deux enclos fossoyés, d’une surface de 2 625 m² et 1 530 m², enserrent une cour dominée par un petit édifice (respectivement 38 m² et 41 m²) aux fondations de pierre, dont l’élévation n’est pas conservée (Guérin et Pétorin dir., 2006 ; Le Boulanger dir., 2016, p. 66-75). Leur plan est tout à fait similaire à celui de temples pourvus d’une cella de forme quadrangulaire, d’un pronaos et même d’un escalier – et donc d’un podium – à Tiercé (types A2c et D). Alors que l’édifice de ce dernier site, qui présente donc le plan d’un temple classique, est installé au fond de la cour, face à son entrée, celui de Mordelles se dresse dans son angle sud-ouest ; quelques fosses, dont l’usage n’est pas connu, et des surfaces empierrées, pour ce dernier enclos, constituent les seuls autres aménagements reconnus. Ces espaces se caractérisent aussi par la rareté de dépôts qui leur sont associés (des tessons de céramiques de morphologie variée et, aux Tardivières, quelques restes fauniques et une monnaie de bronze) et par une chronologie resserrée autour du ier s. de n. è. – voire, pour l’enclos du Val, qui mord probablement sur les premières décennies du siècle suivant. Ces enceintes, isolées au milieu de parcelles agricoles, ont donc été manifestement fréquentées durant seulement quelques décennies.
- 68 Cicéron, par exemple, expose dans l’une de ses lettres à Atticus le projet de dresser en hommage de (...)
256Si l’hypothèse de modestes sanctuaires est plausible, celle d’enclos aménagés pour célébrer la mémoire d’un défunt ne doit pas être écartée pour autant (cf. supra, 1.1.2.1, type A1-A2) ; les restes de ce dernier – non conservés dans les deux cas – auraient alors pu être réunis dans une urne placée dans l’édicule, ou même avoir été absents s’il s’agit de cénotaphes. La configuration et les dimensions de ces enceintes et de leur bâtiment principal sont au demeurant comparables à celles des vestiges découverts sur le site des Pellières à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) [fig. 248], pour lesquels l’hypothèse d’un « mausolée, conçu sur un modèle d’architecture cultuel, paraît aujourd’hui la plus probante » (Mercier, 2019, p. 224). Établi en bordure d’un monument funéraire du Bronze ancien, cet édifice (55 m²) est installé dans l’angle d’une enceinte fossoyée de plan trapézoïdal. Celle-ci renferme aussi plusieurs fosses, dont l’une, qui a pu être utilisée comme bucher, a livré des restes osseux calcines, probablement humains. De même, en Aquitaine, les enceintes fossoyées ou maçonnées d’Augy-sur-Bois, de Lapan, de Saint-Doulchard (Cher) et de Valdivienne (Vienne), abritant un bâtiment dont le plan et le module sont tout à fait similaires aux exemples précédents (fig. 248), peuvent également, à notre sens, être interprétées comme de possibles enclos à vocation funéraire (Doulan, 2008, vol. II, p. 172, p. 368-370 et p. 475-476 ; Girond, 2015, vol. 1, p. 104, p. 163-165, p. 310-315 et p. 455-457). Des esquilles d’os brûlés (humains ou animaux ?) proviennent d’ailleurs de l’aire clôturée de Saint-Doulchard, qui est sise à proximité d’une villa, à l’instar de celles d’Augy-sur-Bois, de Lapan et de Saint-Herblain – localisées à plusieurs dizaines ou centaines de mètres de la pars urbana. Si l’environnement antique du site de Tiercé est peu connu, il peut être noté que la présence d’une villa, s’il ne s’agit pas d’une petite agglomération, est soupçonnée à environ 500 m au sud-ouest de l’enclos de Mordelles ; un petit temple, au lieu-dit Sermon (S.189), existe d’ailleurs entre les deux ensembles et pourrait avoir relevé, à l’instar de l’éventuel mausolée, de ses dépendances (P. Poilpré, in Le Boulanger dir., 2016, p. 284-290). Quant aux tessons de céramique et aux restes fauniques enregistrés, leur présence pourrait s’expliquer par la tenue de repas funéraires, organisés durant plusieurs décennies dans le cadre de la commémoration du défunt. Il est donc nécessaire de faire preuve de prudence au sujet de l’interprétation de tels édifices installés au milieu des champs, que l’on a pu avoir fondés, plutôt que pour honorer les dieux, dans le cadre de la mise au tombeau d’un notable – ou d’un culte funéraire68 ? –, sur les terres qui lui appartenaient, à plus ou moins courte distance de sa résidence de villégiature.
Figure 248 : Enclos fossoyés ou maçonnés abritant un édifice de plan rectangulaire, découverts dans les cités de Lyonnaise et d’Aquitaine : modestes sanctuaires ou enclos funéraires ?

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
257Les 125 sanctuaires avérés, quant à eux, se caractérisent par une grande diversité morphologique, bien que certaines architectures ou des agencements particuliers soient récurrents d’un site à l’autre (cf. infra, fig. 249, 250 et 252). Si l’on s’en tient aux derniers états de construction reconnus, qui correspondent généralement à l’étape de développement maximal des sanctuaires, aucune clôture ceinturant l’aire sacrée n’a été formellement identifiée pour près d’un site sur deux (59 espaces cultuels). Néanmoins, il faut sans doute envisager, outre des problèmes d’identification inhérents aux méthodes ayant permis leur découverte – soit, pour l’essentiel, l’examen d’images aériennes –, qu’une grande partie d’entre eux a pu avoir été délimitée par de simples fossés et talus, ou des haies, qui n’auraient pas été reconnus. Ce mode de clôture a d’ailleurs été mis en évidence dans plusieurs cas, étudiés dans le cadre de fouilles ou aperçus en prospection aérienne, notamment à Bourgon (S.28), Villeneuve-le-Comte (S.164) ou Locqueltas (S.273) – ainsi que pour les premiers états d’autres sanctuaires, tels Neuville-sur-Sarthe (S.18, ph. 1-3), Juvigné (S.36, ph. 1) et Paule (S.172, ph. 1) [cf. supra, 1.1.1.1 et 1.1.1.4]. Plus de cinquante autres lieux de culte ont été fermés par des murs, dessinant le plus souvent une enceinte de plan rectangulaire ou trapézoïdal.
258En ce qui concerne les aires sacrées assurément ceinturées par un péribole, dont 45 ont pu être mesurées avec plus ou moins de précision, leur surface s’échelonne entre 300 m² et 12 000 m², pour une moyenne proche de 3 200 m² – soit des valeurs souvent supérieures à celles qui ont été observées en contexte de villa, mais globalement inférieures à celles des principaux sanctuaires des agglomérations (cf. supra, 3.1.3.1 et 3.2.2.1). Au demeurant, les plus vastes enceintes ne sont pas nécessairement celles qui sont maçonnées, comme en témoignent les exemples de Paule (S.172 : 8 400 m²) et de Authevernes (S.253 : 12 000 m²), deux sites d’abord circonscrit par des fossés, puis par des murets ou simplement par l’alignement de bâtiments, tandis que les anciens talus ont peut-être été en partie conservés (Menez et al., 2021, p. 205 ; Michel et al., 2014). En outre, rares sont les cours sacrées intégralement closes par des portiques : une telle configuration n’a été observée qu’à quatre reprises – à Neuville-sur-Sarthe (S.18), Thomer-la-Sôgne (S.77), La Chapelle-des-Fougeretz (S.184) et Baron-sur-Odon (S.279). En fait, les galeries, pour les quelques sanctuaires qui en ont été équipés, sont surtout réservées à leur façade principale – ou à celle qui lui fait face –, qu’elles soient simples (à Orléans, S.114 ; Méréville, S.213 ; Bennecourt, S.254) ou doubles (à Juvigné, S.36 ; Macé, S.196 ; Pussigny, S.44 et peut-être Cléden-Cap-Sizun, S.168).
259La détermination du type d’organisation spatiale de ces sanctuaires (cf. supra, 1.2), possible pour une centaine de cas, révèle que les aires cultuelles dominées par un bâtiment de culte principal – voire unique – sont largement majoritaires (types II-1, II-2 et II-3 : au moins 89 lieux de culte, dont un minimum de 21 sont équipés d’édicules avoisinant un grand temple). À l’opposé, les cours accueillant plusieurs temples sont bien plus rares (types III-2 : 14 cas) – elles sont deux fois moins fréquentes, par exemple, qu’en contexte d’agglomération secondaire (cf. supra, 3.1.3.1).
- 69 Ils sont localisés à Sablé-sur-Sarthe (S.24 ; Monteil, 2015), Bouère (S.27 ; Salmon, 1843) ; Beaumo (...)
260L’architecture des édifices de culte est peu variée et témoigne, la plupart du temps, d’une certaine modestie. Si les temples construits en matériaux périssables sont peu représentés, il faut reconnaître qu’ils sont plus difficiles à détecter, notamment en prospection aérienne, que ceux pourvus de murs maçonnés. Une cinquantaine de chapelles, qui accompagnent un ou plusieurs temples plus imposants, est uniquement composée d’une cella (A1, A2, A3 ou A4), souvent de plan carré ou rectangulaire et d’une surface n’excédant que rarement la trentaine de mètres carrés. Parmi les autres catégories de temples, tous formés d’une cella centrale et d’une galerie périphérique, l’écrasante majorité est constituée d’édifices de plan carré ou rectangulaire (type B1 : 118 bâtiments ; B3 : 6 ; B6 : 1), dont l’emprise au sol s’étend entre 55 m² et 410 m², pour une moyenne de 190 m², en ne tenant compte que des valeurs précises ; un seul bâtiment pourvu de trois cellae desservies par une même galerie (B2) a été reconnu – à Guichainville (S.61 : 246 m² ; Flotté et al., 1996). Les autres formes sont très rares : on ne compte que quatre temples de plan circulaire (B4)69 et un seul de plan octogonal (B5) – à Pluherlin (S.275 : 205 m² ; Fouquet, 1866 ; Héligon, 1908). Quant aux édifices les plus monumentaux (types C et D), ils sont absents, à l’exception du temple de Douarnenez (S.170), qui est un unicum à l’échelle du monde romain et dont le plan, que l’on suppose couvrir plus de 1 000 m², est incomplètement connu (cf. supra, 1.1.2.1, type C2 ; Clément et al., 1987 ; Maligorne, 2006, p. 56-59).
261Les lacunes relatives à l’identité des divinités honorées au sein de ces sanctuaires sont encore plus flagrantes qu’en contexte d’agglomération : pour la centaine de sites a priori isolés, n’est renseigné qu’un seul théonyme – celui de la déesse Acionna, mentionnée sur une table en pierre à queues d’aronde à Orléans (S.180 ; CIL XIII, 3063-1). L’inscription indique qu’un pérégrin du nom de Capillus a offert un portique à la divinité, qui pourrait être liée à une source voisine de son sanctuaire (cf. supra, 1.1.3.2). Quelques débris de statues ont été recueillis dans de rares autres lieux de culte, mais ils sont trop incomplets pour que l’on puisse identifier les puissances divines qu’ils ont pu représenter (cf. supra, 2.2.2.1). D’une manière générale, il est probable qu’au sein des temples ruraux, et a fortiori dans les plus modestes d’entre eux, rares étaient les dédicaces inscrites et affichées sur des supports impérissables, de même que les statues de culte en pierre ou en métal, auxquelles des effigies en bois devaient être préférées.
262À l’instar des sanctuaires d’agglomération (cf. supra, 3.1.3.1), l’analyse du mobilier de ces sites révèle des assemblages très variés, dont la composition et l’importance numérique sont en grande partie liées à la chronologie des occupations. Ainsi, au sein des lieux de culte « isolés » que l’on a fréquentés entre la fin du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è. et le courant du ier s., voire le début du iie s., a été amassé un grand nombre d’objets, variés : en témoignent les sites de Neuville-sur-Sarthe (S.18 ; Guillier dir., 2020), d’Orléans (S.114 ; Verneau, 2014 ; Canny, 2015), d’Hérouvillette (S.145 ; Veron dir., 2018) de Macé (S.196 ; Leclerc, 2007b) ou encore de Bennecourt (S.254 ; Bourgeois dir., 1999). D’autres espaces cultuels, a priori fondés plus tardivement, dans le courant du ier s. de n. è., ont livré une quantité d’objets bien moindres – à Guichainville, le Devant de la Garenne (S.61 ; Flotté et al., 1996), Villeneuve-le-Comte (S.164 ; Berga et Bet, 2016) ou Pussigny (S.244 ; Coutelas dir., 2015). Les phénomènes observés en ville sont donc tout à fait similaires à ceux que l’on peut mettre en évidence dans les campagnes (cf. supra, 2.3.2). Les centaines de monnaies de la période gauloise ou du début de l’époque impériale romaine collectées au sein de certains lieux de culte ruraux – à Juvigné (S.36 ; Bossard et al., 2016, p. 29-30), Orléans (S.114 ; Verneau et Noël dir., 2009, vol. 2, p. 93-132 et vol. 3, p. 368-429) et probablement Mordelles (S.189 ; Colbert de Beaulieu et Guibourg, 1952) – sont révélatrices de la vitalité de la pratique de la stips autour du changement d’ère. Il peut d’ailleurs être noté qu’une grande part des sanctuaires au sein desquels des monnaies ont été mutilées en nombre plus ou moins important, durant cette période (cf. supra, 2.2.3.1), correspond à des lieux de culte situés dans les campagnes, mais parfois à quelques centaines de mètres d’une agglomération secondaire – à Juvigné (S.36), Douarnenez (S.170), Paule (S.172), Mordelles (S.189), La Villeneuve-au-Châtelot (S.236) et Panzoult (S.242).
263Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que plusieurs sanctuaires ruraux se caractérisent par d’importants dépôts de restes céramiques, fauniques ou malacofauniques – à Hérouvillette (S.145 ; Veron dir., 2018), Authevernes (S.253 ; Michel et al., 2014) et Pussigny (S.244 ; Coutelas dir., 2015), par exemple. La conservation remarquable de ces objets est sans doute en partie liée à la présence de multiples fosses et de fossés, réceptacles privilégiés pour leur enfouissement (cf. supra, 2.1.2.2), et les pratiques alimentaires, en particulier la tenue de probables banquets et la mise en terre de quartiers de viande (cf. supra, 2.2.1), semblent y occuper une place importante, et ce tout au long du Haut-Empire. Parmi les autres catégories d’artefacts, les figurines en terre cuite, abondamment présentes dans certains temples de villae de la péninsule armoricaine, sont également particulièrement nombreuses dans d’autres modestes espaces cultuels de la même région, à Plouër-sur-Rance (S.137 ; Menez dir., 1996, p. 76-78) et à Saint-Jacut-de-la-Mer (S.138 ; Bizien-Jaglin dir., 2004, p. 107-124), mais aussi à Saint-Jean-Trolimon (S.179 ; Rouvier-Jeanlin, 1972, p. 38, note 23 et p. 419 ; cf. supra, 2.2.2.1). Les offrandes anatomiques, plutôt rares en contexte d’agglomération, semblent réservées à quelques sites ruraux constituant la propriété d’une divinité aux fonctions probablement guérisseuses : si l’on excepte de rares cas pour lesquels un seul objet de ce type a été collecté, les plaquettes métalliques en forme d’yeux, de visages ou encore de seins se concentrent dans trois sanctuaires des cités centrales de la Lyonnaise – à La Londe (S.86 ; Deglatigny, 1921, p. 57-58), Bû (S.99 ; Fauduet, 1990) et Orléans (S.114 ; Canny, 2015 ; cf. supra, 2.2.2.1). Quant aux petits objets circulaires, les deux sanctuaires du début du Haut-Empire ayant livré des quantités exceptionnelles de rouelles (La Villeneuve-au-Châtelot, S.236 ; Piette et Depeyrot, 2008, p. 57-91 et Piette, 2018, p. 177-178) et d’anneaux métalliques (Baron-sur-Odon, S.279 ; Bertin, 1977 et Goussard, 2022), sans doute produits sur place ou dans les environs proches (cf. supra, 2.2.2.3), présentent la particularité d’être situés en retrait des habitats groupés, malgré leur proximité avec une agglomération secondaire, pour le premier, et le chef-lieu d’une cité, pour le second. Enfin, le regroupement de multiples lames de haches néolithiques est fréquent dans les lieux de culte ruraux des cités de la basse vallée de la Seine, comme le montrent les exemples de Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74), Grand-Couronne (S.261) et Oissel (S.266 ; Vesly, 1909, p. 86, p. 88, p. 102 et pl. VI ; Poulain, 1915, p. 55, p. 61 et p. 74 ; cf. supra, 2.2.4).
264L’image qu’offre cette panoplie d’objets est donc le reflet de pratiques diverses, notamment de dons individuels, mais aussi, probablement, de banquets collectifs. L’importante quantité de mobilier qui caractérise plusieurs sanctuaires et l’examen de leurs contextes de relégation montrent que tout au long du Haut-Empire, l’enfouissement des objets manipulés au cours des rituels, au sein même de l’aire sacrée ou dans sa périphérie proche, semble avoir été plus systématique qu’en ville – où les déchets, peut-être plus nombreux, sont plus régulièrement évacués ou recyclés ?
265La chronologie des fondations et des réaménagements des lieux de culte ruraux n’a pu être déterminée avec certitude que pour un échantillon limité de sites, fouillés au cours du demi-siècle passé. Certains d’entre eux succèdent manifestement, parfois sans rupture chronologique, à un lieu de rituels gaulois – à Neuville-sur-Sarthe (S.18), Juvigné (S.36), Saint-Jean-Trolimon (S.179), Aunou-sur-Orne (S.195), Bennecourt (S.254), ou encore à La Villeneuve-au-Châtelot (S.236) pour un site voisin d’une agglomération secondaire –, tandis que d’autres sont implantés au sein d’anciens habitats groupés ou ruraux – à Orival (S.267) et à Hérouvillette (S.145) ? –, voire de nécropoles préhistoriques ou protohistoriques, à Paule (S.172) ou à Pussigny (S.244) [cf. infra, 4.1.3 et 4.2]. La plupart des espaces cultuels a priori isolés paraît en revanche avoir été fondée ex nihilo, dès les décennies qui ont suivi la guerre des Gaules ou bien dans le courant du ier s. de n. è. (cf. infra, 5.2 et 5.3). Les vestiges visibles sur les images aériennes et ceux observés au cours d’opérations archéologiques menées sur la terre ferme témoignent parfois d’agrandissements et de reconstructions successives, qui révèlent que certains de ces sanctuaires ont été entretenus et progressivement dotés de constructions maçonnées, mais rarement monumentalisés – au contraire de plusieurs lieux de culte des capitales de cités ou des agglomérations secondaires. Malgré de multiples travaux de réaménagement, le temple de Saint-Martin-de-Boscherville (S.87) semble ainsi avoir gardé des traits dénués de toute monumentalité, de même que celui de Val-de-Reuil (S.269), en dépit de multiples extensions de la cour sacrée, échelonnées sur près de deux siècles (Le Maho, 1995 ; Lukas, 2018a). Le bâtiment de culte d’Authevernes (S.253 ; 163 m²), manifestement reconstruit sur place – à une date indéterminée – en conservant le même plan, n’a jamais été détruit au profit d’un édifice monumental ; parmi les trois temples de plan quadrangulaire de Bennecourt (S.254), deux (C et G) n’ont jamais été ceints d’une galerie périphérique, tandis que le troisième (B), bâti en trois étapes entre la fin du ier s. av. n. è. et le iie s. de n. è., ne couvre que 168 m² dans son état final (Bourgeois dir., 1999 ; Michel et al., 2014). Le sanctuaire d’Orléans (S.114), fondé dès la seconde moitié du ier s. av. n. è., est d’abord ceinturé par une enceinte fossoyée qui définit une vaste cour (6 970 m²), mais lors de l’édification d’un péribole maçonné, vers le milieu du iie s. de n. è., sa surface ne couvre plus que 1 550 m² ; son temple ne mesure alors que 137 m² et seul un portique – celui offert par le pérégrin Capillus (cf. supra) ? –, déployé à l’ouest de la grande cour, confère à l’aire sacrée une certaine solennité (Verneau, 2014).
266L’identification du statut des sanctuaires ruraux relève donc de la gageure pour de nombreux cas, faute de documents écrits. L’existence d’aires sacrées publiques sur le territoire des civitates de l’empire, que ce soit à Rome ou dans les provinces, est pourtant un fait avéré : des conflits ont parfois opposé deux cités, au sujet de lieux sacrés établis sur leur limite commune, ou encore une cité et des particuliers, à propos des champs que ces derniers possèdent au contact de lieux de culte publics (Scheid, 2010, p. 145-148 ; cf. infra, 5.3.2.2). Du reste, peu nombreux sont les vestiges archéologiques relevant de constructions dont la monumentalité est suffisamment marquée pour y reconnaître des lieux de culte publics ou, au contraire, totalement absente, suggérant plutôt un statut privé.
267La liste des aires sacrées a priori isolées et dont la qualité et les dimensions des équipements plaident en faveur d’une appartenance aux sacra publica des civitates se résume à une douzaine de sites seulement (fig. 249), aux abords desquels ont d’ailleurs été découverts, souvent, des vestiges laissant penser qu’ils relèvent peut-être d’agglomérations qui n’ont pas été formellement identifiées ou, du moins, d’occupations qui ne se restreignent pas à l’emprise du péribole (cf. infra). À Douarnenez (S.170), bien que l’organisation spatiale du site soit peu connue, l’architecture et l’emprise du temple bâti au plus tôt à la fin du ier s. de n. è., déjà évoqué supra, ne laisse aucun doute quant à l’intervention de la cité et, sans doute, d’évergètes locaux, peut-être les citoyens romains réunis dans un conventus auquel fait référence une inscription (Maligorne, 2006, p. 56-59 ; cf. infra, 5.3.2.2). Cet édifice succède à d’autres aménagements plus anciens, peu documentés, mais témoignant de la présence d’un lieu de culte dès les alentours du changement d’ère, au plus tard (Clément et al., 1987). Au même titre, mentionnons l’enceinte de Cléden-Cap-Sizun (S.168), couvrant plus de 8 300 m² et fermée, à l’est, par un double portique flanqué de pavillons, dont la nature est incertaine ; s’il s’agit bien d’un sanctuaire, il faut sans doute y voir un autre monument public de la cité des Osismes, établi en bordure de l’océan (Monteil, 2012, vol. II, p. 171-173 ; Galliou, 2015).
Figure 249 : Plans de grands sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, de statut probablement public.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
268La présence d’un quadriportique n’est a priori pas exclusive aux lieux de culte publics, comme le laisse penser l’existence d’une imposante villa à Levet (Cher), à proximité d’un sanctuaire d’environ 1 200 m², doté de deux petits temples et d’une cour bordée de galeries sur au moins trois côtés (Girond, 2015, vol. 1, p. 109, p. 308 et p. 316). Néanmoins, à La Chapelle-des-Fougeretz (S.184 ; Provost, 1991), l’association d’un tel équipement à une aire sacrée de grandes dimensions (4 107 m²) et à des bâtiments de culte d’une surface relativement importante (256 m² et 132 m²), appuie l’hypothèse d’un statut public, de même qu’à Neuville-sur-Sarthe (S.18 : 3 100 m²) et à Thomer-la-Sôgne (S.77 : environ 3 000 m²). Parmi les cours d’une certaine ampleur et qui ont été pourvues d’aménagements remarquables, signalons aussi le lieu de culte de Bû (S.99), équipé d’au moins un temple, particulièrement grand (410 m²) et juché sur un podium haut de moins de 1 m, ainsi que d’un double portique à l’est, l’ensemble occupant une aire de plus de 4 000 m² (Fauduet, 1988). Les sanctuaires de Comblessac (S.132), de Macé (S.196) et de Méréville (S.213) se caractérisent également par des dimensions relativement importantes (entre 2 630 m² et environ 3 500 m²), par la présence d’au moins une galerie, de deux bâtiments de culte pourvus d’un déambulatoire et, pour les deux derniers cas, de multiples édicules de plan carré ; leur construction a été progressive, comme l’ont montré les fouilles réalisées par G. Leclerc (2007b) à Macé et comme le révèlent les recoupements visibles sur les images aériennes des sites de Comblessac et de Méréville (Gautier et al., 2019, p. 272-273 ; Naudet, 2004, p. 153 et 187-188). Mentionnons encore le site de Saint-Aubin-sur-Gaillon (S.74 ; Poulain, 1915), doté d’au moins deux temples à galerie périphérique richement décorés, dominant une aire sacrée de 4 648 m², et ceux de Saint-Mars-Vieux-Maison (S.161 : environ 2 700 m² ; Goguey et Cordier, 2015, p. 275), de Saint-Hilaire (S.222 : 3 900 m² ; Besse, 2005, p. 86-87) et de Juvigné (S.36 : 4 150 m² ; Bossard et Dufay-Garel dir., 2016), équipés d’un temple relativement grand, d’une surface d’environ 200 m², et, pour les deux premiers exemples, d’une double galerie monumentalisant leur façade principale. À Juvigné, d’ailleurs, l’histoire du lieu de culte s’inscrit dans le long terme : l’état maçonné succède à des aménagements dont les origines remontent à la fin du iiie s. ou au début du iie s. av. n. è. ; dès le second âge du Fer, selon toute vraisemblance, le sanctuaire était délimité par un fossé aux dimensions remarquables (cf. supra, 1.1.1.1), suggérant l’importance de ce site à vocation religieuse dès la période gauloise.
269À l’opposé, une trentaine de sanctuaires (fig. 250) se caractérise par la présence d’un unique temple de taille plus ou moins petite, n’excédant que rarement 200 m² ; ils sont a priori dépourvus d’enceinte maçonnée – bien qu’ils aient souvent été reconnus en prospection aérienne ou lors d’une exploration ancienne et qu’ils soient donc peu documentés – et ont, au moins pour certains d’entre eux, été installés dans un espace circonscrit par de simples fossés (cf. supra, 1.1.1.1). L’aire cernée par ces derniers, lorsqu’ils ont pu être identifiés, est parfois importante, comme en témoignent les exemples de Villeneuve-le-Comte (S.164 : au moins 4 500 m² ; Berga et Bet, 2016) ou de Paule (S.172 : 8 400 m² ; Menez et al., 2021), intégrant dans son emprise deux tumulus protohistoriques, et probablement ceux de Bourgon (S.28 : environ 3 400 m² ; Leroux, 1999) [fig. 251] et de Locqueltas (S.273 : environ 4 200 m² ; Naas, 2006), observés au cours de survols aériens. Les capacités d’accueil de ces vastes cours sont considérables : des centaines, voire des milliers de dévots ont pu s’y réunir, mais on ignore tout de leur fréquentation. Le mobilier collecté lors de la fouille des sites de Paule et de Villeneuve-le-Comte est peu abondant et comprend essentiellement des restes fauniques et des débris de vaisselle – liés à des repas ou des offrandes alimentaires ? – et, à Paule, une soixantaine de monnaies, seulement trois objets de parure et une clochette. L’absence de monumentalité, pour ces différents exemples, invite à y voir des sanctuaires privés, peut-être gérés par les propriétaires de grands domaines auxquels ils se rattachent, ou par des communautés de petits propriétaires (cf. infra, 3.2.3.5).
Figure 250 : Plans de modestes sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, de statut probablement privés.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
Figure 251 : Vue aérienne du sanctuaire de la Grésillonnière à Bourgon (Mayenne).

Cliché G. Leroux, in Leroux, 1999.
- 70 Il s’agit, entre autres, d’une trentaine de monnaies et de dix-sept parures à Saint-Jacut-de-la-Mer (...)
270S’ajoute vraisemblablement aux lieux de culte privés une série d’enclos fermés par des murs ou des murets, mais dont la surface est particulièrement réduite (fig. 250), tandis que leur temple semble très modeste – à Rouvray-Saint-Denis (S.119 : environ 300 m² ; archives scientifiques du sra de Centre-Val de Loire), Aunou-sur-Orne (S.195 : 485 m² ; Lejars et Pernet, 2007) et Plestin-les-Grèves (S.173 : 780 m² ; Arramond et al., 2014). De même, il ne fait guère de doute que les deux lieux de culte coriosolites de Plouër-sur-Rance (S.137) et de Saint-Jacut-de-la-Mer (S.138) relèvent également des sacra privata, au regard de la modestie de leurs équipements et de leur étendue réduite, vraisemblablement inférieure à 300 m² dans les deux cas (Menez dir., 1996, p. 66-79 ; Bizien-Jaglin dir., 2004). Dans un cas comme dans l’autre, les structures découvertes en fouille ne permettent pas d’identifier assurément un lieu de culte : à Plouër-sur-Rance, un enclos fossoyé d’origine laténienne délimite une cour étroite, occupée par un ou deux bâtiments construits en matériaux périssables, dont le plan ne peut être restitué (cf. infra, 4.2.2). À Saint-Jacut-de-la-Mer, les vestiges se répartissent sur deux plateformes d’un îlot rocheux, que l’on a aménagées en étalant des remblais composés de coquilles de mollusques ; en surface, des trous de poteau et des foyers témoignent de l’existence de structures légères. Toutefois, dans les deux cas, la présence de débris de figurines en terre cuite, en grand nombre – 132 et 254 restes, appartenant respectivement à plus de 70 et de 54 objets –, ainsi que d’autres types de mobilier, bien que moins nombreux70, indique sans conteste que ces espaces étaient en tout ou partie dévolus à des activités rituelles, qui ont vraisemblablement cessé dès le début du iie s. de n. è.
271Il est plus délicat de se prononcer au sujet du statut de toute une gamme de lieux de culte de dimensions variées, comprises entre 1 000 m² et 5 000 m², dont la cour, close par des murs, encadre souvent un unique bâtiment de culte de plan centré, à cella centrale et galerie périphérique, autour duquel gravitent parfois un ou plusieurs édicules (fig. 252). Certains d’entre eux, d’ampleur limitée, sont pourvus de portiques – à Pussigny (S.244 : 1 280 m² ; Coutelas et Hauzeur, 2017), Baron-sur-Odon (S.279 : 1 325 m² ; Bertin, 1977) ou Orléans (S.114 : 1 550 m² ; Verneau, 2014) –, tandis que la plupart sont simplement équipés d’un porche plus ou moins large. Leur morphologie ne permet pas de les ranger avec certitude dans une catégorie ou dans l’autre. Néanmoins, la longue durée d’occupation du lieu de culte d’Orléans, qui a livré d’abondantes offrandes datées essentiellement entre la seconde moitié du ier s. av. n. è. et du ier s. de n. è., semble indiquer qu’il s’agit d’un lieu de culte majeur, établi à côté d’une source peut-être habitée par la déesse Acionna (cf. supra, 1.1.3.2). Le lieu de culte de Bennecourt (S.254) a succédé, quant à lui, à un lieu de rituels gaulois (cf. infra, 4.1.3) et s’est développé jusqu’à couvrir près de 10 000 m², mais ses équipements, bien que composés de trois petits temples (cf. supra) et d’une longue galerie, sont peu monumentaux ; on ne peut définir avec certitude s’il s’agissait d’un sanctuaire public (Bourgeois dir., 1999).
Figure 252 : Plans de sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, dont le statut est difficile à définir.

Réal. S. Bossard, d’après diverses sources.
272Il faut donc se garder de considérer les sanctuaires « isolés » comme une catégorie homogène de lieux de culte dispersés dans les campagnes des cités : leur étude révèle des attributs variés, malgré la certaine modestie des architectures que partage une grande majorité de sites. En outre, l’analyse de leur environnement proche témoigne de situations diverses, puisque certains semblent effectivement prendre place au milieu de parcelles agricoles, tandis que d’autres sont étroitement associés à des aménagements qui, s’ils ne peuvent pas être identifiés avec certitude aux composantes d’un habitat dont dépendrait le lieu de culte, suggèrent parfois l’existence d’autres formes d’occupation rurale, liées aux sites à vocation religieuse. L’examen détaillé des abords de plusieurs sites bien documentés offre à ce titre d’intéressants éléments de réflexion.
3.2.3.2. Des lieux de culte isolés en plein champ ?
273Il est regrettable que les opérations archéologiques préventives ou programmées entreprises sur des sites considérés comme isolés n’aient que rarement permis l’étude, sur une surface importante, de leurs abords. L’articulation entre l’aire sacrée et les parcelles environnantes n’a été documentée que pour de rares cas, tandis que pour la plupart de ces sanctuaires, on ne peut affirmer avec certitude qu’ils étaient bien implantés à l’écart de tout habitat, faute d’une couverture suffisamment large de leurs environs. Par ailleurs, l’absence de toute substruction visible sur certains clichés aériens, autour de sanctuaires dont les fondations sont au contraire bien perceptibles, ne peut être considérée comme une preuve de leur isolement, puisque certaines constructions en matériaux périssables ont pu ne laisser aucune trace décelable par de telles méthodes. Certains exemples montrent toutefois que, si les temples ont pu avoir été bâtis à plusieurs centaines de mètres d’un établissement rural, ils ont bien été aménagés au contact de champs ou de prairies.
274Le temple de Villeneuve-le-Comte (S.164), mis au jour au cours d’une opération de fouille préventive prescrite à la suite d’un diagnostic de 113,8 ha, prend place dans un enclos fossoyé dont les autres composantes ont déjà été décrites (cf. supra, 1.1.1.1 et 3.1.4.2 ; Berga et Bet, 2016 ; Bet dir., 2018). Le sanctuaire, fréquenté tout au long du Haut-Empire, est localisé dans l’angle nord-est de la zone sondée et on ne connaît donc ni ses abords septentrionaux – probablement occupés par des parcelles, comme le suggère la présence d’un terrain délimité et drainé par des fossés au nord de l’enclos qui accueille l’édifice de culte –, ni l’espace qui s’étend à l’ouest. En revanche, les tranchées ouvertes à l’est et au sud-est ont confirmé l’absence de tout secteur densément bâti : d’étroits fossés circonscrivent un lot de parcelles, dont l’axe principal, contrairement aux limites du lieu de culte, est orienté en fonction d’une voie, distante de 180 m de ce dernier (fig. 253). Certaines de ces petites parcelles sont occupées par quelques trous de poteaux, des fosses et des puits, suggérant l’existence d’annexes agricoles plutôt que d’un véritable habitat. Dans l’emprise du diagnostic, l’établissement identifié au plus près du lieu de culte correspond à une modeste ferme, localisée à 1,2 km au sud-est ; il est toutefois possible que d’autres habitats aient existé à plus courte distance, dans les espaces non sondés. Quoi qu’il en soit, ce modeste sanctuaire a été implanté non pas en bordure immédiate de la voie – on ne sait, d’ailleurs, si elle a été tracée avant ou après la fondation de l’aire sacrée – mais en retrait, pour des raisons que l’on ne peut expliquer ; aucun chemin de desserte n’a été identifié entre le chemin principal et l’enclos du temple.
Figure 253 : Plan du sanctuaire des Villages Nature à Villeneuve-le-Comte (Seine-et-Marne) et de son environnement rural.

Réal. S. Bossard, d’après Berga et Bet, 2016, p. 61, fig. 3 et p. 62, fig. 4.
275Les espaces attenants au sanctuaire du Devant de la Garenne à Guichainville (S.61) ont également pu être étudiés au cours d’une opération archéologique menée en amont d’un aménagement routier, débordant sur une centaine de mètres au nord et au sud du péribole. Les structures reconnues en fouille permettent de reconstituer un paysage rural, investi par l’homme et évoluant au fil des siècles (Flotté et al., 1996, vol. 1, 3,3). Autour du changement d’ère, après l’abandon d’un établissement enclos laténien, un nouveau réseau fossoyé est mis en place ; il ne paraît pas s’appuyer sur l’ancien schéma et délimite une série de parcelles bâties ou probablement mises en culture ou en pâture (fig. 254, a). Seuls deux enclos abritent des structures rattachées à cette phase : d’une part, l’espace cultuel et son temple (A1), installé dans son angle nord-ouest, et, d’autre part, l’enclos auquel il est accolé, localisé directement à l’est. Au sein de ce dernier, plusieurs fosses et tranchées ont été attribués à la période augustéenne ou à la première moitié du ier s. de n. è. mais leur localisation, en limite du secteur fouillé, n’aide guère à leur compréhension. Au regard de sa position et de son plan, il paraît probable que l’espace attribué au sanctuaire, d’une surface de 1 480 m², n’ait pas été prévu dans le projet d’origine ; on ignore cependant si un établissement rural, dont il pourrait dépendre, se développe plus à l’est, ou si les abords orientaux du lieu de culte sont occupés par des parcelles à vocation agricole, dont l’une a pu avoir été libérée en tout ou partie pour y fonder un sanctuaire.
276Puis, lors de la seconde moitié du ier s. ou au début du siècle suivant, l’espace cultuel, considérablement agrandi – il couvre désormais une surface de 3 138 m² – est ceinturé par un péribole maçonné, empiétant sur les anciennes parcelles voisines, et est doté d’un second temple, à triple cella (B), alors que le premier bâtiment de culte est vraisemblablement reconstruit (fig. 254, b). L’aire enclose du sanctuaire s’inscrit manifestement dans une vaste enceinte fossoyée, de plan polygonal, qui se prolonge au-delà des limites de la fouille. À quelques mètres de l’angle nord-ouest du lieu de culte, au-delà de cette grande parcelle, une mare avoisine un espace probablement construit – des empierrements, correspondant peut-être à des sols aménagés, et de vraisemblables solins ont été observés en fouille. Un chemin bordé de fossés, orienté nord-sud, prend naissance auprès de ce ou de ces hypothétiques bâtiments. Cette occupation, difficilement caractérisable, se poursuit manifestement à l’ouest de la zone étudiée. Par ailleurs, à une trentaine de mètres au sud-est du lieu de culte, différentes fosses, dont l’usage n’est pas connu – s’agit-il de fosses de plantation ? – ont été creusées dans le grand enclos, divisé en plusieurs bandes par une série de fossés.
Figure 254 : Plan du sanctuaire du Devant de la Garenne à Guichainville (Eure) et de son environnement rural, durant la première moitié du ier s. de n. è. (ph. 1 : a) et entre la seconde moitié du ier s. et le courant du iie s. (ph. 2 : b).

Réal. S. Bossard, d’après Flotté et al., 1996, fig. 3.3.1. et 3.4.46.
277La fenêtre d’étude ouverte autour du sanctuaire n’est pas suffisamment large pour comprendre comment s’organisent les parcelles voisines, si elles bordent un important chemin ou encore si elles se déploient en périphérie d’un établissement rural. Les constructions observées au nord-ouest du péribole semblent trop modestes pour envisager la présence d’un habitat dont dépendrait le lieu de culte ; les dimensions de ce dernier et ses équipements – au moins quatre divinités y disposent d’une cella entourée d’une galerie – sont d’ailleurs d’une certaine ampleur. Faut-il envisager l’existence d’un sanctuaire géré par un ou par plusieurs propriétaires résidant dans les environs (cf. infra, 3.2.3.5), ou bien public, installé sur une parcelle acquise auprès d’un particulier au début du Haut-Empire, puis étendu et embelli après le milieu du ier s. de n. è., alors qu’il est intégré à un vaste enclos – appartenant également à la cité ou bien à des propriétaires locaux ? Des fragments de colonnes en pierre et d’enduits peints témoignent d’un décor de qualité, mais très rare est le mobilier recueilli sur le site – il est uniquement constitué de tessons de céramique et d’au moins huit monnaies, peut-être perdues. Ces arguments sont toutefois insuffisants pour déterminer le statut de ce lieu de culte rural qui, dans tous les cas, n’a pas été édifié dans un espace vide d’aménagements, bien qu’il soit peu bâti.
3.2.3.3. De modestes occupations aux abords de lieux de culte ruraux : dépendances ou composantes d’un habitat ?
278L’isolement de nombreux sanctuaires ruraux est à relativiser : pour 36 des 125 exemples retenus (soit 29 %), une ou plusieurs constructions en pierre ont été identifiées dans un rayon de 200 m, tandis que pour 10 autres sites (8 %), ce sont des enclos fossoyés – souvent non datés –, délimitant des établissements ruraux ou des parcelles agricoles peut-être contemporains, qui ont été reconnus (Bossard, 2021, vol. I, p. 536-546, tabl. XXXVIII). Il est alors vraisemblable qu’une part de ces sites, difficile à chiffrer, ait dépendu d’un habitat voisin, même si les données manquent pour l’affirmer avec certitude. De fait, pour plusieurs d’entre eux, les vestiges localisés à leurs abords, reconnus sur des images aériennes ou sommairement dégagés au cours d’explorations anciennes, ne peuvent être décrits avec toute la précision requise et leur plan demeure donc incomplet – à Fossé (S.106 ; Lecœuvre, 2012), Maizières (S.146 ; Desloges, 2005), Choisy-en-Brie (S.154 ; Devillers, 2009) ou Montacher-Villegardin (S.216 ; Nouvel et Venault dir., 2018, p. 316-317), par exemple.
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279En revanche, dans d’autres cas, un ou plusieurs bâtiments, implantés en périphérie de lieux de culte de plus ou moins grande envergure, ne s’apparentent pas aux composantes d’une agglomération secondaire, d’une villa ou d’une ferme suffisamment importante pour envisager que le sanctuaire soit l’une de ses annexes. Est-il alors possible d’identifier des hospitalia71, bâtiments destinés à l’accueil et à l’hébergement des dévots lors des fêtes religieuses, ou bien des logements de fonction, occupés par un gardien, l’aedituus, qui pouvait résider sur place72, ou encore des cuisines et de salles utilisées dans le cadre de banquets (Titta, 2020) ?
Un unique bâtiment aux abords du péribole : demeure d’un gardien, espace d’accueil et de réception ou résidence indépendante ?
280L’hypothèse d’un bâtiment destiné à la réception des visiteurs d’un sanctuaire ou à l’hébergement de membres du personnel qui lui est affecté peut être émise, par exemple, au sujet d’un bâtiment identifié à une vingtaine de mètres à l’ouest du péribole de Lestiou, qui enserre une cour d’environ 950 m², accessible au sud-est et occupée par un temple et de multiples édicules (S.110 ; Delétang, 2001). D’une surface voisine de 90 m², l’édifice est composé d’une galerie de façade, tournée vers le lieu de culte, et d’un couloir desservant deux pièces latérales (fig. 255). Son plan, identique à celui du bâtiment qui est accolé au nord du péribole du sanctuaire de Berthouville (S.50 ; cf. supra, 1.1.4.3 et fig. 204), est également attesté au sein de plusieurs villae, où il constitue alors l’une des annexes – probablement polyvalentes – de la pars rustica (Ferdière et al., 2010, p. 393-394). Aucune autre construction ne semble avoir été bâtie aux abords du lieu de culte et de l’édifice voisin, bien que le plan du site n’ait été dressé qu’à partir de photographies aériennes – l’existence de bâtiments construits sur solins, non perceptibles, pourrait éventuellement être envisagée. Quoi qu’il en soit, il semble peu probable que le sanctuaire ait constitué le lieu de culte privé dépendant d’un habitat dont l’édifice identifié, de surface équivalente à celle du temple dominant, constituerait la résidence principale. Pour autant, les dimensions de l’espace cultuel et de ses équipements sont peu importantes, contrairement à celles du monument sans doute public de Berthouville. On est alors en droit de supposer que l’aire sacrée a été aménagée au sein d’un domaine privé, dépendant peut-être d’une villa identifiée à 950 m à l’ouest-nord-ouest, au lieu-dit les Terres de Simon Petit (Genty, 1996), ou bien d’un autre établissement non identifié. L’édifice qui jouxte le sanctuaire, s’il en est bien contemporain, a pu avoir été bâti par le même propriétaire et donc relever aussi d’un domaine plus important. Pour autant, ses fonctions précises, probablement liées à l’activité se déroulant au sein de l’enclos adjacent, ne peuvent être déterminées en l’absence de fouilles, de même que pour le bâtiment reconnu à Berthouville.
Figure 255 : Plans de sanctuaires a priori ruraux, associés à un bâtiment correspondant à une probable habitation ou à une dépendance.

Réal. S. Bossard, d’après Delétang, 2001 ; Poulain, 1915, pl. XII et Poulain, 1931, fig. 1.
281À Saint-Aubin-sur-Gaillon, G. Poulain a exploré, près de vingt ans après la fouille du sanctuaire des Motelles (S.74), les vestiges d’une autre construction d’époque romaine, située à une trentaine de mètres au sud, mais dont la localisation n’est pas connue avec précision (fig. 255 ; Poulain, 1931). Le bâtiment, de plan rectangulaire (21 × 10,25 m, soit 215 m²), est divisé en cinq pièces, dont deux vastes salles d’une cinquantaine de mètres carrés, situées aux extrémités nord et sud. Malgré sa surface importante et la présence possible d’un étage, la construction paraît relativement modeste du point de vue des matériaux qui la composent : aucun fragment d’enduit peint n’a été découvert, les sols sont en terre battue ou parfois dallés, la couverture est formée de tuiles. La fouille de ses différents espaces a livré de nombreux tessons de céramique, des ossements d’animaux et des coquilles d’huître et de moule, ainsi que plusieurs fragments de vaisselle en verre, au moins deux couteaux de fer et une aiguille.
282Faute de données précises, on ne peut affirmer que le lieu de culte – fréquenté au plus tard à partir du iie s. – et ce bâtiment sont bien contemporains. En outre, on ignore si ce dernier est isolé en périphérie du sanctuaire, dont les abords immédiats n’ont été que peu étudiés, ou s’il relève d’un ensemble plus vaste. D’autres découvertes, dans un rayon de 1 km, témoignent de la présence de multiples occupations antiques qui semblent appartenir à un maillage assez dense d’établissements ruraux plutôt qu’aux composantes d’une agglomération secondaire, mais on ne peut exclure qu’un habitat groupé ait aussi existé à plus courte distance du lieu de culte (Poulain, 1915, p. 81 ; Lukas, 2005 ; Riche, 2007a et b ; Jahier, 2011 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 625-627). En tout état de cause, l’édifice situé à plus de 30 m de ce dernier paraît trop grand pour avoir été seulement occupé par un aedituus et sa famille. En outre, la présence de salles abritant probablement des cuisines, des resserres et des espaces de réception, accolées à l’angle nord-est de l’aire sacrée (cf. supra, 1.1.4.3) indique que l’espace cultuel, de grandes dimensions (plus de 4 600 m²) et pourvu de deux grands temples, était doté d’annexes qui lui étaient propres. La présence d’un second bâtiment, aux abords de ce qui s’apparente ainsi à un lieu de culte public, pose donc question : doit-on lui reconnaître une fonction complémentaire – tel l’hébergement temporaire de visiteurs, comme les représentants de la cité venant assister aux fêtes religieuses ? – ou bien considérer qu’il s’agit d’une habitation indépendante, relevant ou non d’une agglomération ?
283D’autres grands édifices similaires ont aussi été mis au jour en bordure septentrionale de l’importante aire sacrée qui occupe le centre de l’habitat aggloméré de Châteaubleau (S.204 : 264 m² pour le plus grand ; cf. supra, 3.1.3.1 et fig. 216), ainsi qu’à 180 m au sud-est du lieu de culte monumental de Genainville, également intégré à un habitat groupé (S.260 : 310 m² ; supra, fig. 212 ; Mitard, 1993, p. 423-448). En territoire éduen, à une vingtaine de mètres au sud-ouest de l’espace cultuel a priori rural de la Gare, à Asnois (Nièvre), dominé par un temple à cella centrale et déambulatoire et inscrit dans une cour de plus de 2 000 m², existe également un bâtiment d’au moins 170 m² (fig. 255), récemment identifié grâce à la photo-interprétation d’images aériennes (Nouvel, 2012). Une connaissance plus fine de ces bâtiments, dont le plan invite à y voir de grandes habitations, et surtout de leurs abords immédiats, dans l’optique de déterminer d’éventuels liens de dépendance avec le sanctuaire, permettrait de mieux comprendre leur rôle.
Des ensembles modestes aux abords de petits lieux de culte : annexes ou hameaux ?
284Pour d’autres sanctuaires de faible envergure, c’est un modeste regroupement de petits bâtiments qui côtoie l’aire sacrée, comme en témoignent trois exemples documentés par des fouilles.
285L’opération préventive conduite en 2012-2013 sur le site du Vigneau, à Pussigny (S.244), a révélé l’existence d’un petit sanctuaire enclos (fig. 256), implanté en bordure d’une ancienne nécropole tumulaire (cf. infra, 4.2.2), probablement dès la première moitié du ier s. de n. è. (Coutelas dir., 2015 ; Coutelas et Hauzeur, 2017). Il couvre une surface de 1 280 m² et est équipé d’un temple de plan carré (173 m²) et, en façade occidentale, d’une double galerie. Dans la cour, plusieurs dizaines de fosses ont manifestement été creusées pour enfouir des vestiges cérémoniels, notamment des reliefs de probables banquets et des quartiers de viande intacts, issus d’au moins cent vingt-cinq animaux (cf. supra, 2.2.1.3).
Figure 256 : Plan du sanctuaire du Vigneau à Pussigny (Indre-et-Loire) et des constructions bâties à ses abords occidentaux : des dépendances ou plutôt un hameau ?

Réal. S. Bossard, d’après Coutelas (dir.), 2015, p. 15, fig. 3.
286Au nord et au sud, le péribole est longé par deux chemins qui rejoignent, à l’ouest, un ensemble de constructions s’étendant au-delà d’un grand espace, long d’une cinquantaine de mètre et quasiment vide de structures, si ce n’est un socle en pierre, qui supportait un élément disparu (une statue ?), et quelques fosses. La douzaine de bâtiments qui borde à l’ouest cette probable place, contemporains du sanctuaire et complétés par un puits, a manifestement été construite en plusieurs temps, entre la première moitié du ier s. et la fin de ce siècle ou le début du suivant, avant d’être abandonnée dans le courant du iiie s. (Coutelas dir., 2015, p. 93-142 et p. 155-160 ; Coutelas et Hauzeur, 2017, p. 84). Ces petits édifices de plan rectangulaire, bâtis sur des fondations de pierre ou grâce à un système de poteaux porteurs, présentent une organisation assez lâche : composés d’une à trois pièces et couvrant chacun entre 35 m² et 110 m², ils sont répartis en deux ou trois alignements parallèles. Alors que l’extrémité méridionale de cet ensemble a vraisemblablement été cernée, il se prolonge au-delà de la limite septentrionale de la zone fouillée, sur une longueur inconnue. L’élévation d’une partie de ces bâtiments, voire de l’ensemble, devait être constituée de matériaux périssables, tandis que leur sol n’est jamais bétonné et que le toit de ceux dont les fondations sont maçonnées est formé de tuiles ; aucun fragment d’enduit peint n’a été signalé dans ce secteur. Les bâtiments a et c semblent destinés aux activités domestiques ; dans la petite construction voisine, au sud (b), un foyer maçonné, des trous de piquet disposés en arc de cercle, des petites fosses et la découverte d’outils métalliques (couteau, ciseau ou burin et foret ou tarière ?) laissent penser qu’il a pu abriter des activités artisanales, dont peut-être le séchage ou le fumage d’aliments. Plus au nord, les bâtiments identifiés sont dépourvus d’aménagements particuliers et il est plus difficile de déterminer leurs fonctions.
287Les objets provenant de ce secteur sont relativement peu nombreux : ils comprennent essentiellement des tessons de céramique, un peu de verre, quelques restes fauniques et malacofauniques – des huîtres, absentes du sanctuaire voisin –, quatre monnaies, un stylet, une clef, deux fibules, une perle, un élément de balance, une lame en fer, un jeton en terre cuite, quelques outils, trois éléments de harnachement, des appliques et d’autres objets métalliques indéterminés. En ce qui concerne la céramique, une surreprésentation de vases appartenant au service de table a été notée ; ce secteur a par ailleurs livré la majorité des assiettes, bols, gobelets, marmites et pots provenant du site.
288Ainsi, l’organisation et la composition de cet ensemble de modestes bâtiments ne semblent guère caractéristiques d’une exploitation rurale. Les activités qui y sont représentées sont variées : hébergement temporaire ou habitat permanent – mais la vaisselle utilisée pour la cuisson est peu présente – et artisanat, peut-être stockage ou tenue de repas pour certains bâtiments de bois ou aux fondations empierrées.
289Le second exemple, localisé à Hérouvillette (S.145), a également été étudié dans le cadre d’une fouille archéologique récente (fig. 257), dont l’emprise a toutefois été limitée à une grande partie de l’aire sacrée et à ses abords orientaux, nord-est et nord-ouest (Veron dir., 2018). Le lieu de culte succède, au plus tard dans le second quart du ier s. de n. è., à un vraisemblable établissement rural laténien (ph. 1 ; cf. infra, 4.2.1). S’étendant d’abord sur une petite surface (ph. 2 : 1 040 m²) et alors doté d’une enceinte de plan trapézoïdal, ouverte en direction du sud, et d’un temple de plan carré (120 m²), il est ensuite considérablement agrandi (2 995 m²), vers le début du iie s. (ph. 3) : sa cour, de plan désormais rectangulaire et accessible depuis l’est, accueille, à l’ouest, un temple plus grand (A2 : 240 m²) et peut-être dressé sur un podium (cf. supra, 1.1.2.1, type B1b). Probablement dès sa fondation, le sanctuaire est bordé, à l’ouest et au sud, par un ensemble de constructions, tandis qu’au nord et à l’est, l’espace – traversé par un réseau de chemins – n’a pas été bâti. Au sud, seul l’angle d’un bâtiment maçonné, se prolongeant au-delà de la limite de la fouille et détruit au moment de l’extension de l’aire sacrée, a pu être repéré ; on ignore donc tout de l’étendue de l’occupation dans cette direction. À l’ouest, les solins en pierre d’au moins trois bâtiments non datés, dont l’élévation devait être en terre et en bois, relèvent peut-être aussi de la même phase : les édifices sont accolés au mur occidental du péribole et ne semblent pas s’être étendus sur plus d’une vingtaine de mètres vers l’ouest. Le plan de ces derniers demeure incomplet et on ne peut alors définir leurs dimensions et leurs équipements, à l’exception de foyers, installés au centre d’au moins deux d’entre eux (Veron dir., 2018, vol. 1, p. 168-182). Quoi qu’il en soit, les constructions semblent modestes et peu nombreuses, même s’il est possible que l’occupation se prolonge en direction du sud, lors de la phase 2 et peut-être aussi au cours de la phase 3.
Figure 257 : Plan du sanctuaire du Four à Chaux à Hérouvillette (Calvados), entre le second quart et le dernier quart du ier s. de n. è. (ph. 2 : a) et du début du iie s. au début du iiie s. (ph. 3 : b).

Réal. S. Bossard, d’après Veron (dir.), 2018, vol. 1, p. 157, fig. 70 et p. 215, fig. 133.
290Enfin, le site de la Mare du Puits, à Oissel (S.266), moins bien documenté, a été exploré entre 1896 et 1904 (Barbier de la Serre, 1897 ; Vesly, 1909, p. 92-113 et pl. VI-VII). Le lieu de culte, dont un plan plus précis (cf. supra, fig. 252) et une description détaillée ont été publiés quelques années plus tard (Deglatigny, 1927, p. 7-12 et pl. I-II), est délimité par une enceinte maçonnée, qui circonscrit une aire sacrée d’environ 2 100 m². Celle-ci, dominée par un temple de plan carré, de dimensions moyennes (187 m²), accueille vraisemblablement deux ou trois édicules ou bases de statues.
291Les fouilles ont aussi révélé l’existence de multiples structures aménagées aux abords du sanctuaire (fig. 258). Face à son entrée, à une dizaine de mètres à l’est et près d’une mare dont le creusement n’est pas daté, un bâtiment de plan rectangulaire (140 m²), dont le sol est pavé et les murs sont enduits d’une peinture rouge, est manifestement chauffé au moyen d’un hypocauste et a pu être fréquenté dans le cadre de l’accueil ou du rassemblement des dévots (Vesly, 1909, p. 103-104 ; Deglatigny, 1927, p. 11-12 ; cf. supra, 1.1.4.2). À quelques mètres de l’angle sud-est de l’enceinte du sanctuaire, un bassin formé de tuiles avoisine un puits comblé et une série de blocs sculptés – les débris d’un fût de colonne et d’un chapiteau d’ordre toscan, ainsi que de nombreux fragments d’un bas-relief, qui « montrent un des personnages vêtu de draperies flottantes », que L. de Vesly identifie, sans certitude, à Diane ; ces éléments proviennent peut-être du lieu de culte, ou sinon d’un édicule voisin. Des vestiges de constructions en matériaux périssables, dont il ne reste que les solins, sont associés au puits et au bassin, tandis que d’autres, associées à une cave maçonnée, ont été reconnues à une vingtaine de mètres au nord du péribole ; le comblement de la salle souterraine a livré un abondant mobilier, incluant notamment de nombreux ossements d’animaux, des tessons de céramique, un fragment de plateau de bronze, une fibule et dix-huit monnaies émises sous le règne d’Antonin le Pieux et durant l’Antiquité tardive (Vesly, 1905, p. 260-264 ; 1906, p. 260 ; 1909, p. 96-97 et p. 104-106). Enfin, tandis qu’une série de sondages pratiqués en périphérie nord-orientale et orientale du lieu de culte n’a livré aucun vestige, un dernier bâtiment maçonné a été identifié à moins de 100 m au nord-est de l’enclos sacré. Interprété comme un ensemble balnéaire par L. de Vesly, il comprend deux salles chauffées sur hypocauste, dont l’une est équipée d’une abside, un praefurnium et une longue salle. Le mobilier collecté dans ce secteur comprend des tessons de céramique, des ossements de faune, quarante-deux monnaies datées d’Auguste (27 av. – 14 de n. è.) à Magnence (350-353) et une tessère de plomb portant, au revers, la légende « curato(r ?) » (Vesly, 1902, p. 31-35 ; 1909, p. 95-96).
Figure 258 : Plan schématique du sanctuaire de la Mare du Puits à Oissel (Seine-Maritime) et de son environnement : dépendances, hameau ou agglomération secondaire ?

D’après Vesly, 1909, p. 94, fig. 23.
292Le site, dont l’organisation générale est encore peu connue, paraît donc comporter un sanctuaire, une possible place à l’est et une série de bâtiments répartis autour de ces derniers. La chronologie de ces espaces ne peut être établie avec précision et on ne peut donc prouver, en l’état des connaissances, que ces aménagements relèvent bien d’une même phase de construction.
293De modestes constructions sont donc regroupées auprès de ces trois sanctuaires de statut indéterminé, mais dont les composantes sont également peu monumentales. Les bâtiments, composés d’une unique pièce ou de quelques salles, ne présentent généralement aucun élément de confort, leurs équipements se résumant à des foyers, des caves ou des structures à vocation artisanale ; seuls certains édifices d’Oissel sont pourvus d’un hypocauste.
294L’hypothèse de dépendances d’une villa ne peut être totalement écartée, en particulier à Oissel, où le sanctuaire et les petits thermes pourraient prendre place au sein d’un domaine privé, ou encore à Hérouvillette. Néanmoins, aucun vestige pouvant appartenir à la pars urbana d’un tel établissement aristocratique n’a été identifié à proximité de ces sites et l’organisation des constructions reconnues à Oissel, dispersées autour du péribole, n’est guère caractéristique de la pars rustica d’une exploitation domaniale. Quant aux bâtiments de Pussigny, il semble également peu crédible de les considérer comme les dépendances d’une villa, au regard de leur agencement et de leur regroupement à l’écart du péribole, dont ils suivent toutefois l’orientation. Des prospections aériennes, géophysiques et pédestres ont révélé l’existence d’une grande villa à 1,2 km au sud de ce site, aux Chirons, sur la commune d’Antogny-le-Tillac (Indre-et-Loire ; Provost, 1988a, p. 40-41), mais on ne sait si le sanctuaire et les bâtiments voisins étaient installés ou non sur son domaine, ou encore sur celui d’un autre établissement rural.
295Peut-on envisager que les sanctuaires et les bâtiments adjacents aient été rattachés à des agglomérations secondaires ? L’emprise globale des sites d’Hérouvillette et d’Oissel n’a pu être définie et il est possible qu’ils s’étendent au-delà de l’occupation reconnue. Dans le premier cas, l’aire sacrée pourrait être établie en périphérie septentrionale d’un habitat, dont aucun autre vestige n’a toutefois été mis au jour. Dans le second cas, le lieu de culte aurait alors occupé une place plus ou moins centrale, mais les données manquent pour identifier de véritables quartiers, d’autant plus que les vestiges reconnus sont relativement dispersés. Enfin, à Pussigny, la concentration de bâtiments est de trop faible ampleur pour envisager le développement d’une véritable agglomération, à moins que celle-ci ne se soit prolongé en direction du nord ou du nord-ouest. Pour autant, la structuration de l’ensemble bâti de Pussigny, composé d’un alignement de bâtiments au plan relativement simple, évoque l’un des quartiers, au sud d’un établissement thermal, de la petite agglomération secondaire de Chanceaux-sur-Choisille, localisée dans la même cité des Turons (cf. supra, 3.1.3.1 et fig. 214). L’hypothèse d’un modeste habitat pérenne, dénué de caractère urbain et que l’on pourrait qualifier de hameau, semble alors plausible pour ce site, comme pour ceux d’Hérouvillette et d’Oissel. Le développement du lieu de culte et des premiers bâtiments, manifestement concomitant à Pussigny et peut-être à Hérouvillette, plaide en faveur d’un ensemble fondé d’un seul tenant, puis complété par l’adjonction progressive de nouvelles constructions. L’habitat aurait alors été établi pour accueillir une petite communauté, composée de quelques familles, et pourvu d’un sanctuaire dont les dimensions, relativement peu importantes, auraient été adaptées à la taille de ce groupement d’individus.
296Aucune voie majeure n’a été localisée dans les environs proches de ces occupations, qui se distinguent donc des petites agglomérations routières, dont certaines sont également associées à un lieu de culte (cf. supra, 3.1.3.3). De même, les agglomérations les plus proches, du moins pour celles qui ont été identifiées, sont localisées à plusieurs kilomètres de ces sites – Bréville-les-Monts est à 4 km d’Hérouvillette ; Rouen, à 7 km d’Oissel ; Pouzay, à 11 km de Pussigny. Au regard de leur environnement, qui semble donc rural, les activités des habitants de ces possibles hameaux devaient être avant tout liées aux travaux agricoles et peut-être, dans une moindre mesure, à l’artisanat. Les importants dépôts de faune enfouis, sous la forme notamment de quartiers de viande, dans la cour sacrée de Pussigny, composés en majorité de restes de caprinés (au moins 108 individus, élevés sur place ?) et, en plus faible quantité, de bœuf (au moins 8 animaux ; cf. supra, 2.2.1.3), sont peut-être liées aux préoccupations d’une communauté d’éleveurs, tandis que la part des offrandes végétales, non conservées, ne peut être évaluée. Les autres catégories de mobilier, à l’exception de la céramique, non quantifiée pour le secteur du sanctuaire, sont d’ailleurs peu représentées, voire absentes, au sein du téménos.
- 73 Mentionnons aussi l’exemple – certes plus tardif, car daté entre la seconde moitié du iiie s. et le (...)
297Les recherches menées par S. Girond sur le territoire des Bituriges Cubes, en Aquitaine, ont également conduit leur auteur à identifier plusieurs sanctuaires établis en bordure de modestes habitats qu’il qualifie de hameaux73 – à étréchy, le Bussiou (Cher) ; Montluçon, les Hauts de Buffon (Cher) ; Saint-Maur, le Colombier (Indre) et Villeneuve-sur-Cher, les Sablons (Cher). Situés à proximité d’axes secondaires, ils sont composés d’un petit ensemble de bâtiments maçonnés et de constructions en matériaux périssables, manifestement édifiés à la même période que le sanctuaire et dont les dimensions sont très variables. Comme l’a noté S. Girond, il est difficile, en l’absence de documentation écrite, de déterminer si les communautés rurales établies sur ces sites constituent un réservoir de main-d’œuvre travaillant pour de grands domaines ruraux – auquel cas le notable possédant l’exploitation et les terres aurait pu offrir et assurer la gestion du sanctuaire associé, par exemple à Pussigny si l’on considère qu’il existe bien un lien avec le sanctuaire et la villa des Chirons – ou bien si elles sont indépendantes et financent elles-mêmes les cultes, l’entretien et l’agrandissement de l’espace cultuel qu’elles fréquentent (Girond, 2015, vol. 1, p. 325-336 ; Girond, Gandini, 2018, p. 146-149).
298Une dernière hypothèse consiste à supposer qu’une partie ou l’ensemble des bâtiments périphériques aient constitué les dépendances de ces sanctuaires, qu’ils soient publics ou privés. Ils auraient alors servi de manière ponctuelle, lors de fêtes religieuses, pour l’hébergement des cultores, ainsi que pour la préparation et la réception des banquets sacrés, et peut-être de manière plus fréquente, tout au long de l’année, pour accueillir les quelques dévots qui pouvaient s’y rendre.
299Une telle interprétation peut effectivement être proposée pour certains sites ruraux, tel celui du Tremblois (Villiers-le-Duc, Côte-d’Or), en territoire lingon, qui se caractérise par la présence d’un petit sanctuaire enclos, inscrit dans une enceinte maçonnée polygonale. Les côtés de cette dernière sont bordés de multiples bâtiments dont la fonction, incertaine, paraît liée à la vie religieuse : une partie de ces petits édifices a pu accueillir des boutiques ou des activités artisanales, telle la fabrication de fibules, offertes par centaines au sein du sanctuaire et dont certaines ont vraisemblablement été produites sur place (Heitzmann, 2019). La configuration de ce site évoque aussi celle du lieu de culte véliocasse d’Authevernes (S.253), doté d’un temple, assez petit (163 m²), qui est installé au centre d’une très vaste cour (environ 12 000 m²), bordée de multiples bâtiments, dont une petite pièce chauffée et de possibles cuisines et salles de banquet (cf. supra ; 1.1.4.3 ; Michel et al., 2014). Si l’on ne peut identifier la fonction de chacun de ces édifices, on peut douter qu’ils aient accueilli de façon pérenne une communauté rurale, en raison de l’organisation particulière du site et de la découverte de multiples restes culinaires et de quartiers de viande. À l’instar des dépôts de Pussigny, ceux-ci ont effectivement été enfouis dans une série de fosses et leur présence, à proximité d’un bâtiment de culte, invite à restituer la tenue de banquets (cf. supra, 2.2.1.3).
300Si l’existence de dépendances pourrait aussi être supposée pour les exemples de Pussigny (Coutelas dir., 2015, vol. 1, p. 160), d’Oissel et d’Hérouvillette, rares sont les arguments qui peuvent étayer cette hypothèse. L’abondance de la vaisselle de table, notée pour le matériel provenant des bâtiments de Pussigny (cf. supra) milite certes en faveur d’un espace réservé aux réceptions, mais les portiques du sanctuaire semblent davantage adaptés, en raison de leurs dimensions, au rassemblement d’un grand nombre de convives ; dans tous les cas, les cuisines qui auraient servi à la préparation des banquets n’ont pas été identifiées et certains modes de cuisson n’ont pu laisser aucune trace. La densité des bâtiments et la variété de leur plan suggèrent plutôt qu’il s’agit des composantes d’un modeste habitat, bien qu’on ne puisse en être certain. À Oissel, la disposition des constructions réparties autour du sanctuaire rappelle celle du Tremblois et d’Authevernes, mais le plan des vestiges est imprécis et, sans nul doute, incomplet. L’interprétation de ces édifices, qui pourraient aussi correspondre à de petites habitations relevant d’un hameau, comme à Hérouvillette et à Pussigny, est donc équivoque.
301De grands sanctuaires associés à des constructions éparses : dépendances ou véritable agglomération ?
302D’autres lieux de culte plus imposants, qui ont pu correspondre à des sanctuaires publics (cf. supra, 3.2.3.1), sont également environnés de multiples édifices de petite taille, dont la présence permet d’envisager une occupation plus vaste. Pour autant, l’organisation de ces constructions périphériques, a priori lâche, diffère de celle des agglomérations secondaires reconnues au sein des cités étudiées et l’existence d’un habitat groupé, comme pour les exemples précédents, est donc incertaine.
303Ainsi, à La Chapelle-des-Fougeretz (S.184), un récent diagnostic archéologique, conduit sur 33 ha, a permis de compléter une série de données recueillies depuis la fin des années 1970 au cours de sondages et de prospections aériennes et pédestres (Provost, 1978 et 1991 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 180-181 ; Aubry dir., 2019). Le sanctuaire des Tertres, probablement localisé à proximité de la route reliant Rennes et Corseul – dont le tracé n’a toutefois pas été localisé –, succède à une occupation datée de la fin du ier s. av. n. è. et du début du ier s. de n. è., de nature inconnue. Dans son état définitif, d’une emprise d’environ 4 100 m², il accueille deux temples, installés dans une cour bordée d’un quadriportique ; une seconde galerie double la façade orientale du péribole, à l’extérieur du lieu de culte, et semble être précédée par une vaste cour, accueillant manifestement plusieurs édicules et fermée au sud par un mur.
304Si les abords orientaux et surtout méridionaux du sanctuaire n’ont pas été étudiés, d’autres aménagements ont été perçus à l’ouest et au nord du lieu de culte, à proximité immédiate de son enceinte maçonnée (fig. 259). Seuls trois bâtiments maçonnés, de modestes dimensions et peut-être installés au sein d’enclos fossoyés, ont été repérés au nord du sanctuaire, à moins de 100 m de son péribole. En outre, à une vingtaine de mètres au nord-ouest, les sondages récents ont montré qu’il existe un secteur dense en structures fossoyées (fossés, fosses et trous de poteau), peu documenté, mais sans doute contemporain du lieu de culte, et qui se prolonge vraisemblablement vers le sud, en dehors de l’emprise diagnostiquée (Aubry dir., 2019, p. 95-99). Dans ce secteur, des prospections pédestres avaient permis d’identifier une quinzaine de probables fosses au sédiment cendreux et noirâtre, associées à des ratés de cuisson, à de probables fragments de parois ou de sole de four, ainsi qu’à un débris de moule de figurine en terre rouge. L’existence d’un atelier de production de vaisselle et de figurines en terre cuite, proche du sanctuaire, semble alors plausible, d’autant plus qu’à 200 m au nord, le long du ruisseau du Moulin Neuf, la mise au jour d’une couche d’argile blanche et de plus de 300 fragments de figurines, « souvent trop ou mal cuites », témoigne sans doute d’une zone de rejets de déchets produits par un atelier de ce type (Lahanier et al., 1988 ; Fichet de Clairfontaine et Joubeaux, 1993).
Figure 259 : Plan du sanctuaire des Tertres à La Chapelle-des-Fougeretz (Ille-et-Vilaine) et de son environnement.

Réal. S. Bossard, d’après Provost, 1991, pl. 3 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 181, fig. 158 et Aubry (dir.), 2019, p. 41, fig. 11, sur fond IGN.
305Ainsi, peu de bâtiments maçonnés semblent avoir été construits aux abords du grand lieu de culte, dont la monumentalité est renforcée par la présence des portiques. La structuration de l’occupation antique et ses composantes, puisqu’elle semble constituée d’enclos fossoyés dispersés et abritant des constructions en pierre ou en terre et en bois, consacrés notamment à des activités artisanales, rappellent en revanche les aménagements reconnus sur le site des Hauts de Buffon à Montluçon (Cher), que S. Girond (2015, vol. 1, p. 329-331) range parmi les hameaux dotés d’un sanctuaire relativement imposant.
306De même, au Mesnil, sur la commune de Baron-sur-Odon (S.279), un sanctuaire, dont la surface est plus réduite (1 325 m²), relève d’un site plus important, occupé depuis l’âge du Fer, mais dont l’étendue et l’organisation générale sont peu connues (fig. 260). L’occupation est située à moins de 350 m à l’ouest d’une route conduisant au chef-lieu des Viducasses, Vieux, distant de moins de 3 km. De plan polygonal, le péribole est flanqué d’une double galerie qui circonscrit l’ensemble de ce tracé. Malgré sa faible emprise, le lieu de culte est équipé de constructions, peu documentées, constituées de blocs ouvragés et de colonnes en pierre et quelques débris de statuaire (Dumons, 1961 ; Bertin, 1977). Les données manquent pour comprendre son organisation et son évolution au fil des siècles, mais l’hypothèse d’un statut public, si elle ne peut être prouvée, est plausible au regard des quelques informations réunies au sujet de son architecture.
Figure 260 : Plan du sanctuaire du Mesnil à Baron-sur-Odon (Calvados) et de son environnement.

Réal. S. Bossard, d’après Bertin, 1977, p. 76, fig. 2 et 4 et Pillault, Parra-Prieto (dir.), 2016, p. 194, fig. 101, sur fond IGN.
307Son environnement a pu être renseigné grâce à divers sondages et à une fouille préventive entreprise à une soixantaine de mètres au nord. Durant l’époque romaine, deux bâtiments, dont l’un, probablement divisé en deux nefs et couvrant plus de 300 m², pourrait éventuellement avoir servi à l’accueil des cultores, ont été établis à une vingtaine de mètres à l’est de l’entrée du sanctuaire (Dumons, 1961, p. 13-16). En revanche, à plus grande distance, peu d’édifices maçonnés ont pu être identifiés. Une petite construction de plan rectangulaire (3,30 × 2,90 m), dont le sol est bétonné et les parois internes sont couvertes d’un mortier de tuileau, a été dégagée à environ 80 m au nord-est du sanctuaire, tandis qu’au nord, un autre édifice, pourvu d’un hypocauste, prend vraisemblablement place dans un établissement délimité par une série de fossés, mis en place entre la période augustéenne et la première moitié du iie s. ; un probable aqueduc, alimentant la ville de Vieux, traverse également cet espace (Pillault et Parra-Prieto dir., 2016, p. 193-237). Enfin, à une centaine de mètres à l’est du sanctuaire, une surface empierrée de forme irrégulière et un dernier petit bâtiment ont été identifiés au cours d’autres sondages (Bertin, 1977, p. 85-88).
308Le lieu de culte n’est donc pas isolé, mais s’inscrit dans une occupation relativement étendue, dont la nature ne peut être définie en l’état de la recherche. Si l’hypothèse d’une petite agglomération secondaire ne peut être exclue, l’enclos fossoyé et le bâtiment localisés à moins de 100 m au nord de l’espace cultuel rappellent l’organisation lâche et les aménagements identifiés à proximité du sanctuaire de La Chapelle-des-Fougeretz. Il est intéressant de rappeler que l’ensemble des sondages réalisés sur le site du Mesnil ont livré un nombre variable de petits anneaux en alliage cuivreux, retrouvés par centaines dans l’enceinte du lieu de culte, mais dont l’usage précis – production spécifique destinée à être offerte aux divinités ou substituts de monnaies ? ne peut être déterminé (cf. supra, 2.2.2.3).
309Les autres exemples de grands lieux de culte associés à une occupation a priori de faible ampleur sont uniquement renseignés grâce à des images aériennes (fig. 261 ; Naudet, 2004, p. 153 et 187-188 ; Besse, 2005, p. 86-87). Le sanctuaire de Méréville (S.213), s’étendant sur environ 3 500 m², est doté de deux temples pourvus d’un déambulatoire et de multiples édicules, répartis dans une enceinte dont la façade orientale est bordée par une galerie. Les clichés pris d’avion révèlent aussi la présence de multiples petites constructions, concentrées le long de la façade méridionale du péribole, mais aussi au nord-est de ce dernier et à plus de 70 m au sud. La densité d’édifices semble peu importante et le plan des bâtiments reconnus – qui reste toutefois approximatif – correspond généralement à des formes simples, rectangulaires ou carrées. De telles constructions ont également été identifiées aux abords du sanctuaire de Saint-Hilaire (S.222), qui semble vaste (3 900 m² ?) et abrite un grand temple, probablement doté d’un escalier de façade, et d’autres édifices dont le plan est plus hypothétique. À l’extérieur, les bâtiments aux fondations de pierre semblent se concentrer le long de la façade principale du sanctuaire, tandis que d’autres, plus dispersés, existent au sud-ouest et au nord-est.
Figure 261 : Plan de deux grands sanctuaires (publics ?) et des constructions reconnues en prospection aérienne à leurs abords : dépendances ou agglomération ?

Réal. S. Bossard, d’après les clichés aériens de D. Jalmain et de F. Besse ; Paris, archives scientifiques du SRA d’Île-de-France et Besse, 2005.
310Contrairement aux possibles hameaux évoqués précédemment, ces différents sanctuaires – auxquels pourrait être ajouté celui du Mur à Comblessac (S.132), dont l’environnement proche est toutefois moins bien connu (Monteil, 2012, vol. II, p. 197-198 ; Gautier et al., 2019, p. 272-273) – paraissent démesurés en regard de l’occupation qui s’est manifestement développée à leurs abords. La chronologie du sanctuaire comme des aménagements périphériques demeure toutefois imprécise, voire inconnue, et on ne peut prouver qu’ils ont été fondés en même temps ou, au contraire, que la présence du sanctuaire a engendré la naissance d’un habitat pérenne ou occupé de manière temporaire.
311Comment interpréter les bâtiments localisés dans les environs proches de ces grands lieux de culte, dont l’emprise et les équipements – temples multiples ou de grandes dimensions, portiques – suggèrent un statut public ? L’hypothèse d’agglomérations secondaires qui ne serait dotées que d’un seul monument et de quelques édifices maçonnés, contrairement à la plupart des autres exemples documentés (cf. supra, 3.1.3.1), pourrait être envisagée. Les quelques bâtiments reconnus à proximité correspondraient alors à des habitations, regroupées près de l’aire sacrée (à Méréville et à Saint-Hilaire) ou au contraire dispersées dans des enclos fossoyés – tel qu’à La Chapelle-des-Fougeretz et peut-être à Baron-sur-Odon ? L’ampleur de ces habitats semble pourtant limitée et les rues sont a priori absentes. Toutefois, les interventions archéologiques conduites n’ont permis d’obtenir qu’un plan partiel des occupations. Il est possible que d’autres structures, plus difficiles à déceler – notamment des bâtiments construits en matériaux périssables ? – aient aussi existé à plus grande distance du lieu de culte.
312Néanmoins, les ensembles de Baron-sur-Odon et de La Chapelle-des-Fougeretz, pourvus de parcelles délimitées par des fossés et d’édifices maçonnés plus ou moins isolés, présentent un caractère « rural » qui les distinguent des autres agglomérations secondaires. Le développement de productions artisanales spécifiques – des figurines en terre cuite à La Chapelle-des-Fougeretz et des anneaux à Baron-sur-Odon ? – pourrait être liée à l’économie et aux besoins générés par la présence du sanctuaire, bien que les figurines semblent paradoxalement absentes du téménos des Tertres. Faut-il y voir, comme l’a proposé s. Ritz (2020, vol. 1, p. 357-364) à l’égard de l’agglomération d’Amel (Meuse), des habitats groupés particuliers, dont les architectures mises en œuvre sont similaires à celles que l’on retrouve au sein d’établissements ruraux et qui auraient été créés autour de grands sanctuaires (cf. supra, 3.1.3.1) ?
313De même que pour les éventuels hameaux, les données sont toutefois insuffisantes pour déterminer si ces aménagements périphériques correspondent aux composantes d’un véritable habitat aggloméré, formé autour d’un sanctuaire préexistant ou accompagnant l’installation d’une nouvelle communauté, ou bien s’il s’agit de dépendances liées à l’activité religieuse des grandes aires sacrées, qui ont pu accueillir des milliers de participants lors de fêtes annuelles, organisées en l’honneur des divinités qu’elles abritent. Dans ce cas, on pourrait reconnaître dans les quelques bâtiments bordant les sanctuaires de Méréville et de Saint-Hilaire, par exemple, des hospitalia où résideraient les célébrants. Cette hypothèse n’est cependant étayée par aucun argument solide et la reprise des investigations archéologiques s’avère indispensable pour confirmer ou infirmer l’existence de tels équipements, ou encore celle d’une agglomération.
314En l’état des connaissances, il peut être noté que la présence d’hospitalia autour de sanctuaires plus ou moins grands n’est en aucun cas avérée, tandis que l’existence d’habitats groupés associés aux sanctuaires semble davantage probable. Il faudrait alors envisager des occupations aux formes multiples – simples hameaux, juxtaposition d’enclos évoquant un regroupement d’établissements ruraux, ou agglomérations aux caractères urbains plus ou moins marqués –, dont les plus modestes sont aussi les moins bien documentées.
3.2.3.4. Des lieux de culte publics ruraux, intégrés à de vastes enceintes dévolues aux activités religieuses ?
315Deux autres sanctuaires a priori isolés, à proximité ou au sein desquels aucun vestige d’habitat pérenne ou temporaire n’a été mis en évidence, se distinguent des précédents par leurs dimensions, puisqu’il s’agit de vastes ensembles ; composés de plusieurs pôles, ils semblent avoir été essentiellement ou exclusivement destinés à des activités religieuses.
316Sur le territoire des Aulerques Éburovices, à 10 km au sud d’Évreux, le site de l’écrillon, à Thomer-la-Sôgne (S.77), n’a pas fait l’objet de fouilles, mais l’examen de son plan, dressé à partir de photographies aériennes, permet d’en décrire l’organisation générale (fig. 262 ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 668). Des murs définissent les limites d’une vaste enceinte de plan rectangulaire, s’étendant sur plus de 28 800 m² et accessible par un porche sur sa façade nord-est. Ce dernier donne sans doute accès à un sanctuaire inclus dans ce grand espace enclos : la cour sacrée, enclose par un quadriportique, accueille un temple de plan carré (A) ; à quelques dizaines de mètres au sud-ouest, d’autres aménagements, difficiles à caractériser – un bassin hexagonal (C) et la base d’un édicule (D) ? – sont encadrés par des anomalies linéaires qui pourraient correspondre à des murs d’enclos, ou bien à des canalisations. Un autre temple (B), de même plan et a priori dissocié de tout péribole qui lui serait propre, existe à 130 m au sud-ouest du quadriportique ; il paraît, quant à lui, isolé. L’extrémité sud-ouest de la très grande enceinte n’a pas été localisée et on ignore si d’autres constructions y ont été aménagées. Les dimensions du sanctuaire enclos (environ 3 000 m²) et l’édification de galeries qui flanquent son péribole semblent dignes d’un lieu de culte public, bien qu’on ne puisse le prouver. Dans ce cas, il serait peu probable que la grande enceinte ait délimité l’emprise d’une villa et il faudrait alors considérer qu’elle ait pu circonscrire un important établissement public, équipé d’un autre temple, s’il en est bien contemporain, et d’aménagements divers – notamment de jardins ? Il serait néanmoins nécessaire de compléter le plan du site pour confirmer l’absence de tout habitat rural au sein de l’espace enclos.
Figure 262 : Vestiges du site de l’Écrillon à Thomer-la-Sôgne (Eure).

Réal. S. Bossard, d’après Provost et Archéo 27 (dir.), 2019, p. 668 et une orthophotographie mise en ligne par Google Earth, datée du 30 juin 2010.
317Les opérations archéologiques préventives réalisées à Neuville-sur-Sarthe (S.18), au sein de la civitas des Aulerques Cénomans, ont documenté avec plus de précision un second ensemble, dont l’évolution peut être retracée dans les grandes lignes (Guillier dir., 2020). À l’emplacement d’un enclos de La Tène finale (zone 3), probablement déjà dévolu aux pratiques rituelles (ph. 1), ont été aménagées deux nouvelles enceintes, également délimitées par des fossés, et une troisième, circonscrite par une palissade ; elles se sont probablement succédé entre les alentours du changement d’ère (ph. 2) et le courant du ier s. (ph. 3) [fig. 263]. La partie centrale de ces enclos est occupée par une série de foyers et de trous de poteau qui suggèrent l’existence, durant cette période, d’un premier temple en matériaux périssables (cf. supra, 1.1.2.2). Le lieu de culte, qui a d’ailleurs livré un abondant matériel attribué aux premières décennies du Haut-Empire, est reconstruit en pierre après le milieu du ier s. de n. è. (ph. 4) : une enceinte maçonnée, d’emprise plus réduite (1 175 m²) que les enclos fossoyés antérieurs (2 230 m² et 2 930 m²), accueille probablement un premier temple construit en pierre, dont on ne connaît rien. Le sanctuaire est enfin monumentalisé à la fin du ier s. ou au début du iie s. (ph. 5), lorsqu’il est considérablement agrandi (3 100 m²) et doté d’une cour à quadriportique, complétée par une seconde galerie en façade orientale ; l’aire sacrée est dominée par un temple relativement grand (A : 225 m²), probablement dressé sur un petit podium et pourvu d’une colonnade d’ordre corinthien, et par deux paires d’édicules de forme octogonale et rectangulaire.
Figure 263 : Évolution du sanctuaire enclos du Chapeau à Neuville-sur-Sarthe (Sarthe) au cours de l’époque romaine : fin du ier s. av. n. è. ou début du ier s. de n. è. - premier quart du ier s. de n. è. (ph. 2 : a) ; premier quart - troisième quart du ier s. (ph. 3 : b) ; troisième quart du ier s. - fin du ier s. ou début du iie s. (ph. 4 : c) ; fin du ier s. ou début du iie s. - fin du iiie s. ? (ph. 5 : d).

Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 50, fig. 25, p. 93, fig. 65 et p. 95, fig. 66.
318L’emprise étendue de la fouille et du diagnostic qui l’a précédé, couvrant une surface totale de 9,5 ha, a révélé que ce lieu de culte enclos n’est pas isolé, mais qu’il fait partie d’un ensemble bien plus étendu. Alors que l’enclos laténien bordait, au sud, un vaste espace fermé par un modeste fossé au tracé curvilinéaire (ph. 1, cf. supra, 3.2.1), le lieu de culte de l’époque romaine comprend d’autres constructions, dispersées sur plus de 1,5 ha (fig. 264). À environ 80 m au sud-est (zone 4), deux petits temples (I3 : 113 m² ; J4 : 55 m²), ayant chacun connu trois états, ont été bâtis pendant ou après les années 30-40 de n. è. (ph. 3-4), dans un espace d’abord structuré par un ensemble de fossés, puis par une clôture formée d’un alignement de poteaux en bois, peut-être durant la seconde moitié du iie s. (ph. 5). Cette dernière matérialise l’angle sud-est et la façade orientale d’un vaste enclos, qui marque vraisemblablement l’emprise globale du site à vocation religieuse durant cette période, avant qu’un nouveau fossé au tracé irrégulier, creusé au plus tôt à la fin du iie s. ou au début du iiie s., n’isole désormais cet espace. À 80 m à l’est du sanctuaire à quadriportique, se développe un autre ensemble d’édifices (zone 1), dont le premier état, en bois et en terre, serait contemporain de la clôture de bois attribuée au iie s. Lui succèdent deux états distincts et désormais maçonnés d’un bâtiment s’apparentant à un portique à avancées (cf. supra, 1.1.4.2), qui fait face à la porte du grand sanctuaire, est longé, à l’est, par un chemin et est flanqué, à l’ouest, d’une paire d’édicules de plan circulaire – chapelles, bassins ou larges bases de statues ? Eu égard à sa position, cet édifice pourrait avoir constitué l’entrée monumentale du complexe et servi d’espace d’accueil pour les visiteurs. Si aucun autre aménagement pouvant relever du site du Haut-Empire n’a été localisé plus au nord, dans le cadre du diagnostic, on ignore si l’occupation se prolonge plus à l’ouest et au sud-ouest.
Figure 264 : Le sanctuaire du Chapeau à Neuville-sur-Sarthe (Sarthe) et son environnement.

Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 208, fig. 128.
319L’espace cultuel dont le périmètre est matérialisé par un quadriportique et le bâtiment qui lui font face sont empreints d’une certaine monumentalité, digne d’un sanctuaire public ; il est possible, en revanche, que les deux petits temples de la zone 4 aient été construits à titre privé, dans un grand espace de statut public. L’absence de toute inscription prive ce dossier de données cruciales : on ne sait à quelles divinités étaient dédiés les temples ni dans quelle mesure les notables locaux et la cité ont pu intervenir dans la construction et l’embellissement de ce complexe rural. Aucune ferme, villa ou agglomération antique n’est connue dans un rayon de 2 km – peu de recherches archéologiques ont toutefois été menées dans ce secteur –, mais la proximité avec le chef-lieu des Aulerques Cénomans, Le Mans/Vindinum, situé à seulement 4 km du site, a toutefois pu avoir été déterminante pour le développement de ce grand sanctuaire (cf. infra, 5.3.2.2).
- 74 Des « restes de murs romains paraissant avoir formé un quadrilatère d’une centaine de mètres de côt (...)
320Ces deux ensembles a priori implantés à l’écart des agglomérations sont donc composés d’un sanctuaire principal, dont le temple est mis en valeur par un quadriportique qui ceinture la cour sacrée associée, et d’autres aménagements, notamment un ou deux bâtiments de culte de moindres dimensions. Les constructions prennent place dans une enceinte circonscrivant un vaste espace qui semble, pour l’essentiel, être resté vide de tout édifice – peut-être faut-il restituer un terrain en partie arboré ou occupé par des structures légères, non identifiées ou non conservées ? à travers leur organisation, ces exemples rappellent aussi celui de Bilaire (S.278), localisé à moins de 1 km au nord de Vannes/Darioritum, chef-lieu des Vénètes (cf. supra, 3.1.2.4) : à quelques dizaines de mètres d’une cour de plan polygonal, intégralement bordée par une galerie, existe un petit temple ; on ignore toutefois si l’ensemble était délimité ou non par une enceinte74.
321Il semble pertinent de rapprocher aussi ces exemples du site des Vallées à Fontenoy (Yonne), en territoire éduen, dont les vestiges ont été reconnus par voie aérienne. Ici, une vaste enceinte, en forme de polygone irrégulier et s’étendant sur environ 1,8 ha, détermine l’emprise d’une aire occupée par divers bâtiments, répartis au minimum en trois ensembles. À l’ouest, est établi un grand temple, au-devant duquel existe peut-être trois autres édifices de culte juxtaposés, tandis qu’à moins de 100 m à l’est, apparaissent les substructions d’un portique à avancées, d’un temple et d’une autre construction dont le plan est incomplet ; au nord, un long bâtiment semble border le mur d’enceinte. D’autres vestiges, perceptibles aux abords de l’enceinte et suivant l’orientation de ses murs, montrent que ce grand sanctuaire n’est toutefois pas isolé, mais que sa présence a vraisemblablement généré le développement de structures d’accueil ou d’une petite agglomération (Delor dir., 2002, p. 373-374 ; Nouvel et Izri, 2016, p. 12).
322Ces grands sites témoignent donc de l’existence de complexes abritant plusieurs temples, dont l’un domine l’ensemble, qui sont a priori situés en retrait des agglomérations – à l’exception, peut-être, de Fontenoy –, bien que leur environnement proche n’ait été que peu étudié. Ces sanctuaires composés de pôles multiples demeurent toutefois peu nombreux et seul le site de Neuville-sur-Sarthe, tirant ses origines d’un lieu de rituels vraisemblablement plus ancien, est, à ce jour, bien documenté. Si l’hypothèse d’un statut public semble probable, du moins pour le temple principal et ses annexes, on ne connaît pas les rapports établis entre les multiples divinités qui y sont honorées et on ignore tout des conditions d’accueil des cultores qui devaient s’y rendre dans le cadre de fêtes religieuses annuelles, ou peut-être plus fréquemment.
3.2.3.5. Sanctuaires « isolés », établissements ruraux et voies : questions de distance et de fréquentation
323Tandis que certains sanctuaires sont implantés au sein même d’un établissement rural, que ce soit une villa ou une exploitation de plus modeste envergure (cf. supra, 3.2.2), d’autres semblent isolés à plusieurs centaines de mètres, parfois à plus de 1 km de tout habitat groupé ou dispersé. Si l’interprétation des premiers en tant que lieux de culte privés, gérés par le propriétaire de la résidence voisine, ne pose guère de problème, il est plus difficile de se prononcer à l’égard du statut des sanctuaires situés à l’écart des établissements ruraux – à l’exception des plus monumentaux, toutefois rares – ainsi que de l’identité des individus qui ont procédé à leur construction et assuré les cultes qui y étaient célébrés. Seule une analyse spatiale de leur environnement peut alors aider à percevoir d’éventuelles relations avec des habitats situés à plus ou moins grande distance (Fauduet, 2004, p. 416). Le recensement des aménagements antiques connus dans un rayon de 2 km autour des sanctuaires ruraux, à partir des données inventoriées dans la base de données Patriarche et de la collection de la Carte archéologique de la Gaule, fournit de premiers éléments de réflexion, malgré un état de la recherche très variable d’un secteur à l’autre.
324En l’état des connaissances, parmi les 125 sites considérés comme « ruraux » et pour lesquels aucun établissement rural associé n’a pu être reconnu avec certitude à moins de 200 m – malgré l’existence fréquente d’aménagements, souvent non caractérisés, à leurs abords (cf. supra, 3.2.3) –, 35 semblent avoir été complètement isolés. Aucun édifice n’a alors été signalé dans leurs environs proches, ni dans un rayon de 2 km. Pour 12 autres lieux de culte, des constructions dont on ne peut définir la fonction ont été reconnues à leurs abords, mais aucune autre occupation antique n’a été identifiée à moins de 2 km. Pour cette quarantaine de sites, il est néanmoins probable que l’isolement observé trahit des carences documentaires plutôt qu’une réelle position à l’écart de tout autre site habité ou fréquenté. Aussi, 28 sanctuaires sont installés à moins de 2 km d’une villa avérée ou probable, tandis que pour les 50 derniers espaces cultuels, ce sont d’autres types de vestiges, relevant a priori d’une occupation rurale plus modeste ou non caractérisée (bâtiments aux fondations de pierre ; épandages de mobilier ou débris de construction observés en surface ; sépulture isolée ou nécropole ; dépôt monétaire), qui ont été recensés dans le même rayon.
325Par ailleurs, les 125 sanctuaires avérés et a priori localisés à l’écart des habitats semblent avoir été préférentiellement implantés à une distance relativement peu importante d’un axe routier majeur (cf. supra) : plus de la moitié de ces sites sont établis à moins de 2 km d’une voie, qu’elle soit avérée, probable ou hypothétique (cf. supra, fig. 247 et 265). La connaissance du réseau routier des cités antiques est toutefois lacunaire (Bossard, 2021, vol. I, p. 34-35) et on ne peut donc affirmer que les lieux de culte situés à plus longue distance aient réellement été aménagés en retrait des grands axes. Signalons tout de même que le nombre d’espaces cultuels situés à moins de 1 km d’un axe de communication terrestre (soit 37 sites, dont 9 à proximité d’une voie hypothétique) est élevé, comme l’ont aussi observé C. Mitton (2008, p. 126) et S. Girond (2015, vol. 1, p. 337) pour les cités des Arvernes et des Bituriges Cubes. Dans plus d’un cas sur deux, aucun vestige d’habitat n’a été identifié dans un rayon de plusieurs centaines de mètres et on ne peut donc expliquer les raisons qui ont motivé le choix de leur emplacement. En outre, la chronologie du réseau viaire est peu connue et on ignore donc si la voie est antérieure au sanctuaire et que sa présence a pu assurer un rôle déterminant lors de son implantation, ce qui semble toutefois probable, ou bien si la fondation du lieu de culte a précédé l’aménagement de la route.
Figure 265 : Répartition de 119 sanctuaires avérés et a priori à l’écart des habitats groupés ou ruraux en fonction de leur distance (en km) à une voie antique avérée, probable ou hypothétique.

Réal. S. Bossard.
326Quant aux quelques sanctuaires ruraux établis en bordure même d’un axe routier principal avéré ou probable, il est intéressant de noter qu’ils sont généralement localisés à proximité immédiate de constructions qui n’ont pu être caractérisées avec précision, dont certaines relèvent de possibles agglomérations secondaires – à La Chapelle-des-Fougeretz (S.184) et à Comblessac (S.132) [cf. supra, 3.2.3.3]. Dans d’autres cas, la nature des bâtiments voisins n’a pu être définie, mais il est probable qu’il s’agisse aussi de relais d’étape ou de modestes agglomérations routières (cf. supra, 3.1.3.3), voire de villae – à Neuvy-en-Champagne (S.19 ; Cordonnier-Détrie, 1939, p. 41-43), Audeville (S.198 ; Kisch, 1978), Montacher-Villegardin (S.216 ; Nouvel et Venault dir., 2018, p. 316-317), Villeblevin (S.232 ; Aubert, 1976) et Allaire (S.271 ; Blain et Santrot, 2000 ; Daré et al., 2013). Seuls deux espaces cultuels établis le long d’une voie semblent véritablement isolés : il s’agit, d’une part, du modeste lieu de culte de Paule (S.172), dont l’aménagement est sans doute lié à la présence d’une nécropole tumulaire et à la proximité d’un ancien habitat fortifié (cf. infra, 4.2.2). D’autre part, le grand lieu de culte (public ?) de Saint-Mars-Vieux-Maisons (S.161), identifié en prospection aérienne et dont l’environnement proche n’a pas été étudié, serait situé à 50 m en retrait de la route reliant Meaux et Troyes, dont le tracé est d’ailleurs hypothétique. Les raisons de son implantation à proximité de ce possible axe routier ne sont pas connues (Griffisch et al., 2008, vol. 2, p. 1018 ; Goguey et Cordier, 2015, p. 275).
327Peut-on considérer que les lieux de culte construits à plusieurs centaines de mètres d’une villa ont été bâtis par le propriétaire de cette dernière, sur les terres qu’il possède et à l’écart de sa résidence ? Il serait illusoire de tenter de définir l’emprise des domaines associés aux grandes exploitations agricoles, qui, au demeurant, ont pu intégrer plusieurs établissements plus modestes, placés sous leur dépendance, ou encore avoir été composé d’un ensemble de terrains discontinus, localisés à plusieurs centaines de mètres, voire kilomètres, de la demeure du maître. En Italie romaine, plusieurs sources, notamment issues de la correspondance de Pline le Jeune, témoignent ainsi de l’existence de propriétés rurales, enclavées les unes dans les autres, qui ne sont donc pas d’un seul tenant (Reddé, 2017). La taille du domaine variait sans doute d’une région à l’autre de l’empire, notamment en fonction de la qualité des sols : dans la cité des Bituriges Cubes et en Gaule Belgique, par exemple, de récentes études ont montré que la distance entre deux villae peut varier entre moins de 1 km et près de 5 km (Gandini, 2008, p. 327-328 ; Reddé et al., 2018, p. 12-13 ; Nüsslein et Bernigaud, 2018, p. 189-193).
- 75 Dans d’autres cas, des indices témoignent de la possible présence d’une villa ou d’une importante f (...)
328La question d’un éventuel rattachement à de grands domaines privés peut être posée pour certains sanctuaires, situés à quelques centaines de mètres seulement de la pars urbana d’une villa75.À Heudreville-sur-Eure (S.63), un temple, dont la localisation exacte n’est pas connue, devait être implanté à moins de 400 m au nord-est d’une riche demeure, explorée en 1834, composée d’au moins deux ailes et agrémentée de salles chauffées et de mosaïques (Deglatigny, 1925, p. 39-40 et pl. XI ; Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 443-444). Toutefois, le cours de l’Eure sépare manifestement le bâtiment de culte de la villa – à moins d’envisager un déplacement de son lit depuis l’Antiquité – et on ne sait si le domaine s’étendait ou non sur les deux rives. En outre, les abords du temple n’ont pas été étudiés et on ne peut dire s’il était isolé ou s’il relevait d’un sanctuaire enclos ; au regard de ses dimensions importantes (269 m²), on ne peut d’ailleurs exclure qu’il s’agisse d’un édifice public, établi dans les campagnes éburovices.
329Un autre cas hypothétique de dépendance peut être supposé à Brienon-sur-Armançon (S.202). Le sanctuaire du Champ de l’Areigne a été identifié à partir de prospections aériennes et surtout pédestres, qui ont permis de recueillir un mobilier abondant et caractéristique d’un sanctuaire fréquenté, au plus tard, à partir de la période augustéenne ; il est localisé à 400 m au sud-est d’un grand établissement rural enclos, localisé au lieu-dit Thury (Labaune et al., 1999 ; Delor dir., 2002, p. 249-250 ; Nouvel, 2016, p. 189-19). Cette villa, composée de deux cours principales, couvre plus de 5 ha et a été occupée entre le ier s. et le ve s. ; les sondages qui y ont été réalisés ont livré les débris de colonnes et d’une mosaïque, ainsi que des éléments de placage de marbre blanc et vert, témoignant d’un niveau de richesse élevé. Elle est implantée en contrebas du lieu de culte de l’Areigne, de l’autre côté d’une colline dont il occupe le flanc sud-ouest ; il semble probable que les bâtiments du sanctuaire étaient visibles, depuis l’habitat voisin, s’ils présentaient une élévation suffisamment importante et que le couvert végétal fût dégagé. L’espace cultuel, dont l’organisation ne peut être décrite avec précision en l’état des connaissances, a alors pu avoir été fondé par l’un des premiers propriétaires de la résidence de Thury. Néanmoins, on ne peut être certain qu’il n’est pas antérieur à la création de l’habitat et d’autres occupations, situées à plus courte distance, pourraient aussi avoir tissé un lien de dépendance avec lui. Il s’agit notamment d’une série de bâtiments, dont la nature et la chronologie ne sont pas connues, identifiés au cours des prospections aux abords même du sanctuaire – à moins d’envisager que ces édifices correspondent à des annexes liées à la vie religieuse ? Par ailleurs, deux ou trois autres occupations ont été reconnues dans un rayon de 500 m et, en l’absence de fouille, leur nature et leurs éventuels liens avec la villa et le sanctuaire ne peuvent être définis (Labaune et al., 1999, p. 11 ; Delor dir., 2002, p. 252).
330Un habitat rural aristocratique pourrait également avoir existé dans les environs proches du modeste sanctuaire de Plouër-sur-Rance (S.137) : une petite aire sacrée, délimitée par des fossés et abritant une ou plusieurs constructions en matériaux périssables, a été aménagée dans l’un des espaces d’un établissement rural fondé dès le vie s. ou le début du ve s. av. n. è. et occupé jusqu’à la fin du ier s. av. n. è. La vocation religieuse de l’enclos n’est toutefois pas avérée avant le début de l’époque romaine et on ne peut donc affirmer qu’il succède à un lieu de culte privé qui aurait d’abord été intégré à l’établissement agricole gaulois. En tout état de cause, durant le Haut-Empire, l’enclos est localisé à environ 350 m au sud-ouest d’une importante occupation, repérée en prospection pédestre à l’emplacement de l’actuel hameau du Boisanne. Des tuiles, des pilettes d’hypocauste et des dalles de pierre laissent penser qu’une probable villa a été aménagée sur un versant qui surplombe la ria de la Rance. Si la fréquentation du petit sanctuaire, cessant manifestement dès le début du iie s., est bien contemporaine de cet hypothétique habitat aristocratique, il semble tout à fait vraisemblable, comme l’a proposé Y. Menez, « d’envisager l’ultime sanctuaire identifié sur le plateau du Boisanne non comme un sanctuaire isolé, qui aurait survécu à la désertion de l’habitat du second âge du Fer, mais comme la « chapelle domestique » d’un habitat proche » (Menez dir., 1996, p. 194), que ce dernier corresponde ou non à la résidence des descendants de la famille qui possédait autrefois la grande ferme gauloise (cf. infra, 4.2.1).
331De la même façon, peut-on considérer, à la suite de M. Michel et al. (2014, p. 238), que le sanctuaire d’Authevernes (S.253), déjà décrit supra (1.1.4.3 et 3.2.3.3), a pu avoir été contrôlé par un notable résidant dans une villa voisine, qui aurait alors financé des banquets organisés sur le site, peut-être chaque année, lors d’une fête religieuse ? Comme le reconnaissent les auteurs de l’étude, aucun habitat de ce type n’a cependant été identifié à moins de 2 km – mais l’argument a silentio n’a évidemment aucun poids, d’autant plus que peu d’interventions archéologiques ont été conduites au-delà des environs proches du site. Quoi qu’il en soit, les diagnostics réalisés aux abords de l’espace cultuel ont démontré qu’aucun établissement antique d’importance n’existe dans un rayon de 300 m, sur l’étroit plateau dont il occupe le rebord méridional (fig. 266). Le sanctuaire surplombe ainsi une voie antique, passant à 700 m au sud-ouest, et, d’une centaine de mètres de haut, la vallée de l’Epte, coulant en contrebas.
Figure 266 : Plan du sanctuaire des Mureaux à Authevernes (Eure) et de son environnement.

Réal. S. Bossard, d’après Michel et al., 2014, p. 191, fig. 2, sur fond IGN.
332Aucune explication satisfaisante ne permet de comprendre l’isolement de ce site, en retrait de la route et en position dominante – il succède cependant, dès la fin du ier s. av. n. è. ou le début du ier s. de n. è., à une occupation laténienne, dont la nature n’a pu être définie et qui est probablement contemporaine d’une exploitation agricole enclose, située à quelques dizaines de mètres au nord. En tout état de cause, l’hypothèse d’une gestion collective de ce sanctuaire, qui ne présente pas les caractères d’un espace public, ne doit pas être écartée, étant donné que ses dimensions sont particulièrement grandes (12 000 m²). Les nombreux bâtiments aménagés en bordure de la vaste cour qui accueille un modeste temple, alors qu’ils sont absents des sanctuaires installés au sein même des villae (cf. supra, 3.2.2.2), ont pu permettre de préparer ou d’accueillir des cérémonies destinées à un grand nombre de participants ; certains d’entre eux ont aussi pu abriter un gardien veillant sur le site et assurant son entretien en dehors des jours de fête. La présence de telles constructions, dont la fonction précise est toutefois difficile à déterminer, a probablement été rendue nécessaire par l’isolement du site et donc par l’impossibilité d’utiliser les équipements d’un habitat qui lui aurait été associé.
333Ces quelques exemples montrent bien toutes les limites d’une étude qui ne peut s’appuyer sur une connaissance précise des réseaux d’établissements ruraux établis autour des lieux de culte. La notion d’isolement est toute relative, puisque les occupations identifiées dans un rayon proche de ces derniers sont souvent plurielles et que, d’une manière générale, les données manquent pour affirmer avec certitude qu’aucun habitat rural n’a existé à plusieurs centaines de mètres aux alentours.
334En dehors des cultes privés financés et assurés par des particuliers au sein ou en bordure immédiate de leur propre demeure, on ignore donc tout du fonctionnement et de la gestion des sanctuaires ruraux plus ou moins isolés et qui paraissent trop modestes pour relever des sacra publica. Ce dernier critère est toutefois difficile à apprécier et on ne peut distinguer, dans nombre de cas, les lieux de culte publics des grands établissements privés, qui seraient gérés par un ou par plusieurs individus. D’ailleurs, rappelons que les sanctuaires des domaines privés peuvent accueillir une foule de dévots, lors de fêtes religieuses annuelles (cf. supra, 3.2.2), et qu’on ne peut donc exclure que certains espaces cultuels ruraux, dotés de cours particulièrement vastes, aient tout de même été administrés par un unique propriétaire qui, dans le cadre d’actes évergétiques, aurait contribué au développement du paysage religieux des campagnes.
- 76 À notre connaissance, aucun témoignage assuré de temple privé qui aurait été bâti à la limite de pl (...)
335Au demeurant, il est possible qu’une partie des sanctuaires a priori isolés, établis sur les domaines des villae et à une distance plus ou moins importante de la pars urbana, aient constitué des marqueurs territoriaux, des points de repères destinés à signaler l’autorité d’un propriétaire sur ses terres, dont une partie était peut-être située à plusieurs centaines de mètres, voire kilomètres, de sa résidence. Implantés à proximité d’un axe routier, d’une rivière – à Heudreville-sur-Eure, par exemple ? – et parfois en position dominante (Bossard, 2021, vol. I, p. 590-591), ils pourraient avoir été placés de manière à être visibles par les voyageurs et les habitants du voisinage. Au même titre que certains monuments funéraires (Lafon, 2002, p. 117 ; Krier et Heinrich, 2011, p. 216 ; Boulanger, 2016, p. 125 ; Monteil et Van Andringa, 2019, p. 4), ils contribueraient alors « à la scansion des paysages ruraux » (Castorio et Maligorne, 2016, p. 26) tout en marquant l’emprise des notables dans les campagnes des cités. Certains d’entre eux ont peut-être été installés à la limite de grands domaines76 – de la même façon que les civitates ont pu avoir fondé des lieux de culte aux confins de leur territoire (cf. infra, 5.3.2.2). On ne peut toutefois le prouver, étant donné que l’on ignore quasiment tout du découpage des campagnes et que le réseau des habitats ruraux antiques n’est qu’en partie renseigné.
336***
337L’analyse de l’environnement des sanctuaires, que ce soit à leurs abords immédiats ou dans un rayon de plusieurs centaines de mètres, fait ressortir des situations variées, mais aussi de multiples interrogations liées, en grande partie, à une connaissance souvent lacunaire de leur voisinage. Pour l’aire géographique considérée, les données manquent clairement pour le second âge du Fer : les lieux de rituels établis dans les agglomérations ne sont que rarement connus, tandis que l’isolement supposé des sanctuaires ruraux résulte avant tout de l’absence d’étude de leur environnement proche. En ce qui concerne l’époque romaine, l’environnement des lieux de culte est globalement mieux documenté, en dépit des nombreux sites, en particulier en contexte rural, pour lesquels on ne peut définir avec précision la nature des aménagements reconnus à leurs abords. Dans tous les cas, les exemples analysés au cours des pages précédentes ont bien montré que l’étude d’un sanctuaire ne peut se réduire à celle du périmètre délimité par son enceinte, lorsqu’elle existe, mais qu’il est nécessaire d’étendre les recherches archéologiques à un cercle plus large, parfois sur plusieurs centaines de mètres – voire bien davantage pour les sanctuaires « isolés » –, pour tenter de comprendre la place de l’espace cultuel au sein du paysage religieux antique.
338Cependant, le rang institutionnel de ces sanctuaires, qu’ils soient en contexte de chef-lieu ou d’agglomération secondaire, ou qu’ils aient été établis dans les campagnes, ne peut être défini pour plus d’un exemple sur deux. En effet, très rares sont les cas pour lesquels des données épigraphiques – d’une manière générale peu nombreuses à l’échelle des cités prises en compte – permettent de trancher avec assurance en faveur d’un statut public ; quelques lieux de culte, clairement associés à des ensembles publics ou bien à des habitats ruraux, peuvent aussi être identifiés sans problème. En revanche, les réflexions engagées tout au long de ce chapitre ont montré qu’on ne peut souvent pas aboutir à une réponse définitive. La monumentalité des équipements, toute relative d’un site à l’autre, ou l’association avec d’autres espaces publics semblent toutefois être les indicateurs les plus fiables pour localiser les sanctuaires intégrés aux sacra publica des cités.
339L’examen des équipements des multiples lieux de culte parsemant les chefs-lieux permet de différencier les principaux lieux de culte, accueillant sans doute les célébrations publiques, de sanctuaires plus modestes, vraisemblablement gérés par une association ou peut-être les membres d’un quartier. Au contraire, une telle distinction est plus difficile à réaliser en contexte d’agglomération secondaire, hormis une série de grands sanctuaires, relevant parfois d’importants complexes monumentaux, que l’on peut identifier à des espaces gérés par la cité. La détermination du statut des autres lieux sacrés, émaillant les différents quartiers ou bien formant l’unique espace à vocation religieuse d’un modeste habitat, pose davantage de problèmes, en l’absence, encore une fois, de toute inscription pouvant fournir des indices sur leur mode de gestion.
340En milieu rural, l’implantation au sein même ou en bordure d’un établissement privé permet d’identifier les lieux de culte construits et entretenus à titre privé par des propriétaires terriens, qu’ils aient été réservés à une fréquentation familiale ou domaniale, ou bien ouverts, en particulier lors de fêtes religieuses, aux habitants d’un territoire plus étendu. Il est plus hasardeux d’interpréter les sanctuaires isolés, à l’exception des sites les plus modestes, sans doute privés. De fait, toute une gamme d’espaces cultuels de dimensions moyennes à grandes, pourvus d’un unique temple de plan centré et qui sont plus ou moins isolés dans les campagnes, pourrait aussi bien correspondre à de petits sanctuaires publics dispersés sur le territoire qu’à d’importants lieux fréquentés avant tout par des communautés rurales et gérés par un ou par plusieurs propriétaires résidant dans les environs. Il faut effectivement admettre que les données recueillies sont insuffisantes pour déterminer l’identité des individus qui financent l’édification de ces sanctuaires ruraux, pourtant identifiés en grand nombre : s’agit-il uniquement des notables qui font bâtir pour les dieux une ou plusieurs résidences sur leurs domaines, afin d’assurer la protection symbolique de ces derniers, tout en faisant preuve de générosité envers les travailleurs répartis sur leur terres, qui peuvent ainsi les fréquenter quotidiennement ? L’hypothèse de communautés rurales indépendantes, dont les revenus seraient suffisants pour payer la construction d’un temple, implanté dans leur hameau ou à la jonction de plusieurs propriétés dispersées, et célébrer le culte d’une divinité à titre privé, peut aussi être émise dans plusieurs cas.
341D’un point de vue général, les sanctuaires dont le caractère monumental est particulièrement marqué semblent donc avoir été bâtis de façon préférentielle en contexte d’habitat aggloméré – chef-lieu de cité ou autre habitat dépourvu de ce statut, mais souvent de grande ampleur. Il est alors légitime de s’interroger sur l’environnement immédiat des monuments qui paraissent avoir été isolés ou n’avoir intégré que de modestes agglomérations, tels ceux de Berthouville, d’Aubigné-Racan, de Neuville-sur-Sarthe, de Douarnenez ou encore de Méréville. La caractérisation des quelques bâtiments qui les environnent parfois pose problème, puisqu’on ne sait, dans ces cas comme dans d’autres, s’il faut considérer que le sanctuaire est doté de dépendances qui auraient été bâties à proximité immédiate ou bien s’il est lui-même rattaché à un habitat plus ou moins vaste, que l’on peine encore à identifier. Leur mise à l’écart des principaux centres urbains est-elle réelle ou bien constitue-t-elle plutôt le reflet de recherches archéologiques encore peu développées dans leurs environs proches ? Dans tous les cas, l’attention devra être portée, au cours de prochaines investigations, sur les abords de ces ensembles sans doute publics qui, s’ils étaient bien isolés de tout habitat pérenne, étaient sans doute complétés par des structures d’accueil destinées au logement des dévots lors des fêtes religieuses, déployées dans leurs environs proches ou bien regroupées dans une agglomération située à quelques kilomètres. En tout état de cause, les habitats associés aux lieux de culte sont protéiformes, depuis le hameau jusqu’à la ville dont la parure monumentale rivalise avec celle des capitales de cités. Aussi, il faut sans doute envisager, en particulier dans les cités les plus modestes, l’existence d’agglomérations secondaires pourvues d’un ou de deux monuments en pierre et de quartiers majoritairement construits en terre et en bois, dont les vestiges sont plus difficiles à détecter.
342Par ailleurs, l’examen des offrandes introduites dans les aires sacrées des agglomérations et des campagnes témoignent de pratiques similaires, bien que certains types d’objets apparaissent plus fréquemment dans des contextes particuliers, telles les figurines en terre cuite – dont la signification est encore discutée –, qui semblent surtout avoir été déposées dans les lieux de culte ruraux. Quant aux divinités honorées, leur identité n’est connue que pour un nombre trop limité de sanctuaires et on ne peut donc que rarement déterminer les puissances divines choisies par telle ou telle communauté, qu’elle soit établie en ville ou dans les campagnes.
343Les divers exemples évoqués ont bien montré que le paysage religieux n’est pas figé, mais qu’il évolue en contrepoint des réseaux d’habitats groupés et dispersés propres à chaque cité. L’analyse des sanctuaires, dont le cadre spatial, le mobilier et l’environnement ont été examinés au cours des trois chapitres précédents, peut à présent être intégrée à une réflexion plus large sur l’évolution des cités et de leur armature religieuse, du second âge du Fer à l’abandon des derniers lieux de culte.
Notes
55 Les apports de la géographie humaine, culturelle ou sociale à l’étude archéologique et historique des religions anciennes ont récemment fait l’objet d’une mise au point, publiée par R. Golosetti (2016, p. 34-40). Notons que des points remarquables des paysages naturels (sources, bordure de fleuves ou de l’océan, sommets de collines) ont manifestement été choisis pour fonder certains sanctuaires, mais les associations de ce type semblent avoir rares au sein du territoire considéré (Bossard, 2021, vol. I, p. 578-593).
56 Dans le cadre de cette enquête, ont été arbitrairement retenus les sanctuaires localisés à moins de 1,5 km (soit environ un mille romain) d’un habitat groupé.
57 Les similitudes que présente ce monument avec un sanctuaire récemment découvert en bordure du forum de Vannes (Le Martret dir., 2020), permettent cependant d’envisager une autre hypothèse, celle d’un lieu de culte établi auprès du centre civique, qui pourrait quant à lui être localisé dans les îlots s’étendant directement au sud.
58 Les travaux en cours de M. Mauger (2018a ; en préparation), menés à l’échelle des Gaules romaines, traitent de cette question spécifique, tout en soulignant les difficultés que pose souvent leur identification.
59 Pour les Trois Gaules, W. Van Andringa (2017a, p. 78 et p. 88, note 106) désigne par ce terme de « suburbains », en se fondant sur les travaux de Fr. de Polignac (1996, p. 112) consacrés aux sanctuaires de Grèce archaïque, les lieux de culte établis dans les environs proches – soit moins de 1 km – des villes, tandis que l’adjectif « périurbains » qualifie tous les lieux sacrés voisins d’un habitat aggloméré, quelle que soit la distance qui les en sépare.
60 Le dédoublement des théâtres du chef-lieu de la cité, dont l’un est étroitement associé à un sanctuaire périurbain, n’est pas spécifique à Meaux, puisqu’une telle configuration est aussi connue à Autun (Saône-et-Loire), caput civitatis des Éduens (Dumasy, 2011).
61 L’exemple du mithraeum de Jort (Calvados), localisé aussi en contexte d’agglomération secondaire, mais dont l’emplacement exact n’est pas connu, ne sera pas évoqué ici (cf. supra, 1.1.2.1, type E).
62 Comme le précise l’auteur, les théâtres des cités de Lyonnaise comme des provinces voisines sont généralement de type « gallo-romain », c’est-à-dire que la cavea est fermée par un mur définissant un arc de cercle souvent outrepassé et que l’ensemble scénique, réduit, s’avance dans l’orchestra et est encadré par des accès frontaux (Dumasy, 2011, p. 195-201).
63 L’édifice de spectacle est ici à plusieurs dizaines de mètres au sud et non à l’est du sanctuaire principal, afin de pouvoir bénéficier d’une pente naturelle ; le plan de ces deux théâtres a été dressé à partir d’images aériennes.
64 Je tiens ici à remercier A. Couderc (Inrap), responsable de la fouille préventive (2019), de m’avoir communiqué ces éléments inédits. La phase de post-fouille de cette opération étant en cours, cet autre sanctuaire d’Amboise n’a pas fait l’objet d’une notice.
65 Leur plan a été dressé par l’auteur de ces lignes à partir d’orthophotographies consultées sur Apple Maps (www.street-view.net) en août 2020.
66 Il s’agit des cités du Vésuve (Bassani, 2008), de la Cisalpine (2011), de l’Italie centrale (2017), de l’Afrique proconsulaire (2003), de la péninsule ibérique (2005), ou encore des Gaules et de la Bretagne romaines (2007).
67 Le plan a été dressé par l’auteur de ces lignes, à partir de divers clichés pris par A. Lelong entre 1989 et 2008 (cf. la bibliographie réunie dans la notice du site, in Bossard, 2021, vol. II, p. 707-710).
68 Cicéron, par exemple, expose dans l’une de ses lettres à Atticus le projet de dresser en hommage de sa défunte fille Tullia, qu’il souhaite alors diviniser, un temple qu’il envisage d’installer en pleine campagne (Correspondance : Att., XII, 36, 1 = dcxvii). Voir aussi Girond, 2015, vol. 1, p. 453-460.
69 Ils sont localisés à Sablé-sur-Sarthe (S.24 ; Monteil, 2015), Bouère (S.27 ; Salmon, 1843) ; Beaumont-le-Roger (S.45 ; Stabenrath, 1830, p. 251-254) et Saint-Julien-de-Chédon (S.246 ; Delétang, 1990). Leur surface est comprise entre 120 et 415 m², pour une moyenne voisine de 240 m².
70 Il s’agit, entre autres, d’une trentaine de monnaies et de dix-sept parures à Saint-Jacut-de-la-Mer, ainsi que de céramique et d’os animaux sur les deux sites.
71 Une inscription provenant de Wasserbillig (Luxembourg) confirme que de tels équipements, ici offerts avec un temple et ses ornements à Mercure et à Rosmerta, ont existé dans les provinces nord-ouest de l’empire (CIL XIII, 4208 ; Scheid, 1992, p. 29). Sur la question des hospitalia, voir aussi Fauduet, 2010, p. 62 ; Kiernan, 2012 ; Ferlut, 2017.
72 Pour les cités d’Italie romaine – aucune mention n’est attestée dans les inscriptions des Trois Gaules –, cf. Sudi-Guiral, 2010, p. 424-425 ; cf. aussi, pour la cité des Bituriges Cubes, les réflexions de S. Girond (2015, vol. 1, p. 355).
73 Mentionnons aussi l’exemple – certes plus tardif, car daté entre la seconde moitié du iiie s. et le milieu du ive s. – d’Altenberg/Ramsberg à Steinbourg (Alsace). Le hameau se compose de plusieurs pôles résidentiels et d’un temple, construit à l’emplacement d’un espace cultuel qui dépendait probablement d’une ancienne villa déclassée, aux abords de laquelle s’est développé l’habitat groupé (Nüsslein et al., 2020, p. 102-104).
74 Des « restes de murs romains paraissant avoir formé un quadrilatère d’une centaine de mètres de côté ; quantité de briques à rebord, de ciment, de poterie très variée, dont des fragments en terre samienne ornementés, et beaucoup de pierres brûlées » ont cependant été signalés sur le même site à la fin du xixe s. (Rialan, 1885, p. 2), mais on ne sait si ces vestiges correspondent au sanctuaire ou à un établissement voisin.
75 Dans d’autres cas, des indices témoignent de la possible présence d’une villa ou d’une importante ferme dans les environs proches d’un sanctuaire. À 250 m au nord-est du site de la Navette à Saint-Aubin-d’Écrosville (S.73), un bâtiment dont le plan, caractéristique, correspond à celui d’une annexe agricole suggère l’existence d’une exploitation voisine (Provost et Archéo 27 dir., 2019, p. 621-622). Un petit bâtiment thermal, qui a pu constituer l’un des équipements de confort d’une villa, a aussi été découvert à 400 m à l’ouest du temple de Criquebeuf-sur-Seine (S.256 ; Mangard, 1978, p. 298-299).
76 À notre connaissance, aucun témoignage assuré de temple privé qui aurait été bâti à la limite de plusieurs propriétés n’a toutefois été relevé dans la littérature ancienne, notamment dans les écrits des agrimensores, qui ne font référence qu’à des espaces publics installés aux confins des cités (Scheid, 2010 ; Hermon, 2017).
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Figure 170 : Répartition des sanctuaires avérés et hypothétiques en fonction de leur contexte d’implantation. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 210k |
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Titre | Figure 171 : Nature des interventions et qualité de la documentation archéologique des sanctuaires avérés, en fonction de leur contexte d’implantation. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 370k |
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Titre | Figure 172 : L’agglomération laténienne du Bas des Touches à Saumeray (Eure-et-Loir) et les deux enclos interprétés comme des sanctuaires. |
Crédits | D’après Hamon et Lejars, 2002, p. 113, fig. 1. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 597k |
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Titre | Figure 173 : Vestiges mis au jour au centre de l’oppidum de Moulay (Mayenne), antérieurs ou contemporains de sa fondation (iiie s. - fin du iie s. av. n. è.). |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 193k |
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Titre | Figure 174 : L’agglomération de La Tène finale d’Avrolles/Champlost (Yonne). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2010, fig. 7, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 334k |
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Titre | Figure 175 : Répartition des sanctuaires des chefs-lieux de cités en fonction de leur emplacement au sein ou en bordure de la ville. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 721k |
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Titre | Figure 176 : Vestiges d’époque romaine de Jublains/Noviodunum (Mayenne), chef-lieu des Aulerques Diablintes. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Naveau, 1997b, p. 74, fig. 8 et p. 78, fig. 10 et Caraire, 2020, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 654k |
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Titre | Figure 177 : Des constructions sur la place publique du forum : temples ou aménagements d’une autre nature ? |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Busson, 1998, p. 97, fig. 20 ; Jardel et Lelièvre, 2014, p. 171, fig. 8 ; Sala et Tamba, 2016 ; Chevet et al., 2009, p. 126, fig. 12. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 537k |
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Titre | Figure 178 : Vestiges de la construction maçonnée édifiée dans la cour du monument de l’École à Corseul (Côtes-d’Armor). |
Crédits | Cliché H. Paitier (Inrap), in Maligorne, 2006, p. 34, fig. 12. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 745k |
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Titre | Figure 179 : Plan de grands sanctuaires implantés dans les quartiers centraux des chefs-lieux de cités. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 436k |
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Titre | Figure 180 : La ville de Vieux/Aregenua (Calvados) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Jardel et al., 2017, fig. 3, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 735k |
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Titre | Figure 181 : La ville d’Angers/Iuliomagus (Maine-et-Loire) au iie s. de n. è. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Pithon, à paraître. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 642k |
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Titre | Figure 182 : La ville de Tours/Caesarodunum (Indre-et-Loire) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Galinié (dir.), 2007, p. 327, fig. 3. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 230k |
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Titre | Figure 183 : La ville de Rouen/Rotomagus (Seine-Maritime) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Lequoy et Guillot, 2004, pl. h.-t. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 446k |
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Titre | Figure 184 : La ville de Valognes/Alauna (Manche) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Jeanne et al., 2018, p. 153, fig. 20, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 308k |
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Titre | Figure 185 : Plan de grands sanctuaires implantés dans les quartiers périphériques des chefs-lieux de cités. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Langouët, 1991, t. 3 ; Caraire, 2020, p. 25, fig. 21 et p. 46, fig. 42 ; Chevet (dir.), 2016, vol. 1, p. 494-506. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 503k |
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Titre | Figure 186 : La ville du Mans/Vindinum (Sarthe) au iie s. de n. è. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Chevet et al., à paraître, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 408k |
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Titre | Figure 187 : La ville de Corseul (Côtes-d’Armor) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Ferrette et al., 2017, p. 55, fig. 28, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 781k |
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Titre | Figure 188 : La ville de Chartres/Autricum (Eure-et-Loir) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Joly et al., 2015, p. 119, fig. 2. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-19.jpg |
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Titre | Figure 189 : Le quartier de la place des Épars à Chartres (Eure-et-Loir). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Joly (dir.), 2010, p. 129, fig. 2. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 163k |
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Titre | Figure 190 : Plan de modestes sanctuaires, vraisemblablement privés, implantés au sein ou en périphérie de chefs-lieux de cités. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-21.jpg |
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Titre | Figure 191 : Plan de sanctuaires monumentaux installés en périphérie de chefs-lieux de cités. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-22.jpg |
Fichier | image/jpeg, 717k |
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Titre | Figure 192 : Plan de sanctuaires monumentaux installés en périphérie de chefs-lieux de cités (suite). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Bazin et al., 2019, p. 17, fig. 1 ; Parruzot et Laubie, 1961 ; Nouvel, 2013b, p. 33-35. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-23.jpg |
Fichier | image/jpeg, 477k |
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Titre | Figure 193 : La ville de Sens/Agedincum (Yonne) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2015, p. 237, fig. 4, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-24.jpg |
Fichier | image/jpeg, 489k |
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Titre | Figure 194 : La ville de Troyes/Augustobona (Aube) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Driard, 2014, p. 26, fig. 15 et Kasprzyk et al., 2015, p. 255, fig. 8, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-25.jpg |
Fichier | image/jpeg, 241k |
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Titre | Figure 195 : La ville d’Évreux/Mediolanum Aulercorum (Eure) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Wech, 2013, p. 160, fig. 5 et Hartz, 2015a, vol. 1, p. 246, fig. 108, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-26.jpg |
Fichier | image/jpeg, 380k |
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Titre | Figure 196 : La ville de Meaux/Iatinum (Seine-et-Marne) et sa périphérie durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Magnan, 2006, p. 179, fig. 2, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-27.jpg |
Fichier | image/jpeg, 398k |
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Titre | Figure 197 : Vestiges du site de la Bauve à Meaux (Seine-et-Marne) durant l’époque romaine, de la seconde moitié du ier s. av. n. è. à la fin du ier s. ou au début du iie s. de n. è. (a) et de la fin du ier s. ou du début du iie s. à la fin du ive s. (b). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Couturier (dir.), 2005, p. 7, fig. 2 ; Magnan, 2006, p. 182, fig. 6 ; 2012, p. 124, fig. 73 et Damour (dir.), 2014, p. 171, fig. 107. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-28.jpg |
Fichier | image/jpeg, 649k |
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Titre | Figure 198 : Deux sanctuaires probablement publics, situés à environ 1 km de chefs-lieux de cités. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Doyen (dir.), 2002, pl. II et IV ; Baillieu et Simon, 2000, vol. 1, fig. 14, 29 et 30. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-29.jpg |
Fichier | image/jpeg, 136k |
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Titre | Figure 199 : Le mithraeum de la clinique Saint-Louis à Angers (Maine-et-Loire) et son environnement entre le milieu du iie s. et le milieu du iiie s. (a) et du milieu du iiie s. à la fin du ive s. (b). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Brodeur (dir.), 2014, vol. 1, p. 318, fig. 404 et p. 327, fig. 410. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-30.jpg |
Fichier | image/jpeg, 533k |
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Titre | Figure 200 : La ville d’Angers/Civitas Andecavorum (Maine-et-Loire) durant l’Antiquité tardive. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Pithon, à paraître, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-31.jpg |
Fichier | image/jpeg, 536k |
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Titre | Figure 201 : La ville de Lillebonne/Iuliobona (Seine-Maritime) durant le Haut-Empire. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après S. Follain, in Rogeret, 1997, p. 327, fig. 266, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-32.jpg |
Fichier | image/jpeg, 518k |
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Titre | Figure 202 : Répartition des sanctuaires des agglomérations secondaires en fonction de leur position au sein ou en bordure de l’habitat. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-33.jpg |
Fichier | image/jpeg, 784k |
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Titre | Figure 203 : Répartition des grands sanctuaires (publics ?) des agglomérations secondaires et autres monuments dont ces habitats sont pourvus. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-34.jpg |
Fichier | image/jpeg, 764k |
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Titre | Figure 204 : Vestiges de grands sanctuaires et de l’édifice de spectacle qui leur est étroitement associé. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-35.jpg |
Fichier | image/jpeg, 792k |
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Titre | Figure 205 : L’agglomération secondaire de Pithiviers-le-Vieil (Loiret). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Cribellier, 1992, p. 3, fig. 2 et 3 et p. 5, fig. 4 ; Cribellier, 1993a et b, pl. 1 ; Cribellier, 1999, p. 206, fig. 56 et Salé (dir.), 2011, p. 53, fig. 8, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-36.jpg |
Fichier | image/jpeg, 277k |
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Titre | Figure 206 : L’agglomération secondaire de Sceaux-du-Gâtinais (Loiret). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Vilpoux, 1999, p. 213, fig. 59, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-37.jpg |
Fichier | image/jpeg, 272k |
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Titre | Figure 207 : L’agglomération secondaire d’Amboise (Indre-et-Loire). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Laruaz, 2009, vol. 2, fig. 45, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-38.jpg |
Fichier | image/jpeg, 594k |
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Titre | Figure 208 : L’agglomération secondaire de Chênehutte-les-Tuffeaux (Maine-et-Loire). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 234, fig. 202, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-39.jpg |
Fichier | image/jpeg, 328k |
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Titre | Figure 209 : L’agglomération secondaire de Saint-Valérien (Yonne). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Driard (dir.), 2010, vol. 4, pl. 261 et Nouvel et Venault (dir.), 2017, p. 200, fig. 10 et p. 217, fig. 14, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-40.jpg |
Fichier | image/jpeg, 678k |
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Titre | Figure 210 : L’agglomération secondaire de Fontaine-les-Bassets (Orne). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Quévillon, 2012, p. 31, fig. 6, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-41.jpg |
Fichier | image/jpeg, 521k |
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Titre | Figure 211 : L’agglomération secondaire d’Allonnes (Sarthe). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 241, fig. 207a, Legeard-Hervé, 2012 et Gruel et al., 2015, p. 172, fig. 5, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-42.jpg |
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Titre | Figure 212 : L’agglomération secondaire de Genainville (Val-d’Oise). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Vermeersch, 2012, p. 231, fig. 3, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-43.jpg |
Fichier | image/jpeg, 253k |
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Titre | Figure 213 : L’agglomération secondaire du Vieil-Évreux (Eure) lors de la première moitié du iiie s. de n. è. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Hartz, 2015, vol. 1, p. 234, fig. 100, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-44.jpg |
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Titre | Figure 214 : L’agglomération secondaire de Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Doyen et Dubois, 2016, p. 256, fig. 2, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-45.jpg |
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Titre | Figure 215 : L’agglomération secondaire de Mauves-sur-Loire (Loire-Atlantique). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Monteil et al., 2009, p. 156, fig. 2 et Brodeur (dir.), 2016, p. 40, fig. 5, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-46.jpg |
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Titre | Figure 216 : L’agglomération secondaire de Châteaubleau (Seine-et-Marne). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Pilon, 2016, p. 20, fig. 4, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-47.jpg |
Fichier | image/jpeg, 405k |
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Titre | Figure 217 : La possible agglomération secondaire d’Aubigné-Racan (Sarthe). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Monteil, 2012, vol. II, p. 185, fig. 162. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-48.jpg |
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Titre | Figure 218 : Plan d’une sélection de sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et dont le statut a pu avoir été public. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-49.jpg |
Fichier | image/jpeg, 812k |
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Titre | Figure 219 : Plan d’une sélection de sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et dont le statut a pu avoir été public (suite). |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-50.jpg |
Fichier | image/jpeg, 858k |
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Titre | Figure 220 : Répartition des agglomérations secondaires au sein desquelles au moins un sanctuaire a été identifié et part des habitats équipés d’au moins un sanctuaire supposé public. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-51.jpg |
Fichier | image/jpeg, 151k |
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Titre | Figure 221 : Faciès mobilier des sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’agglomérations secondaires et supposés publics. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-52.jpg |
Fichier | image/jpeg, 412k |
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Titre | Figure 222 : Plan de deux probables sanctuaires privés aménagés dans les quartiers périphériques de deux agglomérations secondaires. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Bourgeois, 1982, p. 62, fig. 25 et Quévillon, 2012, p. 28, fig. 4. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-53.jpg |
Fichier | image/jpeg, 81k |
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Titre | Figure 223 : Les agglomérations secondaires de Thésée et de Pouillé (Loir-et-Cher). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Cadalen-Lesieur (dir.), 2016, p. 82, fig. 62, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-54.jpg |
Fichier | image/jpeg, 486k |
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Titre | Figure 224 : Le sanctuaire de la Mône à Baudreville (Eure-et-Loir) et son environnement : une agglomération routière ? |
Crédits | D’après Jalmain, 1971, plan h.-t. et Jalmain, 1999, p. 63, fig. 15. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-55.jpg |
Fichier | image/jpeg, 149k |
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Titre | Figure 225 : Vestiges de sanctuaires probablement intégrés à de modestes agglomérations routières. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Lelong, 1992 ; orthophotographie Apple Maps, consultée en août 2020 ; cliché aérien de D. Jalmain (1976), Paris, archives scientifiques du SRA d’Île-de-France et Griffisch et al., 2008, p. 963, fig. 1108 ; orthophotographie mise en ligne par Google Earth, datée du 31 décembre 2003. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-56.jpg |
Fichier | image/jpeg, 285k |
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Titre | Figure 226 : L’agglomération secondaire de Beaune-la-Rolande (Loiret). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Cribellier, 2016, p. 393, fig. 2 et p. 394, fig. 3, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-57.jpg |
Fichier | image/jpeg, 251k |
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Titre | Figure 227 : L’agglomération secondaire d’Oisseau-le-Petit (Sarthe). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Desforges (dir.), 2012 et Monteil, 2012, vol. II, p. 245, fig. 210 et divers clichés aériens, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-58.jpg |
Fichier | image/jpeg, 331k |
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Titre | Figure 228 : L’agglomération secondaire de Jouars-Pontchartrain/Le Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Blin, 2000, p. 92, fig. 1, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-59.jpg |
Fichier | image/jpeg, 642k |
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Titre | Figure 229 : Plan schématique de l’agglomération secondaire de Mérouville (Eure-et-Loir) et de ses sanctuaires. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Jalmain, 1986, p. 3, p. 8 et archives scientifiques du SRA de Centre-Val de Loire. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-60.jpg |
Fichier | image/jpeg, 522k |
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Titre | Figure 230 : Plan des sanctuaires d’époque romaine localisés dans les environs proches (à moins de 1,5 km) d’agglomérations secondaires. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-61.jpg |
Fichier | image/jpeg, 544k |
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Titre | Figure 231 : Évocation graphique du sanctuaire de la Tannerie à Châteaubleau (Seine-et-Marne). |
Crédits | © N. Arilla et J.-M. Woehrel, Postumus, empereur gaulois, Assor Hist & BD, 2013. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-62.jpg |
Fichier | image/jpeg, 811k |
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Titre | Figure 232 : L’agglomération secondaire de Quimper (Finistère). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Nicolas et Villard (dir.), 2019, p. 29 et p. 204. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-63.jpg |
Fichier | image/jpeg, 771k |
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Titre | Figure 233 : Vestiges de sanctuaires de l’âge du Fer avérés ou hypothétiques et de leur environnement rural. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 38, fig. 17 ; Pernet et al., 2011, p. 264, fig. 4. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-64.jpg |
Fichier | image/jpeg, 330k |
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Titre | Figure 234 : Répartition des sanctuaires de l’époque romaine implantés au sein ou en bordure d’établissements ruraux. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-65.jpg |
Fichier | image/jpeg, 832k |
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Titre | Figure 235 : Plan de villae équipées d’un temple installé au sein même de la cour de la pars urbana. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-66.jpg |
Fichier | image/jpeg, 476k |
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Titre | Figure 236 : Plan de villae équipées d’un temple installé à proximité de la résidence principale. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-67.jpg |
Fichier | image/jpeg, 270k |
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Titre | Figure 237 : Plan de villae équipées d’un temple installé à proximité de la résidence principale ou dans la cour agricole, avec les autres dépendances. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-68.jpg |
Fichier | image/jpeg, 754k |
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Titre | Figure 238 : Plan des villae de la Cave Sarrazine à Souzy-la-Briche (Essonne) et des Sommeries à Boiscommun (Loiret) et de leur hypothétique temple de plan circulaire ou octogonal. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-69.jpg |
Fichier | image/jpeg, 409k |
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Titre | Figure 239 : Plan de villae équipées d’un temple installé dans un espace distinct de la cour résidentielle. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-70.jpg |
Fichier | image/jpeg, 771k |
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Titre | Figure 240 : Plan de villae équipées d’un temple doté de son propre péribole, ou aménagé à l’extérieur de la cour résidentielle. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-71.jpg |
Fichier | image/jpeg, 745k |
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Titre | Figure 241 : Plan de la probable villa et du temple des Hauts de Chatenay à Gouillons (Eure-et-Loir). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Jalmain, 1994, p. 20. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-72.jpg |
Fichier | image/jpeg, 53k |
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Titre | Figure 242 : Plan de la villa et du sanctuaire de la Butte de l’Orme Belet à Toury (Eure-et-Loir). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Ferdière et al., 2015, fig. 2. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-73.jpg |
Fichier | image/jpeg, 175k |
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Titre | Figure 243 : Cliché des vestiges de l’édifice interprété comme le temple de la villa des Petits Prés à Montgermont (Ille-et-Vilaine). |
Crédits | In Le Martret et al., 2015, p. 117, fig. 9. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-74.jpg |
Fichier | image/jpeg, 508k |
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Titre | Figure 244 : Faciès mobilier des sanctuaires implantés au sein ou en bordure d’une villa. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-75.jpg |
Fichier | image/jpeg, 205k |
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Titre | Figure 245 : Plan des sanctuaires intégrés à de modestes établissements ruraux, avérés ou probables. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-76.jpg |
Fichier | image/jpeg, 794k |
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Titre | Figure 246 : Vestiges du vraisemblable établissement métallurgique de Haut le Pied à Joigny (Yonne) et du sanctuaire associé. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Nouvel, 2016, p. 160, fig. I3-42. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-77.jpg |
Fichier | image/jpeg, 134k |
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Titre | Figure 247 : Répartition des sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux ; les numéros correspondent aux sanctuaires dont l’environnement est discuté infra. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-78.jpg |
Fichier | image/jpeg, 584k |
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Titre | Figure 248 : Enclos fossoyés ou maçonnés abritant un édifice de plan rectangulaire, découverts dans les cités de Lyonnaise et d’Aquitaine : modestes sanctuaires ou enclos funéraires ? |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-79.jpg |
Fichier | image/jpeg, 359k |
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Titre | Figure 249 : Plans de grands sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, de statut probablement public. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-80.jpg |
Fichier | image/jpeg, 515k |
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Titre | Figure 250 : Plans de modestes sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, de statut probablement privés. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-81.jpg |
Fichier | image/jpeg, 397k |
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Titre | Figure 251 : Vue aérienne du sanctuaire de la Grésillonnière à Bourgon (Mayenne). |
Crédits | Cliché G. Leroux, in Leroux, 1999. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-82.jpg |
Fichier | image/jpeg, 777k |
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Titre | Figure 252 : Plans de sanctuaires a priori implantés à l’écart des habitats groupés et ruraux, dont le statut est difficile à définir. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après diverses sources. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-83.jpg |
Fichier | image/jpeg, 482k |
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Titre | Figure 253 : Plan du sanctuaire des Villages Nature à Villeneuve-le-Comte (Seine-et-Marne) et de son environnement rural. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Berga et Bet, 2016, p. 61, fig. 3 et p. 62, fig. 4. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-84.jpg |
Fichier | image/jpeg, 493k |
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Titre | Figure 254 : Plan du sanctuaire du Devant de la Garenne à Guichainville (Eure) et de son environnement rural, durant la première moitié du ier s. de n. è. (ph. 1 : a) et entre la seconde moitié du ier s. et le courant du iie s. (ph. 2 : b). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Flotté et al., 1996, fig. 3.3.1. et 3.4.46. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-85.jpg |
Fichier | image/jpeg, 500k |
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Titre | Figure 255 : Plans de sanctuaires a priori ruraux, associés à un bâtiment correspondant à une probable habitation ou à une dépendance. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Delétang, 2001 ; Poulain, 1915, pl. XII et Poulain, 1931, fig. 1. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-86.jpg |
Fichier | image/jpeg, 187k |
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Titre | Figure 256 : Plan du sanctuaire du Vigneau à Pussigny (Indre-et-Loire) et des constructions bâties à ses abords occidentaux : des dépendances ou plutôt un hameau ? |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Coutelas (dir.), 2015, p. 15, fig. 3. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-87.jpg |
Fichier | image/jpeg, 467k |
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Titre | Figure 257 : Plan du sanctuaire du Four à Chaux à Hérouvillette (Calvados), entre le second quart et le dernier quart du ier s. de n. è. (ph. 2 : a) et du début du iie s. au début du iiie s. (ph. 3 : b). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Veron (dir.), 2018, vol. 1, p. 157, fig. 70 et p. 215, fig. 133. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-88.jpg |
Fichier | image/jpeg, 377k |
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Titre | Figure 258 : Plan schématique du sanctuaire de la Mare du Puits à Oissel (Seine-Maritime) et de son environnement : dépendances, hameau ou agglomération secondaire ? |
Crédits | D’après Vesly, 1909, p. 94, fig. 23. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-89.jpg |
Fichier | image/jpeg, 517k |
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Titre | Figure 259 : Plan du sanctuaire des Tertres à La Chapelle-des-Fougeretz (Ille-et-Vilaine) et de son environnement. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Provost, 1991, pl. 3 ; Monteil, 2012, vol. II, p. 181, fig. 158 et Aubry (dir.), 2019, p. 41, fig. 11, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-90.jpg |
Fichier | image/jpeg, 333k |
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Titre | Figure 260 : Plan du sanctuaire du Mesnil à Baron-sur-Odon (Calvados) et de son environnement. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Bertin, 1977, p. 76, fig. 2 et 4 et Pillault, Parra-Prieto (dir.), 2016, p. 194, fig. 101, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-91.jpg |
Fichier | image/jpeg, 222k |
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Titre | Figure 261 : Plan de deux grands sanctuaires (publics ?) et des constructions reconnues en prospection aérienne à leurs abords : dépendances ou agglomération ? |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après les clichés aériens de D. Jalmain et de F. Besse ; Paris, archives scientifiques du SRA d’Île-de-France et Besse, 2005. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-92.jpg |
Fichier | image/jpeg, 147k |
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Titre | Figure 262 : Vestiges du site de l’Écrillon à Thomer-la-Sôgne (Eure). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Provost et Archéo 27 (dir.), 2019, p. 668 et une orthophotographie mise en ligne par Google Earth, datée du 30 juin 2010. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-93.jpg |
Fichier | image/jpeg, 105k |
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Titre | Figure 263 : Évolution du sanctuaire enclos du Chapeau à Neuville-sur-Sarthe (Sarthe) au cours de l’époque romaine : fin du ier s. av. n. è. ou début du ier s. de n. è. - premier quart du ier s. de n. è. (ph. 2 : a) ; premier quart - troisième quart du ier s. (ph. 3 : b) ; troisième quart du ier s. - fin du ier s. ou début du iie s. (ph. 4 : c) ; fin du ier s. ou début du iie s. - fin du iiie s. ? (ph. 5 : d). |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 50, fig. 25, p. 93, fig. 65 et p. 95, fig. 66. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-94.jpg |
Fichier | image/jpeg, 414k |
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Titre | Figure 264 : Le sanctuaire du Chapeau à Neuville-sur-Sarthe (Sarthe) et son environnement. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Guillier (dir.), 2020, p. 208, fig. 128. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-95.jpg |
Fichier | image/jpeg, 241k |
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Titre | Figure 265 : Répartition de 119 sanctuaires avérés et a priori à l’écart des habitats groupés ou ruraux en fonction de leur distance (en km) à une voie antique avérée, probable ou hypothétique. |
Crédits | Réal. S. Bossard. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-96.jpg |
Fichier | image/jpeg, 117k |
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Titre | Figure 266 : Plan du sanctuaire des Mureaux à Authevernes (Eure) et de son environnement. |
Crédits | Réal. S. Bossard, d’après Michel et al., 2014, p. 191, fig. 2, sur fond IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/10475/img-97.jpg |
Fichier | image/jpeg, 350k |
Pour citer cet article
Référence papier
« Chapitre 3 – Des villes au territoire des cités : l’intégration des sanctuaires dans leur environnement », Revue archéologique de l'Ouest, Supplément 14 | -1, 289-421.
Référence électronique
« Chapitre 3 – Des villes au territoire des cités : l’intégration des sanctuaires dans leur environnement », Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], Supplément 14 | 2024, mis en ligne le 19 novembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/rao/10475 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12ppj
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