1. Présentation

1Cette fouille a été réalisée sur la commune d’Aron, en bordure orientale de l’agglomération de Mayenne dans le département du même nom (fig. 1), dans le cadre de l’aménagement de la déviation de Moulay-Mayenne par la direction régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement des Pays de la Loire.

L’environnement géographique

2L’occupation se situe à l’est de la ville de Mayenne et en rive gauche de la rivière du même nom. Cette partie nord-est du Massif armoricain est un paysage à vocation agricole parsemé de petites collines et de quelques talwegs peu prononcés. Localement, seule la vallée du ruisseau de La Filousière, affluent de la Mayenne, possède un relief assez marqué sur son versant nord. C’est sur celui-ci que le site a été aménagé (fig. 2).

L’environnement archéologique

3Le contexte archéologique de la Conillère est particulièrement riche s’agissant du second âge du Fer. L’occupation se trouve en effet entre trois sites marquants de la période gauloise (fig. 3) : l’oppidum de Moulay, la cité de Jublains (Noiodunum) dont l’origine remonte à l’époque gauloise et le gué de Saint-Léonard, sur la Mayenne, qui a livré plus de 26 000 monnaies lors des travaux d’approfondissement du lit de la Mayenne en 1863 (de Sarcus, 1865 a et b ; Amandry et al., 2005). La voie antique reliant Jublains au gué de Saint-Léonard passe à 180 m au nord et, bien qu’aucun élément de datation ne le confirme, on peut lui supposer une origine plus ancienne, peut-être gauloise, à l’image d’autres itinéraires connus régionalement (Leroux et Le Goff, 2018).

4L’oppidum de Moulay est connu depuis le xix^e s. en tant que « Camp de César ». Il a fait l’objet de nombreuses interventions depuis les années 1970 (Boissel et al., 1972 ; Naveau, 1973, 1974, 1975-1976), mais ce sont les fouilles récentes sur le tracé de la déviation de la RN162 qui ont permis d’en apprécier la véritable ampleur en mettant en évidence, avec la découverte d’un nouveau rempart, que sa surface n’était pas de 12, mais de 135 ha, le plaçant ainsi parmi les plus grands oppida d’Europe (Le Goff, 2015).

5Si Jublains est plus connu en tant que capitale de cité antique dont la surface avoisine les 20 ha, son origine remonte à l’époque gauloise avec la présence d’un sanctuaire et de quelques habitations. Son importance n’est sans doute pas négligeable puisqu’elle supplante Moulay en devenant le chef-lieu de cité à la fin du i^er s. av. n. è. (Naveau et al., 1997).

6Entre ces pôles, de nombreuses occupations ou aménagements maillent le territoire. On dénombre dans ce secteur six habitats avérés, un parcellaire indiquant probablement un habitat proche, un enclos funéraire et trois stèles (fig. 3). En outre, parmi les cinq enclos non datés repérés en prospection aérienne, il est probable que certains d’entre eux soient d’époque gauloise.

2. L’occupation

7Le site se présente sous la forme d’une petite occupation, sans enclos fossoyé profond, qui comprend un habitat, quelques greniers et un atelier de tissage. Le bâtiment d’habitation a été reconstruit, de même que certains greniers. L’image donnée par le plan général est donc trompeuse, car diachronique, chaque phase d’occupation ne devant comprendre qu’une partie des greniers (fig. 4).

Les bâtiments

8Deux bâtiments d’habitation (B1 et B2) existent au centre d’une couronne de greniers (fig. 5). Le fait que chacun occupe le même emplacement qu’un grenier (G11 et G12) ainsi que la trop faible distance entre eux ne permettant pas la coexistence de leurs toitures respectives font considérer qu’il s’agit de constructions diachroniques. L’un des bâtiments aurait été reconstruit sensiblement au même emplacement, mais avec un espace et une orientation différents.

9Un troisième bâtiment (B3) existe un peu à l’écart et à l’ouest des deux premiers. Nous n’en connaissons que la façade et c’est surtout la présence d’un métier à tisser fixe qui aide à en valider l’existence.

10En ce qui concerne B1 et B2, la très faible quantité de céramique ainsi que l’absence de recoupements stratigraphiques visibles ne permettent pas une approche chronologique suffisante pour différencier le bâtiment originel de sa reconstruction.

Typologie des bâtiments d’habitat

11Deux hypothèses de restitution sont envisageables (fig. 6). La première est celle de constructions à paroi intégrée aux poteaux de soutien, qui formeraient une abside en façade. Cette proposition semble peu crédible pour deux raisons : d’une part une complexité dans la réalisation de la toiture pour peu, ou pas davantage, principalement dans le cas de B2 où le gain en débordement est insignifiant. D’autre part en raison de la forte pente de toiture que cela nécessiterait en façade, principalement aussi dans le cas de B2.

12La seconde, celle de constructions à parois déportées, nous semble l’hypothèse la plus vraisemblable, d’autant qu’elle correspond tout à fait à l’un des modèles architecturaux de cette période qui est celui des constructions à parois déportées où les murs en terre sont éloignés des poteaux de soutènement de la toiture qui en supportent l’essentiel du poids (Maguer et al., 2009).

13Le faible écartement entre les poteaux de soutènement et ceux de l’entrée semble relativement habituel si l’on en juge par les bâtiments d’autres sites relativement contemporains (fig. 7) qui présentent les mêmes dispositions tels que, entre autres, ceux de La Gaudine, Vivoin, Mayenne (Guillier et al., 2006), Le Fond de la Commanderie, Conchil-le-Temple, Pas-de-Calais (Lemaire et al., 2012), Les Natteries, Cholet, Maine-et-Loire (Maguer et al., 2000) ou Les Allées de l’Horizon, Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-Atlantique (Mare et al., 2016).

14Par contre, la superposition à échelle différenciée (sur la base de la largeur de la façade) montre que si les autres bâtiments possèdent un rapport sensiblement égal entre longueur et largeur, ceux d’Aron s’en distinguent par une longueur nettement plus importante par rapport à leur largueur (fig. 8).

15Le très faible écart entre les poteaux de façade et ceux de l’entrée suggère que la largeur des parois périmétriques ne dépasse vraisemblablement pas une vingtaine de centimètres.

Le bâtiment B1

16Les trous de poteau présentent un diamètre compris entre 0,40 et 0,66 m et leur profondeur conservée varie de 0,12 à 0,21 m avec une moyenne de 0,15 m. Compte tenu du substrat graveleux très lessivé, aucun négatif de poteau n’a pu être observé. Les dimensions entraxiales moyennes des trous de poteau de l’ossature sont de 4,96 × 2,74 m, les poteaux d’entrée sont déportés de 0,61 m et la largeur entraxiale des poteaux d’entrée est de 1,05 m (fig. 9).

17Les trous de poteau 1021 et 1030, sur l’arrière, présentent des agrandissements linéaires de même orientation que le flanc ouest de la construction. L’hypothèse d’un remplacement des poteaux pourrait être envisagée pour 1021, mais elle est plus discutable pour 1030, car, dans ce cas, l’agrandissement devrait être vers le sud et non vers le nord au ras du mur périmétrique. Il est toutefois possible qu’un aménagement particulier occupât l’espace contre ce poteau au sud et que cette solution ait pu être un pis-aller.

18La présence du poteau 1071 suggère un soutènement de faitière sur l’arrière au niveau du mur périmétrique et, dans ce cas, indiquerait un écartement entraxial de 0,48 m sur l’arrière entre l’ossature interne et le mur périmétrique. La surface utile de cette construction serait de 5,95 m × 3,75 m, soit 22,30 m².

Le bâtiment B2

19Les trous de poteau présentent un diamètre compris entre 0,42 et 0,65 m, leur profondeur conservée varie de 0,14 à 0,33 m avec une moyenne de 0,21 m. Aucun négatif de poteau n’a été observé. Les dimensions entraxiales moyennes des trous de poteau de l’ossature sont de 3,64 × 2,18 m, les poteaux d’entrée sont déportés de 0,22 m et la largeur entraxiale des poteaux d’entrée est de 0,86 m (fig. 9).

20La présence du trou de poteau 1040 suggère un remplacement ou un doublement du poteau d’angle sud-est. Le fait que les trous de poteau de la façade de B2 et du flanc nord de G.11 soient jointifs n’est pas expliqué. Faute d’autre hypothèse, celle nous paraissant la plus vraisemblable est que la proximité des deux trous de poteau a pu conduire, lorsqu’il s’est agi de remplacer l’un par l’autre lors de la reconstruction de l’habitat, à privilégier un creusement repartant du trou précédent pour avoir plus de maniabilité dans la mise en œuvre de l’outil de creusement et dans l’évacuation des déblais.

21La distance entre l’axe des poteaux d’entrée et de la façade avec 0,22 m est plus faible que dans le cas de B1. Faute de poteau soutenant la faitière au sud comme dans le cas de B1 (celui existant au sud, à une distance de 1,94 m, semble trop loin pour cet usage), on peut supposer que l’écartement entre ossature et mur périmétrique est constant. Dans ce cas de figure, ce dernier serait jointif ou très proche des poteaux de l’ossature et la surface utile serait approximativement de 3,80 × 2,85 m, soit environ 10,80 m². Cela semble peu pour une habitation, aussi faut-il considérer soit qu’il ne s’agit pas d’une habitation, mais d’une dépendance, soit que les murs périmétriques latéraux et arrière sont plus rejetés que ce que nous supposons.

Le bâtiment B3

22À l’ouest de B1 et B2 se trouve un ensemble de quatre trous de poteau : 2018 à 2021 (fig. 10). Il évoque la façade d’un bâtiment dont les trous de poteau arrière auraient disparu. Les diamètres des trous de poteau sont de 0,44 à 0,72 m et les profondeurs conservées de 0,20 à 0,30 m. Les comblements, sans particularité, ont livré de la céramique de La Tène C2. La largeur entraxiale de la charpente est de 3,68 m, celle de l’entrée est de 1 m, soit une largeur utile autour de 0,80 m.

23Le fait le plus convaincant quant à leur interprétation est la présence d’un métier à tisser à l’intérieur de cet espace (voir infra).

Les greniers

24Douze constructions sur quatre poteaux, dont les dimensions les font généralement considérer comme étant des greniers, sont disposées en couronne autour de l’habitat (fig. 11 et 12, tabl. 1). La structure superficielle pouvant être plus importante que la simple emprise des poteaux, leurs dimensions sont donc une approximation de leur surface réelle en considérant leur valeur minimale. Les valeurs données ci-dessous sont les valeurs entraxiales des trous de poteau.

Tableau 1 : Caractéristiques métriques des greniers.
Table 1: Metric characteristics of granaries.

Grenier	Diamètre des TP (m)	Profondeur des TP (m)	Dimensions entraxiales	Surface minimale
G1	0,34 à 0,43	0,08 à 0,12	1,99 × 2,07	4,11 m²
G2	0,45 à 0,66	0,17 à 0,27	1,92 × 1,97	3,78 m²
G3	0,62 à 0,87	0,23 à 0,32	1,37 × 2,18	3,64 m²
G4	0,45 à 0,49	0,08 à 0,12	1,75 × 1,98	3,46 m²
G5	0,44 à 0,48	0,10 à 0,19	1,58 × 1,69	2,67 m²
G6	0,27 à 0,31	0,05 à 0,28	1,61 × 1,62	2,61 m²
G7	0,31 à 0,34	0,06 à 0,18	1,50 × 1,52	2,28 m²
G8	0,60 à 0,66	0,17 à 0,27	2,18 × 2,56	5,58 m²
G9	0,34 à 0,52	0,06 à 0,13	1,81 × 1,99	3,60 m²
G10	0,35 à 0,50	0,05 à 0,31	1,28 × 1,35	1,72 m²
G11	0,61 à 0,76	0,27 à 0,38	2,08 × 2,17	4,51 m²
G12	0,45 à 0,61	0,12 à 0,17	1,48 × 2,20	3,26 m²

Les constructions hypothétiques

Hypothèse H1

25Un ensemble de quatre trous de poteau (2008 à 2011) pourrait témoigner d’un petit aménagement sur un support d’environ 0,90 × 0,60 m (fig. 13). Les diamètres de 2008 à 2010 sont compris entre 0,38 et 0,42 m, celui de 2011 n’est que de 0,23 m. Les profondeurs conservées sont peu importantes, entre 0,07 et 0,16 m. Le TP 2011 se dégage du plan rectangulaire et se distingue des autres par un diamètre significativement plus petit, mais il pourrait s’agir d’une disposition en fonction de la pièce de bois disponible, plantée moins profondément. Les possibilités d’interprétation étant nombreuses, nous n’en privilégierons aucune en particulier.

Hypothèse H2

26Deux lignes de trous de poteau (2012 à 2017), proches de la perpendiculaire, suggèrent un aménagement (fig. 13). Les creusements de la ligne sud (longue de 4,45 m) ont un diamètre compris entre 0,49 et 0,74 m et une profondeur conservée entre 0,16 et 0,24 m. Ceux de la ligne orientale (longue de 4,20 m) sont sensiblement plus petits avec un diamètre de 0,40 et 0,43 m et une profondeur conservée de 0,14 et 0,18 m. Le creusement d’angle est ovalaire avec 0,85 × 0,40 m, sa profondeur conservée est de 0,15 m. Le manque de parallèle à la ligne formée par 2012-2015 rend l’hypothèse d’un bâtiment peu vraisemblable. Il pourrait donc s’agir des éléments résiduels d’une palissade dont la fonction n’est pas établie.

Hypothèse H3

271032, 1081, 1082 et 1084 forment un rectangle dont les dimensions entraxiales (2,23 × 1,86 m) sont sensiblement identiques à celles des greniers (fig. 13). Les diamètres de 1032, 1081 et 1084 varient de 0,31 à 0,42 m, celui de 1082 est de 0,22 m. Les profondeurs sont de 0,06 à 0,10 m.

28Si l’hypothèse d’un grenier peut être envisagée, la faiblesse du diamètre de 1082, alors que le soutènement d’un grenier nécessite un poteau de fort diamètre, incite à la considérer avec prudence. Par ailleurs, la présence d’autres trous de poteau à proximité immédiate et le fait que le plan est très certainement lacunaire permettent sans doute d’autres interprétations.

Hypothèse H4

29Les trous de poteau 2056 et 2057, d’un diamètre d’environ 0,40 m et profonds de 0,18 et 0,24 m, pourraient être en relation avec la petite fosse oblongue 1001 dont les dimensions n’ont pas été observées avec exactitude en raison d’une forte perturbation par les racines de la haie contemporaine à cet emplacement (fig. 13). Les dimensions de 1,05 × 0,48 m sont donc maximales, la largeur de 0,48 m est sans doute plus indicative du diamètre du creusement originel dont le caractère anthropique est attesté par la présence d’un fragment de peson dans le comblement. Sa profondeur est d’environ 0,20 m. La présence du fossé postérieur 2072 ne permet pas de vérifier la présence d’un quatrième trou de poteau. Mais un plan carré de 1,87 m de côté est cohérent avec celui d’un grenier qui serait orienté comme les greniers G1, G3 et G10.

3. L’activité de tissage

30Outre un très vraisemblable métier à tisser, représenté par deux trous de poteau encadrant une fosse contenant un lot de pesons visiblement tombés sur place, cette activité est représentée par des rejets mobiliers comprenant pesons et fusaïoles dans différentes fosses (fig. 14). Le métier semble avoir été abrité par un bâtiment (B3) dont il ne subsiste que les trous de poteau de façade (fig. 15).

32Dans le cas qui nous occupe, il s’agirait de pesons utilisés sur métier à tisser vertical à poids. Ce dernier, généralement installé devant ou contre un mur, est constitué de deux montants, maintenus à leur extrémité supérieure par une poutre transversale dont la dimension détermine la largeur maximale du tissu. Sur ce type de métier, les fils de chaîne maintenus ensemble par une lisière de départ préalablement tissée sont tendus à l’aide de pesons ; le tissage progressant du haut vers le bas (Seiler-Baldinger et Médard, 2014).

Description des structures du métier

La fosse centrale

33D’un diamètre de 0,82 m et d’une profondeur conservée de 0,26 m, la fosse 1054 présente un curage ayant réduit son diamètre à 0,54 m et vraisemblablement augmenté sa profondeur par rapport à l’état initial (fig. 16). Le comblement contenait un lot constitué d’une quinzaine de pesons dont la disposition atteste d’un dépôt primaire en amas. Ce groupement compact ne semble pas correspondre à un rejet, mais plutôt à des pesons tombés au bas d’un dispositif de tissage suggéré par les deux trous de poteau l’encadrant. Ces derniers ne peuvent être associés à ceux du bâtiment en raison d’un écart angulaire trop important avec celui-ci.

Les trous de poteau

34Deux trous de poteau encadrent la fosse 1054 (fig. 16, 17) avec un écart entraxial de 1,51 m. Le trou de poteau nord (1056) présente un diamètre de 0,34 m et une profondeur conservée de 0,26 m. Le trou de poteau sud (1055) d’un diamètre de 0,45 m est nettement moins excavé et ne mesure que 0,04 m de profondeur. Les comblements sablo-graveleux n’ont pas conservé l’empreinte des poteaux.

35La différence de profondeur conservée n’est pas véritablement significative, elle peut tout à fait résulter de l’adaptation des trous à la longueur des montants, l’opérateur ayant pu considérer plus facile d’approfondir 1056 que d’harmoniser la longueur du montant.

Le mobilier

Les pesons de la fosse 1054

36Rares sont les exemplaires intégralement préservés en raison d’une cuisson de qualité moyenne pour les pesons de faibles dimensions et particulièrement médiocre pour les plus importants dont l’état pulvérulent n’a pas permis le remontage de nombreux fragments. Les éléments archéologiquement complets permettent toutefois un aperçu représentatif du lot (fig. 18 et 19).

37Les exemplaires suffisamment bien conservés pour en apprécier la mise en forme révèlent un façonnage peu méticuleux. Toutefois, les imperfections observées ne font aucunement obstacle à leur utilisation. Ils montrent simplement que l’aspect et la finition des pesons n’ont pas d’importance. On y devine des surfaces légèrement frappées pour mettre en forme les côtés et la base sans pour autant chercher à obtenir des arrêtes droites ; on y voit aussi parfois la trace des doigts imprimés lors du façonnage.

38L’examen du lot (tabl. 2) montre à l’évidence deux types de pesons. D’une part des pesons tronc-pyramidaux à pâte grossière orangée à gris brun, incluant des graviers, dont la cuisson est imparfaite. D’autre part des pesons piriformes à pâte fine beige incluant également quelques éléments grossiers, particulièrement mal cuits. Cette très mauvaise qualité de cuisson pourrait témoigner d’une chauffe en périphérie de foyer domestique.

39Le lot des pesons tronc-pyramidaux (groupe A) comprend 14 pesons ou fragments de pesons parmi lesquels 9 sont archéologiquement complets et 1 presque complet. Le poids des fragments restant représentant 451 g, on peut en conclure qu’il n’est pas supérieur aux parties manquantes des pesons incomplets et qu’il n’y a pas lieu de supposer un nombre minimum d’individus supérieur à 10.

40Hormis 1054-2 et 3, le poids des exemplaires complet est de 510, 602 et 642 g, celui des exemplaires incomplets est estimé entre 520 et 640 g. Les hauteurs sont comprises entre 95 et 122 mm et les largeurs varient de 62 à 79,5 mm (le fragment noté HS est probablement une partie sommitale).

41Avec un poids de 900 g, 1054-2 et 3 se démarque du reste du lot, l’écart de 260 g avec le poids moyen maximum du reste du groupe étant largement supérieur à la variabilité des précédents. Par conséquent, si ses largeurs sont conformes aux précédents (72 et 77 mm), sa hauteur est plus importante (144 mm).

42Le lot des pesons piriformes (groupe B) comprend 23 éléments parmi lesquels ne figurent que 2 pesons ayant pu être remontés. Le n^o 1054-31 est haut de 139 mm avec une section de 95 × 105 mm et un poids conservé de 878 g (estimé à +/– 1 kg). Le n^o 1054-32 est haut de 153 mm avec une section de 88 × 107 mm et un poids conservé de 1 118 g (estimé à 1,2 kg). Le reste des éléments, très fragmentaire et pulvérulent (attribué à ce groupe en raison de sa pâte caractéristique), ne permet de raisonner qu’en termes de poids. Avec un total de 4 958 g, moins le poids manquant aux n^os 1054-31 et 32 soit environ 200 g, il est possible d’estimer à 4 ou 5 le nombre de pesons de ce type que cela représente. Ces pesons piriformes, dont la cuisson révèle le manque de maîtrise, pourraient être le fait d’un remplacement de fortune.

43Ces deux lots pourraient témoigner d’un jeu initial complet de pesons avec deux voire trois modules. Si l’arasement du site suggère que le lot puisse ne pas être complet, on note toutefois l’absence de fragments de terre cuite dans le niveau de labours au-dessus de la fosse. Il est donc possible que le lot de pesons ait été peu affecté. On ne peut toutefois exclure le fait d’un colluvionnement ayant occasionné une migration de fragments vers le bas de la pente.

44Quatre exemplaires (1054,7, 12, 18, et 32) présentent des impressions longilignes sommitales pour lesquelles le fait d’une usure liée à un lien passant par la perforation est exclue en raison du fait que ces dépressions ne se prolongent pas jusqu’au bord du peson (fig. 19 et 20). Elles semblent avoir été réalisées lors du façonnage, mais on ignore s’il s’agit d’un aléa de fabrication ou d’un marquage particulier (identifier un exemplaire servant de modèle par exemple).

45Les traces d’utilisation se manifestent au travers de marques d’usure plus ou moins prononcées affectant principalement les arêtes et les perforations des pesons. Elles peuvent se matérialiser par une altération des contours consécutive à des microcassures ou par la déformation des perforations, entaillées par les liens de suspension lors d’un usage prolongé.

46Sur les pesons en terre cuite, il n’est pas rare que des traces d’usure consécutives au passage d’un lien ou d’un anneau de suspension marquent le débouché des perforations. Ces marques sont généralement d’autant plus profondes que l’argile est mal cuite. Dans le cas présent, la fragilité du matériau mal cuit aurait pu favoriser ce type d’entailles ; pourtant, aucune marque évidente n’est visible. Cela peut être le résultat d’une utilisation de courte durée ou un moyen de suspension n’affectant pas les pesons.

47La disposition des pesons au sein du groupement ne permet pas de conclure à une répartition en fonction de l’un ou l’autre module observé (fig. 21 à 25). On note davantage de gros pesons en passe 2, mais cela ne semble pas significatif, ceux-ci étant présents par ailleurs. Il en va de même pour l’état de fragmentation ou de pulvérulence, sensiblement identique au sommet ou à la base du dépôt. Les remontages n’ont été possibles que sur des fragments proches ou en connexion, cela conforte le sentiment d’un dépôt d’objets initialement intacts.

Les pesons des fosses 1001 et 1002

48Deux pesons ont été recueillis, chacun dans une fosse distincte (1001 et 1002) relativement éloignée de la zone d’habitat (fig. 13, 26). Il s’agit de pesons tronc-pyramidaux dont la cuisson est comparable à ceux du même type de la fosse 1054.

491001 B1 est haut de 131 mm et large de 94 et 103 mm. Le diamètre de la perforation est de 12 mm. Son poids est de 1 196 g et la quantité de matière manquante suggère un poids originel aux alentours de 1 350 g.

501002 B1 présente une hauteur conservée de 78 mm sans que l’on observe la trace de la perforation. Il est large de 79 et 94 mm. Son poids est de 703 g et le module proche de 1001,1 suggère un poids originel sensiblement équivalent.

Les fusaïoles

51Deux fusaïoles de même module ont été recueillies, l’une dans le trou de poteau 1010 d’un grenier et l’autre dans le trou de poteau 1021 du bâtiment B1 (fig. 13, 26). Ces éléments de filage suggèrent une chaîne opératoire complète de l’activité de tissage.

521021 B1 présente un diamètre moyen de 38 mm, une épaisseur de 21 mm et une perforation de 6 mm. La pâte et la cuisson sont proches de celles des pesons tronc-pyramidaux.

531010 B1 est un fragment dont la courbe d’arc résiduelle correspond à la précédente, il s’agit donc d’un module similaire.

Interprétation

Disposition du métier

54Le simple fait de planter aussi profondément (le niveau d’occupation étant estimé à environ 0,60 m au-dessus du décapage) les montants du métier à tisser suggère, a priori, un dispositif strictement vertical. Toutefois, le diamètre des trous de poteau, si l’on considère une profondeur initiale d’au minimum 0,75 m, autorise une inclinaison de 8,5 à 11° pour des montants d’un diamètre compris entre 12 et 16 cm de diamètre (fig. 27). La question d’une éventuelle inclinaison se doit donc d’être posée.

55Dans l’hypothèse d’une structure inclinée, une implantation aussi profonde des montants ne semble pas justifiée dans la mesure où, soit le dispositif est soutenu à l’arrière par une paroi ou un mur, soit il ne l’est pas et, dans ce cas, une pièce de soutènement à l’arrière est souhaitable afin d’éviter une possible flexion des montants lors du travail.

56De même, l’utilisation de montants plus longs et fixés à un entrait serait une solution beaucoup plus économique en termes de réalisation. Or, cette hypothèse se heurte au fait que le cadre n’est pas parallèle aux entraits, mais disposé avec un écart angulaire de 11°, trop important pour envisager un décalage dans la construction de la charpente.

57Le creusement de deux trous de poteau de cette profondeur est beaucoup plus coûteux en temps et en travail que la construction d’un support qui ne nécessite que trois ou quatre branches supplémentaires et un temps de réalisation de quelques minutes avec un assemblage par brêlage.

59Cette disposition verticale et non oblique (car ces derniers sont également classés dans les métiers verticaux) n’est pas exceptionnelle, on en trouve par exemple une illustration sur un skyphos (coupe à boire) attique du Chiusi, datée du v^e s. av. n. ère, représentant une scène de l’Odyssée d’Homère avec Pénélope et son fils Télémaque devant un métier à tisser (fig. 29, 30).

60Une autre illustration existe sur un lécythe (flacon d’huile) conservé au Metropolitan Museum of Art de New York. Il est attribué au peintre d’Amasis et daté vers 550-530 av. n. ère (fig. 31).

61L’hypothèse d’un tel métier à tisser, strictement vertical avec fosse de réception des pesons (fig. 32), nous semble ainsi la plus vraisemblable dans le cas du site de la Conillère.

Tissu produit

63Pour réaliser une étoffe en base d’armure sergé, trois ou quatre barres de lisses seront nécessaires. Le métier vertical à poids incliné est particulièrement adapté à la confection d’ouvrages caractérisés par ce type d’armure. Il permet en effet l’ouverture de plusieurs foules, en l’occurrence quatre, ce qui est beaucoup plus difficile à obtenir avec des dispositifs strictement verticaux, exerçant plus de contraintes au niveau des fils de chaîne (Bender-Jorgensen, 1992, p. 122). Compte tenu des éléments discutés et de la réalité technique du système de tissage mis en œuvre, les structures d’Aron suggèrent un métier à tisser destiné à confectionner des toiles.

64La fosse destinée à recevoir les pesons mesurant 0,80 m de diamètre, la largeur du tissu ne peut en excéder la dimension. Même si les fils sont regroupés et l’attache du peson en retrait par rapport à l’aplomb de la lisière, la largeur du peson à sa base la compense. On peut donc considérer que le diamètre de la fosse correspond sensiblement à la largeur du tissu réalisé, moins l’écart nécessaire pour que les pesons au niveau des lisières ne butent pas contre la paroi de la fosse. Le diamètre de la fosse n’ayant vraisemblablement pas été plus important au niveau du sol d’occupation du site, au risque de déstabiliser les montants dont les trous de poteau sont proches, on peut considérer que la largeur du tissu produit atteignait au maximum 75 cm (fig. 33).

65La valeur entraxiale des montants est de 1,51 m. Si l’on considère des poteaux d’environ 15 cm de diamètre (moins de 12 cm entraînerait probablement une légère flexibilité du cadre lors des manipulations), l’écart entre les poteaux serait d’environ 1,35 m. Avec un tissu de 75 cm de largeur, l’écart entre celui-ci et les montants serait de (135-75)/2 soit 30 cm, un espace suffisant pour travailler avec aisance au niveau des lisières.

But de la production

66La question de la finalité de cette production se pose : est-elle limitée au contexte familial ou réalisée dans le but d’en échanger ou d’en commercialiser une partie ?

67Le choix d’un métier à tisser ancré au sol, et donc inamovible, interpelle en raison de sa disposition près de l’entrée. Si elle apporte un confort de travail lié à l’éclairage naturel le mieux adapté, cette disposition constitue une gêne pour la circulation entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Il est bien évident que cette considération ne vaut que pour l’hypothèse où il n’existait pas d’autre porte, ce que nous ignorons.

68On peut toutefois s’interroger sur le choix d’un dispositif fixe occupant de manière permanente une partie non négligeable d’un bâtiment pouvant abriter d’autres activités au vu de ses dimensions. Un métier incliné contre un mur ou tout au moins mobile aurait pu être remisé dans un endroit moins gênant. Cela suggère donc une activité suffisamment régulière pour que la gêne occasionnée soit inférieure à celle de devoir mettre le métier en situation de fonctionner pour le ranger ensuite.

69Dans le cas où le bâtiment a été consacré à cette activité, avec le travail de filage et le stockage de la matière première occupant le reste du bâtiment, on peut également s’interroger sur un investissement de cette ampleur pour une activité paraissant occasionnelle.

70En conclusion, si l’hypothèse d’une activité régulière est concevable, il est possible d’envisager la production d’une quantité de tissu dépassant le cadre des besoins familiaux et entrant dans celui des productions de la ferme.

Comparaisons

71En ce qui concerne les métiers verticaux à fosse de réception des pesons, deux exemples sont connus en Allemagne : l’un, de l’âge du Fer, à Wallwitz en Saxe, Allemagne (fig. 34 ; Stahlhofen, 1978), l’autre de l’âge du Bronze, à Prunn I près de Riedenburg, Allemagne (fig. 35 ; Engelhardt et Weickmann, 1990). Ils présentent des fosses oblongues et non pas circulaires, mais le principe est identique à celui d’Aron.

72À notre connaissance, aucun autre métier de ce type n’a été reconnu dans le Grand Ouest. L’article de Y. Lorin (et al. 2019) rend compte des fosses ayant livré des pesons en quantité significative dans le nord-ouest de la France. Certaines sont similaires à celle d’Aron, mais l’on ne peut les interpréter de la même manière du fait qu’il s’agit visiblement de dépôts dans des trous de poteau de construction. D’autres fosses sont isolées, mais ne sont pas accompagnées de creusements pouvant évoquer des montants et ne peuvent donc pas être considérées a priori comme des fosses réceptacles d’un métier.

73Les exemples de métiers installés dans des excavations sont plus nombreux. Par exemple, pour le Bronze final, on peut citer celui du Mont-Saint-Aignan, en Seine-Maritime, avec un métier installé au centre d’une excavation circulaire d’un diamètre à peine plus grand que le cadre. Quelques pesons étaient encore en place entre les montants (fig. 36 ; Aubry et Sehier, 2005). À Hafnerbach en Autriche, une excavation quadrangulaire du Hallstatt a livré une cinquantaine de pesons tombés en place entre les creusements des montants du métier espacé de quatre mètres (fig. 37 ; Preinfalk, 2003).

74À Fleury-sur-Orne, Les Mézerettes (Calvados), un dépôt de 19 pesons tronc-pyramidaux en terre cuite a été observé à un mètre de l’entrée et le long de la paroi de la chambre d’un souterrain du second âge du Fer (Lepaumier et al., 2012). On ignore s’il s’agit d’un simple dépôt ou si cela suggère une activité de tissage dans le souterrain.

75À Mosles, La Vignette (Calvados), la fosse n^o 7, de La Tène ancienne ou début de La Tène moyenne, présente un plan ovalaire de 1,50 × 0,60 m, avec une profondeur conservée de 0,20 m. Le comblement a livré quatre pesons intacts et de nombreux fragments qui permettent d’envisager l’hypothèse d’un atelier de tissage. La fosse antérieure est considérée comme un possible premier état (fig. 38 ; Lepaumier et al., 1998).

76Pour l’époque antique, on peut citer l’atelier de tissage du site Étoile-Jacobins au Mans (Sarthe) avec une fosse quadrangulaire de 3 × 2,50 m, profonde d’1,10 m et prolongée d’un escalier dans le comblement de laquelle ont été recueillis 26 pesons. Le fond est creusé de deux trous de poteau peu profonds dont la valeur entraxiale est de 1,22 m. Ces derniers sont interprétés comme les creusements destinés à recevoir les montants du métier (fig. 39 ; Guillier et Pouli, 1993). Mais que dire du métier lui-même ? Est-il vertical ou incliné ?

77Ces quelques exemples montrent que les cas de figure sont multiples. Si le nombre de sites où la présence d’un atelier de tissage est envisagée est assez conséquent, il y a en fait assez peu de traces archéologiques en ce qui concerne les métiers à tisser alors que cette activité devait être courante et que l’on trouve fréquemment des pesons sur les sites de l’âge du Fer. Si cela s’explique parfaitement dans le cas d’un métier simplement posé au sol, dans le cas d’un métier à poteaux plantés, cela s’explique par la difficulté d’interprétation de ces traces lorsque le site est arasé, ce qui est le cas pour la grande majorité. Par exemple, en l’absence de pesons en amas et si le site avait été arasé de 5 cm de plus, nous aurions pu simplement considérer être en présence de deux trous de poteau de tailles différentes, probablement diachroniques du bâtiment.

78En conséquence, si la disposition observée ici semble peu fréquente, cela peut ne résulter que de l’opportunité d’avoir pu observer les deux trous de poteau des montants du métier. L’apparente « rareté » de ce type de métier est donc à relativiser.

4. Le mobilier

La céramique

79La fouille a permis de récolter 75 fragments de céramiques, dont 6 bords (fig. 40). L’examen de ce lot a donc été limité à une analyse qualitative.

80Une seule catégorie de pâte est attestée, il s’agit de productions non tournées à argile grossière et parois épaisses. La comparaison avec d’autres ensembles régionaux décrits selon les mêmes critères montre que les séries les plus anciennes proposent les pâtes les plus fines et que l’évolution vers La Tène D se caractérise par l’accroissement des productions les plus grossières. Il faut attendre La Tène D2 pour que les productions fines (pré terra nigra, pâtes claires…) se développent à nouveau. Ce phénomène est particulièrement marqué en Mayenne pour La Tène C/D où les céramiques semblent plus grossières qu’ailleurs (Nillesse in Mare, 2020).

81D’un point de vue typologique, on remarque un bol mayennais (CE08). Ce type de vase est peut-être une adaptation locale de la jatte à bord rentrant qui, à partir de La Tène D, sous sa forme classique, ne subsistera quasiment plus qu’au sud de la Loire où sa proportion par rapport aux écuelles à profil en « S » est un bon indicateur chronologique et culturel (Buchsenschutz et al., 1993 ; Nillesse, 2012). Le bol mayennais se distingue de la jatte à bord rentrant par son bord, souvent en bourrelet et non en amande et la présence fréquente de cannelures sur la panse. Le bol mayennais du type 36d1, selon la typologie élaborée pour les mobiliers des Pays de la Loire, est daté de La Tène D1 par les auteurs de l’étude (Cornec et al., 2018), mais ses origines sont à rechercher à La Tène C.

82La forme CE09 est une forme haute se rapprochant des « vases situliformes », terme impropre, mais caractérisant bien ce modèle, la lèvre en crochet est originale. Ces exemplaires carénés sont surtout présents dans les corpus de La Tène ancienne (Nillesse, 2014), mais se rencontrent encore sporadiquement jusqu’à La Tène D.

83Le vase tronconique ouvert CE03 avec sa lèvre aplatie évoque aussi des productions anciennes simples (Nillesse, 2014).

844 NMI sur 6 sont ornés d’impressions sur le sommet de la lèvre. C’est un trait qui apparaît plutôt dans les ensembles antérieurs à La Tène D (Nillesse, 2012).

85Que conclure ? On peut considérer qu’il s’agit d’un lot homogène, avec des caractères anciens (digitations, vase haut caréné) associés à un bol mayennais pouvant indiquer La Tène C2 au plus tôt. Au contraire, on peut estimer qu’il y aurait deux phases, l’une se situant peut-être à La Tène ancienne, l’autre étant représentée par le bol mayennais de la fosse 1029, ce qui indiquerait la fin de La Tène C ou La Tène D1. Le hiatus constaté peut s’interpréter comme une réalité historique ou s’expliquer par le biais induit par la taille réduite du lot céramique.

86La mesure du radiocarbone sur un charbon de la fosse 1054 (Poz-121716), contenant le haut vase caréné, permet d’apporter quelques précisions. La probabilité de datation à 95,4 % s’inscrit dans la fourchette 405-231 Cal BC. La courbe présente deux pics. Le premier (70,9 %) est compris entre 405 et 353 Cal BC, soit entre la fin de La Tène A2 et La Tène B1. Le second s’échelonne entre 292 et 231 Cal BC avec une probabilité qui tombe à 24,5 %, soit entre la fin de La Tène B2 et La Tène C1.

87Les résultats obtenus par l’analyse au ¹⁴C peuvent suggérer l’existence d’une phase ancienne, surtout si l’on se réfère à la probabilité la plus forte. Néanmoins, on ne peut écarter l’utilisation de « vieux bois » et il semble difficile de proposer une chronologie aussi haute pour le bol mayennais qui doit se situer entre La Tène C2 et La Tène D1. Pour conclure tout à fait, si une datation aux alentours de La Tène C2 peut être proposée afin de permettre de situer cette occupation, six éléments de vases identifiables et une datation au ¹⁴C sont insuffisants pour trancher définitivement.

La terre cuite

La terre crue brûlée

883,179 kg de fragments de terre crue brûlée ont été recueillis sur l’ensemble du site, dont 2,812 kg concernent les quatre trous de poteau d’un même grenier (G1). Les 0,367 kg restants étant constitués de très petits lots (10 à 218 g) dans les structures environnant l’habitat.

89Seuls les éléments issus du grenier G1 (TP 1003 à 1006) permettent une analyse de leur mise en œuvre. Sur les lots observés, le diamètre des brins tressés varie de 9 à 23 mm avec une moyenne de 16,2, la distance entre brins varie de –3 à 20 mm avec une moyenne de 6,36 mm et la distance entre les brins et la surface de la terre crue varie de 2 à 22 mm avec une moyenne de 10,8 mm. Les brins d’armature du tressage ont un diamètre compris entre 16 et 23 mm (fig. 41 à 45 ; tabl. 3).

Tableau 3 : Terre crue, données sur le clayonnage.
Table 3: data on the clay daub.

Fait	Diamètre (mm)	distance brin-surface (mm)	distance brin-brin (mm)	Dia	DBS	DBB
1003	9	5	4	1009	702	191
1003	11	6	5	: 62	: 65	: 30
1003	13	6	5	16,2	10,8	6,36
1003	14	6	6
1003	16	7	6	9	2	-3
1003	16	7	6	10	3	-2
1003	16	8	7	11	4	0
1003	16	8	7	11	4	0
1003	16	8	7	11	5	2
1003	17	9	7	12	5	2
1003	18	10	8	12	5	4
1003	18	11	9	13	6	4
1003	18	12	9	13	6	4
1003	18	12	11	13	6	5
1003	18	12	15	13	6	5
1003	19	12	20	13	6	5
1003	20	13		13	7	6
1003	21	13		13	7	6
1003	21	14		14	7	6
1003	21	14		14	7	6
1003	22	14		14	7	7
1003	22	15		14	8	7
1003	22	15		15	8	7
1003		16		15	8	7
1003		16		15	8	7
1003		17		15	8	8
1003		20		15	8	9
1003		22		15	9	9
1004	11	2	4	16	9	9
1004	11	7	4	16	9	11
1004	13	8	5	16	9	11
1004	13	8	6	16	9	14
1004	13	9	7	16	9	15
1004	14	9	9	16	10	20
1004	15	10		16	10
1004	15	10		16	10
1004	15	11		16	11
1004	16	18		16	11
1004	16			16	11
1004	16			17	11
1004	17			17	11
1004	17			17	11
1004	23			17	12
1005	12	3	–3	17	12
1005	12	5	–2	17	12
1005	13	6	11	17	12
1005	13	7	14	18	12
1005	13	7		18	12
1005	15	8		18	13
1005	16	9		18	13
1005	17	11		18	13
1005	17	11		18	13
1005	17	11		18	14
1005	17	12		19	14
1005	18	12		19	14
1005	19	13		20	14
1005	21	14		21	15
1005	21	18		21	15
1005		18		21	15
1005		20		21	16
1005		21		21	16
1024	23			22	17
1025	14	4	0	22	18
1025	14	4	0	22	18
1025	15	5	2	23	18
1025	15	9		23	20
1025	18	13			20
1026	16	9	2		21
1026	16	11			22
1026	10	15
1026		6

90La coupe de quelques fragments n’a pas permis d’observer d’empreintes d’éléments végétaux (fig. 46), il devait donc il y en avoir peu, voire pas. Il semble donc s’agir davantage de terre crue que de torchis. Par contre, on observe de petits nodules d’argile limoneuse plus cuits que le reste de la pâte. À moins qu’il ne s’agisse de zones dont la composition a induit une cuisson plus accentuée, il pourrait s’agir d’éléments déjà cuits lors de leur intégration durant le malaxage. Il nous est difficile de trancher à ce sujet, mais la seconde hypothèse semble la plus vraisemblable.

91L’un des fragments issus du TP 1005 conserve l’empreinte d’un poteau de section circulaire dont le diamètre est de 14 cm et la disposition perpendiculaire au clayonnage qui lui est appliqué latéralement (fig. 41). L’épaisseur du mur n’est pas connue (l’épaisseur minimale conservée est de 46 mm), mais la masse de terre crue du côté du poteau est nettement plus importante que du côté de la surface conservée où elle affleure le clayonnage.

92Cela amène à considérer deux hypothèses :

• soit une cloison à simple clayonnage, peu épaisse, d’un côté des montants (fig. 47) ;

• soit un clayonnage de chaque côté des montants, servant à contenir une épaisseur plus importante de terre crue (fig. 48).

93Dans le premier cas, l’épaisseur serait probablement de 6 ou 7 cm comme il est parfois constaté ; dans le second, elle serait d’environ 17 cm. La première hypothèse est fréquemment admise, mais dans ce cas précis, rien ne nous semble permettre d’écarter la seconde, c’est pourquoi nous ne trancherons pas entre ces deux hypothèses.

La plaque foyère

94Un seul fragment de plaque foyère a été recueilli. Il provient du comblement d’un fossé parcellaire largement postérieur à l’occupation gauloise (1009) et n’était donc plus en contexte. Il s’agit de l’angle à 90° d’une plaque épaisse de 35 mm.

5. Synthèse et conclusion

95Les constructions observées semblent appartenir à une petite exploitation agricole gauloise ayant fonctionné durant La Tène C2 et peut-être au début de La Tène D, soit au cours du ii^e s. av. n. ère. Une occupation plus ancienne semble pouvoir être envisagée, mais sans arguments décisifs. Un bâtiment (d’habitat ?) a été reconstruit sensiblement à la même place, mais avec une orientation différente ainsi que cela a parfois été observé ailleurs. Un ensemble de 12 greniers occupe l’espace périphérique, mais ceux-ci, comme l’atteste la disposition de deux d’entre eux avec l’inversion habitat-grenier lors de la reconstruction, ne sont certainement pas tous contemporains. Un autre bâtiment, sensiblement plus vaste que les deux autres, existe à proximité et contenait un groupe de trois structures interprétées comme un métier à tisser fixe strictement vertical au-dessus d’une fosse réceptacle circulaire pour les pesons (elle en contenait une quinzaine vraisemblablement tombés du métier). Il pourrait donc s’agir d’une construction dédiée aux activités artisanales et domestiques.

96L’absence de fossés associés à cet habitat le place dans ce que l’on appelle habituellement les habitats ouverts. Cette notion, qui nous semble trompeuse, mérite d’être discutée. En effet, à une période où cette partie du territoire ne devait pas être entièrement défrichée, les agriculteurs-éleveurs devaient composer avec les animaux sauvages pouvant occasionner des dégâts aux élevages et aux cultures (loups, sangliers…). Les animaux devaient donc être parqués dans un endroit sécurisé pour la nuit et les cultures devaient être plus ou moins protégées. L’absence d’un parcellaire fortement marqué ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de limites, car avec un arasement de 0,50 à 0,60 m, il est tout à fait possible qu’un parcellaire existant ait disparu s’il n’était pas plus profond. Par ailleurs, on peut tout à fait créer un parcellaire dissuasif sur la base de larges haies riches en épineux et en ronces ou bien de palissades. Des indices ou vestiges de ces dernières ont en effet été observés sur certains sites de La Tène (Maitay, 2014 ; Maitay et al., 2022).

97Pour un habitat groupé de type hameau, où celui-ci peut être séparé des zones de parcages et de culture, cette différence entre habitat enclos et habitat ouvert semble logique, mais pour les occupations de petite taille comme celle-ci, cela ne nous semble pas correspondre à une différence de tradition dans l’organisation de l’espace, mais plutôt à une différence de statut, l’agriculteur très modeste n’ayant pas les moyens humains pour réaliser ces grands enclos aux fossés profonds qui nous sont coutumiers, ni de temps à perdre en réalisation plus ostentatoire qu’indispensable. Le site proche de Panveau (Valais et al., 2014), sur la même commune et de la même période, est constitué d’un enclos dont la longueur n’est pas connue, mais peut être estimée à environ 75 m pour une largeur connue de 60 m. Il s’agit donc d’un enclos de taille moyenne aux fossés peu profonds dont la division tripartite génère deux zones d’environ 1 100 à 1 200 m² (la zone incomplète n’est très vraisemblablement pas supérieure aux deux autres). On peut donc considérer que la partie d’habitat est de faible ampleur et classe le site dans les petites exploitations. Cela montre qu’à une même période, enclos et habitat de type supposé « ouvert » coexistent et que la différence ne tient peut-être qu’à la profondeur des structures destinées à enclore et au niveau d’arasement du site ou bien à la nature du type d’enclôture.

98C’est pourquoi la proposition de restitution de cet habitat présentée en fig. 49 rend compte d’un habitat et de parcelles agricoles encloses de haies au sein d’un espace semi-déforesté.