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La céramique des xie et xiie s. dans le bassin lavallois (Mayenne). Première synthèse

Pottery from the 11th and 12th centuries in the Laval basin (Mayenne). First synthesis
Claire Moreau et Aurore Noël

Résumés

Des fouilles récentes à Laval et dans ses environs ont mis au jour un nombre important de céramiques issues de plusieurs contextes des xie et xiie s., période pour laquelle la céramique du bassin lavallois est mal documentée. L’analyse croisée des poteries de quatre sites de Laval et ses environs permet de compléter le répertoire des formes pour ces deux siècles. L’étude de leur approvisionnement renouvelle la connaissance des productions potières lavalloises, dont les ateliers des xie-xiie s. ne sont pas encore connus. Enfin, la comparaison des résultats avec les synthèses et sites régionaux permet de mettre en évidence un faciès céramique tout à fait original pour cet espace d’étude.

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Texte intégral

1. Introduction

1Depuis une dizaine d’années, Laval et son agglomération connaissent une augmentation sensible du nombre de fouilles préventives sur lesquelles une occupation du début du Moyen Âge central est avérée. Cette opportunité a permis d’engager un travail de compilation et d’analyse des données en matière de mobilier céramique permettant de présenter ici un référentiel typochronologique pour le bassin lavallois à travers l’exemple de quatre sites fréquentés aux xie et xiie s.

2Le bassin lavallois a bénéficié de trois publications fondamentales relatives aux céramiques médiévales. La première, publiée en 1984, est un article consacré à l’atelier de potiers de La Hardelière, situé dans l’ancien village de Saint-Pierre-le-Potier, au sud de Laval (Bucur et al., 1984). Les auteurs proposent à cette occasion une première approche chronotypologique des productions de ce centre artisanal, dont l’activité est alors connue pour une période comprise entre la fin du xiiie et le xve s. La seconde, au début des années 2000, est un article de Jacques Naveau (2001) intitulé « Les potiers lavallois au début des temps modernes ». Il s’agit d’une synthèse sur l’état de la recherche concernant la production de céramique dans le bassin lavallois et d’une présentation des récipients emblématiques jalonnant une période allant de la fin du xiiie à l’orée du xviie s. La parution de cette publication est également l’opportunité pour l’auteur d’interpeller, au moment de conclure, sur la nécessité de travailler à la connaissance de l’origine de cette production, à savoir celle des xie et xiie s. Vingt ans plus tard, la dernière publication majeure, consacrée à la céramique médiévale dans les Pays de la Loire et en Bretagne, prend la suite du projet collectif de recherche éponyme dirigé par Yves Henigfeld (2021). Il s’agit d’un ouvrage de référence pour l’ensemble de la région, regroupant une cinquantaine de présentations d’assemblages céramologiques sous forme de notices (répartis sur 32 communes), une large synthèse exposant les connaissances sur les questions socio-économiques et culturelles, mais également les référentiels chronotypologiques pour chaque département ainsi que les catalogues des formes et un répertoire des groupes techniques permettant d’appréhender la céramique à une échelle régionale. Cette monographie a donné lieu à une première approche du mobilier céramique du bassin lavallois des xie et xiie s., documenté par les ensembles ruraux de la Corbinière des Attelées à Soulgé-sur-Ouette et du lotissement de la Perrine à L’Huisserie (Noël, 2021a ; Noël, 2021b).

  • 1 NR : Nombre de restes.

3Quatre assemblages provenant de sites de consommation situés à Laval ou dans un périmètre très proche de la commune constituent le corpus documentaire pour mener à bien ce travail de référencement et d’analyse des productions des xie et xiie s. (fig. 1). La fouille la plus récente concerne directement la ville de Laval : « Château-Neuf/place Trémoille ». Ce site urbain et seigneurial offre le corpus le plus important en termes quantitatif et qualitatif (1 905 NR1). Il est ici associé à trois sites ruraux. Le premier, les Poiriers, est localisé à Laval, tandis que les deux autres, la Corbinière des Attelés et le lotissement de la Perrine, respectivement situés à Soulgé-sur-Ouette et à L’Huisserie, sont établis dans un rayon de 15 km à l’est et au sud de Laval. Le mobilier est inégalement réparti sur les quatre sites, le site urbain de Laval « Château-Neuf/place Trémoille » étant le plus fourni, tandis que les sites ruraux de Laval les Poiriers et de Soulgé-sur-Ouette la Corbinière des Attelés ont livré chacun un nombre de tessons inférieur à 400 restes. Le site du lotissement de la Perrine, à L’Huisserie, bien qu’étant situé en contexte rural, a en revanche offert un mobilier abondant, soit un peu plus de 1 000 fragments, le rapprochant d’un corpus urbain (fig. 2). Le protocole d’étude employé s’inscrit dans la logique de codification mise en place par le réseau ICERAMM et le PCR sur la céramique médiévale dans les Pays de la Loire et en Bretagne (Henigfeld [dir.], 2021), qu’il s’agisse des groupes techniques ou des formes, ainsi que sur les critères de quantification définis par Philippe Husi (2001 ; 2003, p. 11-12).

Figure 1 : Cartographie de localisation des sites étudiés et des ateliers de la Hardelière. / Figure 1: Map showing the studied sites and workshops of potters of the Hardelière.

Figure 1 : Cartographie de localisation des sites étudiés et des ateliers de la Hardelière. / Figure 1: Map showing the studied sites and workshops of potters of the Hardelière.

Réal. Aurore Noël.

Figure 2 : Répartition des différents groupes techniques par site, en NR. / Figure 2: Distribution of the different technical groups by site, by number of remains.

Figure 2 : Répartition des différents groupes techniques par site, en NR. / Figure 2: Distribution of the different technical groups by site, by number of remains.

Réal. Aurore Noël.

4Cette proximité géographique avec le centre de potier médiéval lavallois de la Hardelière (Bucur et al., 1984), se manifeste pleinement dans la composition du mobilier céramique. Parmi les six groupes techniques identifiés sur les quatre sites étudiés, cinq proviennent des officines locales, soit 98 % des 3 590 tessons pris en compte pour ce travail (fig. 3). Les caractéristiques techniques de ces cinq pâtes présentent de très fortes affinités avec la matrice argileuse des céramiques lavalloises GT10c2, plus tardives, découvertes sur le site de production de la Hardelière, situé au sud de Laval. Les caractéristiques générales de ces productions sont une pâte semi-grossière, parfois à traces de tournage marquées, comprenant de nombreuses inclusions siliceuses de taille moyenne et affleurantes. Les cinq productions se distinguent selon leur cuisson, pouvant rendre les céramiques grésées, et par les autres inclusions présentes : oxydes de fer, plaquettes de schiste ou encore inclusions blanches. La seule production extralocale est une pâte fine à glaçure verte mouchetée. Son origine est inconnue pour l’heure, bien que l’on puisse envisager une provenance ligérienne ou sarthoise.

Figure 3 : Groupes techniques du bassin lavallois pour les xie-xiie s., à partir de la classification ICERAMM pour le Centre-Ouest de la France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1). / Figure 3: Technical groups of the Laval basin for the 11th-12th centuries, from the ICERAMM classification for the Centre-West of France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1).

Figure 3 : Groupes techniques du bassin lavallois pour les xie-xiie s., à partir de la classification ICERAMM pour le Centre-Ouest de la France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1). / Figure 3: Technical groups of the Laval basin for the 11th-12th centuries, from the ICERAMM classification for the Centre-West of France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1).

Réal. Claire Moreau.

2. Présentation des sites et assemblages céramiques

Le site de la cour du Château-Neuf et de la place Trémoille à Laval

  • 3 Il s’agit ici des premiers résultats, le rapport de fouille n’étant pas achevé. À ce titre, la dat (...)

5Prescrite dans le cadre de la réfection de la place centrale du centre ancien – place de la Trémoille – et de la Cour du Château-Neuf qui lui est attenante, cette fouille préventive a été prise en charge par le Service archéologique de la Ville de Laval, sous la direction de Samuel Chollet, de janvier 2012 à juillet 2013. D’une surface totale de 7 000 m², ce qui correspond à près de 7 % de l’intra-muros, ce chantier d’une ampleur sans précédent pour l’agglomération lavalloise a contribué à mieux comprendre les origines et l’évolution de la ville comme de son château jusqu’au xixe s.3

6De manière synthétique, les investigations ont tout d’abord permis de recueillir des informations sur la physionomie du premier castrum, édifié aux alentours des années 1030, dont la création est considérée comme l’acte fondateur de ce bassin de peuplement (Chollet, 2018, p. 47). À ce dernier, dont la principale caractéristique est d’être protégé par trois mottes, il semble possible d’associer la découverte de structures fossoyées et de trous de poteau dont tout porte à croire qu’ils participent de la basse-cour de ce castrum originel occupé aux xie et xiie s. Le début du xiiie s. est marqué par une réorganisation défensive avec l’édification d’un nouveau château et d’une double enceinte – castrale et urbaine –, accompagnée d’une importante campagne de remblaiement des fossés de défense du château à mottes. L’espace voit alors se développer un quartier d’habitat civil jusqu’au xve s.

  • 4 Le mobilier céramique postérieur au xvie s. n’est pas comptabilisé ici, son traitement n’a pas enc (...)
  • 5 NMI : Nombre minimum d’individus.
  • 6 NTI : Nombre typologique d’individus

7Au total, cette opération archéologique a livré un corpus de 22 000 fragments de céramiques issus d’une occupation continue entre le xie et le xvie s.4. Quant à l’assemblage des xie et xiie s. présenté ici, il se compose de 1 905 tessons correspondant à un NMI5 de 518 et un NTI6 de 181. Il provient en très grande majorité (95 %) des structures découvertes place de la Trémoille, liées au castrum à mottes primitif établi pendant le premier tiers du xie s., et au remblaiement de ce dernier, avant l’établissement du château philippien au début du xiiie s.

8Outre les comparaisons typologiques avec d’autres ensembles régionaux, la datation des céramiques des xie et xiie s. s’appuie sur sept prélèvements de charbons ayant bénéficié d’analyses par radiocarbone, deux monnaies ainsi que du mobilier équestre, dont un fer à cheval.

Les groupes techniques

9L’étude des céramiques issues des xie et xiie s. a permis de mettre en évidence cinq groupes techniques différents. Quatre d’entre eux sont produits localement. Il s’agit des groupes Lav 10e, Lav 10f, Lav 16d et Lav 16e auxquels sont associés quatre tessons à glaçure verte (Lav 02b), d’origine exogène, ainsi qu’une poignée de tessons d’origine indéterminée (2 % du NR).

10Parmi les productions locales, celles à pâte claire, blanche, beige ou rosée (Lav 10e et Lav 10f) sont très largement dominantes [tabl. I]. Elles représentent 83 % du total des tessons pour la période des xie et xiie s. Les pâtes grésées locales (Lav 16d et Lav 16e), de couleur grise à brun-orangé, ne totalisent que 15 % de l’assemblage.

Tableau I : Laval, Château-Neuf/Place Trémoille : Répartition des groupes techniques, exprimée en NR, en NMI et en NTI. / Table I: Laval, Château-Neuf/Place Trémoille: Distribution of technical groups, expressed in RN, MNI and NTI.

GT NR NMI NTI
Lav 02b 4 2 -
Lav 10e 923 211 80
Lav 10f 644 200 73
Lav 16d 195 71 15
Lav 16e 95 27 10
Indét. 44 7 2
Total 1 905 518 181

Réal. Claire Moreau.

Les formes

11Parmi les 518 individus répertoriés, 181 ont pu être attribués à une forme [tabl. II]. Il en ressort que deux catégories de récipients prédominent très nettement et totalisent à eux seuls 78 % des formes inventoriées. Il s’agit d’une part des pots, présents à hauteur de près de 46 % du total du NTI, et d’autre part des grands vases réserves, représentant un tiers du NTI (56 NTI).

Tableau II : Laval, Château-Neuf/Place Trémoille : Répartition des formes par groupes techniques, en NTI. / Table II: Laval, Château-Neuf/Place Trémoille: Distribution of forms by technical group, expressed in NTI.

Formes Lav 10e Lav 10f Lav 16d Lav 16e Ind. Total % Total
Pot indét. 1         1 0,55
Pot 2-1 9 3 2 2 1 17 9,39
Pot 2-2 12 14 1 2 1 29 16,02
Pot 2-27 14 14   3   31 17,13
Pot 4-7 1         1 0,55
Pot (réserve) 8 1         1 0,55
Pot (réserve) 8-3 1 2       3 1,66
Cruche 1 1       2 1,10
Cruche 1   2       2 1,10
Cruche 6 4 2 2     8 4,42
Cruche 6-8 3 2 2     7 3,87
Cruche 7-3 1         1 0,55
Pichet 6 1         1 0,55
Pichet 10 1         1 0,55
Coupe 4-4 1         1 0,55
Plat 1-2   1       1 0,55
Plat 1-4 1         1 0,55
Plat 1-11 1         1 0,55
Vase réserve 13 22 7     42 23,20
Vase réserve 1 3 3       6 3,31
Vase réserve 2   1   1   2 1,10
Vase réserve 2-2 3 3       6 3,31
Couvercle 2-5   1 1     2 1,10
Couvercle 2-5 ou 6 4 2       6 3,31
Couvercle 6 1         1 0,55
Lampe   1       1 0,55
Lampe 3-1 2     1   3 1,66
Lampe 4 1     1   2 1,10
Total 80 73 15 10 2 181 100,00

Réal. Claire Moreau.

12En raison de la grande proportion de pots, les formes fermées représentent un peu plus de la moitié du corpus. Six types ont été identifiés parmi les 85 pots dénombrés. Un peu plus de la moitié d’entre eux se singularise par la présence de traces de suie, surtout sur leurs parois externes, soulignant qu’ils ont été employés en tant que pot à cuire. Ils appartiennent presque exclusivement à trois types, de forme globulaire, sans élément de préhension, surmontés d’une lèvre rectangulaire ou en bandeau (pots 2-1, 2-2 et 2-27 (fig. 4). Sur les exemplaires 2-27, la lèvre présente une inflexion externe de forme triangulaire ainsi qu’une gorge interne. Les pots 2-1, proches des pots 2-27, possèdent une lèvre plus aplatie et une gorge interne très développée. Quant aux pots 2-2, ils se différencient par un rebord en bandeau dont la face externe est moulurée. Un autre pot à cuire est un unicum dans ce lot, il s’agit d’un pot à lèvre en bandeau écrasé et éversé vers l’intérieur du récipient (pot 4-7). Ce type de pot possède généralement une anse.

Figure 4 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 4: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.

Figure 4 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 4: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

13Une vingtaine de cruches et deux pichets viennent enrichir le corpus des formes fermées (fig. 4). Les premières appartiennent majoritairement à la catégorie 6, caractérisée par la présence d’un verseur obtenu par déformation de la lèvre. La mauvaise conservation des anses empêche de caractériser plus finement sept de ces récipients. Huit autres cruches, de forme globulaire, possèdent une lèvre en bandeau, un col court ainsi qu’une anse située en face d’un bec pincé (cruche 6-8). Cette forme, jusqu’ici connue uniquement dans le répertoire des formes breton, est donc pourvue d’une lèvre en bandeau court, comparable à celles des pots 2-2. En raison de cette similitude, la classification des cruches a été déterminée par la présence d’un bec verseur, d’une anse large, ou encore par un petit diamètre à l’ouverture. À ce titre, il ne peut être exclu que certains pots ou cruches aient été classés à tort dans l’une ou l’autre de ces catégories. Enfin, ce lot de cruches est enrichi par deux exemplaires munis d’un bec tubulaire (cruche 1) et d’une cruche archéologiquement complète, dont la forme se caractérise par un col haut à ressaut, une lèvre rectangulaire saillante, une anse ronde au décor digité et par l’absence de système verseur (cruche 7-3).

14Les deux rebords de pichets présents se composent d’une lèvre droite légèrement éversée surmontant un col cintré sur lequel est attachée une anse plate pour le pichet 6 et d’une lèvre triangulaire saillante pour le pichet 10 (fig. 4).

15Les formes ouvertes de table et de préparation sont représentées par trois plats tronconiques (plats 1) et une coupe à carène douce et surmontée d’une lèvre droite matérialisée par un léger bourrelet (coupe 4-4, fig. 4)

16Sur les 60 récipients de forme ouverte, 56 se rapportent à la catégorie des vases réserves (fig. 5). Près des trois quarts d’entre eux n’ont pas pu être typologiquement déterminés. Au total, six vases identifiés possèdent des parois largement évasées et une lèvre formée d’un bourrelet externe (type 1). Huit autres sont plus hauts que les précédents et se caractérisent par une forme tronconique surmontée d’un bord légèrement rentrant, et d’une lèvre triangulaire à quadrangulaire (vases réserve 2-2). Les deux dernières catégories de vases de stockage correspondent aux pots de types 8 et 8-3. Il s’agit de grands vases réserves de forme fermée, couramment ornés et renforcés sous le bord d’une bande d’impressions digitées. Il est à noter que l’exemplaire du pot 8 présenté ici est surmonté d’une lèvre en bandeau court et gorge interne, semblable à celles des pots 2-27 présentés plus haut (fig. 5). Dix vases réserves, soit 18 % d’entre eux, présentent des traces de brûlures. Ces récipients pourraient correspondre à des lessiveuses, dont l’état de conservation ne permet pas d’observer la perforation en bas de panse, comme on peut le voir sur l’un des récipients de L’Huisserie « Lotissement de la Perrine » (cf. infra 2.4.2). Il est aussi probable, comme pour un exemplaire de cruche, que ces grands récipients aient été occasionnellement détournés de leur fonction première pour servir de pot à cuire.

Figure 5 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 5: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.

Figure 5 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 5: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

17Les ustensiles sont, quant à eux, principalement représentés par neuf couvercles. Ces derniers possèdent tous une forme conique ainsi qu’un rebord bien défini, la plupart du temps plat. Le seul objet archéologiquement complet est pourvu d’un tenon circulaire sommital (couvercle 2-5, fig. 5). En l’absence de cet élément, il n’a pas été possible de distinguer les couvercles de type 2, munis d’un tenon, de ceux de type 6 qui en sont dépourvus.

18En dernier lieu, six lampes ont été répertoriées. Trois sont des lampes à pied creux, dotées d’une coupelle intermédiaire, d’un réservoir et d’une lèvre pincée (lampe 3-1). Deux autres sont des petites lampes à appendice (lampe 4), tandis qu’une dernière n’a pas pu être déterminée.

Les décors

19Les décors sont relativement rares et ne sont quasiment réservés qu’aux cruches et aux contenants de grande taille, bien que pour ces derniers, il s’agisse autant de décors que d’éléments de renfort. On peut mentionner la présence de trois vases pourvus d’un décor ondé incisé, dont une cruche 6-8 (fig. 4 et 5) et une base de récipient marqué par un décor imprimé à la molette à motif de bâtons (fig. 5).

20Les décors ou renforts constitués d’ajouts de matière sont utilisés en particulier sur les grands récipients à réserve, qu’ils soient de forme ouverte ou fermée. Dans cette dernière catégorie, on trouve également des décors digités horizontaux sans bande d’argile rapportée. Vingt-huit de ces récipients ont livré ce type de décor, en majorité réalisés horizontalement sous la lèvre et/ou parfois en diagonale sur les parois. Un pot à lèvre en bandeau écrasé fait figure d’exception avec la présence d’une bande d’argile digitée positionnée verticalement, sous un bord festonné (pot 4-7, fig. 4). Dans cette catégorie de décor, la cruche à col haut à ressaut et sans système verseur est également remarquable avec son anse ronde digitée (cruche 7-3, fig. 4). Sept autres anses comportent un décor similaire, ainsi qu’une anse plate pourvue d’un décor appliqué médian.

21Enfin, les revêtements de surface ne sont représentés que par deux fragments de forme indéterminée partiellement couverts d’une glaçure verte.

22Même si elles ne participent au registre décoratif à proprement parler, il convient de noter la présence de cannelures bien marquées sur un grand nombre de tessons, vraisemblablement attribuables à des formes fermées dans la plupart des cas. Par ailleurs, les cannelures étaient, sur 79 tessons, accompagnées de fines stries probablement réalisées au peigne pendant le tournage.

Le site des Poiriers à Laval

23Le lieu-dit les Poiriers, localisé dans le quartier de Grenoux au nord-ouest de la commune de Laval, a bénéficié en 2014 d’un diagnostic archéologique (Allamelou, 2014), à la suite duquel une fouille préventive de 5 000 m² a été menée à l’automne 2016 par Marie Queru (2019). Réalisées par le Service archéologie et inventaire général de la Ville de Laval, ces investigations ont permis de mettre en évidence des occupations depuis la Protohistoire jusqu’à l’époque contemporaine, bien que l’installation principale soit attribuable à la période médiévale.

24Le vestige majeur du site correspond à un enclos fossoyé enserrant une aire subcirculaire d’environ 1 045 m², associé à un enclos secondaire au nord-est, de plan grossièrement trapézoïdal et de taille plus modeste (environ 170 m² de surface enclose). Une structure de combustion, 13 fosses et 66 trous de poteau, parmi lesquels cinq bâtiments ont pu être restitués, situés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’espace fossoyé, ont également pu être rapportés à cette occupation. L’un des édifices sur poteaux identifiés se distingue par son ampleur au sol. Installé au cœur de la moitié septentrionale de l’enclos, il comprend deux nefs et semble avoir connu au moins deux états successifs : le premier d’une superficie de près de 75 m² est étendu de 38 m² vers le sud et l’ouest dans un second temps.

25Deux phases d’occupation du site médiéval ont également été mises en évidence. L’une remonte à la fin du xe s. et l’autre correspond aux xie et xiie s. Cette chronologie repose sur les données stratigraphiques (entretien du fossé, édification et agrandissement de plusieurs bâtiments) et les datations obtenues par l’analyse par le radiocarbone de 14 échantillons de charbons. Quant aux céramiques, aucune particularité typologique ou technique n’a permis de différencier ces deux états. Cette dernière catégorie de mobilier a donc été attribuée aux xie-xiie s. sans distinction. Au total, parmi les 83 faits rattachés à l’époque médiévale, seuls 21 ont livré de la céramique. Ces vestiges ont permis de recueillir 296 tessons correspondant à 110 individus au minimum pour 39 formes identifiées.

26Même si la nature et la fonction de cet établissement installé en bordure du territoire paroissial et délimité par un ensemble fossoyé sans réelle valeur défensive s’avèrent difficiles à caractériser, plusieurs propositions ont pu être explorées (Queru, 2022). Il semble que l’intérieur de l’enclos soit pour partie constitué d’une occupation domestique, principalement matérialisée par un bâtiment central de grande ampleur entouré de bâtiments annexes organisés autour d’une cour ; mais l’absence d’ouvrages nécessaires à l’installation pérenne d’un habitat (puits, citerne, foyer ou four domestique, dépotoir, silos, etc.) interpelle et impose la prudence concernant cette première hypothèse. Situé en milieu rural, il est par ailleurs envisagé que ce domaine puisse être lié, au moins en partie, à une activité agricole, plus particulièrement consacrée au traitement des récoltes. Cette supposition repose sur la présence d’une importante structure de combustion, dont les parois peu rubéfiées ont notamment conduit à suggérer qu’il pourrait correspondre à un four employé au grillage ou au séchage des céréales. Cette dernière proposition est également celle avancée par Catherine Hervé concernant le site d’enclos fossoyé découvert à la Corbinière des Attelés à Soulgé-sur-Ouette (cf. infra 2.3).

Les groupes techniques

27L’observation macroscopique des céramiques médiévales découvertes sur le site a permis de distinguer cinq groupes techniques. Celles-ci sont en grande majorité cuites en atmosphère oxydante et révèlent une couleur beige, rose ou orangée (Lav 10e, Lav 10f, Lav 08ad). Parfois grésées par une légère surcuisson, elles peuvent présenter une teinte brune ou gris orangé (Lav 16e, Lav 16d). L’ensemble de ces groupes révèle une pâte semi-grossière ou grossière à fort dégraissant quartzeux. Cinq tessons de production indéterminée viennent compléter cet ensemble. L’un d’eux est caractérisé par une pâte micacée, nécessairement exogène.

28La relative diversité des groupes techniques est néanmoins à nuancer étant donné la prédominance de trois d’entre eux – Lav 10e, Lav 16d et Lav 10f – qui totalisent à eux seuls près de 92 % des céramiques médiévales découvertes sur ce site [tabl. III]. Le premier représente 48 % des restes, soit pratiquement la moitié de l’assemblage (142 NR pour 63 NMI). Il se caractérise par une pâte de couleur beige, parfois rose ou gris clair à cœur, largement chargée en nodules de fer rouge. Le second groupe, Lav 16d constitue 24 % des céramiques (soit 71 NR pour 13 NMI). Seule production réductrice du lot, ce groupe se caractérise par une pâte gris orangé, dure et légèrement grésée. Enfin, le groupe technique Lav 10f, correspondant à une pâte de couleur rose, grossière et fragile, est attesté par 60 NR pour 23 NMI, soit 20 % de la céramique médiévale du site.

Tableau III : Laval, les Poiriers : Répartition des GT, exprimée en NR et en NMI. / Table III: Laval, les Poiriers: Distribution of technical groups, expressed in RN and MNI.

GT NR NMI NTI
Lav 08ad 14 3 1
Lav 10e 142 63 25
Lav 10f 60 23 9
Lav 16d 71 13 2
Lav 16e 4 4 2
Indét. 5 4 -
Total 296 110 39

Réal. Claire Moreau.

Les formes

29Au total, 40 objets ont bénéficié d’une identification typologique plus ou moins précise [tabl. IV]. Onze formes fermées ont été individualisées. Parmi elles, on compte deux pots à lèvre en bandeau dont la face externe est moulurée (pot 2-2), trois pots à rebord triangulaire déversé (pot 2-27), une lèvre rectangulaire à gorge interne issue du pot 2-1, ainsi qu’une lèvre en proto-bandeau associée au pot 2-29 (fig. 6).

30Les récipients fermés dévolus au service sont représentés par deux pichets à lèvre en bandeau moulurée (pichet 4-2) et un pichet à col cannelé et panse globulaire (pichet 8-2, fig. 6).

31Excepté les vases réserves, une seule forme ouverte, un plat tronconique à lèvre déjetée plate a pu être identifié (plat 1-7, fig. 6). Le répertoire des céramiques est complété par la présence d’au moins 25 vases réserves, ce qui représente près de deux tiers des formes inventoriées (soit 64 % du total des formes). Trois vases ouverts caractérisés par de larges ouvertures tronconiques (vase réserve 1) et trois à lèvre triangulaire (vase réserve 2-2) ont pu être déterminés (fig. 6). Notons par ailleurs que sept d’entre eux présentent des traces d’un passage au feu. Outre la possible fonction de lessiveuse, cette caractéristique permet d’envisager que ces grands contenants, traditionnellement attribués au stockage, ont également été employés en tant que pot à cuire à des fins domestiques, culinaires ou artisanales. À défaut de pouvoir définir leurs usages, ces indices témoignent tout du moins de la polyvalence de ces grands vases.

32Un couvercle de forme tronconique, dont on ne peut pas présager, du fait qu’il est muni d’un tenon circulaire ou non (couvercle 2-5 ou 6, fig. 6), ainsi qu’un fragment de lampe indéterminée (non dessiné), complètent le répertoire des ustensiles.

Tableau IV : Laval, les Poiriers : Répartition des formes par groupes techniques, en NTI, du lot de Laval, les Poiriers. / Table IV: Laval, les Poiriers: Distribution of forms by technical group, expressed in NTI.

Formes Lav 08ad Lav 10e Lav 10f Lav 16d Lav 16e Total % Total
Pot indét. 1     1   2 5
Pot 2-1   1       1 2,5
Pot 2-2   1   1   2 5
Pot 2-27   3       3 7,5
Pot 2-29   1       1 2,5
Pichet 4-2   1     1 2 5
Pichet 8-2     1     1 2,5
Plat 1-7   1       1 2,5
Vase réserve indét.   12 6   1 19 47,5
Vase réserve 1   3       3 7,5
Vase réserve 2-2   2 1     3 7,5
Couvercle 2-5 ou 6     1     1 2,5
Lampe   1       1 2,5
Total 1 26 9 2 2 40 100

Réal. Claire Moreau.

Les décors

33Les décors sont peu nombreux. Il s’agit de cordons digités appliqués horizontalement sous la lèvre ou de bandes d’argile appliquées à impressions digitées. Ces deux types d’ornements ou de renforts ont été découverts à cinq reprises sur des grands vases réserves. Notons également la présence d’un décor imprimé à la molette. Le motif, figurant une ligne de petits rectangles, orne la face externe de la lèvre en bandeau d’un pichet 4-2 (fig. 6).

Figure 6 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, les Poiriers. / Figure 6: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, les Poiriers.

Figure 6 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, les Poiriers. / Figure 6: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, les Poiriers.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

Le site de la Corbinière des Attelés à Soulgé-sur-Ouette

34Le site de la Corbinière des Attelés à Soulgé-sur-Ouette, situé à une quinzaine de kilomètres à l’est de Laval et de son centre d’activité potière, a été fouillé dans le cadre de la construction de la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes par Catherine Hervé en 2011 (2014).

35L’occupation prend place aux xie et xiie s. Elle se caractérise par un large fossé ovale ininterrompu, entourant une surface d’environ 368 m², soit un espace presque trois fois moins étendu que celui des Poiriers (cf. supra 2.2). À l’intérieur de l’enclos, les investigations ont révélé l’existence d’une palissade et d’un grand bâtiment sur poteaux, dont le plan hypothétique pourrait correspondre à un édifice d’une superficie de l’ordre de 130 à 140 m². Ce dernier abritait une structure de combustion rapidement abandonnée et volontairement comblée. Catherine Hervé propose d’y voir la présence d’un four destiné au séchage et/ou au grillage des grains, malgré l’absence de graines recueillies lors de sa fouille, et émet l’hypothèse d’un site lié au traitement des récoltes. De par sa situation en milieu rural, il est hautement probable, à l’image du site des Poiriers, que le site de la Corbinière des Attelés ait rempli, au moins partiellement, une fonction agricole. Cependant, cette occupation se trouve confrontée aux mêmes difficultés d’interprétation que pour le site lavallois.

36Concernant le mobilier céramique, ce dernier provient principalement du large fossé d’enclos. Il est quantitativement assez faible puisque seuls 363 tessons ont été découverts sur l’ensemble du site. Ils correspondent à 134 récipients au minimum, dont 47 ont pu être déterminés morphologiquement. Une unique phase d’occupation a pu être distinguée et est attribuée par comparaisons locales aux xie et xiie s. (Noël, 2014a ; Noël, 2021a).

Les groupes techniques

37Le classement par groupes techniques a révélé quatre types de production, vraisemblablement toutes d’origine locale [tabl. V]. Parmi elles, les pâtes Lav 10e, semi-grossières, de couleur blanche à beige, contenant un fort taux d’inclusions siliceuses, dominent très largement l’ensemble du mobilier. Ces dernières représentent 72 % du total des tessons. La seconde catégorie, la mieux répertoriée, correspond au type Lav 10f. On dénombre 20 % de fragments produits dans cette pâte semi-grossière caractérisée par sa couleur rose. L’assemblage s’accompagne de manière anecdotique de quelques productions grésées en Lav 16d et Lav 16e. Elles se distinguent par leur couleur brune, pour les premières (4 NR) et orangée pour les secondes (23 NR).

Tableau V : Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés : Répartition des GT, exprimée en NR et en NMI. / Table V: Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés: Distribution of technical groups, expressed in RN and MNI.

GT NR NMI NTI
Lav 10e 262 81 25
Lav 10f 74 14 14
Lav 16d 4 4 1
Lav 16e 23 9 7
Total 363 134 47

Réal. Claire Moreau.

Les formes

38Les données morphologiques reposent sur un nombre typologique de 45 individus. Le classement des récipients a permis de différencier huit formes réparties en 15 types [tabl. VI]. Au sein de ce corpus, la proportion des formes ouvertes s’avère plus importante de celle des formes fermées avec 24 NTI pour les premières, contre 16 pour les secondes. Cet écart s’explique avant tout par une forte présence des vases de stockage présentant un profil ouvert (16 NTI).

Tableau VI : Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés : Répartition des formes par groupes techniques, en NTI. / Table VI: Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés: Distribution of forms by technical group, expressed in NTI.

Formes Lav 10e Lav 10f Lav 16d Lav 16e Total % Total
Forme fermée 1     1 2 4,44
Pot 2-2   1 1 2 4 8,89
Pot 2-27 1   1   2 4,44
Pot 2-29 1       1 2,22
Pot (réserve) 8-3 2     1 3 6,67
Cruche 6 2 1   1 4 8,89
Plat 1 2       2 4,44
Plat 1-5   2   1 3 6,67
Plat 5-4   1     1 2,22
Coupe 4-4 1       1 2,22
Faisselle ?       1 1 2,22
Vase réserve 9       9 20,00
Vase réserve 1 1 1     2 4,44
Vase réserve 2-1 2 3     5 11,11
Couvercle 4-6   1     1 2,22
Couvercle 6-2   2     2 4,44
Lampe 3-1       2 2 4,44
Total 21 13 1 10 45 100,00

Réal. Claire Moreau.

39Le répertoire des formes fermées se compose de sept pots, notamment des pots à lèvre en bandeau mouluré (pot 2-2), des pots à lèvre triangulaire et gorge interne (pot 2-27) et un pot à lèvre en proto-bandeau (pot 2-29, fig. 7). Il s’agit probablement de pots à cuire étant donné que cinq exemplaires sur les sept inventoriés présentent les traces d’un passage au feu.

40L’ensemble des cruches répertoriées sont de type 6 (fig. 7), récipient présentant comme particularité d’être doté d’une anse et d’un bec verseur obtenu par déformation de la lèvre. Il est surmonté d’une lèvre rectangulaire ou triangulaire comparable à celle des pots 2-1 ou 2-27. En raison de ces similitudes, l’attribution typologique de certains pots ou cruches peut être discutée.

41Le répertoire des formes ouvertes, relativement varié, comprend une coupe à base large possédant une carène haute ainsi qu’une lèvre droite simplement épaissie à son extrémité supérieure (coupe 4-4), une base de faisselle (non représentée) et trois types de plats, tous tronconiques, profonds et à grand diamètre d’ouverture (fig. 7). Parmi ces derniers, un plat à lèvre en bandeau est pourvu de tenons plats sur la lèvre (plat 5-4). Un autre plat possède des perforations sous la lèvre, sans doute pour le suspendre au-dessus du feu, comme le montrent les traces visibles sur sa panse, à l’instar des deux tiers de ces grands plats.

42Les grands récipients de stockage sont les vases les mieux représentés sur le site. Il s’agit surtout de formes ouvertes (fig. 8). Parmi les 16 récipients attribués à cette catégorie, 8 ont été identifiés typologiquement. Trois d’entre eux, se caractérisant par des parois largement tronconiques coiffées d’une lèvre en bourrelet, sont de type 1, tandis que les cinq autres sont de type 2-1. Plus hauts que les précédents, ces derniers se définissent par une forme tronconique surmontée d’un bord légèrement rentrant et d’une lèvre triangulaire à quadrangulaire. Deux d’entre eux présentent également une perforation réalisée avant cuisson sur le haut de la panse. À l’instar du plat 1, mentionné précédemment, ce trou peut avoir été destiné à la suspension du récipient. Un autre vase réserve possède une perforation en bas de panse faite avant cuisson, suggérant une utilisation comme lessiveuse. Environ 30 % des récipients de stockage possèdent des traces d’exposition au feu. Enfin, le pot 8-3, avec aussi une fonction de vase réserve, mais de forme fermée, possède une lèvre triangulaire surmontant une panse probablement ovoïde.

43Enfin, l’assemblage se compose de trois couvercles tronconiques, terminés par un rebord plat (type 4-6), d’un couvercle à lèvre non soulignée (type 6-2), ainsi que deux lampes à pied creux dotées d’une coupelle intermédiaire (Lampe 3-1, fig. 8).

Les décors

44Peu de tessons ou de récipients présentent des décors. Seuls les vases réserves et quelques plats 1 sont, compte tenu de leur très grand volume, ornés/renforcés par des bandes appliquées digitées. Les décors mis en évidence se limitent donc à des bandes d’argiles digitées et/ou des impressions digitées horizontales disposées sous la lèvre. Une coupe carénée fait figure d’exception (coupe 4-4, fig. 7). Elle représente l’unique vaisselle agrémentée d’un décor qui se compose de deux lignes de petits carrés, réalisés à la molette.

45En dernier lieu, même s’il ne s’agit pas exactement de décors, on peut noter la présence de cannelures bien marquées sur de nombreux fragments (159 NR, soit 43 % du NR), majoritairement attribuables à des formes fermées.

Figure 7 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 7: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.

Figure 7 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 7: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

Figure 8 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 8: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.

Figure 8 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 8: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

Le site du Lotissement de la Perrine à L’Huisserie

46Le bourg de L’Huisserie se situe à environ six kilomètres au sud de Laval et à moins de deux kilomètres de Saint-Pierre-le-Potier (Laval), noyau central de l’artisanat potier lavallois, principalement durant l’époque médiévale. En périphérie de cette commune, en vue de l’aménagement du lotissement de la Perrine, des investigations ont été menées en 2014 par Pauline Lhommel du bureau d’études Éveha (2014).

47En dehors de quelques vestiges d’époque protohistorique et moderne, les travaux archéologiques ont pu mettre au jour une occupation dense du site à partir du xie s. jusqu’à la fin du xve s. Deux grandes phases ont pu être déterminées. La première (xie-xiiie s.) est caractérisée par l’établissement d’un habitat associé à des activités domestiques et artisanales. Cette implantation est signalée par la présence d’un plan incomplet de bâtiment, associé à plusieurs foyers et fosses-cendriers, ainsi qu’à des maçonneries arasées. Cette occupation domestique semble être accompagnée, à la même période, par diverses activités artisanales, parmi lesquelles les vestiges d’ateliers de cornetier et de forge.

48Après l’abandon de cette occupation dans le courant du xiiie s., un important réseau fossoyé orthonormé délimitant plusieurs parcelles est mis en place. Un double fossé circonscrit l’une de ces parcelles, qui se distingue également par l’abondant volume de mobilier céramique issu de ses fossés et fosses-dépotoirs. L’étude du mobilier a permis de déterminer des éléments spécifiques suggérant la proximité d’un lieu de consommation accueillant de nombreuses personnes (Noël, 2014b). L’hypothèse retenue est que ce site soit localisé en périphérie d’une maladrerie ou d’un hospital, proposition étayée par l’étude documentaire révélant la présence d’un établissement de même fonction dans un environnement proche, localisé le long du chemin reliant Laval à Château-Gontier (Lhommel, 2014).

  • 7 Les résultats sont les suivants : ST 094 : 1025/1150 ; ST 122 : 1050/1250 (avec un pic de probabil (...)

49Au total, le site a livré 34 554 fragments de céramiques, pour au moins 3 811 vases, principalement issus des fosses utilisées en tant que dépotoirs (Noël, 2021b). Le mobilier présenté ici ne concerne que la période couvrant les xie-xiie s. Cette datation a été obtenue à partir d’analyses 14C réalisées sur quatre prélèvements de charbons7, mais également par des comparaisons typologiques avec d’autres sites de la région, notamment ceux du château d’Angers et du Mans (Moréra, 1997 ; Noël, 2021c). Le lot relatif à cette période restreinte compte 1 026 restes, parmi lesquels un minimum de 326 individus a été enregistré, comprenant 52 récipients ayant fait l’objet d’une attribution typologique.

Les groupes techniques

50Cette période est représentée par quatre groupes techniques principaux : Lav 10e, 10f, 16d et 16e auxquels viennent s’ajouter deux tessons indéterminés [tabl. VII]. Il s’agit de pâtes semi-grossières, à pâte claire, beige à rosée (Lav 10e et Lav 10f) ou brun-gris et grésées (Lav 16d et Lav 16e). Leurs caractéristiques techniques évoquent une provenance locale. La grande majorité des tessons présente une pâte claire non grésée et beige. Ce type de production, Lav 10e, concerne un peu plus des trois quarts de l’assemblage.

Tableau VII : L’Huisserie, lotissement de la Perrine : Répartition des GT, exprimée en NR et en NMI. / Table VII: L’Huisserie: Distribution of technical groups, expressed in RN and MNI.

GT NR NMI NTI
Lav 10e 780 231 38
Lav 10f 112 38 12
Lav 16d 71 25 -
Lav 16e 61 30 2
Indét. 2 2 -
Total 1 026 326 52

Réal. Claire Moreau.

Les formes

51Au travers des 326 individus répertoriés, seuls 52 ont pu être attribués à des formes typologiquement identifiées. Le corpus se compose d’une majorité de formes ouvertes (27 NTI), dont la grande proportion de vases à réserve (18 NTI) augmente considérablement la part des formes ouvertes. Ils sont accompagnés de 23 récipients de forme fermée et de deux couvercles [tabl. VIII].

Tableau VIII : L’Huisserie, lotissement de la Perrine : Répartition des formes par groupes techniques, en NTI. / Table VIII: L’Huisserie: Distribution of forms by technical group, expressed in NTI.

Formes Lav 10e Lav 10f Lav 16e Total % Total
Forme fermée 1 1   2 3,85
Pot 2-2 7 1   8 15,38
Pot 2-29 3 2 1 6 11,54
Pot 4-7 1     1 1,92
Cruche 3     3 5,77
Cruche 6 1     1 1,92
Pichet 4-2   2   2 3,85
Plat 1-7   2   2 3,85
Plat 1-9 3     3 5,77
Plat 1-12   2   2 3,85
Coupe 4-4 2     2 3,85
Vase réserve 5     5 9,62
Vase réserve 1 7 1 1 9 17,31
Vase réserve 2-1 3     3 5,77
Vase réserve 2-2 1     1 1,92
Couvercle 2-2 1 1   2 3,85
Total 38 12 2 52 100,00

Réal. Claire Moreau.

52Parmi les six différentes formes fermées recensées, les pots à lèvre en bandeau sont les plus nombreux avec 15 individus (en NTI, fig. 9). Il s’agit principalement de pots à lèvre en bandeau au profil extérieur mouluré (8 pots 2-2 en NTI), et de pots à lèvre rectangulaire en proto-bandeau et gorge sommitale (6 pots 2-29 en NTI). On recense également un pot avec un rebord en bandeau triangulaire qui se différencie par l’orientation de la face externe de la lèvre (pot 4-7). Cette dernière est oblique et parallèle au haut de la panse du vase. Ce type de récipient est courant au sein des ateliers de la Hardelière, en activité à partir du xiiie s. Un doute subsiste quant à l’attribution de cette forme à la période des xie-xiie s., d’autant plus fort que l’analyse 14C du prélèvement effectué dans le comblement de la fosse d’où il est issu est daté entre 1150 et 1250. Il est à noter que la majorité de ces pots révèlent, sur leurs parois externes, des traces de mises au feu (10 NTI).

53Les vases à liquide sont peu nombreux. Deux fragments peuvent sans équivoque être rapprochés des pichets : il s’agit de récipients à col long et lèvre formant un bandeau mouluré (pichet 4-2, fig. 9). Deux cruches présentent une lèvre en bourrelet munie d’une légère gorge interne surmontant un col presque inexistant et une panse sans doute ovoïde ou globulaire. Les anses sont plates ou ovales, avec une digitation sur une bande appliquée ou directement sur l’anse. Sur la paroi externe de l’une d’elles, des traces d’un passage au feu ont été mises en évidence. Une autre cruche possède une lèvre en bandeau court et un bec étiré et pincé (cruche 6, fig. 9).

54Les formes ouvertes, représentées par 27 individus, se répartissent en trois types (fig. 9). Ces derniers se composent des plats, des coupes et, les plus nombreux, des vases réserves. Trois formes de plats coexistent. Ils correspondent aux plats tronconiques à bord triangulaire (type 1-7), aux plats caractérisés par un profil tronconique à bord rectangulaire à gorge sommitale (type 1-9) et aux plats à lèvre déjetée épaissie, pouvant former un bandeau (type 1-12). Les deux coupes répertoriées possèdent une carène relativement haute ainsi qu’une lèvre peu marquée pourvue d’un bec pincé (coupe 4-4).

55Enfin, les grands récipients de forme ouverte sont représentés par trois types (fig. 10). Ils peuvent être tronconiques à lèvre triangulaire (vase réserve 1) ou cylindrique à lèvre en bourrelet, avec une bande digitée sous le rebord (vase réserve 2-1). Le dernier vase de ce type est de forme légèrement tronconique et dispose d’une lèvre triangulaire rentrante. La base est plate et présente une grosse perforation réalisée avant cuisson au niveau de la liaison base-panse (vase réserve 2-2). Une utilisation comme lessiveuse est supposée pour ce récipient. Précisons que des traces noires d’utilisation au feu sont observables sur les parois interne et/ou externe de quatre plats et quatre vases réserves.

56Enfin, deux couvercles 2-2 complètent l’éventail des formes (fig. 9). Ils sont de forme conique, pourvus d’un tenon circulaire sommital et d’une lèvre plate, creusée par une gorge au niveau du replat. Les deux exemplaires présentent des indices de chauffe interne et/ou externe.

Les décors

57Ils sont surtout représentés par des bandes digitées, parfois appliquées sur une bande d’argile rapportée pouvant également servir de renfort. On les retrouve exclusivement sur les grands vases et sur quelques anses de cruches. Sept décors imprimés sont aussi présents. Ceux réalisés à l’aide d’une molette figurent soit des bâtonnets, soit des triangles et des bâtonnets. Le premier registre est observé sur les coupes, tandis que le second apparaît sur le haut d’une forme fermée (fig. 9).

58Deux poinçons complètent ce panel. Ils sont de forme circulaire et laissent apparaître une croix en relief pour l’un et une étoile à huit branches pour l’autre.

59Bien que les cannelures ne participent pas véritablement au registre décoratif, il convient de noter qu’un peu plus de 20 % du total des tessons en sont pourvus.

Figure 9 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 9: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.

Figure 9 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 9: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

Figure 10 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 10: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.

Figure 10 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 10: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.

Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.

3. Synthèse

  • 8 Le centre potier des xie-xiie s. est supposé se situer dans le même secteur que l’officine plus réc (...)

60Au total, les quatre assemblages ont livré un corpus de 3 590 tessons, correspondant à 1 088 individus en NMI et 319 en NTI répartis dans 31 formes appartenant à neuf grandes catégories morphologiques. Le classement des groupes techniques a permis l’identification de quatre grands types de production, présents sur tous les sites. Il s’agit de pâtes semi-grossières, très probablement produites localement, comparées aux productions postérieures de Saint-Pierre-le-Potier. Deux groupes sont de couleur claire, beige ou rosée, tandis que les deux autres sont des productions grésées, grises à brune. Les pâtes claires dominent largement, avec 83 % du total des restes, la majorité étant de couleur beige. Les productions indéterminées ou exogènes sont extrêmement rares. Elles ne représentent que 1,5 % de l’ensemble et l’importation de céramiques glaçurées se révèle quasiment absente avec quatre tessons issus des fouilles Château-Neuf/Trémoille. Ce phénomène s’explique probablement par la présence d’un vaste centre de potiers, situé certainement au sud de Laval, inondant le marché local de ses productions8. L’apparition de cette activité, jusqu’alors attestée à partir du xiiie s. pour l’atelier de Saint-Pierre-le-Potier, doit en réalité commencer dès le début du xie s. Cette officine connaît une diffusion déjà large et comparable à celle observée à la fin du Moyen Âge : aux xie-xiie s., on retrouve les poteries caractéristiques de la Mayenne, mises au jour dans les villes du Mans ou encore d’Angers, ainsi que dans les contextes ruraux à Sainte-Suzanne et Jublains en Mayenne, jusqu’à Ligné en Loire-Atlantique, soit un rayon de diffusion maximal de 85 km, dans l’état actuel des connaissances (fig. 11). Ce premier état des lieux, loin d’être exhaustif, dresse une première esquisse de la diffusion de ces productions et demande à être complété par une enquête plus approfondie.

Figure 11 : Carte de diffusion non exhaustive de la céramique lavalloise des xie-xiie s. / Figure 11: A map of Laval pottery from the 11th-12th centuries.

Figure 11 : Carte de diffusion non exhaustive de la céramique lavalloise des xie-xiie s. / Figure 11: A map of Laval pottery from the 11th-12th centuries.

Réal. Aurore Noël.

61Au terme de cette étude, il apparaît que le mobilier du bassin lavallois s’inscrit bien dans les grandes dynamiques régionales. Ainsi, on y retrouve les pots globulaires à lèvre en bandeau sans anse, les pichets à bords moulurés et les cruches globulaires, ainsi que les couvercles munis d’un tenon circulaire et quelques lampes à pied creux ou à appendice, correspondant à la composition classique des assemblages céramiques de cette période dans l’ouest de la France. Seule différence notable, les cruches ne sont ici presque jamais munies d’un bec tubulaire avec deux exemplaires sur 28, mais d’un bec pincé.

62En s’intéressant aux données par forme de récipients, deux observations traduisent l’originalité du faciès céramique lavallois (fig. 12). On dénombre une quantité relativement importante de plats et de coupes pour la période considérée avec un peu plus de 7 % de l’effectif total en NTI et la forte présence de récipients de très grand volume liés au stockage représentant 41 % de l’effectif total en NTI. Cette dernière catégorie comprend des vases réserves de forme ouverte et des récipients de stockage de forme fermée (pots 8). Si l’on observe la répartition de ces vases par sites, on remarque que la prédominance des grands récipients est notable sur tous les sites, sauf sur celui de la cour du Château-Neuf/Place de la Trémoille, avec un nombre de pots légèrement supérieur aux récipients de stockage. Soulignons également que sur les deux sites ruraux pour lesquels le pourcentage de pots est le moins élevé (entre 14 % et 21 %), à savoir les sites des Poiriers et de la Corbinière des Attelés, la quantité de vases réserves augmente mécaniquement. On peut en conclure que ces vases réserves ont certainement autant servi de récipients de stockage que de vases à cuire compte tenu des nombreuses traces d’utilisation au feu, fréquemment visibles sur leurs parois. Leur utilisation en tant que lessiveuse est également envisageable, comme le laisse supposer le récipient archéologiquement complet provenant du lotissement de la Perrine (cf. supra 2.4.2).

Figure 12 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, pour l’ensemble des quatre sites. / Figure 12: Distribution of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), for all four sites.

Figure 12 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, pour l’ensemble des quatre sites. / Figure 12: Distribution of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), for all four sites.

Réal. Aurore Noël.

63L’originalité du faciès du bassin lavallois des xie-xiie s. est donc d’avoir livré de nombreux récipients de stockage ainsi que de fréquentes formes ouvertes, indifféremment de la nature du site, basse-cour de castrum, sites ruraux à enclos circulaire ou encore occupation rurale avec traces d’artisanat. Tous ces sites ont livré au moins un tiers de récipients de stockage et jusqu’à 18 % de formes ouvertes composés de plats ou de coupes (fig. 13). La présence en grande quantité de vases de grand volume et de formes ouvertes est une réelle singularité locale comparé à l’ouest de la France. En Vendée et au sud de la Loire-Atlantique, ces récipients ne représentent pour la même période que 13 % pour les vases réserves et moins de 1 % pour les plats et les coupes (Grenouilleau, 2018, p. 392). Plus globalement, en Loire-Atlantique, les vases réserves sont rares avant le début du xiiie s. (Henigfeld [dir.], 2021, vol. 1, p. 102), bien qu’on en connaisse quelques exemplaires pour la fin du haut Moyen Âge et le xie s. (Frossay : Noël, 2019, p. 143 ; Mésanger : Noël, 2020, p. 123). En Sarthe et dans le Maine-et-Loire, les vases réserves représentent entre 3 % et 5 % du NTI, tandis que les formes ouvertes sont totalement absentes (Henigfeld [dir.], 2021, vol. 1, p. 86, 94). Pour le bassin de la Loire moyenne, cette tendance se confirme avec des vases de stockage et des formes ouvertes très peu présentes dans les grandes villes de la vallée de la Loire pour la période considérée, comme plus au sud à Poitiers avec 1,8 % de formes ouvertes et 5 % de grands récipients de stockage (Husi, 2003, p. 24 ; Aubourg, Josset, 2003, p. 40 ; Jesset, 2003, p. 57 ; Véquaud, 2013, p. 152). Dans cet espace de la Loire moyenne, les formes ouvertes ne semblent apparaître de manière significative qu’à partir du xve s. (Husi, 2003, p. 81 ; Husi 2022). Il en va de même en Normandie, où les grands récipients de stockage sont très peu présents, voire absents, tout comme les formes ouvertes qui demeurent exceptionnelles. Ce constat vaut pour les ateliers de potier, comme celui de La Roche-Mabile (Orne), daté de la fin du xiie s. (Bernouis et al., 1993, p. 134), ou le centre potier du Bessin (Calvados) pour les productions de la fin du xiie-début du xiiie s. (Dervin, 2014a, vol. 1, p. 410), mais aussi pour les sites de consommation, en contexte rural à Écouché « Ferme Méheudin » (Orne) avec une première phase d’occupation médiévale datée des xie-xiie s. (Dervin, 2014b, p. 121), ou encore à Neuilly-la-Forêt (Calvados) avec une occupation datée des xie-xiie s. (Marcigny et al., 1996, p. 174-175). Les contextes castraux normands ne dérogent pas à ce constat, comme au château de Rubercy (Calvados) où les niveaux d’occupation des xiie et xiiie s. n’ont livré que quelques plats et jattes (Dervin, 2014a, p. 246).

64En s’intéressant plus particulièrement à la fonction des sites et contrairement à ce qui pourrait être pressenti, aucune réelle distinction ne peut être faite entre un mobilier issu de sites urbains, au plus proche du castrum lavallois, et une occupation rurale, mise à part une meilleure représentation des pots dans l’espace urbain (fig. 13). De la même façon, à propos des deux sites ruraux à enclos fossoyé (les Poiriers et la Corbinière des Attelés), il est intéressant de noter qu’il a été envisagé que la surreprésentation des formes dites de « stockage » au sein de ces ensembles soit liée à l’exploitation agricole des lieux, et notamment de l’activité de traitement des récoltes (Hervé, 2014, p.6 ; Queru, 2019, p.320, fig. 14). La présence de tels récipients sur tous les sites étudiés, qui caractérise cet espace lavallois, montre que cet argument pris isolément n’est pas suffisant pour définir le caractère agricole de ces domaines ni pour en préciser la fonction.

Figure 13 : Répartition par type de site des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI. / Figure 13: Distribution by site type of the different form categories, as a percentage of NTI.

Figure 13 : Répartition par type de site des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI. / Figure 13: Distribution by site type of the different form categories, as a percentage of NTI.

Réal. Aurore Noël.

Figure 14 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, par site. / Figure 14: Breakdown of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), by site.

Figure 14 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, par site. / Figure 14: Breakdown of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), by site.

Réal. Aurore Noël.

65Pour conclure, le mobilier du bassin lavallois des xie-xiie s., bien que relativement peu diversifié en termes de groupes techniques et de formes, présente un faciès original avec l’émergence précoce des formes ouvertes et des grands récipients qui peut s’expliquer par la proximité de l’atelier de potiers de Saint-Pierre-le-Potier (Laval), un centre artisanal omniprésent sur le marché local et en capacité de produire des récipients de grands formats. La situation géographie de nos quatre sites auraient ainsi bénéficié d’un accès aisé à ce type de récipients, contrairement à d’autres sites plus éloignés, qui ont peut-être pu privilégier des récipients en d’autres matériaux, tel que le bois par exemple. Mais ce constat peut aussi s’interpréter par une demande particulière en récipients de grandes dimensions. L’apparition dans le courant du xiiie s. des grands bassins dits « à œil de perdrix », produits par l’atelier de La Hardelière, serait alors à voir comme la continuité de cette tradition locale.

  • 9 15 vases réserves, trois plats et une probable coupe contre 474 bords de pots et de cruches.
  • 10 Un plat-jatte et deux vases réserve pour un NTI total de 592.

66Néanmoins, la confrontation de nos données avec celles d’officines contemporaines telles que celle de Fyé « Les Grands Prés » en Sarthe (Guillier et al., 2003)9 ou encore de Chartres-de-Bretagne « Fontenay » en Ille-et-Vilaine (Labaune-Jean, 2021, p.53)10 confirme une plus forte représentation des récipients de stockage et des formes ouvertes sur les sites de consommation du bassin lavallois que dans les autres ateliers régionaux, révélant des pratiques culinaires, domestiques ou artisanales propres à cet espace lavallois, une tradition qui semble perdurer aux siècles suivants avec les bassins dits « à œil de perdrix ».

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Bibliographie

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Notes

1 NR : Nombre de restes.

2 https://iceramm.huma-num.fr/bdgt.php?details=839#839

3 Il s’agit ici des premiers résultats, le rapport de fouille n’étant pas achevé. À ce titre, la datation de certains assemblages de mobilier céramique pourra être précisée.

4 Le mobilier céramique postérieur au xvie s. n’est pas comptabilisé ici, son traitement n’a pas encore été achevé.

5 NMI : Nombre minimum d’individus.

6 NTI : Nombre typologique d’individus

7 Les résultats sont les suivants : ST 094 : 1025/1150 ; ST 122 : 1050/1250 (avec un pic de probabilité entre 1150 et 1250) ; ST 175 : 1025/1150 et ST 176 : 1050/1200 (Noël, 2014b).

8 Le centre potier des xie-xiie s. est supposé se situer dans le même secteur que l’officine plus récente fouillée à Saint-Pierre-le-Potier.

9 15 vases réserves, trois plats et une probable coupe contre 474 bords de pots et de cruches.

10 Un plat-jatte et deux vases réserve pour un NTI total de 592.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Cartographie de localisation des sites étudiés et des ateliers de la Hardelière. / Figure 1: Map showing the studied sites and workshops of potters of the Hardelière.
Crédits Réal. Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 126k
Titre Figure 2 : Répartition des différents groupes techniques par site, en NR. / Figure 2: Distribution of the different technical groups by site, by number of remains.
Crédits Réal. Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 123k
Titre Figure 3 : Groupes techniques du bassin lavallois pour les xie-xiie s., à partir de la classification ICERAMM pour le Centre-Ouest de la France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1). / Figure 3: Technical groups of the Laval basin for the 11th-12th centuries, from the ICERAMM classification for the Centre-West of France (https://iceramm.huma-num.fr/​bdgt.php?region=1).
Crédits Réal. Claire Moreau.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Figure 4 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 4: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 493k
Titre Figure 5 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, Château-Neuf/Place Trémoille. / Figure 5: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, Château-Neuf/Place Trémoille.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 424k
Titre Figure 6 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Laval, les Poiriers. / Figure 6: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Laval, les Poiriers.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 339k
Titre Figure 7 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 7: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 355k
Titre Figure 8 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés. / Figure 8: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of Soulgé-sur-Ouette, la Corbinière des Attelés.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 298k
Titre Figure 9 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 9: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-9.jpg
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Titre Figure 10 : Céramiques représentatives du lot des xie-xiie s. du site de L’Huisserie, lotissement de la Perrine. / Figure 10: Typical vessels of the 11th-12th centuries from the site of L’Huisserie, lotissement de la Perrine.
Crédits Réal. Claire Moreau et Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-10.jpg
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Titre Figure 11 : Carte de diffusion non exhaustive de la céramique lavalloise des xie-xiie s. / Figure 11: A map of Laval pottery from the 11th-12th centuries.
Crédits Réal. Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 278k
Titre Figure 12 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, pour l’ensemble des quatre sites. / Figure 12: Distribution of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), for all four sites.
Crédits Réal. Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-12.jpg
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Titre Figure 13 : Répartition par type de site des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI. / Figure 13: Distribution by site type of the different form categories, as a percentage of NTI.
Crédits Réal. Aurore Noël.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9717/img-13.jpg
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Titre Figure 14 : Répartition des différentes catégories de forme, en pourcentage de NTI, par site. / Figure 14: Breakdown of the different form categories, as a percentage of NTI (typological number of individuals), by site.
Crédits Réal. Aurore Noël.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Claire Moreau et Aurore Noël, « La céramique des xie et xiie s. dans le bassin lavallois (Mayenne). Première synthèse »Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 40 | 2024, mis en ligne le 06 janvier 2025, consulté le 11 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/rao/9717 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11zr3

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Auteurs

Claire Moreau

Ville de Laval, claire.moreau@laval.fr

Aurore Noël

Éveha, UMR 7324 CITERES-LAT, aurore.noel@eveha.fr

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