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Une « ferme-manoir » des xiiie-xve s. à Langrune-sur-Mer (Calvados)

A 13th-15th century manor farm in Langrune-sur-Mer (Calvados)
Emmanuel Ghesquière, Vincent Carpentier, Stéphanie Dervin, Élise Séhier, Émilie Cavanna, David Giazzon et Hélène Seignac

Résumés

En 2017, en amont d’un projet de lotissement, une opération de fouille préventive a été menée par l’Inrap dans la commune de Langrune-sur-Mer (Calvados), sur l’emprise d’un ancien centre de colonies de vacances. L’intervention, centrée sur une série de vestiges protohistoriques, a également permis de reconnaître puis de fouiller partiellement une importante occupation médiévale des xiiie-xve s., située à environ 150 m de l’église paroissiale et du centre-bourg. Les vestiges identifiés consistent en une grande cour excavée de 1 500 m², accueillant un grand bâtiment compartimenté de 23 × 14,50 m (330 m²), ainsi que trois autres plus petits. L’espace central du bâtiment principal s’est trouvé comblé par une couche de démolition épaisse d’une vingtaine de centimètres, constituée de lauzes rubéfiées mêlées à de nombreux fragments de chaux et de charbons de taille conséquente, ainsi qu’à quelques tuiles faîtières en céramique vernissée. Ces éléments résultent manifestement de l’effondrement de la toiture par suite d’un incendie, à cause duquel l’édifice fut abandonné en l’état. Les bornes de datation obtenues permettent de situer la construction de cet édifice dans le cours du xiiie s., et sa destruction par le feu au début du xve s., dans le contexte très troublé de la guerre de Cent Ans et de l’occupation anglaise du duché de Normandie qui, dans la région de Caen, intervient à partir de 1417. Une mare de 20 × 15 m (300 m²), complète au sud cet ensemble desservi par deux chemins dont l’un est une venelle encadrée de deux murs de pierre en partie conservés. Sur le plan architectural, ces vestiges ne rencontrent que très peu de comparaisons archéologiques au niveau régional. Ils s’apparentent étroitement à divers ensembles conservés du nord de la plaine de Caen et du Bessin, entre Caen et Bayeux, dénommés localement « fermes-manoirs », forme d’habitat élitaire caractéristique de ce secteur de Basse-Normandie, dont les exemples en élévation renvoient essentiellement aux xvie-xviie s., avec des parties plus anciennes, des tours notamment, renvoyant au second Moyen Âge.

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Texte intégral

1En 2017, une fouille préventive a été menée par l’Inrap dans la commune de Langrune-sur-Mer (Calvados), sur l’emprise d’un ancien centre de colonies de vacances. L’opération a été réalisée préalablement à la construction d’un lotissement pavillonnaire, sur une aire de 9 340 m² au sein de laquelle le diagnostic avait mis en évidence, sur tout l’espace concerné, un ensemble de structures protohistoriques et médiévales. La prescription du SRA a porté uniquement sur la moitié nord de cette emprise, et principalement sur les vestiges protohistoriques (parcellaire du Bronze final I ; habitat ouvert du Bronze final II ; enclos habité du Hallstatt final/La Tène ancienne). L’occupation médiévale, quant à elle, quoique largement sous-estimée lors de la fouille, a néanmoins pu être documentée, de même qu’un petit ensemble de vestiges de la Seconde Guerre mondiale, renvoyant aux combats des 6 et 7 juin 1944. Les contraintes techniques imposées par la prescription ont toutefois limité les investigations. En particulier, le choix d’exclure de la fouille les emprises des futurs pavillons, afin de ne pas déstabiliser le terrain, n’a pas permis de dégager l’intégralité des vestiges bâtis médiévaux. Le plus grand des édifices n’a pu de ce fait être entièrement fouillé à hauteur de ses deux façades sud et nord, tandis que les autres édifices, plus modestes, n’ont fait l’objet que d’un décapage mécanique et d’observations limitées.

1. Contexte de la découverte

  • 1 Archives départementales du Calvados (ADC), 3P/1940.
  • 2 Plans et arpentages à Langrune et Saint-Aubin-sur-Mer, 1749-1750, ADC H 5446, et terrier de Langru (...)

2La commune de Langrune-sur-Mer se situe au nord de la plaine de Caen, dans un secteur où l’archéologie préventive a bien mis en lumière, à travers de nombreuses découvertes survenues depuis les années 1980, la succession ininterrompue des occupations depuis le Néolithique (fig. 1). Sur le territoire de cette commune côtière, les plus anciens témoins de présence humaine renvoient même plus loin dans le temps, au Paléolithique. On recense ensuite divers indices pour les âges des métaux et l’Antiquité romaine. Le Moyen Âge quant à lui n’y est à ce jour renseigné que par quelques vestiges disparates postérieurs à l’an mille, comme un silo découvert au cœur de la commune, et surtout par deux édifices religieux encore en élévation, la chapelle Saint-Thomas et l’église paroissiale Saint-Martin. Dans les deux cas, leurs plus anciennes parties conservées en élévation remontent seulement au xiiie s. Les lignes de force du parcellaire renvoient quant à elles aux époques moderne et contemporaine. Le cadastre de 18081 montre ainsi à Langrune-sur-Mer une trame parcellaire très classique pour le nord de la plaine de Caen, à maille quadrillée souple subdivisée en quartiers de plusieurs hectares, les « delles » (agronyme local attesté dans l’écrit à compter du xiie s.). Plans et terriers du xviiie s. confirment la pérennité de cette géométrie agraire héritée du Moyen Âge central2. Dans l’emprise du village, les quartiers parcellaires, aux dimensions plus restreintes, ont été clos de hauts murs de pierre qui, pour la plupart, existent encore de nos jours. Cette forme de délimitation remonte elle aussi au Moyen Âge. Sur la commune voisine de Colleville-Montgomery, une fouille récente a en effet permis d’établir pour la première fois que des murs semblables, caractéristiques par ailleurs de tous les villages au nord de Caen, ont été érigés autour du xive s. (Carpentier, 2018a).

Figure 1 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Localisation du site (les vestiges médiévaux en vert, l’église paroissiale en orange, le manoir des Templiers en rouge et la rue des Chasses en blanc). / Figure 1: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Site location (medieval remains in green, parish church in orange, Templar manor house in red and Rue des Chasses in white).

Figure 1 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Localisation du site (les vestiges médiévaux en vert, l’église paroissiale en orange, le manoir des Templiers en rouge et la rue des Chasses en blanc). / Figure 1: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Site location (medieval remains in green, parish church in orange, Templar manor house in red and Rue des Chasses in white).

3Les archives textuelles permettent d’enrichir quelque peu ce maigre dossier archéologique. De manière toujours très classique dans la région, le nom de Langrune n’apparaît pour la première fois dans les sources écrites qu’au xie s., sous la forme Langrone (Dauzat et Rostaing, 1963). Dans la seconde moitié du xie s., une partie de la villa de Langrune se trouve aux mains des seigneurs de Colombières (Calvados). À la fin de l’année 1068, Guillaume de Colombières, à la veille de son départ en croisade, abandonne à l’abbaye Saint-Martin de Troarn l’église « à bâtir » de Langrune, avec le droit de présentation et le tiers de la dîme sur l’édifice à venir (Bates, 1998, no 280). Il s’agit vraisemblablement plutôt d’une forme d’emprunt déguisé, comme cela se pratiquait en de telles circonstances. Quoi qu’il en soit, cette église venait en remplacement d’une chapelle située au hameau de Tailleville, aux confins du terroir de Langrune, où l’abbaye de Troarn fonda d’ailleurs aussi un prieuré au xiiie s. (de Caumont, 1846, p. 379-381 ; Liot, 1895 ; Sauvage, 1911). La nouvelle église paroissiale Saint-Martin fut achevée et consacrée en 1298, date gravée au-dessus des arcades inférieures de l’abside, à droite de l’autel. La fin du xiiie s. vit en outre la fondation d’une nouvelle chapelle, placée sous l’invocation de saint Thomas, sur le chemin d’Ouistreham, par un autre seigneur local, Guillaume de Cairon (de Caumont, 1846). Outre ces églises, les grandes abbayes de Troarn, d’Aunay et de Fécamp se taillaient la part du lion sur un ensemble de terres ou de droits utiles prélevés sur le finage ou la pêche de Langrune en partage avec divers seigneurs laïques, ceux de Colombières, mais aussi de puissants barons de la région, comme les seigneurs de Creully ou les du Hommet, proches des ducs-rois (Liot, 1895, p. 20 sq. ; Léchaudé d’Anisy, 1846-1852). Dès la fin du xiie s. en effet, les seigneurs laïques avaient entrepris de céder (ou plus exactement de revendre) la plupart de leurs biens dispersés aux maisons religieuses. Ce processus s’est trouvé favorisé au début du siècle suivant par la confiscation des terres des barons normands émigrés en Angleterre à la suite du souverain Plantagenêt, après la reprise en main du duché de Normandie par Philippe Auguste en 1204.

  • 3 Au début du xiie s., Philippe de Colombières, descendant de Guillaume déjà cité, était le frère de (...)
  • 4 <http://www.templiers.net/departements/index.php?page=14#1>.

4L’histoire de Langrune au cours des xive-xve s. nous est également surtout connue par les sources écrites. Quelques pièces notamment y font référence à des possessions des Templiers de la commanderie de Baugy, située à Planquery dans le Calvados (Pézeril, 1991). Il est très probable que les biens en question leur soient venus des seigneurs de Colombières, apparentés à la famille du Molay qui fonda ladite commanderie en 1148 et présida à la constitution de son temporel, dans la première moitié du xiiie s. (Miguet, 1995)3. Après la chute de l’ordre, en octobre 1307, la commanderie de Baugy fut remise aux Hospitaliers avant d’être finalement ruinée au cours de la guerre de Cent Ans (Dumontier et al., 1980). De fait, les anciennes possessions templières de Langrune furent récupérées par les églises qui s’y trouvaient déjà établies. En 1389 par exemple, un jeu de lettres mentionne quelques rentes en grains jadis dues aux Templiers par l’abbaye d’Aulnay, à percevoir aux granges « dîmeresses » de Carquagny et de Langrune (Mannier, 1872). L’emplacement de cette grange de Langrune est inconnu à ce jour. Puis, en 1467, un acte du cartulaire de l’église Saint-Pierre de Caen stipule que le curé de Langrune, Jacques Dallon, possédait à Caen une « maison et place du Temple sur la rive » [de l’Orne], qui avait auparavant appartenu aux Templiers de Bretteville-le-Rabet (Mannier, 1872)4.

  • 5 ADC, G, Grisy.

5En somme, quoiqu’elles n’affirment en rien l’existence d’un domaine des Templiers à Langrune-sur-Mer, ces quelques bribes ont néanmoins servi à asseoir une tradition locale, vraisemblablement forgée dans le contexte de la vente des Biens nationaux, et relayée ensuite par l’historien Eugène Liot (1895). Selon cette tradition, le « Manoir des Templiers », grande résidence de pierre située en vis-à-vis de la fouille, sur la rive opposée de la rue des Chasses, aurait été le siège d’un domaine templier. Cette hypothèse tout à fait fantaisiste fit l’objet d’une mise au point en 1940 (Jubert, 1940), impuissante cependant à empêcher sa survivance tenace jusqu’à nos jours. Le manoir en question ne conserve aucune partie antérieure au xvie s. Autrefois dénommé « château de Langrune », il n’apparaît effectivement dans les sources qu’au xviie s. et jusqu’en 1734, en tant que dépendance du fief de Langrune comprenant manoir avec cour et puits, le parc des Chasses ainsi que les granges et clos attenants exploités en jardins et vergers, le tout abrité derrière de hauts murs (Jubert, 1940 : 648 sq.). L’origine de ce fief remonterait à la fin du xive s. au moins ; on le trouve mentionné dans la mouvance de la baronnie de Creully en 1390 (Pezet, 1856) et il s’agissait, selon Célestin Hippeau, d’un huitième de fief s’étendant à Langrune, au hameau de Tailleville et aux communes voisines de Saint-Aubin-sur-Mer (ancien hameau rattaché à Langrune jusqu’en 1852), Douvres-la-Délivrande et Luc-sur-Mer (Hippeau, 1981, p. 157). On connaît fort mal sa destinée après 1400. En 1666, les seigneurs de Langrune, dont relèvent les propriétaires du manoir dit « des Templiers », sont les Hue de Caligny. Ce lignage de la moyenne aristocratie, qui remonte au moins à la fin du xive s., acquit surtout sa renommée à Caen, lors des guerres de Religion, aux côtés de Charles IX et Henri III. Ses membres les plus éminents dirigèrent ensuite les fortifications frontalières du royaume pendant près de deux siècles, à l’instar de Jean-Anténor Hue de Caligny, chevalier, directeur des fortifications des côtes de Bretagne, seigneur de Luc, de Langrune, d’Hermanville, au blason « d’azur à l’aigle d’argent accompagné en chef de deux étoiles du même ». Il épousa Marie de Vauquelin, fille d’Hercule de Vauquelin, marquis d’Hermanville (de Magny, 1863, p. 73-74). Passé 1650, la seigneurie de Langrune passa tout ou partie à Jacques de Lesnerac († v. 1684), né de la branche guérandaise des Hue de Caligny dont elle arbore les armes depuis 1383 (de Collart, 1886). Ce dernier épousa Renée de Guerpel († 1679, Grisy, Calvados ; Mix, 1934, p. 213, 253), qui consentit quelques pieuses donations sur le fonds de Langrune. En 1692 en effet, la déclaration du bénéfice de la cure de Grisy, par Gabriel Jumel, fait état d’une « demie-acre de labour, delle des Ormeaux, jouxte le sieur de Langrune et le Chemin-Chaussé »5. Si cette delle des Ormeaux n’a pu être localisée sur le cadastre de 1808, ce chemin en revanche coïncide selon toute vraisemblance avec la rue des Chasses (actuelle RD 84). La delle des Ormeaux se situait donc logiquement le long de cette même rue, à la sortie est du village, en bordure de l’un des clos attenants au manoir.

  • 6 ADC, Q192 ; cf. Jarry 1998, no 593.

6Au milieu du xviie s., l’ensemble manorial de Langrune appartenait à Pierre Le Teneur († 1654), auquel succédèrent son frère, Marc-Antoine († 1660), puis le gendre de celui-ci, Gaspard de Cauvigny († 1680). Le domaine fut ensuite démembré en lots par suite de partages successoraux et de reventes successives, jusqu’au rachat complet du domaine au tout début du xixe s. avec la « fiefferme de Langrune » vendue comme Bien national le 28 ventôse an X, et qui s’étendait sur les communes actuelles de Langrune, Bény et Douvres-la-Délivrande (Jubert, 1940, p. 654-655 ; cf. plan de 17746). En 1808, le premier cadastre de Langrune montre la parcelle concernée par la fouille indivise et exempte de constructions (fig. 2). Elle se trouve alors rattachée au domaine enclos du manoir « des Templiers », qui s’étend de part et d’autre de la rue des Chasses, alias chemin « de Langrune à Luc/LD 954 », menant vers l’est à Douvres-la-Délivrande.

Figure 2 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Extrait du cadastre napoléonien de Langrune-sur-Mer (1808) montrant l’emplacement du site (parc no 75, emprises de fouille en trait noir, murs et surfaces bâties en trait fort rouge, chemins en trait fin rouge), et de l’ensemble manorial des Templiers (parc nos 1 à 11) établi au sud de la rue des Chasses (= « Chemin de Langrune à Lion »). / Figure 2: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Extract from the Napoleonic cadastre of Langrune-sur-Mer (1808) showing the location of the site (park no. 75, excavation areas in black, walls and built-up areas in strong red, paths in thin red), and of the Templar manorial complex (park. n° 1 to 11) to the south of the rue des Chasses (= "Chemin de Langrune à Lion") (ADC 3P/1940, extract from the cadastral sheets B "de l’église" and E "de Langrune", E. Ghesquière, Inrap).

Figure 2 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Extrait du cadastre napoléonien de Langrune-sur-Mer (1808) montrant l’emplacement du site (parc no 75, emprises de fouille en trait noir, murs et surfaces bâties en trait fort rouge, chemins en trait fin rouge), et de l’ensemble manorial des Templiers (parc nos 1 à 11) établi au sud de la rue des Chasses (= « Chemin de Langrune à Lion »). / Figure 2: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Extract from the Napoleonic cadastre of Langrune-sur-Mer (1808) showing the location of the site (park no. 75, excavation areas in black, walls and built-up areas in strong red, paths in thin red), and of the Templar manorial complex (park. n° 1 to 11) to the south of the rue des Chasses (= "Chemin de Langrune à Lion") (ADC 3P/1940, extract from the cadastral sheets B "de l’église" and E "de Langrune", E. Ghesquière, Inrap).

ADC 3P/1940, extrait de l’assemblage des feuilles cadastrales B « de l’église » et E « de Langrune », E. Ghesquière, Inrap.

2. Les vestiges bâtis

7Comme rappelé en introduction, la prescription de fouille a surtout concerné les traces d’occupation protohistorique ; au sujet des vestiges médiévaux, elle stipulait en amont de l’intervention que seule l’organisation générale des structures devrait être précisée au moyen de transects. Cette recommandation inscrite au cahier des charges scientifique a été maintenue en dépit de l’importance inattendue des vestiges bâtis révélés par le décapage, sans rallonge de moyens.

Organisation et stratigraphie générales

8L’occupation médiévale se déploie, au sein de la parcelle enclose, sous la forme d’une cour déprimée desservie par deux chemins et insérée au sein d’une trame parcellaire laniérée (fig. 3). Les deux chemins, orientés NNE-SSO (i.e. vers la mer), sont espacés d’une centaine de mètres l’un de l’autre et légèrement convergents. Le premier, encadré de murs, formait une venelle étroite reliée à la rue des Chasses. Le second était seulement bordé de fossés. La cour accueillait quatre bâtiments disposés à sa périphérie de sorte à créer un ensemble fermé. Au sud, cet ensemble était complété par une mare, extérieure à la cour, creusée le long de la venelle.

Figure 3 : Plan-masse compilé des vestiges identifiés lors du diagnostic (tranchées grisées) et de la fouille (emprises en trait noir). En vert, ceux rattachés à l’occupation médiévale. / Figure 3: Compiled ground plan of the remains identified during the survey (grey trenches) and excavation (black lines). Those associated with medieval occupation are shown in green

Figure 3 : Plan-masse compilé des vestiges identifiés lors du diagnostic (tranchées grisées) et de la fouille (emprises en trait noir). En vert, ceux rattachés à l’occupation médiévale. / Figure 3: Compiled ground plan of the remains identified during the survey (grey trenches) and excavation (black lines). Those associated with medieval occupation are shown in green

DAO É. Gallouin, Inrap.

9À l’issue du décapage, la cour se présentait comme une vaste excavation au comblement limoneux couvrant quelque 1 500 m², sur le pourtour de laquelle pointaient plusieurs tronçons de maçonnerie ainsi que des aires d’éboulis informes résultant de la destruction de plusieurs édifices. La fouille a consisté, dans un premier temps, à nettoyer ces maçonneries apparentes, puis à en dégager les prolongements éventuels, enfin à nettoyer les plages d’éboulis attenantes. Ce premier travail, mené à la main, a permis de comprendre l’organisation générale de l’établissement et d’en isoler les composantes : chemin empierré, trois à quatre bâtiments, dont un grand avec deux entrées principales et un mur de clôture au nord. Cette première étape achevée, des sondages ont été ouverts à la mini-pelle afin de réaliser, en dehors des emprises des futurs pavillons, les transects prévus par la prescription.

10Un premier long transect a été ouvert d’est en ouest à travers la venelle, la cour et une moitié du grand bâtiment (bât. 1), puis doublé par un second, parallèle, à 5 m d’intervalle (fig. 4). Ces ouvertures ont permis d’identifier la stratigraphie générale de l’ensemble et de mettre au jour divers aménagements dans le périmètre de la cour. La fouille a ensuite été menée en plan jusqu’à la mise au jour des arases de murs conservés ou des tranchées de récupération des pierres après abandon du site. Les moyens restants ont été consacrés à la fouille en plan des secteurs situés hors des emprises pavillonnaires, ainsi qu’à la collecte des mobiliers nécessaires à la caractérisation et à la datation de cette occupation.

Figure 4 : Localisation des sondages et des aménagements médiévaux dans l’emprise de la cour. / Figure 4: Location of test pits and medieval features in the courtyard.

Figure 4 : Localisation des sondages et des aménagements médiévaux dans l’emprise de la cour. / Figure 4: Location of test pits and medieval features in the courtyard.

DAO É. Gallouin, Inrap.

11La stratigraphie générale de l’ensemble médiéval se décline à travers une succession verticale de six unités stratigraphiques (fig. 5). Une série de sondages complémentaires a été réalisée à la suite des transects afin de dégager les vestiges de bâtiments, certaines parties comme l’aile nord de cet ensemble restant malheureusement hors d’atteinte en raison de l’impossibilité de traiter les emprises des futurs pavillons. Par chance, le petit côté sud du grand bâtiment (bât. 1) avait été identifié lors du diagnostic. En revanche, les angles nord-est et sud-est de la cour, au-delà du bâtiment 1 vers l’est, n’ont pu être étudiés en raison des emprises réservées ; il n’est dès lors pas certain que cette partie de la cour n’ait pas accueilli d’autres aménagements. À tout le moins est-il avéré que la majeure partie de la cour, à l’est du grand bâtiment 1, est bien vide de construction. L’ensemble médiéval est donc formé d’une vaste cour décaissée accueillant dans ses deux tiers ouest un ensemble de quatre édifices périphériques tandis que son tiers oriental est vierge de construction.

Figure 5 : Stratigraphie de la cour médiévale. L’échelle mesure 1 m. / Figure 5: Stratigraphy of the medieval courtyard. The scale measures 1 m.

Figure 5 : Stratigraphie de la cour médiévale. L’échelle mesure 1 m. /  Figure 5: Stratigraphy of the medieval courtyard. The scale measures 1 m.

C0 : Terre végétale (0-15 cm d’épaisseur) ;
C1 : Limons superficiels gris à orangés (= C.1a/b), d’une puissance de 0,50 à 0,70 m, puis lœss (= C.1c), d’une épaisseur de 0,20 à 0,60 m à hauteur des vestiges médiévaux ;
C2 : Remblaiement de limons brun-gris couvrant toute l’étendue de la cour, au sommet des éboulis médiévaux. Cette couche, épaisse de 0,60 à 0,80 m, s’intercale entre les éboulis sous-jacents et le mince niveau de terre végétale dont le sommet correspond au sol actuel (en partie haute de la coupe). Elle résulte vraisemblablement de la remise en état de la parcelle avant sa conversion en clos entouré de hauts murs, tel qu’il apparaît sur le cadastre de 1808, conversion que deux tessons de grès recueillis dans cette couche 2 permettent d’attribuer au xviiie s. ;
C3 : Éboulis médiéval, daté du début du xve s. (partie basse de la coupe). Si cette couche a été identifiée partout dans l’emprise de la cour, à proximité des maçonneries, les pierres en ont parfois été largement récupérées. Il s’agit d’un niveau remblayé, fortement chargé en plaquettes calcaires qui toutes, accusent un pendage indiquant le sens de leur chute. Le limon brun-gris englobant ces pierres comble tous les interstices. Au sommet de l’éboulis, à la transition avec la couche C2, ont été recueillis quelques tessons de céramiques modernes, probablement en lien avec la récupération des pierres qui ont pu été être convoyées par la venelle, tout proche ;
C4 : « Sol » médiéval de limon brun-gris, mince et de section lenticulaire, épais de 5 cm au maximum, repéré à la base de l’éboulis, et correspondant manifestement au dernier niveau d’occupation de la cour avant la destruction ou l’incendie des édifices périphériques. Cette couche s’intercale entre le substrat et l’éboulis ci-dessus. On relève que plusieurs blocs de pierre se sont fichés dans son épaisseur sous le poids de leur chute. Cette couche doit peut-être son origine au piétinement du fond de la cour par les occupants. Les quelques éléments mobiliers retrouvés dans son épaisseur ont été exclusivement recueillis à l’aplomb des maçonneries, ce qui suggère que la cour était régulièrement nettoyée. Les céramiques découvertes dans ce contexte sont attribuables à la fin du xive ou au début du xve s. ;
C5 : Sommet tronqué et bouleversé des maçonneries paraissant traduire un aplanissement général du terrain, qui s’est accompagné de la récupération des pierres de parement, au cours de l’époque moderne sans plus de précision. Le nettoyage des murs a permis de recueillir quelques petits tessons dont la datation couvre une fourchette assez large, certains en lien avec la période d’occupation présumée de la cour, mais aussi d’autres plus tardifs ;
C6 : Substrat calcaire pulvérulent de type « chaussin », soit une couche naturelle, profonde de plus de 3 m, dont le sommet a été entamé lors du creusement de la cour. Les capacités naturelles de ce matériau en termes d’absorption des eaux de ruissellement expliquent vraisemblablement ce décaissement. La profondeur importante à laquelle se situent les bancs de calcaire exploitables en construction conduit à penser que les matériaux présents sur le site ont été acheminés depuis une carrière plus éloignée.
 
C0: Topsoil (0-15 cm thick);
C1: Grey to orange superficial silt (= C.1a/b), 0.50 to 0.70 m thick, then loess (= C.1c), 0.20 to 0.60 m thick at the level of the medieval remains;
C2: Backfill of brown-grey silt covering the entire courtyard, at the top of the medieval scree. This layer, between 0.60 and 0.80 m thick, lies between the underlying scree and the thin layer of topsoil, the top of which corresponds to the current ground (at the top of the section). It is probably the result of the development of the plot before it was converted into a walled enclosure, as shown on the 1808 land register, a conversion that two herds found in layer 2 date to the 18th century;
C3: Medieval rubble dating from the early 15th century (lower part of the section). Although this layer has been identified throughout the courtyard, close to the stonework, the stones have sometimes been largely recovered. This is a backfilled level, heavily laden with limestone platelets, all of which dip in the direction of their fall. The grey-brown silt covering these stones fills all the gaps. At the top of the scree, at the transition with layer C2, a few shards of modern ceramics have been found, probably in connection with the recovery of stones that may have been transported by the nearby alleyway;
C4: Medieval “soil” of thin grey-brown silt with a lenticular cross-section, no more than 5 cm thick, found at the base of the scree, and clearly corresponding to the last level of occupation of the courtyard before its destruction or the burning of the outlying buildings. This layer lies between the substratum and the scree above. Several blocks of stone have been found to have fallen through the layer. This layer may have been caused by the occupants trampling the floor of the courtyard. The few finds were collected around the masonry that suggests that the courtyard was kept clean. The pottery dates to the late 14th or early 15th century;
C5: The truncated and disrupted top of the masonry seems to reflect a general levelling and the recovery of the facing stones, during the modern period, without further precision. The cleaning of the walls yielded a number of small sherds with a fairly wide range of dates, some relating to the presumed period of occupation of the courtyard, but also dating from a later period;
C6: Decaying limestone of “chaussin” type, i.e. a natural layer, more than 3 m deep, the top of which was cut into when the courtyard was dug out. The natural ability of this material to absorb run-off water probably explains why the courtyard was dug out in the first place. The great depth at which the limestone beds that can be used for construction purposes are located suggests that the materials on the site were transported from a more distant quarry.

Chemins et parcellaire

12Deux chemins attribués à cette même occupation médiévale desservent l’ensemble de la cour, l’un à l’ouest (chemin 1) et l’autre à l’est de la fouille (chemin 2) [fig. 3]. Le premier correspond à une venelle encadrée de murs, le second à un simple chemin de terre bordé de fossés latéraux.

13La venelle est caractéristique des centres villageois médiévaux et modernes du nord de la campagne de Caen depuis la fin du Moyen Âge (cf. le site de Colleville-Montgomery « La Mare Gobe », où de tels murs ont été datés du xive s. : Carpentier, 2018a). Les deux murs, distants de 4,3 m, encadrent une chaussée empierrée large de 2,7 m en moyenne. Murs et chaussée ont été implantés dans des creusements pratiqués à cet effet au sommet du substrat calcaire (fig. 3, 4 et 6). Les élévations conservées délivrent quelques informations supplémentaires ; ainsi, un harpage conservé, reliant le mur bordant la venelle à l’est avec celui qui marque l’entrée de la cour médiévale, au-delà du bâtiment 4, confirme que cette voie est bien contemporaine de l’occupation de la cour. En revanche, le mur de clôture nord de la parcelle, qui figure sur le cadastre de 1808, recoupe le tracé de la venelle. On relève par ailleurs diverses traces laissées dans les élévations de ces murs par d’anciennes ouvertures, témoignant de diverses modifications au cours du temps qu’il est difficile de dater avec plus de précision. Le chemin 2 quant à lui, longe la limite d’emprise à l’est (fig. 3). Sa bande de circulation n’est que partiellement empierrée (fig. 7).

Figure 6 : Le chemin 1 et les restes de murs associés à la venelle. / Figure 6: Path 1 and the remains of walls that flank the alleyway.

Figure 6 : Le chemin 1 et les restes de murs associés à la venelle. / Figure 6: Path 1 and the remains of walls that flank the alleyway.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

Figure 7 : Coupe du chemin 2, dont le tracé oblitère en partie un fossé de l’âge du Fer. / Figure 7: Cross-section of path 2 that partly obliterates an Iron Age ditch

Figure 7 : Coupe du chemin 2, dont le tracé oblitère en partie un fossé de l’âge du Fer. / Figure 7: Cross-section of path 2 that partly obliterates an Iron Age ditch

DAO E. Ghesquière, Inrap.

14Une dizaine de fossés parcellaires interconnectés peuvent être mis en relation avec le chemin 2 et l’occupation qu’il dessert (fig. 3). Tous présentent des profondeurs et ouvertures sensiblement identiques, relativement modestes et avec des comblements limoneux homogènes caractéristiques d’un fonctionnement ouvert associé au drainage. Ces fossés déterminent une division de l’espace enclos en plusieurs bandes laniérées, perpendiculaires au chemin 2. Cette organisation s’apparente notamment à celle déjà observée à Tourville-sur-Odon, sur le site de « Sous-Mondrainville », au sud de Caen, pour la fin du Moyen Âge (Carpentier, 2018b). Au-delà de l’emprise de la fouille, au sud, le diagnostic a permis de reconnaître la présence d’un ensemble de probables carrières, associées à au moins deux murs, non datés, implantés aux abords de la rue des Chasses (fig. 3). Quelques tessons de grès notamment, ont été recueillis au sein de ces excavations attribuables à l’Époque moderne au sens large. Toutefois, l’hypothèse d’autres fossés, fosses, carrières ou autres maçonneries non identifiées, mais en lien avec l’occupation médiévale identifiée plus au nord de la parcelle, reste très plausible.

La cour et ses accès

15La cour fermée, large de 30 m environ, présente trois côtés rectilignes au nord, au sud et à l’ouest, ce dernier aligné sur le tracé du chemin 1 (fig. 4). À l’est, le rebord de la cour se fait plus sinueux et rejoint le niveau du sol en pente douce ; il est ainsi difficile d’estimer sa longueur exacte qui se situe entre 35 et 55 m si l’on inclut une série de creux alvéolaires situés à l’extrémité est de son creusement.

16La cour a été excavée sur une profondeur de 1 m environ depuis la surface, de sorte à former une plateforme régulière décaissée sur une trentaine de centimètres dans le substrat calcaire. Ses rebords, bien lisibles sur les côtés nord et sud, présentent un double emmarchement. Chacune de ces marches, hautes d’une vingtaine de centimètres, a été taillée à même le calcaire tendre. La marche inférieure, au niveau du fond de la cour, supporte la base des murs de clôture ouest et nord. Un intervalle d’un peu moins de 2 m sépare le mur de clôture de la bande de circulation du chemin. Au pied des murs de clôture, la cour présente un léger surcreusement large de 1,50 m environ, qui pourrait résulter d’un piétinement plus marqué à cet endroit, d’un phénomène de tassement du sol sous le poids des élévations, ou encore traduire un aménagement intentionnel lors de la construction, lié au drainage notamment.

17Les transects réalisés à travers le comblement de la cour montrent que le niveau d’éboulis qui s’est formé par suite de la destruction des bâtiments périphériques repose directement sur le substrat. On note cependant, çà et là, la présence d’un mince liséré de terre, discontinu et épais de quelques centimètres seulement, qui pourrait correspondre à un niveau de circulation formé à la surface du sol de la cour (= C4, fig. 5).

18Deux entrées au moins donnent accès à la cour, depuis l’ouest et le nord (fig. 4). Il est possible, mais non vérifiable qu’une troisième entrée ait existé à l’est, à hauteur des creux alvéolaires formant l’extrémité du creusement de la cour, mais aucune trace de muret ou d’autre aménagement spécifique ne vient le confirmer. De même, un autre accès est également possible au sud, à l’ouest du petit côté du bâtiment 3, incomplètement dégagé à cause de l’emplacement d’un pavillon. L’entrée ouest quant à elle est clairement visible dans le tracé du mur de clôture, juste au nord du bâtiment 4, de plan carré (fig. 6). Passé celui-ci, le mur de clôture forme un pan oblique, long de 4 m environ, à l’intérieur de la cour. Le harpage conservé unissant ces deux maçonneries (fig. 8) atteste leur contemporanéité. Depuis la rive du chemin, à hauteur de l’entrée, le sol descend en pente douce pour accéder au fond de la cour. De toute évidence, le chemin 1, le mur de clôture et l’entrée ouest ont connu un fonctionnement synchrone. Un sondage réalisé dans l’entrée de la cour a permis de retrouver une crapaudine en calcaire logée dans l’axe du mur d’entrée et contre le diverticule bordant celle-ci, qui démontre l’existence d’un portail fermant la cour (fig. 9).

Figure 8 : Vue de la liaison entre le mur de la venelle (ou chemin 1 ; st. 85) et le mur oblique harpé qui délimitait l’entrée de la cour (st. 214). Le mur nord-est du bât. 4, qui se greffe à la perpendiculaire du mur de la venelle, n’est pas harpé quant à lui au mur bordant la venelle. / Figure 8: View of the relationship between the wall of the alleyway (or path 1; st. 85) and the sloping wall that marked the entrance to the courtyard (st. 214). The north-east wall of Bât. 4 attached perpendicularly to the wall of the alleyway, is not harped to the wall bordering the alleyway.

Figure 8 : Vue de la liaison entre le mur de la venelle (ou chemin 1 ; st. 85) et le mur oblique harpé qui délimitait l’entrée de la cour (st. 214). Le mur nord-est du bât. 4, qui se greffe à la perpendiculaire du mur de la venelle, n’est pas harpé quant à lui au mur bordant la venelle. / Figure 8: View of the relationship between the wall of the alleyway (or path 1; st. 85) and the sloping wall that marked the entrance to the courtyard (st. 214). The north-east wall of Bât. 4 attached perpendicularly to the wall of the alleyway, is not harped to the wall bordering the alleyway.

Cliché E. Ghesquière, Inrap.

Figure 9 : Crapaudine insérée dans la fondation du mur oblique (st. 214) délimitant l’entrée de la cour. / Figure 9: Crapaudine inserted into the foundation of the sloping wall (st. 214) delimiting the entrance to the courtyard.

Figure 9 : Crapaudine insérée dans la fondation du mur oblique (st. 214) délimitant l’entrée de la cour. / Figure 9: Crapaudine inserted into the foundation of the sloping wall (st. 214) delimiting the entrance to the courtyard.

Cliché E. Ghesquière, Inrap.

19L’entrée nord se situe à l’est du bâtiment 2, dans l’angle droit qu’il forme avec le petit côté nord du bâtiment 1 (fig. 10). Cet espace accueille plusieurs maçonneries disposées également à angle droit de part et d’autre de l’entrée. Le passage est recouvert d’une couche empierrée formant radier entre ces deux massifs. Trois segments de murs interconnectés forment une chicane délimitant l’entrée au-delà du bâtiment 2 et dans le prolongement du mur de clôture nord (st. 220) [fig. 10, murs 219 et 220]. Le mur 219 est connecté au mur de clôture 220, mais sans harpage. L’empierrement de l’entrée bute directement contre le parement du mur 219. Le côté opposé de l’entrée est délimité par le retour du mur 217, qui prolonge la façade ouest du bâtiment 1 (fig. 10). Une base de pilier carrée (0,50 m de côté) est logée à l’intérieur de l’angle formé par ce retour de mur. L’empierrement bute, là aussi, directement contre le parement du muret 219. Cette disposition ainsi que le pilier évoquent un porche couvert, large de 2,80 m (soit la dimension d’une porte charretière), livrant accès à la cour depuis le chemin 2. Le débouché vers la cour semble avoir été barré par un seuil oblique, aux pierres partiellement conservées, implanté entre les arêtes des murs 216 (bât. 2) et 219. À hauteur du sas d’entrée, l’empierrement du sol s’interrompt avant ce seuil.

Figure 10 : Plan de détail de l’entrée nord de la cour. / Figure 10: Detailed plan of the northern entrance to the courtyard.

Figure 10 : Plan de détail de l’entrée nord de la cour. / Figure 10: Detailed plan of the northern entrance to the courtyard.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

Un caniveau et une fumière

20La cour médiévale abrite en outre un caniveau en pierre (st. 195), relié à une grande excavation (st. 195 b) sur le côté de laquelle aboutit également une tranchée rectiligne, creusée en pente douce dans l’axe de l’entrée ouest (st. 226) [fig. 4]. Cette tranchée longe le tracé du chemin associé à l’entrée ouest, sur 1,4 m de long environ. Une coupe révèle que son profil descend graduellement en pente douce jusqu’à la base de l’excavation 195 b, inscrite à 1,3 m de profondeur sous le niveau du décapage (fig. 12). Le comblement de la galerie est distinct de celui de la fosse à laquelle elle donne accès et la coupe montre que le comblement de la fosse est postérieur à celui de la tranchée. Les deux structures sont toutefois scellées par le même remblai, attribué à l’époque moderne, qui coiffe l’ensemble de la cour (= C2) ; elles lui sont donc toutes les deux antérieures.

21Le caniveau 195 a été reconnu quant à lui au sud de la fosse 195 b et à l’ouest de la cour, dont il traverse toute la largeur avant de se prolonger au-delà de l’emprise vers le sud (fig. 4, 11). Son tracé décrit deux coudes successifs à angle ouvert de part et d’autre du bâtiment 4, puis oblique, au-delà de la cour, en direction du mur de clôture. Ce caniveau se présente comme une simple tranchée de section trapézoïdale, large de 55 cm en moyenne, avec des parois presque verticales et un fond plan inscrit à 1,20 m de profondeur sous le sol actuel (fig. 11). Sa paroi est se double d’un parement en petits moellons de calcaire, tandis que la tranchée elle-même est recouverte d’une succession de dalles posées à plat. L’ensemble est coiffé par les éboulis correspondant à l’abandon des édifices médiévaux (= C4). L’écoulement des eaux dans le caniveau ainsi formé était assuré au moyen de pierres de 60 × 35 cm, taillées en cuvette dans leur longueur, disposées les unes à la suite des autres au fond de la tranchée (fig. 11 et 22, no 6). Celui-ci est tapissé d’un lit d’argile épais d’une vingtaine de centimètres. Certaines de ces pierres ont été récupérées par la suite, mais plusieurs ont été retrouvées en place.

Figure 11 : À gauche, le caniveau 195 en vue zénithale ; à droite, l’une des pierres taillées en cuvette formant le fond du caniveau, découverte en situation. / Figure 11: Left, a zenithal view of gutter 195; right, one of the bowl-shaped stones forming the bottom of the gutter, discovered in situ.

Figure 11 : À gauche, le caniveau 195 en vue zénithale ; à droite, l’une des pierres taillées en cuvette formant le fond du caniveau, découverte en situation. / Figure 11: Left, a zenithal view of gutter 195; right, one of the bowl-shaped stones forming the bottom of the gutter, discovered in situ.

Clichés E. Ghesquière et É. Gallouin, Inrap.

22La fosse 195 b recueillait les fluides acheminés par le caniveau 195. Cette excavation de plan ovalaire mesure 3,5 × 2,5 m environ, pour 1,10 m de profondeur (fig. 12). Elle a manifestement connu plusieurs phases alternées de creusement et de comblement. Le profil de la fosse 195 b est trapézoïdal avec des parois légèrement ouvertes et un fond plan, large d’un peu moins de 3 m. D’évidence, cette structure a servi de réceptacle pour des matières fluides charriées par le caniveau 195 qui s’y déversait au sud, tandis que la tranchée 226 donnait accès à son remplissage depuis l’ouest, sans doute dans le but de la curer régulièrement.

Figure 12 : Coupe et profil général de la fumière montrant le pendage de la galerie 226 vers la fosse 195bis. / Figure 12: Cross-section and general profile of the dunghill showing the dip of gallery 226 towards pit 195bis.

Figure 12 : Coupe et profil général de la fumière montrant le pendage de la galerie 226 vers la fosse 195bis. / Figure 12: Cross-section and general profile of the dunghill showing the dip of gallery 226 towards pit 195bis.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

23Ces aménagements réunis conduisent à identifier ici une fumière ou fosse à purin associée à une rigole pavée, un dispositif classique des grandes fermes du nord de la plaine du Caen et du Bessin à l’époque moderne, qui était généralement installé dans leur cour (Brier et Brunet, 1984, p. 70 sq.). Le caniveau 195 acheminait le purin depuis un point extérieur à l’emprise de la fouille, situé au sud de la cour ; il s’agit vraisemblablement d’une étable installée au sud-ouest du bâtiment 3.

Un groupe de fosses contenant des ardoises de couverture

24Creusées au centre de la cour, face à l’entrée du grand bâtiment 1 (fig. 4), quatre fosses aux contours imbriqués ont été partiellement dégagées à la mini-pelle. Il s’agit dans le détail de trois fosses distinctes (210 à 212), dont deux sont inscrites dans un creusement antérieur (112), long de 7 m. Les fosses 210 et 211 présentent un plan elliptique, pour une profondeur de l’ordre de 0,4 m, tandis que la fosse 212, rectangulaire, n’est profonde que d’une dizaine de centimètres. Les creusements 210, 211 et 212 ont été comblés sur toute leur hauteur de fragments de lauzes en ardoise bleue, non brûlés, mais fracturés, vraisemblablement lors de leur façonnage et/ou de la perforation de l’orifice permettant leur fixation. Il paraît donc s’agir ici exclusivement de déchets de mise en œuvre enfouis dans une série de fosses, en rapport avec la couverture d’un ou plusieurs édifices adjacents.

Les bâtiments

25Quatre bâtiments distincts ont été identifiés à la périphérie de la cour, le plus grand (bât. 1) à l’est, deux autres de part et d’autre de la cour et à l’ouest du premier (bât. 2 et 3), et un dernier (bât. 4) auprès de l’entrée desservie par le chemin 1. Tous ces édifices ont été élevés sur des fondations en pierres sèches.

Le bâtiment 1

26Le bâtiment 1, le plus grand, occupe le milieu de la cour et sépare celle-ci en deux parties : une aire ouverte encadrée de bâtiments, à l’ouest, d’une autre non bâtie à l’est (fig. 4). Cet édifice présente un plan rectangulaire de 23,20 × 14,50 m pour une surface interne de 21 × 13 m soit 273 m² de surface au sol. Il est subdivisé en plusieurs espaces distincts ; huit pièces périphériques sont symétriquement réparties sur les trois côtés d’une salle centrale (pièce 1) qui ouvrait à l’ouest sur la cour cernée de bâtiments (fig. 13). Les murs des deux grands côtés et du refend sud, épais de 0,8 m de large, constituaient vraisemblablement un système porteur destiné à soutenir un étage. Les autres murs, larges de 0,60 m, se positionnent au niveau des pignons et des autres refends intérieurs ; aucun n’est harpé aux murs porteurs plus larges.

Figure 13 : Plan général du bâtiment 1. En rose : surface rubéfiée au sol. En bleu : couche de lauzes rubéfiées résultant de l’incendie puis de l’effondrement de la toiture (st. 129), ainsi que de leurs tri et récupération en bordure du bâtiment (st. 193). En rouge : fragments de lapidaire, en situation ou déplacés. / Figure 13: General plan of building 1. In pink: burnt ground surface. In blue: layer of burnt stone slabs from the fire and subsequent collapse of the roof (st. 129), as well as their sorting and recovery at the edge of the building (st. 193). In red: worked stone fragments, in situ or moved

Figure 13 : Plan général du bâtiment 1. En rose : surface rubéfiée au sol. En bleu : couche de lauzes rubéfiées résultant de l’incendie puis de l’effondrement de la toiture (st. 129), ainsi que de leurs tri et récupération en bordure du bâtiment (st. 193). En rouge : fragments de lapidaire, en situation ou déplacés. / Figure 13: General plan of building 1. In pink: burnt ground surface. In blue: layer of burnt stone slabs from the fire and subsequent collapse of the roof (st. 129), as well as their sorting and recovery at the edge of the building (st. 193). In red: worked stone fragments, in situ or moved

DAO E. Ghesquière, Inrap.

27D’emblée, ce bâtiment se distingue à la fois par ses dimensions et par son plan, sans doute à étage, sans commune mesure avec les habitations plus modestes fouillées sur d’autres sites du bas Moyen Âge dans la plaine de Caen ou sur ses confins orientaux avec le Pays d’Auge, sur les sites de Grentheville « Trainecourt » (Taupin, 1996 ; Lorren, 1998), Saint-Ursin-de-Courtisigny (Hanusse, 2006 ; Bocquet-Liénard et al., 2013), Moult (Carpentier, 2015), Jort (Carpentier, 2017) ou Vieux-Fumé (Hincker et al., 1999). En revanche, on retrouve sur tous ces sites le même mode d’implantation, au sein d’une cour décaissée et aplanie. À Langrune-sur-Mer, les murs de fondation du bâtiment 1 reposent directement sur le calcaire aplani, ou pour certains dans une tranchée peu profonde et légèrement débordante. Les élévations sont inégalement conservées, jusqu’à 8 ou 9 assises soit une hauteur de 80 cm environ (fig. 14), tandis que des segments entiers ont manifestement été démontés et leurs pierres récupérées après abandon du site. Toutes les pierres employées dans ces maçonneries ont été taillées dans un calcaire bioclastique grossier, de teinte blanche à jaunâtre, dont le microfaciès carbonaté correspond au sommet de la formation du Calcaire de Langrune. Ces pierres ont donc été extraites à proximité.

Figure 14 : Illustration des différents parements du bâtiment 1. On note qu’aucun reste d’enduit n’a été retrouvé sur les faces internes ou externes des murs de fondation. / Figure 14: Illustration of the different facings of building 1. No plaster was found on the inside or outside faces of the foundation walls

Figure 14 : Illustration des différents parements du bâtiment 1. On note qu’aucun reste d’enduit n’a été retrouvé sur les faces internes ou externes des murs de fondation. / Figure 14: Illustration of the different facings of building 1. No plaster was found on the inside or outside faces of the foundation walls

Cliché E. Ghesquière, Inrap.

28La stratigraphie générale du bâtiment 1 permet de reconstituer en partie son histoire. Ses maçonneries conservées sont apparues après décapage des éboulis de surface et des remblais modernes. Le comblement des pièces (1 à 3 en particulier) contenait un lit de lauzes en ardoise bleue, épais d’une vingtaine de centimètres en moyenne, manifestement formé par suite de l’effondrement de la toiture (fig. 15). Ces lauzes se sont trouvées prises dans un remblai de terre et de pierres qui a été par endroits remanié au cours à l’Époque moderne (divers petits tessons renvoient plus précisément au xviiie s.). À hauteur des pièces 1 et 3 toujours, ont également été recueillies dans ce remblai plusieurs tuiles faîtières en terre cuite vernissée qui formaient un alignement dans l’axe longitudinal du bâtiment, au droit du faîte par conséquent, de même que des fragments de mortier de chaux et de gros charbons de bois (= US 208/229 en pièce 1, US 129 en pièce 3 et st. 193 le long du pignon nord ; fig. 13 et 15). À l’exception de la pièce 3, les pièces périphériques ne présentent pas de tels matériaux qui semblent en avoir été retirés lors des travaux de récupération (fig. 13). Sous-jacente aux remblais de démolition apparaît une couche rubéfiée formée à même le substrat calcaire ; des traces de rubéfaction très nettes apparaissent également à la base des portions de murs conservées.

Figure 15 : Couche de lauzes rubéfiées au sol de la pièce 3 du bâtiment 1, incluant des fragments de joints de chaux. / Figure 15: Layer of burnt stone slabs on the floor of room 3 in building 1, including fragments of the lime joints.

Figure 15 : Couche de lauzes rubéfiées au sol de la pièce 3 du bâtiment 1, incluant des fragments de joints de chaux. / Figure 15: Layer of burnt stone slabs on the floor of room 3 in building 1, including fragments of the lime joints.

Cliché E. Ghesquière, Inrap.

29Les gros charbons et autres éléments brûlés retrouvés sur le sol rubéfié du bâtiment 1 suggèrent qu’une structure en bois a été détruite par le feu. Il pourrait s’agir d’un plancher en rez-de-chaussée recouvrant le sol des pièces 1 et 3, ou d’un plancher en étage qui se serait en partie effondré dans ces pièces. La couche rubéfiée tapissant le substrat a livré, incluses dans son épaisseur, de nombreuses petites pointes en fer, longues de 4 cm, qui ont vraisemblablement servi à la fixation d’un plancher, ainsi que de gros charbons de bois dont la forme indique qu’ils proviennent de lames de bois. L’un d’eux, identifié comme du hêtre par Vincent Bernard (xylologue, CNRS, UMR 6566), a été daté par radiocarbone de la fin du xiiie s. (st. 229, Beta 462 983) tandis qu’un petit lot céramique recueilli dans cette même couche renvoie au début du xve s. Il semble donc que ces tessons permettent de situer l’incendie à l’origine de la destruction et de l’abandon du bâtiment 1 au début du xve s., tandis que le plancher remonterait quant à lui à la fin du xiiie s.

30À hauteur des pignons nord et sud, deux séries de trois pièces (nos 2 à 4 au nord et nos 7 à 9 au sud) formaient deux enfilades distinctes de part et d’autre d’une vaste salle centrale (pièce 1 ; fig. 13). Ces deux enfilades étaient reliées entre elles, le long du mur est, par les pièces 5 et 6.

31La pièce 1, au centre, mesure 10,20 × 9,50 m soit une surface de 100 m² environ (fig. 13-14). D’emblée, cette superficie s’avère très supérieure à celles des plus grandes pièces connues pour les maisons de même époque fouillées à ce jour dans la région. Sur le site de Trainecourt, au xive s., les plus vastes salles mesurées couvraient seulement 35 à 40 m². La pièce 1 ouvrait en façade ouest sur la cour, par le biais d’une entrée déportée à hauteur de l’angle nord-ouest où une base de piédroit, chanfreinée et ornée d’un tore horizontal, a été conservée en place (fig. 13-14). Elle communiquait avec au moins deux voire trois pièces périphériques : au nord, la pièce 2, à l’est, la pièce 5 et au sud, la pièce 9. L’accès à cette dernière, à travers le mur porteur 199, est marqué par deux piédroits conservés en place, offrant une ouverture large de 0,80 m. À l’intérieur de la pièce 1, ce passage est indiqué par une dalle de seuil sur chant, dépassant d’une dizaine de centimètres la surface du sol de sorte à former un petit emmarchement (fig. 14). La tranche de la dalle a été polie par l’usure. Au nord, un deuxième passage donnait accès à la pièce 2. À cet endroit ont été préservés en place un piédroit chanfreiné ainsi qu’un moellon situé en retrait à l’intérieur de la pièce, le long de son mur est. On relève de plus une autre dalle de seuil identique à la précédente, disposée de chant et dépassant d’une douzaine de centimètres la surface du sol. La largeur de ce deuxième accès peut être estimée à 1,10 m d’après les dimensions de cette dalle de seuil. D’autres passages encore ont peut-être relié la pièce 1 aux pièces 6 à l’est et 3 au nord, mais aucun élément conservé ne vient le confirmer, les portions de murs correspondantes ayant été volées.

32L’agencement intérieur de cette grande salle ne peut être évoqué qu’avec beaucoup de réserves. Aucune trace de cheminée n’a été observée au sol, du moins à hauteur des maçonneries conservées. La rubéfaction des murs et des matériaux incendiés masque peut-être d’éventuelles traces imputables à la chaleur d’un âtre. Une dalle de calcaire moulurée de 60 × 50 cm, disposée horizontalement à 0,50 m de hauteur dans le mur de façade ouest, de sorte à déborder de 3 à 4 cm de son parement interne, un peu avant l’accès vers la pièce 9, suggère que les murs les plus larges incluaient un certain nombre de niches ou de placards ménagés dans leur épaisseur (fig. 13-14). Des aménagements similaires ont été évoqués notamment au sujet des maisons, sensiblement plus modestes, de Saint-Ursin de Courtisigny. On note par ailleurs que quatre fragments lapidaires déconnectés ont été retrouvés près de l’entrée depuis la cour, sans doute regroupés là lors du démantèlement des maçonneries et du tri des matériaux en vue de leur récupération. Il est de ce fait impossible de connaître leur position d’origine, mais ces éléments attestent clairement de l’existence d’autres aménagements et ouvertures disparus.

33La pièce 2 occupe l’angle nord-ouest du bâtiment 1 (fig. 13). Elle mesure 4,20 × 3,80 m soit une superficie d’environ 16 m². Elle était accessible par deux passages, l’un au sud déjà décrit, ainsi qu’un second situé en vis-à-vis au nord, dont la largeur peut être estimée à environ 1,7 m d’après les dernières pierres en place du mur 221. Ce second accès débouchait à l’extérieur de la cour, à hauteur de la porte charretière identifiée dans son angle nord-est. On note à cet endroit l’absence de piédroit, seuil ou crapaudine ; il est donc plausible que cet accès ait donné sur une autre construction, partiellement détruite, qui se serait située dans l’alignement du bâtiment 1 au nord, à hauteur de la grande entrée. Dans tous les cas, les vestiges en présence sont trop incomplets pour qu’il soit possible d’aller plus loin dans l’interprétation. Quoi qu’il en soit, eu égard à ses deux accès en vis-à-vis, la pièce 2 s’apparenterait à un vestibule reliant la pièce 1 au porche d’entrée de la cour au nord-est.

34La pièce 3 jouxte la précédente à l’est (fig. 13). Elle mesure 5,50 × 4,50 m soit une surface de 25 m². Seuls les murs ouest et nord ont été en partie préservés, les deux autres ayant été quasi entièrement démantelés. En revanche, les récupérateurs de l’époque moderne n’ont pas touché ici aux lauzes de toiture, dont le pendage régulier traduit bien l’effondrement sur place (fig. 13, 15).

35La pièce 4 occupe l’angle nord-est du bâtiment 1 (fig. 13). Elle mesure 4 × 3 m soit 12 m². On y accédait depuis la pièce 5, le passage correspondant avec une ouverture large de 1,40 m ménagée à l’extrémité ouest du mur de refend 205. Le peu qui subsiste des autres maçonneries, en grande partie volées, n’autorise guère à formuler d’autres hypothèses.

36La pièce 5, située dans le prolongement de la précédente, le long du mur gouttereau est, appartient aux enfilades de pièces au nord et au sud du bâtiment 1 (fig. 13). Elle mesure 6 × 3 m soit 18 m², et communiquait directement au nord avec les pièces 1 et 4. Le passage vers la grande salle est encore matérialisé par une dalle de chant formant piédroit, conservée en place. Cette pièce était subdivisée en deux moitiés sensiblement équivalentes.

37La pièce 6, au sud, est plus petite, avec des dimensions de 4 × 2,60 m soit 10 m², surface à peu près équivalente à chacun des deux espaces de la pièce 5 (fig. 13). L’enfilade de pièces à l’est du bâtiment était donc formée d’une triade de modules de 9 à 10 m², faisant écho à la symétrie des ailes nord et sud, elles aussi divisées en trois parties. Le ou les passages donnant accès à cette pièce ne sont pas identifiables, aucune ouverture n’apparaissant dans le tracé du mur extérieur st. 88, ni dans celui, entièrement préservé, du refend 203, au nord (fig. 13).

38La pièce 7 occupe l’angle sud-est du bâtiment à la jonction des pièces en enfilade à l’est et de l’enfilade sud (fig. 13). Elle n’offre de ce fait aucune possibilité d’accès depuis la pièce 1 et ne paraît avoir été reliée qu’à la pièce 8, la base du mur nord, qui la sépare de la pièce 6, ne présentant aucune trace d’ouverture. Cette pièce mesure 6 × 3,60 m soit 22 m², avec un état de conservation lacunaire du refend 201, à l’ouest, dont seule une moitié, au sud, a été préservée sur une hauteur maximale de sept assises de plaquettes, soit une quarantaine de centimètres. Pas plus le mur gouttereau que le pignon sud ne présentent d’ouverture, à tout le moins visible, vers l’extérieur. Il convient toutefois de souligner que le pignon sud, mis au jour dans une tranchée de diagnostic, ne subsiste plus que sous la forme d’une tranchée de vol profonde de quelques centimètres, certes continue, mais par définition très arasée.

39La pièce 8 occupe le milieu de la partie sud (fig. 13) et mesure 6,30 × 5,50 m soit 35 m². Le sol présente des traces de rubéfaction à l’aplomb du mur 200bis, à l’ouest, au pied duquel deux éléments lapidaires, vraisemblablement issus d’un même piédroit avec jambage chanfreiné, paraissent constituer les ultimes vestiges d’une porte donnant accès à la pièce 9.

40La pièce 9 occupe l’angle sud-ouest du bâtiment (fig. 13). Elle mesure 5,30 × 2,70 m soit 14 m². Elle a malencontreusement été recoupée en grande partie lors du creusement d’une vaste excavation au cours de la Seconde Guerre mondiale (st. 83). Les maçonneries subsistantes permettent néanmoins d’observer une porte conservée qui reliait cette pièce à la salle centrale (déjà décrite). La pièce 9 communiquait ainsi avec les pièces 1 et 8 en formant une sorte de sas ou vestibule, pendant de la pièce 2 au nord.

Le bâtiment 2

41Le bâtiment 2 forme l’aile nord de la cour fermée (fig. 16). Son plan consiste en un parallélogramme de 8 × 4 m environ pour une superficie abaissée à quelque 28 m² en tenant compte du rétrécissement de son angle sud-est. Du fait qu’il se trouve dans l’emprise d’un pavillon soustraite à la fouille, seuls son côté est ainsi qu’une portion de son côté ouest ont pu être étudiés. Ses maçonneries, qui reposent directement sur le sol calcaire de la cour, emploient le même matériau que celles du bâtiment 1. La première assise, légèrement débordante, est composée de blocs épais et grossièrement équarris tandis que les assises sus-jacentes, conservées jusqu’à six rangs, soit une trentaine de centimètres de hauteur, sont plus minces et régulières, alternant des plaquettes épaisses de 3 et 6 cm, ajustées avec soin et montées à la terre. Les parements présentent là encore les traces d’une rubéfaction intense attestant d’un incendie. L’angle sud-est du bâtiment 2, ouvert à 110 degrés environ, est connecté à un muret oblique correspondant au seuil d’une porte charretière aménagée dans l’angle nord-est de la cour (déjà décrite supra). L’ouverture de cet angle s’expliquerait ainsi par la nécessité de faciliter le passage des charrettes à l’entrée comme au sortir de la cour. Bien qu’aucune entrée n’ait pu être mise en évidence à hauteur des maçonneries accessibles à la fouille, il est probable qu’un accès ait été ménagé vers la cour depuis le grand côté sud du bâtiment 2.

Figure 16 : Détail du bâtiment 2 et de son raccordement sur l’entrée nord de la cour. / Figure 16: Detail of building 2 and its connection to the north entrance of the courtyard.

Figure 16 : Détail du bâtiment 2 et de son raccordement sur l’entrée nord de la cour. / Figure 16: Detail of building 2 and its connection to the north entrance of the courtyard.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

42La ou les fonctions de cet édifice ne peuvent être que supposées. Eu égard à son plan, à ses dimensions et à sa position auprès de la porte donnant accès à la cour, il pourrait peut-être s’agir d’une charreterie et/ou d’une écurie, telle qu’on en trouve systématiquement dans les fermes modernes encore en élévation au nord de la campagne de Caen et dans le Bessin côtier.

Le bâtiment 3

43Le bâtiment 3 fait face au précédent à hauteur de l’enfilade de pièces sud (fig. 17). La fouille a ici été en partie empêchée par la présence d’une tranchée de diagnostic ouverte dans l’axe du mur sud (supposé) de cet édifice, et surtout par des constructions contemporaines qui ont causé la quasi-disparition des maçonneries antérieures. Néanmoins, une partie du grand mur nord et du petit côté ouest de cet édifice a été mise au jour, soit deux portions identifiables longues respectivement de 9,50 m et 2 m, le reste ayant été intégralement démonté et récupéré. Par ailleurs, une fosse subrectangulaire (st. 230), mesurant 1,50 par plus de 1 m, a été dégagée dans le fond de tranchée du diagnostic. Or, sa forme et ses dimensions évoquent une possible cave ou un « cellier », comparable à divers exemples associés à des habitats du bas Moyen Âge récemment fouillés en plaine de Caen et aux confins du Pays d’Auge, sur les sites de Moult, Jort ou Tourville-sur-Odon (Carpentier, 2015, 2017, 2018 b). Cette même fosse a livré un petit lot céramique attribuable au début du xve s., identique au matériel recueilli dans le bâtiment 1. Dans l’hypothèse où cette structure excavée se serait située dans l’emprise du bâtiment 3, il serait possible d’en déduire la position de son mur sud, disparu, en retrait de la fosse. Ceci conduirait à restituer le plan d’un bâtiment rectangulaire de 9 × 6 m (largeur estimée) soit 54 m² de superficie. La largeur de son mur gouttereau nord (80 cm) suggère en outre la possibilité d’un étage ou du moins d’une élévation importante. Aucun indice ne permet en revanche d’en déduire la ou les fonctions ; il pourrait s’agir d’une dépendance agricole, grange, écurie ou remise…

Figure 17 : Plan de détail du bâtiment 3. / Figure 17: Detail plan of building 3.

Figure 17 : Plan de détail du bâtiment 3. / Figure 17: Detail plan of building 3.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

Le bâtiment 4

44Ce dernier bâtiment est implanté au milieu du côté ouest de la cour, juste au sud de l’entrée sur laquelle débouchait la venelle ou chemin 1 (fig. 18). L’édifice, de plan carré, mesure 5 m de côté soit une superficie de 25 m². Ses murs, larges de 60 à 70 cm, ont été construits sur le même mode que ceux des autres bâtiments et reposent eux aussi à même le fond de la cour. On relève cependant une différence au sujet des premières assises de fondation qui ne consistent pas ici en blocs plus grossiers alignés en débordement, mais en un hérisson mêlant des pierres brutes et de la terre, au sommet duquel a été élevée la maçonnerie en pierre sèche (conservée sur deux assises dans le meilleur des cas). Or, les sondages pratiqués à la base de ces fondations ont permis d’observer, sous ces dernières, la présence d’un niveau d’éboulis antérieur au bâtiment 4, associé à une fosse au moins (st. 231), dont le contour déborde légèrement le tracé de son mur est (225) [fig. 18]. Cette fosse ovale, longue de 1,30 m, a été entièrement comblée de débris de lauzes en ardoise verte, matériau originaire du Nord-Cotentin dont l’emploi est essentiellement attesté à ce jour, dans la région caennaise, avant l’essor des ardoisières bleues du Bocage virois, au milieu du xive s. (fait déjà signalé par de Boüard, 1965, et confirmé depuis sur divers sites, notamment à Trainecourt : Taupin, 1996 ; Lorren, 1998). Le bâtiment 4 a donc été élevé sur une précédente construction, vraisemblablement antérieure au milieu du xive s., dont seuls subsistent cette fosse et cet éboulis arasés, sous-jacents à ses fondations.

Figure 18 : Plan du bâtiment 4 et vue en coupe de sa fondation, superposée à la fosse 231 comblée de lauzes vertes non brûlées. / Figure 18: Plan of building 4 and cross-section of its foundation, superimposed on pit 231 filled with unburnt green slate.

Figure 18 : Plan du bâtiment 4 et vue en coupe de sa fondation, superposée à la fosse 231 comblée de lauzes vertes non brûlées. / Figure 18: Plan of building 4 and cross-section of its foundation, superimposed on pit 231 filled with unburnt green slate.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

45On note par ailleurs que les murs nord et sud du bâtiment 4 rejoignent le mur de clôture ouest, mais sans lui être harpés (fig. 8). Il est dès lors possible que le bâtiment 4 ait été construit après ce mur. On relève enfin que contrairement aux trois autres bâtiments décrits plus haut, aucune trace de destruction par le feu n’a été identifiée ici sur le parement interne des maçonneries ou sous la forme d’une couche de destruction tapissant le sol. Il semblerait donc que cet édifice n’ait pas brûlé.

46Une entrée est matérialisée, au sud du mur est, à hauteur du caniveau associé à la fumière décrite plus haut, par une dalle de seuil longue de 70 cm environ, qui était disposée de chant au fond de la cour, à l’instar donc de celles décrites plus haut pour le bâtiment 1.

47Le plan carré et les dimensions du bâtiment 4, de même que sa position, au milieu du côté ouest, près de l’entrée et en vis-à-vis du grand bâtiment 1, invitent à reconnaître une possible tour voire un pigeonnier, tel qu’en possèdent plusieurs grandes fermes à cour fermée du nord de la plaine de Caen et du Bessin. La ferme-manoir de Longeau, à Crouay, par exemple, est encore dotée d’une tour carrée couverte en ardoise, avec trous de boulin, également proche du mur d’enceinte, dans un ensemble qui remonte au moins aux années 1540 ; citons également le manoir moderne d’Amferville, à Longueville, ou encore la ferme-manoir de la Motte-Blagny, à Saint-Martin-de-Blagny (Gourbin, 2014, p. 25, 47, 63).

La mare, de carrières en point d’eau

48La mare se situe à une soixantaine de mètres au sud de la cour fermée, le long du chemin qui la dessert à l’ouest (fig. 3). Mise au jour dans l’emprise d’un décapage complémentaire motivé par les premiers indices observés lors du diagnostic, elle correspond à une dépression quadrangulaire de 13 × 8 m, soit environ 100 m², prolongée par une avancée au nord, et encadrée au nord et au sud par deux murets longs de 5 m environ, perpendiculaires au chemin (fig. 19). Un fossé, parallèle au chemin, s’en détache vers le sud (st. 33) et se greffe à environ 10 m de la cour sur un autre fossé, perpendiculaire (st. 32). Si les axes comme les comblements de ces fossés sont cohérents au regard de la trame parcellaire médiévale évoquée plus haut, la relation entre la mare et le chemin n’a pu être mise en évidence en raison des limites de la prescription.

Figure 19 : Plan et coupe de la mare. / Figure 19: Plan and cross-section of the pond.

Figure 19 : Plan et coupe de la mare. / Figure 19: Plan and cross-section of the pond.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

49Un sondage ouvert en travers de la mare a permis d’observer son creusement, vertical et inscrit jusqu’à une profondeur de 2 m sous la surface actuelle. Le fond, irrégulier, se divise en plusieurs cavités parallélépipédiques juxtaposées, évoquant des creusements successifs. Il pourrait s’agir à l’origine de carrières, agrandies ponctuellement au fil de l’extraction du calcaire pulvérulent (ou « chaussin »), à l’image de celles qui ont été identifiées par exemple sur le site de Moult « Val des Cigognes », pour les xviiie-xixe s. (Carpentier, 2015). Ce matériau a notamment pu servir ici à l’entretien des chemins ; on le retrouve en effet dans la composition des deux bandes de circulation ainsi que dans les fossés bordiers qui les encadrent. Au terme de cette première activité, l’excavation aurait été convertie en mare, sans doute à usage d’abreuvoir pour le bétail. Le point d’eau était alimenté par les fossés de drainage qui s’y connectent au nord et au sud. À noter qu’on relève, en 1776, la mention d’un abreuvoir distinct du puits situé dans la cour du manoir « des Templiers » (Jubert, 1940, p. 651) ; il a donc vraisemblablement existé ici un système d’alimentation en eau similaire.

3. Le mobilier associé à l’occupation médiévale

La céramique (S. Dervin)

50La céramique associée à l’occupation médiévale représente un ensemble de 125 tessons pour un nombre typologique d’individus de 13 vases, dont une seule forme archéologiquement complète (fig. 20). L’ensemble des éléments céramiques recueillis renvoie à une occupation inscrite entre la seconde moitié du xive et la première moitié du xve s.

Figure 20 : Céramique issue des contextes liés à la phase d’abandon de l’occupation médiévale. / Figure 20: Pottery from abandon contexts of the medieval settlement.

Figure 20 : Céramique issue des contextes liés à la phase d’abandon de l’occupation médiévale. / Figure 20: Pottery from abandon contexts of the medieval settlement.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

51À l’exception des grès du Mortainais/Domfrontais, les groupes techniques identifiés ici correspondent aux productions du Bessin/Cotentin. Ces productions ont été caractérisées à partir des sites de production du Molay-Littry (Flambard-Héricher, 2002) et de plusieurs sites d’utilisation du bas Moyen Âge dont notamment ceux de Caen et Courseulles-sur-Mer (Bocquet-Liénard et al., 2011, 2013). Elles consistent en pâtes claires glaçurées et en pâtes rouges issues des formations du Trias, présentes dans le Bessin/Cotentin. Sur le site de Langrune, les deux tiers des tessons et surtout, plus de 90 % des vases, proviennent de cette aire de production. Les grès du Mortainais/Domfrontais sont l’unique production non locale présente sur ce site au bas Moyen Âge, dont l’approvisionnement en céramique était donc essentiellement tourné vers les productions locales qui proposaient une gamme étendue de vaisselle, en formes comme en matériaux (commune, glaçurée et grès). Il faut également souligner l’apparition dans ces contextes de la fin du Moyen Âge de quelques vases provenant des ateliers du Pays d’Auge, situés à une quarantaine de kilomètres. Leur faible présence dans ces contextes du nord de la plaine de Caen est toutefois régulièrement soulignée, comme le suggèrent les contextes d’abandon de l’habitat de Courtisigny (Bocquet-Liénard et al., 2013).

52Le panel de formes rencontrées à Langrune-sur-Mer se rencontre également sur le site du village déserté de Courtisigny. Ce vaisselier inclut un pot à dispositif rapporté (PDR), une coupe, quatre jattes et deux lèchefrites.

53Un pot à dispositif rapporté (fig. 20, no 10) provenant du Mortainais/Domfrontais est doté d’une lèvre éversée à 45 degrés, à extrémité arrondie et face supérieure concave et inclinée. Le col est court et vertical, la transition col/panse marquée par un petit bourrelet, la panse globulaire et l’extremum de panse centré. Le fond est plat à légèrement convexe. Une anse plate à bords épaissis s’attache sur la lèvre et au milieu de la panse. Des tenons rapportés ont également été ajoutés sur la lèvre. Ce type de vase a été découvert dans les contextes du xive et du début du xve s. du château de Caen (Guillot, 2015, p. 226), mais également dans l’Orne, à Écouché (Carpentier, 2014) ou dans la Manche, à La Lucerne-d’Outremer (Ducœur, 1991).

54La coupe est un exemplaire à panse hémisphérique et fond plat correspondant à un pied balustre (no 6). Une glaçure plombifère en recouvre la face interne. Des coupes comparables ont été également découvertes dans les contextes du xive s. du château de Caen (Guillot, 2015) et de l’abbaye Saint-Étienne (Burnouf et al., 1983).

55Les jattes hémisphériques (nos 5 et 7) possèdent une lèvre éversée à plus de 90 degrés, terminée par une extrémité arrondie. De telles jattes se rencontrent régulièrement dans les contextes locaux de la fin du xive et du xve s., notamment sur le site de Courtisigny (Bocquet-Liénard et al., 2013). Elles complètent d’autres jattes présentes avec une panse plus tronconiques. Ces dernières jattes (nos 1, 4) sont dotées d’une lèvre en bandeau à face externe concave et face supérieure en courbe continue, pincée pour former un bec. La panse est hémisphérique et le fond convexe. Ce type de jatte est également bien représenté au sein des contextes de la fin du xive jusqu’au xvie s. à Courseulles-sur-Mer et à Caen, sur le site de la rue Montoir-Poissonnerie (Bocquet-Liénard et al., 2011, p. 254).

56Les deux lèchefrites (nos 2 et 3) sont l’une, dotée d’une lèvre droite à extrémité arrondie, et l’autre d’une lèvre éversée à face supérieure légèrement concave (en flèche). Ces formes apparaissent dans le courant du xive s. au sein des contextes bas-normands et se font plus fréquentes au cours du siècle suivant, comme à Caen sur le site de Montoir-Poissonnerie notamment.

Le petit mobilier

57Cette catégorie n’est représentée que par deux objets : un dé à coudre et un mortier en calcaire. Il est évident que le site a fait l’objet d’une récupération systématique après son abandon et que la quasi-totalité des objets ont été prélevés.

58Le dé à coudre (fig. 21) est un modèle en alliage cuivreux, découvert dans les niveaux supérieurs du remplissage de la cour, mêlé aux éboulis issus des bâtiments périphériques. Cet objet est d’une facture soignée. Des dés à coudre comparables ont été mis au jour pour la fin du Moyen Âge sur plusieurs autres sites de la plaine de Caen. Il s’agit de dés ou bagues à coudre ornés de points en creux ronds sur toute leur surface, qui furent utilisés dans la confection textile ou le travail du cuir dès le xiie s. et jusque dans le courant du xxe s. Au xvie s., la production en série émet des objets moulés et estampés de la marque de l’atelier de production (Holmes, 1988, p. 3 ; Egan, 2005, p. 131), puis, au cours du xviie s., l’essor de la production mécanique entraîne la disparition de ces marquages (Berthon, 2013, p. 52). Aucune marque de fabrique n’est présente sur l’exemplaire de Langrune, dont la facture générale évoque bien cependant une production médiévale.

Figure 21 : Dé à coudre en alliage cuivreux et mortier en calcaire médiévaux. / Figure 21: Medieval copper alloy thimble and limestone mortar.

Figure 21 : Dé à coudre en alliage cuivreux et mortier en calcaire médiévaux. / Figure 21: Medieval copper alloy thimble and limestone mortar.

Cliché et DAO E. Ghesquière, Inrap.

59Un fragment de mortier en calcaire (fig. 21) a été recueilli au nord-ouest de la cour, dans un contexte similaire à celui du dé. Il mesure 23 cm de diamètre externe pour 15 cm de diamètre interne et autant de hauteur (incomplète). Une large poignée moulurée se détache d’un des côtés. Il est impossible de déterminer si cet exemplaire possédait ou non plusieurs poignées identiques. Aucun dispositif verseur n’est présent sur le fragment. Ce type de mortier en calcaire fin, courant et produit localement dans de nombreuses carrières de la région caennaise, couvre toute la fin de la période médiévale (Dujardin et al., 1991 ; Verbrugghe, 2015).

Matériaux de construction et de couverture

60Les matériaux de construction identifiés dans les niveaux de destruction du bâtiment 1 et de la cour fermée, consistent en matériaux lapidaires, lauzes en ardoise et blocs de calcaire fin, et non lapidaires, petites pointes en fer et vestiges de bois d’œuvre carbonisés issus d’un plancher, et tuiles faîtières.

Éléments lapidaires

61Cette catégorie réunit des lauzes de toiture et des blocs lapidaires en calcaire fin.

Lauzes en ardoise verte ou bleue

62Les lauzes sont issues de plusieurs fosses creusées dans la cour et sous un mur du bâtiment 4, ainsi que des remblais de destruction sus-jacents aux couches d’incendie dans la cour et l’emprise du bâtiment 1. Deux types ont été identifiés : d’une part, des lauzes en ardoise verte, originaires du Nord-Cotentin, issues pour l’essentiel du comblement de la fosse 231 qui est antérieure au mur est du bâtiment 4, mais également présentes au sein de la couche d’incendie du bâtiment 1 ; et d’autre part des lauzes en ardoise bleue, issues des carrières du Bocage virois, formant l’ensemble des déchets de taille retrouvés dans les fosses groupées au centre de la cour (st. 210, 211, 212), ainsi qu’une partie des vestiges de l’effondrement de la toiture du bâtiment 1.

63Les données réunies au sujet de ces matériaux de couverture, depuis les recherches pionnières de Michel de Boüard (1965), ont été enrichies au début des années 1980 par celles de Max Brier et Pierre Brunet sur l’architecture rurale traditionnelle normande (1984, 55 sq.). Puis, à la fin de la décennie suivante, de nouveaux travaux dédiés au patrimoine industriel de la région sont revenus sur le changement important qui affecta les approvisionnements de la région caennaise en ardoises de couverture, au milieu du xive s., à l’issue duquel les ardoisières vertes du Nord-Cotentin ont laissé place à celles du Bocage virois (Rioult et al., 1999). Quelques fouilles confirment cette chronologie, par exemple, après celle du hameau de Trainecourt (Taupin, 1996), l’étude du site de Tourville-sur-Odon, au sud de Caen, où l’on n’observe effectivement que des ardoises bleues, originaires du pays virois, après ce terme (Carpentier, 2018b). À Langrune, la fosse 231, antérieure au bâtiment 4, et comblée d’ardoises vertes, pourrait donc elle aussi être antérieure au milieu du xive s. Elle témoignerait par ailleurs de l’existence d’un ou plusieurs édifices couverts en ardoises antérieurs à ce terme. Les autres contextes en revanche, dont le bâtiment 1, caractérisé par la présence d’ardoises bleues, résulteraient de constructions ou de réfections de couverture postérieures, c’est-à-dire comprises entre le milieu du xive et la première moitié du xve s.

64Ces lauzes, qu’elles soient vertes ou bleues, n’offrent aucune distinction morphologique. Il s’agit dans les deux cas de plaques de schiste épaisses de 15 mm en moyenne, taillées en forme de trapèzes allongés (moins larges du côté de l’attache et nettement arrondies de l’autre côté), et perforées d’un trou d’attache carré à leur extrémité. Leur taille varie d’une douzaine de centimètres jusqu’à plus d’une vingtaine de centimètres pour les plus grandes, toutes retrouvées brisées (les modules les plus fréquents des lauzes viroises sont, à l’époque moderne et contemporaine : 13 × 21, 18 × 27, et 20/22 × 30/32 cm). Ces variations s’expliquent manifestement par leur disposition sur le toit par ordre de tailles, les plus petites en haut et les plus grandes en bas, leur face visible, nettement convexe, créant un effet esthétique en « écaille de poisson ». Les trous d’attache, carrés, recevaient une ou parfois deux chevilles en bois assurant leur fixation sur la charpente. Les lauzes bleues retrouvées dans le comblement des fosses creusées au centre de la cour, ont manifestement été brisées pour la plupart lors du percement de ce trou ; il s’agit donc de pièces rejetées lors d’un chantier de couverture. On note en revanche que celles recueillies dans les remblais du bâtiment 1, notamment à hauteur de la pièce 3, ont toutes subi l’action du feu qui a causé leur rubéfaction et les a rendues friables. Celles-ci ont donc été posées.

65La qualité de ces matériaux semble témoigner d’un certain lustre pour le bâtiment 1, à tout le moins sans comparaison avec les occupations plus ordinaires fouillées à ce jour dans la région de Caen pour les derniers siècles du Moyen Âge. Des lauzes de couverture en ardoise bleue se retrouvent fréquemment en revanche sur les manoirs seigneuriaux de la petite et moyenne aristocratie du Cotentin, où elles étaient fixées au moyen de chevilles en châtaignier et jointoyées au mortier (Boithias et Mondin, 1978, p. 22 ; Brier et Brunet, 1984, p. 71).

Lapidaire en calcaire fin

66Une série d’éléments lapidaires en calcaire fin, d’origine locale, a été retrouvée lors de la fouille du grand bâtiment 1, ainsi qu’en moindres proportions dans les remblais de la cour et à proximité du bâtiment 2 (fig. 22). Les éléments préservés en place se concentrent cependant dans l’emprise du bâtiment 1, la plupart des autres ayant été retrouvés en situation de rejet parmi les éboulis et remblais de destruction. Hormis plusieurs blocs parallélépipédiques correspondant à des fragments de moellons utilisés notamment pour les arêtes des murs (non collectés), quelques éléments présentent des tailles ou des moulures témoignant d’un usage particulier dans la construction. Ces derniers correspondent généralement à des jambages (fig. 22, no 8), ou à des corniches (no 3).

Figure 22 : Éléments lapidaires en calcaire découverts en position de rejet dans les déblais de destruction des bâtiments. Encadrements d’ouvertures chanfreinés (nos 1, 5) ; corniche (n3) ; crapaudine (no 4) ; pierre de caniveau (no 6) ; piédroit (no 7) ; jambage chanfreiné (no 8). / Figure 22: Limestone stone elements found discarded in the rubble from the demolition of the buildings. Chamfered opening surrounds (nos. 1, 5); cornice (no. 3); crenellation (no. 4); gutter stone (no. 6); pediment (no. 7); chamfered jamb (no. 8).

Figure 22 : Éléments lapidaires en calcaire découverts en position de rejet dans les déblais de destruction des bâtiments. Encadrements d’ouvertures chanfreinés (nos 1, 5) ; corniche (no 3) ; crapaudine (no 4) ; pierre de caniveau (no 6) ; piédroit (no 7) ; jambage chanfreiné (no 8). / Figure 22: Limestone stone elements found discarded in the rubble from the demolition of the buildings. Chamfered opening surrounds (nos. 1, 5); cornice (no. 3); crenellation (no. 4); gutter stone (no. 6); pediment (no. 7); chamfered jamb (no. 8).

Dessin/DAO E. Ghesquière, Inrap.

  • 7 Par exemple à Montfarville, dans la Manche (<https://www.decouvrir-montfarville.fr/montfarville_architecture_rurale_normande2.html>).

67Six blocs de taille, dont cinq collectés dans l’emprise de la pièce 1 et un dans la pièce 8, sont plus originaux. Ils proviennent tous d’un même élément assemblé octogonal, de section intérieure cylindrique, maçonné au mortier sur au moins trois assises de hauteur soit environ 90 cm (fig. 23). Le diamètre interne restitué de cet élément atteint 70 cm. Les blocs portent des traces de mortier à partir desquels il est possible de restituer en partie leur mode d’assemblage. L’un d’eux présente en outre un saillant qui correspond au rebord supérieur. Ce rebord n’est pas usé par le frottement, mais irrégulier, comme s’il avait été soumis à une météorisation. Une rubéfaction partielle est également présente sur quelques-uns de ces blocs. En revanche, aucune trace d’arceau ou de fixation métallique n’a été relevée. Il paraît s’agir d’une souche de cheminée, vraisemblablement tombée du toit à hauteur de sa position d’origine. Des souches octogonales offrant des dimensions similaires sont en effet connues pour la fin du Moyen Âge, dans le Midi de la France (Napoléone, 2003), mais aussi en Normandie7, en briquettes ou en pierres de taille, et cette interprétation expliquerait les traces d’altération du rebord. Une telle cheminée relève d’une architecture élitaire, sans comparaison avec les installations répertoriées à ce jour au sein de l’habitat « paysan » dans la région pour les derniers siècles du Moyen Âge (Carpentier et Brière, 2018).

Figure 23 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » - Reconstitution d’une souche de cheminée octogonale dont les éléments subsistants (sauf un) ont tous été retrouvés dans la pièce 1 du bâtiment 1. / Figure 23: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" - Reconstruction of an octagonal chimney, the surviving parts of which (except one) were all found in room 1 of building 1.

Figure 23 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » - Reconstitution d’une souche de cheminée octogonale dont les éléments subsistants (sauf un) ont tous été retrouvés dans la pièce 1 du bâtiment 1. / Figure 23: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" - Reconstruction of an octagonal chimney, the surviving parts of which (except one) were all found in room 1 of building 1.

Cliché et DAO E. Ghesquière, Inrap.

Pointes en fer et charbons, vestiges d’un plancher (bâtiment 1)

68Un lot de pointes en fer, de section quadrangulaire et longues de 4 cm, a été recueilli dans l’épaisseur de la couche rubéfiée tapissant les pièces 1 et 3 du bâtiment 1 (fig. 24). Ces pointes ne sont clairement pas des éléments de fixation adaptés aux lauzes, dont le trou d’attache indique qu’elles étaient certainement fixées par des chevilles en bois, selon l’usage très majoritairement attesté dans la région avant le xve s. au moins (de Boüard, 1965, p. 433). Il s’agit plutôt, au vu de leurs dimensions et des hypothèses émises plus haut, de pointes utilisées pour la fixation d’un plancher. On les trouve effectivement associées à la couche de sédiment rubéfié qui contient également de gros charbons de bois qui ont conservé la forme de planches calcinées. L’un de ces charbons, issu de la couche rubéfiée, a été daté par le radiocarbone du xiiie s. (1216-1282 AD), tandis qu’un autre, issu quant à lui de la couche de remblais sus-jacente, remonte au cours du xive ou au début du xve s. (1300-1418 AD) [st. 229, Beta 462 983, et st. 171, Beta 462 609]. Les charbons issus de la couche rubéfiée ont donné lieu à un prélèvement anthracologique confié pour étude à Hélène Seignac, Inrap, et Vincent Bernard, CNRS, UMR 6566-Creaah. Cet échantillon est composé à 90 % de chêne et à 10 % de hêtre. Cette dernière essence, trop cassante, fournit de médiocres bois de charpente ; elle constitue en revanche un matériau beaucoup plus adapté à la confection de lames de plancher. Les attestations de planchers médiévaux sont rares à ce jour en Normandie et surtout, cantonnées aux ensembles fortifiés du bas Moyen Âge (Lardin, 2004 ; Sintic, 2008). Les éléments d’analyse du bâtiment 1 invitent néanmoins à penser qu’il s’agirait ici d’un plancher d’étage. En effet, bien qu’il soit impossible d’exclure complètement la possibilité d’un plancher de sol, les fouilles d’habitations de la région de Caen ont bien montré pour cette période que les sols n’étaient le plus souvent pas recouverts. L’incendie de ce plancher, effondré, expliquerait la rubéfaction du substrat de la pièce 1 du grand bâtiment.

Figure 24 : Échantillon de pointes en fer découvertes en grand nombre dans la couche d’incendie des pièces 1 et 3. / Figure 24: Sample of iron points found in large numbers in the fire layer of rooms 1 and 3.

Figure 24 : Échantillon de pointes en fer découvertes en grand nombre dans la couche d’incendie des pièces 1 et 3. / Figure 24: Sample of iron points found in large numbers in the fire layer of rooms 1 and 3.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

Tuiles faîtières vernissées

69Des tuiles faîtières vernissées ont également été découvertes, mêlées aux lauzes dans les pièces 1 et 3 du bâtiment 1 (fig. 25). Leur position, sensiblement centrée au sein de la couche d’effondrement, est cohérente avec le faîte d’un toit à double pente qui se serait effondré d’une pièce au centre de l’édifice.

Figure 25 : Tuile faîtière vernissée. / Figure 25: Glazed ridge tile.

Figure 25 : Tuile faîtière vernissée. / Figure 25: Glazed ridge tile.

DAO E. Ghesquière, Inrap.

  • 8 Bibl. Nat., Ms fr. 26 035, nos 1447 et 3972.

70De nombreux fragments de mortier de chaux associés aux tuiles (ainsi qu’aux lauzes) ont été observés au sein des couches d’incendie, témoignant de leur jointoiement destiné à assurer l’étanchéité du toit. Les tuiles ont été produites en pâte rose, vernissée en vert et en orange, et comportent un décor plastique ajouté en deux endroits. Ce type, sans être particulièrement courant, est assez bien représenté sur plusieurs sites régionaux (information S. Dervin) et correspond très vraisemblablement à une production locale du Calvados, peut-être originaire des ateliers de Bavent ou du Molay-Littry, sachant que les mentions de tuileries sont relativement rares à l’ouest de l’Orne avant la fin du xive ou le xve s. Michel de Boüard (1965, p. 13) en cite deux, à Fresné-la-Mère, près de Falaise, en 1392, ainsi qu’à Barbery, dans le canton de Bretteville-sur-Laize, en 14068.

71De même que les lauzes, ces tuiles faîtières constituent des indicateurs de statut élitaire pour cette période. On relève également, sur les manoirs seigneuriaux de la petite et moyenne aristocratie du Cotentin, la présence de tuiles et d’épis de faîtage vernissés et ornementés, signes d’aisance et de caractère nobiliaire. Si les données sont encore dispersées pour la Normandie, où elles font actuellement l’objet d’une réflexion collective en cours (Craham, 2017), la mise en perspective de ces éléments avec d’autres régions, comme la Bourgogne où les toitures en tuiles polychromes sont beaucoup plus courantes, met aussi clairement en lumière leur caractère ostentatoire, révélateur de richesse et d’un statut social au-dessus de la moyenne (Aumard et al., 2009).

4. La première « ferme-manoir » des xiiie-xive s. fouillée en Normandie et sa postérité, ou de l’évolution d’une résidence élitaire entre bas Moyen Âge et Époque moderne

72En dépit de contraintes sévères imposées par l’aménagement, la fouille de cette occupation médiévale de Langrune-sur-Mer a permis de réunir les principaux éléments nécessaires à la compréhension d’un type de grand établissement de la fin du Moyen Âge, fort peu documenté par ailleurs dans la région, en dépit du fait qu’on le trouve décliné à travers de nombreux ensembles architecturaux encore habités à travers le nord de la plaine de Caen et le Bessin.

73Cet ensemble a été installé entre la fin du xiiie et le milieu du xive s., en limite est du village de Langrune-sur-Mer, à 130 m de l’église paroissiale qui en occupe le centre. Il s’inscrit dans les limites d’une parcelle rectangulaire, aujourd’hui entourée de hauts murs sur ses trois côtés ouest, nord et est, au sein d’une cour déprimée couvrant une superficie de 1 500 m² environ. Le site était desservi par deux chemins, à l’ouest, une venelle encadrée de murs, perpendiculaire à la rue des Chasses qui était l’une des voies principales du village, et à l’est, un simple chemin de terre bordé de fossés. Quatre bâtiments à fondations de pierre sont organisés autour de cette cour, dont un – le plus grand – la sépare en deux parties, la première fermée par les édifices et la seconde ouverte. Ce grand édifice (bât. 1), mesurant 23 × 14,5 m, se dressait à l’est des trois autres. Il est interprété à l’issue de la fouille comme une habitation élitaire, dotée d’un étage au moins. Deux autres édifices rectangulaires (bât. 2 et 3) encadraient la cour au nord et au sud, perpendiculairement au premier. Ils mesuraient respectivement 8 × 5 m et 12 m pour une largeur inconnue. Un quatrième édifice, de plan carré (5,5 m de côté), prenait appui sur le mur bordant la venelle, à hauteur de l’entrée ouest de la cour (bât. 4). Le plan de ses fondations évoque une tour et plus précisément, un pigeonnier, qui se dressait près de l’une des deux entrées reconnues. L’autre, identifiée dans l’angle nord-est de la cour, entre les bâtiments 1 et 2, correspondait manifestement à une porte charretière, en partie couverte.

74Outre ces édifices, une fosse interprétée comme une fumière, alimentée par un caniveau pavé, a été mise au jour dans l’emprise de la cour, à l’ouest. De plus, à une cinquantaine de mètres au sud de la cour, le long du chemin ouest, a été identifiée une grande mare de 19 × 15 m, creusée jusqu’à 1,80 m de profondeur sous le sol actuel, en partie limitée par deux murets de clôture. Cette mare, sans doute à usage d’abreuvoir, était alimentée par des fossés. Elle a succédé à une série de creusements interprétés comme des carrières de calcaire. D’autres excavations similaires avaient également été observées lors du diagnostic au sud de la parcelle, le long de la rue des Chasses, sur environ 60 m de longueur (zone non prescrite).

75Les investigations se sont surtout concentrées sur le grand bâtiment 1, qui a pu être presque entièrement étudié. Ses dimensions, l’architecture de ses murs, les éléments lapidaires découverts dans les remblais ou en place à la base des maçonneries, conduisent à l’identifier comme un grand logis couvrant près de 330 m² au sol, subdivisé au rez-de-chaussée en une dizaine de pièces périphériques organisées autour d’une salle dont la superficie atteint 100 m². L’aménagement intérieur comprenait des jambages chanfreinés de même qu’une souche de cheminée octogonale. Un étage surmontait très vraisemblablement le niveau de plain-pied, doté d’un plancher en lattes de hêtre clouées de fer, dont quelques vestiges ont été calcinés et se sont effondrés au sol. De même, l’incendie à l’origine de cette destruction a également entraîné l’effondrement de la toiture, dont un certain nombre d’ardoises de couverture et de tuiles faîtières vernissées ont été retrouvées dans les niveaux d’abandon. Cet incendie, survenu vers le début du xve s., a également entraîné la rubéfaction de la base des murs, du sol, et la formation d’une couche rubéfiée tapissant par endroits celui-ci. Cette couche a par la suite été recouverte par les remblais issus de l’effondrement de la toiture en lauzes, puis des murs. Ces matériaux ont alimenté une campagne de récupération au cours des xviie-xviiie s. Une date radiocarbone obtenue sur un charbon extrait de la couche rubéfiée indique le cours du xiiie s. (1216-1282 AD, probabilité de 95,6 %). Il semble donc que le bâtiment 1 ait été construit à cette époque, peut-être vers la fin de ce siècle, puis détruit par un incendie, avec les autres édifices, dans la première moitié du xve s.

76Nous aurions ainsi affaire à un établissement de quelque envergure, fondé au xiiie s., peut-être plutôt vers la fin de ce siècle, puis occupé jusqu’au début du xve s., époque marquée notamment par la conquête puis l’occupation anglaise de la Normandie. Caen fut ainsi assiégée et capturée en septembre 1417 par les troupes d’Henry V d’Angleterre, qui occupèrent la ville et la province jusqu’en 1450 (Neveux, 2007). Les mobiliers en présence – céramique, lauzes, tuiles ainsi qu’un mortier en calcaire – confortent tous cette datation. Quelques éléments renvoient probablement quant à eux, aux origines de l’établissement. On note ainsi qu’un groupe de fosses mises au jour dans l’emprise de la cour, sous la fondation du bâtiment 4, a livré des fragments d’ardoises vertes, interprétées comme des résidus de taille. Ils correspondraient de ce fait à un chantier de couverture antérieur à la construction de la tour pigeonnier. Ces tuiles vertes auraient ensuite été remplacées ou complétées, sans doute vers le milieu du xive s. ou plus tard, par des ardoises bleutées en provenance des carrières de la région de Vire qui supplantent à cette époque les exploitations du Cotentin.

77Si l’agencement intérieur du grand bâtiment reste au final peu renseigné (aucune trace au sol de cheminée par exemple, bien que la souche octogonale ait été identifiée, ni d’escalier ni d’aménagement de sol conservé en place…), ses dimensions ainsi que les matériaux employés dans sa construction traduisent un statut socio-économique élevé pour le second Moyen Âge. En comparaison, les trois autres édifices entourant la cour n’ont livré aucun matériel comparable, pas plus que d’outils ou autres témoins de leurs fonctions, supposées agricoles et économiques au sens large. La présence d’une fumière alimentée par un caniveau dont le point d’origine est situé hors emprise au sud, indique par ailleurs l’existence d’une étable/écurie supplémentaire, extérieure à la cour, mais sans doute relativement proche de la mare. Ce complexe bâti, organisé autour d’une cour quadrangulaire cernée par de hauts murs, n’offre donc rien de commun, en termes de surfaces, d’architecture ni de volumes, avec les maisons des xive-xve s. déjà évoquées, fouillées depuis les années 1990 à Saint-Ursin-de-Courtisigny, à Trainecourt, ou encore à Moult, Jort et Vieux-Fumé, plus à l’est de la plaine de Caen. Ces dernières ne consistent qu’en un unique corps de bâtiment, parfois doté d’un retour d’angle, comme à Jort, et le plus souvent associé à une cour excavée. Les couples cour-habitation s’intègrent à des groupements d’ampleur variable, desservis par des chemins, des venelles ou une rue centrale. Quelques maisons sont plus grandes que la moyenne et parfois dotées de plusieurs pièces avec une cuisine séparée à Moult, et parfois un étage dont l’existence peut être déduite à partir des vestiges d’un escalier, comme à Trainecourt ainsi peut-être qu’à Moult. Toutefois, il n’est guère question pour ces sites d’ensembles aussi imposants que celui de Langrune. Ce dernier s’apparente bien davantage aux grandes fermes à plan quadrangulaire et cour fermée connues dans le nord de la campagne de Caen et le Bessin, et plus largement dans le nord-ouest de l’Europe, pour les xive-xve s. et au-delà (Chapelot et Fossier, 1980, p. 220-222). Ces établissements sont concomitants de la vaste famille des « maisons fortes » qui se déploie au cours du second Moyen Âge et dans les premiers temps de l’époque moderne, bien représentée dans l’ouest de la France par divers exemples, archéologiques ou patrimoniaux (Sirot-Chalmin, 2007 ; Litoux et Carré, 2008 ; Renoux, 2008 ; Meuret, 2013). En l’absence ou quasi-absence de fouilles (quelques exceptions sont tout de même à noter : Lorren, 1977 ; Brière, 2004 ; Pradié, 2008), la déclinaison de leurs formes et évolutions reste encore largement méconnue en Normandie où les données sont encore avant tout tributaires aujourd’hui des études historiques (Louise, 1986 ; Impey, 1993 ; Buisson, 1994 ; Casset, 2001 ; Carpentier, 2008, 2010).

78Dans cette région, la maison à cour fermée est caractéristique des pays de plaine céréalière ouverte de l’ouest de la province (Plain, Bessin, plaines de Caen et de Falaise, d’Argentan et de Sées), ainsi que des campagnes semi-bocagères du Perche et des plateaux calcaires et crayeux de la Haute-Normandie (Vexin normand, plaine d’Évreux-Saint-André) [Musset, 1958, 1960 ; Lauvaux, 1967 ; Boithias et Mondin, 1978, p. 38 sq. ; Brier et Brunet, 1984, p. 67 sq.). Elle existe aussi cependant dans d’autres secteurs, notamment à l’ouest des plaines, en pays de bocage clair, dans le sud du Bessin, dans le Coutançais et le Nord-Cotentin, où beaucoup de maisons nobles ont été bâties autour d’une cour enclose. La maison à cour fermée présente un plan de masse organisé autour d’une cour rectangulaire ou carrée, bordée sur ses côtés de bâtiments ou de groupes de bâtiments d’habitation et d’exploitation, jointifs ou reliés par des murs : « Au fond d’une cour carrée ou rectangulaire se dresse la maison d’habitation ; en face d’elle, en bordure de la rue, la grange est percée en son milieu par une entrée cochère. Les écuries et les étables occupent les deux autres côtés. Derrière l’habitation s’étend un pré dont la partie bordant la maison a été transformée en jardin. L’habitation communique avec la cour et le jardin où donnent les fenêtres et une porte » (Eudes, 1946, p. 37). Sur ce cadre théorique se sont greffées au fil des siècles et au cas par cas diverses adaptations et déformations qui, au final, confèrent une assez large diversité à cet archétype de la maison à cour fermée. D’une manière générale, le plan de masse se présente de deux façons. Dans un premier cas de figure, la maison est dite « entourée » lorsque les bâtiments qui entourent la cour, habitation et dépendances, ne sont pas tous jointifs, mais sont entourés ou reliés entre eux par un mur qui forme clôture – c’est le cas de Figure observé à Langrune. Dans un autre cas, la maison est « à cour fermée » proprement dite, ou maison « ramassée », lorsque les bâtiments se touchent pour entourer la cour : ce sont alors les murs extérieurs de l’habitation et des dépendances qui constituent la clôture. Or, ces deux déclinaisons se rencontrent encore fréquemment de nos jours en plaine de Caen et dans le Bessin (Brier et Brunet, 1984, p. 70 sq.).

79Dans la plaine de Caen, la ferme « traditionnelle » des xviie-xviiie s. offre un plan rectangulaire régulier de 60 à 100 m de long pour 40 à 60 m de large. Les bâtiments en plaquettes et/ou en moellons de calcaire y ferment complètement la cour, au centre de laquelle se trouve parfois une fumière. Le volume bâti est conséquent, avec une habitation presque toujours pourvue d’un étage au moins, et des bâtiments d’exploitation à deux niveaux surmontés de vastes greniers. La plupart des ouvertures sont disposées en travées régulières et espacées, donnant sur la cour, les façades extérieures en étant peu pourvues. On accède à la cour à partir du chemin ou de la rue, par une large porte cochère à deux vantaux. Une ou deux autres portes cochères ou charretières permettent d’atteindre l’aire ou une prairie jouxtant l’un des corps de bâtiment d’exploitation. L’habitation, nettement séparée des dépendances, est située au fond de la cour, face au portail d’entrée. Son plan au sol est allongé et ses pièces plutôt réparties de part et d’autre d’une pièce de distribution, couloir ou entrée, prolongée par l’escalier qui donne accès aux étages. Les bâtiments d’exploitation comprennent des écuries dont la partie haute est percée de cases à pigeons, une grange avec porte charretière et aire de battage, divers charreteries et appentis. Dans le Bessin, la « ferme-manoir » de la fin de l’Époque moderne, qui peut être une ancienne maison seigneuriale ou bien une ferme plus ou moins fortifiée, se distingue par une amplification des volumes et des formes communes aux fermes de la région (Brier et Brunet, 1984 ; Déterville, 1999). Granges et étables y représentent 30 à 50 % de la surface bâtie au sol, et il arrive que la cour ne soit pas entièrement entourée de bâtiments, auquel cas un mur opère la séparation avec un jardin ou un pré à veaux, eux-mêmes enclos. On accède à la cour par un porche couvert qui comprend une porte charretière et une porte piétonne. Au centre de la cour, à hauteur des étables, se trouve une vaste fumière et parfois, une fosse à purin reliée aux étables par des rigoles pavées. Le puits ou la mare y sont beaucoup moins fréquents qu’en plaine de Caen, tandis que le pigeonnier ou colombier (« fuie ») est le plus souvent intégré à l’un des bâtiments entourant la cour, sous la forme d’un grenier pourvu de nombreux trous de boulins.

80Les différentes composantes observées à Langrune renvoient donc plutôt à ce modèle de la « ferme entourée » du Bessin, où les communs représentent généralement le quart de la surface bâtie. Les fermes-manoirs du Bessin encore en élévation datent pour la plupart du xviie s., au début duquel les propriétaires nobles du Bessin commencèrent à convertir massivement leurs propriétés en domaines herbagers, concomitamment au « couchage en herbe » (vaste mouvement de création d’herbages lié à l’essor de l’élevage dans certaines régions, dont la Normandie) qui affectait cette partie de la province en réponse à une demande urbaine croissante (Garnier, 1975 ; Poncet, 2019, p. 265-288). En outre, depuis la fin du Moyen Âge, une catégorie aisée de paysans « laboureurs » avait émergé au sein des campagnes et acquis peu à peu, au fil des générations, des titres de noblesse (de robe), fiefs ou offices ainsi que de vastes ensembles fonciers et agricoles. Dans le Bessin tout particulièrement, ce mouvement se manifeste précocement, dès la fin du xive s. (Boudin, 1963). Certaines familles de laboureurs se muèrent à cette époque en familles de « gentilshommes », partageant désormais les us et coutumes de la petite noblesse rurale, de même que leur genre de vie et manière d’habiter. L’achat d’une seigneurie est ainsi l’un des moyens les plus simples d’accéder à la condition enviée de « gentilhomme campagnard ». Dès 1436, le Traité du duel judiciaire d’Olivier de La Marche énumère ainsi, au nombre des cinq conditions d’appartenance à la noblesse, le fait de « Mener vie honnête de “nobles hommes” et se peuvent les hoirs venant d’eux se nommer gentilshommes » (cité par Constant, 2004, p. 67 sq.). Jusque dans le cours du xviie s., ces roturiers enrichis acquirent ou se firent bâtir de vastes « fermes-manoirs » aux signes extérieurs nobiliaires, y compris quelques éléments de fortification empruntés aux châteaux, symboles de la vieille aristocratie féodale : portes renforcées, bretèches en angles extérieurs, meurtrières, tours et tourelles, colombier ou chapelle… Jusque sous la Restauration et au-delà, au gré des fortunes économiques, familiales ou matrimoniales, certains parmi ces logis devinrent ainsi les résidences de familles enrichies, de plus en plus éloignées de leurs domaines agricoles dont elles ne percevaient plus alors que des fermages. D’autres sites, mais le cas est moins fréquent, perdirent peu à peu leur lustre jusqu’à devenir de simples fermes dont la plupart des anciennes pièces furent converties en locaux utilitaires (Musset, 1962).

81Il reste que ces grandes fermes-manoirs du Bessin n’ont guère fait l’objet de fouilles approfondies permettant d’appréhender sur des bases objectives la question de leurs apparition et développement. Les travaux d’inventaire les plus récents révèlent cependant que nombre d’entre elles conservent des parties bâties antérieures au xviie s., remontant quelquefois jusqu’au xive s. (Gourbin, 2014, cf. divers exemples dont La Rançonnière à Crépon, p. 22-23 ; la Ferme Marguerie à Étreham, p. 34-35 ; le manoir de La Rivière à Géfosse-Fontenay, p. 40-41 ; ceux de Douville et du Quesnay à Mandeville-en-Bessin, p. 50-51 et 54-55 ; le manoir d’Argouges à Vaux-sur-Aure, p. 72-73 ; la ferme-manoir de Banville-en-Villiers à Villiers-le-Sec, p. 76-77…). Il est établi par conséquent qu’un certain nombre de ces sites furent fondés au cours des deux derniers siècles du Moyen Âge, en lien avec les évolutions sociales de la riche paysannerie évoquées plus haut. Un constat similaire se dessine également pour d’autres régions françaises, comme l’Île-de-France, où des établissements comparables ont été étudiés et plus rarement fouillés pour les xve-xviiie s. Les premières « fermes fortes » franciliennes, nombreuses entre Seine et Marne, remontent en effet à la fin du Moyen Âge ou au xvie s., avec un fort développement au cours des xviie-xviiie s. dont rend compte l’exemple archéologique de la ferme du Colombier, à Varennes-sur-Seine, fouillée par Sèverine Hurard (Hurard, 2012). À l’instar de nombreux sites de même nature (Hurard et al., 2018 ; Dufour, 2015), les bâtiments y sont disposés en quadrilatère autour d’une cour, souvent entourée d’un fossé, avec parfois des tours, un pont-levis… Les propriétaires étaient des membres de la bourgeoisie montante, soucieux de maintenir les références à des formes architecturales médiévales, porteuses d’identité nobiliaire (Journot et Bellan, 2011, p. 42).

82Sous cet angle, il convient en dernier lieu de souligner que le contexte de propriété identifié à Langrune, à la lumière des archives post-médiévales évoquées en introduction, offre une correspondance avec ces cas de Figure recensés pour le Bessin ou l’Île-de-France. Nous sommes bien ici en présence d’un domaine rural de la fin du Moyen Âge, aux mains de la petite aristocratie locale, relevant d’un ou plusieurs fiefs de statut plus élevé. L’histoire de cet ensemble s’inscrit pleinement dans le cadre d’un émiettement parfois extrême des seigneuries, par ailleurs très caractéristique du nord de la plaine de Caen depuis cette époque. Les vestiges fouillés cependant, sont antérieurs au siège du domaine foncier auquel se rapportent les archives modernes, à savoir le manoir dit des Templiers dont la construction ne remonte très vraisemblablement qu’au début du xvie s. Ce manoir semble bien avoir succédé à la grande « ferme-manoir » de la fin du Moyen Âge fouillée sur la rive opposée de la rue des Chasses. Ces deux édifices et les terres qui les jouxtent appartiennent en effet à un seul et même ensemble foncier, clos de hauts murs, à cheval sur cette rue. Cette succession se serait opérée entre la destruction du premier ensemble, à la suite d’un incendie survenu dans la première moitié du xve s., et le cours du xvie s., époque à laquelle remonte le porche de style gothique flamboyant (fin xve ou début xvie s.) du manoir des Templiers. Il est probable qu’à cette occasion, les pierres et autres matériaux de belle facture collectés sur les ruines du site médiéval, aient été réemployées dans la réfection ou la construction des murs de clôture, ainsi que dans le nouveau manoir. Ceci permettrait d’expliquer la présence dans ses élévations d’éléments disparates attribués au Moyen Âge par les antiquaires de Normandie, alors même que son entrée principale est un portail caractéristique du début du xvie s. (fig. 26).

Figure 26 : Carte postale ancienne montrant le portail gothique flamboyant du manoir des Templiers. / Figure 26: Old postcard showing the flamboyant Gothic portal of the Templar manor house.

Figure 26 : Carte postale ancienne montrant le portail gothique flamboyant du manoir des Templiers. / Figure 26: Old postcard showing the flamboyant Gothic portal of the Templar manor house.

CAP, coll. part.

  • 9 Merci à Émilie Cavanna pour ses remarques reprises dans les lignes qui suivent.

83Quoi qu’il en soit, cet établissement médiéval fouillé à Langrune, et ainsi sauvé de la seconde destruction à laquelle le vouait la reconversion d’un ancien centre de colonies de vacances, constitue bien à ce jour un unicum archéologique au plan régional. Sa postérité nous est également connue au-delà de sa destruction au xve s. : tous les indices convergent en effet pour établir une relation de transfert spatial entre le site médiéval révélé par la fouille et le manoir moderne dit des Templiers, établi sur la rive opposée de la rue des Chasses. L’incendie et l’abandon consécutif du premier au cours de la première moitié du xve s., durant l’invasion anglaise, puis sa reconstruction au xvie s. par une nouvelle élite, de l’autre côté de la rue, constituent un schéma logique et relativement bien documenté. En outre, ce repositionnement d’un site moderne en vis-à-vis d’un site médiéval, fait écho à ce qui a été observé ailleurs en Basse-Normandie par Émilie Cavanna, en l’occurrence dans la vallée de la Touques, à l’est du département du Calvados, au sujet d’un corpus de manoirs occupés au cours des xve-xvie s. (Cavanna, 2012, 2016)9. Dans ce secteur, le phénomène d’anoblissement « taisible » de l’après-guerre de Cent Ans (forme de promotion sociale de certains roturiers par enrichissement et acquisition d’une seigneurie, échappant ainsi aux règles classiques du contrôle royal ; cf. notamment Constant, 2004, en particulier p. 43-55 et 67-80) a donné naissance, à la fin du xve et au cours du xvie s., à une forme de pratique sociale de distinction qui s’est traduite par la réappropriation d’anciens lieux élitaires, généralement en face de ceux-ci et dans un rayon de 100 à 300 m (ici à moins de 200 m). À Langrune, l’utilisation tardivement attestée (son premier emploi n’est pas daté) du toponyme « des Templiers » entrerait d’ailleurs volontiers dans ce schéma, en ayant permis au « gentilhomme » propriétaire du manoir en question, de capter et revendiquer un statut social sinon nobiliaire, du moins plus élevé. On peut d’ailleurs légitimement s’interroger, au vu de la datation, de la qualité des matériaux et surtout de la surface au sol du bâtiment 1, sur une possible filiation entre l’établissement de la fin du Moyen Âge révélé par les fouilles et la grange « dîmeresse » templière, non localisée, mais dont un texte fait bien mention à Langrune en 1389. Le recours au souvenir des Templiers pour désigner le manoir moderne prendrait alors tout son sens.

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Notes

1 Archives départementales du Calvados (ADC), 3P/1940.

2 Plans et arpentages à Langrune et Saint-Aubin-sur-Mer, 1749-1750, ADC H 5446, et terrier de Langrune et Saint-Aubin-sur-Mer, 1771-1780, ADCH5447 ; cf. Jarry 1998, nos 410 et 411.

3 Au début du xiie s., Philippe de Colombières, descendant de Guillaume déjà cité, était le frère de Roger III Bacon du Molay († c. 1190), fondateur en 1148 de la commanderie templière de Baugy (à Planquery, Calvados ; Mannier, 1872 ; Dumontier et al., 1980 ; Pézeril, 1991 ; <http://fracademic.com/dic. nsf/frwiki/1 929 917#cite_note-9>).

4 <http://www.templiers.net/departements/index.php?page=14#1>.

5 ADC, G, Grisy.

6 ADC, Q192 ; cf. Jarry 1998, no 593.

7 Par exemple à Montfarville, dans la Manche (<https://www.decouvrir-montfarville.fr/montfarville_architecture_rurale_normande2.html>).

8 Bibl. Nat., Ms fr. 26 035, nos 1447 et 3972.

9 Merci à Émilie Cavanna pour ses remarques reprises dans les lignes qui suivent.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Localisation du site (les vestiges médiévaux en vert, l’église paroissiale en orange, le manoir des Templiers en rouge et la rue des Chasses en blanc). / Figure 1: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Site location (medieval remains in green, parish church in orange, Templar manor house in red and Rue des Chasses in white).
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9785/img-1.jpg
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URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9785/img-2.jpg
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Titre Figure 2 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » (Calvados). Extrait du cadastre napoléonien de Langrune-sur-Mer (1808) montrant l’emplacement du site (parc no 75, emprises de fouille en trait noir, murs et surfaces bâties en trait fort rouge, chemins en trait fin rouge), et de l’ensemble manorial des Templiers (parc nos 1 à 11) établi au sud de la rue des Chasses (= « Chemin de Langrune à Lion »). / Figure 2: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" (Calvados). Extract from the Napoleonic cadastre of Langrune-sur-Mer (1808) showing the location of the site (park no. 75, excavation areas in black, walls and built-up areas in strong red, paths in thin red), and of the Templar manorial complex (park. n° 1 to 11) to the south of the rue des Chasses (= "Chemin de Langrune à Lion") (ADC 3P/1940, extract from the cadastral sheets B "de l’église" and E "de Langrune", E. Ghesquière, Inrap).
Crédits ADC 3P/1940, extrait de l’assemblage des feuilles cadastrales B « de l’église » et E « de Langrune », E. Ghesquière, Inrap.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9785/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 498k
Titre Figure 3 : Plan-masse compilé des vestiges identifiés lors du diagnostic (tranchées grisées) et de la fouille (emprises en trait noir). En vert, ceux rattachés à l’occupation médiévale. / Figure 3: Compiled ground plan of the remains identified during the survey (grey trenches) and excavation (black lines). Those associated with medieval occupation are shown in green
Crédits DAO É. Gallouin, Inrap.
URL http://journals.openedition.org/rao/docannexe/image/9785/img-4.jpg
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Titre Figure 4 : Localisation des sondages et des aménagements médiévaux dans l’emprise de la cour. / Figure 4: Location of test pits and medieval features in the courtyard.
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Titre Figure 5 : Stratigraphie de la cour médiévale. L’échelle mesure 1 m. / Figure 5: Stratigraphy of the medieval courtyard. The scale measures 1 m.
Légende C0 : Terre végétale (0-15 cm d’épaisseur) ;C1 : Limons superficiels gris à orangés (= C.1a/b), d’une puissance de 0,50 à 0,70 m, puis lœss (= C.1c), d’une épaisseur de 0,20 à 0,60 m à hauteur des vestiges médiévaux ;C2 : Remblaiement de limons brun-gris couvrant toute l’étendue de la cour, au sommet des éboulis médiévaux. Cette couche, épaisse de 0,60 à 0,80 m, s’intercale entre les éboulis sous-jacents et le mince niveau de terre végétale dont le sommet correspond au sol actuel (en partie haute de la coupe). Elle résulte vraisemblablement de la remise en état de la parcelle avant sa conversion en clos entouré de hauts murs, tel qu’il apparaît sur le cadastre de 1808, conversion que deux tessons de grès recueillis dans cette couche 2 permettent d’attribuer au xviiie s. ;C3 : Éboulis médiéval, daté du début du xve s. (partie basse de la coupe). Si cette couche a été identifiée partout dans l’emprise de la cour, à proximité des maçonneries, les pierres en ont parfois été largement récupérées. Il s’agit d’un niveau remblayé, fortement chargé en plaquettes calcaires qui toutes, accusent un pendage indiquant le sens de leur chute. Le limon brun-gris englobant ces pierres comble tous les interstices. Au sommet de l’éboulis, à la transition avec la couche C2, ont été recueillis quelques tessons de céramiques modernes, probablement en lien avec la récupération des pierres qui ont pu été être convoyées par la venelle, tout proche ;C4 : « Sol » médiéval de limon brun-gris, mince et de section lenticulaire, épais de 5 cm au maximum, repéré à la base de l’éboulis, et correspondant manifestement au dernier niveau d’occupation de la cour avant la destruction ou l’incendie des édifices périphériques. Cette couche s’intercale entre le substrat et l’éboulis ci-dessus. On relève que plusieurs blocs de pierre se sont fichés dans son épaisseur sous le poids de leur chute. Cette couche doit peut-être son origine au piétinement du fond de la cour par les occupants. Les quelques éléments mobiliers retrouvés dans son épaisseur ont été exclusivement recueillis à l’aplomb des maçonneries, ce qui suggère que la cour était régulièrement nettoyée. Les céramiques découvertes dans ce contexte sont attribuables à la fin du xive ou au début du xve s. ;C5 : Sommet tronqué et bouleversé des maçonneries paraissant traduire un aplanissement général du terrain, qui s’est accompagné de la récupération des pierres de parement, au cours de l’époque moderne sans plus de précision. Le nettoyage des murs a permis de recueillir quelques petits tessons dont la datation couvre une fourchette assez large, certains en lien avec la période d’occupation présumée de la cour, mais aussi d’autres plus tardifs ;C6 : Substrat calcaire pulvérulent de type « chaussin », soit une couche naturelle, profonde de plus de 3 m, dont le sommet a été entamé lors du creusement de la cour. Les capacités naturelles de ce matériau en termes d’absorption des eaux de ruissellement expliquent vraisemblablement ce décaissement. La profondeur importante à laquelle se situent les bancs de calcaire exploitables en construction conduit à penser que les matériaux présents sur le site ont été acheminés depuis une carrière plus éloignée. C0: Topsoil (0-15 cm thick); C1: Grey to orange superficial silt (= C.1a/b), 0.50 to 0.70 m thick, then loess (= C.1c), 0.20 to 0.60 m thick at the level of the medieval remains; C2: Backfill of brown-grey silt covering the entire courtyard, at the top of the medieval scree. This layer, between 0.60 and 0.80 m thick, lies between the underlying scree and the thin layer of topsoil, the top of which corresponds to the current ground (at the top of the section). It is probably the result of the development of the plot before it was converted into a walled enclosure, as shown on the 1808 land register, a conversion that two herds found in layer 2 date to the 18th century; C3: Medieval rubble dating from the early 15th century (lower part of the section). Although this layer has been identified throughout the courtyard, close to the stonework, the stones have sometimes been largely recovered. This is a backfilled level, heavily laden with limestone platelets, all of which dip in the direction of their fall. The grey-brown silt covering these stones fills all the gaps. At the top of the scree, at the transition with layer C2, a few shards of modern ceramics have been found, probably in connection with the recovery of stones that may have been transported by the nearby alleyway; C4: Medieval “soil” of thin grey-brown silt with a lenticular cross-section, no more than 5 cm thick, found at the base of the scree, and clearly corresponding to the last level of occupation of the courtyard before its destruction or the burning of the outlying buildings. This layer lies between the substratum and the scree above. Several blocks of stone have been found to have fallen through the layer. This layer may have been caused by the occupants trampling the floor of the courtyard. The few finds were collected around the masonry that suggests that the courtyard was kept clean. The pottery dates to the late 14th or early 15th century; C5: The truncated and disrupted top of the masonry seems to reflect a general levelling and the recovery of the facing stones, during the modern period, without further precision. The cleaning of the walls yielded a number of small sherds with a fairly wide range of dates, some relating to the presumed period of occupation of the courtyard, but also dating from a later period; C6: Decaying limestone of “chaussin” type, i.e. a natural layer, more than 3 m deep, the top of which was cut into when the courtyard was dug out. The natural ability of this material to absorb run-off water probably explains why the courtyard was dug out in the first place. The great depth at which the limestone beds that can be used for construction purposes are located suggests that the materials on the site were transported from a more distant quarry.
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Titre Figure 6 : Le chemin 1 et les restes de murs associés à la venelle. / Figure 6: Path 1 and the remains of walls that flank the alleyway.
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Titre Figure 7 : Coupe du chemin 2, dont le tracé oblitère en partie un fossé de l’âge du Fer. / Figure 7: Cross-section of path 2 that partly obliterates an Iron Age ditch
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Titre Figure 8 : Vue de la liaison entre le mur de la venelle (ou chemin 1 ; st. 85) et le mur oblique harpé qui délimitait l’entrée de la cour (st. 214). Le mur nord-est du bât. 4, qui se greffe à la perpendiculaire du mur de la venelle, n’est pas harpé quant à lui au mur bordant la venelle. / Figure 8: View of the relationship between the wall of the alleyway (or path 1; st. 85) and the sloping wall that marked the entrance to the courtyard (st. 214). The north-east wall of Bât. 4 attached perpendicularly to the wall of the alleyway, is not harped to the wall bordering the alleyway.
Crédits Cliché E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 9 : Crapaudine insérée dans la fondation du mur oblique (st. 214) délimitant l’entrée de la cour. / Figure 9: Crapaudine inserted into the foundation of the sloping wall (st. 214) delimiting the entrance to the courtyard.
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Titre Figure 10 : Plan de détail de l’entrée nord de la cour. / Figure 10: Detailed plan of the northern entrance to the courtyard.
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Titre Figure 11 : À gauche, le caniveau 195 en vue zénithale ; à droite, l’une des pierres taillées en cuvette formant le fond du caniveau, découverte en situation. / Figure 11: Left, a zenithal view of gutter 195; right, one of the bowl-shaped stones forming the bottom of the gutter, discovered in situ.
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Titre Figure 12 : Coupe et profil général de la fumière montrant le pendage de la galerie 226 vers la fosse 195bis. / Figure 12: Cross-section and general profile of the dunghill showing the dip of gallery 226 towards pit 195bis.
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Titre Figure 13 : Plan général du bâtiment 1. En rose : surface rubéfiée au sol. En bleu : couche de lauzes rubéfiées résultant de l’incendie puis de l’effondrement de la toiture (st. 129), ainsi que de leurs tri et récupération en bordure du bâtiment (st. 193). En rouge : fragments de lapidaire, en situation ou déplacés. / Figure 13: General plan of building 1. In pink: burnt ground surface. In blue: layer of burnt stone slabs from the fire and subsequent collapse of the roof (st. 129), as well as their sorting and recovery at the edge of the building (st. 193). In red: worked stone fragments, in situ or moved
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Titre Figure 14 : Illustration des différents parements du bâtiment 1. On note qu’aucun reste d’enduit n’a été retrouvé sur les faces internes ou externes des murs de fondation. / Figure 14: Illustration of the different facings of building 1. No plaster was found on the inside or outside faces of the foundation walls
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Titre Figure 15 : Couche de lauzes rubéfiées au sol de la pièce 3 du bâtiment 1, incluant des fragments de joints de chaux. / Figure 15: Layer of burnt stone slabs on the floor of room 3 in building 1, including fragments of the lime joints.
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Titre Figure 16 : Détail du bâtiment 2 et de son raccordement sur l’entrée nord de la cour. / Figure 16: Detail of building 2 and its connection to the north entrance of the courtyard.
Crédits DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 17 : Plan de détail du bâtiment 3. / Figure 17: Detail plan of building 3.
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Titre Figure 18 : Plan du bâtiment 4 et vue en coupe de sa fondation, superposée à la fosse 231 comblée de lauzes vertes non brûlées. / Figure 18: Plan of building 4 and cross-section of its foundation, superimposed on pit 231 filled with unburnt green slate.
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Titre Figure 19 : Plan et coupe de la mare. / Figure 19: Plan and cross-section of the pond.
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Titre Figure 20 : Céramique issue des contextes liés à la phase d’abandon de l’occupation médiévale. / Figure 20: Pottery from abandon contexts of the medieval settlement.
Crédits DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 21 : Dé à coudre en alliage cuivreux et mortier en calcaire médiévaux. / Figure 21: Medieval copper alloy thimble and limestone mortar.
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Crédits Cliché et DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 22 : Éléments lapidaires en calcaire découverts en position de rejet dans les déblais de destruction des bâtiments. Encadrements d’ouvertures chanfreinés (nos 1, 5) ; corniche (n3) ; crapaudine (no 4) ; pierre de caniveau (no 6) ; piédroit (no 7) ; jambage chanfreiné (no 8). / Figure 22: Limestone stone elements found discarded in the rubble from the demolition of the buildings. Chamfered opening surrounds (nos. 1, 5); cornice (no. 3); crenellation (no. 4); gutter stone (no. 6); pediment (no. 7); chamfered jamb (no. 8).
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Titre Figure 23 : Langrune-sur-Mer « Rue des Chasses » - Reconstitution d’une souche de cheminée octogonale dont les éléments subsistants (sauf un) ont tous été retrouvés dans la pièce 1 du bâtiment 1. / Figure 23: Langrune-sur-Mer "Rue des Chasses" - Reconstruction of an octagonal chimney, the surviving parts of which (except one) were all found in room 1 of building 1.
Crédits Cliché et DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 24 : Échantillon de pointes en fer découvertes en grand nombre dans la couche d’incendie des pièces 1 et 3. / Figure 24: Sample of iron points found in large numbers in the fire layer of rooms 1 and 3.
Crédits DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 25 : Tuile faîtière vernissée. / Figure 25: Glazed ridge tile.
Crédits DAO E. Ghesquière, Inrap.
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Titre Figure 26 : Carte postale ancienne montrant le portail gothique flamboyant du manoir des Templiers. / Figure 26: Old postcard showing the flamboyant Gothic portal of the Templar manor house.
Crédits CAP, coll. part.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Emmanuel Ghesquière, Vincent Carpentier, Stéphanie Dervin, Élise Séhier, Émilie Cavanna, David Giazzon et Hélène Seignac, « Une « ferme-manoir » des xiiie-xve s. à Langrune-sur-Mer (Calvados) »Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 40 | 2024, mis en ligne le 10 juillet 2024, consulté le 24 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/rao/9785 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11zr4

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Emmanuel Ghesquière

Inrap Normandie, Centre archéologique de Bourguébus, Boulevard de l’Europe, 14540 Bourguébus

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