Un manuscrit d’Henri Suso
La librairie franco-américaine Les Enluminures, spécialisée dans les manuscrits anciens, proposait dans son catalogue « Text manuscripts sale : summer 2014 », sous le numéro 38, un manuscrit contenant un extrait de l’œuvre d’Henri Suso (Heinrich Seuse, qui vécut de 1295, date probable, à 1356) intitulée Büchelein der ewigen Weisheit (Le petit livre de l’éternelle sagesse). Ce manuscrit est datable de la seconde moitié du 15e siècle (entre 1450 et 1500). Il compte vingt-neuf feuillets de petite taille (136 x 100 mm). La BNU a pu, grâce à une subvention complémentaire accordée par le Conseil départemental du Bas-Rhin, acquérir ce manuscrit.
Verso du feuillet 7, début du chapitre XV
Cliché JPR-Bnu CC-BY-NC-SA
Celui-ci ne contient que quatre chapitres de ce livre (les chapitres 14 à 17). Ce sont ceux qui ont trait à la Passion du Christ, et qui ont le plus souvent été copiés en extraits et diffusés parmi les lecteurs dévots. C’est donc un manuscrit de modeste ampleur. Sa facture est également empreinte de simplicité, même si l’on remarque un petit effort de décoration sous la forme de discrets traits d’argent sur les traits rouges qui signalent les majuscules dans le texte. Les lettrines rouges qui occupent trois lignes sont d’une grande simplicité.
Cette œuvre, conservée dans de nombreux codices, dont un exemplaire se trouve d’ores et déjà dans notre collection, fait partie du corpus de lectures de la dévotion privée. Composée en langue allemande ou alémanique, elle a été écrite entre 1328 et 1330, à l’époque où son auteur était moine dominicain à Constance. Il s’agit d’une sorte de guide pour la contemplation, notamment celle de la souffrance du Christ, structuré en divers dialogues entre le Servant (der Diener), qui est la voix mystique de l’auteur, et la Divine Sagesse, une personnification qui intervient dans diverses visions. Ce texte a été l’une des lectures les plus importantes des cercles de la « Devotio moderna », mouvement intellectuel et religieux qui imprégna l’Europe rhénane des années suivantes.
Henri Suso est né dans la région de Constance et il est mort à Ulm. Ce dominicain fit une partie de ses études à Strasbourg et y garda toujours des attaches. Il y connut Maître Eckhart et Jean Tauler, ainsi que Rulman Merswin, trois personnalités essentielles de ce courant de pensée mystique. Le manuscrit en question n’est pas originaire d’Alsace, mais le mouvement religieux de la Mystique rhénane eut un de ses épicentres à Strasbourg. Son acquisition vient donc enrichir la collection de manuscrits émanant du mouvement de la Mystique rhénane que possède la BNU. Cette collection remarquable a été numérisée dès l’année 2001 et forme un des cœurs du fonds de manuscrits anciens, formé autour de la seule pièce qui a échappé à l’incendie de 1870 : le célèbre Exemplar de l’œuvre d’Henri Suso.
L’ex-libris de la Bibliotheca Philosophica Hermetica
Cliché JPR-Bnu CC-BY-NC-SA
Un mot encore sur la provenance de ce manuscrit : son origine est probablement bavaroise ou autrichienne, d’après des critères linguistiques. Il a appartenu à la célèbre collection de Joost R. Ritman, à Amsterdam, spécialisée dans la philosophie hermétique, avant que celle-ci ne soit dispersée en vente publique. Notre manuscrit garde l’ex-libris de la célèbre Bibliotheca Philosophica Hermetica d’Amsterdam.