De l’esquisse au parvis du Panthéon : les candélabres ornés de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879)1
Texte intégral
- 1 Cet article s’inspire de la communication « Au fil du dessin. Inspirations, exercices et pratiques (...)
- 2 Justine Gain, La fabrique de l’éclectisme ornemental au XIXe siècle, l’œuvre de Jean-Baptiste Plan (...)
- 3 Justine Gain, L’ornement dans les Galeries historiques de Versailles (1830-1848), mémoire de maste (...)
1Les dessins de Jean-Baptiste Plantar2, ornemaniste et dernier sculpteur des Bâtiments du roi, renseignent sur son abondante production de décors destinés à agrémenter les plus beaux édifices de la région parisienne, durant toute la première moitié du 19e siècle. Le Louvre, le château de Fontainebleau, les Galeries historiques de Versailles3 ou le Palais-Royal conservent, aujourd’hui encore, des ensembles d’ornements sculptés de sa main. Parmi les bâtiments à la décoration desquels il a participé figure le Panthéon, rendu au culte des grands hommes à l’avènement de Louis-Philippe, en 1830. Afin d’achever et d’actualiser un décor élaboré par l’architecte Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) et augmenté après lui, son confrère Nicolas Destouches (1788-1851) commande à son tour a Plantar quelques éléments de décors que documentent plusieurs dessins. La main de Plantar, appréciée à partir des années 1820 pour le tour éclectique qu’elle savait donner à ses compositions, est alors sollicitée vers 1833 pour concevoir les candélabres qui jouxtent, de part et d’autre, l’entrée du Panthéon (voir ill. ci-dessous). Pour ce faire, et dans la lignée de l’esthétique pensée par Soufflot, Plantar puise dans un registre antique dont il consulte la grammaire et le vocabulaire au Louvre, à quelques encablures seulement de son chantier.
- 4 Jean-Baptiste Plantar, Album de dessins, MS 823, Institut national d’histoire de l’art, Paris
- 5 Candélabre, vers 100 av. J.-C., marbre, MA 500, musée du Louvre, Paris
2Une première esquisse figure ainsi ce que Plantar annote comme un « Candélabre du Vatican »4, une œuvre qui provient bel et bien de la cité pontificale – ou une reproduction en plâtre compte toujours parmi les collections vaticanes –, mais qui est, depuis 1798, conservée au musée du Louvre5 (voir ill. ci-dessous). Le sculpteur reproduit fidèlement le candélabre antique, excepté le motif de flamme en son sommet. Il s’applique particulièrement à copier les détails qui le constituent : un piétement en pattes de lion, des feuilles d’acanthe qui ornent, à revers, la partie basse du candélabre, sans oublier une danse bachique ainsi que quelques motifs de canaux disposés au-dessus.
- 6 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne ou description historique et graphique d (...)
3Le choix du candélabre du Louvre comme source d’inspiration pour ceux du Panthéon revient sans doute à l’architecte qui donne la direction du décor. La notice de l’œuvre du Louvre rédigée à la même époque par Frédéric de Clarac (1777-1847), conservateur des Antiquités du musée, apporte quelques éclaircissements quant à une telle référence : « On ne se contentait plus d’éclairer les temples : il fallait que ce fut avec un luxe en harmonie avec leurs richesses, et les candélabres furent mis au rang de leurs plus beaux ornemens [sic], par leur grandeur et la recherche qu’on y déployait dans le travail. Le bronze, des métaux plus précieux, le marbre, servirent à les élever. Des artistes de talent se firent un nom par l’élégance et la variété qu’ils surent répandre dans la composition et l’exécution de ces ustensiles sacrés, qui décoraient les alentours et l’intérieur des temples »6 (voir ill. ci-dessous) – autant de qualités esthétiques et symboliques opportunes pour compléter le décor néo-classique de Soufflot.
Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, 1828-1830, t. 2, planche 137, no 137

Cliché et coll. Institut national d’histoire de l’art, Paris
- 7 Anonyme, Vue de la salle des Saisons au Louvre, 1826, huile sur toile, RF 1999 18, musée du Louvre (...)
- 8 Jean-Baptiste Plantar, Album of drawings, sheet 4, Paul Getty Museum, Los Angeles. Idem, Candélabr (...)
- 9 Pierre-Adrien Pâris, Candélabre antique du muséum de Clément XIII, vol. 477, no 163, bibliothèque (...)
- 10 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne ou description historique et graphique d (...)
- 11 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne. Planches, op. cit., planche 141, no 120
4Le dessin de Plantar laisse par ailleurs supposer une fréquentation régulière du jeune musée, sans doute à l’époque de son passage à l’École des beaux-arts, entre 1806 et 1808. En ce temps-là, le candélabre antique se trouvait vraisemblablement en bonne place, au bout de la salle des Saisons7. Pour concevoir les candélabres du Panthéon, Plantar reprend donc la structure générale de ceux du Louvre. Les similitudes sont en effet nombreuses et visibles sur d’autres esquisses de l’artiste8 (voir ill. ci-dessous). De la base, Plantar conserve le piétement en patte de lion rythmant aux angles non plus un tore de feuilles de lierre, mais une succession de rosaces enserrées de feuilles d’acanthe. D’autres feuilles du même type sont ensuite placées verticalement, à revers, formant une composition symétrique avec les mêmes feuilles d’acanthe disposées en miroir, au niveau supérieur. Cette dernière disposition est également présente sur l’œuvre antique, bien que l’interprétation de Plantar soit enrichie et ses formes plus épaisses. La référence au candélabre du Louvre s’interrompt ici pour introduire la comparaison avec une autre œuvre du Vatican reproduite notamment par l’architecte Pierre- Adrien Pâris (1745-1819)9, et qu’on peut apprécier sur un de ses dessins conservés à Besançon. L’étagement des revers de feuilles d’acanthe, particulièrement riches, y est sensiblement identique à la proposition de Plantar. Le modèle des candélabres du Panthéon s’achève enfin par « une belle coupe à godrons et à oves, et qui forme une espèce de chapiteau »10, un arrangement commun a plusieurs pièces antiques alors conservées au Louvre11 ou au Vatican, comme celle reproduite par Pâris.
Jean-Baptiste Plantar, « Candélabre du Panthéon », in Album of drawings, sheet 4

Cliché et coll. Paul Getty Museum, Los Angeles
- 12 L’Ami de la religion, Paris, Librairie ecclésiastique d’Ad. le Clere et Cie, tome 79, 1834, p. 377
- 13 Mathilde Vauquelin, Pierre-Maximilien Delafontaine (vers 1775-1860), de la peinture au bronze, por (...)
- 14 Louis-Marie Normand, Paris moderne, Paris, L. Normand aîné, 1857, t. 4, planche 62
5Une fois la composition ornementale fixée par le dessin, Plantar fait exécuter des modèles, très probablement en plâtre, a échelle 1, afin de pouvoir apprécier les candélabres dans leur ultime agencement12. C’est ensuite Pierre-Maximilien Delafontaine (1774-1860)13, bronzier et collaborateur régulier de Plantar, qui se charge de leur transposition dans ce métal, avant qu’ils ne soient installés à l’entrée du Panthéon ou il est toujours possible de les admirer. Si le nom de Plantar semble s’être perdu lorsqu’il s’est agi d’attribuer la paternité des ornements des candélabres, ceux-ci sont, dès leur installation, immédiatement remarqués. Ils figurent ainsi dans la célèbre publication de Louis-Marie Normand (1789-1874), Paris Moderne14, qui rassemble les plus audacieux éléments architecturaux de l’époque (voir ill. ci-dessous).
Notes
1 Cet article s’inspire de la communication « Au fil du dessin. Inspirations, exercices et pratiques d’un sculpteur-ornemaniste au XIXe siècle : les esquisses de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879) », que nous avons donnée au cours du colloque international Carnets de notes, carnets de références, musées de papier. Regards croisés sur la culture visuelle des artistes et le processus de création du Moyen-Age à nos jours (Strasbourg, Université de Strasbourg, Bibliothèque nationale et universitaire, 2022).
2 Justine Gain, La fabrique de l’éclectisme ornemental au XIXe siècle, l’œuvre de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879), thèse de doctorat en cours sous la direction de Jean-Michel Leniaud et Lionel Arsac, École pratique des hautes études, École du Louvre, Paris
3 Justine Gain, L’ornement dans les Galeries historiques de Versailles (1830-1848), mémoire de master II, sous la direction de Jean- Michel Leniaud et Lionel Arsac, École du Louvre, Paris, 2018
4 Jean-Baptiste Plantar, Album de dessins, MS 823, Institut national d’histoire de l’art, Paris
5 Candélabre, vers 100 av. J.-C., marbre, MA 500, musée du Louvre, Paris
6 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne ou description historique et graphique du Louvre […], Paris, Imprimerie royale, 1841, t. 2, p. 433. Idem, Musée de sculpture antique et moderne. Planches, Paris, Victor Texier, 1828-1830, t. 2, planche 137, no 137.
7 Anonyme, Vue de la salle des Saisons au Louvre, 1826, huile sur toile, RF 1999 18, musée du Louvre, Paris
8 Jean-Baptiste Plantar, Album of drawings, sheet 4, Paul Getty Museum, Los Angeles. Idem, Candélabre pour le Panthéon, vers 1834, dessin, D.17404, Musée Carnavalet, Paris.
9 Pierre-Adrien Pâris, Candélabre antique du muséum de Clément XIII, vol. 477, no 163, bibliothèque municipale, Besançon
10 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne ou description historique et graphique du Louvre […], op. cit., t. 2, p. 433
11 Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne. Planches, op. cit., planche 141, no 120
12 L’Ami de la religion, Paris, Librairie ecclésiastique d’Ad. le Clere et Cie, tome 79, 1834, p. 377
13 Mathilde Vauquelin, Pierre-Maximilien Delafontaine (vers 1775-1860), de la peinture au bronze, portrait d’un artiste entrepreneur, mémoire de master I, sous la direction de Corinne Jouys Barbelin, École du Louvre, Paris, 2017, t. 2, p. 94
14 Louis-Marie Normand, Paris moderne, Paris, L. Normand aîné, 1857, t. 4, planche 62
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Candélabre du Panthéon, à Paris |
Crédits | Cliché Justine Gain |
URL | http://journals.openedition.org/rbnu/docannexe/image/6145/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,2M |
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Titre | Candélabre, vers 100 av J.-C., marbre |
Crédits | Cliché Justine Gain, coll. musée du Louvre |
URL | http://journals.openedition.org/rbnu/docannexe/image/6145/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 2,2M |
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Titre | Frédéric de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, 1828-1830, t. 2, planche 137, no 137 |
Crédits | Cliché et coll. Institut national d’histoire de l’art, Paris |
URL | http://journals.openedition.org/rbnu/docannexe/image/6145/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 716k |
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Titre | Jean-Baptiste Plantar, « Candélabre du Panthéon », in Album of drawings, sheet 4 |
Crédits | Cliché et coll. Paul Getty Museum, Los Angeles |
URL | http://journals.openedition.org/rbnu/docannexe/image/6145/img-4.jpg |
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Titre | Louis-Marie Normand, Paris moderne |
Crédits | Cliché et coll. Institut national d’histoire de l’art, Paris |
URL | http://journals.openedition.org/rbnu/docannexe/image/6145/img-5.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Justine Gain, « De l’esquisse au parvis du Panthéon : les candélabres ornés de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879) », La Revue de la BNU, 26 | 2022, 62-65.
Référence électronique
Justine Gain, « De l’esquisse au parvis du Panthéon : les candélabres ornés de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879) », La Revue de la BNU [En ligne], 26 | 2022, mis en ligne le 10 janvier 2023, consulté le 22 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/rbnu/6145 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rbnu.6145
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