1Il y a quelques semaines, le prix Nobel de littérature était attribué à l’écrivain et dramaturge norvégien Jon Fosse. Ce n’était pas sa première distinction en France : en effet, il avait déjà reçu en 2015 le prix européen de littérature décerné par l’association Eurobabel. Celle-ci fut fondée par Gérard Pfister, créateur et toujours directeur des éditions Arfuyen, qui a donné l’année dernière la totalité des archives qu’il détenait (celles de la maison d’édition à proprement parler et de l’association Eurobabel, ainsi qu’un ensemble consacré à l’écrivain dadaïste Pierre de Massot) à la Bibliothèque nationale et universitaire. Avec la mémoire d’une maison d’édition qui existe depuis 1975, c’est aussi un supplément de mémoire européenne qui entre ainsi dans nos collections, quand on sait qu’Eurobabel a également distingué des auteurs comme Tankred Dorst, Tony Harrison, Bo Carpelan ou Erri De Luca.

2Les archives, qu’elles soient d’institutions, d’entreprises ou de particuliers, sont d’abord recueillies pour provoquer, et faciliter, l’activité de recherche. Elles n’en stimulent pas moins l’imaginaire, quand apparaît au détour d’un carton que l’on déballe un autographe de Philippe Soupault, Ernst Jünger, Francis Picabia, Victor Vasarely ou Henri Michaux, comme ce fut le cas avec Arfuyen. Et nos institutions ont beau avoir comme but premier d’être des fenêtres ouvertes sur le monde et de fournir, par notre offre documentaire, les moyens pour le comprendre et l’analyser, nous nous voyons aussi comme des passeurs vers l’imaginaire : l’actuelle exposition de la Bibliothèque nationale et universitaire, Sacrés rois !, ne dévoile-t-elle pas tous les avatars suscités par les figures mythiques de David et de Salomon, nées dans un Proche- Orient dont on aimerait qu’il suscite à nouveau davantage le rêve que l’horreur ?

3L’appel à contributions qui a lancé le travail sur ce numéro a eu beaucoup de succès ; apparemment, les bibliothèques continuent de faire (un peu) rêver. Nous en avons la preuve chaque année, lorsqu’au cours des Journées du patrimoine ou de la Nuit de la lecture, tout un public, parfois nouveau, se presse à nos portes, impatient de les voir s’ouvrir en ces occasions particulières. Nous en avons aussi la preuve lorsque nous sommes sollicités pour accueillir et intégrer à nos fonds bibliothèques et archives ; les donateurs pensent qu’apparemment, nous ne serons pas les plus mal placés pour permettre d’interpréter les rêves, de mettre des mots sur les imaginaires. Nous ne saurions leur donner tort…