Les avancées en matière de protection des personnes handicapées au Bénin
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- 1 Décision DCC 12-106 du 3 mai 2012 : https://courconstitutionnelle.bj
1La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 précise, à son article 26, que « l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. L’homme et la femme sont égaux en droit. L’État protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées ». Il existe toutefois un défaut de protection, qui a donné lieu à un litige suite à l’exclusion à un concours de recrutement d’auditeurs de justice, au motif que l’écriture braille ou d’autres adaptations ne sont pas prévues par les textes. En effet, une candidate handicapée visuelle a récemment saisi la Cour constitutionnelle béninoise, qui a rendu une décision précisant que, concernant les personnes handicapées, l’État était tenu de prendre « des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux ». Toujours selon la Cour, « l’État, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour faire composer [une personne handicapée] en écriture braille au concours des auditeurs de justice alors même que celle-ci a régulièrement passé tous ses examens grâce à ladite écriture »1, a violé la Constitution.
2À travers cette décision, la Cour constitutionnelle réaffirme le principe de l’égal accès aux emplois publics et condamne le traitement discriminatoire fondé sur le handicap. La portée de cette décision historique, ajoutée aux préoccupations des associations de protection des droits des personnes handicapées, ont servi de ferment pour porter les graines d’une réforme législative tant espérée sur la question. Aux termes d’une gestation lente, cette réforme a pu voir le jour, portée par une réelle volonté politique, avec le vote de la loi n°2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin dont nous effectuons, dans cet article, une brève analyse (I). Cette réforme s’inscrit aujourd’hui dans la continuité grâce à l’adoption récente de décrets d’application consacrés au volet de protection sociale de ladite loi (II).
I - Une volonté politique de protection des personnes handicapées
3En écho à la décision de la haute juridiction protectrice des droits fondamentaux de la personne humaine, la loi n°2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin a été promulguée.
4En premier lieu, elle présente la personne handicapée qu’elle considère comme toute personne présentant une incapacité physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à sa pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. Elle définit les grands axes de protection des différents types de handicaps, les principes élémentaires de protections, les méthodes de prévention. Ainsi, les droits reconnus aux personnes handicapées partent de la constatation de la déficience.
5S’y ajoutent la Charte d’égalité des chances, l’accès aux soins de santé et aux services de l’action sociale, l’éducation et la formation professionnelle, le droit à l’emploi, l’accessibilité, le cadre de vie et de transport, la prévention ainsi que la protection contre toutes formes d’exploitation de violence, de maltraitance et d’abus sexuels. Les personnes handicapées bénéficient de la protection et de la confidentialité de leurs informations personnelles, et de l’interdiction de faire immixtion arbitraire dans leur vie privée, voire de violer leur domicile. Elles ont également le droit à la pratique du sport, aux loisirs, l’accès aux centres de formation artistique et à la protection de leurs œuvres d’art, et à participer à la vie politique et à la vie publique. En plus du droit à la réadaptation et l’intégration professionnelles, des mesures d’incitation viennent compléter le registre de protection. Enfin, des dispositions pénales et des amendes sont prévues contre toute discrimination à l’égard de ces citoyens qui, au regard de la loi, sont considérés comme des personnes présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables.
6L’objectif de la loi est de prévenir le handicap, de protéger, de promouvoir et d’assurer aux personnes handicapées la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales, afin de garantir le respect de leur dignité intrinsèque et leur pleine participation à la vie sociale.
7Il convient de souligner que la loi, à elle seule, ne suffit pas pour garantir la plénitude de l’effectivité de la protection annoncée, faute de décrets d’applications de certaines dispositions. Mais avant même l’adoption desdits décrets, et dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’actions (PAG 2016-2021), le gouvernement a adopté le décret n° 2021-054 du 10 février 2021 portant création, attribution, organisation et fonctionnement du cadre de mise en œuvre de la politique holistique de protection sociale en République du Bénin, qui prévoit la création de trois organes: le Conseil national de Protection sociale, le Comité technique de protection sociale, et le Secrétariat permanent. Le travail effectué par ces différents organes et structures techniques ont permis d’élaborer les chaînons jusqu’alors manquants du dispositif de protection des personnes handicapées, à savoir les décrets d’applications.
II - Une concrétisation de la volonté politique par l’adoption des décrets d’application
8La loi n°2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du bénin renvoie, pour son application, à plusieurs décrets pris en Conseil des ministres. Au nombre de cinq, ces derniers ont été adoptés par le Conseil des ministres lors de sa séance du 21 juin 2023.
9Le décret n°2023-322 du 21 juin 2023 portant création, attributions, composition et fonctionnement de la commission interministérielle de mise en œuvre des mesures d’inclusion des personnes handicapées, précise que la commission est chargée d’examiner les demandes de délivrances des « cartes d’égalité de chance » et de proposer des tarifs préférentiels selon le niveau du handicap. Elle s’occupe également de l’examen des demandes de subventions émanant des structures de prises en charge, d’éducation et de formation des personnes handicapées, en proposant les subventions appropriées, ainsi que des demandes d’appui des initiatives entrepreneuriales formulées par les personnes handicapées. Dans sa composition doit figurer un représentant d’une organisation de personnes handicapées.
10Le deuxième décret n°2023-323 du 21 juin 2023 fixe les modalités d’appui à la promotion de l’éducation et de la formation des personnes handicapées. Au titre des innovations dudit décret, toute demande relative à l’éducation et à la formation des personnes handicapées bénéficie du suivi technique et pédagogique des ministères en charge des enseignements et des affaires sociales. En outre, il prévoit que l’Etat, ainsi que ses structures déconcentrées et décentralisées, assurent le renforcement des capacités des enseignants et des encadreurs des établissements publics et privés d’éducation et formation des personnes handicapées. L’Etat leur accorde également une subvention annuelle destinée à soutenir leur fonctionnement, l’acquisition de matériels didactiques et informatiques adaptés, ainsi que le développement d’initiatives et d’approches pédagogiques adaptées aux besoins spécifiques des apprenants.
11Le troisième décret n°2023- 324 du 21 juin 2023 définit les mesures fiscales relatives à l’importation, à la fabrication et à la vente des moyens de transport et des appareillages au profit des personnes handicapées. Par moyens de transport, le texte précise qu’il s’agit des véhicules de particuliers ou des transports en commun, des triporteurs motorisés adaptés ou aménagés. De même, tous les matériaux, intrants mécaniques et électroniques, destinés à la fabrication de moyens de transport spécialement aménagés à l’usage des personnes handicapées, ainsi que tout leur appareillage, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits de douane à l’importation comme à l’achat.
12Le décret n°2023-325 du 21 juin 2023 portant mesures spéciales de promotion de l’emploi et de l’entrepreneuriat des personnes handicapées comprend une mesure phare relative aux conditions d’accès aux emplois dans le secteur public et dans le secteur privé. En effet, pour tous les concours et tests de recrutement, les personnes handicapées bénéficient d’une majoration de cinq ans dans la tranche d’âge requise, et de la réservation d’un quota de 5 % de l’effectif des places mises aux concours pour les emplois publics, en tenant compte de leurs capacités et compétences. Ainsi, les critères de candidature excluant les personnes handicapées lors des concours et tests de recrutement aux emplois publics et privés sont proscrits, hormis s’agissant du recrutement dans les emplois et les corps de métiers qui nécessitent des aptitudes physiques et facultés sensorielles avérées. L’Etat prend en charge les cotisations patronales dues par l’entreprise qui emploie les personnes handicapées selon le taux d’incapacité mentionné sur sa carte d’égalité de chances. Le décret promeut également leur auto-entreprenariat.
13Enfin, le cinquième décret n°2023-326 du 21 juin 2023 fixe les mesures préférentielles dans les transports en commun et les centres culturels et de loisirs publics au profit des personnes handicapées. Ces mesures concernent les facilités d’accès et la réservation prioritaires des places assises dans les centres culturels et de loisirs, d’une part, et, d’autre part, la priorité à l’embarquement et au débarquement dans des transports ferroviaires, routiers, fluviaux, maritimes et aériens, pour toute société de transports. Les personnes handicapées, quel que soit le niveau de leur handicap, bénéficient d’une réduction de 10 % sur les entrées payantes dans les centres publics culturels et de loisirs, ainsi que sur les frais générés par les différents modes de transport susmentionnés.
Conclusion
14L’adoption des décrets d’application de la loi n°2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin témoigne de la volonté du gouvernement d’offrir une réelle protection aux personnes handicapées. Cette avancée mérite sans aucun doute d’être saluée. Toutefois, des arrêtés doivent fournir les derniers détails techniques qui manquent encore actuellement.
Pour citer cet article
Référence papier
Bertin Millefort Quenum, « Les avancées en matière de protection des personnes handicapées au Bénin », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 3 | 2023, 122-125.
Référence électronique
Bertin Millefort Quenum, « Les avancées en matière de protection des personnes handicapées au Bénin », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale [En ligne], 3 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 20 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/rdctss/6591 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdctss.6591
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