La réforme des contrats de travail à durée déterminée en Italie
- Traduction(s) :
- The reform of fixed-term employment contracts in Italy [en]
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- 1 Journal officiel de la République italienne, 4 mai 2023, n°103.
- 2 Journal officiel de la République italienne, 3 juillet 2023, n°153.
1Au cours des derniers mois, le gouvernement italien a adopté une législation introduisant diverses mesures relatives au travail. Le Conseil des ministres, dirigé par la Première ministre Giorgia Meloni qui a remporté la majorité lors des élections générales du 25 septembre 2022, a ainsi publié le décret-loi n°48 du 4 mai 2023 prévoyant des mesures urgentes pour l’inclusion sociale et l’accès à l’emploi, dénommé « décret sur le travail ». Le texte est entré en vigueur le 5 mai 20231, et a subi quelques modifications avec la loi n°85 du 3 juillet 20232.
2Le « décret sur le travail » couvre une série de sujets :
-
l’introduction d’une mesure nationale visant à lutter contre les faibles revenus, et contre la fragilité et l’exclusion sociale des catégories les plus défavorisées, via des politiques actives du marché du travail (allocations d’insertion) à partir de janvier 2024 ;
-
la modification de la procédure du revenu minimum garanti, qui doit expirer en décembre 2023 ;
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le renforcement des règles relatives à la sécurité sur le lieu de travail et à la prévention des accidents ;
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des incitations à l’emploi des jeunes et à l’emploi des personnes handicapées ;
-
l’augmentation à 3 000 euros du seuil des avantages sociaux pour l’exercice fiscal 2023 au profit des salariés ayant des enfants à charge.
- 4 Voir M. Tiraboschi, « I contratti a termine tra intenzioni del legislatore e vincoli di sistema », (...)
3Le présent article se concentre sur une question spécifique traité par le « décret sur le travail » : la modification des contrats à durée déterminée. Comme l’indique la doctrine, le sujet des contrats à durée déterminée, peut-être plus clairement que d’autres, fait partie de ceux pour lesquels la tension entre les besoins des entreprises et les attentes des travailleurs est la plus forte. Cette tension a donné lieu à une incertitude juridique (I) à l’origine de nombreux litiges devant les tribunaux du travail4, et qui sont pour partie à l’origine de la réforme de 2023 (II).
I - Les évolutions juridiques du contrat à durée déterminée en Italie
4Le contrat à durée déterminée en Italie est l’institution juridique qui a subi le plus de modifications législatives au cours des vingt dernières années ; on doit observer qu’en général une réforme du cadre juridique est opérée suite chaque élection nationale.
- 5 Confédération européenne des syndicats (CES), Union des confédérations de l’industrie et des employ (...)
5Ce fut également le cas après la victoire de la coalition de centre-droit dirigée par Giorgia Meloni en 2022. En particulier, depuis la transposition nationale de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par la CES, l’UNICE et le CEEP5, des changements majeurs sont intervenus dans la réglementation des contrats à durée déterminée dans le système juridique italien. L’évolution marquée vers la flexibilité (2014-2015) a été suivie d’une phase plus restrictive (2018) et de solutions intermédiaires par la promotion de la négociation collective, dans certains cas de manière controversée (2011).
- 6 Voir G. Falasca, « Contratti a termine, riforma n. 13 », Il Sole 24 Ore, 2 mai 2023.
- 7 Décret législatif n°368 de 2001.
- 8 Décret législatif n°276 de 2003.
- 9 Loi n°247 de 2007.
- 10 Décret-loi n°112 de 2008 converti en loi n°133 de 2008.
6On dénombre au total treize interventions réglementaires pertinentes en un peu plus de 20 ans, soit en moyenne plus d’une tous les deux ans6. Une brève analyse de la réforme des contrats à durée déterminée depuis 2001 commence par la législation transposant la directive européenne qui a introduit le système de causalité pour les contrats à durée déterminée7. La cause est comprise comme la raison légale pour laquelle un contrat à durée déterminée est conclu. Par la suite, en 2003, le système des « clauses causales » a été étendu aux contrats de travail temporaire8. Dans l’intervalle, qui a coïncidé avec la crise économique et financière ayant frappé la zone euro, un principe a été introduit selon lequel la relation de travail est normalement à durée indéterminée9 et la justification du contrat à durée déterminée doit être basée sur les affaires courantes de l’employeur10.
- 11 Décret-loi n°138 de 2011 converti en loi n°148 de 2011.
- 12 Loi n°92 de 2012.
7Une étape importante dans la réglementation des contrats à durée déterminée a été franchie en 201111: grâce au soutien législatif apporté à la négociation collective « de proximité » ou décentralisée ; il est depuis possible de conclure des accords spécifiques sur les contrats à durée déterminée dérogeant aux dispositions de la loi et des conventions collectives nationales. La réforme du marché du travail de 201212 a marqué un autre pas vers la libéralisation des contrats à durée déterminée : pendant les 12 premiers mois du contrat de travail, il n’est plus nécessaire de préciser le motif de la durée déterminée, mais, en revanche, une surtaxe de 0,5 % est envisagée pour les contrats à durée déterminée.
- 13 Décret législatif n°81 de 2015.
- 14 Décret-loi n°87 de 2018 converti en loi n°96 de 2018.
- 15 Décret-loi n°73 de 2021 converti en loi n°106 de 2021.
8En 2014, la réforme du travail qui a précédé le Jobs Act a encore élargi le champ d’application du système, en autorisant les contrats à durée déterminée sans motif spécifique pour une période pouvant aller jusqu’à 36 mois. Cela a été confirmé par le Jobs Act qui a réformé les prolongations, les renouvellements et la fixation de limites à l’utilisation des contrats à durée déterminée13. Une réduction significative de la flexibilité dans l’utilisation des contrats à durée déterminée s’est ensuite produite avec la réforme de 201814 : les contrats à durée déterminée sans motif spécifique ne pouvaient être conclus que pour les 12 premiers mois. Pour les renouvellements et les prolongations après 12 mois, un système plus restrictif a été adopté. Par la suite, lors de la pandémie de Covid-19 en 2021, la possibilité a été introduite pour la négociation collective de définir les motifs, favorisant ainsi la flexibilité lorsqu’elle est négociée par convention collective15 .
II - La réforme de 2023
9Parmi les dispositions les plus importantes du décret-loi n°48 du 4 mai 2023 prévoyant des mesures urgentes pour l’inclusion sociale et l’accès à l’emploi, dénommé « décret sur le travail », figure celle qui modifie la réglementation légale des contrats à durée déterminée. En particulier, à partir du 5 mai 2023, il n’est plus nécessaire de préciser les motifs justifiant les contrats à durée déterminée, ni leur prolongation ou leur renouvellement au cours des 12 premiers mois.
10Par ailleurs, les mesures introduites en 2018 ont été remplacées par d’autres moins contraignantes. Selon le gouvernement dirigé par Giorgia Meloni, la principale priorité est de répondre aux besoins de flexibilité des entreprises. Sur le plan législatif, le décret sur le travail n’est pas une loi organique réformant la législation sur les contrats à durée déterminée, mais plutôt une mesure modifiant les dispositions sur les contrats atypiques régis par le Jobs Act.
11Parmi les mesures législatives envisagées, qui soulèvent certaines préoccupations en termes de clarté, on retiendra l’article 24 modifiant la réglementation relative aux motifs de recours aux contrats à durée déterminée pour le secteur privé, en changeant le système des motifs (il sistema delle causali). Le fait qu’une durée déterminée soit imposée peut ainsi être justifié : par des dispositions prévues dans les conventions collectives ; en l’absence de dispositions dans les conventions collectives applicables dans l’entreprise, et dans tous les cas avant le 30 avril 2024, pour des exigences techniques, organisationnelles ou de production identifiées par les parties individuelles, ou encore pour assurer le remplacement d’autres travailleurs.
12En outre, des amendements ont exclu l’application des motifs de renouvellement déjà prévus dans le cas des prolongations, dès lors que la durée totale du contrat de travail ne dépasse pas 12 mois. En d’autres termes, la motivation du choix de la durée déterminée n’est nécessaire que si le contrat dépasse cette limite de temps.
13Cette intervention législative vise principalement à assouplir les raisons pour lesquelles un contrat à durée déterminée peut être conclu pour une durée supérieure à 12 mois. Le législateur renvoie en ce sens aux dispositions des conventions collectives, en vertu de l’article 51 du décret législatif n°81 de 2015. De cette façon, il a voulu renforcer la fonction d’intégration des changements dans le cadre législatif du décret n°81, tout en favorisant ce qui est prévu à l’article 51 dudit décret selon lequel « on entend par conventions collectives, les conventions collectives nationales, territoriales ou d’entreprise conclues par des syndicats comparativement plus représentatifs au niveau national, et les conventions collectives d’entreprise conclues par les représentants syndicaux de l’entreprise ou par la représentation syndicale unitaire ». Il est clair que nous sommes là en présence d’une large délégation de la part du législateur à la négociation collective, désormais responsable de la détermination des motifs justifiant l’établissement de la clause au contrat.
14Par conséquent, il est important d’identifier le secteur économique dans lequel les parties peuvent conclure un contrat à durée déterminée. Il faut en effet distinguer secteur par secteur, et cas par cas. On peut faire référence à des secteurs où la négociation collective détermine les conditions d’emploi : par exemple, dans l’industrie et les métiers de la construction, les contrats à durée déterminée sont largement plébiscités. En revanche, dans le secteur de la métallurgie, il n’existe pas de clause collective, de sorte que les parties peuvent conclure un contrat de manière autonome.
- 16 M. Tiraboschi, « I contratti a termine tra intenzioni del legislatore e vincoli di sistema », op. c (...)
15Ainsi, il incombe aux services des ressources humaines des entreprises de vérifier, secteur par secteur, le cadre réglementaire et contractuel de référence, et d’adopter le contrat à durée déterminée à bon escient16.
16Enfin, il appartient aux partenaires sociaux de clarifier les règles collectives, afin d’offrir aux parties individuelles des critères d’action raisonnables pour éviter l’utilisation abusive d’un type de contrat qui s’avère être constamment en cours de réforme en Italie.
Notes
1 Journal officiel de la République italienne, 4 mai 2023, n°103.
2 Journal officiel de la République italienne, 3 juillet 2023, n°153.
3 Voir A. Mattei, « Some notes on the transposition of the transparency Directive and conciliation Directive in the Italian legal system », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, n°2022-3, p. 198.
4 Voir M. Tiraboschi, « I contratti a termine tra intenzioni del legislatore e vincoli di sistema », Contratti & contrattazione collettiva, n°6, 2023, p. 4 ; M. C. Cataudella, « Il contratto a termine dopo la conversione del c.d. Decreto Lavoro », Lavoro e previdenza oggi, n°7-8, 2023, p. 459.
5 Confédération européenne des syndicats (CES), Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), et Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP).
6 Voir G. Falasca, « Contratti a termine, riforma n. 13 », Il Sole 24 Ore, 2 mai 2023.
7 Décret législatif n°368 de 2001.
8 Décret législatif n°276 de 2003.
9 Loi n°247 de 2007.
10 Décret-loi n°112 de 2008 converti en loi n°133 de 2008.
11 Décret-loi n°138 de 2011 converti en loi n°148 de 2011.
12 Loi n°92 de 2012.
13 Décret législatif n°81 de 2015.
14 Décret-loi n°87 de 2018 converti en loi n°96 de 2018.
15 Décret-loi n°73 de 2021 converti en loi n°106 de 2021.
16 M. Tiraboschi, « I contratti a termine tra intenzioni del legislatore e vincoli di sistema », op. cit.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Alberto Mattei, « La réforme des contrats de travail à durée déterminée en Italie », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 3 | 2023, 212-215.
Référence électronique
Alberto Mattei, « La réforme des contrats de travail à durée déterminée en Italie », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale [En ligne], 3 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 14 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/rdctss/6681 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdctss.6681
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