• 1 Notre soulignement.
• 2 Par exemple la grève du zèle, la grève perlée, le refus de faire des heures supplémentaires, le ref (...)

1À la différence d’un certain nombre d’autres pays où les travailleurs détiennent légalement le droit de faire grève, ceux de Grande-Bretagne n’ont pas ce droit. Ils disposent seulement de la liberté1 de faire grève, ou de mener toute autre sorte d’action revendicative2, à condition d’observer à la lettre les lois (complexes) qui régissent les situations de conflit social. Les syndicats qui enfreignent ces lois se rendent coupables d’un délit pour provocation à la rupture de contrats commerciaux et de contrats de travail, ou du délit de conspiration pour commettre un acte illégal. De plus, dans ce cas, le travailleur sera tenu responsable de la rupture de son contrat de travail.

• 3 Voir les s. 226 à 235 du Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act de 1992 (ci-après dén (...)
• 4 TURLCA, s. 238A, qui assure au travailleur une protection contre le licenciement pour avoir pris pa (...)

2Actuellement, la loi consolidée de 1992 sur les syndicats et les relations de travail (Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act - ci-après « TULRCA »)3 protège à la fois les syndicats et les salariés en grève contre les délits pour les premiers, et les ruptures de contrat pour les seconds, dès lors que les dispositions légales sont strictement respectées. Ces dispositions comprennent notamment l’organisation de scrutins de grève par le syndicat, la notification de la grève aux employeurs par le syndicat, les procédures de vote par correspondance, le piquet de grève et bien d’autres choses encore. Lorsque ces dispositions légales sont respectées, tant les syndicats que les salariés4 qui mènent une action syndicale sont également protégés de toute responsabilité.

• 5 Police Act 1996.
• 6 Incitement to Disaffection Act de 1934.
• 7 D’un point de vue historique, en vertu des dispositions du Criminal Justice and Public Order Act de (...)
• 8 Pour plus d’informations sur cette législation, voir le document d’information de la bibliothèque s (...)
• 9 TULRCA 1992, s. 240. Connus sous le nom de life and limb cover (couverture de la vie et des membres (...)
• 10 Civil Contingences Act 2014, qui a abrogé l’Emergency Powers Act 1920.

3Cependant, tout le monde n’est pas protégé par la loi de 1992. Ainsi, les membres des forces armées et ceux de la police5 ne sont pas autorisés à mener des actions syndicales6. Ce sont les seuls services dont les travailleurs ne peuvent pas faire grève7, mais le Trade Union Act de 20l6 a introduit la notion de « services publics importants » susceptibles de mener une action syndicale si le taux de votants est plus élevé de 40 % ; en respectant des périodes de préavis plus longues (14 jours contre 7) ; et à condition d’avoir fourni un plus grand nombre d’informations préalables et un rapport plus détaillé des scrutins et nouveaux scrutins après six mois pour renouveler un mandat d’action revendicative8. Il convient également de noter que la législation de 1992 considère comme un délit le fait de mener une action syndicale en sachant ou en ayant connaissance de risques potentiels pour la vie humaine ou susceptibles de causer des blessures corporelles graves9. En cas d’urgence, définie par le Civil Contingencies Act 2004 comme « un événement ou une situation qui présente une menace grave pour le bien-être du public dans tout lieu du Royaume-Uni »10, un ministre peut introduire un protocole pour protéger la vie humaine, la santé et la sécurité, et remplacer les salariés en grève par du personnel militaire. Enfin, en ce qui concerne les compagnies privatisées d’électricité et d’eau, les ministres ont le pouvoir de promulguer des directives générales ou spécifiques pour atténuer tout danger pour la santé et la sécurité résultant d’une action industrielle.

• 11 Les sources sont variées et comprennent les actualités de la BBC, des journaux tels que le Financia (...)

4De nombreuses professions et de nombreux métiers ont exprimé leur mécontentement en se mettant en grève en raison de la crise liée à l’inflation, de leurs conditions d’emploi, des licenciements et d’autres difficultés. Un petit échantillon de ce mécontentement général exprimé par des grèves est brièvement présenté ci-dessous11.

• 12 Pour compenser les augmentations salariales des années précédentes qui étaient inférieures au coût (...)

6Les membres du Royal College of Nurses (RCN) en Angleterre ont également fait grève à plusieurs reprises, le personnel des services d’urgence et de soins intensifs continuant toutefois d’assurer le service. Le RCN réclame une augmentation de salaire de 19 %12. Le gouvernement anglais a proposé une augmentation de 4,7 %, conformément à la recommandation de l’organisme d’évaluation du NHS Review Body (National Health Service - NHS), déclarant que le Trésor Public ne pouvait pas répondre à la demande salariale n’était pas envisageable. En Écosse, les grèves ont été suspendues pour permettre de parvenir à un accord sur les salaires en 2023.

• 13 70 000 syndiqués du syndicat UCU ont participé à la grève, parmi lesquels des techniciens, du perso (...)
• 14 Les désaccords au sujet de retraites remontent à 10 ans auparavant, mais ils se sont ranimés quand (...)

9Le personnel chargé de la sécurité et des contrôles aux frontières (Border Control Slaff) a mené le nombreux mouvements de grève dans les aéroports et les ports du Royaume-Uni et il a été nécessaire de faire appel à des militaires pour assurer le fonctionnement des services. Le personnel de l’University College a également suivi une grève à plusieurs reprises. Le syndicat des universités et collèges (University and College Union - UCU) a appelé à la grève pendant 18 jours 150 universités et collèges supérieurs à travers le Royaume-Uni, en février et mars 202313. L’UCU réclame soit une augmentation de salaire de 2 % au-dessus du taux d’inflation (officiellement de 10 % aujourd’hui), soit une augmentation de 12 % (le taux le plus élevé des deux), une revalorisation des retraites14, la prise en compte des heures supplémentaires non-payées causées par les emplois du temps surchargés qui sont en fait des contrats « zéro heure » ou temporaires. La réponse des services financiers des universités et collèges est que de telles augmentations causeraient des risques de réduction d’emplois.

• 15 Si les grèves de sapeurs-pompiers se produisent, il s’agira de première fois au Royaume-Uni depuis (...)

10Les chauffeurs d’autobus se sont aussi mis en grève ; les chauffeurs de bus Stellio à Londres ont déclenché une série de grèves, leur syndicat réclamant une revalorisation de salaire égale au taux d’inflation. Les sapeurs-pompiers ont également voté pour la grève15, mais celle-ci n’a pas encore eu lieu. Leur syndicat demande une nouvelle offre, plus acceptable, alors que ses membres ont rejeté une offre de revalorisation des salaires de 5 %, soit en-deçà du taux d’inflation. La réponse du gouvernement consiste à rappeler que les augmentations de salaires sont décidées par un organisme indépendant de révision des rémunérations et que de telles augmentations ne sont pas acceptables pour le Trésor Public.

• 16 Selon l’Office National des Statistiques, entre juin et octobre 2022, un total de 1,6 million de jo (...)
• 17 Cette loi s’applique uniquement à l’Angleterre, au Pays de Galles et à l’Écosse, mais pas à l’Irlan (...)
• 18 TULRCA 1992, s. nouv. 234B.

14Comme évoqué ci-dessus, il y a eu, en 2022 et jusqu’en 2023, un nombre important de conflits sociaux dans les services publics, qui portaient principalement sur les augmentations de salaire - bien inférieures au taux d’inflation (qui a récemment atteint 10,7 %) - d’une part, et, d’autre part, sur les conditions d’emploi. Ces mouvements sociaux ont affecté plus particulièrement, entre autres, les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports, des tribunaux et de la sécurité aux frontières16. Le gouvernement britannique a introduit une loi intitulée Strikes (Minimum Service Level) Act 202317. Cette loi permet d’introduire des niveaux de service minimum pendant les grèves, dans certains services spécifiés par le Secrétaire d’État. La loi confère à ce dernier le pouvoir d’adopter des Minimum Service Regulations qui fixent les minimum service levels (niveaux de service minimum) requis pendant une grève dans tous les services relevant de six secteurs identifiés : les services des pompiers, de premiers secours et de sauvetage ; la santé; l’éducation ; les transports ; la sécurité des frontières ; et le démantèlement de centrales nucléaires18. Ce sont en fait les six secteurs définis comme « services publics de première importance » dans le Trade Union Act de 2016, à ceci près que le terme « sauvetage » a été ajouté à celui de « services des pompiers ».

• 19 TULRCA 1992, s. nouv. 234F.

15Ces règlements sont soumis à une « procédure affirmative »19, c’est-à-dire qu’ils doivent être approuvés par les deux Chambres du Parlement. En vertu de la section 234B de TULRCA 1992, ces Minimum Service Regulations s’appliquent à toute grève ayant lieu le jour suivant de leur entrée en vigueur, même si le scrutin de grève en question a eu lieu avant que le projet de loi ne devienne une loi.

• 20 TULRCA 1992, s. nouv. 234C.
• 21 Sauf si l’employeur et le syndicat conviennent d’une date ultérieure. Une fois déposé, le préavis p (...)

16La loi permet à l’employeur de donner un « préavis de travail » au syndicat concernant toute grève affectant un service soumis à la réglementation sur le service minimum20. Le préavis, qui doit être remis au moins 7 jours avant la première grève21, doit spécifier la liste des travailleurs mobilisés par l’employeur pour assurer le service minimum. L’employeur n’est pas autorisé à solliciter plus de travailleurs que ce qui est « raisonnablement nécessaire » pour respecter les règles de service minimum, ni à opérer son choix selon leur appartenance ou non à un syndicat.

• 22 TULRCA 1992, s. nouv. 234D.

17En revanche, l’employeur est tenu de consulter les syndicats et de tenir compte de leur avis avant d’émettre ou de modifier les préavis de travail. Lorsque l’employeur doit mentionner expressément le nom d’un travailleur dans le préavis de travail, cela ne constitue ni une violation de la confidentialité, ni une atteinte aux exigences en matière de protection des données, dès lors que les termes généraux de la législation sur les données personnelles ont été respectés22.

• 23 TULRCA 1992, s. nouv. 234E.
• 24 Dans ce cas, le § 2 prévoit que les dommages-intérêts sont limités aux pertes subies par l’employeu (...)

19Un nouvel article inséré dans le TULRCA 199223 retire la protection du syndicat en cas de grève s’il incite ses membres à prendre part à la grève, ou si le syndicat manque à son devoir de prendre « les mesures raisonnables » pour s’assurer que tous les travailleurs identifiés, nommés par le préavis, se conforment à la mise en demeure24. Si tel était le cas, tous les travailleurs - qu’ils enfreignent ou non le préavis - perdraient leur protection contre le licenciement abusif.