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Actualités juridiques internationales
Amériques
Argentine

Les premières mesures sociales du nouveau gouvernement argentin

Juan Pablo Mugnolo
p. 256-257
Traduction(s) :
A new government in Argentina [en]

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Mots-clés :

Amériques, Argentine
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Texte intégral

1La crise économique argentine s’est aggravée au fil de l’année 2023, lorsque le gouvernement péroniste a nommé un nouveau Ministre de l’économie afin de mettre en œuvre une réforme fiscale qui impliquait une réduction significative du budget, impactant non seulement le logement et l’éducation, mais aussi la santé, le développement industriel, les travaux publics et les transports. L’inflation, déjà élevée, a atteint 120% en glissement annuel, alors que les réserves de la Banque centrale étaient pratiquement nulles. L’accord conclu avec le Fonds Monétaire International imposait le respect d’objectifs budgétaires et monétaires qui ont contraint un gouvernement fragilisé à imposer une dévaluation de 20% le 14 août 2023, au lendemain de l’échec cuisant des élections primaires obligatoires. Ce fut le début de la fin du gouvernement péroniste.

2En décembre 2023, un nouveau gouvernement est entré en fonction. Une nouvelle force politique, minoritaire au Parlement et sans pouvoir territorial. Son président, étrange personnage se revendiquant de l’anarcho-capitalisme, a servi d’instrument pour canaliser le mécontentement de la population face à une économie en panne de croissance depuis vingt ans. Il a remporté le second tour avec dix points d’avance sur le candidat péroniste à la présidence.

3Quelques jours après son entrée en fonction, le nouveau président a procédé à une forte dévaluation monétaire, impactant les salaires des travailleurs du secteur formel et entraînant une dévalorisation sévère des pensions de retraite. Cette dévaluation a toutefois permis de réduire l’inflation à deux chiffres, tout en provoquant un ajustement brutal des dépenses publiques et une récession économique. Cette dernière a déjà des conséquences négatives sur l’emploi. Au niveau macroéconomique, contrairement au credo libéral que le Président Milei est censé incarner, l’économie est soumise à un contrôle des changes extrêmement strict, bloquant les investissements.

I - Une nouvelle législation

4Quelques jours après son entrée en fonction, le gouvernement libertaire a publié un décret - au mépris de la Constitution nationale, tant sur le plan de la procédure que sur celui des valeurs - imposant, entre autres, une grande flexibilité dans les relations de travail. Ce décret n°70/23 a été attaqué en justice par la CGT (principale centrale syndicale argentine). Considéré inconstitutionnel par la Cour, celle-ci a décidé de suspendre son application.

5Autre épopée institutionnelle, pleine de rebondissements : l’envoi d’un projet de loi au Congrès national, le mercredi 27 décembre 2023. Ce projet de loi a été débattu par la Chambre des députés, début février 2024, approuvé dans les grandes lignes tout en étant contesté sur de nombreux points. Conscient qu’un débat sur le fond aboutirait à une défaite, le gouvernement a finalement retiré son projet de loi. Cette proposition de réforme comprenait une partie traitant des relations de travail.

6Minoritaire au Parlement, le gouvernement a dû changer de tactique et démanteler le projet de loi initial dans le seul but de faire adopter « une loi à tout prix ». La révision et l’adaptation du projet de loi ont permis d’inclure dans la nouvelle version certains des éléments relatifs aux relations de travail envisagés dans le projet de loi initial. En revanche, d’autres thèmes ont été écartés à l’issue des négociations. Ce processus a donné lieu à une norme désordonnée et anarchique sur les relations individuelles de travail dans le domaine de l’emploi public et privé.

7En résumé, la loi n°27.742 « Bases et points de départ pour la liberté des Argentins » (Ley de bases y puntos de partida par la libertad de los Argentinos) est la conséquence d’une action politique maladroite de la part d’un gouvernement novice. Son contenu reflète les préjugés typiques à l’encontre de la réglementation du travail, et témoigne d’une grande méconnaissance de celle-ci. Il s’agit d’une loi dépourvue de technicité, qui multipliera les litiges et aura l’effet inverse à celui escompté.

II - Quelques nouvelles réglementations du travail peu élaborées1

  • 1 Un prochain article détaillera la portée et le contenu de cette réforme, dont l’application est act (...)

8L’un des premiers apports de la réforme du travail consiste en la suppression des sanctions infligées aux employeurs qui embauchent des travailleurs non déclarés, ou dont la déclaration est incomplète. Aujourd’hui, plus aucune sanction n’est appliquée en cas d’absence de déclaration des travailleurs.

9La réforme a également pour objet d’allonger la période d’essai et de réviser les conditions d’octroi du congé maternité, lequel peut être demandé jusqu’à 10 jours avant l’accouchement, alors qu’auparavant le délai obligatoire était de 45 jours. Dans le contentieux du licenciement discriminatoire, la nouvelle législation revient sur le partage de la preuve, en faisant peser la charge de la preuve sur seul le travailleur, à contre-courant d’une jurisprudence consolidée depuis des décennies.

10Sous un autre angle, la réforme révise le champ d’application de la législation du travail, en créant une nouvelle figure, celle du collaborateur du « travailleur indépendant ». Celui-ci peut exercera son activité sans être protégé par le droit du travail. Enfin, dans un élan théâtral de lutte contre les syndicats, la participation à des piquets de grève, à des blocages et/ou à des prises de contrôle d’établissements fait désormais partie des motifs de licenciement. Cela vise pourtant des situations qui sont peu fréquentes en Argentine, étant donné le rôle « institutionnel » que jouent les syndicats dans le système syndical et politique.

Conclusion

11Dans un contexte politique inédit, l’Argentine est confrontée au paradoxe d’un gouvernement sans force institutionnelle consistante (parlementaire ou territoriale) mais qui, à ce jour, alors même qu’une récession frappe les classes moyennes et les classes inférieures, dispose d’un soutien populaire important et stable qui lui permet de faire avancer des réformes profitant surtout à quelques grands groupes économiques. Parmi ces réformes figure la réforme du travail. Le film ne fait que commencer et la fin demeure incertaine.

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Notes

1 Un prochain article détaillera la portée et le contenu de cette réforme, dont l’application est actuellement suspendue, et dont les conséquences sont encore appelées à évoluer.

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Pour citer cet article

Référence papier

Juan Pablo Mugnolo, « Les premières mesures sociales du nouveau gouvernement argentin »Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 3 | 2024, 256-257.

Référence électronique

Juan Pablo Mugnolo, « Les premières mesures sociales du nouveau gouvernement argentin »Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale [En ligne], 3 | 2024, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 07 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/rdctss/8973 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12f15

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Auteur

Juan Pablo Mugnolo

Directeur du département de droit du travail et de la sécurité sociale, Université de Buenos Aires, Professeur, Université de Buenos Aires et de San Andrés

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