5Pour tenter d’apprécier la mise en œuvre concrète des objectifs portés par les pouvoirs publics, il convenait de réaliser un état des lieux de ces diplômes qui rende compte d’une part des conditions de mise en place des DUFCC dans les universités et, d’autre part, de la réception de ces formations par les différents publics étudiants qui s’y inscrivent.

7Dans un premier, temps, nous nous intéresserons à l’implantation des DUFCC dans les universités et les modalités pédagogiques mises en œuvre in concreto (1), avant d’analyser, dans un second temps, la réception de la formation par les étudiants à travers leurs retours d’expérience (2).

1. La mise en place des DU de formation civile et civique : un singulier pluriel

8En comparaison avec les autres diplômes universitaires, les DUFCC paraissent bien atypiques : poussés, encouragés, soutenus par les pouvoirs publics et spécifiquement par le ministère de l’Intérieur qui n’est pas le ministère de tutelle des universités, visant un public inhabituel et inhabitué des couloirs des facultés, encadrant à tout le moins le contenu pédagogique, ces DU troublent le paysage universitaire et se caractérisent par une implantation in situ, très liée au contexte. Ces formations revêtent par ailleurs un intérêt particulier du fait de leur contenu et des relations pédagogiques qui s’y déploient. L’objectif de notre étude était de rendre compte des caractéristiques communes à ces formations et de leurs variations d’un établissement à l’autre (1.1). Bien que chaque DUFCC, pour prétendre à un agrément voire un financement du ministère de l’Intérieur, doive respecter le cadre curriculaire imposé par la « Charte d’harmonisation », ce cadre est suffisamment lâche pour permettre d’importantes variations locales en matière de choix des enseignements, des enseignants et des publics (1.2).

1.1. L’implantation in situ des DU

9Les DUFCC ont une genèse parfois mouvementée, différente d’un site universitaire à l’autre. Cette histoire des DUFCC ne peut être lue sans l’articuler aux responsables de ces diplômes. Car l’histoire de ces DU est également la leur. En s’appropriant, en toute liberté, ces diplômes, ils ont certes imprimé leur marque distinctive, mais sont tous mus par un même engagement.

10L’émergence des DUFCC au sein des sites universitaires s’inscrit dans des contextes spécifiques. En effet, si les pouvoirs publics incitent à la création puis à la généralisation de ces DU au sein des universités publiques, ces diplômes, d’un genre nouveau pour les universités tant en raison de leur contenu pédagogique que du public cible, n’ont pas tous été créés en réponse à cette incitation., Les entretiens effectués auprès des responsables de DUFCC ont mis en lumière l’hétérogénéité des conditions de leur implantation et ont permis de dégager des contextes liés pour certains DU aux spécificités du territoire de mise en place (Mayotte), à la réaction à une sollicitation d’un représentant religieux (Chambéry), à une inscription dans un projet déjà existant (Montpellier, Metz), à une demande des pouvoirs publics (Toulouse, Rennes, Dijon), mais aussi à des relations de proximité préexistantes entre des acteurs du champ académique (Lyon). Quant aux sites universitaires de Strasbourg et d’Aix-en-Provence, ils constituent les pionniers et ont ouvert la voie à la généralisation de la démarche. Spécifiquement, la mise en place du diplôme à Strasbourg est très liée à la personne et aux travaux de son initiateur, Francis Messner. Les DUFCC se caractérisent donc par une diversité des conditions de création et de maillage territorial.

11La mise en place des DUFCC passe par leur institutionnalisation au sein des universités. S’il est vrai que l’implantation de ces diplômes a pu provoquer quelques tumultes au sein de la communauté universitaire publique, dus en grande partie à la crainte d’une intrusion de la religion, toutefois, les obstacles ont été levés grâce aux responsables de DUFCC qui ont su expliquer ces diplômes ainsi qu’au soutien des différents présidents d’université. Le climat est totalement apaisé aujourd’hui. L’institutionnalisation dans les universités étant acquise, reste encore une difficulté pour les responsables de ces nouveaux diplômes, celle tenant à leur publicisation. Il faut préciser que l’opération de promotion se répète chaque année, en vue du recrutement des étudiants. De manière générale, les entretiens indiquent que les responsables s’investissent beaucoup dans ces démarches de communication, alors même qu’ils n’y sont pas préparés et que cela est chronophage. En outre, majoritairement, les responsables de DUFCC ne bénéficient pas d’un soutien suffisant des collectivités publiques bien que le diplôme réponde à une stratégie des pouvoirs publics.

12Prendre la responsabilité d’un DUFCC constitue un véritable engagement, bien différent de la mission universitaire classique de l’enseignant-chercheur. De manière générale, ces DUFCC apparaissent comme un véritable défi à relever pour les responsables avec lesquels nous nous sommes entretenus. Ils ont le sentiment de participer à une mission aux enjeux sociétaux forts, de contribuer à favoriser une société d’inclusion, le vivre ensemble. Un autre critère justifiant l’engagement dans cette prise de responsabilité réside dans l’adéquation scientifique du DUFCC avec le propre parcours en recherche des responsables des DUFCC. Elle peut être forte pour certains ayant fait leur thèse sur la laïcité et écrivant sur le « fait religieux », ou encore être étroitement liée à leur terrain de recherche. Parfois, le lien est plus indirect, lorsque l’enseignant travaille sur les libertés publiques. Dans quelques cas, l’unité de recherche à laquelle les enseignants et le DUFCC sont rattachés peut renforcer la légitimité de la formation et est susceptible d’aider au recrutement d’intervenants. Certains responsables de DUFCC considèrent que la prise en charge du diplôme est peu valorisée en tant que telle dans la carrière universitaire, mais valorisée en tant qu’expertise permettant d’établir un lien étroit entre enseignement au DUFCC et recherche-action.

1.2. Formations et choix pédagogiques : convergences et différenciations curriculaires

14Depuis 2015, la « Charte d’harmonisation » qui conditionne l’agrément des DUFCC par les ministères de l’Intérieur et de l’Enseignement supérieur explicite les attentes à l’égard de ces formations. Cette Charte leur assigne trois objectifs pédagogiques, à la fois académique, professionnel et sociopolitique. Si l’on s’en tient à l’ordre des priorités affichées par la Charte, il semble que la finalité pédagogique première des DUFCC réside dans la transmission de savoirs juridiques sur l’encadrement du fait religieux en général, et la laïcité en particulier. La deuxième finalité pédagogique consiste à préparer professionnellement le personnel des institutions cultuelles, au moyen d’enseignements appliqués. Enfin, la formation vise la transmission de savoirs contextuels, propice à la constitution d’une « culture générale des religions en France », tournée vers le dialogue interreligieux. À ces trois finalités explicites de la Charte des DUFCC s’ajoutent des finalités latentes, qui constituent un arrière-plan politique des enjeux pédagogiques, dont les responsables de DUFCC sont conscients, et qu’ils entendent mettre à distance, selon des logiques parfois ambiguës, liées aux différentes dimensions de leurs positions, en tant qu’enseignants, responsables de formations, chercheurs, en tant qu’experts parfois sollicités en dehors de l’espace académique.

16Des divergences significatives apparaissent dans le poids respectivement accordé aux trois objectifs pédagogiques prévus dans la Charte ministérielle. Si ces trois objectifs sont généralement considérés comme complémentaires, certains responsables apparaissent prioritairement attachés à la transmission de savoirs académiques sur les institutions de la République et la laïcité ; d’autres à la transmission de savoirs appliqués et à la mise en situation professionnelle d’étudiants qui, pour bon nombre, sont des professionnels ; d’autres enfin à la transmission de savoirs « politiques » ou d’« expériences » sur les religions et à la création d’un espace de rencontre et de dialogue interreligieux. Les conceptions divergentes des finalités éducatives des DUFCC ne sont pas indépendantes des positionnements de leurs responsables dans le champ scientifique.

18Certains entretiens illustrent les potentielles difficultés que pose la transmission de savoirs sur le religieux de la part d’intervenants extérieurs à l’université dont l’expérience de l’enseignement est faible, a fortiori face à un public précisément recruté pour sa diversité confessionnelle. Si les enseignants-chercheurs ne sont pas toujours à l’abri de controverses relatives à la réception de leurs enseignements, leur expérience et leur autorité universitaire leur permettent généralement de désamorcer les éventuels heurts pédagogiques. Ainsi, parmi les DUFCC dont les responsables ont été rencontrés, seuls ceux de Montpellier, Toulouse et Rennes font intervenir des professionnels de la religion. Par ailleurs, la visite de lieux et d’organisation cultuels encadrée par des universitaires peut constituer une alternative pédagogique, comme c’est le cas à Lyon, ou à Aix-en-Provence où des visites de synagogue, mosquée et loge du Grand Orient font partie intégrante de la formation.

19En raison des finalités pédagogiques particulières des DUFCC, les responsables de ces formations adaptent leurs modalités de sélection et d’évaluation aux publics ciblés, souvent au détour d’ajustements entrepris au bout d’une ou deux années de fonctionnement. Selon qu’ils ciblent prioritairement des cadres religieux, musulmans ou non, des professionnels en formation continue, issus du monde de l’entreprise ou de la fonction publique, ou qu’ils s’adressent à des étudiants en formation initiale, en droit ou dans d’autres disciplines, les responsables anticipent (ou s’ajustent rapidement à) des niveaux scolaires plus ou moins (dés)ajustés à une formation en théorie de niveau universitaire. Il convient de souligner également l’enjeu de l’inégale maîtrise de la langue française susceptible de constituer une difficulté majeure dans le suivi de la formation. Notre enquête confirme qu’il y a bien là un élément essentiel de la sélection à toutes les étapes de la formation, notamment s’agissant des cadres religieux musulmans.

20Si les contraintes scolaires apparaissent dans l’ensemble plus faibles dans les DUFCC que dans d’autres formations universitaires de même niveau, elles varient cependant une nouvelle fois en fonction des sites. Les responsables les plus attachés à une conception scolaire de la formation tentent de conserver des modalités d’évaluation des acquisitions apparentées aux évaluations universitaires (mémoires, épreuves écrites, oral de fin d’études). Ceux qui privilégient la fonction sociale de création d’un espace de dialogue interreligieux dans un souci d’inclusion de publics éloignés de l’univers scolaire ont davantage tendance à abaisser au maximum les barrières à l’obtention du diplôme, afin de permettre sa délivrance à un public le plus large possible. Pour ces responsables, l’engagement dans le DUFCC se mesure principalement à la présence en cours, qui justifie l’obtention du diplôme, quel que soit le niveau d’acquisition des savoirs des étudiants à la fin de l’année universitaire.

21Il est à noter que tous les DUFCC font de l’assiduité aux enseignements une condition nécessaire, mais non suffisante, de validation du diplôme. En dehors de cette commune exigence d’assiduité, on observe donc une assez forte hétérogénéité dans le degré d’exigence des examens de validation pour une même catégorie de diplôme.

22Après avoir relaté l’implantation des DUFCC dans les universités et la teneur des programmes et modalités pédagogiques proposées, il convient de s’intéresser à la réception de ces formations par les étudiants par le biais de leur expérience universitaire.

2. Une formation pour acquérir des connaissances et enrichir ses expériences

2.1. La diversité des publics, gage de richesse et de rencontre d’autres convictions

24L’accueil d’étudiants aux profils variés fait partie des objectifs assignés aux DUFCC et est par ailleurs largement valorisé par les responsables des diplômes. La diversité des publics des DUFCC est également spontanément mise en avant par les étudiants qui évoquent la richesse des échanges, des rencontres parfois marquantes, voire l’instauration d’amitiés durables pour quelques-uns d’entre eux. L’importance de la mixité de genre est soulignée par les plus jeunes des étudiantes, et les relations intergénérationnelles présentées positivement par les plus âgés des enquêtés, qui précisent parfois que « jeunes » et « anciens » avancent néanmoins à des rythmes différents. L’entraide entre étudiants est fréquemment évoquée et elle est souvent prise en charge par une ou plusieurs étudiante(s) sous forme d’une prise de notes partagée ou de rédaction de résumés transmis aux étudiants les plus en difficulté, du fait notamment d’une maîtrise moindre de la langue française. Sans s’attarder sur leurs performances scolaires ou académiques lorsqu’ils évoquent leurs condisciples, les enquêtés mentionnent d’abord la coexistence de profils variés (cadres religieux, agents publics, salariés du secteur privé…) évoluant dans des univers aussi différents que le milieu hospitalier, le milieu carcéral, l’entreprise, l’enseignement, l’action socio-éducative…, mais aussi le contact entre des adeptes de diverses confessions et des « athées bien convaincus ». Plusieurs enquêtés, jeunes étudiants en formation initiale comme professionnels en reprise d’études, estiment ainsi que la formation s’est révélée être une véritable aventure humaine et qu’ils ont côtoyé pendant cette année universitaire des personnes qu’ils n’auraient jamais eu l’occasion de rencontrer par ailleurs. La diversité des publics devient ainsi une composante à part entière de la formation au sens où l’échange des points de vue permet d’étoffer et de faire évoluer ses propres positions. Les étudiants y font l’apprentissage empirique de la confrontation des opinions et des convictions, y compris religieuses, sur des sujets qui alimentent parfois la controverse dans le champ public et médiatique. Ils témoignent de leur attachement aux discussions parfois animées, et en général bienveillantes, qui ont lieu lors des cours ou de moments informels. Si ces interactions constituent pour nombre d’étudiants un apport à part entière de la formation, c’est parce qu’elles signifient la rencontre d’expériences et de parcours individuels dont la diversité est rarement autant représentée dans les autres espaces sociaux et en particulier dans les autres cursus universitaires. Et c’est bien la conjonction entre une formation réalisée dans le cadre universitaire et des engagements professionnels ou associatifs qui constitue une des originalités du DUFCC. Le goût exprimé pour ces discussions entre étudiants est cependant tempéré par le constat de l’insuffisance des temps d’échanges. Plusieurs enquêtés se déclarent frustrés de ne pas avoir plus d’occasions de discussions et sont en demande de moments plus formalisés.

25La majeure partie des enquêtés expriment la volonté de maintenir ce lien entre étudiants, mais aussi avec l’université, à l’issue de la formation et regrettent l’absence de continuité après le DUFCC, qui leur aurait permis de garder un lien avec les enseignants et les étudiants pour pouvoir échanger sur un problème, de suivre des séminaires sur les thématiques abordées lors de la formation… En effet, en dehors de quelques amitiés durables, les liens perdurent rarement au-delà de l’année universitaire. Quelques enquêtés continuent d’assister à certaines journées d’études mais souhaiteraient avoir des rencontres entre anciens étudiants, être mieux informés des conférences de l’université… Les enquêtés sont demandeurs du maintien d’un lien avec l’université, voire souhaitent une « suite » au DUFCC.

26Du fait de la variété des profils en présence, le DUFCC ne représente pas simplement un diplôme à obtenir, mais s’y ajoute une expérience vécue au sein d’un groupe qui constitue « une sorte de micro-société ». Acquérir des connaissances et compétences dans une perspective de vivre ensemble au sens large fait d’ailleurs pleinement partie des facteurs de motivation à l’inscription au DUFCC. La place accordée au droit dans la formation est ainsi particulièrement valorisée, dans la perspective de mieux appréhender le cadre juridique de la prise en compte du fait religieux et en particulier le principe de laïcité.

2.2. Le droit comme vecteur de « vérité » pour une nouvelle perception de la laïcité

27Lorsqu’ils évoquent les apports des enseignements du DUFCC, les enquêtés qui exercent une activité professionnelle ou associative parallèlement à la formation mentionnent volontiers le renforcement de compétences méthodologiques qui peuvent leur être utiles dans leurs fonctions, des connaissances relatives aux religions qui les intéressent beaucoup mais qui ne sont pas toujours immédiatement applicables à leur pratique, et surtout une meilleure compréhension des règles leur permettant de fournir des réponses dans le cadre de leur activité. Les professionnels sont particulièrement intéressés par les enseignements qui leur apportent des connaissances qu’ils peuvent directement mettre au service de situations concrètes, même si ceux qui sont le moins dotés en capital scolaire vont davantage opposer leur expérience de terrain aux savoirs académiques qu’ils considèrent n’être pas toujours adaptés à la complexité des réalités rencontrées. Néanmoins, tous ont une prédilection pour l’acquisition de connaissances utiles à leur pratique professionnelle ou associative et valorisent le cadre universitaire, garant de liberté intellectuelle et de traitement « objectif » des religions. L’image qu’ont les enquêtés du milieu académique avant leur inscription est confirmée par leur expérience de la formation lorsqu’ils disent avoir apprécié une approche qualifiée d’« objective » qui leur semble caractéristique des universitaires. De façon paradoxale, des prises de position des enseignants sont parfois valorisées au titre de l’objectivité, car considérées comme une preuve de liberté intellectuelle et d’indépendance, par exemple lorsque ceux-ci portent un regard critique sur certains aspects du cadre légal ou du discours médiatique. Cette mise en valeur du cadre académique s’accompagne d’une attention particulière portée au traitement des religions et activités religieuses, perçues comme un champ de compétences à part entière. La dimension scientifique et impartiale qui doit s’attacher aux enseignements universitaires est d’autant plus mise en avant lorsqu’il s’agit d’aborder les religions dans une formation où nombre d’étudiants ont des connaissances et compétences qu’ils peuvent confronter à ce qui leur est présenté.

28Le droit est souvent présenté par les enquêtés comme la discipline qu’ils ont préférée, en particulier pour ceux qui ne l’avaient jamais abordée auparavant. La conception du droit comme étant une matière « objective » avant l’inscription au DUFCC s’est confirmée pendant la formation. Celle-ci permet aux enquêtés de distinguer la définition juridique de la laïcité de ce qui relève du discours médiatique. Le droit permet ainsi une nouvelle compréhension de la laïcité qui est alors perçue par les enquêtés comme un élément positif pour les religions et le vivre ensemble. Sur la notion de laïcité, on assiste à un renversement de point de vue chez plusieurs étudiants aumôniers, imams ou qui occupent des fonctions au sein d’organisations musulmanes. Avant la formation, ceux-ci percevaient la laïcité comme « antireligieuse » et coercitive. Cette appréhension de la laïcité est modifiée au cours du DU grâce à sa compréhension juridique et ils découvrent une laïcité plus permissive, dans un État qui respecte les religions. Plusieurs étudiants occupant d’autres activités professionnelles font leur cette conception renouvelée de la laïcité synonyme de garantie de la pluralité des cultes et plus largement d’ouverture d’esprit face aux questions religieuses, en particulier lorsqu’ils travaillent avec des publics diversifiés.

29La connaissance des règles juridiques et du cadre de la laïcité leur ouvre la possibilité d’utiliser les mêmes outils que leurs interlocuteurs institutionnels et permet ainsi de développer de nouvelles capacités d’agir non seulement dans le cadre d’engagements professionnels ou associatifs, mais aussi en tant que simples citoyens conscients de leurs droits, de leur étendue mais également de leurs limites. La formation est alors perçue comme promouvant une culture citoyenne qui devrait par conséquent s’adresser à un public beaucoup plus large que les cadres religieux initialement visés par les DUFCC.

30Lorsqu’ils expriment une appréciation générale sur le rôle et les objectifs des DUFCC, les enquêtés sont nombreux à considérer que la formation devrait s’adresser à toute personne désireuse de s’inscrire dans une démarche citoyenne et insistent sur la nécessité de promouvoir le DUFCC au-delà du cercle des cadres religieux. Les enquêtés aumôniers, imams ou engagés dans des associations musulmanes sont conscients de faire partie du public « cible » de la formation et critiquent fréquemment l’image du DUFCC perçu comme destiné à former des imams, en estimant même qu’elle décrédibilise le diplôme. Les enquêtés constatent un décalage entre la formation qu’ils ont suivie et dont ils font l’éloge et l’image de « DU pour les imams » qui lui demeure associée. Ils plaident pour qu’elle soit valorisée au-delà du cercle des cadres religieux afin de « former des citoyens français tout court ». Imams, aumôniers, membres actifs d’associations, mais aussi éducateurs, formateurs… nombre d’étudiants des DUFCC ont un engagement social et font preuve d’un grand intérêt pour la chose publique. La grande majorité des enquêtés considère que cette formation devrait être suivie par un large public, y compris par certains partenaires institutionnels avec qui ils sont régulièrement en contact.

31Parce qu’ils sont souvent engagés professionnellement, mais aussi dans des associations, dans la vie de leur quartier ou de leur ville, les étudiants du DUFCC sont particulièrement sensibles à l’apport de connaissances issu de la formation qu’ils peuvent mettre en œuvre au profit de leurs activités et de la communauté citoyenne dans son ensemble.

33Les enquêtés expriment une satisfaction générale à l’égard de la formation suivie, quels que soient l’établissement ou l’année universitaire concernés. S’ils ont une perception très différente du niveau des enseignements et de la quantité de travail à fournir selon qu’ils s’y sont inscrits à une période plus ou moins éloignée de leur parcours de formation initiale, ils ont un avis globalement positif s’agissant de la qualité des enseignements et des enseignants et de l’intérêt des connaissances acquises. Le DUFCC est présenté souvent comme un « vrai plaisir » et un enrichissement personnel. De plus, pour certains étudiants, il leur a permis d’élargir leurs perspectives en matière de formation et de s’inscrire ensuite à d’autres DU ou cursus universitaires.

 

34L’enquête a mis en évidence deux conceptions principales des missions des DUFCC : l’une, plutôt universaliste, visant à l’apprentissage du principe de laïcité et de la liberté religieuse offert à tous les volontaires, sans distinction. L’autre, davantage utilitariste et développant des approches très appliquées, visant à l’encadrement de la pratique professionnelle des cadres religieux, principalement musulmans.

35Les savoirs juridiques sur l’encadrement du fait religieux et la laïcité occupent en tout état de cause une place centrale dans les maquettes et le droit est une matière plébiscitée par tous les étudiants, certains occupant grâce au diplôme la position de « référent laïcité » dans l’institution qui les emploie ou mobilisant ces règles juridiques dans leurs activités professionnelles ou associatives. La question se pose néanmoins de savoir s’ils ont acquis une suffisante maîtrise du droit pour être ou se dire spécialistes de la laïcité. Ne conviendrait-il pas d’offrir des modules ou séminaires complémentaires après le DU afin d’actualiser et d’approfondir les connaissances avec des mises en situation, ce type de suivi répondant, du reste, à une demande des étudiants ?

36Pour poursuivre sur l’ambiguïté de cette double perception, le fait que l’obtention du DUFCC est désormais obligatoire pour les aumôniers rémunérés accentue le risque d’un étiquetage de la formation comme « diplôme pour les cadres religieux ». Or les enseignements dispensés dans les DUFCC recèlent beaucoup d’intérêt pour ceux qui, pour leurs études, de futurs concours, leur profession ou tout simplement en tant que citoyens, souhaitent acquérir ou approfondir la question du « fait religieux ». En tout état de cause, il s’avère que l’identification des DUFCC à une population cible n’est pas favorable à un recrutement de publics diversifiés permettant la connaissance de l’autre et la confrontation des opinions et des convictions, dimension considérée comme une composante à part entière de la formation par les responsables de DU et par les étudiants.