1Bel exemple de coopération internationale dans ses modalités de rédaction et par ses auteurs de nombreuses nationalités, cet ouvrage collectif est issu à la fois des articles publiés dans le numéro 54 de la revue Revista general de derecho canónico y de derecho eclesiástico del Estado et d’un séminaire international qui a eu lieu à l’Université Complutense de Madrid. Il se compose de dix-neuf chapitres, rédigés par des universitaires de plusieurs pays, autour de la question de la Covid-19 et de la liberté religieuse. Il développe les problématiques nationales concernant la tension entre la crise sanitaire et les limites apportées aux droits fondamentaux, en montrant à la fois les particularismes et les points communs des différentes approches.

2Il se divise en trois grandes parties : perspectives générales (deux chapitres), Europe (neuf chapitres) et Amérique (huit chapitres). Si la première partie permet donc d’introduire la question d’un point de vue global, les deux autres sont composées d’analyses détaillées pays par pays. Sont ainsi traités successivement l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, le Vatican, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, les États-Unis, le Mexique, le Pérou et l’Uruguay.

3Le point de départ est une interrogation sur les questions posées par la Covid-19 et la liberté religieuse : s’agit-il véritablement de problèmes nouveaux ou de l’application de solutions anciennes à ce type de crises ? Ce chapitre introductif affirme une perspective de droit comparé axée sur l’étude de mesures gouvernementales limitatives de la liberté religieuse dans le contexte de la crise sanitaire. Il se livre alors à une analyse à la fois factuelle et juridique des diverses réactions des acteurs impliqués, essentiellement l’État et les différentes communautés religieuses.

4Le champ d’étude se montre très diversifié, même s’il se compose d’États de deux continents uniquement, et a le mérite d’être doté d’une cohérence importante dans la présentation des différents chapitres. La présentation des différents auteurs rend, en effet, la lecture facile d’accès pour les lecteurs peu connaisseurs du système juridique de chaque pays. Un point commun aux différentes analyses est la perception d’une certaine tension entre l’État, symbole du « sécularisme », et les communautés religieuses. Ainsi, la « crainte » des gouvernements relative à l’exercice des pratiques religieuses pendant la crise sanitaire est abordée comme un point de départ commun, différencié ensuite selon les États par la plus ou moins grande difficulté à respecter les mesures restrictives adoptées et l’approche différente de la coopération nécessaire avec les institutions gouvernementales.

5Si toutes les contributions, rigoureuses, documentées et très actuelles, présentent un grand intérêt pour comprendre cette tension inhérente à l’exercice d’un droit fondamental, la liberté religieuse, dans un contexte restrictif, deux chapitres ressortent cependant comme particulièrement utiles pour les lecteurs : celui qui est consacré à l’Espagne (chapitre 5) et celui qui traite l’approche française (chapitre 6).

6Ainsi, le cadre juridique de la liberté religieuse est-il posé en Espagne en tant que droit fondamental fondé sur l’article 16 de sa Constitution. L’auteur développe alors la question de la santé publique comme une limite à la liberté religieuse, en tenant compte de la santé mentale en tant que droit. On se livre ainsi à une analyse du décret espagnol (14 mars 2020) sur « l’état d’alarme », mais aussi du rôle des communautés autonomes dans un État très décentralisé. Par leur limitation des déplacements, elles ont, en effet, conduit les communautés religieuses à s’adapter et à utiliser les nouvelles technologies.

7Le chapitre 6 se livre ensuite à une étude très détaillée et chronologique sur les faits et les mesures adoptées en France. L’analyse repose notamment sur l’application du principe de laïcité pour conclure que la liberté religieuse a été moins affectée par la pandémie que d’autres droits fondamentaux comme la liberté de réunion et de manifestation ou le droit à l’éducation.

8Actuel et riche en informations, cet ouvrage est donc à la fois équilibré et exhaustif pour les lecteurs qui souhaitent revenir sur la crise sanitaire récente dans une approche comparative. Il soulève au passage les interrogations sous-jacentes à l’exercice de l’action des pouvoirs publics dès lors qu’il faut concilier des impératifs de santé publique et le respect des droits fondamentaux.