Le vote des musulmans en France (2002-2022) : de l’électorat captif à l’électorat capté ?
Résumés
Jusqu’aux années 2010, l’électorat musulman de France est loyalement socialiste, loyalisme qui culmine aux élections présidentielles et législatives de 2012. Il cesse à partir de 2014, à travers une abstention très élevée et un report notable de ses voix sur des listes de droite modérée. Au second tour des élections présidentielles de 2017, le report ultra-massif de cet électorat vers Emmanuel Macron contribue à sa victoire puis à celle de la majorité présidentielle aux législatives. Aux élections municipales de 2020, il se disperse, comme en 2014, dans l’abstention, les listes de droite modérée et les nouvelles listes LFI. Deux ans plus tard, le candidat Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et la coalition NUPES aux législatives concentrent ses suffrages. Comment expliquer ces fluctuations ?
Plan
Haut de pageTexte intégral
Introduction : L’émergence d’un swing vote
- 1 Cl. Dargent, Religion et vote : « Cachez cette variable que je ne saurais voir »…, rapport de rech (...)
- 2 Selon H. El Karoui, La fabrique de l’islamisme, Paris, Institut Montaigne, 2018. L’INSEE avance en (...)
- 3 Ibid. et encore Cl. Dargent, « Les électorats sociologiques : le vote des musulmans », Paris, CEVI (...)
- 4 Estimation de J.-P. Gourevitch, « Ce que pèse réellement le vote des musulmans dans la balance dém (...)
1La population des citoyens musulmans, qu’on la définisse selon la religion ou l’origine, est en augmentation depuis les années 1980. Du fait de leur histoire familiale, ces citoyens « nouveaux » se caractérisent par une grande jeunesse. Les trois quarts ont moins de 35 ans dans les années 20001, un chiffre qui s’érode lentement pour atteindre 70 % de moins de 45 ans en 20172. Au sein de l’électorat français, ils sont passés de 0,7 % des électeurs en 1997 à 5 % dix ans plus tard3. L’estimation de leur poids dans l’électorat avoisinerait aujourd’hui les 10 %4 avec 4,2 millions de votants, une masse qui grandit chaque année en proportion de l’augmentation du nombre d’inscrits sur les listes électorales (soit 850 000 personnes de plus entre 2021 et 2022). Malgré son fort abstentionnisme, on s’aperçoit que l’électorat musulman est devenu, depuis les élections présidentielles de 2012, un swing vote à l’américaine (vote décisif de bascule), dont l’influence se répercute sur les élections législatives et locales selon les territoires.
2En en retraçant l’histoire à grand trait, il se trouve que, de ses prémices aux années 2010, l’électorat musulman est loyalement socialiste, quelles que soient les secousses. Ce loyalisme culmine aux élections présidentielles et législatives de 2012 (1.1) et s’arrête à partir de 2014, à travers une abstention très élevée et un report notable de ses voix sur des listes de droite modérée (1.2). Au premier tour des présidentielles de 2017, la candidature d’Emmanuel Macron séduit autant les électeurs musulmans que l’électorat dans son ensemble (24 %). Jean-Luc Mélenchon fait une percée remarquable, mais pas encore majoritaire (37 %). Au second tour de 2017, le report ultra-massif de l’électorat musulman vers Emmanuel Macron (92 %) contribue à sa victoire. Il contribue aussi à celle de la majorité présidentielle aux législatives (2.1). Mais le soutien au nouveau président paraît de courte durée. Aux élections municipales de 2020, l’électorat musulman choisit, comme en 2014, de s’abstenir massivement, de voter pour des candidats de droite modérée déjà en place ou finalement de voter pour les nouvelles listes LFI, parti créé en février 2016. Deux ans plus tard, la tendance à la répartition se rétracte (2.2). En 2022, le candidat Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et la coalition NUPES aux législatives concentrent ses suffrages.
3De nombreux facteurs ont abouti à ce résultat. De quoi est-il le signe ? Sommes-nous face à la preuve d’une convergence – médiatiquement dénoncée – entre radicalisation islamiste de la population musulmane et extrême gauche ? Sommes-nous plutôt en train d’assister, malgré la différence de contexte, à la naissance d’une répartition polarisée et ethnoreligieuse, à l’américaine encore, de la « fragmentation » française ? Ne s’agirait-il pas davantage d’une réaction de conjoncture, liée à la longue séquence qui a justifié le vote de la loi « contre le séparatisme » ?
1. De la loyauté à l’abandon socialiste (2000-2015)
- 5 A. Muxel, « Les attitudes socio-politiques des jeunes issus de l’immigration maghrébine en région (...)
- 6 Cl. Dargent, « Les musulmans déclarés en France : affirmation religieuse, subordination sociale et (...)
4Depuis 1981, les enquêtes de l’European Values Study (EVS) prennent la mesure de l’univers des valeurs et des croyances des Européens en étudiant, entre autres, le lien entre vote et religion. Elles ont pointé précocement l’orientation marquée à gauche des Français musulmans. Pareillement, Anne Muxel, à partir d’une enquête auprès de jeunes Franciliens interrogés en 1986-1987, avait trouvé que 83 % des « jeunes d’origine immigrée musulmane » [sic] se situaient à gauche contre 58 % des « jeunes d’origine immigrée catholique » [sic] et 42 % des « jeunes Français de souche » [sic]5. Entre 1988 et 2001, la pondération faite par Claude Dargent des enquêtes menées par l’Observatoire interrégional du politique (OIP) pendant les années 1990 évalue à une moyenne de 46 % les Français musulmans qui ont voté à gauche, 3 % ni à gauche ni à droite, 12 % au centre et 4 % à droite. Cette répartition est plus élevée de dix points que celle de l’ensemble de la population, dans les segments équivalents6.
1.1. Le vote socialiste et l’appartenance minoritaire (2002-2012)
5Les raisons d’une préférence socialiste peuvent être trouvées dans l’agglomérat des représentations positives de la gauche dans cette population issue de l’immigration, résultant de l’implication affirmée de cette dernière dans la lutte pour la décolonisation, la politique d’accueil des immigrés (attribution des logements sociaux, emplois publics), la défense d’un État providence universel ou d’un droit universel des travailleurs, et finalement l’accompagnement actif de la militance antiraciste et multiculturelle des années 1980-1990. En quoi la variable religieuse est-elle une donnée confortant ce vote de gauche traditionnel ? Claude Dargent considère que l’origine immigrée et le partage d’une différence religieuse marquée par rapport à la population nationale sont indissociables dans la justification des scores que les partis de gauche atteignent dans l’électorat musulman au début des années 2000. Vincent Tiberj semble considérer que l’explication n’est pas liée à la religion mais à la « logique socio-tropique » de la minorité visible. Plus un groupe minoritaire est discriminé à cause de sa différence ethnique, plus il s’aligne à gauche. Et plus, pouvons-nous rajouter, il reste fidèle à cette orientation, de par la dimension affective de l’identification partisane.
Présidentielles 2002 : entre 69 et 79 % de vote à gauche
- 7 Institut CSA, Sondage pour Télérama - La Vie, sortie des urnes 21 avril : Commentaire, no 99, 2002 (...)
- 8 IFOP, « Le vote des musulmans à l’élection présidentielle », Focus no 88, juill. 2013 : www.lefiga (...)
- 9 Cl. Dargent « La religion encore et toujours », in B. Cautrès et N. Mayer (dir), Le nouveau désord (...)
6Les débats extrêmement passionnés qui démarrent après les affaires de voile à Creil (1989) et le réveil d’une laïcité de combat qui touche les rangs de la gauche ne semblent pas avoir perturbé la fidélité socialiste des électeurs musulmans. Aux élections présidentielles de 2002, l’Institut CSA constate que les Français d’origine maghrébine ou turque (supposés de tradition musulmane) ont voté à gauche à 69 % contre 40 % et 52 % des votants sans ascendance étrangère ou d’ascendance européenne7. L’enquête IFOP de ces mêmes élections, à partir de l’appartenance religieuse déclarée, détermine que 79 % des électeurs musulmans ont voté à gauche, 49 % pour le PS-MRG, 19 % pour la gauche du PS et 11 % pour les Verts8. Claude Dargent, dans une recherche post-élection avance le chiffre de 76 %9.
- 10 Cité par V. Tiberj, « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », La Pensée, no 384, 2015, p. (...)
- 11 S. Brouard, V. Tiberj, Français comme les autres ? Enquête sur les citoyens d’origine maghrébine, (...)
7En 2005, l’IFOP fait un cumul de ses propres enquêtes mensuelles depuis 2003 sur la proximité partisane des électeurs selon leur religion. Les Français de confession musulmane sont d’abord fidèles au PS (entre 43,5 % et 48 %), puis à l’extrême gauche et au PCF (entre 16,5 % et 19 %), puis enfin aux Verts (entre 9 % et 13 %)10. La même année, Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, reprenant le critère de l’origine associé à celui de l’appartenance religieuse, confirment qu’entre 62 et 70 % des Français d’origine maghrébine, africaine et turque se positionnent à gauche11. La variable religieuse est assez sensible sans être exceptionnelle, puisqu’à position sociale équivalente 56 % des nouveaux Français catholiques se placent alors à gauche contre 64 % des nouveaux Français musulmans.
Présidentielles 2007 : 95 % pour Ségolène Royal ou contre Nicolas Sarkozy ?
- 12 Par ailleurs 14 % ont aussi donné leur voix au centriste F. Bayrou.
- 13 Cl. Dargent, Religion et vote…, op. cit.
- 14 S. Brouard, V. Tiberj, « L’incorporation politique “à la française” : modèles explicatifs des alig (...)
8Cet ancrage à gauche semble culminer aux élections présidentielles de 2007. Si, selon un nouveau sondage IFOP avec question sur la religion au premier tour, 71 % des électeurs musulmans ont voté à gauche – soit moins qu’en 2002 –, soit respectivement 10 % pour la gauche de la gauche, 58 % pour le PS et 3 % pour les Verts12, l’enquête postélectorale de Claude Dargent révèle qu’au second tour c’est un total de 95 % de leurs votes exprimés qui sont portés sur Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy13. Dargent montre que la différence d’appartenance religieuse avait été pour le coup vraiment déterminante. Après avoir neutralisé les effets liés au niveau de diplôme, à la position socioéconomique et à la catégorie d’âge, il conclut que les citoyens musulmans avaient voté sept fois plus pour Ségolène Royal que les électeurs se déclarant sans religion – pourtant eux-mêmes plus à gauche que la moyenne. Mais était-ce parce que, comme il l’écrit, « l’appartenance à l’islam pousse en France à gauche » ? Si l’on reprend l’analyse de cette même élection faite par Vincent Tiberj et Sylvain Brouard, il paraît évident que la surcote de madame Royal a été due au franc rejet du virage identitaire et « anti-musulman » de Nicolas Sarkozy, rajoutée en surcouche à la représentation traditionnellement positive des partis de gauche chez les descendants d’immigrés14.
- 15 C. Beauchemin, Ch. Hamel et P. Simon (dir.), Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité de (...)
- 16 V. Tiberj, P. Simon, La fabrique du citoyen. Origines et rapport au politique en France, Paris, IN (...)
- 17 Ibid.
9Après la vague rose de 2007, la tendance à gauche de l’électorat musulman reste majoritaire. L’enquête INSEE-INED Trajectoires et Origines (TeO), publiée en 2010 et considérée comme la grande enquête de référence pour analyser la France de la diversité15, a donné lieu à une analyse spécifique de Vincent Tiberj et Patrick Simon, publiée en janvier 201216, juste avant les élections présidentielles. Ils y mêlent à nouveau et de manière très intéressante le critère des origines à celui de la religion. Le positionnement de gauche dépasse les 40 % parmi les descendants de Maghrébins et d’Africains du Sahel et d’Afrique centrale. Quand les chercheurs comparent ensuite ce résultat à celui de l’appartenance religieuse, ils constatent que la question de la visibilité raciale et de ses effets discriminatoires est plus importante que la variable religieuse. Par exemple, les immigrés d’Afrique noire catholiques sont 66 % à se placer à gauche, leurs descendants de même religion encore davantage (74 %). Plus un groupe est visible et discriminé, plus l’impact de l’origine sur le placement à gauche est fort. Les descendants d’immigrés turcs avaient quatre fois plus de chances de se situer à gauche que la population majoritaire à caractéristiques sociales égales. Pour les descendants d’immigrés algériens, c’était six fois plus de chances17.
Présidentielles 2012 : 86 % pour françois Hollande ou contre Nicolas Sarkozy ?
- 18 IFOP, « Le vote des musulmans à l’élection présidentielle », op. cit.
- 19 Ibid.
10Sans surprise alors, les résultats du premier tour des élections présidentielles de 2012 sont à nouveau l’occasion d’un vote attendu des citoyens musulmans pour la gauche, soit 80 % selon l’IFOP et son indice d’appartenance religieuse18. Dans le détail, ce vote se départage entre 21 % pour le Front de gauche-Mélenchon, 57 % pour le PS-Hollande et 2 % pour les Verts-Eva Joly, dont l’intérêt chez cet électorat ne cesse de diminuer. 57 % de voix « musulmanes » ont donc contribué à porter François Hollande au deuxième tour. Parmi les ouvriers et employés se déclarant de confession musulmane, le total Hollande/Mélenchon/extrême gauche a atteint 82 % des voix. Au deuxième tour de ces élections, c’est 86 % des Français musulmans qui votent pour François Hollande (93 % selon OpinionWay) contre 14 % pour Nicolas Sarkozy, soit 34 points de plus que la moyenne nationale19. Aucune autre catégorie de la population n’a aussi massivement voté pour le candidat socialiste que les musulmans.
- 20 M.-A. Adraoui, Altérité, racisme et xénophobie dans les campagnes présidentielles et législatives (...)
11Ce sur-vote très important enregistré dans ce segment – constituant alors 5 % des inscrits – a été évalué par l’équipe de l’IFOP à 1,5 point du corps électoral… soit potentiellement l’avance qui a permis à François Hollande de l’emporter. Pour de nombreux commentateurs, le sur-vote musulman de 2012 a été, comme en 2007, un réflexe de défiance à l’égard des positions de Nicolas Sarkozy. La polémique sur la viande halal de la campagne, succédant à d’autres prises de position durant le quinquennat (débat sur l’identité nationale, débat puis loi sur le voile intégral, petites expressions désobligeantes « musulman d’apparence », « campagne épicée »)20 a maintenu le score de ce candidat, également refondateur de l’UMP à un niveau très bas : 7 % en 2012 contre 8 % en 2007. De même, aux législatives de 2012, la variable religieuse et la composante ethnique ont visiblement introduit une ligne de clivage marquée dans les milieux populaires. Dans bon nombre de banlieues et de quartiers de grands ensembles, les socialistes ont été portés par la vague rose (280 sièges au total pour le PS). Si l’on additionne le score du PS et celui de ses alliés (Verts, Radicaux avec Christiane Taubira, Jean-Pierre Chevènement) dans l’électorat musulman, on voit que le bloc de gauche socialiste est resté assez stable entre 2002 (60 % des voix), 2007 (61 %) et 2012 (59 %). Mais si on regarde dans le détail, le recul de ce même bloc est déjà très entamé dans ces mêmes quartiers populaires auprès de la population « non musulmane » au profit du Front national. Une constatation qui va se confirmer les années suivantes.
1.2. La fin du vote socialiste, l’abstention et le vote à droite (2014-2015)
12Aux présidentielles de 2012, Jean-Luc Mélenchon, avec 21 % des voix, a doublé le total des voix de l’extrême gauche dans l’électorat musulman. Bien que se déclarant alors laïque intransigeant et hostile à la visibilité trop importante de la religion (et donc de l’islam) dans l’espace public, le leader du Front de gauche est parvenu, par son opposition très nette au FN et la reconnaissance publique des bienfaits de la présence d’une immigration arabo-musulmane en France (lors de son discours du Prado à Marseille notamment), à capter une part significative de ce vote. Pourtant, la percée de son Front de gauche ne se retrouve pas dans les résultats des élections municipales et régionales de 2014-2015.
- 21 V. Tiberj « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », art. cit.
- 22 J. Robine, « Hollande et les “quartiers”, une grande déception… qui n’explique sans doute pas la d (...)
13À l’issue de ces élections, c’est un panorama fragmenté qui s’offre à l’analyse. Secousse historique, le lien de l’électorat musulman au Parti socialiste semble s’être rompu, manifestant pour la première fois une désaffection électorale notable vis-à-vis des candidats PS, au profit d’une progression de l’abstention et d’un report inattendu vers des candidats ou des listes… de droite modérée (UDI) et parfois républicaine (UMP). À lire les analyses de Wilfried Serisier, mais aussi de Vincent Tiberj21 et de Jérémy Robine22 sur ces élections, on est tenté d’avancer l’hypothèse que le choix abstentionniste des municipales de 2014 et ensuite des régionales de 2015 a manifesté l’expression majoritaire des déçus du socialisme, face à l’absence d’amélioration concrète malgré beaucoup de promesses, tandis que le « vote à droite » a manifesté une forme d’affranchissement politique, liée à l’existence d’un double phénomène contradictoire, la progression des conservateurs religieux (néo-communautaires) qui captent l’audience et donnent des consignes de vote, et la progression d’un nouvel ensemble d’électeurs et de candidats à plus forte mobilité et en transition sociale, de religiosité variable, voire sans religiosité manifestée.
Les raisons de la forte abstention
- 23 J. Fourquet, Karim vote à gauche et son voisin vote FN. Sociologie électorale de l’« immigration »(...)
- 24 W. Serisier, « Les défis de l’islam en Seine–Saint-Denis », Hérodote, no 162, 2016, p. 29-54 : doi (...)
- 25 V. Tiberj, « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », art. cit.
14Le rapport Fourquet pour la Fondation Jean Jaurès23 met particulièrement en évidence l’impact abstentionniste des électeurs d’origine arabo-musulmane dans les résultats locaux. En s’appuyant sur l’onomastique des prénoms dans les listes électorales de sept villes de France choisies pour la diversité de leur taille, de leur région, de leur population et de leur situation politique, le rapport montre comment, en comparaison de l’élection présidentielle, les candidats socialistes ont perdu d’autant plus de voix que le pourcentage d’électeurs « d’origine arabo-musulmane » était élevé dans les bureaux de vote. L’abstention a constitué entre 2014 et 2015 la variable explicative majeure de la déconfiture socialiste auprès de l’électorat musulman, en plus de leur déconfiture générale. À Toulouse, dans les sept bureaux du Mirail, la gauche qui avait 3 000 voix d’avance aux présidentielles de 2012 a vu cette réserve fondre à 500 en 2014. Grâce à la trentaine d’entretiens individuels réalisés à Marseille et Roubaix dans le cadre de cette enquête, on comprend que la déception explique le désintérêt à voter dans les « quartiers ». Dans le tri des réponses, le sentiment d’impuissance, l’amertume des conditions de vie, le chômage, le faible pouvoir d’achat et la montée de l’insécurité, principalement liée au trafic de drogue, arrivent en tête. La question d’une absence de protection ou de prise en compte de l’identité religieuse des intéressés reste très secondaire. Elle est présente néanmoins, et dans les enquêtes de Wilfried Serisier24, tout comme celle de Vincent Tiberj25, le sentiment de la discrimination spatiale et raciale s’accompagne du ressenti de la stigmatisation religieuse.
Les raisons de la « droitisation »
- 26 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local : le cas de la Seine Saint-Denis », Hommes & Mig (...)
- 27 J. Robine, « Le 9-3, symbole du ghetto dans la nation », Hérodote, no 162, 2016, p. 55-72 : doi.or (...)
- 28 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit. V. également S. Kelfaoui, « Un vot (...)
- 29 Propos de M. Henniche, secrétaire général de l’UAM 93, 8 oct. 2017, cités par W. Serisier, « Les p (...)
- 30 Communiqué de presse de l’UAM 93, 25 mars 2014, cité par W. Serisier, « Les politisations de l’isl (...)
15Le deuxième point que révèle le rapport Fourquet à travers l’exemple symptomatique d’Aulnay-sous-Bois et que confirme W. Serisier pour la Seine-Saint-Denis (93), où la part des immigrés et des descendants d’immigrés dans la population est la plus forte de France, c’est un report sensible de voix musulmanes sur des candidats de droite modérée et républicaine. En 2014, plusieurs bastions de gauche de la Seine-Saint-Denis basculent au profit de la droite (Saint-Ouen, Livry-Gargan, Le Blanc-Mesnil, Bobigny…), laquelle gère désormais la majorité des communes du département, ce qui est historique. On est frappé par la relation qui apparaît entre le relatif « basculement » à droite du vote des musulmans dans certaines communes du 93 et le développement d’associations cultuelles plus nombreuses qu’ailleurs et de tempérament intégraliste26. Citant Jérémy Robine27, W. Serisier affirme : « Les images de “ghetto” auquel le facteur djihadiste s’est ajouté dans l’histoire des représentations ministérielles et médiatiques des “quartiers populaires” (“ghetto”, “apartheid”, “Molenbeek”…), ont contribué à ce que leurs habitants se pensent comme des victimes, ce qui a facilité le travail des militants religieux et des extrémistes de droite. À cela s’ajoute un processus d’ethnicisation du vote clairement identifié28. » W. Serisier s’attarde sur l’association UAM 93, créée en 2001 à l’initiative de dirigeants d’associations locales, coalisés pour faciliter/négocier la construction de mosquées avec les autorités locales. En 2014, l’UAM 93, qui gère alors 30 mosquées, appelle à voter tantôt pour des candidats de gauche et tantôt pour des candidats de droite, selon une « stratégie » pensée depuis des années29. L’appel à voter pour les candidats de droite a suivi le passage de la loi Taubira, dite « mariage pour tous » qui venait de mobiliser les socialistes. Le secrétaire général de l’UAM 93 l’affirme : l’opposition au « mariage pour tous » et aussi à l’enseignement de la « théorie du genre » à l’école, aurait eu un large écho en Seine–Saint-Denis et aurait contribué à la « droitisation » rapide des électeurs musulmans ou pour le moins à une abstention choisie, contribuant à la victoire de la droite30. En illustration de cette convergence potentielle, la ville de Bobigny, emblématique de la banlieue rouge et communiste depuis 1935, a été perdue en 2014 par la liste d’union de la gauche au profit d’une liste UDI, comprenant des personnalités « musulmanes », dont une femme voilée et un ancien membre fondateur de l’UAM 93 en troisième position.
- 31 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit.
- 32 Ibid.
16En contradiction apparente avec cette explication religieuse-activiste, le report d’une minorité musulmane suffisante pour faire élire des candidats de droite pourrait aussi être l’effet d’une banalisation politique, liée au changement de milieu social d’une partie de la population musulmane française. À la fois dans les candidatures, avec de nouveaux militants issus des cités populaires qui n’ont pas eu, selon W. Serisier, « voix au chapitre de la gauche locale » et se sont présentés sans étiquette ou à droite. Et à la fois, parmi les électeurs descendants d’immigrés, « se libérant [à leur tour] des cercles de la gauche31 », qui ont aussi décidé de voter pour des listes de droite, correspondant mieux à leur vision du mérite et du travail : leurs scores sont « à mettre en rapport avec la diversité sociale grandissante de cette population, dont une partie non négligeable est en processus d’embourgeoisement32 ».
2. De la majorité macroniste à la NUPES (2017-2022)
- 33 A. Wemaëre, « Vote musulman ? “Il n’y a pas de déterminant islamique” », France 24, 10 avr. 2017 : (...)
17En 2017, à la veille des élections présidentielles, le politiste lyonnais Haoues Seniguer, interrogé par la chaîne d’information France 24, avertissait que l’islamité n’était qu’une variable parmi d’autres dans le choix électoral. Il déniait la pertinence de l’expression « vote musulman33 ».
2.1. Le vote diversifié d’un électorat pointé du doigt (2017-2020)
- 34 Le vote des électorats confessionnels au premier tour de l’élection présidentielle, IFOP-Pèlerin, (...)
18De fait, les choix de l’électorat musulman en 2017 ont été les plus diversifiés de sa jeune histoire. Selon un sondage IFOP-Le Pèlerin34, au premier tour des présidentielles, les musulmans se sont montrés fidèles à la gauche (54 %), tout en inversant leur choix entre la gauche et l’extrême gauche. Sauvant l’honneur de Benoît Hamon qui a récolté 17 % de leurs suffrages contre 6,36 % du score national, ils se sont portés à plus d’un tiers vers Jean-Luc Mélenchon qui a réalisé un score de 37 % contre ses 19,58 % nationaux. Pour autant, le candidat « transgressif » Emmanuel Macron, alors libéral en religion, a totalisé 24 % de leurs voix, soit exactement le même chiffre que son score national. Emmanuel Macron a gagné 9 points de plus que François Bayrou en 2007, lequel Bayrou est devenu son allié dans la campagne en tant que président du MoDem et partage sa vision de la laïcité.
Présidentielles 2017 : 92 % pour Emmanuel Macron ou contre Marine Le Pen ?
- 35 Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle, IFOP-Pèlerin-La (...)
19Au deuxième tour des présidentielles, les électeurs musulmans se sont massivement reportés sur Emmanuel Macron, soit 92 % des suffrages exprimés, le plus haut score de tous les segments « religieux » et catégoriels de la nation en faveur de ce candidat35. Ce report « soviétique » n’a pas laissé grande place à la spéculation. C’était un barrage, le plus engagé possible et par les urnes, à la victoire de Marine Le Pen, barrage répercuté par les appels des représentations musulmanes instituées, comme le Conseil français du culte musulman (CFCM).
20Dans la foulée, les élections législatives de 2017 donnent lieu à une vague historique de candidatures franco-maghrébines dans les rangs de la coalition LREM-MoDem. Si en 2012 Razzy Hamadi (PS) et Malik Boutih (PS) étaient les seuls députés d’origine maghrébine à l’Assemblée nationale, en 2017 la vague macroniste a permis la qualification de 39 candidats franco-maghrébins au premier tour, et la victoire de 15 élus à l’Assemblée nationale, tous sous l’étiquette de cette coalition. Par ailleurs 63 des 96 députés élus en Île-de-France aux législatives ont été des élus LREM. Pour autant, en Seine–Saint-Denis, les candidats LFI, dont le parti vient tout juste d’être créé, ont commencé de conquérir les circonscriptions socialistes du département.
21Apparemment, la nouvelle majorité présidentielle n’a pas joué sur la menace sécuritaire dans les discours de campagne, en mettant plutôt en avant le caractère protecteur de la laïcité pour le pluralisme religieux. Cette attitude – proche de celle du candidat malheureux de la primaire de la droite et du centre de 2016, Alain Juppé – tranchait avec l’alarmisme commun des partis de droite, vent debout face à la menace intérieure islamiste, et d’une partie de la gauche, inquiète du grignotage de la laïcité républicaine.
- 36 Hormis l’attentat de Charlie Hebdo de janvier 2015, dont les instigateurs se revendiquaient d’al-Q (...)
22La position inclusive de l’exécutif et de la majorité présidentielle va être cependant de courte durée. Le nouveau gouvernement hérite d’une politique sécuritaire en extension depuis le Code de la sécurité intérieure de 2012, que le contexte international de la nouvelle guerre contre le terrorisme (2014) a renforcé avec la série d’attentats sur le sol national en 2015, 2016 et 2017, commis par des Franco-Belges et revendiqués par l’État islamique36. La peur du djihadisme terroriste amplifie la peur médiatique et politique de l’islam et alimente la crainte d’une sécession intérieure de la jeunesse musulmane. Les rapports d’expertise se multiplient, à côté des rapports d’information des commissions parlementaires. L’épicentre du débat se porte sur l’inexorable progression et contamination islamiste des banlieues et de la jeunesse française. Cette peur-certitude a désormais clairement clivé la gauche socialiste, entre un centre gauche de laïcité libérale qui se clairsème et une gauche laïque-républicaine de combat, avec des groupes d’influence comme le Comité Laïcité République né en 1989 après l’affaire du voile de Creil, ou le Printemps républicain, né en 2016 après les attentats de 2015, contre la progression de l’islam politique en France.
- 37 R. Bacqué et A. Chemin, La Communauté, Paris, Albin Michel, 2018 ; G. Davet et F. Lhomme, Inch’all (...)
- 38 Les musulmans en France, 30 ans après l’affaire des foulards de Creil, IFOP-Le Point-Fondation Jea (...)
- 39 Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble, Rapp. Sénat, no 595, 2019-2020.
23Le 19 mars 2018, un appel de 100 intellectuels est lancé dans Le Figaro « contre le séparatisme islamiste ». L’expression va faire florès. Hakim El Karoui, auteur d’un remarqué Un islam français est possible (2016), publie en septembre 2018 La fabrique de l’islamisme, enquête financée par l’Institut Montaigne, proche de la majorité présidentielle. Il insiste sur la faible proportion du public musulman acquis aux idées islamistes, mais affirme en même temps que 28 % des musulmans en France ont « adopté un système de valeur clairement opposé à la République ». H. El Karoui démontre, chiffres et schémas à l’appui, comment la pénétration islamiste s’accélère, en monopolisant désormais, par la multiplication des sites de prédication salafistes et fréristes au succès insoupçonné, les réseaux sociaux francophones à contenu religieux. Plusieurs journalistes documentent la difficulté pour les élus locaux de faire face à des groupes radicalisés ou dénoncent l’usage clientéliste de ces groupes par les élus37. Un sondage IFOP-Le Point de septembre 2019 confirme que l’orthopraxie islamique s’est renforcée depuis trente ans en France. La jeunesse musulmane est de plus en plus observante38. « L’atmosphère islamiste » qui la toucherait et deviendrait chaque année plus importante au sein des nouvelles classes d’âge paraît confirmée par nombre de spécialistes, interviewés par la commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste, créée à l’initiative du groupe LR en novembre 201939.
Les municipales 2020, le séparatisme et la menace islamo-gauchiste
- 40 Les Français, l’électorat macroniste et la laïcité, IFOP-Fondation Jean Jaurès, 22 mars 2019, www. (...)
24Entre 2019 et 2020, la position de l’exécutif balance nettement du côté de la fermeté, affichée par le ministre de l’Intérieur et soutenue par un certain nombre de membres du deuxième gouvernement Macron. L’actualité semble la réclamer, avec la continuation des attentats/assassinats des années 2017 à 2019. Des affaires enflamment l’opinion : les polémiques autour d’une porte-parole voilée de l’UNEF, la question ressuscitée des signes religieux des parents lors des sorties scolaires, et enfin le hijab de course vendu en libre-service par la marque Décathlon. En mars 2019, un grand débat s’organise au LREM, pour unifier sa ligne officielle, partagée désormais à l’Assemblée entre les défenseurs d’une laïcité de combat comme Aurore Bergé et ceux d’une laïcité inclusive comme Aurélien Taché. Pour l’occasion, la Fondation Jean Jaurès demande à l’IFOP un sondage opportun sur l’opinion des électeurs macronistes40. Au vu des réponses très tranchées de cet électorat de centre gauche, les adeptes LREM de la laïcité inclusive apparaissent sans soutien.
- 41 V. Tiberj répondant aux questions de La Gazette affirme que la menace est très exagérée. L’UDMF (d (...)
25Quand, en novembre 2019, le Sénat met en place sa commission d’enquête sur la radicalisation à l’initiative des sénateurs LR, le ministère de l’Intérieur produit une circulaire créant des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR), agrégées à celles du Plan de reconquête républicaine contre la délinquance et les trafics de 2018, et augmentant le nombre de quartiers concernés (27 novembre). Le 9 décembre 2020, un nouveau projet de loi est présenté en Conseil des ministres sous le titre de Loi confortant les principes de la République. Quand, en février 2020, le président de la République profite d’une visite à Mulhouse dans le cadre du Plan de reconquête 2018, pour annoncer les grandes lignes de ce nouveau projet de loi, il utilise le terme de « séparatisme ». Nous sommes à la veille des élections municipales de 2020. Alors que la COVID va entraîner un confinement national et le report du second tour de mars à fin juin 2020, une nouvelle querelle éclate, à côté du danger des listes communautaires41 : celle de la collusion islamo-gauchiste en cours de cristallisation, entre le parti LFI, les islamistes et le mouvement décolonial. Politiquement, la stratégie « pro-islamiste » de LFI est dénoncée de la gauche laïque à l’extrême droite, depuis que Jean-Luc Mélenchon a participé, le 10 novembre 2019, à la manifestation contre l’islamophobie, aux côtés de militants proches des Frères musulmans. Sa présence très médiatisée avait suscité une levée de boucliers, dont celles de l’ancien Premier ministre Manuel Valls, et du nouveau patron du PS, Olivier Faure, l’accusant de « dérive anti-laïque et antirépublicaine ».
- 42 P. Subra et W. Serisier, « Tout change, rien ne change. Les municipales de 2020 dans la métropole (...)
26Pour autant, les élections municipales de 2020 ne confirment pas que la stratégie potentiellement « islamiste » de LFI a eu un impact local, soit grâce aux réseaux locaux, salafistes ou fréristes qui auraient donné des consignes de vote, soit grâce aux efforts des militants décoloniaux dans les listes municipales. Dans les villes du Grand Paris, hormis les remous de Goussainville où un nouveau maire franco-marocain, Abdelaziz Hamida, est accusé par L’Express d’avoir été fiché S pour islamisme radical, la configuration des municipales de 2014 se reproduit. Le vote de l’électorat musulman semble plutôt se manifester par son évanescence dans l’abstention qui touche toutes les villes populaires. Elle peut dépasser les 70 % dans les communes de Seine-Saint-Denis. Sur toute l’Île-de-France, elle atteint 61 %, soit six points de plus que la moyenne nationale et 15,4 points de plus qu’aux municipales de 2014. La droite républicaine reste stable en conservant 22 municipalités. LREM et LFI n’ont obtenu que quelques maires adjoints et conseillers municipaux. L’équilibre des rapports de force internes à la gauche tourne même à l’avantage du PS avec 8 villes contre 6 pour le PCF. L’abstention serait-elle alors le signe d’un séparatisme en cours ? Pour P. Subra et W. Serisier, c’est bien plus simplement l’hétérogénéité flagrante des alliances dans les listes de gauche et leur éclatement, idem pour la droite républicaine et les listes citoyennes, qui ont particulièrement concouru à décourager les votes, qu’ils soient ou non ceux des citoyens musulmans42.
2.2. De fil en aiguille ? La loi confortant les principes de la République (2021) et le vote Mélenchon (2022)
27Si très peu de traces de vote communautaire ou d’abstention « séparatiste » se retrouvent dans les résultats municipaux de 2020, la lutte contre le séparatisme, compris comme un repli communautaire de tendance séditieuse et proto-terroriste, sert de ligne de conduite au gouvernement et continue son succès médiatique, accompagné de la dénonciation de l’islamo-gauchisme du parti LFI.
28Le contenu de la loi sur le séparatisme se précise pendant l’été 2020, à travers les interventions de Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté au ministère de l’Intérieur (juillet) qui confirme sa cible : l’islam politique. Dans le discours de commémoration des 150 ans de la République, le 4 septembre, Emmanuel Macron avertit que la République n’admettrait aucune aventure séparatiste. Avant et après le discours des Mureaux du 2 octobre 2020, qui présente les mesures du projet de loi reprenant une grande partie des 44 propositions du rapport de la commission d’enquête sénatoriale paru trois mois plus tôt, l’actualité semble légitimer à nouveau et spectaculairement la démarche du gouvernement. Trois attentats/attaques ont lieu, parmi lesquels l’attaque de la cathédrale de Nice le 2 octobre et la décapitation de Samuel Paty le 16 octobre, commis par de très jeunes individus étrangers, dont deux en situation irrégulière. Après ces attentats qui horrifient le pays et bousculent les opinions, de nouvelles propositions pénales sont rajoutées au projet de loi et un autre projet de loi antiterroriste est décidé, qui sera présenté en avril 2021, et fera l’objet d’une procédure accélérée.
- 43 Une centaine d’universitaires alertent : « Sur l’islamisme, ce qui nous menace c’est la persistanc (...)
- 44 L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires : decolonialisme.fr [consulté le 2 (...)
29Également, au lendemain de la mort de Samuel Paty (16 octobre 2020), le ministre de l’Éducation nationale déclare devant la commission d’enquête sénatoriale (22 octobre) que l’islamo-gauchisme s’est répandu dans l’enseignement supérieur, par la négation du danger ou la complaisance pour l’idéologie islamiste parmi les spécialistes de l’islam, et par l’immixtion idéologique des études décoloniales et genrées, qui dénoncent la nature oppressive de la laïcité française. Son propos provoque de vives réactions de dénégation mais aussi une part d’assentiment dans le monde universitaire43. Se constitue au même moment un nouveau collectif laïque et républicain d’universitaires, dénonçant le caractère non scientifique du décolonialisme et des études de genre, leur relent d’antisémitisme, de racisme renversé, et leur entrisme sectaire dans les sciences humaines et sociales44.
La loi d’août 2021 et ses effets sur les présidentielles de 2022
- 45 Son succès médiatique est encore plus important que l’année précédente et les critiques de ses pai (...)
- 46 « Pour Jean-Michel Blanquer, l’“islamo-gauchisme” est un “fait social indubitable” », France Info, (...)
- 47 R. Brunet, « Fin annoncée de l’Observatoire de la laïcité », France 24, 15 déc. 2020 : www.france2 (...)
30En janvier 2021, la loi confortant le respect des principes de la République entame son examen en commission de l’Assemblée nationale. Le grand spécialiste du salafisme moyen-oriental, Bernard Rougier, réédite aux Presses universitaires de France Les territoires conquis de l’islamisme, collectif qui avait connu un franc succès médiatique un an plus tôt. Par des monographies précises, dont celle sur Aubervilliers, Mantes-la-Jolie, Roubaix ou Tremblay-en-France, plus un chapitre supplémentaire sur le vote communautaire lors des dernières municipales, ce livre conforte, avec une multitude d’exemples épars, le danger que la loi entend cibler45. Rougier est interviewé en compagnie du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en couverture du Figaro Magazine du 29 janvier 2021. En février, le ministre de l’Éducation déclare que l’islamo-gauchisme, à défaut de contenu scientifique, est un fait social indubitable46. En avril 2021, les mandats de Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, à la tête de l’Observatoire de la laïcité, cette commission consultative très active, créée en avril 2013 sous François Hollande, ne sont pas renouvelés. L’annonce en a été faite en décembre 2020 par Marlène Schiappa, qui lui reproche une ligne laïque qui n’est plus celle du gouvernement47.
31Le 22 juillet 2021, la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement est adoptée en procédure accélérée. Le lendemain, la loi confortant le respect des principes de la République est également adoptée, après sept mois de débats et de navettes, avec un taux de présence des députés encore plus faible que la veille. Elle est validée par 49 voix pour (à comparer aux 347 de la première lecture), 19 voix contre et 5 abstentions. Au titre des contres, 3 députés non-inscrits, les 6 députés LFI présents, les 2 députés communistes présents, les 2 députés socialistes présents, 1 seul député LREM pour 44 qui ont voté pour (sur un total de 270 députés dans ce groupe), et enfin les 5 députés LR présents (sur les 58 du groupe). Avant le vote, Jean-Luc Mélenchon a défendu une dernière motion de rejet contre une « loi antirépublicaine » et à « vocation antimusulmane ». En février 2022, Mélenchon qui a déclaré sa troisième candidature à l’élection présidentielle le 8 novembre 2021, dévoile son programme. Il est le seul à promettre l’abolition de « la loi sur le séparatisme », tout en confirmant l’interdiction du financement des édifices religieux.
- 48 Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle, IFOP-La Croix, 10 (...)
- 49 R. Hamadi, « Présidentielles françaises : pour qui ont voté les musulmans ? », TSA, 13 avr. 2022 : (...)
32Les électeurs musulmans ont-ils voté pour Jean-Luc Mélenchon à cause de cette ultime position et de sa franche défense de leur « normalité » dans ses deux débats télévisés contre Éric Zemmour ? Ils ont été en tout cas 69 % au premier tour des élections présidentielles de 2022 à le soutenir, selon l’enquête traditionnelle de l’IFOP48. La hausse en faveur de Mélenchon a été de 32 points par rapport à 2017. C’est en partie grâce aux voix musulmanes que le candidat de LFI est arrivé troisième au premier tour, avec un score de 22 %. À un point près, ces voix l’auraient propulsé au second tour, à la place de Marine Le Pen49. Même si les Français musulmans ont aussi contribué à la première place d’Emmanuel Macron (arrivé premier à 28 %) en étant 14 % à voter pour lui, la baisse de 10 points de leur vote à son endroit par rapport à 2017 témoigne de l’ampleur de leur désaffection et de l’intentionnalité de leur report sur Mélenchon : le seul candidat qui a dénoncé leur stigmatisation générale dans la présentation de la loi et leur ciblage disproportionné dans son contenu ?
- 50 Cependant, à Dugny, Stains, La Courneuve, Le Blanc-Mesnil, historiquement acquises au PCF, le taux (...)
33Les scores de Mélenchon au premier tour des présidentielles ont en tout cas été spectaculaires dans les villes et quartiers comprenant une part importante d’immigrés et de descendants d’immigrés. En Seine–Saint-Denis, il remporte 37 villes sur 40, avec des scores superlatifs : plus de 60 % des suffrages à Saint-Denis, Bobigny, Clichy-sous-Bois, Aubervilliers50. Il arrive en tête dans le département de la Seine–Saint-Denis avec 49,09 % des voix, soit une augmentation de 15 points par rapport à 2017. Dans toutes les communes de ce département, le vote pour Jean-Luc Mélenchon s’accroît, y compris dans celles dirigées par la droite comme Aulnay-sous-Bois (+11 % des inscrits entre 2017 et 2022) ou dans des communes dites bourgeoises comme Le Raincy ou Villemomble. En Île-de-France, il arrive en tête avec 32,67 % devant Emmanuel Macron, avec des pics à 65 % à Villetaneuse, 61 % à Trappes et Gennevilliers, 56 % à Creil et Grigny en Essonne, 54 % à Mantes-la-Jolie. Malgré un recul de la participation de près de 4 points entre 2017 et 2022 dans la région métropolitaine, l’Insoumis a progressé de 433 623 voix, soit deux tiers des 652 569 voix supplémentaires qu’il a enregistrées à l’échelle du pays. Dans le Nord, à Roubaix, Jean-Luc Mélenchon recueille 52,5 % des voix, soit une hausse de 16 points par rapport à 2017. À Marseille il est en tête devant les deux autres candidats, avec 31 %. Avec 1,45 % des inscrits, Fabien Roussel, critiqué en Seine–Saint-Denis pour son abstention sur la loi contre le séparatisme en première lecture avec 7 autres députés PCF dont ceux du département, n’a pas même atteint le score de Marie-George Buffet de 2007 (3 %). En Île-de-France, Fabien Roussel a obtenu 2,54 %. Les motifs invoqués par les électeurs musulmans interviewés dans la presse, pour justifier leur vote en faveur du candidat Mélenchon, sont identiques : un double sentiment général de « ras-le-bol » face à leur stigmatisation et de menace sur leur liberté religieuse.
La stratégie gagnante de LFI aux législatives de 2022
- 51 Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle, IFOP-La Croix-L (...)
34Au deuxième tour des présidentielles pourtant, Emmanuel Macron recueille 92 % des voix exprimées de l’électorat musulman, qui s’abstient néanmoins à 38 % ou vote à 8 % pour madame Le Pen51. Ce report important prouve que, malgré le ressentiment envers la ligne du président, la peur d’une victoire de madame Le Pen et de sa politique possible a été bien plus forte pour une majorité d’entre eux.
- 52 N. Cherigui « Jean-Luc Mélenchon : le tournant communautariste », Le Figaro Magazine, 20 mai 2022 (...)
35Ces résultats de deuxième tour n’ont pas été commentés par la presse ni par les analystes du spectre politique. Le vote Mélenchon a concentré l’essentiel de l’intérêt. Comme au moment des élections de 2020, l’Insoumis est à nouveau accusé d’avoir fait le jeu des islamistes. Si certains journaux soulignent que les électeurs musulmans ont été poussés par les militants de La France insoumise à s’inscrire sur les listes électorales, d’autres affirment que ce sont plutôt les islamistes qui ont poussé ces mêmes électeurs à s’inscrire et à voter pour LFI52.
- 53 W. Moliné, « Comment les islamistes ont orienté le vote musulman vers Jean-Luc Mélenchon », Europe (...)
36Ainsi, avant le vote, un communiqué anonyme, intitulé « Nous imams, prédicateurs » et relayé sur les boucles WhatsApp et Snapchat, dénonçant l’oppression islamophobe injuste et appelant à voter pour le seul candidat abordant la liberté des musulmans et la défense de leurs droits est-il relayé par les médias comme une preuve de cet entrisme. Sur Facebook, des acteurs connus comme Abdelaziz Chaambi, fondateur de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI), dissoute par le ministère de l’Intérieur en octobre 2021, ou Fouad Alaoui, ancien président de l’ex-UOIF, ont relayé cet appel, tout comme le frère de Tariq Ramadan sur Twitter. La radio Europe 1 reprend une note confidentielle de 12 pages à laquelle elle aurait eu accès sur Les influences islamistes dans le cadre du processus démocratique et provenant du Service central du renseignement territorial (SCRT). La note confirmait que le vote musulman pour Mélenchon avait été influencé par « des figures islamistes », tout en restant prudente sur le succès de ce ralliement : les islamistes affichaient une « méfiance persistante » vis-à-vis de la « classe politique institutionnelle » et « les influenceurs fréristes [n’iraient] pas vers une alliance durable avec LFI, qui resterait toujours trop républicaine à leurs yeux »53.
37Quoi qu’il en soit de ce soutien islamiste et de son importance, la progression spectaculaire du score 2022 de Jean-Luc Mélenchon en Île-de-France ressemble à une manœuvre politique qui a bien marché. Après 2017, le jeune parti LFI, sous l’impulsion du nouveau député de la première circonscription de Seine–Saint-Denis, Éric Coquerel – réélu en 2022 et devenu président de la commission des finances – a organisé les Rencontres nationales des quartiers populaires à Épinay-sur-Seine (novembre 2018). Ces Rencontres ont été l’occasion d’aménagements discursifs sur l’islamophobie, le racisme systémique et les violences policières. Comment ne pas mettre ce virage en rapport avec les 600 000 voix des quartiers populaires qui avaient manqué pour que Mélenchon accède au second tour ? Plus lointainement encore, l’ancêtre de LFI, le Parti de gauche créé en 2009 par Mélenchon et en alliance avec le Parti communiste dans le Front de gauche au moment des présidentielles de 2012, avait visé l’électorat des classes populaires « opprimées » des centres-villes et des banlieues, étudiants, femmes, minorités visibles, sur des thématiques non plus directement économiques, mais contestataires de leur propre relégation par l’ordre dominant. Entre la rhétorique néo-contestataire et la défense des musulmans, la jonction s’est consolidée en 2019 avec le soutien finalement obtenu du mouvement décolonial, articulant islamité et mépris de race, dont les immigrés et leurs descendants seraient frappés en raison du colonialisme infus de la société française. Houria Bouteldja, fondatrice des Indigènes de la République déclare en 2019, lors d’une émission sur la plate-forme Twitch que « Mélenchon [était] un butin de guerre. On revient de loin avec lui. C’était un laïcard de dingue. Aujourd’hui, il dit des choses qu’il ne disait pas il y a 15 ans ». Dans une autre vidéo, diffusée au soir du second tour des présidentielles 2022 sur le média en ligne Paroles d’honneur, cette même militante y explique qu’il fallait désormais mener le combat « de manière que Mélenchon ait la place la plus grande aux législatives », tout en rappelant que son parti était encore marqué par des tendances comme « le laïcardisme et la blanchité […] ».
- 54 W. Serisier, « La Seine–Saint-Denis en 2022 : une gauche forte, une abstention aiguë, des inégalit (...)
38L’ensemble de cet agglomérat idéologique a trouvé un véritable aboutissement dans la main tendue à l’électorat musulman lors de la campagne des législatives par la nouvelle coalition NUPES. Encore une fois, la Seine-Saint-Denis nous donne un aperçu du succès de l’extrême gauche et de son rapport aux électeurs musulmans54. Les législatives de 2022 y ont rebattu les cartes : recul des partis de la droite républicaine et de la majorité présidentielle, recul des partis socialiste et communiste. Surnagent une abstention moins importante qu’au national (39 %, contre 47 %) et la victoire des Insoumis-NUPES. La nouvelle coalition a réussi à ravir trois circonscriptions à des députés sortants de la majorité présidentielle et deux à la droite républicaine. C’est un « grand chelem » : sur les 12 circonscriptions, 12 députés NUPES (dont 6 LFI sortants) ont été élus. Parmi eux, Aurélie Trouvé, présidente de l’Union populaire, collectif d’associations de quartiers du département soutenant Mélenchon, Alexis Corbière, Éric Coquerel déjà cité, Bastien Lachaud, Clémentine Autain, Fatiha Keloua Hachi et Stéphane Troussel, membre du bureau national du PS qui a négocié l’alliance. Pour autant, la sous-représentation ethnique/musulmane des députés du 93 de la NUPES, élus grâce aux voix des électeurs musulmans, a sauté à ce point aux yeux des commentateurs qu’un humoriste et soutien du président Macron, Yassine Belattar, a raillé leur manque de diversité : « Quand j’ai vu les têtes de liste de l’extrême gauche en Seine–Saint-Denis, j’ai cru qu’on était dans les Vosges ! » Modem et Renaissance ont fait élire plus de députés franco-maghrébins, et autant de députés de la diversité que la NUPES à l’issue de ce scrutin.
Conclusion : une polarisation ethnoreligieuse du vote français ?
39La longue séquence du débat politique autour de la loi anti-séparatisme de 2021 semble avoir solidarisé l’électorat musulman avec l’extrême gauche française, tout en lui donnant corps pour la première fois de sa jeune histoire. Elle semble avoir forcé cet électorat à assumer son « islamité » d’origine, transformée en identité positive et en levier politique de liberté, à rebrousse-poil de la crispation majoritaire dans la population française qu’ont cherché à capter les autres partis politiques, de l’espace macroniste aux différentes droites. Est-ce si dramatique ? Les stratégies électorales et les discours des différents partis qui cherchent à capter l’assentiment des électeurs exercent manifestement une distorsion sur la société au moment même où ils cherchent à refléter ses attentes : avoir une approche segmentée du public électoral peut être vu comme une continuation de la représentation historique des factions, tout autant qu’une réponse au phénomène de fragmentation sociétale dénoncée par de nombreux analystes. Courtiser les électeurs en s’appuyant sur une grille de lecture décoloniale de la discrimination spatiale et religieuse des musulmans équivaut bien à la manière dont le parti LR et la droite hors les murs cherchent à « catholiciser » les électeurs, dans une rhétorique défensive-identitaire contribuant à creuser la polarisation ethnoreligieuse. On peut la considérer comme très largement artificielle et dangereuse pour la démocratie et la stabilité de la société, ou au contraire en discerner le caractère fonctionnel, redéfinissant un spectre politique qui digère la fragmentation sociétale, l’interprète en combats politiques et la normalise dans une nouvelle forme de polarisation moins idéologique qu’identitaire.
40Le scénario des élections de 2022, la place décisive du vote musulman dans la configuration des dernières législatives, nous porte à envisager un avenir qui ne serait pas tant marqué par l’infiltration des islamistes dans le jeu politique français que par la transplantation de plus en plus visible d’un mode électoral à l’américaine de polarisation vindicative entre un spectre droitier réunissant les classes populaires, moyennes et supérieures issues de l’immigration européenne ou « de souche » autour d’un référent « catho-laïque » refabriqué, face à un spectre gaucher, faisant cohabiter libération des opprimés et défense des minorités visibles, autour d’un référent islamo-laïque inclusif.
41D’un autre côté, la jeune histoire du vote des musulmans prouve par ses rebondissements que le contexte politique est volatile et qu’eux-mêmes sont bien moins prévisibles et statiques que supposés. Leur vote peut aussi se rapprocher davantage de celui de la moyenne des Français et s’étaler entre les tendances politiques, comme constaté pour le vote catholique aux États-Unis. Il n’est pas appelé à rester durablement homogène à l’extrême gauche. Il peut être courtisé par des forces socialistes, centristes et républicaines pour peu qu’elles y réfléchissent davantage et que le reflux du terrorisme apaise les esprits.
Notes
1 Cl. Dargent, Religion et vote : « Cachez cette variable que je ne saurais voir »…, rapport de recherche, Enquête post-électorale, Paris, CEVIPOF, 2007 : http://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01063753 [consulté le 28 juin 2023].
2 Selon H. El Karoui, La fabrique de l’islamisme, Paris, Institut Montaigne, 2018. L’INSEE avance en 2019 des chiffres plus élevés encore, en estimant que la part des descendants d’immigrés nord-africains, africains et turcs forme 49,5 % de la population des descendants d’immigrés, en augmentation de 4 % par an depuis 2009, soit 3,7 millions de personnes, dont respectivement 69 % et 79 % ont moins de 30 ans.
3 Ibid. et encore Cl. Dargent, « Les électorats sociologiques : le vote des musulmans », Paris, CEVIPOF, déc. 2011. Également du même auteur, « La population musulmane de France, de l’ombre à la lumière ? », RF sociologie, no 51, 2010, p. 219-249.
4 Estimation de J.-P. Gourevitch, « Ce que pèse réellement le vote des musulmans dans la balance démocratique française ? », Atlantico, 15 avr. 2019.
5 A. Muxel, « Les attitudes socio-politiques des jeunes issus de l’immigration maghrébine en région parisienne », RF sc. pol. 1988, p. 925-939 : doi.org/10.3406/rfsp.1988.411178 [consulté le 28 juin 2023].
6 Cl. Dargent, « Les musulmans déclarés en France : affirmation religieuse, subordination sociale et progressisme politique », Cahiers du CEVIPOF, no 34, févr. 2003.
7 Institut CSA, Sondage pour Télérama - La Vie, sortie des urnes 21 avril : Commentaire, no 99, 2002, p. 709-711.
8 IFOP, « Le vote des musulmans à l’élection présidentielle », Focus no 88, juill. 2013 : www.lefigaro.fr/assets/pdf/Ifop-Focus-88.pdf [consulté le 28 juin 2023].
9 Cl. Dargent « La religion encore et toujours », in B. Cautrès et N. Mayer (dir), Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 161-183.
10 Cité par V. Tiberj, « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », La Pensée, no 384, 2015, p. 45-55 : doi.org/10.3917/lp.384.0045 [consulté le 28 juin 2023].
11 S. Brouard, V. Tiberj, Français comme les autres ? Enquête sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, ch. II, p. 45-64.
12 Par ailleurs 14 % ont aussi donné leur voix au centriste F. Bayrou.
13 Cl. Dargent, Religion et vote…, op. cit.
14 S. Brouard, V. Tiberj, « L’incorporation politique “à la française” : modèles explicatifs des alignements politiques des Français d’origine maghrébine, africaine et turque », Migrations-société, no 113, 2007, p. 127-148 : doi.org/10.3917/migra.113.0127 [consulté le 28 juin 2023].
15 C. Beauchemin, Ch. Hamel et P. Simon (dir.), Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, Paris, INED, 2010, Documents de travail no 168. L’enquête a été reconduite en 2020-2021.
16 V. Tiberj, P. Simon, La fabrique du citoyen. Origines et rapport au politique en France, Paris, INED, 2012, Documents de travail no 175.
17 Ibid.
18 IFOP, « Le vote des musulmans à l’élection présidentielle », op. cit.
19 Ibid.
20 M.-A. Adraoui, Altérité, racisme et xénophobie dans les campagnes présidentielles et législatives de 2012, Paris, Graines de France, 2012.
21 V. Tiberj « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », art. cit.
22 J. Robine, « Hollande et les “quartiers”, une grande déception… qui n’explique sans doute pas la déroute électorale », Hérodote, no 154, 2014, p. 93-106 : doi.org/10.3917/her.154.0093 [consulté le 28 juin 2023].
23 J. Fourquet, Karim vote à gauche et son voisin vote FN. Sociologie électorale de l’« immigration », La Tour d’Aigues, Éd. de l’Aube, 2015.
24 W. Serisier, « Les défis de l’islam en Seine–Saint-Denis », Hérodote, no 162, 2016, p. 29-54 : doi.org/10.3917/her.162.0029 [consulté le 28 juin 2023]
25 V. Tiberj, « Le vote musulman n’existe pas… pour l’instant », art. cit.
26 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local : le cas de la Seine Saint-Denis », Hommes & Migrations, no 1316, L’islam en Europe, 2017, p. 37-47 : doi.org/10.4000/hommesmigrations.3791 [consulté le 28 juin 2023].
27 J. Robine, « Le 9-3, symbole du ghetto dans la nation », Hérodote, no 162, 2016, p. 55-72 : doi.org/10.3917/her.162.0055 [consulté le 28 juin 2023].
28 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit. V. également S. Kelfaoui, « Un vote “maghrébin” en France », Hérodote, no 80, 1996, p. 130-155 ; C. Braconnier, J-Y. Dormagen, « Le vote des cités est-il structuré par un clivage ethnique ? », RF sc. pol. 2010, p. 663-689 : doi.org/10.3917/rfsp.604.0663 [consulté le 28 juin 2023].
29 Propos de M. Henniche, secrétaire général de l’UAM 93, 8 oct. 2017, cités par W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit.
30 Communiqué de presse de l’UAM 93, 25 mars 2014, cité par W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit.
31 W. Serisier, « Les politisations de l’islam local… », art. cit.
32 Ibid.
33 A. Wemaëre, « Vote musulman ? “Il n’y a pas de déterminant islamique” », France 24, 10 avr. 2017 : www.france24.com/fr/20170410-france-politique-vote-musulman-islam-religion-determinant-islamique [consulté le 28 juin 2023].
34 Le vote des électorats confessionnels au premier tour de l’élection présidentielle, IFOP-Pèlerin, 23 avr. 2017.
35 Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle, IFOP-Pèlerin-La Croix, 7 mai 2017.
36 Hormis l’attentat de Charlie Hebdo de janvier 2015, dont les instigateurs se revendiquaient d’al-Qaïda au Yémen.
37 R. Bacqué et A. Chemin, La Communauté, Paris, Albin Michel, 2018 ; G. Davet et F. Lhomme, Inch’allah : l’islamisation à visage découvert, Paris, Fayard, 2018.
38 Les musulmans en France, 30 ans après l’affaire des foulards de Creil, IFOP-Le Point-Fondation Jean Jaurès, 23 sept. 2019.
39 Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble, Rapp. Sénat, no 595, 2019-2020.
40 Les Français, l’électorat macroniste et la laïcité, IFOP-Fondation Jean Jaurès, 22 mars 2019, www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/03/116261_Pr%C3%A9sentation_Ifop_laicite_2019.03.22.pdf.
41 V. Tiberj répondant aux questions de La Gazette affirme que la menace est très exagérée. L’UDMF (déjà citée par W. Serisier pour ses très faibles scores en 2015) avait recueilli moins de 29 000 voix aux élections européennes, soit 0,13 % du vote national : R. Gaspar, « “Les musulmans n’ont pas des logiques de vote religieuses” », La Gazette des communes, des départements, des régions, 21 janv. 2021.
42 P. Subra et W. Serisier, « Tout change, rien ne change. Les municipales de 2020 dans la métropole du Grand Paris », Métropolitiques, 5 mars 2021 : metropolitiques.eu/Tout-change-rien-ne-change-les-elections-municipales-de-2020-dans-la-metropole.html [consulté le 28 juin 2023].
43 Une centaine d’universitaires alertent : « Sur l’islamisme, ce qui nous menace c’est la persistance du déni », Le Monde, 31 oct. 2020.
44 L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires : decolonialisme.fr [consulté le 28 juin 2023].
45 Son succès médiatique est encore plus important que l’année précédente et les critiques de ses pairs restent inaudibles. V. Geisser et H. Seniguer, « L’islamisme en nos banlieues ? », La Vie des idées, 9 avr. 2020 : laviedesidees.fr/Bernard-Rougier-territoires-conquis-islamisme ; L. Bonnefoy, « Bernard Rougier, un universitaire conquis par la fièvre identitaire. De la recherche scientifique aux plateaux télévisés », Revue du crieur, no 19, 2021, p. 142-159 : doi.org/10.3917/crieu.019.0142 [consultés le 28 juin 2023].
46 « Pour Jean-Michel Blanquer, l’“islamo-gauchisme” est un “fait social indubitable” », France Info, 20 févr. 2021 : www.francetvinfo.fr/societe/education/pour-jean-michel-blanquer-l-islamo-gauchisme-est-un-fait-social-indubitable_4304631.html [consulté le 28 juin 2023].
47 R. Brunet, « Fin annoncée de l’Observatoire de la laïcité », France 24, 15 déc. 2020 : www.france24.com/fr/france/20201215-fin-de-l-observatoire-de-la-la%C3%AFcit%C3%A9-symbole-d-une-lutte-entre-deux-visions-de-la-la%C3%AFcit%C3%A9 [consulté le 28 juin 2023].
48 Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle, IFOP-La Croix, 10 avr. 2022 : www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/04/119082-Rapport.pdf [consulté le 28 juin 2023].
49 R. Hamadi, « Présidentielles françaises : pour qui ont voté les musulmans ? », TSA, 13 avr. 2022 : www.tsa-algerie.com/presidentielle-francaise-pour-qui-ont-vote-les-musulmans/ [consulté le 28 juin 2023].
50 Cependant, à Dugny, Stains, La Courneuve, Le Blanc-Mesnil, historiquement acquises au PCF, le taux d’abstention est extraordinaire (75 %) au second tour.
51 Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle, IFOP-La Croix-Le Pèlerin, 24 avr. 2022 : www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/04/119119-Rapport.pdf [consulté le 28 juin 2023].
52 N. Cherigui « Jean-Luc Mélenchon : le tournant communautariste », Le Figaro Magazine, 20 mai 2022 ; B. Nicolas, « Mélenchon le candidat du vote musulman », Valeurs actuelles, 8 juin 2022.
53 W. Moliné, « Comment les islamistes ont orienté le vote musulman vers Jean-Luc Mélenchon », Europe 1, 30 août 2022 : www.europe1.fr/politique/info-europe-1-comment-les-islamistes-ont-oriente-le-vote-musulman-vers-jean-luc-melenchon-4130854 [consulté le 28 juin 2023].
54 W. Serisier, « La Seine–Saint-Denis en 2022 : une gauche forte, une abstention aiguë, des inégalités croissantes », Hérodote, no 187, 2022, p. 23-44 : doi.org/10.3917/her.187.0023 [consulté le 28 juin 2023].
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Blandine Chelini-Pont, « Le vote des musulmans en France (2002-2022) : de l’électorat captif à l’électorat capté ? », Revue du droit des religions, 16 | 2023, 83-104.
Référence électronique
Blandine Chelini-Pont, « Le vote des musulmans en France (2002-2022) : de l’électorat captif à l’électorat capté ? », Revue du droit des religions [En ligne], 16 | 2023, mis en ligne le 21 novembre 2023, consulté le 26 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/rdr/2209 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdr.2209
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page