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Notes critiques & lectures

Albero, B., Yurén, T. et Guérin, J. (dir.). (2018). Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain

Dijon : Éditions Raison et Passions, 360 p. ISBN : 978-2-917645-61-1
Emmanuelle Annoot
p. 144-147
Référence(s) :

Albero, B., Yurén, T. et Guérin, J. (dir.). (2018). Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain. Dijon : Éditions Raison et Passions, 360 p. ISBN : 978-2-917645-61-1

Texte intégral

1L’ouvrage proposé par Brigitte Albero, Teresa Yurén, Jérôme Guérin et intitulé Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain est composé d’une préface, de quatorze chapitres, de trente et une pages de bibliographie, de vingt-deux pages de glossaire et de quatre pages d’annexes. Il combine deux dimensions illustrées par des photographies : scientifique (problématisation, état de l’art, enquête empirique) et expérientielle (témoignages).

2Cet ouvrage est annoncé comme rendant compte d’une étude exploratoire d’une équipe franco-mexicaine soucieuse de susciter l’intérêt pour ce thème et d’ouvrir des voies pour la recherche dans le domaine. Nous pourrions comparer ce livre à un séminaire de recherche à ciel ouvert puisqu’il nous fait voyager dans le monde de l’architecture sans le restreindre aux strictes sphères académiques. Ce volumineux ouvrage étudie les rapports entre les espaces produits (campus, bâtiments, espaces verts), les espaces conçus par les architectes et les espaces vécus par les acteurs de l’enseignement supérieur qui les habitent (p. 44). Son titre illustre ainsi des objets à la fois distincts et complémentaires : le campus universitaire et la formation des architectes (p. 20). Il comporte une dimension encyclopédique qui est couronnée par l’ajout d’un glossaire très complet qui constitue une mine pour des apprentis chercheurs dans la mesure où il rend compte d’une harmonisation des notions et concepts utilisés dans l’ouvrage par les différents chercheurs.

  • 1 Voir également Castaño, E., Bernal, M. E., Cardona, D. A. et Ramírez, I. C. (2005). La enseñanza de (...)

3Si le dynamisme éditorial en matière de recherche en pédagogie de l’enseignement supérieur est constaté depuis une vingtaine d’années en France, la question de l’architecture et des propriétés des espaces de formation à l’heure de la société de la connaissance et de la généralisation de la dématérialisation des activités humaines a été abordée de façon marginale. De plus, les recherches qui portent sur le développement de l’architecture en tant que discipline sont rares (p. 2101). Dans le domaine des politiques publiques, le sujet est absent des directives européennes depuis 1998 (p. 103). Au Mexique, en dépit des besoins éducatifs et de la créativité des architectes, des normes strictes sont édictées tandis qu’en France un tournant majeur semble s’être opéré dans la conception de la relation entre architecture et enseignement supérieur depuis 2015. Cet ouvrage répond à un manque et à des attentes fortes, en particulier en France et en Europe ainsi qu’au Mexique, et le chercheur en sciences humaines et sociales ou l’enseignant du supérieur peut légitimement se réjouir de voir arriver un ouvrage sur ce thème qui aborde de front des questions majeures.

4En reprenant les mots de Paulo Freire, nous dirons que le rapport à l’espace correspond à une lecture du monde tant du côté des politiques publiques que du côté des usagers de ces espaces. Le renouveau des idées démocratiques au milieu du xxe siècle (p. 12), par exemple, a eu une influence sur la construction des espaces scolaires. L’ouvrage invite le lecteur à renouer les liens entre « configurations spatiales » et « pratiques sociales » (p. 11) dans une perspective interdisciplinaire et binationale.

5D’une part, l’émergence de nouvelles attentes des pouvoirs publics par la généralisation des usages du numérique, la promotion des méthodes actives, la valorisation du travail en équipe appellent à des transformations pour faciliter les échanges entre les individus et les groupes dans des espaces universitaires réorganisés. D’autre part, l’expression de besoins particuliers chez les étudiants et les enseignants appellent à repenser la formation des architectes qui conçoivent les lieux de formation. Enfin, de nouveaux projets conçus par ces bâtisseurs peuvent conduire à des remaniements dans des manières de faire ou d’agir grâce à l’opportunité qui est alors donnée de vivre autrement.

  • 2 Voir Lemaître, D. (2009). Le curriculum des grandes écoles en France : un modèle d’analyse inspiré (...)

6Les espaces universitaires existent au cœur de tensions entre tradition et modernité ; ils sont chargés de symboles et leur organisation témoigne d’une philosophie éducative (p. 96). Tandis que l’amphithéâtre semble constituer un héritage du passé, l’hybridation des enseignements est attendue pour répondre à la diversité du public étudiant. De nouveaux lieux sont identifiés sur les campus : médiathèques, bibliothèques universitaires numériques, learning labs, fablabs incitant au travail en autonomie et aux usages du numérique dans le processus conjoint d’enseignement et d’apprentissage. Les solutions architecturales (p. 14) correspondent à des espaces prescrits par les politiques publiques et par les schémas directeurs des établissements. Des facteurs externes (politiques publiques à l’échelle internationale ou nationale) ou internes (région ou établissement) ne sont pas sans influences sur la relation entre enseignant et étudiant et plus largement sur la vie universitaire dans son ensemble. Mais les configurations spatiales (p. 14) dépendent aussi des approches pédagogiques mises en œuvre dans les pratiques des enseignants du supérieur et des modes d’apprentissage des étudiants dans leurs relations avec les autres membres de la communauté universitaire. Le « décorum », c’est-à-dire « l’ensemble des normes sociales qui régulent les activités et les manières d’être des étudiants et des personnels » (p. 127), constitue un élément du curriculum d’un établissement d’enseignement supérieur2. La dimension spatiale qui est une composante importante dans la vie universitaire mérite donc d’être intégrée dans les modèles théoriques qui fondent la recherche en pédagogie de l’enseignement supérieur.

7Une question centrale est posée par les auteurs : « Faut-il donner la parole aux acteurs en matière de choix architecturaux ? »

8Si oui, comment dépasser l’obstacle de la temporalité de la construction pour répondre aux besoins ressentis ou exprimés ?

9L’initiative qui consiste à proposer des espaces en meilleure adéquation avec le travail réel est-elle vaine, les choix pédagogiques étant souvent instables ou individuels (p. 126) et j’ajouterais parfois méconnus ?

  • 3 Voir la page 75 de Annoot, E. (2012). La responsabilité sociale des universités en France : un conc (...)
  • 4 Voir Kant, E. (1989). Critique de la raison pratique (ouvrage original publié en 1788, L. Ferry et (...)

10Par conséquent, quelle formation pour les architectes au Mexique et en France ? Quelle professionnalisation pour les futurs diplômés ? Face à ces défis, la formation en architecture doit faire face à la concurrence internationale alors que la directive du Parlement européen 2005/36/CE identifie onze compétences à atteindre. De nouveaux enjeux complexifient les dimensions du métier tandis que les pédagogies du projet, le travail en atelier et l’introduction d’artefacts numériques, de pédagogies interactives se donnent pour objectif de préparer les étudiants à s’adapter à une diversité de situations et à faire preuve de créativité dès leur entrée dans le métier. « Répondre aux besoins des habitants d’un territoire local ou régional en matière de vie sociale et de culture, telle est désormais une des missions d’une université socialement responsable3 ». Les universitaires, architectes, administrateurs, étudiants de l’enseignement supérieur sont tous concernés par l’invention de nouveaux rapports aux savoirs avec le numérique sur les campus. L’ouvrage Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain sera leur boussole pour déterminer leurs choix sous le ciel étoilé4.

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Notes

1 Voir également Castaño, E., Bernal, M. E., Cardona, D. A. et Ramírez, I. C. (2005). La enseñanza de la Arquitectura. Una mirada crítica. Revista Latinoamericana de Estudios Educativos, 1, 125-147 ; Lobos, J. (2008). Necesidad de cambios en la enseñanza: El rol del arquitecto; Chile, En Revista CA. Educación-Profesión (134), abril-mayo.

2 Voir Lemaître, D. (2009). Le curriculum des grandes écoles en France : un modèle d’analyse inspiré de Basil Bernstein. Revue française de pédagogie, 166, 17-26.

3 Voir la page 75 de Annoot, E. (2012). La responsabilité sociale des universités en France : un concept en émergence ? Les cahiers du Cerfee, 31, 75-90.

4 Voir Kant, E. (1989). Critique de la raison pratique (ouvrage original publié en 1788, L. Ferry et H. Wismann, trad.). Paris : Gallimard.

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Pour citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Annoot, « Albero, B., Yurén, T. et Guérin, J. (dir.). (2018). Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain »Recherche et formation, 90 | 2019, 144-147.

Référence électronique

Emmanuelle Annoot, « Albero, B., Yurén, T. et Guérin, J. (dir.). (2018). Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur : culture numérique et développement humain »Recherche et formation [En ligne], 90 | 2019, mis en ligne le 27 mai 2019, consulté le 13 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/3700 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheformation.3700

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Auteur

Emmanuelle Annoot

Université de Rouen-Normandie, Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et formation (Cirnef, EA 7454)

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