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Couchot-Schiex, S. et Moignard, B. (dir.). (2020). Jeunesse, genre et violences 2.0. Des filles et des garçons face aux cyberviolences à l’école

Paris : L’Harmattan, 216 p. ISBN : 978-2-343-21206-7
Ludivine Demol
Référence(s) :

Couchot-Schiex, S. et Moignard, B. (dir.). (2020). Jeunesse, genre et violences 2.0. Des filles et des garçons face aux cyberviolences à l’école. Paris : L’Harmattan, 216 p. ISBN : 978-2-343-21206-7

Texte intégral

1Ce livre est l’aboutissement d’une enquête menée en 2015-2016 sous la direction de Sigolène Couchot-Schiex et Benjamin Moignard, chercheur.euses en sciences de l’éducation à l’université Paris-Est Créteil. Près de 1500 élèves et personnels éducatifs de Paris, Créteil et Versailles ont été interrogé.es sur leurs représentations des violences, sur les violences effectives et sur les cyberviolences en particulier. Cet ouvrage, en faisant appel à plusieurs chercheurs et chercheuses, propose une analyse et une contextualisation des résultats de cette enquête.

2Si le titre cible les cyberviolences, Catherine Blaya rappelle dès l’introduction que les violences – subies et infligées par les jeunes sur internet – s’intègrent dans des systèmes de domination dépassant largement le cadre des technologies de l’information et de la communication (TIC). Ce rappel est un axe majeur du livre, complété par une explication du contexte dans lequel s’insèrent les violences juvéniles et les violences de genre.

3Dans le premier chapitre, Benjamin Moignard contextualise le décalage entre les discours – du personnel politique, des médias et du personnel éducatif – et la réalité des faits. Bien que les recherches recensent et reconnaissent les violences scolaires comme des faits ordinaires depuis le XVIIIe siècle, l’apparition des TIC a reconfiguré ces violences en « nouveau » problème public. Si les violences ne sont pas nouvelles, l’angoisse des adultes a considérablement pris de l’importance à la fin du XXe siècle. Elle n’est pas tant liée aux violences qu’à l’apparition d’un espace de socialisation juvénile non accessible et non contrôlable par les adultes.

4Sigolène Couchot-Schiex revient sur le décalage entre les résultats des enquêtes d’une part, et les discours médiatiques et les représentions des adultes et jeunes d’autre part. Si les TIC peuvent amplifier les conséquences du harcèlement, les cyberviolences restent moins nombreuses que les violences subies au sein de l’établissement scolaire, et ne sont pas le fait d’inconnu.es mais généralement du cercle proche, en particulier des ami.es du collège et des camarades de classe. La focalisation de l’attention politique et médiatique sur les violences en ligne ne permet pas de comprendre les mécanismes de violences à l’œuvre. Les jeunes ne répondant pas aux normes sociales, en particulier en termes de sexe, genre et sexualité, sont les premières victimes de violences en ligne comme à l’école.

5Gabrielle Richard poursuit en expliquant comment les jeunes construisent leur identité de genre dans l’espace présentiel et montre comment les attentes de genre auxquelles doivent répondre les jeunes sous peine d’être stigmatisé.es se prolongent en ligne, tout comme la stigmatisation. Si le cyberespace peut renforcer le sentiment d’insécurité des victimes stigmatisées, il peut offrir dans le même temps des possibilités d’émancipation, en particulier pour les groupes minorisés et minoritaires.

6Les interactions numériques – y compris les photographies – participent à la socialisation entre adolescent.es et à la construction de l’identité de genre de celleux-ci. C’est ce que montre Céline Delcroix en rappelant que l’analyse des images ne doit pas être faite en dehors de leur contexte de production. Ainsi les photographies produites permettent de performer le genre et l’hétérosexualité, comme les nudes [photos dénudées] envoyées par les filles à la demande de leur petit copain, faisant de ces images des preuves d’engagement amoureux (« je suis amoureuse de toi, je te fais confiance »). Cependant, ces photographies peuvent être utilisées afin de ternir la réputation de la personne photographiée en les diffusant sur les réseaux sociaux, c’est à dire en les décorrélant du contexte de production. L’analyse des photographies numériques permet d’appréhender finement comment sociabilités en ligne et hors ligne sont co-dépendantes.

7Le cinquième chapitre, co-écrit par Philippe Goémé, Jean-Charles Pettier et Sigolène Couchot-Schiex, aborde les relations entre adultes et élèves pour proposer des pistes d’accompagnement et déceler les problèmes – en ligne ou hors ligne – que pourraient rencontrer les jeunes. Si le cyberespace crée de nouvelles difficultés, s’ajoutent des facteurs inhérents à la relation entre jeunes et adultes, comme dans le cas de la non-réaction des adultes pour des problèmes semblables ayant eu lieu antérieurement, ce qui fragilise la confiance des jeunes envers les adultes. En focalisant les recommandations sur la construction d’une relation de confiance, prenant en compte les spécificités de la pensée adolescente (et les règles de construction de l’identité des jeunes), les autrices conseillent aux adultes de s’adapter aux adolescent.es, et non l’inverse, pour mieux déceler les cas de violences sur ou en dehors d’internet, car « ce qui se passe dans le cyberespace prend sa source dans le face-à-face et inversement » (p. 148).

8Dans le dernier chapitre, Gaël Pasquier interroge le rapport du personnel éducatif aux familles et aux outils numériques. Par exemple, le personnel éducatif critique l’utilisation des TIC par les élèves dans l’établissement – vue comme une intrusion dans la journée des élèves et un facteur de violences entre élèves – notamment en interdisant les téléphones portables alors que cette interdiction est jugée comme une « mesure inefficace pour lutter contre les violences dont sont victimes les élèves » (p. 156). Et dans le même temps, ce personnel utilise les outils numériques pour faire intrusion dans la journée des parents afin de rendre compte de la surveillance des élèves (retards et absences). In fine, il s’agit de repenser le rapport des adultes au contrôle et à la surveillance des adolescent.es, tout en formant l’ensemble des équipes pédagogiques aux pratiques et usages juvéniles des TIC, et à la construction d’une relation de confiance avec les jeunes.

9En rappelant que le cyberespace fait partie de l’espace social et que les adolescent.es sont le produit d’assimilation de normes de genre, de classe, de race et d’âge, les auteurs et autrices invitent les lecteur.rices à se focaliser sur les cyberviolences, non comme une « nouvelle forme de violence », mais comme un réagencement des mécanismes de violences, antérieurs aux TIC. En définitive, les recommandations apportées par l’ouvrage se concentrent sur la nécessité de comprendre les adolescent.es et leurs usages, de former les adultes aux TIC et à l’écoute bienveillante et non jugeante pour offrir des modèles alternatifs de masculinités et de féminités. Loin des discours alarmistes des médias et des politiques, cette lecture incite à travailler sur le lien de confiance entre adultes et jeunes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ludivine Demol, « Couchot-Schiex, S. et Moignard, B. (dir.). (2020). Jeunesse, genre et violences 2.0. Des filles et des garçons face aux cyberviolences à l’école »Recherche et formation [En ligne], Notes critiques, mis en ligne le 08 juin 2023, consulté le 19 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/8281

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Auteur

Ludivine Demol

CETMI, université Paris 8

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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