- 1 BO sur le référentiel des compétences, n°30 du 25/07/2013.
1Dans le cadre de ce numéro spécial sur la présence corporelle des enseignants en classe, nous envisageons cette dernière par le prisme de l’attention durant la leçon. En effet, dans une acception énactive et phénoménologique de l’activité humaine (Varela, 1989 ; Merleau-Ponty, 1945), l’attention est à la fois révélatrice de la construction personnelle de la situation par le sujet et structurante pour l’activité. L’acteur construit son monde propre, sa situation, en fonction de ce qui lui importe, alors qu’il est en train d’agir. Ce processus de codéfinition valorise le fait que l’activité et la situation sont inséparables et doivent être envisagées conjointement. Par conséquent, nous considérons que l’attention permet d’étudier la relation pratique au monde et la présence des enseignants en situation.
Cette étude répond à un besoin empirique concernant la construction de gestes professionnels (Jorro, 2002) utiles à la gestion de classe. En effet, un travail sur l’attention est indispensable pour les compétences relatives à « la mise en œuvre et l’animation des situations », ou encore pour « évaluer les progrès et les acquisitions des élèves » 1. Or les enseignants novices rencontrent des difficultés pour gérer la complexité de l’intervention en classe, en raison du nombre élevé d’éléments en interaction, de leur caractère pluridimensionnel, de leur simultanéité et de leur incertitude (Doyle, 1977). Nous reviendrons à la fin de cet article sur l’intérêt de comprendre finement ce geste professionnel d’ajustement (Bucheton, 2009) qui concerne l’observation de l’activité des élèves, pour accompagner l’entrée dans le métier des enseignants novices. Cependant il convient de souligner la difficulté de documenter les gestes d’ajustement, caractérisés par leur dimension implicite, non consciente au moment de l’acte (Bucheton, 2009 ; Maître de Pembroke, 2018).
Des recherches ont été menées sur l’activité des enseignants novices d’Education Physique et Sportive (EPS), en contexte écologique de la classe, in-situ (Vors & Kirk, 2016), en abordant la question de l’observation de l’activité des élèves. Magendie (2019) a ainsi étudié la dynamique de construction des compétences de supervision, et Boizumault (2021) s’est intéressée à l’observation engagée dans l’usage du silence. Ces auteurs n’ont pas pour autant traité spécifiquement la question de l’attention. Toutefois, quelques recherches ont été menées sur cet objet précis. Ainsi, Vors et Gal-Petitfaux (2014) ont montré chez les enseignants expérimentés une conscience de la situation liée à la sélection d’informations signifiantes sur l’activité des élèves, avec des fenêtres attentionnelles (Vermersch, 2012) qui s’ouvrent ou se focalisent, en lien avec leurs préoccupations des enseignants et leur expérience vécue en situation. De plus, dans la perspective de dépasser les difficultés de conscientisation de l’attention en acte, des chercheurs ont mobilisé en EPS une approche psychophénoménologique et la méthode de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2006). Gouju (2006) a mis en avant le poids de l’expérience avec le phénomène d’œil de maquignon qui caractérise l’observation visuelle structurée et fine des enseignants expérimentés. Candy et Mouchet (2019) ont quant à eux démontré pour des enseignants novices, l’influence de la spécialisation dans l’Activité Physique Sportive et Artistique (APSA) sur la finesse, la rapidité et la pertinence de l’observation des conduites motrices des élèves lors de moments de régulation des apprentissages.
Par ailleurs, avec une autre posture épistémologique, un autre éclairage théorique en psychologie cognitive et la méthode de l’oculométrie, des études expérimentales ont été menées pour étudier l’attention des professeurs sous l’angle de la perception visuelle dans une configuration de salle de classe. McIntire, Mainhard, et Klassen (2016), ont ainsi démontré que les enseignants experts regardent leurs élèves plus souvent et de manière plus efficace que les professeurs débutants. Mais la plupart de ces recherches expérimentales étudient la perception visuelle dans des tâches de visionnage de vidéos de leçons, s’éloignant ainsi de la pertinence des études in-situ. Il semble donc utile d’analyser plus finement l’attention in vivo, dans l’environnement de la classe, avec des occulomètres mobiles. A cet égard, Dessus (2021) a étudié l’activité de quatre enseignantes d’école primaire réalisant une séance de mathématiques avec occulomètre mobile, en croisant les fixations oculaires sur les élèves avec le score de comportement/performance estimé par les enseignantes. Toujours dans les évolutions visant une complémentarité des méthodes, il convient également de noter la volonté de combiner l’oculométrie et les verbalisations concomitantes des sujets, notamment par la méthode de pensée à voix haute (Ericsson & Simon, 1980), pour comprendre les phénomènes attentionnels et accroître la validité et la fiabilité des recueils de données. Ainsi Stickler, Smith, et Shi (2016) ont exploité cette articulation de l’eye-tracking et de la verbalisation par rappel stimulé pour comprendre l’activité des apprenants lors d’apprentissages en ligne. Wolf, Jarodzka, van den Bogert, et Boshuizen (2016) ont quant à eux, comparé la perception d’évènements problématiques en classe par des enseignants novices et experts. Ils ont démontré que l’attention des novices est plus dispersée et plus réduite en nombre d’aires d’attention, et que la verbalisation des novices était moindre en termes de fréquence de mots.
Dès lors, étudier l’attention des enseignants d’EPS novices en situation complexe et dynamique, en milieu ouvert, lors de leçons d’Éducation Physique et Sportive (EPS) en classe entière, relève d’un triple défi sur le plan scientifique : épistémologique, théorique et méthodologique. Ainsi, nous valorisons une complémentarité des éclairages théoriques et des méthodes pour étudier l’attention des enseignants dans ses aspects observables et ses processus psychologiques sous-jacents. Nous opérons un rapprochement entre les sciences de l’éducation et de la formation, et la psychologie cognitive, fécond pour cerner au mieux la richesse de l’activité humaine. L’articulation des points de vue en première personne (i.e. explicitation du vécu subjectif), et en troisième personne (i.e. point de vue extérieur sur l’activité), constitue une voie originale à explorer (Mouchet, 2018 ; Quidu, 2014).
Dans cet article, l’objectif est de mettre en lumière la richesse d’une approche combinatoire pour rendre intelligible l’attention des enseignants en classe, lors de moments signifiants dans la conduite de la séance et la régulation des apprentissages. Il conviendra de répondre à la question suivante : dans quelle mesure cette articulation de théories et de méthodes contribue-t-elle à cerner l’attention des enseignants, dans ses aspects subjectifs et objectifs, ou encore dans ses aspects invisibles et visibles ? Dans cette réflexion exploratoire, nous nous centrerons sur une étude de cas avec une Enseignante Fonctionnaire Stagiaire (EFS) en EPS.
2Le concept d’attention expérientielle est défini comme l’organisation du champ d’attention et la dynamique attentionnelle inhérentes au vécu du sujet en train d’agir, au fil du déroulement de son activité/action (Mouchet, 2018). Notre approche de l’attention expérientielle prend source dans la phénoménologie de Husserl (1950, 1991) avec la notion d’Umwelt comme interprétation du contexte par le sujet en situation, et de Merleau-Ponty (1945) avec le monde propre comme environnement signifiant pour les sujets en action. Elle s’enracine aussi dans l’approche psychophénoménologique (Vermersch, 2012) et dans l’approche énactive de Varela (1989).
3Dans son acception psychophénoménologique, l’attention est considérée comme une modulation de la conscience ; elle permet d’appréhender les propriétés fonctionnelles de la conscience, sa structure et ses transformations dynamiques (Husserl, 1991 ; Vermersch, 2012). La structuration du champ d’attention, donc du champ de conscience, est une structure feuilletée avec une multiplicité de couches simultanément présentes. Il y a au centre la focalisation attentionnelle, aussi bien en termes de remarqué primaire que d’intérêt, et plus en périphérie des remarqués secondaires et des co-intérêts. Notons que les statuts de priorité sont interchangeables ; ce qui est à la marge peut venir au centre, ce qui est secondaire peut devenir prioritaire. Ce qui signifie aussi que tout ce qui est secondaire, ou à la marge, ou dans l'horizon, est actif dans le moment vécu. De plus, toute situation vécue est incluse dans une structure d’horizon (Husserl, 1991), issue de la mémoire passive et des attentes du sujet. Notons à propos de l’activité des enseignants que cet horizon peut être juste passé comme ses attentes dans la leçon concernée, ou plus ancien comme ses expériences dans les séances précédentes, son vécu en stage pédagogique les années antérieures, les savoirs sur les conduites typiques des élèves acquis en formation initiale (Candy & Mouchet, 2019)
4En ce qui concerne la dynamique attentionnelle, Husserl (1991) distingue deux fonctions sélectives. La première correspond au fait de « prendre pour thème », de « porter son intérêt vers » ou de « viser ». L’intérêt ou le thème est un principe directeur de l’attention et concerne les objectifs réels de la personne qui agit. La deuxième est une attention en termes de « remarqué », c'est-à-dire quelque chose qui se donne, qui se présente et est momentanément saisi, même si cela n’alimente pas l’intérêt du sujet, comme un son plus fort qu’un autre, un mouvement, une pensée qui surgit. De plus, des changements de cadrage ou de fenêtre attentionnelle s’opèrent au fil des actions, avec des gestes élémentaires de l’attention : viser, saisir, maintenir en prise, désengagement (Vermersch, 2004). La dynamique attentionnelle permet de cerner la façon dont un enseignant délimite son intérêt, se désengage d’un objet attentionnel pour déplacer son rayon attentionnel vers une autre saisie.
5Cette théorie permet d’appréhender le vécu subjectif de la personne, qui relève d’un niveau préréfléchi de conscience ou conscience en acte (Vermersch, 2012). La centration sur l’attention inhérente à l’action vécue est en phase avec notre compréhension de la présence corporelle comme être et agir dans un monde, et construction de ce monde. Ces modulations attentionnelles expriment les variations de la présence corporelle, ou encore son intensité et ses modalités. Notons que ce déplacement du rayon attentionnel peut s’opérer avec ou sans déplacement corporel dans l’espace de travail des enseignants (Candy & Mouchet, 2019).
6L’attention étant une modulation de la conscience, sa description se fait à travers la mise en évidence de modifications de la visée, des cadrages attentionnels, de la focalisation. Pour Vermersch (2004), elle ne peut apparaître rétrospectivement que comme la comparaison de deux moments entre lesquels la direction, la focalisation, le mode ont changé et apparaissent donc en plus du contenu (noème) et de la visée (noèse). Cela donne du sens à la méthodologie présentée plus loin ainsi qu’à la logique de présentation des résultats, en mettant en exergue les modifications au fil des moments importants du point de vue de l’enseignante.
7De plus, un éclairage théorique complémentaire est mobilisé, en psychologie cognitive, pour caractériser l’attention sous l’angle de la perception visuelle. Il permet de documenter les stratégies d'exploration visuelle, sous-tendant l'observation de scènes (Rayner, 2009), la réalisation de tâches cognitives complexes (Heidlmayr, Dore-Mazars, Aparicio, & Isel, 2016) exigeant l'observation de zones d'intérêts multiples (Alamargot, Chesnet, Dansac, & Ros, 2006). Ces stratégies mobilisent l'attention visuelle, qui contrôle les mécanismes perceptifs visuels de telle sorte à ne traiter que les informations pertinentes d'une scène ou d'une zone d'intérêt. Posner (1980) a mis en avant la forte relation entre l’orientation du regard et les changements d’attention. Cet auteur a également identifié trois fonctions distinctes et reliées de l’attention : a) l’orientation vers des évènements sensoriels ; b) la détection de signaux entraînant une focalisation consciente ; c) le maintien d’un état de vigilance ou d’alerte (Posner, 1990). Ces fonctions sont à rapprocher des fonctions électives et des gestes élémentaires de l’attention en psychophénoménologie, présentées plus haut.
8Lorsque l’on considère une situation de classe, l’enseignant, pour être en prise avec son environnement doit gérer son attention dans la classe entre les différents élèves pour superviser leurs actions et leurs apprentissages. Azaoui (2015) souligne ainsi l’orchestration multimodale des enseignants en classe lors de l’enseignement du Français, associant gestes et orientation du regard, pour gérer les interactions avec les élèves et entre élèves.
- 2 Cette recherche a associé trois laboratoires. Il s’agissait d’un dispositif en spirale (Mouchet, 20 (...)
9Pour l’année 2020/2021, une recherche interdisciplinaire a été menée avec des Enseignants Fonctionnaires Stagiaires (EFS) inscrits en master sur les Métiers de l’Enseignement, l’Éducation et de la Formation (MEEF) 2ème année du second degré, au sein de l'Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation (INSPE) de l’académie de Créteil. Un groupe expérimental de 16 EFS volontaires a été constitué sur la base du volontariat. Six d’entre eux ont participé aux études de cas et l’ensemble du groupe a bénéficié d’une formation spécifique sur l’attention en classe, soit deux journées dans un module de tronc commun.2 Le choix de mener des études de cas pour rendre intelligible l’attention en classe est en phase avec les propositions de Vermersch (2012), car pour cet auteur, le vécu est défini par trois propriétés principales : un seul sujet, un moment singulier, une micro-temporalité. Il s’agit aussi d’une démarche pertinente pour des recherches en contexte écologique (Albarello, 2011). Nous avons mis en œuvre les règles éthiques concernant la protection des données personnelles (préservation de l’anonymat, lettre de consentement des participants et des parents pour les élèves mineurs, confidentialité, droits d’image).
- 3 Sport collectif avec un frisbee.
10Dans le cadre de cet article nous présentons une étude de cas avec une EFS, à qui nous attribuons le prénom fictif de Pauline, dans un collège avec une classe de 6è avec 23 élèves, lors de la première séance d’un cycle d’ultimate3 en EPS, qui se déroule sur un plateau extérieur de sports collectifs. La situation présentée est une passe à dix, sur place, avec des trios d’attaquants et un défenseur au milieu qui tente d’intercepter. Ce jour-là il fait gris et froid, sans pluie. Pauline est spécialiste dans l’activité natation et moins compétente dans l’enseignement des sports collectifs.
11Nous mettons en œuvre une approche mixte de recherche (Creswell & Plano Clark, 2018) ou encore une approche multi-méthodes (Mouchet, 2018) : a) un bref entretien semi-dirigé juste avant la leçon, avec dictaphone, pour identifier en trois questions le contexte de la séance, les objectifs et attentes des professeurs sur le plan des contenus à acquérir, ainsi que d’éventuels élèves à besoins particuliers ; b) un enregistrement audiovisuel des comportements de l’enseignante en classe avec une caméra sur pied, et un micro-cravate relié à un dictaphone, installés avant la séance sur l’enseignante, pour avoir les traces de l’activité; c) l’enregistrement des prises d'informations visuelles dans l'environnement avec des lunettes oculométriques Tobii Pro Glasses 2 échantillonnant les mouvements oculaires à la fréquence de 60hz.
12Le système, peu invasif, a permis d'enregistrer l'ensemble des prises d'informations visuelles de Pauline tout au long de son activité et de calculer, a posteriori, les fixations oculaires, saccades oculaires, zones d'intérêts et trajectoires entre les zones ; d) un entretien d’explicitation (Vermersch, 2006) durant les jours suivant la leçon, durant 45’ à 60’, pour rendre intelligible le vécu subjectif de l’enseignante et accéder à des aspects qui étaient momentanément non conscients durant l’intervention.
13Inspirés par Van der Maren (1995), nous faisons une triangulation des données subjectives (entretiens d'explicitations), objectives (comportement observé) et oculométriques (prise d'informations visuelles effectives), afin d’accroître la compréhension de l’activité, ainsi que la robustesse et la validité des résultats. Les entretiens d’explicitation sont retranscrits verbatim, envoyés à l’enseignante pour information et validation, puis traités en utilisant le tableau du vécu (Mouchet, 2018). Ce dernier comprend cinq catégories d’analyse : but et sous-buts, actes moteurs et cognitifs (perception, décision…), contenu attentionnel, état interne, arrière-plan décisionnel.
14Ces données subjectives sont croisées avec les enregistrements audiovisuels de l’activité, en envisageant les cas de figure suivants : a) la confirmation ou l’infirmation par les images des propos du sujet ; b) la compatibilité ou non (c’est possible ou pas) ; c) l’impossibilité de savoir lorsque les images ne permettent pas de se prononcer par exemple lors de plans de caméra particuliers (Mouchet & Turon, 2021). Les analyses des fixations et saccades oculaires ont été réalisées à partir du logiciel Tobii Pro Lab, en utilisant l'algorithme Tobii I-VT (Attention) qui considère la vitesse saccadique minimale de 100 degrés par secondes comme seuil d'agrégation des fixations, critère adapté à la mise en évidence de stratégies attentionnelles (Salvucci & Goldberg, 2000).
15Les trajectoires ont été calculées ensuite à partir des fixations et des zones d'intérêts répertoriées pendant une séquence temporelle donnée. Dans le cadre des analyses conduites ici, deux séquences temporelles successives (recouvrant deux situations contrastées de gestion de classe au cours d'une même séance) ont été étudiées pour extraire les trajectoires d'explorations visuelles telles que traduites par les mouvements saccadiques entre différentes zones d'intérêts. Ce type d'analyse (scanpath), en comptabilisant, pendant une durée donnée, les prises d'informations visuelles réalisées alternativement sur des objets et/ou personnes dans un espace donné, ne suppose pas de synchronisation temporelle particulière, la base temporelle étant celle de la scène.
16Les principaux éléments verbalisés en entretien semi-dirigé mettent en avant notamment des objectifs prioritaires dans la séance : la découverte des règles fondamentales en ultimate ainsi que des trois rôles de porteur de frisbee, de partenaire et de défenseur ; l’acquisition du pied de pivot et du démarcage ; des élèves susceptibles de solliciter plus fortement la présence de l’enseignante, à savoir un perturbateur et trois malentendants.
17Dans le cadre du volume imparti pour cet article et de la question de recherche, nous ciblons les résultats sur un moment important pour Pauline, choisi par elle et exploré en entretien d’explicitation : en début de séance, dans un exercice de passes à trois, l’attention sur les élèves malentendants, soit une centration sur un groupe. Nous constatons donc que ses attentes initiales verbalisées avant la séance imprègnent son vécu en situation. Dans ce moment important, le scénario des évènements observables, qui se déroule sur 6 minutes, peut être résumé ainsi : observation des malentendants sur l’atelier (les élèves se nomment ici Adam, Alan et Gayan) / Interruption par une dispute au sein d’un trio proche (Bryan, Bintou et une troisième élève) / retour avec les élèves malentendants pour réguler le lancer de frisbee. La présentation des résultats est structurée par ces trois micro-moments.
18Nous présentons ici les extraits des réponses de Pauline, sans les questions de l’interviewer, en les organisant au regard des catégories présentées dans la section sur le traitement des données. Les points de suspension, les silences, sont caractéristiques de la mémoire d’évocation ou mémoire du vécu, qui est recherchée en entretien d’explicitation (Vermersch, 2006). Rappelons que cette logique de présentation en micro-moments permet de repérer les modulations de l’attention (Vermersch, 2004).
19Les extraits du verbatim en explicitation permettent de souligner des aspects importants dans l’activité de Pauline. Elle verbalise son but (« Mon but est de voir si ça fonctionne…S’ils ont compris et s’ils arrivent à faire euh… 10 passes ») et son état interne (« Je me sens ben… soucieuse, bienveillante de… (silence 2’’) d’essayer de faire en sorte qu’ils arrivent »). Pauline verbalise des actes perceptifs et des actes réflexifs qui expriment bien le dilemme qu’elle vit entre son thème dans le langage psychophénoménologique, ou but prioritaire avec les garçons malentendants et la montée d’une tension dans un groupe à côté :
« Alors moi je veux observer. Je les entends râler une première fois et je dis ‘c’est pas grave je veux observer ’ […] Il me semble qu’il y a eu d’abord Adam (silence 2’’) et qu’après (silence 2’’) justement ils m’ont… ils m’ont empêchée (silence 2’’) de bien continuer à avoir si Adam, Alan et Gayan y arrivaient puisque Brian s’était braqué et était parti ».
20Le verbatim met aussi en avant le caractère compacté de sa mémoire du vécu, que nous tentons de déplier pour obtenir des détails sur ses actions, son champ d’attention et sa dynamique attentionnelle. La répétition d’indices auditifs signifiants pour elle, l’amène à changer d’orientation corporelle et à délaisser provisoirement son thème initial qui était au centre de son champ d’attention (« Je sais plus si c’est Brian qui vient me voir en râlant une première fois et après ça repart (silence 2’’)... Et je les entends, ils insistent et là je perds mon observation et je vais vers eux. C’est la répétition en fait de… du fait qu’ils râlent […] ». Pauline apporte des précisions sur l’organisation temporelle de ses actes, suite aux relances de l’interviewer (« Je me retourne quand ils crient »). Elle explicite aussi le contenu des indices auditifs et visuels concomitants ou successifs :
« Bintou dit ‘c’est bon, c’est bon, viens on fait les passes toutes les deux’. Je les vois faire les passes toutes les deux et c’est là que je rappelle Brian (silence 2’’) une fois, deux fois… […] Et Bintou dit ‘ mais c’est bon, vas-y, c’est pas grave on fait sans Brian… on fait toutes les deux’. Et là elles commencent à faire toutes les deux […] Après il part… et il est plus loin sur un autre poteau de basket à l’opposé… Où il se met en train de bouder… Et je lui dis ‘Brian tu reviens’ ».
21Du coup, au regard de ces indices, un nouveau sous-but apparaît pour Pauline (« Et comme il revient pas, là je me recentre sur eux. Et du coup je laisse Adam et Alan »). La supervision des élèves malentendants qui étaient au centre de son attention bascule en périphérie et vice-versa pour le groupe qui se dispute. Ces données alimentent le modèle théorique de l’attention phénoménologique avec une structure feuilletée et une dynamique attentionnelle. Sa visée initiale de s’occuper des élèves malentendants est perturbée par cet incident.
En articulant les données de la vidéo avec les extraits d’entretien d’explicitation, nous pouvons repérer que les figures 1 et 2 ci-dessous confirment ses verbalisations et montrent une proximité permettant d’observer le groupe des garçons (cercle rouge), avec une distance d’environ 3 mètres et une orientation corporelle vers eux ; sa présence corporelle est en prise avec ces élèves et son but effectif. En même temps, ces deux figures permettent de distinguer les autres élèves dont elle parle, qui sont dans un atelier sur sa droite, initialement dans son dos puis dans son champ de vision après un déplacement et une nouvelle orientation (cercle jaune), à environ une dizaine de mètres. Les images confirment donc les verbalisations de Pauline ; de plus, ce qui n’est pas visible sur les images est identifiable par le biais de l’explicitation du vécu ; elle les entend aussi, plusieurs fois et cet indice de répétition est important pour entraîner un déplacement corporel et une intervention avec cet autre groupe.
La vidéo confirme également ses verbalisations car Brian vient la voir une première fois avant de revenir vers son atelier puis de partir s’isoler sous le panier de basket (cf. figure 4 plus loin).
22L'analyse des prises d'informations visuelles opérées par Pauline, apporte des données complémentaires sur le partage de son attention qui précède la centration sur deux sous-groupes. Ainsi, au cours de la première séquence, d'une durée de 1 mn et 11 sec, Pauline décrit au formateur, venu la rejoindre un bref instant et non visible dans les figures ci-dessus, l'état de la situation sur le plateau et commente l'implication des différents élèves, dont celle du groupe des élèves malentendants situé sur sa gauche. Les prises d'informations visuelles qu'elle effectue durant cette séquence attestent d'un traitement perceptif particulièrement intense, impliquant 4 zones d'intérêts : le groupe à sa gauche, les groupes en face d'elle (proches et au loin), les groupes à sa droite (proches et au loin) et le formateur, situé à son extrême gauche. Le décompte des transitions oculaires, entre ces 4 zones, indique 26 passages d'une zone à l'autre, opérés par des saccades oculaires de grande amplitude et, l'un étant lié à l'autre, très rapides (i.e. avec une vitesse maximale moyenne de 491 degré/sec).
23Ces trajectoires d'exploration visuelle sous-tendent un total de 7 inspections (menées par des séries de fixations sur les élèves) de la zone gauche, 7 inspections de la zone située en face, 7 inspections de la zone droite et 5 séries de fixations réalisées sur le visage, notamment les yeux, du formateur. L'activité de prise d'informations visuelles, particulièrement intense durant cette séquence, repose sur une gestion attentionnelle particulièrement séquentialisée, sous-tendue par un système de trajectoire (scanpath) complexe, conséquence probablement de la nécessité d'un partage attentionnel entre différentes sources. Ainsi, tout en décrivant et analysant l'activité de chaque groupe sur le plateau, Pauline mène en parallèle un contrôle permanent sur tous les groupes. C'est à la fin de cette séquence que la perturbation liée à Brian survient.
24Pauline verbalise son contenu attentionnel avec l’autre groupe auprès de qui elle se déplace, au regard de son nouveau sous-but de se recentrer sur eux :
« C’est Aminata, Bintou… les deux filles disaient ‘Madame, Brian, il veut plus faire. Il sait pas faire les passes…’ ».
25Elle mentionne ses actes réflexifs :
« Au moment où je demande à Brian de venir… et que je vois que la première fois que je l’appelle il vient pas, là je me dis mince, je vais essayer de le rappeler et s’il vient pas je serai obligée d’aller le voir, d’essayer de régler l’histoire, donc perdre du temps par… pour discuter avec lui ».
26De même son état interne évolue :
« Et je suis soulagée qu’il revienne ».
27Pauline évoque ensuite des actes langagiers dans son interaction avec Brian :
« Je rappelle Brian qui vient. […] Et là je discute. Je lui dis que c’est pas grave, qu’il faut qu’on réessaye… et je me rappelle qu’il… qu’il joue avec ses manches. Et je luis dis ‘Brian c’est mieux avec les mains’. Il dit qu’il a trop froid donc je lui dis ‘souffle (silence 1’’) sur tes mains’ »).
28Son attention est focalisée sur Brian, proche d’elle, avec l’obtention de détails sur des indices signifiants, visuels et auditifs :
« Il a sa mèche comme ça… un peu la tête penchée… et… (silence 4’’) et je crois qu’il parle pas. Il écoute ce que je dis…[…] A son regard je vois que… il est attentif à ce que je dis […] Et après il se met en action »).
29Notons aussi à cet instant des éléments d’arrière-plan décisionnel qu’elle mobilise in situ ; la connaissance du mode de fonctionnement de cet élève imprègne son activité à cet instant :
« Je sais que dans tous les cours à chaque fois, si je le pousse pas, il va pas courir ou quoi. Et je sais qu’il a une attitude un peu attentiste. Et du coup euh… oui ça fait un petit peu nonchalant…. Je sais qu’il faut pas que je le braque… parce que euh… enfin il faut pas que je lui dise ‘c’est de ta faute’, j’essaie de le remettre, je lui dis ‘c’est pas grave, là, vous allez réessayer, allez-y, montrez-moi‘ ».
30Elle considère que son intervention est satisfaisante à partir de son observation des actions des élèves ensuite :
« et en fin de compte après ils y arrivaient quand même. Ça roule, il fallait juste qu’en gros j’intervienne un petit peu pour les recadrer ».
31Les figures 3 et 4 ci-dessous confirment à ce niveau les verbalisations de Pauline. Nous voyons sur la figure 3 Brian isolé sous le panier de basket alors que Pauline parle avec les deux filles, puis sur la figure 4, l’échange de cette enseignante avec Brian.
Figures 3 et 4 : Interruption de son activité
32Le croisement avec les données oculométriques, sur cette séquence d'une durée de 1 mn 37 sec, atteste d'une stratégie sous-jacente de prises d'informations visuelles complexe, se traduisant par : a) une focalisation attentionnelle sur le binôme formé par Aminata et Bintou (i.e. l’amplitude et la vitesse maximale moyenne (ici 169 degré/sec) des saccades se réduisent, ainsi que le nombre de zones d'intérêts observées), entrecoupée par b) une observation de Brian à l'aide de trajectoires oculaires et de fixations rapides. Ainsi, tout en discutant avec Aminata et Bintou, Pauline observe Brian, qui attend au loin, à seulement 3 reprises, et ce par le biais de regroupement de fixations (gazes) très courts.
Cette observation est conforme à ce qu'elle déclare dans le verbatim et ce qui est observable sur la vidéo : sa préoccupation ici est que Brian revienne pour que l'activité reprenne. L'analyse oculométrique indique que Pauline est probablement ici en situation d'attention partagée. La majorité des prises d'informations qu'elle réalise sont dédiées à la surveillance du binôme formé par Aminata et Bintou tout en réalisant des séquences de surveillance très épisodiques mais à chaque fois déterminantes de Brian. Ainsi, à la fin de la séquence, elle fixera rapidement le visage (masqué et encapuchonné) de Brian qui revient, en lui demandant de reprendre l'activité, et portera à nouveau son attention sur les deux filles pour leur redonner les consignes. Elle fixera une dernière fois le visage de Brian et orientera son attention sur le groupe de malentendants, mettant fin à cette séquence.
33L’enregistrement audiovisuel montre que ce troisième micro-moment est précédé d’une brève ouverture à la classe entière, avec relance d’une consigne et d’un critère de réussite sur le nombre de passes en un temps chronométré, de déplacements dans l’espace de travail auprès d’un groupe plus éloigné et d’un retour vers le centre avec contrôle oral du nombre de passes par atelier. Cela dure 1’30. Puis elle revient vers le groupe des malentendants.
Pauline centre alors son attention sur l’analyse des conduites motrices de ces derniers. Elle verbalise son but (« Et quand je vois que ça fonctionne pas… Je vais regarder la manière dont ils lancent le disque ») et le contenu attentionnel (« Ce qui me marque le plus c’est… c’est Adam qui n’arrive pas à lancer »). L’arrière-plan décisionnel est réactivé dans l’instant à travers la connaissance du profil de ces élèves, qui entraîne une décision sur sa stratégie d’intervention (« comme ils entendent pas… (silence 2’’) j’ai… je laisse finir l’action… Le disque tombe et là je reviens, je prends le disque, je reviens sur Adam… Et j’essaie de lui montrer… que c’est la jambe droite, qu’il faut s’appuyer dessus, placer avec les deux mains et viser»).
La vidéo confirme ses verbalisations en explicitation. Nous voyons dans les figures 5 et 6 ci-dessous le disque par terre sur la photo de gauche, l’intervention de Pauline et sa démonstration.
Figures 5 et 6 : Régulation face à l’échec des élèves
Rappelons que notre question initiale dans cet article concerne l’intérêt d’une articulation de théories et de méthodes pour comprendre l’attention des enseignants, inhérente à un geste professionnel d’ajustement.
34Le geste professionnel d’ajustement d’observation des conduites des élèves, est en partie non conscient durant l’action (Jorro, 2002 ; Bucheton, 2009), c’est-à-dire momentanément en conscience préréfléchie (Vermersch, 2012). Il s'opérationnalise en un certain nombre de savoirs pragmatiques encore assez peu identifiés. Nous avons proposé dans cet article un apport conceptuel et méthodologique, ainsi que des données empiriques, qui précisent les conditions et les modalités de cet ajustement.
35L’attention exprime la présence en acte, dans l’instant de la situation, tout en étant imprégnée d’un horizon de présence (Husserl, 1991) parfois fort, en lien avec les expériences passées. Elle est à la fois en partie structurée et orientée, et structurante pour l’activité en train de se faire ou à venir. Ainsi, les contenus d’enseignement à acquérir semblent orienter l’attention de cette enseignante novice, avec une logique de reconnaissance des indices attendus, en ce qui concerne le pied de pivot et les gestes du lancer/rattraper. Des centres d’intérêt prioritaires préconstruits (cours prévu, centration sur certains élèves) contribuent à façonner son champ d’attention, que ce soit sa visée ou thème, ses actes et son contenu attentionnel. Les indices saillants, ou remarqués, qui détournent l’attention sont vécus comme un empêchement à ce qui fait thème.
36Cela rejoint des travaux antérieurs sur l’attention des enseignants d’EPS novices (Candy & Mouchet, 2019) ou sur les fenêtres attentionnelles (Vermersch, 2012) à l’œuvre dans les formes d’expériences sensorielles structurant les stratégies d’intervention en classe difficile (Vors & Gal-Petitfaux, 2014). Les résultats illustrent certes l’enchâssement des temporalités, en ce qui concerne l’importance de l’arrière-plan décisionnel (Mouchet, 2018) qui imprègne l’activité dans la situation, mais également la succession des moments et le caractère disruptif des processus attentionnels. Nous avons aussi souligné dans la structuration du champ d’attention, son caractère multimodal (vision, audition, ressenti corporel) et syncrétique (attitudes et gestes, valeurs en acte, émotions…), en accord avec Azaoui (2015) ou Maître de Pembroke (2018). D’autre part, en ce qui concerne la dynamique attentionnelle, nous pointons une juxtaposition de cadrages attentionnels, avec désengagement et déplacements corporels pour être en prise avec un nouvel objet attentionnel. De manière générale, la synthèse provisoire des études de cas permet de souligner des difficultés dans la maîtrise simultanée de la globalité de la situation et des détails sur certains élèves. Ainsi, l’organisation et la gestion de classe constituent une préoccupation importante, et rythment les changements d’attention qui sont autant subis que voulus
- 4 La conscience est caractérisée par l’intentionnalité, avec sa structure ternaire (noème, noèse, ego (...)
37Par conséquent, des relations fructueuses entre l'approche psychophénoménologique et la psychologie cognitive nous ont permis de cerner l’attention en situation d’enseignement, avec un gain en complétude et en précision. Nous pensons notamment aux liens entre l’intentionnalité4, la variété des actes perceptifs concomitants ou successifs, et les indices signifiants pour les sujets en partie non conscients. Le rapprochement de l’analyse de l’attention comme modulation de la conscience avec l’analyse de la perception visuelle s’avère fécond.
38Pour comprendre l’attention des EFS en contexte écologique, nous développons une approche multi méthodes qui vise à articuler le point de vue en première et en troisième personne, ou encore la subjectivité des acteurs et l’objectivation des actions. Cette approche multi-méthodes constitue une voie prometteuse dans les sciences cognitives (Petitmengin & Lachaux, 2014 ; Varela & Shear, 1999) et les sciences de l’éducation et de la formation (Mouchet, 2018). Elle vise à approcher l’activité humaine dans sa complexité et sa richesse, et mérite d'être approfondie. Son intérêt est de rendre intelligible l’attention en permettant une complétude et une finesse de la description. Il est possible de cerner les dimensions cachées de l’activité (i.e. intentionnalité, modulations de la conscience, émotions associées, diversité des indices signifiants de nature visuelle, auditive et kinesthésique), ainsi que les aspects observables via la vidéo (i.e. comportements, postures, mouvements de tête…). Le recours à un oculomètre mobile est pertinent pour confirmer, compléter ou relativiser les verbalisations obtenues par l’entretien d’explicitation, en mettant en valeur la perception visuelle à une échelle micro d’analyse.
39Soulignons également la valeur ajoutée de l’entretien d’explicitation par rapport aux autres méthodes de verbalisation utilisées en combinaison avec l'oculométrie comme la pensée à voix haute ou le rappel stimulé (Stickler et al., 2016 ; Wolf et al., 2016). Il permet la verbalisation de favoriser la prise de conscience de détails qui n’étaient pas conscients au moment de l’action vécue, ou plus exactement qui étaient en conscience préréfléchie (Vermersch, 2012).
40Toutefois, des défis apparaissent sur le plan méthodologique. Tout d’abord, si le recueil des mouvements oculaires, avec les progrès technologiques, est devenu relativement aisé et non invasif, l'analyse des données reste quant à elle toujours complexe, notamment dans le cas de situations écologiques s’inscrivant dans la durée comme dans le cas d'une séance scolaire. Dans le cas de cette étude in-situ, la catégorisation des mouvement oculaires est rendue particulièrement difficile par le fait que les protagonistes (élèves) sont nombreux, que les zones d'intérêts qu'ils représentent évoluent dans le temps et l'espace, tout comme l'observatrice qui est elle-même en mouvement quasi permanent. Cela conduit à une multiplicité de scènes différentes qui se succèdent dans le temps à un rythme soutenu. Il convient dans ce cas d'adopter, comme nous l'avons fait ici, une démarche en entonnoir consistant à focaliser l'analyse oculométrique sur des séquences clés de la séance, identifiées en amont par les observations conduites à la première et/ou troisième personne. C’est une démarche à affiner pour tenter de dépasser le dilemme pointé par Dessus (2021) concernant la capture multimodale et multiniveaux des événements scolaires, qui permet la richesse des informations recueillies, mais entraîne aussi des difficultés pour les mettre en relation.
41De plus, il reste à lever une difficulté sur le repérage temporel précis d’un micro-moment investigué lors des verbalisations du vécu, des observations et de l’oculométrie, pour affiner la logique d’articulation des données. En effet, il est nécessaire de poursuivre les investigations afin de formaliser de façon précise la complexité des relations entre : a) un évènement objectivable par observation extérieure ; b) le vécu subjectif de cet événement qui, outre le fait de pouvoir être a-synchrone, est déplié temporellement lors de l’explicitation ; c) les perceptions visuelles qui sont réalisées durant l'événement, le plus souvent de façon non consciente, et dont certaines, pourtant décisives, peuvent ne durer que quelques centaines de milliseconde.
42Malgré ces obstacles à lever, nous considérons avec Vermersch (2004) ou Wolf et al. (2016), que cette complémentarité de théories et de méthodes constitue une perspective de recherche prometteuse pour comprendre les phénomènes attentionnels en contexte écologique de la classe, notamment en situation complexe et dynamique. Cela permet d’accroître la validité et la fiabilité des recueils de données. On ne peut se passer du point de vue en première personne pour étudier les modulations de la conscience via les verbalisations subjectives, mais il serait aberrant d’ignorer les avancées des sciences expérimentales.