1En France, la visée d’une école inclusive conduit à porter une attention particulière à la scolarisation des élèves dits à besoins éducatifs particuliers (BEP), dont les élèves en situation de handicap. Son ambition est « de ne laisser aucun élève au bord du chemin » (Circulaire n° 2019-088 du 5-6-2019). Pour ce faire, les diverses réponses institutionnelles envisagées complexifient la mise en œuvre de cette école, voire l’opacifient. Elles personnalisent le besoin en restant la plupart du temps arrimées aux handicaps ou troubles des élèves. Aussi, cette reconnaissance du besoin éducatif particulier produit in fine une perception de l’élève au prisme de son besoin en tant que manque. Cet étiquetage conduit à « façonner les gens » (Hacking, 2002), en interagissant avec eux. Dès lors, si le bien-être des élèves désigne un « état dynamique caractérisé par le fait que les élèves se sentent capables »1, qu’est-ce que le bien-être pour un élève à BEP ? Comment un élève reconnu institutionnellement troublé, malade ou handicapé, peut-il se sentir capable ? Quelle réalité l’école lui offre-t-elle ?
- 2 Des ESAT gérés par d’autres associations préfèrent le terme « ouvrier » à « travailleur ».
2Notre article n’a pas l’ambition de répondre à ces questions non triviales. Il tente de réfléchir à des pistes de travail pour dépasser le paradoxe de l’école inclusive, qui reste un défi, pour l’élève dit à BEP, et pour les professeurs face à une diversité d’élèves singuliers. Dans une approche didactique, nous amorçons les linéaments d’une reconstruction de la forme scolaire basée sur quelques résultats de l’étude d’une ingénierie coopérative (Sensevy, 2011 ; Perraud, 2022 ; CDpE, 2024). Fruit d’un travail doctoral, ce dispositif de recherche a réuni une chercheuse et des professionnels d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) du secteur médico-social pour des adultes en situation de handicap, des travailleurs2. Ce collectif a enquêté autour des savoirs pour concevoir et mettre en œuvre des situations d’enseignement-apprentissage, afin de permettre aux travailleurs d’agir plus adéquatement sur le terrain, qu’ils soient lecteurs ou non lecteurs. Dans cet article, au sein la théorie de l’action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007 ; Sensevy, 2011), nous analysons un exemple empirique « Walter, travailleur d’ESAT » (Perraud, 2022) pour comprendre comment la seule considération du besoin peut empêcher d’agir sur la situation. Puis partant de l’idée que « les dispositifs ont plus d’impact que les dispositions » (Sensevy, 2011, p. 298), nous mettons au jour quelques aspects saillants de cet exemple susceptibles d’être recontextualisés dans une école visant l’émancipation de tous. Notre propos est structuré en quatre parties. Nous commençons par présenter un peu plus le paradoxe de l’école inclusive. Puis, nous apportons des éléments de cadrage. Nous décrivons et analysons notre exemple empirique et terminons par une discussion
3L’expression « besoins éducatifs particuliers » est une reprise de l’expression anglo-saxonne « special educationnal needs » apparue dans le rapport Warnock (1978) pour désigner les individus ayant des difficultés scolaires. En 2003, la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) décrit ces élèves à besoins éducatifs particuliers que sont notamment « les élèves en situation de handicap, nouveaux arrivants, voyageurs, intellectuellement précoces, en situation d’illettrisme, dysphasiques, dyslexiques, les élèves présentant des difficultés scolaires graves et durables ou des difficultés d’adaptation » (DGESCO, 2003).
- 3 Selon une des définitions du dictionnaire trésor de la langue française de « ressource » consulté (...)
4La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, redéfinit le handicap : d’une vision médicale, il est à voir désormais dans sa dimension sociale. Le mot « inclusion » apparait en 2013 dans l’article L111-1 du code de l’éducation, pour devenir « scolarisation inclusive » en 2019. Ambitionnant une école pour tous, la France propose différentes réponses institutionnelles pour répondre aux besoins des élèves. Cependant, Marianne Woollven (2021, p. 61) note que « les verdicts médicaux gardent un poids non négligeable dans la conception française des BEP, souvent synonymes de handicap ». De plus, elle ajoute que « les BEP sont liés à une conception managériale de l’éducation. Tels qu’ils ont été institués par les institutions internationales, ils portent l’accent sur l’efficacité individuelle et collective de l’éducation. L’optimisation des ressources devient alors une norme scolaire » (ibid.). Ces ressources en tant que « moyen[s] […] d’améliorer une situation difficile »3 consistent la plupart du temps en des aménagements matériels ou pour des élèves en situation de handicap en des aides humaines notifiées par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ainsi, la prise en compte des élèves à BEP reste arrimée au besoin de l’élève, en tant que déficit. Pour renverser la perspective, François et Lise Gremion (2020) préconisent de déplacer la focale sur les déficits des situations devenant situations à besoins éducatifs particuliers. Dès lors, le défi de l’école inclusive invite à considérer la situation, porteuse du problème et de la solution. Ce faisant, les réponses apportées à des problèmes liés à une situation permettent d’améliorer ladite situation au bénéfice de tous.
5En 1994, l’UNESCO donne un cadre d’action pour les besoins éducatifs spéciaux, avec pour objectif « de servir de référence et de guide [aux différentes organisations nationales et internationales] pour appliquer la Déclaration de Salamanque sur les principes, les politiques et les pratiques en matière d’éducation et de besoins éducatifs spéciaux » (UNESCO, 1994, p. 5). Il est notamment question d’une bonne pédagogie au bénéfice de tous les enfants. Cette bonne pédagogie, où la pédagogie désignerait la mise en œuvre de pratiques d’enseignement, revêt selon l’UNESCO les caractéristiques suivantes : reconnaitre les différences, s’appuyer sur les potentialités des élèves et ce faisant, bénéficier à tous.
6En France, la circulaire de rentrée 2023 détaille les priorités « pour une École qui instruit, émancipe et protège » (BO n° 27 du 06-07-2023), en exprimant notamment que « permettre à chaque élève de s’épanouir, c’est aussi réaffirmer que tous les élèves, et notamment les élèves en situation de handicap, ont toute leur place à l’école ». Aussi, chaque professionnel est « invité à veiller […] à [leur] bonne inclusion ». L’inclusion est un terme contenant en lui-même un paradoxe. En effet, parmi ses définitions4, l’inclusion peut signifier l’action d’inclure, de « mettre, comprendre quelque chose dans autre chose qui le contient » ou bien « le résultat » de cette action. L’inclusion est donc autant un processus qu’un état. L’inclusion peut désigner également la « présence d'un corps étranger dans un ensemble homogène auquel il n'appartient pas ». En écho avec la question du mal-vivre à l’école, thématique de ce dossier, ces quelques lignes relatives aux priorités de rentrée scolaire sont autant de réalités à interroger : qu’est-il entendu par veiller à une bonne inclusion ? Est-il suggéré ici qu’il existe une mauvaise inclusion, c’est-à-dire, une inclusion qui aurait, selon la définition de l’Académie française « quelque vice ou quelque défaut essentiel », voire que cette inclusion de l’altérité dans un ensemble homogène serait nuisible, qu’elle incommoderait, ou causerait du mal5 ? Pourquoi dans cette circulaire de rentrée y a-t-il une spécification des élèves en situation de handicap ? Cette préconisation est-elle une manière de protéger ces seuls élèves ? Doit-on voir les limites de l’institution quant à une scolarisation réussie de toutes et de tous ?
7Nous nous positionnons dans la théorie de l’action conjointe en didactique – TACD (Sensevy & Mercier, 2007 ; Sensevy, 2011), ancrée dans la didactique en tant qu’étude des pratiques d’éducation, dans un sens anthropologique (tout être humain apprend). La didactique s’intéresse aux savoirs et à la manière dont ces savoirs sont l’objet de transactions entre un formateur et un formé. La TACD est donc centrée sur le contenu des actions, actions conjointes vues comme organiquement coopératives. Les savoirs sont entendus comme des puissances d’agir : toute situation, toute pratique, contient des savoirs et est source potentielle d’acquisition de nouveaux savoirs, quels qu’ils soient.
- 6 Pour John Dewey (1967/1938, p. 17), l’enquête est « la démarche organique de l’être en quête de son (...)
8Les notions de contrat et de milieu « initialement utilisées pour comprendre les institutions didactiques […] peuvent être fécondes pour décrire l’activité dans d’autres institutions. Nous pensons aux moments dans lesquels les humains doivent résoudre des problèmes » (CDpE, 2019, p. 296). Ainsi, quels que soient la nature de l’enquête6 et les enquêteurs, à chaque fois, il existe un problème qui se caractérise par une structure particulière, qu’on peut considérer comme le milieu de l’action. Ce milieu peut être vu comme ce qui est à-connaître. Plus précisément, « la résolution de ce “qui fait problème” renvoie à ce qui est à apprendre. En résolvant le problème posé, les élèves apprendront ce qui est à apprendre » (p. 18). Lorsqu’une structure symbolique d’un problème est clairement discernable, qu’elle apporte de l’incertitude épistémique, par rapport à ce que l’on veut faire, il émerge un milieu-problème. Pour travailler à un problème, l’agent dispose d’un système de connaissances déjà-là qui lui est propre qui constitue le contrat, ce qui est connu. Ce connu va évoluer dans le travail du problème.
9Plus largement, le contrat et l’arrière-plan (qui va avec) entrent dans le déjà-là. Cet arrière-plan constitue le système de stratégies existantes disponibles sur la base duquel celui qui enquête « travaille ces signes épars et les organise progressivement en un système cohérent de significations, sensibles et épistémiques, qui constituent le savoir nouveau à apprendre » (CDpE, 2019, p. 594). Ce faisant, l’agent produit de nouvelles stratégies entrant dans son arrière-plan. Le contrat et le milieu ne peuvent donc être envisagés l’un sans l’autre, on parle de la dialectique du contrat-milieu.
- 7 Face à une réalité donnée, on ne considère que certains aspects de cette réalité. Dès lors, on agit (...)
10Dans une activité didactique, un professeur veut faire apprendre quelque chose à un élève. Cette activité s’opère dans un processus sémiotique consistant au repérage et au déchiffrement de significations. Aussi, un professeur et des élèves travaillent à produire des significations, offrant des affordances vues comme « des propriétés du milieu signifiantes pour un certain système stratégique » (Sensevy, 2011, p. 108), c’est-à-dire l’ensemble de toutes les possibilités permettant d’agir dans un milieu. L’enjeu est donc que le professeur et les élèves produisent et déchiffrent des signes en tant qu’affordances pour agir en conséquence. Ce processus sémiotique est étroitement lié au style de pensée en tant que « disposition pour la perception dirigée et pour une assimilation conforme de ce qui a été perçu » (Fleck, 2005). Aussi, le style de pensée produit des voir-comme (Wittgenstein, 2014)7. Le style de pensée, le voir-comme et l’arrière-plan ont des sens très proches. Le professeur va travailler à construire des situations pourvoyeuses de significations suffisamment proches du voir-comme de l’élève pour que ce dernier construise du savoir.
- 8 Ce corpus est complété par les transcriptions d’enregistrements audios des réunions professionnels/ (...)
11Notre méthodologie qualitative est ethnographique et clinique (Sensevy, 1999 ; Leutenegger, 2000). Les données recueillies ont permis l’étude de l’action in situ, à partir de signes selon le paradigme indiciaire (Ginzburg, 1987). Elle se caractérise également par une approche quasi expérimentale basée sur la conception, la réalisation, l’observation et l’analyse des situations d’enseignement-apprentissage, alliant chercheurs et praticiens dans le paradigme du design-based research. Le dispositif de recherche s’est spécifié, en se réélaborant pas à pas, à partir notamment de l’appréhension réciproque et progressive des membres du collectif. Nos descriptions ethnographiques ont été consignées dans le journal de terrain (JT) et complétées par des photos, prises avec un smartphone8.
12Nos analyses sont menées en deux temps : une description dans un langage commun et une re-description dans un langage théorique.
13Un ESAT a une mission duelle : produire et accompagner. Cette mission est mise en œuvre dans des ateliers, par des moniteurs d’atelier. Ces derniers doivent veiller à ce que leur accompagnement des travailleurs soit adéquat au rythme de production (de biens ou de services selon l’activité de l’atelier).
14Cette recherche est partie de la question des savoirs dits fondamentaux (lire, écrire et compter) pour des adultes présentant un handicap mental. Le dispositif d’ingénierie coopérative étudié s’est appuyé sur deux actions complémentaires et liées.
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Dans chacun des ateliers des moniteurs engagés dans le dispositif de recherche, une enquête a été menée à partir d’un problème réel issu de la pratique, un problème de pratique dudit atelier. Ensemble, les moniteurs et la chercheuse ont construit et mis en œuvre une situation d’enseignement-apprentissage auprès d’un ou deux travailleurs, en tant que réponse à ce problème de pratique.
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Au cours de douze réunions de l’ingénierie coopérative, les professionnels et la chercheuse ont enquêté, à partir d’un de ces problèmes de pratique collectivement choisi. À chaque fois, ce collectif a cherché à comprendre comment permettre aux travailleurs de mieux agir dans l’atelier.
15Notre exemple se déroule dans l’atelier restauration de l’ESAT de notre étude. L’activité de production consiste en la préparation de repas servis dans un self-service à des clients. Nous nous focalisons sur l’activité de Walter, travailleur de 23 ans, non-lecteur. Il présente une trisomie 21. Il a fréquenté l’école maternelle, puis a été orienté dans un institut médico-éducatif (IME) où il avait des temps scolaires avec un enseignant spécialisé de l’unité d’enseignement. Il ne peut compter une collection de dix objets sans accompagnement. L’écart à la norme par rapport aux savoirs scolaires est important.
- 9 Extrait d’un de nos journaux de terrain intitulé « Visite de l’atelier restauration- Vendredi 19/0 (...)
16Au début de l’étude, en visitant l’atelier restauration, nous avons cherché des points d’appui pour travailler avec les monitrices d’atelier (Cathy et Fanny) et le travailleur (Walter). Nous avons observé l’activité globale de l’atelier et plus spécifiquement, l’activité de Walter. Dans le tableau 1 figurent des extraits de notre journal de terrain9 (cellules grisées), ponctués de commentaires (cellule blanche) rendant compte de nos observations de Cathy, la monitrice accompagnant Walter. Elle demande à ce dernier d’aller chercher la préparation de chocolat en poudre, pour confectionner des entremets.
Tableau 1 - « Trouver la bonne boîte », extraits commentés du journal de terrain
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[…] Walter se repère bien dans la cuisine et trouve sans difficulté la caisse dans laquelle sont rangées toutes sortes de préparation en poudre. Il sort une première boîte « mousse au chocolat ». Cathy lui demande de regarder la photo. Walter constate que cela ne correspond pas à ce qu’il cherche. Malgré cela, il sort une à une les trois autres boîtes, toutes de la même marque, seuls le nom et la photo diffèrent (mousse au chocolat noir, entremets à la vanille, crème pistache). Cathy doit, à chaque fois, lui demander de regarder la photo et lui dire si elle correspond aux entremets au chocolat. Walter en observant l’image sait répondre correctement. Finalement, il doit aller dans la réserve sèche. […]
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La stratégie mise en œuvre par la monitrice Cathy consiste à ce qu’elle pointe les photos figurant sur les emballages, tout en questionnant le travailleur. Walter répond simplement par oui ou non, en s’appuyant sur ce qu’il sait. Il n’y a plus de boîte d’entremets au chocolat dans la cuisine. Il doit donc aller en chercher une dans la réserve, appelée « réserve sèche » où sont entreposées les denrées.
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[…] Je l’accompagne. Il se repère bien une fois de plus et trouve tout de suite l’étagère sur laquelle sont disposées les boîtes. Il reprend en tâtonnant. Il hésite entre la boîte « mousse au chocolat » et « entremets au chocolat ». Je me permets alors d’écrire sur un bout de papier, en majuscule scriptes le mot « entremets » et le lui tends. Walter montre qu’il est capable de trouver le mot sans difficulté. […]
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La chercheuse suit Walter dans la réserve sèche. Ce dernier cherche la boîte d’entremets dans les étagères. Devant l’hésitation du travailleur (mousse au chocolat et entremets au chocolat), la chercheuse tente une stratégie, en appui sur des potentielles capacités de ce travailleur (trouver un mot à partir d’un modèle). Elle écrit le mot « entremets » sur une feuille pour que Walter le retrouve sur une boîte en comparant les graphies. Il se trouve que cette stratégie marche.
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[…] Nous retrouvons Cathy et je lui décris la scène qui vient de se produire. Walter sourit. J’explique à Cathy qu’il pourrait être intéressant de fabriquer des outils avec des mots et photos, en s’appuyant sur la compétence de discrimination visuelle de Walter pour l’aider à trouver seul des produits. Elle m’indique qu’elle trouve cela très intéressant et reconnaît que cela pourrait être une aide, même pour d’autres travailleurs.
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Walter et la chercheuse reviennent de la réserve sèche. La chercheuse décrit la stratégie qu’elle a tentée pour que Walter trouve la boîte d’entremets. Ce dernier semble satisfait d’avoir distingué la boîte en utilisant l’écrit. La chercheuse propose d’aller plus loin en imaginant un support possible. La monitrice Cathy voit d’emblée que cette stratégie pourrait être utile à d’autres travailleurs que Walter.
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17Cette description est ici un problème de pratique propre à Walter consistant en la préparation des entremets au chocolat : « trouver la bonne boîte parmi d’autres boîtes, quand on est non-lecteur et que l’on doit assurer la préparation des repas pour le service ». En effet, comment un non-lecteur peut-il différencier seul et dans un temps adéquat au service l’entremets citron de l’entremets vanille, lorsque le seul repère est la photo (photo 1) ?
Photo 1 - Deux paquets de préparation d’entremets de même marque
18Toujours accompagné de la monitrice, Walter poursuit la préparation des entremets, qu’il a maintenant versée dans des ramequins. Il reste une ultime étape (tableau 2).
Tableau 2 - « Ultime étape », extraits commentés du journal de terrain
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Walter doit maintenant mettre dix entremets dans un bac pour la livraison des repas à l’IME. […] Cathy demande à Walter d’aller chercher un petit bac. Il vient une première fois mais avec un récipient trop petit pour pouvoir contenir les dix entremets. Cathy l’accompagne donc et lui donne le bac de la bonne taille. […]
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Walter doit mettre dix entremets de côté pour les enfants de l’institut médico-éducatif (IME) géré par la même association que l’ESAT où il travaille. Cathy lui donne une consigne (aller chercher un bac pour y déposer les dix ramequins d’entremets), mais Walter revient avec un contenant trop petit. Cathy l’accompagne alors pour lui donner un récipient d’une taille adéquate.
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19Dans cette ultime étape de préparation des entremets, le problème de pratique est le suivant : « trouver la taille adéquate du bac pour contenir dix entremets ». Sans doute prise par le temps, on voit ici que la monitrice agit à la place de Walter, en lui donnant le récipient adéquat.
20Après ce temps d’observation de l’activité de l’atelier, la chercheuse et Cathy s’entretiennent. L’objet de ce moment consistait d’une part à faire connaissance et d’autre part à voir comment la chercheuse et Cathy allaient pouvoir travailler ensemble dans l’atelier. Dans ce cadre, Cathy a apporté son regard sur certains événements observés dans l’atelier. Cette dernière décrit notamment que dès que des situations nécessitent de lire, écrire ou compter, elle veille plus particulièrement à l’activité de Walter. Elle ajoute « qu’elle estime qu’elle ne prend pas suffisamment le temps d’accompagner Walter, mais en même temps, elle ne voit pas comment faire autrement » (JT du 19/09/14). Il lui arrive donc d’agir à sa place, comme décrit dans le tableau 2. Elle semble insatisfaite de ne pas être suffisamment disponible pour l’accompagner.
21Pour le dire autrement, Walter ne peut agir sans sa monitrice et la monitrice culpabilise de ne pas l’assister. Aussi, dans la situation décrite ci-avant, Walter va dans le sens des difficultés observées jusque-là. Son handicap est un frein à son action et à celle de la monitrice.
22Partant de là, quelle stratégie mettre en œuvre pour permettre à ce travailleur non-lecteur d’agir de son propre mouvement ?
23Les monitrices et la chercheuse enquêtent à partir du problème de pratique « permettre à Walter d’aller chercher seul des ingrédients dans les réserves ».
- 10 Les monitrices et la chercheuse ont d’abord mené une première enquête dans cet atelier auprès de W (...)
- 11 JT de la semaine du 16/11/15 au 23/11/15.
24Les premières observations montrent que Walter est capable de retrouver un mot à partir d’un modèle. De plus, les monitrices ont intégré l’usage de l’ardoise dans leurs pratiques10. Cathy explique aussi qu’avec Walter « elle utilise tout le temps l’ardoise et qu’il n’a pas réussi à apporter de la compote de pêche. Il a apporté la compote de pomme à la place. Elle justifie cela par rapport aux différences d’écriture » (JT du 12/10/15 au 16/10/15). En effet, selon les marques alimentaires, un même mot est écrit dans des polices d’écriture différentes. Lors d’un nouvel échange11, les monitrices constatent de nouveau que le seul usage de l’ardoise ne permet pas à Walter d’aller chercher le bon ingrédient, toujours en raison de la variation des écritures. Avec la chercheuse, elles décident alors de fabriquer des étiquettes amovibles pour être mises sur les étagères des réserves, ce qui permettra d’ajuster le rangement de la réserve, selon les denrées du moment. Elles imaginent donc ensemble un système étiquette-ardoise. Pendant plusieurs mois à partir de fin 2015, la chercheuse va accompagner Walter à la fabrication d’étiquettes et à leur positionnement dans les réserves de l’atelier. En outre, elle préconise d’écrire en majuscules scriptes, pour éviter l’apparition d’obstacles relatifs aux graphies propres à chaque individu et pas toujours lisibles.
- 12 Dans l’atelier restauration, tous les jeudis à 13h30 pendant toute la durée de la mise en œuvre du (...)
25En parallèle, ce collectif (monitrices et chercheuse) décide que lors des venues hebdomadaires12 de la chercheuse, cette dernière propose des séances d’enseignement-apprentissage pour apprendre l’usage du système. Par exemple, la chercheuse a écrit sur l’ardoise l’ingrédient « moutarde » en lettres capitales et demande à Walter d’aller chercher de la moutarde dans la réserve (photo 2). Le travailleur se rend dans la réserve et cherche la moutarde en comparant le mot « moutarde » écrit sur l’ardoise en majuscules scriptes avec celui écrit sur les étiquettes apposées sur le montant des étagères où sont rangés les ingrédients, ici « mousse ». Il réitère l’action jusqu’à ce qu’il trouve le mot correspondant.
Photo 2 - Walter utilise le système étiquette-ardoise pour chercher la moutarde dans la réserve sèche
26De leur côté, les monitrices utilisent avec Walter l’ardoise et les étiquettes, dès que la situation le nécessite dans l’activité professionnelle.
27À chaque nouvelle rencontre, les monitrices et la chercheuse se nourrissent mutuellement des remarques des unes et des autres. Avant chacune des séances proposées par la chercheuse à Walter, les monitrices indiquent les réussites et les obstacles rencontrés par ce dernier dans son activité professionnelle. La chercheuse peut donc ajuster son intervention. En retour, après la séance, la chercheuse partage son bilan et indique les stratégies mises en œuvre par le travailleur. Les monitrices peuvent, à leur tour, ajuster leur accompagnement dans le contexte professionnel, en prenant en compte ces remarques. À chaque fois, le système étiquette-ardoise est utilisé. Chacune agit donc dans son contexte, en ajustant son action à partir des expériences de l’autre. Comme ce système assure une forme de continuité de l’expérience du travailleur, celui-ci utilise une technique utilisant la comparaison de mots (l’un écrit sur l’ardoise et l’autre sur l’étiquette), sans être déstabilisé par le changement de milieu. Il peut contextualiser-décontextualiser des savoirs d’un environnement à un autre.
- 13 JT du 18/01/16 au 22/01/16.
28Pour finir, dans une progression, au fur et à mesure des réussites de Walter, ce système étiquette-ardoise permet à Walter d’aller chercher dans la réserve plusieurs denrées. Par exemple, lors d’une séance13, la chercheuse a écrit sur l’ardoise « asperge » et « café ». Walter est alors revenu avec les deux ingrédients (photo 3).
Photo 3 - Aller chercher une liste d’ingrédients
29Au travers de cet exemple, nous appréhendons comment, dans un processus sémiotique, le style de pensée propre à l’atelier restauration évolue.
30La monitrice d’atelier transmet quotidiennement aux travailleurs dont Walter des éléments de pratiques afin que progressivement ils agissent de plus en plus adéquatement dans la préparation des repas. D’une certaine manière, elle est la professeure qui fait apprendre la pratique de la cuisine aux travailleurs, les élèves, qu’elle accompagne. Au début de la recherche, cette dernière décrit que dès que des situations nécessitent de lire, écrire ou compter, elle veille plus particulièrement à l’activité de Walter. Il lui arrive d’agir à sa place. Parfois, elle culpabilise de ne pas être suffisamment disponible pour l’accompagner. Dans l’exemple, lorsque Walter doit trouver l’entremets au chocolat, son arrière-plan ne lui permet pas d’agir. Il ne dispose pas d’un système de stratégies disponibles, le contrat (savoir lire) pour mettre en lien des significations (construire un milieu-problème) et agir. Dans une sémiose réciproque, la monitrice prise dans la temporalité de la production du repas ne peut produire de significations pour guider l’action de Walter. Enfin, elle s’appuie également sur son arrière-plan : Walter n’est pas lecteur ; il ne peut pas trouver seul la boîte ; cette absence de stratégie ne permet pas d’envisager qu’il puisse agir seul.
31Lors de sa découverte de l’atelier, les observations de la chercheuse sont notamment guidées par la perspective de travailler avec les monitrices. Elle perçoit donc la situation de la préparation de l’entremets avec son style de pensée. Elle voit la situation « Trouver la bonne boîte » comme une affordance pour amorcer une enquête collective. Elle voit des possibilités d’un agir commun autour de la question des savoirs fondamentaux. Elle perçoit la non-lecture de Walter comme une opportunité.
32Si la non-lecture en tant que manque entrave l’action de celui qui ne sait pas lire, voir la non-lecture comme une possibilité d’action oriente l’enquête des monitrices et de la chercheuse : elles réenvisagent ensemble la situation en s’appuyant sur les capacités de ce travailleur. Ainsi, des situations d’enseignement-apprentissage sont élaborées et mises en œuvre auprès de ce dernier. La chercheuse (lors des interventions hebdomadaires) et les monitrices (si l’activité le nécessite) ont travaillé à ce que Walter fasse le lien entre « un mot sur ardoise » et « une étiquette ». Cette même étiquette est elle-même associée à un ingrédient posé sur l’étagère étiquetée. À chaque fois, l’activité didactique a consisté à ce que ces liens deviennent pour Walter de relatives certitudes. En effet, dans une dialectique du contrat-milieu, plus ces relations s’incorporaient dans le contrat de Walter, plus les monitrices s’autorisaient à lui proposer des situations nouvelles (milieu) en fonction de l’activité de l’atelier. Ce faisant, Walter devenait de plus en plus capable de faire face à cette nouveauté prenant la forme de milieu-problème. Progressivement, ces situations variaient en fonction du nom de l’ingrédient inscrit, voire d’une liste de plusieurs ingrédients. Ainsi, dans une action conjointe et distribuée, Walter, la chercheuse et les monitrices ont construit un arrière-plan commun permettant de mettre en œuvre des systèmes de stratégies communs. Cet usage de l’ardoise est entré dans le voir-comme de Walter. Il s’est rendu capable d’aller chercher n’importe quel ingrédient inscrit sur l’ardoise par la monitrice (qui sait que l’étiquette dudit ingrédient existe).
- 14 En 2020, le système étiquette-ardoise (créé fin 2015) était toujours utilisé. Il a permis notammen (...)
33Cet usage de l’écrit pour un non-lecteur a permis l’émergence de nouvelles stratégies en appui sur ce qui est déjà là, notamment ce que le travailleur sait faire. Ce faisant, ces stratégies ont été incorporées au style de pensée des monitrices et de Walter. Elles font désormais partie des pratiques de cet atelier14.
34Cet exemple empirique nous amène à réfléchir à une école visant la prise en compte de toutes et de tous, non pas à partir de l’écart à la norme mais dans la mise en œuvre de dispositifs spécifiques, en particulier des situations d’enseignement-apprentissage. Aussi, nous envisageons que l’école ou, plus largement, toute institution où il y a enseignement-apprentissage, est le lieu d’une attention portée à concevoir collectivement des situations dans lesquelles les élèves expriment leurs aptitudes, leurs capacités, en menant leur propre enquête (personne) tout en participant à l’enquête collective de la classe (institution).
35En quoi cette centration sur les dispositifs et non sur les manques tend à mieux vivre l’école ? En quoi de tels dispositifs contribuent-ils au bonheur de tous ?
- 15 Voir dans le présent dossier l’article de Frédérique-Marie Prot : « Maître-élèves, le risque d’un (...)
36Pour John Dewey (2014, p. 150) « il n’y a de bonheur que dans le succès, mais succès signifie succession, progression, anticipation. C’est un processus actif et non quelque chose qui arrive malgré soi ». Aussi, l’enjeu d’une école hospitalière15, pour un mieux vivre devient celui de construire des dispositifs dans lesquels le bonheur émergera parce que les élèves éprouveront leurs savoirs en tant que puissance d’agir. Ce faisant, ils se prendront au jeu et agiront pour développer de nouveaux savoirs. Ce processus actif de mise en succès (et donc de bonheur) ne peut se concevoir que dans une solidarité épistémique qui « advient lorsque tous les [acteurs] travaillent le même problème, chacun à sa manière. […]. [Cette] solidarité épistémique, toujours à construire, réunit tous les [acteurs], quelles que soient leurs différences » (Sensevy, 2021, p. 174).
37Plus précisément, Walter peut travailler en solidarité épistémique les problèmes rencontrés car il partage avec les autres (monitrice d’atelier et chercheuse), un arrière-plan commun. Il existe une palette de stratégies pour agir ensemble dans l’atelier. Par exemple, le dispositif étiquette-ardoise permet de demander à Walter d’aller chercher seul un ingrédient ou une liste d’ingrédients. Walter fait ainsi l’expérience des savoirs en tant que puissance d’agir. L’usage des représentations (le système étiquette-ardoise) est entré dans son voir-comme et lui permet d’initier des actions. Ces actions proprio motu de Walter-élève favorisent sa reconnaissance didactique qui « renvoie à l’attention portée par le professeur à l’élève, à l’attention de l’élève, et à l’arrière-plan sur lequel cette attention de l’élève prend son sens. Cette attention peut ainsi devenir une attention à l’élève dans sa réalité [d’individu], à sa personne » (CDpE, 2024, glossaire).
38Partir des potentialités et créer des conditions pour que l’élève puisse agir de son propre mouvement dans un environnement sont deux modalités indissociables et étroitement liées aux capabilités, aux « libertés ou possibilités créées par une combinaison de capacités personnelles et d’un environnement politique, social et économique » (Nussbaum, 2012, p. 39). Aussi, pour qu’il y ait des capabilités, il peut être pertinent de construire des situations d’enseignement-apprentissage favorisant l’expérience. Cette expérience est pour Dewey (2014, p. 143) « d’abord un “faire”. L’organisme ne reste pas là à attendre […] que quelque chose arrive. Il ne demeure pas inerte dans l’attente que quelque chose s’impose à lui de l’extérieur ». Si l’enjeu d’un mieux-vivre à l’école est de construire des dispositifs dans lesquels les élèves font l’expérience de leurs puissances d’agir, l’action des professeurs est celle de concevoir de tels dispositifs, puis de les faire vivre.
39Il s’agit donc d’élaborer des dispositifs didactiques favorisant l’expression des capacités de toutes et de tous, dans un processus d’équilibration didactique (CDpE, 2019, 2024) où il y a un équilibre entre le contrat didactique et le milieu, permettant à l’élève l’appropriation d’un certain savoir. Cet équilibre est rompu lorsque la monitrice va finalement chercher un ingrédient, Walter ne pouvant le trouver seul. Ce dernier ne dispose pas des savoirs suffisants pour agir (il ne sait pas lire) et l’environnement ne lui permet pas d’agir seul (pas de significations pouvant être vues par le travailleur comme des affordances). On perçoit ici deux aspects attachés à la dialectique du contrat-milieu, deux pôles d’une même entité interagissant dans un équilibre dynamique.
40Le premier aspect est d’ordre ontologique. Pour Didier Cariou, Loïs Lefeuvre et Gérard Sensevy (2023), en appui sur les travaux d’Augustin Berque, les choses du milieu n’existent pas en soi, elles sont trajectées par l’individu interprétant. Ainsi, un individu perçoit son milieu en-tant-qu’individu vivant et agissant, il le perçoit en fonction de ce qu’il est. Walter trajecte la situation « trouver la bonne boîte » en-tant-que non lecteur. Un élève trajecte l’activité scolaire en-tant-qu’enfant. Il y a donc autant de milieux que d’individus. Étudier un milieu c’est étudier « des êtres vivants considérés comme des individus attribuant valeur et signification aux choses, créant ainsi leur milieu » (Cariou et al., 2023, p. 104).
41Mais, cette attribution de valeur et de signification aux choses pour créer un milieu est étroitement liée au second aspect d’ordre symbolique et sémiotique : un individu repère des significations dans un milieu selon un voir-comme. Ces significations vont guider son action, lui offrant des affordances.
42Dans une relation didactique, l’enjeu devient alors pour celui qui veut faire apprendre quelque chose — un professeur, de construire un milieu adéquat dans un équilibre entre l’en-tant-que ontologique (ce que celui qui apprend est — l’élève) et le voir-comme sémiotique (ce que celui qui apprend sait — l’élève). Ainsi, un élève doit voir une situation comme un milieu-problème d’une part, et il doit être placé dans ce même milieu en-tant-qu’individu doté de capacités d’action d’autre part : les choses du milieu sont trajectées en-tant-qu’appui à l’action et non en-tant qu’obstacle. En parallèle, le professeur doit prendre en compte l’élève. Sa connaissance de ce qu’est l’élève (aspect ontologique) lui permettra d’envisager des dispositifs adéquats, en se centrant sur la conception d’un milieu comportant un système de significations perceptibles selon un voir-comme (aspect sémiotique du milieu).
- 16 Voir la thématique du dossier.
43Selon Jacques Rancière (1987, p. 58-59), « pour émanciper autrui, il faut être soi-même émancipé. Il faut se connaître soi-même comme voyageur de l’esprit, semblable à tous les autres voyageurs, comme sujet intellectuel participant de la puissance commune des êtres intellectuels ». Aussi, un professeur doit se reconnaître capable, pour reconnaître l’élève capable. On retrouve ici la « dimension éthique de la relation didactique [qui] n'a pas pour simple visée une sorte de confort de l'élève dans le lieu scolaire […]. Elle engage une logique de la reconnaissance dans les transactions entre professeur et élèves »16. Pour que cette reconnaissance mutuelle advienne, notre exemple montre comment l’élaboration de dispositifs d’enseignement-apprentissage permet à la monitrice de se centrer sur les potentialités de l’élève et de la situation, et ainsi de disposer de stratégies pour favoriser les actions du travailleur. Ces stratégies capacitaires contournent l’impotence de l’élève (Walter ne sait/peut pas lire) en puissances d’agir émancipatrices (Walter peut aller chercher seul un ingrédient).
44Ce changement de perspective des professeurs peut être favorisé par le fait qu’ils sont engagés dans des dispositifs collectifs et coopératifs d’enquêtes, des ingénieries coopératives dans lesquels les savoirs sont étudiés sur un temps long, au prisme des puissances qu’ils permettent d’effectuer.
45Dès lors, viser le bien-être des élèves ou la bonne inclusion de tous invite à reconsidérer l’environnement scolaire, et donc à reconstruire la forme scolaire (Go, 2007). Cette forme scolaire émancipatrice s’appuie sur des situations d’enseignement-apprentissage construites collectivement, dans une solidarité épistémique et une reconnaissance didactique des élèves et des professeurs. Elle envisage l’élève et le professeur au prisme de leurs capabilités. Une telle forme scolaire est un projet ambitieux, mais « en retour, le processus de reconnaissance didactique nourrira la forme scolaire. Il rendra effectif [l’] entrelacement de l’épistémique et de l’éthique qui institue la culture » (CDpE, 2019, p. 441).
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