1Cet ouvrage de près de 350 pages décrit dans le détail l’abandon du programme québécois d’Éthique et culture religieuse (ECR) et son remplacement par l’éducation à la sexualité et l’actuel programme scolaire intitulé « Culture et citoyenneté québécoise » (CCQ). Succédant à l’ECR, la CCQ a été mise en place de façon facultative depuis la rentrée scolaire 2023-2024 avant une généralisation pour cette année scolaire 2024-2025. Ces programmes concernent aussi bien le primaire que le secondaire au Québec et Mireille Estivalèzes a choisi de les étudier sous l’angle des relations qu’entretient la laïcité scolaire avec l’enseignement des faits religieux. L’autrice, didacticienne spécialiste du programme d’ECR en général et de l’enseignement scolaire sur les religions en particulier, a un point de vue situé sur les vifs débats idéologiques qui ont accompagné le passage d’un programme à un autre comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage : « Chronique d’une fin annoncée ». Elle présente ainsi sa démarche : « mon objectif consiste à analyser les raisons qui ont mené à sa remise en question et, plus particulièrement, à examiner les nombreuses objections qui ont été formulées à l’encontre de l’enseignement de la culture religieuse elle-même » (p. 11).

2C’est à ce titre que l’ouvrage intéressera le lectorat québécois, mais aussi international puisque la question de l’enseignement laïque des cultures religieuses est globale (que ce soit au Québec, en France ou à Genève et ailleurs). Mireille Estivalèzes décrit l’ECR comme « un cas d’école des attentes sociales contradictoires actuelles en matière de religion et de laïcité » (p. 13). Pour l’examiner, la première partie examine le concept de laïcité dans le contexte québécois : « Un objet d’enseignement qui dérange » (p. 20-202). La seconde porte sur l’histoire du programme d’ECR : « Naissance, vie, fin et transformation d’un programme » (p. 203-318). En revenant de façon détaillée sur les débats québécois, elle revient ainsi sur deux décennies de controverses sur la laïcité scolaire et sur la place des religions à l’école. Au fil de la lecture, des comparaisons internationales se dessinent et des exemples sur des situations extérieures au Québec apparaissent.

3L’introduction (p. 9-17) pose dès son premier paragraphe le cadre temporel puisque l’ECR a été instaurée en 2008 et aura donc duré seize ans jusqu’à son remplacement à la rentrée 2024. Cela s’explique selon la professeure au département de didactique de la faculté des sciences de l’éducation de l’université de Montréal par les attaques incessantes qu’il a subies, celles-ci étant de nature plus idéologique que scientifique (elle parle à cet égard de « paresse cognitive, de « rhétorique sensationnaliste » ou encore de « bouc émissaire »).

4Cela reflète la posture de cette chercheuse directement impliquée dans la formation des enseignants et enseignantes d’ECR. Ce point de vue situé assumé entend se démarquer d’une neutralité apparente difficilement tenable en sciences de l’éducation et en sciences humaines et sociales en général. Cet exemple québécois illustre en cela très bien le fait que l’élaboration d’un programme d’enseignement est un processus éminemment politique. À cet égard, l’autrice note une « absence réelle de délibération citoyenne » pour l’élaboration du programme de Culture et citoyenneté québécoise (p. 16). En effet, ces débats sont le reflet de la concurrence entre des visions de l’école et donc différentes visions de l’éducation (p. 16). L’ouvrage part du postulat que la culture religieuse permettrait de lutter contre « la tyrannie du présentisme contemporain » (p. 17). Sans dévaloriser le contenu scientifique de cet ouvrage robuste et solidement documenté, cet engagement de l’autrice doit être gardé à l’esprit tout au long de la lecture.

6Dans une perspective clairement historienne, le premier chapitre offre une « brève histoire de la liberté de conscience » (p. 26) en s’appuyant notamment sur les travaux de Dominique Avon. Cela permet de revenir sur la principale opposition théorique entre la pensée de John Locke et celle des philosophes du XVIII^e siècle français pour aboutir au droit international tel qu’il est régi notamment par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Les libertés de conscience et de religion sont ensuite étudiées dans les contextes canadien et québécois pour comprendre les enjeux de la laïcité dans ce pays et cet État multiculturels. Mireille Estivalèzes rappelle qu’elle est intervenue dans le cadre d’une controverse sur l’ECR sur le fait qu’un enseignant de ce programme puisse porter un signe religieux visible (p. 42), véritable question sensible encore aujourd’hui. Surtout, depuis 2019, une loi québécoise spécifie que l’État du Québec est laïque et « interdit le port de tout signe religieux, dans l’exercice de leurs fonctions, aux personnes en position d’autorité » (p. 43). C’est une utile comparaison avec d’autres laïcités et leurs conséquences scolaires comme la loi de 2004 sur le port de signes religieux à l’école pour la France ou la loi sur la laïcité de l’État de Genève de 2019.

7Le chapitre 2 permet justement de faire une comparaison internationale, la laïcité étant considérée comme une « construction sociohistorique », « un concept de philosophie politique », « un mode d’organisation […] entre religieux et politique » ou enfin un « cadre juridique » (p. 45). Les travaux de Valentine Zuber (La laïcité en débat : au-delà des idées reçues, 2023) sur le cas français permettent d’y ajouter la question de savoir si la laïcité est une valeur, notamment républicaine, question analysée plus loin dans le texte. L’autrice revient d’ailleurs sur les débats qui ont agité le contexte français en y consacrant une sous-partie, ce qui souligne encore une fois la dimension internationale de l'ouvrage (p. 48). Citant largement les travaux de Jean Baubérot pour définir la laïcité libérale (p. 53), elle n’adopte toutefois pas le pluriel des « laïcités françaises » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean Baubérot (Les 7 laïcités françaises, 2015). La comparaison entre laïcités française et québécoise pourrait d’ailleurs être utilement étendue à une comparaison avec le cas des laïcités de Genève et de Neuchâtel. Le concept de « laïcité ouverte » au Québec est ensuite largement analysé (p. 66) pour être ensuite complété par une sous-partie sur les « penseurs de la laïcité ouverte » (p. 74). C’est à cette pensée de la laïcité que se rattache l’autrice de l’ouvrage : « Dans cette perspective, la laïcité n’est pas une valeur, mais une construction politique et juridique dont le but est de protéger les principes que sont la liberté de conscience et de religion ainsi que l’égalité » (p. 75). Comme le rappelle l’autrice, dans le rapport Proulx de 1999 qui a contribué à diffuser une laïcité ouverte, l’enseignement scolaire des faits religieux fait partie des éléments constitutifs de cette dernière (p. 82). Dans la droite ligne de ce rapport, l’ECR vise trois finalités principales : outiller les élèves pour comprendre la place respective du religieux et du séculier dans la société québécoise et mondiale, faire de l’éducation à la citoyenneté et au pluralisme et « contribuer à ce que les élèves puissent se situer […] dans leur propre recherche de sens » (p. 83). Le nœud du problème selon l’ouvrage est que dès son élaboration, ce programme a été confronté à la question des postures enseignantes : les principes d’impartialité et d’objectivité ont nourri de fortes tensions et réticences (p. 86). Les chapitres suivants visent justement à « déconstruire » les objections envers ce programme, surtout contre le volet éthique et culture religieuse (p. 87).

8Le chapitre 3 porte ainsi sur l’opposition à l’ECR au nom d’arguments de nature religieuse en revenant sur des cas de plaintes de parents contre son application et illustrant ainsi la jurisprudence s’appliquant à la mise en œuvre d’un programme scolaire au Québec. Il est fort intéressant de noter que l’article 222 de la Loi sur l’instruction publique permet de demander des exemptions à l’application d’un programme « pour des motifs humanitaires ou pour éviter un préjudice grave à un élève » (p. 92). L’autrice détaille ainsi deux procès et leurs recours jusqu’à la Cour suprême qui a accordé le droit d’exemption à un collège catholique et prend position contre le jugement de la plus haute juridiction de 2015 qui relève, selon elle, « d’incompréhensions nourries par des confusions délibérées » (p. 116). Soucieuse de distinguer éthique et morale, Mireille Estivalèzes donne la définition suivante de l’éthique comme réflexion critique : « L’éthique est distincte de la morale qui, elle, relève plus fréquemment d’un ensemble de normes et de règles souvent hérité de la tradition ou de la religion » (p. 117). Partie prenante dans ces débats puisque l’autrice explique qu’elle était alors en négociation avec des écoles juives de Montréal pour offrir des formations en ECR, elle considère que le jugement de 2015 favorise « un certain repli communautaire » (p. 123). C’est l’analyse de ce « combat religieux » (p. 124) à l’encontre de l’implémentation de l’ECR qui peut être étendue à d’autres contextes que le Québec en sachant bien évidemment que le cadre normatif varie d’un contexte réglementaire à un autre.

9Le chapitre 4 porte cette fois-ci sur des arguments politiques, y compris nationalistes. L’analyse détaillée de l’autrice permet alors de dresser un état des lieux du débat politique québécois sur la laïcité et son impact sur le programme d’ECR. Notons d’ailleurs que des protagonistes de cette controverse québécoise interviennent dans d’autres débats, à l’instar de celui qui touche la France sur la laïcité scolaire. Mathieu Bock-Côté est ainsi cité comme critique actif du programme d’ECR et ce dernier intervient également dans les médias français (p. 138) pour promouvoir ce que Jean Baubérot définit comme étant une « laïcité identitaire » dans sa typologie des sept laïcités françaises.

10Le chapitre 5 concerne les arguments laïques et féministes s’opposant au programme d’ECR (p. 145) et développe un argumentaire particulièrement touffu compte tenu de la diversité des positions des opposants à l’ECR. L’autrice les rassemble dans un attachement partagé à une laïcité dite « républicaine » d’une part, mais aussi à la « liberté de ne pas croire » (p. 145). L’influence de la France est ici mise en avant en citant des personnes qui considèrent que la laïcité est une valeur (Henri Peña-Ruiz ou encore Dominique Schnapper). L’autrice développe les arguments qui s’appuient sur l’athéisme pour critiquer l’ECR en les croisant avec ceux nourris de féminisme. Se consacrant à diverses personnalités impliquées dans les débats et controverses, ce chapitre brosse un portrait détaillé du contexte politico-éducatif qui a accompagné la mise en place de ce programme en 2008. Mireille Estivalèzes adopte d’ailleurs un ton polémique lorsqu’elle traite de l’athéisme : « Il faut rappeler, cependant, que l’athéisme est une conviction comme une autre, et qu’il ne bénéficie pas d’assises scientifiques plus solides que les croyances religieuses » (p. 159). S’en suit une longue réflexion historico-philosophique sur les relations entre « la foi, la raison et la science » (p. 160) en remontant à Averroès qui, bien que fort intéressante, tend à complexifier la lecture de ce chapitre. Cette contextualisation très détaillée et fort utile aurait sans doute mérité d’être allégée et placée en introduction pour un public non expert de ce contexte politico-religieux. La sous-partie sur la « critique du matériel didactique » (p. 178) permet de revenir au plus près du sujet. Elle est très utile pour réfléchir aux biais qui touchent inévitablement une telle critique de moyens d’enseignement (quels sont leurs auteurs, sont-ils utilisés effectivement, etc.). Notons également que cette lecture critique concerne essentiellement des cahiers d’exercices et d’activités relevant d’initiatives éditoriales privées. Quelle est notamment l’analyse des intentions didactiques des auteurs de ce matériel didactique ou encore la méthode d’analyse (quantitative et sérielle ou bien qualitative) ? La référence aux travaux d’Alain Choppin est précieuse pour éviter de tomber dans le piège d’analyses didactiquement fragiles marquées par le biais de confirmation. La dernière sous-partie concerne la critique féministe de l’ECR en lien avec l’analyse critique du matériel didactique (p. 185), ce qui peut donner l’impression parfois d’une forme de répétition comme le reconnaît d’ailleurs l’autrice (p. 192). En conclusion, les arguments opposés à l’ECR sont rassemblés dans un vaste ensemble antireligieux ne reposant pas sur une étude de la réception de ce programme par les élèves (p. 195). Cette absence d’analyse empirique à postériori de l’ECR questionne avec raison le fondement de la décision politique en matière éducative : « À l’heure des débats médiatisés sur la liberté universitaire, le militant est-il appelé à remplacer l’expert ? » (p. 202). J’ajouterai cependant qu’il est possible de questionner la place respective de l’expertise et du politique dans la prise de décision en matière éducative sans dénier à priori à l’une ou l’autre de ces parties toute légitimité dans la gouvernance de l’école.

11La seconde partie revient sur le contexte d’émergence du programme d’ECR préparé dès 2005 et mis en place en 2008 avant de disparaître en 2024 (d’après ce qui est prévu à l’heure où sont écrites ces lignes). Comme l’explique l’autrice, cette réflexion sur le cycle de vie d’un programme peut être généralisée et permet de réfléchir aux liens entre éducation et politique. La disparition du volet « culture religieuse » qui a tant cristallisé les critiques fait l’objet d’une controverse et questionne la place de l’expertise scientifique et du terrain lors de la rénovation d’un programme.

12Le chapitre 6 revient sur le rapport ambivalent au religieux dans le contexte de la déconfessionnalisation du système scolaire québécois depuis la loi de 2000 (p. 210). Les débats sur la laïcité scolaire sont précisément situés dans le temps avec notamment l’arrivée au pouvoir en 2018 de la Coalition Avenir Québec (CAQ) qui « a mis un terme au modèle de laïcité ouverte privilégié jusqu’alors » (p. 214) suivi par l’annonce de la révision du programme d’ECR en 2020. L’élément fondamental à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’étudier un programme qui aborde les controverses, les conflits de valeurs et donc met en jeu les postures enseignantes est relevé dans ce chapitre : la maîtrise de nouveaux contenus, une approche par compétences et enfin l’adoption d’une posture professionnelle d’objectivité et d’impartialité (p. 220). Sur le plan didactique, il aurait d’ailleurs été intéressant de mettre l’accent sur l’articulation entre les intentions didactiques et les choix de dispositifs, mais une enquête quantitative manque comme le souligne l’autrice. Citant la thèse d’Anne-Marie Duclos (2017) sur la réception de l’ECR, Mireille Estivalèzes pointe le fait qu’il faille compter jusqu’à huit ans pour la mise en place d’une innovation pédagogique (p. 221). Or cette implémentation nécessite une formation professionnelle qui a fait défaut dans le cadre de l’ECR d’après Duclos.

13La réalité du terrain est examinée dans le chapitre 7 (p. 225) ce qui se traduit par de grandes différences entre primaire et secondaire avec toutefois un constat global de difficultés dans la mise en œuvre tout en se heurtant à la boite noire de ce qui se passe réellement en classe. Le constat est sans appel : « Dans les faits, l’ECR est souvent la première matière à être mise de côté dans les écoles » (p. 226) tout en soulignant malgré tout l’absence d’études empiriques sur le primaire (p. 227). La situation au secondaire est fort différente avec la présence de spécialistes formés en philosophie, en sciences des religions et en éducation après leur baccalauréat (quatre années d’études) (p. 229). Or, la discipline ECR peut servir de variable d’ajustement pour compléter le service d’enseignant n’ayant pas reçu cette formation (p. 233) ce qui peut rappeler parfois la situation de l’Enseignement morale et civique (EMC) français. La mise en place de l’ECR a surtout été péjorée par de nombreuses critiques (p. 236) depuis sa création comme vu auparavant (chapitre 3). Pour compléter cet historique, l’autrice identifie l’année 2016 comme un tournant avec notamment la parution d’un ouvrage collectif hostile à la culture religieuse (Baril & Baillargeon, 2016) dont les arguments sont repris par le ministre Roberge en 2018 ce qui représente pour elle une « réelle paresse cognitive » (p. 237). Le lien entre la désaffection pour l’ECR et l’apparition d’une approche intersectionnelle importée des États-Unis dans les universités québécoises est toutefois plus difficile à comprendre (p. 239), l’autrice se servant de cet exemple pour opposer « le registre de la militance » et « l’expertise scientifique » (p. 241).

14Le chapitre 8 (p. 247) porte sur « un nouveau programme » depuis l’annonce de 2020 jusqu’à 2023, date de rédaction de l’ouvrage, la révision du programme d’ECR étant qualifiée de « politique », « idéologique », « électoraliste » et visant à supprimer la culture religieuse en affirmant un certain modèle de laïcité (p. 248). La professeure regrette en effet que cette décision n’ait pas été faite « sur la base d’analyses rigoureuses » (p. 251). Explorant les huit thèmes du nouveau programme destiné à remplacer l’ECR, l’ouvrage souligne le fait que l’éthique a une place considérablement réduite (1/8^e). Alors que la culture religieuse représentait la moitié du programme ECR, « elle se voit réduite maintenant à une simple mention relative aux croyances religieuses » (p. 259). Mireille Estivalèzes regrette donc la perte de cette éducation aux faits religieux et surtout la diversification des compétences pour enseigner « ce contenu si disparate » (p. 261), ce qui interroge aussi quant à la possibilité de former les futurs enseignants de ce programme. L’autrice interroge ensuite le « mode opératoire opaque » de mise en place de ce nouveau programme (p. 267), ce qui renvoie au mode de gouvernance de la politique éducative québécoise avec, encore une fois, une insistance sur le fait que la recherche a été tenue à l’écart. Cela l’amène à présenter ensuite le nouveau programme « Culture et citoyenneté québécoise » (p. 269) en rappelant qu’aucun bilan n’a été tiré (selon elle) de la mise en place de l’ECR (p. 270). La CCQ répond selon l’ouvrage à une « vision de la laïcité qui tend à exclure du champ scolaire les questions liées à la religion » (p. 273). Ce chapitre permet de voir des convergences internationales puisque le ministre de l’Éducation québécois, Roberge, a cosigné en 2021 un texte dénonçant la culture de l’annulation (cancel culture) avec le ministre français de l’Éducation nationale, Blanquer (p. 277).

15Le chapitre 9 interroge la « pertinence de la culture religieuse » (p. 287) face à son abandon au profit de la CCQ et revient sur l’importance de l’éducation aux religions, ce qui conduit l’autrice à retracer son histoire en mentionnant notamment la création de la première chaire d’histoire des religions à l’université de Genève en 1873 ou encore une chaire au Collège de France en 1880 (p. 288). Ce tour d’horizon de l’enseignement des faits religieux en passant par la France ou les États-Unis détourne cependant la lecture du propos central du livre qui est le cas québécois tout en apportant un intéressant point de comparaison internationale avec la mention des travaux de Jean-Paul Willaime sur la « déconfessionnalisation des enseignements religieux » (p. 294). S’ensuit un plaidoyer pour la compréhension du monde contemporain au travers de ces questions religieuses (p. 296) et tout particulièrement celle de l’histoire du Canada « indissociable du christianisme » (p. 298).

16Le chapitre 10 porte sur « une tension entre différentes conceptions de l’éducation » (p. 305) ce qui donne à l’ouvrage une portée plus générale sur les différentes conceptions éducatives en remontant à l’Antiquité pour aboutir à notre époque contemporaine marquée par la « prolifération des “éducations à“ » (p. 309). Ce détour historique renforce l’impression qu’il faudrait faire de ces 350 pages deux ouvrages ; un premier de portée générale sur l’éducation et un autre plus contextualisé sur les vingt dernières années de la politique éducative du Québec en lien avec l’enseignement des religions. De même, la question de la place des savoirs en comparaison des compétences pour répondre aux besoins sociaux est abordée sous l’angle des questions socialement vives et des attentes de la société vis-à-vis de l’école (p. 313). Cela conduit l’autrice à se poser la question des missions dévolues à l’école (p. 313), illustrant une fois de plus la différence entre les différentes parties de cet ouvrage, les changements d’échelle pouvant rendre ardue la compréhension du propos. « En conclusion » (p. 316) de ce chapitre, Estivalèzes indique que la suppression de l’enseignement de la culture religieuse est le « symptôme d’un profond changement de la conception de l’école, déjà bien engagé, aussi bien au Québec qu’ailleurs dans le monde » (p. 316).

17La conclusion de l’ouvrage (p. 319-327) revient sur la dimension juridique du conflit qui oppose différentes conceptions de la laïcité et « deux visions des relations entre religion et État » (p. 321) en s’appuyant sur des jugements dont celui de la Cour supérieure de Montréal de 2021. L’autrice reprend l’idée que l’ECR serait « une victime collatérale d’une certaine conception de la laïcité, de type républicain » (p. 324). L’ouvrage comporte enfin une très importante bibliographie qui permet de nourrir la réflexion sur cette controverse politico-éducative (p. 329-346).

18Voici un ouvrage très bien documenté et fort riche sur une controverse éducative centrale qui traverse les systèmes politiques laïques, que ce soit au Québec, en France ou en Suisse romande. Il intéressera également le lectorat attaché à l’étude de la gouvernance éducative et des modalités d’instauration d’un nouveau programme d’enseignement.

19Enfin, la posture de chercheuse engagée de Mireille Estivalèzes reflète l’intrication entre politique et éducation dans les systèmes démocratiques, les controverses et débats étant le reflet de la conflictualité (idéalement policée) de ce type de régimes politiques.