L’auteur remercie l’ensemble des enquêtés, les évaluateurs anonymes de la revue, Nadine Richez-Battesti, Thomas Lamarche, Peio Bellan, Danièle Demoustier (†), Mikel Curutcharry et Andy Smith pour leurs commentaires.
1La spécificité du rapport qu’entretiennent les coopératives à leurs territoires a maintes fois été soulignée comme élément différenciateur vis-à-vis de l’entrepreneuriat conventionnel. À ce titre, les notions d’ancrage ou d’encastrement territorial sont régulièrement mobilisées pour caractériser la façon dont les coopératives s’intègrent dans ce processus social que Jean-Benoît Zimmermann (1998) qualifie d’« apprentissage collectif localisé en vue de générer des ressources ». Classiquement mobilisée dans les travaux sur la coopération agricole (Filippi et al., 2011), la notion d’ancrage territorial a pu être étendue à d’autres formes de coopération. Les approches de géographie sociale ont ensuite décliné l’ancrage territorial des coopératives en construisant des typologies (Draperi & Le Corroller, 2015) ou en les caractérisant plus précisément. Pour Geneviève Pierre et Emmanuel Bioteau (2017), l’ancrage des coopératives repose ainsi sur la localisation des adhérents et des sociétaires, sur l’intégration de la coopération dans des dynamiques locales grâce à des partenariats reposant sur des capitaux sociaux territorialisés, sur l’accomplissement enfin par les coopératives de missions de service en direction des collectivités locales. Les coopératives procéderaient ainsi de la réponse territorialisée à des politiques publiques à échelles multiples.
2En se fondant sur ces apports, la réflexion sur l’ancrage territorial des coopératives mérite d’être revisitée. En particulier, en parallèle de ses dimensions socio-économiques, il importe d’en restituer la dimension politique, à la fois en termes d’articulation aux politiques publiques mais aussi par l’activation, le cas échéant, de valeurs dans le projet coopératif. L’attention portée à la politisation conjointe du territoire et de la coopération viendrait ainsi enrichir la littérature sur l’ancrage territorial des coopératives (Charmettan et al., 2020) en lui adjoignant la dimension politique ainsi que la littérature sur la dimension politique des coopératives (Quijoux, 2018 ; Giry & Wokuri, 2020) en en soulignant les effets territoriaux.
3L’article entend contribuer à ce positionnement en répondant, à partir du cas des sociétés coopératives et participatives (SCOP) en Pays basque français, à deux questions complémentaires : comment repérer et mesurer à leur juste valeur les conditions non directement économiques, et en particulier politiques, du choix de la coopérative comme forme entrepreneuriale sur un territoire donné ? Ces conditions restent-elles identiques dans le temps et, le cas échéant, comment qualifier le changement de modèle en question ?
- 1 Pour Corinne Gendron (2001 ; p. 179), les mouvements sociaux économiques sont des mouvements polit (...)
4Selon notre hypothèse, dans certaines configurations territoriales, l’orientation vers le modèle coopératif ne se comprend qu’à la lumière des motivations militantes d’acteurs voyant d’abord dans la forme institutionnelle coopérative un instrument pour peser sur un « chemin de développement » (Torre 2018) fondé en valeurs et jugé désirable pour le territoire. La coopérative, en l’espèce, peut être vue comme l’émanation d’un mouvement social économique1 aspirant à refonder le développement local sur une base coopérative, territoriale et intersectorielle. Du fait de cette imbrication de motivations intra et extra-entrepreneuriales, le type de coopération pratiqué évoluera au rythme des changements de paradigmes du développement territorial portés par les acteurs. Si le fil rouge politique du mouvement coopératif reste, dans notre étude de cas, une articulation structurante à l’identité territoriale, on observe le passage incrémental d’un référentiel de développement local fondé sur une vision industrialiste – conventionnelle et focalisée sur les activités productives – à une approche contemporaine positionnant la forme coopérative au service de la transition territoriale inter-sectorielle, multipartenariale et marquée par l’impératif écologique. Le type de coopérativisme se ressent de cette évolution politique, avec le développement récent de coopératives citoyennes induisant de nouvelles relations avec les politiques publiques. Cette évolution désingularise le cas basque en l’inscrivant dans un mouvement général de l’histoire de la coopération vers ce que Jean-François Draperi a qualifié de « méso république inter-coopérative ». L’échelle méso (subnationale) y prend une nouvelle centralité ; la notion de « république » renvoie au socle politique des valeurs coopératives (liberté, égalité, démocratie, fraternité et solidarité) ; par l’inter-coopération enfin, la coopération s’appuie simultanément sur les pouvoirs des producteurs et des consommateurs et fonde un ancrage territorial grâce à la prise en compte des populations en tant que travailleurs et habitants (Draperi & Le Corroller, 2015).
5Notre lecture soulignant à dessein l’importance de la dimension politique de cet ancrage, elle se fonde sur une lecture en termes de travail politique, qui appelle discussion dans son croisement potentiel avec les approches régulationnistes et les dynamiques économiques d’échelle méso. Ce sera l’objet de la première section. Afin d’appréhender la dimension dynamique de ce processus, nous restituerons ensuite les trois séquences de la trajectoire du mouvement coopératif basque : la genèse de la mobilisation dans les années 1970, marquée par sa dimension militante et l’aspiration à un modèle productif de développement local ; la mise à l’épreuve des valeurs par la confrontation aux réalités entrepreneuriales ; le redéploiement enfin depuis les années 2000 des coopératives dans un spectre élargi de mobilisations citoyennes dans un contexte de mutation de la gouvernance territoriale. La section conclusive revient sur quelques enseignements quant aux imbrications des enjeux territoriaux et politiques dans les dynamiques coopératives.
6Le cas des coopératives basques entendant illustrer une approche élargie de sociologie politique des liens entre coopérative et territoire, il nous faut en définir les contours avant de présenter les fondements méthodologiques de l’enquête.
7L’hypothèse de la centralité des lectures politiques du territoire dans le choix du coopérativisme ouvre une discussion sur les cadres d’analyse. Tout en accordant un statut central à la notion de travail politique, nous pensons que cette perspective, appliquée à des mobilisations économiques territoriales, gagnerait à croiser les approches de l’économie territoriale les plus sensibles aux conditions institutionnelles et sociales du développement, comme l’approche régulationniste méso. Toutes deux partagent une double posture. La première consiste à considérer la coopérative comme une institution au sens sociologique, soit un ensemble de règles, de normes et de conventions stabilisées (Smith, 2016) qui singularise la coopérative parmi les registres de structuration des rapports économiques. Outre ses règles en matière de gouvernance et d’articulation du travail et du capital, la coopérative fonde sa différenciation sur un ancrage territorial structurant. La deuxième posture partagée renvoie à la conception du territoire comme une construction sociale et comme une forme d’institutionnalisation de l’espace (Smith, 2016). Cette proximité théorique initiale laisse ensuite la place à des perspectives à la fois distinctes et compatibles, dont peut tirer profit l’analyse des coopératives.
8Les politistes, d’une part, auront tendance à repérer « du » politique dans la genèse et le développement des coopératives, surtout si, à la suite de Andy Smith (2016, p. 9), l’on repère le politique dans l’économie comme l’« activité consistant à modifier ou à maintenir les institutions, qui soit mobilise explicitement les valeurs, soit cherche à les rendre silencieuses » (notre traduction). Une équipe de politistes a proposé à cet égard un agenda de recherche portant sur les agents qui pèsent sur les institutions structurant l’accumulation dans un espace économique (Ansaloni et al., 2020). Ce programme, complémentaire de la théorie de la régulation (TR), est structuré autour des concepts de champ et de travail politique. La structuration politique de l’accumulation y est saisie à travers le prisme des champs au sein desquels les agents se mobilisent afin de peser sur les rapports de pouvoir. Appliquée aux coopératives, une telle perspective consisterait à réintégrer ces entreprises dans une analyse des positions des firmes au sein des régimes d’accumulation et des structures politiques qui les sous-tendent. Cette approche interdit toute réification de la référence territoriale mais s’attache à restituer un système de relations entre agents relevant de plusieurs champs et agissant à plusieurs échelles.
9À cette sociologie du pouvoir doit se rajouter une analyse des enjeux symboliques, du travail politique et des luttes infra- et inter-champs. À cet égard, il convient de s’interroger sur le travail politique que conduisent les coopératives sur le territoire, travail politique qui prend trois formes (Smith, 2016). La construction des problèmes publics, d’une part, renvoie selon nous à deux processus : la transformation, par les coopératives, d’enjeux sociaux en problèmes publics et la façon dont, en se posant comme antidotes, les coopératives transforment leur destin entrepreneurial d’enjeu privé en problème public. La deuxième dimension du travail politique s’exprime par la façon dont les revendications sur les instruments d’action publique, sectoriels et/ou territoriaux, sont formulées, négociées, adoptées ou rejetées. Le troisième temps est celui de la légitimation des instruments, soit la façon dont les acteurs vont « normaliser, voire “naturaliser” les problèmes et les instruments d’action publique » (Ansaloni et al., 2020, p. 14).
10Dans l’application aux dynamiques territoriales des coopératives, il nous semble nécessaire d’adjoindre au travail politique une attention particulière à la façon dont s’articulent la dimension militante du projet coopératif en tant que « contestation par projet » (Blanc, 2015) et les formes d’ancrage territorial de la coopérative. On rejoindrait ainsi Benoit Giry et Pierre Wokuri (2020) qui, à partir des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable, ont montré le caractère contingent et segmenté de l’articulation entre performances militantes et productives des coopératives. Le travail d’organisation de la coopérative vise avant tout à l’augmentation de son « rendement social », soit le rapport entre un investissement et la capacité de celui-ci à contribuer (matériellement, symboliquement et politiquement) à la (re)production de formes de vie désirables.
- 2 Soit « la mémoire de situations de coordination antérieures réussies, par la confiance entre les a (...)
11Dans certaines circonstances, c’est la référence au territoire qui fonde la dimension militante de la coopérative. Cette référence peut, d’une part, consister pour les coopérateurs à chercher à « enraciner » (Smith, 2016, p. 154) leur entreprise de par les conditions économiques de son implantation, de ses ressources et de ses débouchés. Mais la référence au territoire peut aussi être pensée par les coopérateurs au-delà de l’entreprise, la coopérative devenant l’une des composantes d’un modèle de développement territorial incarné en valeurs. En d’autres termes, l’ancrage territorial des coopératives renvoie à la fois à leurs conditions d’émergence – ce que les économistes de la proximité ont pu qualifier de « patrimoine territorial2 » – mais aussi à la contribution en retour des coopératives à la fabrique sociopolitique du territoire. Le territoire n’est plus alors un simple contenant de ressources mises à disposition de l’entreprise mais bien un environnement, voire un écosystème, dans et sur lequel agit l’entreprise et à l’égard duquel elle entretient un rapport de coopération et de responsabilité.
- 3 Pour Sandrine Ansart et al. (2014), au niveau micro-économique, les coopératives dépassent l’intér (...)
12Souligner l’importance de la référence territoriale dans ce travail politique rend potentiellement heuristique l’articulation de cette approche avec les approches méso de l’économie, notamment par la TR. En effet, et même si fondamentalement la TR reste d’échelle macro, certains de ses développements ont repensé les échelles intermédiaires de régulation de l’économique : sectorielles, professionnelles mais aussi territoriales. Les travaux du groupe Régulation, Secteurs et Territoires ainsi que les recherches sur les mutations des gouvernances territoriales (Gilly & Pecqueur, 2002) témoignent de cette préoccupation multiscalaire, qui a pu être appliquée aux coopératives3. Plus récemment, Thomas Lamarche et al. (2021) ont souligné l’autonomie relative que peuvent prendre les territoires (avec les secteurs, les filières, les marchés, les professions) comme espaces méso de régulation intermédiaire de l’économie, constitués par les conflits et compromis d’acteurs et portés par des régulations spécifiques. Catherine Bodet et Thomas Lamarche (2020) appliquent cette grille méso aux coopératives en les considérant comme des « critiques en actes ». Dans la même veine, nous discutons dans cet article d’une application de l’approche méso au rapport entre coopérative (ici, de production) et territoire, qui pourrait être déclinée à profit selon chacun des trois « canaux » de différenciation méso repérés par Lamarche et al. : travail, concurrence et produits, futurité.
13D’une part et de par ses règles, la coopérative propose un compromis entre le capital et le travail qui la singularise vis-à-vis de l’entreprise capitaliste. La SCOP, en outre, se distingue par rapport aux autres statuts coopératifs en faisant des salariés les associés majoritaires de l’entreprise. Cette caractéristique fait de la SCOP la forme institutionnelle de coopérativisme où les principes coopératifs sont les plus avancés. À la différence d’une entreprise non coopérative, où le résultat est réparti librement entre réserves et dividendes, la SCOP (SA ou SARL) répartit le résultat en trois parts : la part travail (25 % minimum, 40-45 % en pratique) attribuée aux salariés, la part entreprise, c’est-à-dire les réserves (16 % minimum, 40-45 % en pratique) et la part capital – les dividendes – réservée aux associés4. Ces règles font de la coopérative un espace méso-critique sur la dimension travail (Bodet & Lamarche, 2020, p. 78). Ce premier canal prend une dimension territoriale : de par la structure du capital, la coopérative ne peut se délocaliser et, de par la règle des réserves impartageables, la primeur est donnée à la pérennité – locale – de l’entreprise. De façon plus spécifique, le « canal travail » renvoie (Lamarche et al., 2021, p. 7) au processus de production et de travail qui peut être à l’origine de différents régimes de productivité ou de qualité. Sur ce plan, la coopérative est modelée par des stratégies d’appropriation de la valeur et génère des régimes de productivité différents. La littérature a cependant, sur ce point, pointé des écarts dans la mise en œuvre de ces principes, certaines coopératives alignant leurs pratiques sur les entreprises capitalistes de leur secteur tout en se légitimant par la référence territoriale (Chase, 2003).
- 5 Un positionnement auquel fait écho le débat anglo-saxon en termes d’encastrement et de capital soc (...)
14Le deuxième canal de différenciation par le territoire passe par la concurrence et les produits, les dispositifs de qualification des produits s’inscrivant dans une « dialectique entre stratégies concurrentes de captation de la valeur et nécessité de former des espaces de coopération (…) » (Lamarche et al., 2021, p. 21). Sans doute la différence coopérative est-elle moins visible sur ce plan. Les travaux sur les systèmes productifs locaux et sur la fabrique de la spécificité territoriale ont montré que ces approches étaient tout autant portées par des entreprises conventionnelles (Pecqueur, 2007). L’approche territoriale doit donc se compléter d’une approche sectorielle, qui peut servir de correctif à toute idéalisation de l’ancrage territorial des coopératives5. Dans le secteur agro-alimentaire par exemple, où les coopératives sont très présentes, la différenciation par l’identité des produits peut conduire à des luttes de conventions entre signes de qualités et signes territoriaux. Si beaucoup de coopératives s’engagent dans ces stratégies de différenciation, d’autres proposent des productions génériques qui ne « vendent » pas un rapport spécifique au territoire (Pecqueur, 2007). La remarque vaut également pour les coopératives de production : dans le cas des coopératives industrielles de Mondragón en Pays basque espagnol, la différenciation coopérative ne provient pas des produits, génériques, mais bien des règles régissant l’articulation entre capital, travail et gouvernance entrepreneuriale. Le choix de ces règles, cependant, le doit à un contexte d’émergence territoriale spécifique, aujourd’hui interrogé par l’internationalisation de certains segments du groupe coopératif basque (Errasti et al., 2017). Les coopératives basques françaises jouent quant à elle sur les deux tableaux, avec des productions génériques pour certaines et des stratégies de différenciation territoriale visant à clore des espaces de concurrence pour d’autres.
15Le troisième canal de différenciation des espaces méso est celui de la futurité, c’est à dire les représentations du futur que portent personnes et organisations, et qui se réfère à la formation de patrimoines collectifs, « aux modalités de conception de l’avenir du processus productif et au rôle qu’il pourra y jouer, intégrant notamment un certain degré de coopération (…) » (Lamarche et al. 2021, p. 8). Sur ce plan, le territoire « ne se substitue pas au niveau national de régulation, mais il complexifie le paysage et les processus à étudier » (ibid., p. 10). Dans quelle mesure les coopératives participent-elles à la construction d’espaces d’initiatives par des acteurs hétérogènes partageant une vision du futur pour un territoire donné ? De par leur ancrage territorial, les coopératives sont politiquement armées pour être au premier plan de ces processus de constitution de projets de territoire qui, de fait, correspondent à une extension territoriale du principe d’inter-coopération entrepreneuriale. L’engagement des coopératives dans les pôles territoriaux d’économie sociale et solidaire (ESS), comme les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) en France, où les entreprises d’ESS influent sur les institutions de la gouvernance territoriale, illustre cette congruence. Nous interprétons donc la référence à la futurité comme la mobilisation autour d’un projet de territoire partagé par lequel l’entreprise coopérative se pense au-delà d’elle-même.
16Nous considérons ces deux perspectives – le travail politique réintroduisant le politique dans l’entreprise et l’analyse méso réintroduisant le territoire dans la TR – comme compatibles et permettant d’attribuer leur juste valeur aux contextes institutionnels et politiques dans lesquels se déploie l’action des coopératives. Il s’agit bien, pour le dire autrement, de restituer les régimes territoriaux (Palard, 2009) du coopérativisme au travers de trois dimensions : la matrice territoriale et la construction historique des dispositions à coopérer ; le positionnement des coopératives à l’intersection des régulations économiques et politiques du territoire ; la contribution des coopératives à la construction des problèmes publics territoriaux.
17Ce cadrage impose, à notre sens, l’adoption d’une approche séquentielle et sociohistorique pour restituer sur le temps long la densité et les étapes de l’ancrage territorial des coopératives. Nous fondons notre propos sur le traitement rétrospectif d’un matériau empirique dont le recueil a été échelonné sur plusieurs campagnes d’enquêtes. Une première série d’entretiens avait été menée à la fin des années 1990 auprès des fondateurs des SCOP des années 1970. Les entretiens portaient sur les motivations d’une génération militante alors marquée par le catholicisme social, les doctrines coopératives et le nationalisme basque. Conduite entre 2003 et 2004 une deuxième enquête qualitative a été menée par l’auteur avec Géraldine Guillat (LAPSAC) auprès de quinze SCOP du Pays basque français (programme Gouvernance locale et développement économique territorial, Région Aquitaine). L’enquête avait concerné des entreprises de taille modeste (entre 2 et 78 salariés) oeuvrant dans des secteurs aussi divers que l’imprimerie, les réseaux et câblages électriques et téléphoniques, les engrais horticoles, les meubles et le moulage industriel. Les entretiens avaient porté sur les perceptions de l’ancrage territorial et sur l’articulation entre dimensions militante et entrepreneuriale. Nous avons également participé pendant un an aux réunions bimensuelles de l’association Sorlan promouvant la relance des SCOP en Pays basque.
18La dimension transfrontalière du mouvement coopératif basque a été mise en lumière en 2013 avec une enquête conduite par l’auteur avec Marc Errotabehere (UPPA) auprès de 24 projets transfrontaliers d’ESS (programme Expériences transfrontalières du tiers secteur en France et au Royaume-Uni, Région Aquitaine). Ces projets relevaient de différents secteurs : langue, culture et médias bascophones, agriculture, santé, emploi, tourisme, égalité femmes-hommes ou encore industrie. Les entretiens ont porté sur la participation des acteurs de l’ESS à des projets transfrontaliers, en interrogeant le rôle d’impulsion d’une identité basque partagée et la façon dont les projets faisaient face aux asymétries transfrontalières.
19Enfin, les dynamiques les plus récentes et en particulier la participation des coopératives aux nouveaux pôles territoriaux de l’ESS ont été abordées au travers de l’enquête conduite avec Danièle Demoustier entre 2015 et 2017 sur le Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) Sud Aquitaine (Demoustier & Itçaina, 2022), auquel plusieurs structures basques étaient associées. Des entretiens ont également été conduits auprès de l’URSCOP Aquitaine et de la CRESS Aquitaine.
20L’ensemble constitue un matériau empirique issu de différentes campagnes d’enquêtes, qui permet a posteriori un traitement longitudinal sur la longue durée. Ces enquêtes partagent un questionnement, véritable fil rouge : comment l’entreprise coopérative pense-t-elle son rapport au territoire ? Quels sont les croisements entre projets militants, projets entrepreneuriaux et projets de territoire ? L’échelle d’analyse, ensuite, tout en recueillant des données relatives aux trajectoires entrepreneuriales spécifiques (échelle micro) et en tenant compte des cadres de régulation nationaux (macro) entend surtout saisir la façon dont se structure l’action collective des coopératives à l’échelle territoriale (méso). La suite de l’article décline les trois séquences historiques ainsi repérées.
La première séquence renvoie à l’émergence des premières SCOP à compter du milieu des années 1970. Cette première phase se caractérise par sa dimension politique mais aussi par une orientation opérationnelle où l’on voit dans la SCOP une alternative aux paradigmes entrepreneuriaux dominants.
La matrice en valeurs qui porte cette vague de SCOP présente quatre caractéristiques principales (Itçaina, 2007).
21La première renvoie aux dispositifs coutumiers de réciprocité et d’entraide propres au monde rural et paysan. Issus pour la plupart de cet univers social, les futurs fondateurs des SCOP se réfèrent à certains mécanismes pour y voir des antécédents potentiels aux règles coopératives. Les corvées collectives (malobrak) et pratiques d’entraide entre voisins (auzolana) feraient écho à l’égalitarisme par le travail dans la SCOP ; la transmission indivise de la maison-exploitation évoquerait les réserves impartageables et la pérennisation de la coopérative ; les pratiques délibératives des bergers transhumants des montagnes de Soule – aujourd’hui en profonde transformation (Bagdassarian, 2021) – renverraient à la démocratie au travail. Pour idéalisée qu’elle soit, cette représentation n’en a pas moins rempli une fonction performative en orientant les militants vers le modèle coopératif. Ces dispositifs coutumiers participent ainsi de la constitution d’un patrimoine immatériel du territoire en tant que savoirs et savoir-faire hérités, professionnels et sociaux, potentiellement activables (Lamarche et al., 2021, p. 11) et pouvant orienter les acteurs vers le modèle coopératif.
22La deuxième source renvoie au catholicisme social. Cette influence transite davantage par les idées (doctrine sociale de l’Église) que par les institutions, la promotion du coopérativisme étant portée par des rameaux locaux et périphériques de l’Église. Dès les années 1960, ce sont les organisations d’Action catholique spécialisée et des institutions d’enseignement catholique qui organisent des visites à Mondragón pour des jeunes Basques français. Des institutions d’enseignement privé renforcent l’enseignement technique avec l’intention de former de futurs créateurs d’entreprises. Cette influence diffuse du catholicisme sur l’action économique rappelle, cette fois en matière coopérative, le rôle de la socialisation catholique repéré dans l’émergence des réseaux d’entrepreneurs en Vendée (Berthet & Palard, 1997), en Bretagne ou dans le Nord.
23Si cette deuxième source est implicite, la troisième est quant à elle bien visible. Le mouvement nationaliste basque (abertzale) connait un tournant idéologique à la fin des années 1960, qui l’éloignera de ses racines démocrate-chrétiennes pour un cadrage orienté à gauche. Les préoccupations économiques et le modèle coopératif deviennent prioritaires. Politiquement minoritaire, la mouvance abertzale mène dans les années 1960-1980 une action de structuration de la société civile, le mouvement des SCOP s’articulant avec un faisceau élargi d’initiatives : écoles immersives bascophones, syndicalisme paysan, luttes politiques, mais aussi développement local (association Hemen et société de capital risque Herrikoa). Le modèle coopératif est alors interprété comme une formule entrepreneuriale imprégnée en valeurs : démocratie au travail, autogestion, emploi, inter-coopération, développement local. Ce registre de politisation ne vient cependant pas nécessairement interroger une vision économique développementaliste et industrialiste mais plutôt sa traduction entrepreneuriale.
24La quatrième source, à ce titre, est cruciale. Il s’agit du modèle basque espagnol de Mondragón. Initiée par un vicaire et par un collectif de militants de l’Action catholique ouvrière, l’expérience débute par la création en 1943 d’une école polytechnique. S’ensuivent les premières coopératives industrielles à partir de 1956 puis le développement de l’inter-coopération entre coopératives de production, de consommation, de crédit, de protection sociale et de formation. Ce coopérativisme pragmatique (Ortega-Sunsundegi, 2021), fondé sur l’idée d’inter-coopération et de mouvement coopératif, prend valeur de modèle côté basque français. Fondée en 1971, l’entreprise de meubles Sokoa, non coopérative mais fortement participative, préfigure le mouvement coopératif. En 1974, l’association Partzuer (partenaire) est fondée afin de promouvoir le coopérativisme en Pays basque français. Un an plus tard, la SCOP de lignes électriques Copelec est créée à Villefranque. En 1982, quatre jeunes, dont plusieurs ont effectué de longs séjours à Mondragón, fondent à Itxassou la SCOP de meubles Alki (« siège »). La trajectoire de l’un de ses fondateurs permet de saisir les formes que prend cette socialisation (Itçaina, 2007, p. 71) :
Encadré 1 : Trajectoire militante et socialisation coopérative
À l’issue d’un DUT de mécanique à Bordeaux, P. entre en contact avec Partzuer, qui l’oriente vers Mondragón : « L’objectif était de nous envoyer là-bas à la sortie de l’école. Dans la foulée du mouvement abertzale. Pour que l’on réalise quelque chose ensuite une fois revenus icia. » P. se rend à Mondragón en 1978. Il travaille d’abord comme agent d’entretien. Après six mois de travail en usine, il est affecté à un travail de bureau pendant deux ans et demi. « Tout était mêlé » : la socialisation coopérative à l’usine se double d’une socialisation politique dans un Pays basque espagnol alors en ébullition politique. P. devient sociétaire de la coopérative de meubles qui fait alors partie du groupe Ularcoop, lequel regroupe huit coopératives. La socialisation coopérative se traduit par l’apprentissage des mécanismes décisionnels participatifs à grande échelle : « Il y avait eu une grande réunion, où il avait fallu mettre de l’argent. (…) Entre 8000 travailleurs, dans différentes usines. Pour tous ou rien du tout. Il y a eu un vote et c’est passé. On avait mis deux mois de plus en capital. C’était très fort, cette solidarité entre usines. Nous nous aidons mutuellement, il faut mettre de l’argent et tout le monde met. 8000 personnes, pas 80b. »
a. Entretien Alki, 2004, Itxassou, traduit du basque.
b. Ibidem.
- 8 Entretien, COREBA, Hasparren, 2004.
25Le contraste en termes de taille constitue un élément crucial de la socialisation, les militants basques français prenant conscience de la dimension du coopérativisme côté sud. Outre la formation, l’impulsion transfrontalière prend d’autres formes, y compris financières à l’image de la participation des coopérateurs de Mondragón au capital de la SCOP de meubles Denek (« tous ») fondée en 1979 à Arrossa. Les administrations publiques bloquant les fonds à la frontière, une manifestation est organisée : le devenir de la SCOP est converti en problème public. Le soutien de Mondragon se traduit également par la présence côté français d’un bureau de développement du groupe cherchant à la fois des marchés en France pour ses entreprises mais également à soutenir le mouvement basque français des SCOP. Dans une logique similaire, la SCOP Loreki, fondée en 1985, est issue d’une association développant un double projet sur les énergies renouvelables et la valorisation des déchets organiques. La SCOP innove en anticipant dès les années 1980 sur l’introduction d’enjeux environnementaux et d’autonomie énergétique. Elle démarre avec le soutien des Contrats de pays, du Département, de la Région, du ministère de l’Environnement, de Herrikoa et de l’actionnariat populaire. Ce dernier outil constituera l’une des réponses au problème récurrent du financement des coopératives (Richez-Battesti & Defourny, 2017, p. 104) et ce malgré l’existence d’instruments financiers propres au mouvement coopératif. La genèse de la SCOP COREBA (réseaux d’énergie), en 1983, relève d’une logique militante similaire, à ceci près qu’il s’agit là d’une reprise d’entreprise à la différence des créations ex nihilo précitées. L’influence de Mondragón et des précédents locaux est invoquée par les fondateurs : « on était des militants. Pourquoi par le statut SCOP ? On va essayer de vivre et travailler au pays8. »
L’influence du modèle de Mondragón, facilitée dans les années 1980 par la relance de l’intégration européenne et par l’impulsion du mouvement français des SCOP, pousse les acteurs à deux démarches.
- 9 Militant ayant dû quitter le Pays basque espagnol pour des motifs politiques et/ou judiciaires.
26D’une part, le développement des SCOP est pensé en termes de complémentarité de filière. La création d’Alki est motivée par le constat de l’achat de ses chaises à l’extérieur par Denek. Les plans de financements suivent les méthodes de la banque de Mondragón et sont soutenus par le mouvement français des SCOP et ses outils financiers. Alki démarre avec 40 travailleurs, un gérant et un conseil de surveillance, peu de compétences techniques mais une motivation militante forte renforcée par la présence d’un « réfugié9 » du sud, ancien ingénieur à Mondragón. Chaque sociétaire verse 15 000 frs au capital. La SCOP se retrouve cependant rapidement confrontée au dilemme de la conciliation entre rendements productif et militant (Giry & Wokuri, 2020) :
- 10 Entretien Alki, op. cit. (Itçaina, 2007 : 72).
Nous étions quasiment quarante au départ. À cause de la technique de Mondragón. Ensuite on s’est rapidement rendu compte que c’était trop. Quarante, et dans les quarante, pas un qui savait faire une chaise (…) Il y avait beaucoup de demande de la part des jeunes d’ici. Mais on leur expliquait : il faut payer pour travailler. Comment ? C’était assez révolutionnaire. Oui, parce que l’usine t’appartient en partie10.
D’autre part, le modèle de Mondragón incite à l’inter-coopération. Dès 1982, les coopérateurs basques français mettent en place une association de coordination inter-SCOP : Lana (« travail/emploi »). La structure se pense comme l’émanation du « Mouvement coopératif basque », exprimée dans les statuts :
- 11 « Préambule », Statuts de l’association Lana, archives privées.
Les coopératives ouvrières de production du Pays basque ont pour idéal la transformation de l’état actuel de l’emploi dans cette région et pour but immédiat l’amélioration du sort des travailleurs par la Coopération (…)11
Lana entend constituer une plateforme de services et d’inter-coopération. L’initiative se fonde sur une conception exigeante de la coopération. Pour être admise à Lana, toute SCOP devra respecter les principes suivants :
- Tous les travailleurs sont sociétaires et chaque sociétaire est travailleur ;
- Création de fonds communautaires ;
- Solidarité externe sur les salaires (moyenne des salaires des SCOP égale à la moyenne des salaires de la zone d’influence de Lana) ;
- Solidarité interne sur les salaires (éventail des salaires de 1 à 3) ;
- 12 Article 7 (extraits), Statuts de l'association Lana, archives privées.
- Réinvestissement systématique des bénéfices correspondant à la part travail (…)12.
27La régulation par le canal travail (Lamarche et al., 2021) se traduit ici par une interprétation maximaliste des règles coopératives, signifiant la relation au territoire par des règles sur le rapport salarial et le capital. Enfin, de par leur ancrage territorial, les SCOP basques fondent leur action sur la constitution d’un patrimoine territorial (composé de représentations, de savoir-faire et de registres de coopération hérités mais aussi de dispositions militantes), producteur de futurité et reposant sur un projet territorial partagé. Les SCOP participent à ce titre pleinement à la « formation de communautés pour exprimer collectivement des attentes et des difficultés liées à un territoire » (Lamarche et al., 2021, p. 11)
28Sur le plan du travail politique, une double construction de problèmes publics s’opère : autour du développement local et autour du modèle entrepreneurial. La coopérative devient un instrument d’action collective qui bénéficie également des instruments de politique public favorables aux SCOP, du moins avant que les instruments de lutte contre le chômage de masse ne se déplacent dans les années 1980 vers les associations d’insertion (Demoustier, 2001).
29À quelques exceptions près, la plupart des SCOP créées durant cette première période sont des créations ex nihilo. À la différence de plusieurs entreprises industrielles reprises en coopératives dans le Béarn voisin (comme la chaudronnerie industrielle CITBA) ou ailleurs en France (Quijoux, 2018), ce n’est pas ici le syndicalisme qui impulse la coopération mais bien des collectifs relevant d’autres sphères militantes. Toutes les SCOP créées en Pays basque dans les années 1980-1990 ne s’inscrivent cependant pas dans ce registre de politisation de l’ancrage. Quelques rares SCOP associent un rapport utilitariste aux avantages fiscaux de la coopérative et une aversion face à la menace d’instabilité que la règle démocratique fait peser sur les dirigeants, aversion qui se traduit par un faible taux de sociétariat. Dans la majorité des cas cependant, ce sont les lectures en valeurs qui caractérisent la matrice territoriale de cette génération des SCOP basques.
30Assez rapidement, le mouvement des SCOP se retrouve confronté aux contraintes entrepreneuriales et sectorielles. Ces tensions se font rapidement sentir pour les premières SCOP, notamment dans le secteur du meuble. Paradoxalement, c’est la différenciation par le produit (deuxième canal pour la TR méso) qui, en générant de nouvelles concurrences, a pu fragiliser le principe d’inter-coopération. Rapidement en effet, les tensions sur le marché mettent à mal la relation fondatrice entre deux SCOP, Denek et Alki, pensée comme la première étape d’un développement intégré. Si, initialement, plus de la moitié de la production d’Alki est destinée à Denek, leurs destins divergent peu à peu. Alki diversifie ses débouchés, des décisions y sont prises en matière d’ajustement du temps de travail au volume de production et au prix. Les coopérateurs effectuent des heures supplémentaires non payées. La mesure ne suffit pas et une recapitalisation est nécessaire. En 1983, les sociétaires d’Alki doublent la mise de fonds individuelle, passant de 15 000 à 30 000 frs., ce qui provoque le départ d’une dizaine de coopérateurs. Outre ces leviers internes, la survie de la coopérative transite par la construction de son devenir comme un problème public : en 1984, Herrikoa recueille 1 300 000 frs par l’actionnariat populaire, dont la moitié est destinée à Alki. La SCOP bénéficie également du soutien des circuits bancaires coopératifs français. De son côté, la situation de Denek est aggravée par la crise du secteur.
31Des logiques de concurrence entre SCOP d’un même secteur viennent fragiliser l’inter-coopération. Des trois SCOP de meubles initialement créées ex nihilo dans chacune des trois provinces historiques, une seule survit. Denek dépose le bilan en 1985 et l’échec du binôme Alki-Denek entraîne celui de Lana. Le mouvement coopératif manque dès lors d’une entreprise phare qui aurait un effet d’entraînement. Le même phénomène se reproduit au début des années 1990 avec la SCOP de services informatiques SEI, alors leader régional. Son dépôt de bilan en 1993 prend valeur de symbole et contribue au ralentissement du mouvement (Larralde, 2007).
32Les devenirs entrepreneuriaux sont variables. Alki, déficitaire jusqu’en 1985-1986, améliore ses exercices jusqu’à devenir bien implantée dans le secteur du meuble dans les années 2000. C’est, en l’espèce, un positionnement sectoriel réussi qui rend l’entreprise pérenne et non plus nécessairement l’impulsion territoriale transfrontalière, initialement décisive. En effet, le soutien logistique et politique des coopératives du Sud ne se traduit pas pour Alki par l’ouverture du marché basque espagnol, en raison de l’inadéquation du produit à ce marché. Par ailleurs, et suite à l’échec de Denek, les interventions de Mondragón en Pays basque français se font plus rares ou sous un registre purement commercial, d’autant que ses propres coopératives industrielles traversent une crise majeure en 1990-1991. Les SCOP adaptent leur périmètre aux fluctuations des marchés. Les sociétaires de Copelec, confrontés à la chute des marchés, se séparent en 1985 de leur section électronique. Une nouvelle SCOP, Copelectronic est créée début 1985 en complémentarité de Copelec. En 1997, la SCOP Harilan (« travail du fil ») émerge pour effectuer de la sous-traitance pour France Télécom et pour Copelec. Dans certains cas, les membres de SCOP ayant déposé le bilan créent de nouvelles SCOP de taille plus réduite.
33Ces contraintes sont particulièrement prégnantes pour les quelques SCOP industrielles, qui doivent faire composer leur projet politique territorial et les mutations des marchés. L’exemple d’Olaberria est, à ce titre, particulièrement éclairant. Olaberria est fondé à Jatxou en 1980 sous forme d’entreprise artisanale individuelle. Spécialisé dans la mécanique de précision puis dans les moules d’injection thermoplastique, Olaberria devient une SCOP en 1984 et passe du statut SCOP SARL à celui de SCOP SA en 1986. L’idéologie coopérative est alors prégnante. Trois « réfugiés » du Pays Basque sud, mécaniciens, travaillent alors à Olaberria. L’entreprise traverse toutefois une crise aiguë au début des années 1990. Dépendante du marché espagnol, Olaberria subit la dévaluation de 30 % de la peseta en 1992, ses produits devenant trop chers. Elle diversifie ses marchés, notamment en direction de l’Afrique de l’Ouest, par le biais de Total. En 1998, le groupe Maier, une filiale de Mondragón installée à Gernika, lui passe une première commande. La présence d’un ingénieur basque français chez Maier facilite les contacts. En 2003-2004, Olaberria réalise 45 % de ses activités avec Maier. Dans un secteur internationalisé, Olaberria envisage en 2003 une implantation commerciale en Algérie. La spécialisation de la production devient la condition pour prétendre à des marchés nationaux (France et Espagne en particulier) et dépasser le service aux entreprises locales. La contrainte de l’internationalisation interroge la coopération : Maier, principal partenaire d’Olaberria, est contraint d’ouvrir en 2000 une usine près de Birmingham, pour se rapprocher de ses clients. Cette implantation provoque des débats en Angleterre autour du statut des salariés mais également en Pays basque devant la réticence de coopérateurs de Gernika à aller travailler à Birmingham. Pour certains, cette contrainte exogène heurte l’un des socles coopératifs : vivre et travailler au pays. Pour d’autres, la globalisation des échanges conditionne la pérennité de l’entreprise en Pays basque à l’installation en Grande-Bretagne. Dans les années 2000, Olaberria doit se diversifier en matière de technologie de moulage en raison de la mondialisation du secteur. Face à la crise du secteur automobile en 2005, Olaberria se réoriente vers le médical et l’emballage alimentaire. Les moulistes français étant durement impactés par la concurrence chinoise, Olaberria survit grâce à l’innovation technologique (moules pour injection de silicone en 2012) et à la diversification des marchés (santé et électronique en particulier). La SCOP compte en 2022 17 travailleurs.
34Cette SCOP industrielle doit ainsi gérer les dissonances potentielles qui émergent entre le positionnement au sein d’un marché capitalistique internationalisé (canal « produits et concurrence ») et un projet politique (canal « futurité ») visant à l’industrialisation du territoire. Afin de résoudre cette tension, les coopérateurs travaillent politiquement par le territoire à faire émerger de nouveaux canaux de régulation méso-territoriaux. Un premier mécanisme est l’appel à l’actionnariat populaire. Un deuxième consiste à recourir aux nouveaux instruments de la coopération transfrontalière. En 2003, l’association Hezkuntek, destinée à la circulation des étudiants basques français vers les écoles polytechniques du sud, est créée afin d’inverser le double stigmate pesant sur l’enseignement technique en langue basque. Ce faisant et en creux, les promoteurs d’Hezkuntek construisent comme un problème public le modèle de développement du Pays basque français, jugé trop centré sur le tourisme et l’économie résidentielle. En contrepoint, le modèle de Mondragón est vu comme une alternative à la fois coopérative et industrielle. Cette démarche porte ponctuellement ses fruits auprès des politiques publiques transfrontalières. En mars 2006, Hezkuntek signe une convention avec le gouvernement de la Communauté autonome basque. Hezkuntek obtient également le soutien financier d’Udalbiltza, un réseau transfrontalier de municipalités et de conseillers municipaux. L’initiative trouve aussi un écho auprès des écoles immersives associatives bascophones côté français et des instituts coopératifs de formation au sud des Pyrénées. Malgré ces soutiens, le projet se confronte à des difficultés de recrutement parmi le vivier des étudiants basques français.
35Le deuxième canal de régulation de l’analyse méso, à savoir la différenciation par la concurrence et par les produits, conduit ici les SCOP à des trajectoires entrepreneuriales distinctes et qui ont pu mettre à mal l’inter-coopération. Les SCOP occupent des positions mouvantes et parfois fragilisées dans des régimes d’accumulation variables selon les filières, ces positionnements venant parfois heurter leur ancrage territorial. L’une des réponses des SCOP consiste à transiter par le territoire soit via l’actionnariat populaire soit en misant sur la formation et en instituant de nouveaux circuits transfrontaliers de socialisation. Cette articulation entre échelles micro (de l’entreprise) et méso (du territoire et du secteur) constitue le cœur de la production du « rendement social » (Giry & Wokuri, 2020) des SCOP basques.
Une troisième phase voit à partir du mitan des années 2000 un nouveau déploiement des coopératives dans le cadre d’un mouvement élargi de mobilisations citoyennes autour de l’ESS, de la transition écologique et de la langue basque, dans un contexte de transformation de la gouvernance territoriale.
- 13 À l’échelle de l’ex-Aquitaine, les Pyrénées-Atlantiques représentent en 2019 le 2e département en (...)
36Les coopératives basques ne se singularisent pas tant, durant cette nouvelle phase, par leur poids numérique – en dépit d’une légère surreprésentation à l’échelle régionale –, ni par leur ancrage sectoriel13 mais plutôt par l’évolution des registres de politisation. S’il emprunte bon nombre de caractéristiques et de valeurs à la première génération des SCOP (« vivre et travailler au pays », démocratie au travail), ce renouveau s’en distingue par une nouvelle représentation de la transition territoriale. Celle-ci se caractérise par la politisation conjointe de la consommation, de la production et de la question environnementale, alors que la première génération des SCOP réfléchissait d’abord en termes industriels sur le modèle de Mondragón. Les coopératives s’intègrent dans un faisceau d’initiatives citoyennes (Poveda, 2020 ; Milanesi et al., 2022) parfois relues sous l’angle des communs (Bagdassarian, 2021) et qui, à commencer par la monnaie locale, l'eusko (Pinos, 2020 ; Fois Duclerc, 2022), proposent de nouvelles lectures en valeur de l’économie. Le mouvement fait également écho aux initiatives collectives en matière d’agriculture paysanne, comme la Chambre d’agriculture alternative initiée en 2005.
37Cette troisième séquence se caractérise par un travail politique qui va repenser l’articulation entre coopératives et action publique. Le développement de coopératives multipartenariales associant des acteurs non productifs, et en particulier les collectivités, grâce à des instruments tels que les SCIC, devient un moyen pour les coopératives de repolitiser leur devenir en se présentant comme porteuses de l’intérêt général. De purement productif, le projet coopératif se recompose dans un sens sociétal. Nous rejoignons ici les travaux inspirés de la TR, qui considèrent les SCIC comme constituant, avec les Coopératives d’activité et d’emploi (CAE), l’une des expressions de la fonction critique structurante d’un espace méso par les coopératives. Si cette dimension critique s’adresse plutôt au travail pour les CAE, elle porterait sur les produits et sur la futurité pour les SCIC (Bodet & Lamarche, 2020, p. 80-82). Cette critique incarnée transite par des produits qui soit participent à la transition écologique, soit sont en lien avec d’autres chantiers de transition vers des formes de relocalisation de l’activité.
Cette approche trouve écho dans le cas basque, où le mouvement des SCIC présente quatre caractéristiques.
38Premièrement, et comme l’observent Catherine Bodet et Thomas Lamarche à l’échelle nationale, le modèle de la SCIC reste à ce jour relativement confidentiel. Avec 15 SCIC en 202214 à l’échelle des Pyrénées-Atlantiques, le modèle reste minoritaire par rapport aux SCOP, tout en progressant.
- 15 I-Ener, monnaie locale, mouvement écologiste Bizi !, fondation Manu Robles Arangiz, Sokoa, Herriko (...)
39L’articulation avec la transition écologique est également centrale ici et rejoint la critique par les produits et par la futurité. À l’instar d’autres territoires, la SCIC se pense en opérateur territorial de la transition (Girard & Landel, 2023). Dans la vallée d’Hergarai en moyenne montagne, la SCIC Sugarai est créée en 2015 par l’association Hergarai Bizi (« Hergarai vivant »). Répondant initialement à la demande d’entretien des parcelles boisées de la vallée, la coopérative développe ensuite une filière locale de valorisation de la biomasse. Dans le même esprit et constatant que 99 % de l’énergie consommée sur le Pays basque est importée, I-Ener, créée en 2014 sous la forme d’une société par actions simplifiée, propose de relocaliser la production de chaleur et d’électricité à l’échelle locale et de soutenir un modèle basé sur les énergies renouvelables. En 2018, le dispositif est complété par une SCIC, Enargia, fournisseur local d’électricité renouvelable. La liste de ses parties prenantes15 reflète l’intention écosystémique – soit la volonté non seulement de « peser » économiquement mais bien d’influer sur le chemin de développement du territoire (Torre, 2018) – des mouvements sociaux économiques du territoire.
40Troisièmement, plusieurs SCIC émergent au terme d’une réflexion collective sur les besoins spécifiques du territoire, qui associe acteurs publics, privés et associatifs. C’est le cas depuis 2011 de la SCIC Garro, qui partique le maraîchage bio en pays d’Hasparren. Cette entreprise traduit son ancrage territorial dans sa gouvernance. Ses 86 coopérateurs sont répartis en cinq collèges : salariés ; collectivités ; organismes de développement agricole ; usagers ; partenaires financiers, entreprises et bénévoles (dont cinq SCOP). De même, la SCIC Eole, sise dans le sud des Landes mais dont les principaux marchés sont sur la Côte basque, intègre-t-elle son projet de restaurant d’insertion dans le projet élargi d’un PTCE (Demoustier & Itçaina, 2022).
41Quatrièmement, la fonction de critique structurante des SCIC n’est pas systématique et dépend du rapport plus ou moins instrumental au statut mais aussi de la structuration des filières. Dans le secteur de la pêche maritime, où la volatilité des cours est forte, la régulation méso par la coopération peine à s’exercer. L’agglomération Sud Pays Basque, cherchant à valoriser les criées locales et à alimenter les restaurations scolaires, impulse en 2014 la création de la SCIC Arrainetik (« à partir du poisson »). Assez rapidement cependant, les prix repartant à la hausse, les pêcheurs n’ont plus besoin de la SCIC pour écouler leur production. La structuration du marché fragilisant le projet coopératif et le rôle de régulateur qu’il s’était assigné, la SCIC dépose le bilan en 2016. Certaines SCIC, dans une interprétation utilitariste, entendent surtout pérenniser par ce biais le soutien des collectivités. D’autres enfin peinent à consolider leur modèle économique, notamment dans le cas d’associations transformées en SCIC.
42Au final, les trajectoires exemplaires mais aussi les difficultés de stabilisation des SCIC reproduisent à l’échelle basque le débat au sein du mouvement coopératif entre les tenants du nouveau modèle comme stabilisant l’ancrage territorial et ceux du modèle historique des SCOP qui voient dans la multiplication des parties prenantes un risque pour la gouvernance entrepreneuriale. On repérera également, à la suite de Julien Milanesi et al. (2022), l’existence d’un dissensus potentiel au sein de l’ « écosystème alternatif » basque entre le monde coopératif-entrepreneurial et la critique anti-productiviste portée par les initiatives centrées sur les enjeux climatiques.
43La dimension transfrontalière reste présente dans ce renouveau mais prend elle-même une nouvelle tournure. Loin de se réduire à Mondragón, le coopérativisme basque du sud se signale par la multiplication récente de coopératives de taille modeste et se posant comme réponses à une crise de 2008 ayant fortement impacté les grandes coopératives industrielles. En 2014 est fondé le réseau Olatukoop associant entreprises, associations, institutions publiques et coopératives autour de l’économie sociale dite « transformatrice » et de projets d’entreprise vus comme contribuant au « patrimoine commun »16. L’un de ses principaux initiateurs théorise alors l’idée d’une « cinquième vague coopérative » dans l’histoire du coopérativisme basque17, comme double réponse à la crise. D’une part, les coopératives de consommation et structures assimilées viendraient répondre à la réorganisation des besoins du quotidien : consommation, alimentation, énergie, habitat, loisir, finances. D’autre part, les nouvelles coopératives de travail répondraient à la précarité du marché du travail et à la crise du salariat. Ce mouvement de refondation porte les acteurs du Sud à observer avec intérêt la structuration des mouvements côté Nord et en particulier la fonction d’intermédiation de la monnaie locale eusko. La nouvelle vague coopérative prend ainsi une dimension transfrontalière – ou nationale, selon la vision politique abertzale –, plusieurs têtes de réseaux de l’ESS basque française étant membres d’Olatukoop. Malgré les différences structurelles de part et d’autre de la frontière, reste que ces initiatives réactualisent l’ancienne impulsion coopérative transfrontalière.
44Enfin, l’intention écosystémique de ce renouveau coopératif se traduit par la recherche de nouvelles articulations structurantes avec les politiques publiques. Cette nouvelle stratégie s’inscrit dans un contexte de mutation de la gouvernance territoriale, avec l’institutionnalisation en janvier 2017 de la Communauté d’agglomération Pays basque (CAPB). Cette mise en place accélère un mouvement d’institutionnalisation du territoire basque initié dès les années 1990 entre l’État et la société civile organisée. Prenant la forme de nouvelles institutions médiatrices investies par les acteurs du mouvement coopératif (Institut culturel basque en 1990, Conseil de développement en 1994, Conseil des élus en 1995, Office public de la langue basque en 2005, …), ce nouvel influx traduit l’apparition d’un « territoire-projet » (Chaussier, 1996) fondé sur une vision prospective et à visée de compromis politique.
45En regroupant pour la première fois depuis l’instauration du cadre départemental en 1790 les 158 communes basques dans un même cadre territorial, la CAPB redéfinit les conditions de l’action collective de l’ESS, dont les promoteurs voient là l’opportunité d’un cadre d’action publique convergeant avec leurs constructions des problèmes publics. La nouvelle agglomération s’est dotée d’une mission ESS rattachée à la direction du développement économique et entreprend la rédaction d’une feuille de route pour l’ESS, dans le fil de l’institutionnalisation locale des politiques d’ESS en France (Fraisse, 2017). Sans correspondre exactement au cadrage des acteurs coopératifs – dont certains, focalisés sur la dimension entrepreneuriale, ne se reconnaissent pas dans un périmètre ESS jugé trop extensif – la politique de la CAPB institutionnalise cependant le cadrage territorial porté par les mouvements sociaux économiques. Enfin, l’arrêt, depuis 2011, de la violence politique fluidifie les convergences entre courants de pensée hétérogènes (abertzale, écologistes, consommateurs, agriculture paysanne, féminismes) autour d’un territoire de projet focalisé sur les transitions.
46Ce nouveau contexte de l’action publique locale est favorable à une montée en généralité d’expériences socio-économiques citoyennes. La monnaie locale, l’eusko, se positionne ainsi comme un outil de renouvellement de l’action citoyenne et de l’action publique (Pinos, 2020 ; Fois Duclerc, 2022). L’implication des collectivités dans l’eusko et dans plusieurs SCIC en témoigne. Dans la même veine, de nouveaux outils transversaux se mettent en place afin de renforcer la capacité financière des projets, à l’image du collectif Xede bat (« un projet ») qui initie en 2021 la première plateforme bilingue de crowdfunding local pour des projets collectifs de transition écologique, énergétique et sociale. Les acteurs coopératifs et de l’ESS basques investissent également les polarisations territoriales de l’ESS qui se déploient selon des cadrages territoriaux élargis, à l’image du PTCE Sud Aquitaine (Demoustier & Itçaina, 2022).
47Cette troisième phase voit la mutation du travail politique mené par les coopératives basques. La dimension militante et la « futurité » de référence changent : la construction du développement local comme problème public n’est plus tant centrée sur les carences de l’industrialisation mais plutôt sur l’urgence des crises environnementale et énergétique, la question du foncier et la résilience territoriale. Les instruments mobilisés se modifient avec le recours aux formes coopératives multi-partenariales et de nouveaux dispositifs transfrontaliers. Ces formes partenariales prennent sens – troisième dimension du travail politique – dans un processus de légitimation mutuelle entre nouveaux registres coopératifs et transformations de la gouvernance territoriale. La nouvelle correspondance entre territoire militant et juridiction des politiques publiques facilite ainsi chez les acteurs coopératifs le travail de conversion de l’intérêt collectif (de l’entreprise) en intérêt général (du territoire). Il est cependant trop tôt pour savoir si la conjonction de l’institutionnalisation territoriale et du nouvel influx coopératif aura des effets instituants sur les « registres locaux de régulation » (Gilly & Pecqueur, 2002) de l’économie territoriale.
48Au terme de cette trajectoire historique, la singularité du coopérativisme basque doit être réévaluée. D’une part, l’évolution d’une vision productiviste et industrialiste du développement vers une approche de la transition territoriale associant producteurs, consommateurs, usagers et pouvoirs publics est transversale à l’évolution générale du coopérativisme. D’autre part, l’articulation politisée du coopérativisme basque à l’identité et à l’autonomie territoriale, si elle singularise le cas basque à l’échelle française, se retrouve dans les régions européennes, au Québec ou en Amérique latine et sous des formes autrement exacerbées. Singulière ou pas, cette étude de cas entend plaider en faveur d’une approche reconnaissant les multiples dimensions politiques à l’œuvre dans l’ancrage territorial des coopératives. La référence territoriale sert à la fois de ressource mais aussi de cadre de mobilisation à des projets entrepreneuriaux qui se pensent au-delà d’eux-mêmes. L’approche sociohistorique permet de mettre à l’épreuve la dimension dynamique et processuelle de cette référence au territoire, alternativement stimulée et/ou mise à mal par la double évolution des filières et secteurs d’une part et du cadre politique territorial d’autre part.
49Nous avons proposé, pour saisir cette complexité des usages politiques du territoire par les coopératives, de recourir à une approche en termes de travail politique, croisée avec les approches régulationnistes méso soulignant l’importance du territoire (subétatique) comme échelle de régulation des institutions économiques. Nous rejoignons ainsi une interrogation traversant désormais la littérature sur les coopératives et leur potentiel de régulation. Notre étude de cas confirme les conclusions de Sylvain Celle et d’Anne Fretel (2018), pour qui si le potentiel de régulation macro des coopératives repose sur une référence extérieure puisée dans un registre moral ou politique, c’est le territoire qui pourrait assurer une forme renouvelée de l’intérêt général en fondant une régulation politique prenant appui sur la coopérative. Dans le même esprit, la recherche sur les dynamiques contemporaines des SCOP-SCIC en région Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Charmettan et al., 2020) accorde une attention à l’« encastrement territorial » des coopératives, sans toutefois en décréter d’emblée le caractère structurant. Les rapports des coopératives aux politiques publiques, expliquent les auteurs, sont hétérogènes et varient selon les filières, le territoire pouvant être vu comme « ressource » ou comme « projet » par les SCOP-SCIC, le couplage pouvant être « lâche » ou « étroit » entre dynamiques internes de la coopérative et dynamiques territoriales. Si le cas basque témoigne sur ce dernier plan, d’un couplage étroit et d’un double rapport au territoire, comme ressource et comme projet, des coopératives, il appelle comparaison avec d’autres territoires afin d’aboutir à un cadre d’analyse stabilisé des articulations entre coopérative(s), territoire(s), politique(s) et régulation(s).