1Aujourd’hui l’industrie 4.0, porteuse d’une transformation digitale sans précédent, est au cœur de nombreux débats concernant son évolution, les technologies mobilisées, son impact sur l’emploi et l’émergence de nouvelles compétences. Dès lors que les organisations mettent en place au nom de la productivité un système optimisé de technologies avancées telles que l’intelligence artificielle ou l’internet des objets, les emplois peuvent être menacés. Selon l’OCDE, jusqu’à 15 % des emplois d’ici 2030 peuvent être menacés avec des différences significatives selon le pays, le secteur d’activité et le métier (Arntz et al., 2016). Mais ces chiffres sont à modérer car si l’automatisation doit continuer à éliminer des emplois, la création de métiers nouveaux compense en partie cette perte, selon le bureau américain des statistiques (études détaillées : https://www.bls.gov/data/). Le secteur industriel n’est ainsi pas le seul à être impacté par la transformation digitale et ses innovations disruptives, les services et le commerce sont aussi concernés.
2Grâce aux travaux menés dans le domaine des “learning machines”1, pour reprendre l’expression de Brynjolfsson et McAfee (2011), les géants du commerce électronique tels qu’Amazon, CDiscount, Vente-privée sont en mesure de comprendre les habitudes, les besoins, les préférences des consommateurs, de proposer des recommandations personnalisées, de les guider dans leurs décisions d’achat et enfin, de développer des expériences personnalisées. Ces learning machines contribuent à leur réussite mais est-ce réellement au détriment des commerces de détail ? Les statistiques2 sur le sujet montrent que les ventes au détail progressent simultanément au commerce électronique, avec en premier lieu, les ventes du secteur de l’habillement et de la mode. On note ainsi en 2018 (tous points de vente confondus), pour le commerce électronique une augmentation de 15 % aux États-Unis, 14,7 % au Canada, 12,8 % en Europe et une augmentation des ventes au détail de 3,9 % aux États-Unis, 2,7 % au Canada et 1,3 % en Europe. Face à ces constats, les grands détaillants internationaux (Zara, H&M…) mais aussi certaines entreprises en démarrage (Bouton noir…) n’ont eu d’autres choix que d’opter également pour la digitalisation pour rester compétitifs (Brasseur et Biaz, 2018). Ils s’appuient par exemple sur la mise en place d’une unification des moyens de paiement (simultanément sur un même terminal en magasin et sur tous les canaux digitaux) permettant ainsi un paiement par reconnaissance faciale (Innocenti, 2019), sur le scan 3D pour des vêtements sur mesures (Berthelot, 2017) et bien d’autres innovations. Quant aux petits détaillants en centre-ville ou en centres commerciaux, qui ne disposent que de très peu de capital financier et humain, ils ont souvent du mal à suivre (FICD, 2019). Or, dans certains pays, tel que le Canada, le commerce de détail est essentiel à l’économie nationale (FICD, 2019). C’est ainsi qu’au Canada, le comportement d’achat du consommateur en magasin de détail préoccupe le Ministère de l’Économie et Industrie et le Conseil Québécois du commerce de détail qui souhaitent aider les détaillants québécois à devenir plus compétitifs (par rapport aux géants comme Amazon et Walmart), en améliorant l’expérience de magasinage du client et in fine la qualité et l’efficacité de ces établissements de vente au détail. Pour parvenir à leurs fins, ils soutiennent le projet-pilote de La Fonderie de l’Innovation dans le Commerce de Détail (FICD), au Centre commercial de la Place Ste-Foy, au Québec. Cette organisation à but non lucratif spécialisée en innovation mobilise l’intelligence artificielle pour offrir une approche alternative aux nombreuses études sur le comportement d’achat du consommateur, auprès des commerces de détail. En s’appuyant sur l’application de l’intelligence artificielle, la technologie AVA (Analyse Video Anonyme) est utilisée pour observer et mesurer le comportement de magasinage et de décision d’achat du client dans un centre commercial au sein de commerces de détail. Mais comme toute technologie, elle suscite des réticences de la part des clients. « La technologie AVA capte des images ou vidéos des consommateurs par le biais de caméras vidéo. Les fichiers vidéo ou images captés par cette technologie ne sont en aucun cas conservés ni utilisés pour reconnaître l’identité des consommateurs. Les images captées serviront à obtenir approximativement l’âge, le sexe et les réactions des consommateurs dans l’espace physique des détaillants locaux participants. Une fois extraites, ces données seront agrégées et enregistrées sous la forme de fichiers numériques qui ne comporteront ni images ni vidéos des consommateurs » FICD (2019). Ce projet permet également aux clients de participer à des expériences personnalisées, dont le résultat se traduit par une attention spécifique portée à leurs besoins et à leur satisfaction.
3Les questions qui animent ainsi notre projet de recherche sont les suivantes : comment favoriser l’acceptatibilité sociale de la présence de caméras dans les magasins par les clients et ainsi permettre l’analyse vidéo de façon anonyme par les détaillants ? Comment améliorer la perception de cette technologie susceptible de répondre aux besoins socio-économiques de ces deux groupes d’acteurs ?
4En d’autres termes, nous cherchons à comprendre comment les apports théoriques dans le domaine de l’acceptabilité sociale, peuvent nous aider à améliorer la perception des clients des commerces de détail vis-à-vis de l’AVA au regard des règles d’éthique que la FICD souhaite respecter. L’acceptabilité dépend-elle du caractère plus ou moins intrusif de la technologie mobilisée ? La finalité d’une telle expérience si innovante (la technologie AVA) est de mieux apprécier les besoins de communication et de comportements des clients, les intentions et leur profil d’achat, pour in fine leur offrir des services plus personnalisés, tout en aidant les petits et moyens détaillants.
5Dès lors, dans une première partie nous aborderons, la notion d’acceptabilité sociale, première étape indispensable pour une expérimentation d’observation du consommateur éthique. Dans une seconde partie nous présenterons le terrain d’étude et le protocole de recherche que nous avons mis en place. Enfin dans une dernière partie, nous développerons et discuterons des résultats.
6L’acceptabilité sociale trouve son origine dans les fondements d’approches participatives développées dans le champ des relations publiques au cours des 25 dernières années, plus précisément depuis le début des années 2000, au Canada et au Québec (Yates, 2015). Inscrit dans le courant de la gouvernance participative, ce concept s’appuie sur la gestion des attentes sociétales et la notion de responsabilité sociale des organisations visant un rapprochement entre ces dernières et les citoyens. Le gouvernement du Québec, définit l’acceptabilité sociale comme suit : un « ensemble des jugements collectifs basés sur les valeurs sociétales, portant sur le bien-fondé d’une politique ou d’un projet de développement pouvant avoir un impact sur les milieux naturels et humains » (Gouvernement du Québec, 2018). De nombreuses autres définitions recensées par Batelier (2015) regroupent toutes des notions communes de valeurs partagées, de jugement collectif, de processus et de conditions (Yates, 2018).
7L’acceptabilité sociale s’apparente aussi à l’idée d’un permis social d’opérer ou d’une licence d’opération (Batelier, 2015). En revanche, ce concept se réfère davantage à un processus statique, selon Owen et Kem (2012), tandis que la notion d’acceptabilité sociale représente un processus plus dynamique en raison du jugement collectif qui peut évoluer au cours d’un projet et du dialogue qu’il suscite. C’est pourquoi, aujourd’hui, l’acceptabilité sociale est devenue une condition incontournable exigée par les autorités gouvernementales envers les promoteurs dans la réalisation de leurs projets d’infrastructures, de technologies, de comportements sociaux, etc. En amont de leurs projets, les entreprises ont donc l’obligation d’engager ce dialogue auprès des citoyens pour tenter d’obtenir une opinion favorable envers ce dernier et ainsi, éviter une inacceptabilité de leurs projets, ou même voire la situation dégénérer en conflit (Libaert, 2018). Ces conflits peuvent être attribuables à des facteurs relationnels et communicationnels, aux croyances et aux valeurs divergentes des acteurs en présence, ou encore, être attribuables aux différentes perceptions associées au projet qui se révèlent parfois incompatibles entre les acteurs impliqués (Sidaway, 2005). Ces mêmes perceptions se forment à travers diverses interactions sociales, elles-mêmes tributaires d’influences diverses qui se déploient dans la sphère publique. Devant l’impératif de communiquer et de façon appropriée dans tout projet visant l’acceptabilité, les divers facteurs et stratégies d’influence susceptibles d’exercer un impact important sur l’acceptabilité d’un projet, sont essentiels.
8Depuis les travaux menés par Katz et Lazarsfeld en 1955, nous connaissons l’influence qu’un réseau ou un entourage immédiat peut exercer sur le processus décisionnel d’un individu dans une situation donnée. Maintes fois éprouvée, cette théorie classique de la communication à double étage (two step-flow), représente l’un des piliers de l’acceptabilité positionnant ainsi la communication au cœur de l’acceptabilité sociale (Libaert, 2018). Le point clé est de savoir quels sont ces facteurs d’influence menant à une opinion favorable et d’identifier dans quel contexte social ils se manifestent afin d’en arriver à déployer les meilleures stratégies de communication possibles pour obtenir cette adhésion des publics envers l’acceptabilité d’un projet.
9Muchielli (2000) a identifié quatre contextes susceptibles d’être modifiés par une campagne de communication pour influencer les individus envers un projet social. Il s’agit : 1) de la position respective des acteurs ou du rôle perçu de la place de chacun dans le contexte de communication ; 2) du contexte relationnel social immédiat, par exemple, la qualité de la relation entre l’organisation et ses publics ; 3) des normes et des règles dans la culture organisationnelle de « ce qui se fait » et de « ce qui ne se fait pas », autrement dit ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ; et enfin 4) du contexte expressif des identités des acteurs, c’est-à-dire les intentions ou façons de voir les choses de part et d’autre. Muchielli souligne comment se manifestent ces différents contextes et les stratégies de communication susceptibles de modifier lesdits contextes. Ces stratégies peuvent se déployer, par exemple, en valorisant les publics susceptibles d’être touchés par ces projets, en les motivant de façon enthousiaste, en modifiant certaines normes et règles pour les rendre plus acceptables, et enfin, en modifiant leur perception des enjeux et des risques. La perception des publics représente ainsi un des concepts clés du processus d’acceptabilité sociale.
10La perception des publics envers un projet est l’acte de subir une action et de réagir de manière appropriée (Elsbach, 2006). Ces manières de faire (De Certeau, 1990) placent tout porteur de projet dans une position devant coconstruire avec les publics concernés les marges de manœuvre acceptables, ou pas, afin de susciter un sentiment de confiance.
11La confiance est un sentiment qui se construit à travers les échanges entre la marque et le consommateur, soutenait déjà Watzlawick, dès 1972. Ce construit évolutif nécessite un engagement qui rejoint la théorie de l’engagement-confiance, développée par Morgan et Hunt (1994) : [La confiance] se construit par une « solidarité et une cohésion accrues » qui se manifestent notamment par l’agir communicationnel (Habermas, 1987) des porteurs de projets, c’est-à-dire que la parole et les actions des gestionnaires doivent être cohérents. Cette dite confiance peut être considérée à travers les attentes qui résultent des compétences de l’entreprise, de sa fiabilité ou de ses intentions. La confiance en construction est accompagnée de pensées et de sentiments positifs, ajoutent Bendinelli et Riccio (2018, p. 237). Dans le champ de la communication d’acceptabilité, la notion de confiance représente l’un des prédicteurs les plus forts en terme d’acceptabilité sociale (Maillé, Batelier, 2017 ; Yates, 2018). Compte tenu de cette prérogative, susciter ce sentiment de confiance est incontournable envers tous projets et acteurs sociaux.
12Parmi les stratégies de communication d’influence possibles à déployer, plusieurs chercheurs (Libaert, 2018 ; Ledinghman, Bruning, 1998 ; Yates, 2018 ; Charest, Alcantara, Lavigne et Moumouni, 2017, etc.) proposent notamment de faire preuve de transparence et d’ouverture, de donner accès à l’information aux publics concernés, de développer une attitude positive et d’écoute envers les opinions et les craintes exprimées, de démontrer que l’organisation gère ces risques et qu’elle maîtrise bien la situation, de s’entourer d’un réseau professionnel responsable telles que les associations et autorités gouvernementales pour encadrer les pratiques professionnelles, pour ne citer que ces dernières.
13À ces conseils stratégiques, Libaert (2018) ajoute quelques écueils majeurs à éviter par les porteurs de projet. Premièrement, une communication réduite à l’information par la création d’outils (newsletter, plaquette, site Internet, etc.) ne déclenchera jamais à elle seule une acceptabilité ; lesdits outils doivent faire partie d’une démarche de communication plus globale. Deuxièmement, l’acceptabilité ne dépend pas uniquement de la perception de ses avantages, à l’inverse de pratiques professionnelles répandues dans la communication de risques et d’acceptabilité. Libaert insiste fortement sur la nécessité de la part de ces promoteurs, de reconnaître les impacts et risques possibles d’un projet et de les partager avec les publics éventuellement touchés. « Cette reconnaissance est […] une des conditions de la crédibilité du porteur de projet et de la réussite de l’opération. […]. La réussite d’un projet tient moins à la valorisation globale de celui-ci qu’aux réponses aux inquiétudes exprimées », souligne-t-il (2018, p. 146). Propos tout à fait partagés par Motuslky (2018) qui invite les porteurs de projet à préparer des arguments solides portant sur le moindre risque éventuel d’un projet qui fera même l’objet d’une confrontation assurée, si les gestionnaires font fi de présenter ces risques éventuels auprès des populations susceptibles d’être impactées. Une fois les stratégies de confiance déployées, tout projet nécessite donc de communiquer en toute transparence sur les risques éventuels auprès des publics, et non seulement se limiter à ne présenter que les bénéfices que ces nouveaux outils développés dans le domaine de l’intelligence artificielle sont susceptibles d’apporter aux personnes impactées.
14À la lecture des propos énoncés précédemment, la confiance représente donc une prémisse à l’acceptatilité sociale. Et c’est cette même acceptabilité qui serait susceptible de déclencher à son tour une perception positive de l’AVA générée par la présence de caméras. Cette acceptabilité est donc nécessaire par exemple, pour la vente au détail intelligente (smart retail) et regroupe l’ensemble des technologies intelligentes conçues pour offrir au consommateur une expérience positive et satisfaisante lors d’une expérience d’achat omnicanal en magasin. Simultanément, cette expérience est contrôlée par le détaillant et intégrée dans la stratégie générale du magasin (Demirkan et Spohrer, 2014 ; Pantano, et Dennis, 2019). Parmi les technologies les plus mobilisées dans la vente au détail intelligente, on note la vidéo (Quintana et al., 2016), la réalité virtuelle relaxante3 dans un centre commercial (Van Kerrebroeck et al., 2017), le magasinage en compagnie d’un assistant robotique (Bertacchini et al., 2017). Roy et al. (2017) soulignent cependant que les clients qui rencontrent des services de vente au détail sophistiqués sur le plan technologique, expriment des préoccupations quant à leur adoption et à leurs réactions psychologiques vis-à-vis de ces technologies de vente au détail intelligentes ; l’étude de l’acceptabilité sociale a donc toute son importance. L’acceptabilité sociale est également essentielle pour l’utilisation des technologies de géolocalisation des consommateurs qui peuvent être à la fois in-door lorsqu’elles permettent d’assister le consommateur à trouver son chemin (par exemple de son domicile au magasin) (Bèzes (2019), à optimiser sa visite d’un magasin et in-store lorsqu’elles le guident ou le suivent à l’intérieur du magasin, grâce à des caméras ou des puces électroniques4. Enfin, selon Inman et Nikolova (2017), l’acceptabilité sociale est requise pour la reconnaissance faciale permettant ainsi d’identifier le consommateur. Cela peut servir par exemple pour orienter le bon vendeur vers le consommateur et adopter un comportement adéquat face à son état d’esprit ou son humeur ou pour étudier son comportement d’achat. La variation de l’apparence des visages humains est analysée par la vision par ordinateur : orientation de l’image, expression du visage, pose de la tête, occlusion et illumination. Les données collectées permettent une analyse prédictive du comportement des consommateurs, à travers le décryptage des émotions sur le lieu
de vente5.
15Afin d’évaluer la perception des consommateurs face à l’utilisation de technologies innovantes d’observation du comportement de magasinage (telle que l’AVA) et de décision d’achat dans de commerce de détail, un protocole de recherche a été mis en place au sein du centre commercial de Place Sainte Foy, au Québec. Ce terrain d’étude est le lieu de plusieurs expériences scientifiques (cf tableau 1). Dans cet article nous nous focalisons uniquement sur l’une d’entre elles : l’expérience 2. Mais afin de bien la circonscrire, nous devons aussi présenter brièvement l’expérience 1 car l’échantillon des clients de l’expérience 2 y a participé.
Table 1. Descriptif des expérimentations
Première expérience
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• Période : Trois mois de janvier à mars 2019.
• Objectif : Expérience comportementale avec la technologie AVA. Mise en place de caméras à l’entrée du centre commercial Place Ste-Foy et dans les commerces de trois détaillants.
• Echantillon : 3 magasins. BonLook, La Vie en Rose et Tristan ont accepté la mise en place de caméras.
• Données : l’utilisation de caméras permet de capturer des images de visages, gestes et émotions. Les algorithmes d’apprentissage en profondeur traduisent en données l’âge (tranche d’âge), sexe (Homme/Femme), humeur (sourire / non sourire). Ces données sont combinées avec les données du compteur de trafic du centre commercial et des transactions effectuées chez les 3 détaillants (pourcentage de personnes : i) s’arrêtant devant le magasin, ii) entrant dans le magasin, iii) entrant dans une cabine d’essayage, et iv) passant à la caisse pour valider un achat).
• Communication proactive : expérience signalée dans les entrées du centre commercial et des 3 magasins participants dont une affiche signalétique complète à l’entrée des magasins, une brochure papier mentionnant la possibilité de participer aux groupes de discussion, une vidéo et un site internet. Auquel s’ajoute une démarche dans les médias pour accorder des entrevues sur le projet. Démarche également auprès des autorités gouvernementales dont la Commission des droits de la personne du gouvernement du Québec.
• Protection des données. Aucune image ne sera conservée et stockée dans des fichiers. Les données recueillies demeureront entièrement anonymes. Rédaction d’un livre blanc en association avec un cabinet d’avocat canadien.
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Deuxième expérience
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• Période : 3 jours (12 mars, 13 mars, 14 mars 2019)
• Objectif : Exploration des technologies innovantes de type AVA en centre commercial à travers une analyse qualitative afin de savoir quelles technologies adopter et comment le faire de manière responsable.
• Echantillon : Echantillon de 30 clients fréquentant le centre commercial (homme/femme, de 21 à 72 ans. Nous les nommerons par la suite Participants-Clients (PC) du groupe de discussion.
• Données : recueil des données grâce à un groupe de discussion en ligne interactif avec le logiciel Qualboard 3.0 et analyse de contenu pour le traitement des données.
• Protection des données : Mise en place du guide d’animation avec charte de modération et confidentialité des données.
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- 6 Expérience client où chaque canal (web, réseaux sociaux, mobile, magasin) soutient et renforce l’au (...)
- 7 Reconnaissance faciale par caméra pour le paiement en caisse et pour cerner les habitudes du consom (...)
- 8 Avoir la possibilité de consulter un styliste virtuel capable de fournir des conseils vestimentaire (...)
- 9 Optimisation du parcours « shopping du consommateur » soit par réorganisation du centre commercial (...)
- 10 Définie en introduction.
16L’objectif d’un groupe de discussion en ligne comme méthode de collecte des données est de favoriser une discussion susceptible de générer une dynamique d’interaction des significations partagées et des divergences (cf annexe 1). Ce groupe de discussion s’est constitué dans une perspective centrée sur les représentations sociales (croyance, opinions, attitudes) car il est centré sur la communication. C’est un système sociocognitif qui se construit au sein du groupe et à travers les interactions individuelles. La mise en pratique s’appuie sur un échantillon représentatif de 30 personnes et une animatrice s’est chargée de la communication avec le groupe (diffusion des thématiques, animation et relances…) afin de s’assurer de la qualité du débat. Les thèmes du guide d’animation sont présentés en annexe 1. Lors de ce groupe de discussion, cinq technologies impliquant la reconnaissance et/ou le suivi du consommateur ont été présentées au travers de courtes vidéos dans l’ordre suivant : le consommateur omnicanal6, la reconnaissance faciale du consommateur7, le styliste virtuel8, le parcours selon le profil du consommateur9 et la technologie AVA10. Ces techniques s’appuient sur des critères uniques ou combinés : identitaire, morphologique, gestuel et facial non intrusif.
17Les données ont ensuite été traitées par la méthode de l’analyse de contenu. Ce guide d’animation respecte au travers de ces 5 phases les objectifs de toute analyse par groupe de discussion (cf tableau 2).
Table 2. Objectifs du guide d’animation
Phase
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Objectifs du guide d’animation
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Phase 1-Introduction
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Etablissement d’un sentiment de sécurité entre les participants
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Phase 2-Balayage général
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Acquisition d’une confiance mutuelle
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Phase 3- Approfondissement individuel
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Naissance du débat
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Phase 4-Approfondissement collectif
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Coopération progressive vers la recherche de consensus ou d’opinions réellement marquées
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Phase 5-Conclusion
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Synthèse des moments forts
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18Pour les fins de la discussion, sont présentées les analyses des résultats suivants : le profil général et technologique des Participants-Clients (PC) du groupe de discussion, leur perception générale des images et des vidéos, suivie de celle de nouvelles technologies de reconnaissance et/ou de suivi du consommateur, et enfin, leur perception des supports de communication sur la technologie AVA.
19L’échantillon retenu pour cette étude est composé d’hommes et de femmes de 21 à 72 ans, salariés à temps plein, retraités et étudiants. Ces PC se caractérisent par un mélange de styles de vie et d’habitudes variés (en fonction de leur âge et de leurs revenus), mais la socialisation avec les amis et la famille est au centre de la vie de chacun. Les profils volontairement choisis nous permettent de distinguer quatre catégories de PC : les socialement engagés (Socially Conscious), les passionnés (Premium Enthusiasts), les explorateurs de tendances (Trend-Setting Explorers) et les digitaux (Digitizers).
20Les centres commerciaux sont une destination où ils se sentent libres de magasiner et de nouer des contacts sociaux. Le magasinage est une expérience qui remplit des objectifs et comble des besoins différents selon les occasions. C’est tout à tour : un loisir (pour se détendre, flâner, explorer), une activité (qui procure du plaisir ou qui comble l’ennui), un moyen de socialisation (pour les rencontres, les promenades à deux) et un achat utilitaire (remplit une fonction de satisfactions de besoins primaires).
21Malgré leur intérêt pour les centres commerciaux et le magasinage, ces PC restent critiques à certains égards concernant d’une part, la relation client/vendeur lors des achats (sensation de pression exercée par les vendeurs, forte dépendance – c’est-à-dire trop d’assistance et trop de proximité pour le service en cabines d’essayage, la recherche d’articles, le départ en caisse) et d’autre part, l’ambiance générale (une foule importante, souvent de longues files d’attente, une orientation dans le centre commercial et un stationnement difficile). De nombreux PC préfèrent donc être autonomes et ne pas ressentir la pression du personnel des magasins. Cependant, ils reconnaissent également qu’il y a des moments dans le processus d’achat où de l’aide est requise et où ils aimeraient un soutien pour résoudre leur problème (trouver le bon produit, taille ou couleur) ou répondre à leurs besoins (accéder au magasin de leur choix).
- 11 “Technology is present everywhere. I would say that I am dependent on it. Everything is computerize (...)
- 12 Les plus âgés sont sensibles aux menaces, aux expositions à la fraude, aux violations de la vie pri (...)
22Aujourd’hui, l’ensemble des PC sont accoutumés aux nouvelles technologies dans leur quotidien11 et dans la prise en charge des achats (achat en ligne, visite du site du centre commercial avant ou après et des magasins (créneaux horaires, promotions, localisation…). Bien que ces technologies aient amélioré leurs vies, qu’elles permettent de multiplier les canaux de communication et qu’elles offrent de nouvelles possibilités, ces PC souhaitent accéder à de plus grandes zones de prudence. Parfaitement conscients des limites et des risques, ils recherchent en priorité la sécurité face aux problèmes de confidentialité, aux nombreuses fraudes existantes et à l’exploitation des données personnelles12. Ils sont mal à l’aise avec une dépendance excessive à ces technologies, car ils sont sensibles aux effets négatifs de celles-ci sur la socialisation, la capacité à penser de façon critique et la perte d’emploi qu’elles peuvent générer. Dès lors, ils sont réticents à accepter ces technologies en raison de l’impact que cela pourrait avoir sur leur vie privée. Ils estiment que cela pourrait remplacer, à court terme, le rôle joué par les humains dans les centres commerciaux entraînant ainsi des pertes d’emplois. Ceci corrobore leur préférence de faire des achats avec une interaction minimale.
23Ces deux aspects introduisent un paradoxe dans leur réflexion. D’une part, ils sont préoccupés par le devenir des emplois et l’impact de l’assistance technologique dans les magasins qui rendrait l’expérience d’achat inexpressive et d’autre part, nombre d’entre eux évitent, autant que possible, les interactions avec le personnel des magasins de détail, car ils n’aiment pas sentir la pression des vendeurs. Ils préfèrent naviguer dans les magasins sans interruption, avoir un grand choix de produits, avoir accès aux caisses libre-service et acheter en ligne quand cela a du sens.
- 13 “Without our permission, everybody is being filmed: airports, public spaces, big cities such as Mon (...)
24Ces PC sont à l’aise avec les images et les vidéos dans leur vie quotidienne (surtout depuis qu’ils les réalisent avec leur téléphone) tant qu’elles restent privées et les condamnent lorsqu’elles sont envahissantes ou lorsqu’elles cherchent à nuire. Ils sont prêts à faire des concessions lorsque la vidéo est utilisée pour le bien commun (attraper les mauvaises personnes, le vol, etc.). La protection de la vie privée est une priorité car les vidéos ou les photos prises sont comme une intrusion, que la collecte des données soit active ou passive. Les exemples cités sont explicites : utilisation de la vidéo contre quelqu’un (cyber-intimidation, fraude…) ; utilisation d’images ou vidéos sans permission préalable dans les publicités, médias, actualités… Ils estiment être en manque de connaissances sur le où, quoi, quand, comment et qui enregistre des données et les vidéos, ainsi que sur la manière dont elles sont conservées et utilisées13.
25Les trois premiers points que nous venons d’aborder : le profil général des PC, le profil technologique des PC, la perception générale des images et des vidéos des PC constituent le contexte de l’influence du social sur le comportement d’usage de ces clients. En effet, l’identité, le style de vie, la sociabilité avec l’entourage immédiat et de la position respective face aux technologies des PC d’une part, la communication du centre commercial, et la qualité des relations avec les clients d’autre part, représentent selon Mucchielli (2000) « les conditions dans lequel s’inscrit le nouvel usage en fonction des contraintes inhérentes aux conditions de la mise en place de la nouvelle technologie ». Outre ces conditions de mise en place, il importe de souligner l’influence personnelle qu’un entourage immédiat est susceptible d’exercer sur le processus décisionnel des individus, souligne Katz et Lazarsfeld (1955).
26Lorsque les cinq nouvelles technologies ont été présentées et discutées par les PC, majoritairement et pour toutes, leur acceptabilité était mitigée et les préoccupations des PC étaient relatives au tournage, à la confidentialité et au stockage des données des clients. Cependant, les cinq technologies ont des résonances différentes auprès des PC, en fonction de l’aide qu’elles peuvent apporter à la satisfaction de leurs besoins, à la possibilité de vivre des expériences positives et de l’intrusion dans leur vie privée. En ordre décroissant de résonance : le styliste virtuel, la technologie AVA, le consommateur omnicanal, le parcours selon le profil du consommateur et la reconnaissance faciale du consommateur. Ainsi, nous pouvons en déduire que la résonance est corrélée au degré d’intrusion dans la vie privée (Faible lorsque la reconnaissance s’appuie sur des données morphologiques et Forte lorsqu’elle concerne la reconnaissance faciale (cf figure 1)).
Figure 1. Reconnaissance et/ou suivi du consommateur
- 14 Verbatim pour la technologie AVA: I think it is more realistic. More functional and simple. When ev (...)
- 15 Verbatim pour la reconnaissance faciale : I find this very intrusive. The fact that they know my ha (...)
27Plus spécifiquement, la perception des technologies de reconnaissance par vidéo du consommateur c’est-à-dire la technologie AVA (non intrusive) et la reconnaissance faciale du consommateur (intrusive) montre bien respectivement la forte14 et la faible15 résonance des PC. Dans la technologie AVA, les images et vidéos sont transformées en fichiers numériques tandis que dans la reconnaissance faciale du consommateur proprement dite, tous les points du visage sont des éléments de reconnaissance, images et vidéos sont conservées. Dans la technologie AVA les données collectées sont traitées par un algorithme automatique qui transforme les observations faciales en données quantitatives anonymes. Pour assurer le respect de la vie privée des consommateurs, les technologies utilisées amassent des données agrégées sur une base entièrement anonyme qui ne permet pas d’enregistrer ou de stocker des images, ni d’identifier les personnes filmées.
28Quatre éléments sont appréciés par les PC : la compréhension et sensibilité à l’égard du concept, les avantages perçus, l’impact potentiel sur le comportement des clients et les limites et préoccupations à prendre en compte dans la communication pour plus d’acceptabilité sociale. Les verbatims, pour les deux technologies de reconnaissance du consommateur retenues et associées à ces éléments, illustrent bien la perception des PC à partir desquelles ils organisent leurs sensations, les interprètent et les complètent par des expériences (cf annexe 2).
29Les cinq technologies ont été rediscutées, par l’animatrice du groupe de discussion le lendemain, sous l’angle des centres commerciaux. L’objectif était de rendre les magasins et le centre commercial local plus compétitifs par rapport aux géants de la vente au détail et aux fournisseurs de commerce électronique. L’idée sousjacente était de préserver les emplois locaux au Québec. Suite à cette discussion, l’acceptabilité sociale des PC a été plus forte que lors de la première présentation. D’où la nécessité de faire valoir les risques possibles perçus (par exemple dans le cas présent, les pertes d’emplois locaux) pour accroître l’acceptabilité d’un projet, comme le soulignait Libaert (2018).
30La technologie AVA est apparue comme une technologie acceptable, car elle est déjà perçue comme « utilisée ». Mais le bénéfice tangible pour les acheteurs est indirect car ses avantages immédiats sont vagues. Quant à la reconnaissance faciale du consommateur, elle est considérée comme une offre intéressante, mais elle est perçue comme nécessitant de grandes quantités de renseignements personnels pour offrir des avantages aux consommateurs.
31L’acceptabilité sociale concernant ces deux technologies représente « la valeur que l’individu accorde à ces objets et/ou à ces utilisateurs en fonction du rapport spécifique qu’il entretient avec eux » (Lefeuvre et al., 2008). À partir du moment où les objectifs sont clairement définis, par l’animatrice du groupe de discussion, quant à l’usage et à l’utilité de l’ensemble des techniques de la reconnaissance du consommateur, une relation se construit avec les PC. Leur proximité avec les commerçants du centre commercial, les valeurs sociétales canadiennes partagées, la crédibilité et la transparence du projet créent un lien qui rend ces technologies dans le centre commercial plus socialement acceptables, car in fine les PC sont convaincus qu’elles peuvent réellement améliorer le service client.
- 16 1- Brochure de présentation disponible dans les trois boutiques
Points forts : “Brochure is very cle (...)
- 17 “It would need to be short and concise. I don’t believe that I would go over for that. However, bef (...)
32L’implantation de la technologie AVA dans trois magasins du centre commercial de Place Sainte Foy au Québec, durant trois mois (expérience 1), a été accompagnée d’une communication proactive afin de tenir compte des préoccupations croissantes pour la protection de la vie privée. Une brochure de présentation était disponible dans les trois magasins et elle renvoyait à une vidéo explicative qui pouvait être vue sur le site internet de « la Fonderie de l’innovation dans le commerce de détail ». Le dernier thème du guide d’animation portait sur l’appréciation de ces supports de communication. Pour les deux supports, les PC ont énoncé des points forts et des points faibles au travers de leurs verbatims16 qui soulignent, pour une plus grande acceptabilité sociale, une communication proactive sur le projet plus appuyée avec des informations17 sur : des données agrégées ou personnelles ; leur durée de stockage ; l’accès et la suppression des données ; l’assurance d’une sécurité sans faille des protocoles et des supports variés (dépliant, vidéo, réunion, affichage, parrainage) et enfin une mise avant des valeurs intrinsèques véhiculées par le projet.
33Bien que les supports de communication utilisés par les promoteurs de l’expérience se soient avérés incontournables pour répondre à des besoins d’information, ils ne peuvent déclencher à eux seuls l’acceptabilité d’un projet, soulignait Libaert (2018). Ils doivent impérativement s’inscrire dans une démarche de communication plus globale, rappelle-t-il. En outre dans le cadre de cette démarche, Libaert insiste sur la nécessité de répondre aux inquiétudes exprimées quant aux impacts et aux risques possibles d’un projet pour favoriser l’acceptation de ce dernier par les clients plutôt que de miser uniquement sur les avantages dudit projet.
34À l’issu de cette démarche exploratoire et des analyses des informations recueillies lors d’un groupe de discussion mené auprès de participants-clients représentatifs du centre commercial étudié, deux grandes tendances se sont dégagées. Une première révèle que l’utilisation de l’AVA est bien acceptée socialement par les consommateurs lorsqu’il s’agit de protéger les citoyens contre des comportements répréhensibles tels que la fraude, le vol, les malfaiteurs, etc. La perception est plus mitigée en ce qui concerne la vie privée telles que l’utilisation de données personnelles des clients captées par les caméras et les intentions des commerçants de recueillir ces informations. Ce qui permet d’établir le constat suivant. Lorsque la cueillette d’informations par l’entremise de caméras se déploie de façon non intrusive pour les consommateurs, et que les intentions sont clairement identifiées d’assurer le bien-être et la sécurité de PC, ces nouvelles technologies sont très bien perçues, voire acceptées socialement. C’est lorsque les données sont recueillies de façon intrusive, lors d’une expérience de magasinage analysant le comportement d’achats des consommateurs sans que les informations soient clairement ou suffisamment énoncées par rapport au qui, quoi, comment, pourquoi et la durée de la conservation de ces données recueillies qu’elles suscitent une certaine méfiance de la part des clients, voire une inacceptabilité de ces nouvelles façons de faire.
35La confiance qui représente un des piliers clés dans le domaine de la communication d’acceptabilité n’étant pas tout à fait acquise par certains clients réticents envers ces nouvelles technologies fait en sorte que la crédibilité de l’ensemble du projet, des promoteurs et des outils utilisés ne peut faire l’objet d’une acceptabilité sociale tant que ces prémisses dans tout le processus de la communication globale ne seront pas suffisamment présentées. Ce qui se confirmait lors des entretiens qui se sont déroulés le jour 2. L’animatrice du groupe a été en mesure de mieux expliquer les intentions des promoteurs d’avoir recours à ces outils de communication notamment celles de préserver des emplois canadiens menacés face à la concurrence de géants commerciaux étrangers. Devant ces explications supplémentaires, les PC ont démontré une plus grande ouverture envers le projet.
36Aujourd’hui, l’acceptabilité sociale est au cœur des innovations actuelles qui s’appuient sur l’intelligence artificielle et qui préoccupent tant les grandes enseignes que les petits détaillants en centre-ville ou en centres commerciaux. Le projet-pilote de « La Fonderie de l’innovation dans le commerce de détail » est une application originale de l’intelligence artificielle, qui permet d’apprécier l’importance de l’acceptabilité sociale lors de l’implantation de technologies innovantes. Grâce à une étude terrain, nous avons amélioré notre compréhension de ce phénomène. Les analyses qualitatives, issues du groupe de discussion, nous ont permis d’identifier certaines forces et faiblesses perçues par les consommateurs envers cette technologie innovante. Déployée sous forme de projet-pilote, l’expérience s’est déroulée dans trois magasins du Centre commercial de la Place Ste-Foy, au Québec. L’étude démontre clairement que le recours à des outils d’informations pour promouvoir le projet ne peut suffire à susciter l’acceptabilité d’un projet. Les promoteurs ne peuvent faire l’économie d’avoir répondu au préalable aux craintes exprimées par les clients touchés potentiellement par les risques inhérents envers ledit projet avant de déployer toute autre stratégie. Contrairement aux pratiques de communication répandues visant à faire valoir les avantages d’un projet, les promoteurs ont suscité un dialogue dans la population en énonçant clairement les risques afin de tenter de construire ensemble les balises acceptables socialement. Par exemple, le questionnement concernant le où, quoi, quand, comment et qui enregistre des données et les vidéos, ainsi que la manière dont sont traitées ces données sur le plan informatique, et enfin, la conviction de la non-conservation de ces données informatisées une fois l’étude terminée, toutes ces informations mériteraient d’être bien communiquées aux consommateurs par les promoteurs de projet. Ce à quoi devraient se consacrer les acteurs de tout projet suscitant l’acceptabilité sociale. Faire abstraction de ce contexte serait susceptible de faire avorter toutes nouvelles technologies ou façons de faire aussi innovantes et prometteuses soient-elles. Sans une meilleure compréhension de la part des consommateurs des risques perçus, répondus et gérés adéquatement dans le domaine du commerce de détail, sans cette conviction absolue, l’acceptabilité sociale de toutes ces nouvelles technologies, malgré les avantages présentés, ne pourra se faire sans ces campagnes de communication globales susceptibles de mieux informer les consommateurs. Ces démarches communicationnelles s’échelonneraient sans doute sur une durée plus longue que celle initialement prévue. Mais une meilleure compréhension des enjeux, de part et d’autre, renforcerait les biens fondés de ces avancées technologiques et leurs usages ne seraient pas constamment remis en question, voire inacceptés socialement. Ce n’est que de cette façon que l’influence des uns et des autres sera susceptible de coconstruire le contexte favorable de l’acceptabilité sociale envers tout projet ou technologie innovante.