• 1 Catégorie socialement hétérogène qui englobe des personnes installées anciennement ou récemment en (...)

1« Par pur par hasard », c’est en utilisant cette expression que des « néos »1 disent s’être installés au sein de petites villes du Couserans ariégeois ou bien encore dans les villages perchés des vallées du Lez ou de l’Arac. Ces présences retiennent d’autant plus l’attention qu’elles sont pour une large part le fait de populations étrangères, qui ne saurait se résumer à la seule présence d’Européens du Nord attirés par les aménités environnementales du territoire ariégeois.

• 2 CAMIGRI est un programme de recherche financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et la Ré (...)

3Au fil de notre recherche sur la question de la place des campagnes françaises dans la mondialisation migratoire (CAMIGRI)2, les entretiens conduits n’ont fait que confirmer cette dynamique démographique en nous permettant de rencontrer ces nouveaux habitants possédant des parcours de vie marqués par des mobilités internationales volontaires ou subies.

• 3 CADA est l’acronyme de centre d’accueil de demandeurs d’asile.

5Placée avec ses cinq enfants à l’antenne du CADA3 de Carla-Bayle, au Fossat, elle aura vécu l’ensemble de sa procédure de demande d’asile au sein de ce village de 1 067 habitants (2015). Au gré de la procédure, et avec l’obtention d’une protection subsidiaire, elle a croisé sur ce chemin administratif semé d’embûches, des « néos », de plus ou moins longue date, tels Bernard et Bertrand.

• 4 Mouvement de contestation majoritairement lycéens et étudiants, qui s’est développée en 2006, contr (...)
• 5 Situé dans le périurbain nantais, cette « zone à défendre » (ZAD) a été pendant plusieurs années le (...)

7Cette forme d’ancrage ne se limite pas à la génération des baby-boomers, elle est aussi représentative d’une génération qui a choisi, au lendemain des luttes contre le CPE4, de se maintenir à distance des centres du pouvoir, d’une génération de backpackers ou de paysans-vagabonds ayant parcouru le monde ou plus récemment, de militants passés par Notre-Dame-des-Landes5. Romain, comme Bernard et Bertrand, participe de ces présences qui trouvent leur raison d’être dans la force des liens faibles capables de fédérer de proche en proche pour venir en aide aux déboutés de l’asile, qui doivent quitter le CADA, ou bien à ceux venus de Toulouse pour trouver refuge.

• 6 Sur cette question, on pourra se référer à Passeron Jean-Claude et Revel Jacques (Dirs.) (2005) Pen (...)
• 7 Ibid., p 11.

11Lever l’anonymat n’est pas sans conséquence car, pour l’exprimer à grands traits, cette situation sollicitée par les enquêtés éloigne le chercheur d’une démarche wébérienne fondée sur la production de types-idéaux pour ancrer la réflexion dans les modalités d’un « penser par cas ». En cela, cette situation de recherche rejoint les questionnements soulevés par Jean-Claude Passeron et Jacques Revel lorsqu’ils soulignaient les atouts et les risques de raisonner à partir de singularités6. Si la question « d’un penser par cas » n’est pas nouvelle, « c’est, à dire vrai, l’ensemble des questions dont on l’investit — et dont il est susceptible d’être investi » qui fait le cas. C’est indéniablement dans le changement de perspective issu du dialogue entre art et science que s’expriment les bénéfices d’une telle démarche compréhensive7.