Skip to navigation – Site map

HomeNumérosvol. 38 - n°3 et 4Dossier thématiqueEn contrats de saison ou en contr...

Dossier thématique

En contrats de saison ou en contrats de mission dans l’arboriculture méridionale : les droits entachés des travailleurs étrangers

Recruited on Season or Mission Contracts in Mediterranean Arboriculture: The Tainted Rights of Foreign Workers
Contratados por temporada o misión en la arboricultura mediterránea: los derechos viciados de los trabajadores extranjeros
Béatrice Mésini
p. 43-66
Translation(s):
Seasonal and mission contracts in Southern French fruit farms: the tainted rights of foreign workers [en]

Abstracts

This article questions the compatibility of the principles proclaimed by the Treaty on the Functioning of the European Union, namely the free movement of workers, the freedom to provide services and the fight against discrimination. The study focuses on the arboriculture sector established in the Crau region over the past fifty years through two biographical accounts collected in 2008 and 2014, which allow us to understand the adjustments made by local actors, who are grappling with the changes in the sector, particularly through the systematic use of foreign workers as a means of adjusting production costs. The article mobilises familiarism under various aspects structural, functional and organizational — to analyse the socio-economic behaviors of small and large arboriculturists, integrated on a regional, national and European scale on competitive markets of agricultural products and jobs. In a double qualitative and quantitative approach, it is shown the update of the modalities of employment of foreigners in the department of Bouches-du-Rhône and in the tree farms of the Crau, characterised by the co-presence of foreign workers under season contracts introduced by the French Office of Immigration and Integration, and workers under mission contracts made available in France by temporary work companies registered in Europe. Finally, the article considers the exceptionality of these temporary contracts, by analysing the litigation procedures within a certified and labelled fruit industry, marked by unequal treatment and systemic discrimination against these indispensable workers.

Top of page

Full text

  • 1 L’ordonnance du 2 novembre 1945 crée l’Office national d’immigration (ONI), qui devient l’Office de (...)

1L’étude des spécificités de l’emploi des étrangers dans le secteur de l’arboriculture nous conduit ici à interroger la compatibilité des libertés et droits que sont la libre circulation des travailleurs, la libre prestation de service et la lutte contre les discriminations, aux frontières intra et extracommunautaires de l’Union européenne (UE). Le travail saisonnier en arboriculture (mais aussi dans le maraîchage et la viticulture) est assuré par la coprésence de travailleurs étrangers introduits en contrats de saison par l’Office national de l’immigration (ONI) depuis 19451, et par celle de travailleurs en contrats de mission détachés par des entreprises de travail temporaire (ETT) basées en Espagne. L’emploi de la main-d’œuvre étrangère est un phénomène ancien dans l’agriculture française, si l’on considère les statistiques de l’ONI, qui comptabilisent 350 000 travailleurs étrangers placés dans l’agriculture et le forestage entre 1946 et 1973, avec une prédominance des Italiens jusqu’en 1958, des Espagnols de 1960 à 1965 et des Portugais entre 1966 et 1971 (Bune, 1975 : 49). Depuis les accords bilatéraux conclus le 1er juin 1963 avec le Maroc et le 9 août 1963 avec la Tunisie, les contrats délivrés par l’Office des migrations internationales (OMI) sont principalement des travailleurs maghrébins qui ont été embauchés dans l’agriculture provençale.

  • 2 Directive 96/71/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de trav (...)
  • 3 Conformément à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
  • 4 Ce « noyau dur » énumère les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ; la (...)

2En 1996 les travailleurs détachés ont fait l’objet d’une directive européenne2 ayant pour objectif de concilier la fourniture de services transfrontaliers3 et l’égalité de traitement en leur garantissant l’application d’un « noyau dur4 » de droits dans l’État de mise à disposition. Dans un second temps, la libre prestation de services renforcée par la directive de 2006 a encouragé les entreprises à fournir des services dans l’Espace économique européen, en détachant temporairement des travailleurs dans un autre État membre sans qu’elles y soient juridiquement établies. Face à la pénurie de main-d’œuvre locale dans le secteur agricole, les ETT constituent « un réducteur d’incertitude pour les entreprises utilisatrices en régulant les variations de l’activité » (Guégnard et al., 2008 : 41), par une « périphérie composée de salariés atypiques permettant d’amortir les fluctuations conjoncturelles » (Galois et Lacroux, 2012 : 51).

3La segmentation statutaire dans les exploitations agricoles, qui regroupent tout autant des travailleurs sous contrats introduits par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) que des travailleurs détachés par les ETT, permet la flexibilité managériale interne et fonctionnelle de la main-d’œuvre, basée sur la polyvalence des savoirs, la spécialisation à la tâche et une logique d’intensification du travail (Décosse et Mésini, 2018). Concurremment, l’emploi dans le secteur agricole s’est fortement déprécié sur le plan national puisque 756 000 salariés agricoles évoluent sous des statuts précaires en 2016 (CDD, saisonniers, apprentis), sachant que les taux de précarité sont les plus élevés en arboriculture où « 90 % des salariés ne bénéficient que de contrats temporaires » (Depeyrot et al., 2019 : 19). C’est précisément dans l’arboriculture que nous étudierons les profondes mutations sociétaires et salariales, dans un secteur ultra-concurrentiel entre producteurs d’Europe du Sud. Nous analyserons les avantages tirés de la combinaison de deux dispositifs de recrutement distincts : une main-d’œuvre maghrébine introduite sous contrat saisonnier par l’État français et des travailleurs étrangers détachés en contrats de mission par des prestataires espagnols et des exploitations utilisatrices depuis les années 2000.

4Dans un premier temps, nous retracerons l’arrivée des arboriculteurs dans la plaine de la Crau à travers deux récits biographiques, celui d’un paysan modestement installé sur de petites parcelles dans les années 1960 et celui d’un exploitant agricole drômois installé sur de grandes surfaces dans les années 1980. Afin de saisir les comportements socio-économiques des producteurs dans leurs aspects organisationnels et relationnels, nous mobiliserons le familiarisme, qui résulte du « chevauchement fructueux de deux capitaux sociaux, à savoir celui de la famille et celui de l’entreprise » (Arrègle et al., 2004 : 14). Nous verrons comment les ascendants et descendants ont diversifié la production et les actifs économiques, en concentrant le patrimoine immobilier, en diversifiant les activités, en améliorant la qualité des fruits et en élargissant les circuits de distribution.

5Dans un second temps, nous actualiserons le déploiement de l’emploi des étrangers dans le secteur arboricole, par une double analyse qualitative et quantitative de l’introduction de contrats de saison par l’OFII, et du détachement en contrat de mission dans les exploitations fruitières des Bouches-du-Rhône. Nous verrons que l’emploi arboricole, annuellement pourvu par des saisonniers intra et extracommunautaires originaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest, mais aussi d’Amérique latine, repose sur l’intensification du travail, la hausse de la productivité et la baisse de la conflictualité. L’analyse proposée montre que les ajustements politico-économiques s’opèrent sur les différentiels des coûts et des droits du travail, pour rééquilibrer la distorsion concurrentielle des coûts de production dans le bassin méditerranéen.

6Lorsque l’on traite de l’intérim, on y associe immédiatement le terme de flexibilité, voire de précarité statutaire et d’incertitude (Lacroux, 2008 : 59), mais aussi d’inégalités en matière d’emploi, de rémunération et de conditions de travail. À ce titre, les travailleurs étrangers OFII embauchés sur des contrats à terme (deux à six mois) ou « détachés » en contrat sans terme par des prestataires européens sont doublement discriminés en regard des ressortissants nationaux, dans les pays de recrutement et dans ceux de mise à disposition. In fine, l’emploi saisonnier et temporaire en arboriculture fonctionne en marge de la légalité et accumule les illégalismes, en matière de droits sociaux et économiques des travailleurs introduits et détachés.

La performance et la compétitivité de l’arboriculture en Crau

7Basée sur l’imbrication de la cellule domestique et de l’unité de production agricole, l’agriculture familiale « mobilise conjointement les trois facteurs primaires nécessaires à la production : le travail, le capital d’exploitation et le foncier » (Courleux et al., 2017 : 88). Pour autant, est-ce que l’entreprise familiale est plus performante que les autres formes sociétaires en raison de ses particularités qui sont : le « contrôle du capital par la famille », la « participation active dans la gestion de l’entreprise », mais aussi « la transmission ou la volonté de transmettre à la génération suivante » (Bughin et Colot, 2008 : 2) ? Cette question sera posée à travers l’analyse de deux biographies idéal-typiques, qui documentent le développement et les mutations de la filière arboricole dans la plaine de la plaine de la Crau.

Le familiarisme dans l’arboriculture cravenque

8La première tentative de mise en valeur de 5 000 hectares de terrains en basse Crau initiée par le Gouvernement de Vichy avait pour objectif d’affirmer le rôle « nourricier » du pays et de réaliser « l’équipement agricole de territoires susceptibles de devenir très productifs » (Giandou, 2000 : 3). Cinquante ans plus tard, les agriculteurs souvent originaires de la Drôme ont réalisé la mise en culture des espaces de Coussouls, en créant de grands domaines arboricoles contigus qui ont fortement modifié la physionomie de l’ancien lit de la Durance.

9Sur les 800 entreprises ayant pour activité la « Culture de fruits à pépins et à noyau » dans le département des Bouches-du-Rhône, vingt-cinq sont spécialisées en pêches, nectarines et abricots et implantées en Crau. En général, supérieures à soixante-quinze hectares, les surfaces du verger représentent localement 4 700 hectares cultivés (Wolff et al., 2015).

Carte 1 : Localisation du bassin arboricole de la Crau

Carte 1 : Localisation du bassin arboricole de la Crau

Source : Géoportail : Registre parcellaire graphique, 2019.

10Les deux récits biographiques collectés en 2008 et en 2014 permettent de saisir deux modalités distinctes d’installation en arboriculture : l’une à petite échelle sur des surfaces achetées et louées entre 1960 et 1987, l’autre dans une logique d’agrandissement, de concentration et d’intensification productive (1980-2018). J’ai d’abord interviewé Guy B., dont je louais l’ancienne bergerie depuis quinze ans, afin de retracer son parcours d’installation progressive, dans un contexte de diversification (arboriculture, maraîchage, horticulture, et même riziculture dans le sud-ouest de la Crau) et grâce aux facilités de crédit accordées par les banques dans les années 1960 (Beltrando, 2015).

11C’est sa femme, buraliste, qui l’a nourri entre 1954 et 1974, pendant qu’il travaillait aux champs et achetait quelques terres. Quand sa fille s’est mariée, ils ont commencé à travailler ensemble treize hectares de terre loués et dix hectares en propriété :

« Chaque hiver, ce que je gagnais, je le dépensais pour remettre les terres en état, les nettoyer. C’était un sacrifice. La première année, j’y cultivais des tomates, la deuxième des melons et tout autour je plantais en poiriers, pommiers, en pêchers. Puis, on a fait plus que les fruits, on a planté 1 500 pieds d’oliviers dans la colline et j’avais aussi 800 pêchers (Springtime et Franciscan) qui donnaient de juillet à fin août. » (Entretien avec Guy B., à son domicile, 13 mars 2008)

  • 5 Entretien avec Antoine R., domicile de l’auteure, 17 juillet 2014.

12La mutualisation de l’investissement foncier, matériel et de la force de travail a permis à la famille d’atteindre une bonne rentabilité de la production, vendue en circuit court sur les marchés de proximité : « J’ai bien gagné ma vie en faisant le marché. Mes petits étaient heureux, on partageait tout, les revenus et les frais »5. Le foncier et le matériel étaient mutualisés avec sa fille et son gendre :

« On a acheté la calibreuse pour les pêches et une pour les abricots. On était équipé avec des échelles à six barreaux, des sécateurs à compresseur, un tracteur avec remorque, un atomiseur de 1 000 litres et un girobroyeur qui nous faisait la fumure []. Plus tard, dans les années 1975, on a acheté un frigo de quarante tonnes, parce que les fruits, sinon on ne peut pas les travailler. » (Entretien avec Guy B., op. cit.)

  • 6 Entretien avec Antoine R., op. cit.
  • 7 Le couple a transmis de son vivant les vergers de fruits et d’oliviers et les biens à leur fille et (...)

13Dans le même temps, le mouvement d’extension des surfaces arboricoles s’est accéléré dans les plaines du Gard et de la Crau dans les années 1980, marqué par une forte rupture technique, par l’apparition de nouvelles dynamiques socioprofessionnelles et par la création de grandes exploitations qui cherchaient « à élargir leur calendrier de production » (Lamine et al., 2015 : 9). L’agriculteur décrit l’âpre concurrence avec les voisins du Gard en reconversion, installés sur de très grandes surfaces : « Les dernières années, je faisais le marché, c’était déjà dur. Quand je venais avec 250 à 300 plateaux, les gens du Gard arrivaient avec 1 200, jusqu’à 2 000. Ils ne vendaient pas, ils bradaient, ça a été fini »6 . Alors il a été soulagé de partir à la retraite en 1987, avec la rente modeste d’une vie de labeur : 470 euros par mois de l’agricole, 500 euros par trimestre de la commerciale et 130 euros tous les trimestres de la complémentaire artisanale7.

  • 8 Entretien avec Antoine R., op. cit.

14Le deuxième récit retrace l’épopée d’une des familles d’agriculteurs installées sur de grandes surfaces arboricoles qui ont fortement modifié la physionomie de la plaine de la Crau (Wolff et al., 2015 : 9). J’ai rencontré fortuitement Antoine R. en 2014 dans un bar de village des Alpilles, intrigué par l’intérêt que je portais aux saisonniers étrangers dans le secteur agricole. Soucieux d’inscrire son récit familial dans une « lignée » d’agriculteurs, il dépeint la vie de labeur de ses parents installés sur seize hectares en Drôme, héritage dont personne ne voulait sauf son frère qui « voulait faire paysan dès tout petit ». Enclavés et étouffés dans des petites fermes de quinze hectares « les jeunes sont partis vivre ailleurs, vers des espaces vierges ». Le déclic de l’exode a été selon lui l’arrivée des rapatriés d’Algérie, qui « rayonnaient plus large avec d’autres techniques et d’autres ambitions »8.

  • 9 Entretien avec Antoine R., op. cit.

15Expert international en semence pour de grands groupes (Sigma, Verneuil), Antoine R. est fier de raconter en détail l’ascension professionnelle de son frère, arboriculteur charismatique qui « impose le respect dans la profession ». Pour lui permettre de s’installer sans apport à la fin des années 1970, la banque a prêté à son frère et à sa belle-sœur une grosse somme afin qu’ils mettent en culture 160 hectares de pêchers. Installé en caravane, le couple a « vécu pendant cinq ans à travailler comme des dingues, à trembler pour rembourser leur prêt. La première récolte correcte s’est produite la quatrième année et l’année suivante, ils étaient à 100 % de production »9.

16Ce second cas d’étude est hybride, entre l’exploitation familiale et la firme, si l’on considère la capacité d’innovation, la gestion de la main-d’œuvre et son degré d’insertion dans le territoire (Nguyen et Purseigle, 2012 : 104). L’arboriculteur s’est progressivement diversifié en créant un groupement foncier agricole, suivi de deux exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) en « culture de fruits à pépins et à noyau » et en « culture de céréales, légumineuses et graines oléagineuses ». Revendiquant sur son site l’ancrage dans un « terroir local », le gérant produit trois marques de pêches, une qualité précoce de mi-mai à début septembre (900 tonnes) et les autres de juin à septembre (entre 9 000 à 11 000 tonnes suivant les années). Les variétés de pêches échelonnées en maturité se succèdent dans le temps pour approvisionner en continu les circuits de la grande distribution et de l’export (Lamine et al., 2015 : 11).

17Devenir agriculteur, c’est d’abord « hériter d’un patrimoine, d’un métier, d’un éthos entrepreneurial, au sein de familles agricoles » (Bessière et al., 2014 : 15). C’est aussi développer une « stratégie de spéciation des actifs au sein d’un territoire » au sein de relations interpersonnelles enchâssées dans un territoire (Pecqueur et Granovetter, cité par Verbeck et al., 2011 : 377). Ici, la succession est assurée puisque tous les enfants du couple sont à la tête d’EARL, de sociétés civiles immobilières et d’une société civile d’exploitation agricole. Le statut juridique de l’EARL organise une séparation claire entre les biens personnels et le capital de la société, et favorise la transmission grâce à la cession de parts sociales. En complément, les sociétés civiles immobilières permettent de détenir et gérer en famille les biens fonciers et bâtis, afin de valoriser les actifs et réunir les intérêts de tous au profit de chaque membre. Les formes et les statuts sociétaires sont là pour aider à protéger et transmettre le patrimoine personnel (Rémy, 2011 : 172).

  • 10 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 313, juillet-août 2014, p. 13.

18Assurément, l’exploitation de type « sociétaire » capitalistique est animée par une logique patrimoniale (Nguyen et Purseigle, 2012 : 105) : en l’espèce, ascendants et descendants exploitent 380 hectares de vergers (pêches, nectarines, abricots) auxquels s’ajoutent 220 hectares (dont 200 de pêches plates) et produisent également 1 000 tonnes d’abricots, dont la famille maîtrise entièrement la commercialisation10. Ces arboriculteurs qui produisaient en Crau ont d’abord transporté, trié et conditionné les produits agricoles dans la Drôme avant de monter des stations locales. Tel est le cas de l’exploitation familiale qui possède sa propre station d’emballage de 10 000 mètres carrés. Désormais, la démarche commerciale est complètement intégrée, du conditionnement à l’expédition. 30 % de la production du domaine familial est exportée vers l’Allemagne, la Suisse et la Belgique. Les canaux de distribution de la production relèvent essentiellement des grandes et moyennes surfaces (71 % pour la qualité précoce et 76 % pour les autres variétés), des grossistes (27 % et 15 %) et des discounters (1 % et 8 %).

19Instruite par de longs échanges nourris depuis trente ans avec les paysans locaux de mon village, j’ai réalisé et retranscrit deux récits biographiques qui illustrent le passage d’une agriculture bâtie sur l’entraide familiale ou villageoise (régulière ou occasionnelle), à celle basée sur des co-associés (ascendants et descendants) qui apportent une « réponse ponctuelle et compatible avec le maintien du leadership familial » (Legagneux et Olivier-Salvagnac, 2017). Les interactions entre les dirigeants membres de la famille combinent à la fois la confiance, la mutualisation et l’économie d’échelle, mais aussi celles inhérentes à l’environnement socio-économique (les relations d’échange avec les clients, les fournisseurs, les partenaires financiers et les travailleurs) (Arrègle et al., 2004 : 14). Plusieurs formes de proximités — interpersonnelle, géographique, organisationnelle — favorisent ici la coopération intrafamiliale et interentreprises, en maximisant l’investissement et en mutualisant la force de travail.

Concurrence loyale ou faussée dans la filière de la pêche

  • 11 FranceAgriMer (2021) La pêche et la nectarine en 2020, Bilan de campagne, sources Eurostat et SSP A (...)
  • 12 Agreste PACA (2018) Étude n° 101, Département des Bouches-du-Rhône, novembre, p. 4.
  • 13 Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (2019) Agreste, Insee, Compt (...)

20En 2019, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui produit 58 534 tonnes de pêches11 et nectarines est la deuxième région productrice de France, derrière l’Occitanie (94 892 tonnes). Le département des Bouches-du-Rhône est le premier producteur national de pêches, avec 800 hectares cultivés et 25 874 tonnes récoltées en 201912, pour un secteur des fruits qui pèse 310 millions d’euros (hors subvention)13.

  • 14 FranceAgriMer, op. cit., p. 3.
  • 15 FranceAgriMer, op. cit.

21Au niveau européen, la France est le quatrième pays producteur de pêches et nectarines en 2019 avec 210 000 tonnes, derrière l’Espagne, suivie de l’Italie et de la Grèce14. Si l’on considère les échanges au sein de l’UE, le pays exporte sa production principalement en Suisse, en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et au Royaume-Uni, tandis qu’il importe d’importants volumes en provenance d’Espagne (147 965 tonnes), du Maroc (2 041 tonnes) et d’Italie (2 025 tonnes)15. L’examen des échanges commerciaux fait apparaître l’important déficit entre les exportations françaises et les importations des pêches espagnoles, qui atteint le solde négatif de -144 334 tonnes en 2019 (Cf. Graphique 1).

Graphique 1 : Commerce extérieur de la pêche (y compris nectarine et brugnon) en 2019 (en tonnes)

Graphique 1 : Commerce extérieur de la pêche (y compris nectarine et brugnon) en 2019 (en tonnes)
  • 16 Les graphiques et le tableau de cet article ont été réalisés par Béatrice Mésini.

Source : Commerce extérieur de la France en 2019, Douanes françaises, établi au 1er sept. 2020 (Agreste, 2020 : 3)16.

  • 17 Entretien avec Antoine R., op. cit.

22Sur le plan national et local, l’entrée de l’Espagne dans le marché commun en 1986 a aggravé la concurrence, car les producteurs ont été confrontés à l’afflux de ces fruits importés (Lamine et al., 2015 : 9). Le système est tellement aberrant que certains producteurs se demandent s’il ne vaut pas mieux aller chercher des pêches en Espagne et les « franciser » en les transformant dans l’hexagone, confie Antoine R. : « Un certain nombre d’agriculteurs s’est vraiment battu contre les importations de produits espagnols destinés à la francisation et a contre-attaqué en prévenant les services des fraudes qui n’ont rien fait »17. L’échec de son intercession auprès des services dédiés incarne à ses yeux « la déroute du système ».

23En outre, il témoigne de l’amélioration continue des fruits par les producteurs, à l’instar de son frère qui se rend régulièrement en Espagne pour financer les tests, effectuer la sélection variétale et créer de la valeur sur le produit :

  • 18 De soixante-et-un à soixante-sept millimètres de diamètre.

« Au niveau technique, c’est incroyable, ils ne vendent pas des pêches, mais des parfums ! Il faut obligatoirement qu’il n’y ait aucun défaut, qu’elles soient rouges, sucrées, de gros calibre, car à partir du calibre B18, ils ne réalisent pas de marge, ils se retrouvent en concurrence avec l’Espagne et sont morts dans l’année. » (Entretien avec Antoine R., domicile de l’auteure, 17 juillet 2014)

  • 19 Les normes de qualité spécifiques définissent pour les fruits un classement en trois catégories : e (...)
  • 20 Entretien avec Antoine R., op. cit.

24Par ailleurs, le technicien met en cause la standardisation du fruit de catégorie I19, qui écarte lors du conditionnement « entre 15 et 25 % des volumes récoltés afin de mettre le produit en conformité avec les standards clients... ». Cela contribue au gâchis qu’il déplore : « pour les pêches, il faut compter 20 à 30 % de déchets épandus dans les champs qui ne sont même pas reconditionnés, car le marché est complètement saturé »20. Au demeurant, la famille vend désormais directement ces fruits transformés à la propriété.

  • 21 Lors de la diffusion des prévisions de récolte 2018 à Alcarras (Lérida). Éric Hostalnou (2019) Eu (...)

25D’un point de vue économique, la vigueur de la filière pêche-nectarine espagnole réside d’abord dans la croissance des volumes produits et dans la diversité saisonnière de variétés précoces mieux positionnées sur les marchés à l’export que ses concurrents. L’autre point fort de la production ibérique est la « compétitivité de ses faibles coûts de main-d’œuvre », confirme le président de l’AOP « Pêches et abricots », ainsi que la forte intensification, voire une « industrialisation au verger et en station de conditionnement »21. À titre indicatif, le salaire minimum s’élève à 858,55 euros mensuels en Espagne contre 1498,47 euros en France en 2018.

26Les exploitations arboricoles de la Crau mobilisent des ressources naturelles (foncières, climatiques, hydriques), du capital fixe (financier, comptable et technique), mais aussi du capital variable pour l’achat de la force de travail. Pour résister à la concurrence, c’est précisément sur les gains d’intensification productive (mise en concurrence des équipes) et de diminution du coût du capital humain, que prospère l’emploi des étrangers dans le secteur arboricole.

Des marchés différenciés de mains-d’œuvre extra et intracommunautaires

27L’ouverture renforcée du marché européen à la circulation des services dès 2006 a conduit à la diversification du recrutement des travailleurs étrangers via les ETT européennes qui mettent à disposition des exploitations agricoles des travailleurs originaires d’Amérique latine et d’Afrique du Nord et de l’Ouest, dans le sud de la France (Mésini, 2013 ; Décosse et Desalvo, 2017).

Déploiement du capital variable dans les exploitations arboricoles

  • 22 Art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

28Après la fermeture des frontières à l’immigration de travail en 1974, les exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône ont embauché, en moyenne, 4 000 ouvriers agricoles marocains et tunisiens introduits annuellement par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sur des contrats de deux à huit mois (Mésini, 2008 ; Décosse, 2011). La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a introduit de nouvelles dispositions pour les saisonniers agricoles. Une carte de séjour temporaire renouvelable portant la mention « travailleur saisonnier » est créée, accordée pour une durée maximale de trois ans et pour une saison n’excédant pas six mois sur douze consécutifs22.

29Dans les années 1970, sur les parcelles de Guy B. le travail était effectué collectivement à plein temps pour des travailleuses occasionnelles en contrat à durée déterminée et par des salariés en contrats OMI :

« J’avais deux Marocains à partir du mois de mars et trois femmes du village qui travaillaient avec nous, le matin on ramassait, l’après-midi on emballait. J’ai toujours beaucoup travaillé, dimanche et jour de fête. » (Entretien avec Guy B., op. cit.)

30Ce modèle de petite exploitation familiale agricole, économe en surface et rentabilisée grâce au travail familial, survit grâce à l’installation progressive de jeunes agriculteurs, arboriculteurs et éleveurs entre Alpilles et Crau.

  • 23 Dossier Pêche. Filière française : que faire d’un échec ?, Végétable. L’écho de la planète fruits e (...)

31À une autre échelle, le gérant du grand domaine étudié en Crau est un acteur économique de premier plan, qui emploie localement jusqu’à 260 personnes en haute saison, dont 130 en station de conditionnement. Interviewé par la presse spécialisée, l’exploitant explique pourquoi la prestation de service réduit le travail administratif et l’incertitude pour les producteurs : « les Marocains sont désormais rejoints par les Équatoriens, les Colombiens, les Roumains, les Polonais... mis à̀ disposition par des sociétés qui en font profession et qui enlèvent au producteur la préoccupation du recrutement, des feuilles de paie et le fardeau d’être employeur dans un pays où cette situation est chaque jour juridiquement plus risquée »23. Comme on le voit, progressivement s’est mis en place un processus de déconnexion salaire/productivité et de remplacement des postes à plein temps par des emplois saisonniers (Cochet, 2017).

  • 24 Coralie Bonnefoy (2020) La pénurie de main-d’œuvre menace la récolte des fruits d’été, La Croix, (...)
  • 25 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 322, op. cit., p. 32.

32La centralité des étrangers dans le modèle d’emploi tient tout à la fois à ce que les employeurs perçoivent comme leur polyvalence, à leur endurance et à leur totale autonomie dans les tâches. Sur la même commune de Saint-Martin-de-Crau, un arboriculteur qui produit et conditionne 1 500 tonnes de pêches et 300 d’abricots, emploie une cinquantaine de saisonniers étrangers dans les champs, et une quarantaine à l’emballage qui reviennent d’une année sur l’autre : « C’est réglé comme ça depuis des lustres. Ce sont des gens en autonomie. Je ne suis pas sur leur dos et je leur demande d’être efficients »24. En outre, la main-d’œuvre embauchée est « détentrice d’un savoir-faire agricole qui ne se trouve pas au pôle emploi », justifiant aux yeux des entreprises utilisatrices que « l’emploi des étrangers soit devenu la règle en verger »25.

33La main-d’œuvre introduite en contrats OMI/OFII entre 2006 et 2019 dans les trois EARL du domaine étudié est quasi exclusivement marocaine et masculine, à l’exception de douze salariés originaires de Roumanie embauchés en 2009 — relevons aussi l’introduction notoire de sept femmes. Le frère d’Antoine R. a d’ailleurs été le premier à embaucher les femmes roumaines (en contrats OFII) et sud-américaines (détachées par les ETT).

Graphique 2 : Nombre de contrats OFII selon le pays d’origine des travailleurs dans les trois EARL du domaine étudié (2008-2019)

Graphique 2 : Nombre de contrats OFII selon le pays d’origine des travailleurs dans les trois EARL du domaine étudié (2008-2019)

Source : Base de données fournie par le Service des études du rapport et des statistiques de l’OFII, 2019.

34Le graphique 2 confirme le reflux inégal à partir de 2007 (EARL A et B) et de 2009 (EARL C) du recrutement en contrats OFII dans les exploitations, avec le maintien d’un volet restreint de saisonniers maghrébins sur les exploitations familiales. Fait nouveau, les données augurent d’une reprise des contrats en 2018-2019, pouvant s’expliquer par la multiplication des enquêtes et des procédures diligentées à l’encontre des ETT et des entreprises utilisatrices.

35Plusieurs faits ont contribué à un processus de substitution entre mains-d’œuvre en contrat OFII et celle en détachement ETT (Mésini, 2014) : le premier est la grève en juillet 2005 de 240 travailleurs saisonniers marocains et tunisiens chez un important producteur de pêches en Crau (1 700 hectares, soit 11 % du marché national), pour obtenir le paiement de leurs heures supplémentaires et des logements décents (Décosse, 2011). Le deuxième critère est la réduction de l’incertitude, en raison du caractère ultra-flexible du contrat de mission, conclu de gré à gré et au jour le jour par les entreprises contractantes. Le dernier tient à l’accroissement des prix fluctuants des matières premières et des intrants, qui justifie de réduire le coût des effectifs de travail, tout en intensifiant la productivité par la mise en concurrence des équipes.

  • 26 Art. L. 1262-2 : une entreprise de travail temporaire régulièrement établie à l’étranger peut déta (...)
  • 27 Base de données fournie à Frédéric Décosse (CNRS) par le Service des études du rapport et des stati (...)

36Concernant le détachement, différentes formes de prestations sont prévues en droit français : l’exécution d’une prestation de services, la mobilité intragroupe, la réalisation d’une opération pour son propre compte et la mise à disposition de salariés au titre du travail temporaire26 qui nous intéresse. En 2018, les saisonniers en contrats OFII ne sont plus que 2 057 dans le département des Bouches-du-Rhône, pour partie remplacés par 4 219 travailleurs intérimaires détachés par des ETT immatriculées en Espagne, et dans une moindre mesure en Roumanie en 201827. L’emploi de travailleurs temporaires en contrats de mission permet aux entreprises utilisatrices françaises d’externaliser entièrement la gestion d’une partie de la force de travail, mais aussi d’alléger les contraintes administratives puisqu’elles n’ont plus à s’occuper des fiches et paiements de salaires, ni du transport, ni des besoins alimentaires et médicaux des travailleurs.

37Au niveau national, le recours au travail détaché est le plus intense dans l’agriculture, spécialement en Provence-Alpes-Côte d’Azur où le taux de recours atteint 9,7 % (Boughazi et Parent, 2021 : 3). Les données concernant la mise à disposition d’intérimaires « missionnés » dans le secteur agricole du département concernent à la fois le détachement dans les multitravaux agricoles, mais aussi dans des services inscrits dans le prolongement de l’activité : la pose de serre, la réhabilitation de locaux, la fourniture de machine, la fabrique de structure métallique, les travaux de plomberie et de chauffage, de transport, etc. Après avoir recherché l’objet des sociétés immatriculées en Espagne, nous en avons écarté quatorze sur les trente-trois recensées en 2017 et seize sur les trente-et-une comptabilisées en 2018, pour ne garder que celles qui font du prêt de main-d’œuvre. Les volumes d’emploi, en nombre de salariés et en contrats, progressent faiblement en 2017 et 2018, comme l’indique le graphique 3.

Graphique 3 : Répartition du nombre de salariés détachés et de contrats par les ETT espagnoles dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône, 2017 et 2018

Graphique 3 : Répartition du nombre de salariés détachés et de contrats par les ETT espagnoles dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône, 2017 et 2018

Source : Données transmises par la DIRECCTE, 1er août 2019.

  • 28 Real Decreto Legislativo 1/2010, du 2 juillet.
  • 29 Sociedad limitada unipersonales.
  • 30 Sociedad de responsabilidad limitada et sociedad limitada.

38Encadré par la loi espagnole régissant les sociétés de capitaux28, le régime juridique de ces sociétés commerciales de travail temporaire se caractérise avant tout par sa souplesse, car il admet peu de règles impératives et qu’il accorde une place centrale à la volonté des parties dans les statuts. Diverses formes sociétaires sont recensées dans la liste des ETT espagnoles qui détachent la main-d’œuvre dans les Bouches-du-Rhône (Cf. Tableau 1), soit unipersonnelles (S.L.U.)29, soit composées de plusieurs associés, sous forme de sociétés à responsabilité limitée S.R.L. ou S.L.30. Le tableau 1 montre l’important différentiel des effectifs détachés dans le département des Bouches-du-Rhône par les ETT espagnoles déclarant plus de 100 intérimaires : de plusieurs milliers pour la plus ancienne qui dispose d’une importante flotte de bus pour assurer le transport de milliers d’intérimaires dans le Sud de la France, à quelques centaines pour les autres plus récemment créés.

Tableau 1 : Nombre (sup. à 100) de déclarations de détachement et de salariés détachés par les ETT espagnoles (2018)

Tableau 1 : Nombre (sup. à 100) de déclarations de détachement et de salariés détachés par les ETT espagnoles (2018)

Source : Données transmises par la DIRECCTE, 1er août 2019.

39Par ailleurs, on observe un réel turn-over parmi ces ETT puisque sept font leur apparition en 2018 dans les Bouches-du-Rhône, alors que trois d’entre elles ont disparu, dont deux immatriculées en Espagne et une en Roumanie. Le détachement des travailleurs roumains peut surprendre, car depuis la fin des mesures transitoires en France au 1er janvier 2014, ils peuvent être employés librement sans quelconque autorisation de travail ni titre de séjour. Embauchés dans les travaux de taille, dans la viticulture et les récoltes, ces ressortissants roumains payés à la tâche enchainent de nombreux contrats courts, sept en moyenne à l’année, alors qu’au niveau national, un saisonnier agricole en réalise 1,7 en moyenne dans le secteur (Limon, 2019).

40Enfin, une dernière évolution marquée concerne la nationalité des travailleurs mis à disposition par les prestataires espagnols. Initialement quasi exclusivement d’origine latino-américaine (équatorienne, colombienne, bolivienne et péruvienne) lors des premières observations conduites depuis 2004, la main-d’œuvre détachée d’Espagne est à présent d’origine africaine (Maroc, Algérie, Sénégal, Mali, Guinée, Gambie) et roumaine, comme l’illustrent les données statistiques de 2018 (Cf. Graphique 4).

Graphique 4 : Nombre mensuel de travailleurs détachés dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône selon leur pays d’origine en 2018

Graphique 4 : Nombre mensuel de travailleurs détachés dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône selon leur pays d’origine en 2018

Source : Données transmises par l’inspection du travail PACA, 1er août 2019.

41L’analyse statistique signale les importantes variations mensuelles de l’activité agricole et la forte amplitude du nombre de salariés détachés, qui s’étend de 900 à 2 900 lors des pics de récolte de mai à septembre dans le département des Bouches-du-Rhône en 2018. Étonnamment, l’histogramme empilé des nationalités des travailleurs détachés d’Espagne traduit une relation de proportionnalité, puisque la quote-part de chacune varie mensuellement dans les mêmes proportions, sauf pour les intérimaires roumains légèrement surreprésentés en février, mars et septembre, lors des opérations de taille et des vendanges. Fait notoire, le traitement quantitatif signale aussi l’émergence de l’arrivée des travailleurs indiens dans les nouvelles recrues.

42Certains ressortissants espagnols ou des étrangers naturalisés optent pour l’intérim transnational, quand d’autres se sont installés en famille dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Gard (Castracani et al., 2021), notamment après la crise économique de 2008 caractérisée en Espagne par un fort chômage des étrangers, soit 36 % (Pellistrandi, 2015). La procédure de naturalisation a été plébiscitée par les immigrés originaires des anciennes colonies espagnoles, autorisés à faire la demande après deux ans d’inscription au registre civil municipal (padrón), alors que les ressortissants nord et ouest-africains doivent justifier de dix ans d’inscription.

  • 31 La sharka ou Plum pox virus est une maladie virale transmise par le puceron, dévastatrice du genre (...)

43La juxtaposition des mains-d’œuvre étrangères permet tout à la fois l’intensification et la spécialisation du travail productif en agriculture. Lors de notre entrevue, Antoine R. est embauché sur l’exploitation de son frère pour effectuer la surveillance des parasites, dont la détection de la sharka31. Cette veille sanitaire consiste à contrôler et numéroter près de 600 arbres par hectare. Pour ce faire, il dirige quatre Roumaines et deux Latino-Américaines auxquelles il prête des qualités distinctives :

« Je leur parle français avec beaucoup de gestes, mais je ne veux plus d’Équatoriennes à cause de cette barrière de la langue. Le vocabulaire est trop technique, il y a trop de nuances []. Les Roumaines en revanche sont allées à l’école, elles sont bien soignées et ça fonctionne []. Ce ne sont pas des ouvrières agricoles, ce sont des universitaires ! Elles deviennent même contrôleuses. » (Entretien avec Antoine R., op. cit.)

44Questionné sur la spécialisation féminine qui opère au cœur du système productif (Hellio et Moreno, 2018), le technicien agricole juge que ce n’est pas une question de genre, mais d’une capacité d’attention et de formation. Paradoxalement, aucun coefficient de qualification n’est reconnu à ces travailleuses détachées en charge du travail de prophylaxie dans les vergers, en lieu et place des organismes dédiés. Outre l’externalisation du management administratif et logistique, Antoine R. se réjouit de la baisse de la conflictualité avec les organismes et services de contrôle :

« Les agriculteurs sont à flux tendus et ont peur. Ils n’ont même plus l’envie, ils sont fatigués, ils sont en conflit permanent avec la Mutualité sociale agricole, doivent faire face aux procédures de licenciement, etc. De ce fait, ils n’ont recours qu’à l’intérim. Cela leur coûte légèrement plus cher, mais il y a moins de procédures. » (Entretien avec Antoine R., op. cit.)

  • 32 Le label de GlobalGap comprend : les bonnes pratiques agricoles, la traçabilité, l’analyse et la ma (...)
  • 33 Maintien de la biodiversité dans les vergers, limitation du recours aux produits de synthèse, limit (...)
  • 34 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 356 supp., juin 2018, p. 3.
  • 35 Cf. https://www.vergers-ecoresponsables.fr/fr/

45Son frère, qui produit en certification GlobalGap®32, a également adhéré à la démarche « Vergers écoresponsables »33, deux labels promus par le ministère de l’Agriculture comme de « véritables atouts concurrentiels »34. Outre la certification qualitative et gustative des produits commercialisés, les droits sociaux y sont l’objet d’une attention particulière : « un verger écoresponsable est une exploitation où les hommes et les femmes qui y travaillent sont respectés. Les fruits sont cueillis à la main par des salariés qualifiés qui bénéficient de la protection sociale relevant du droit français »35. Pourtant, rien n’est moins sûr.

Dévoiement des contrats saisonniers et détachés des travailleurs étrangers

  • 36 Légifrance, pourvoi n° 13-21525 du 30 septembre 2014 et pourvois n° 13-27592, n° 13-27593, n° 13-27 (...)
  • 37 Due aux salariés en CDI et en CDD, après trois ans de présence effective sur l’exploitation, selon (...)

46La superposition de statuts d’emploi des étrangers, introduits dans l’agriculture à l’initiative de l’État français via l’OFII ou détachés par des gérants espagnols (socios comerciales), rappelle la distinction wébérienne entre travail servile et libre (Coutu, 2021). Six saisonniers marocains du domaine familial ont ainsi fait valoir devant les tribunaux que sous couvert de contrats OFII, « ils avaient en réalité durablement occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise sur des périodes annuelles de huit mois, avec des carrières exceptionnellement longues de quinze à trente ans », pour le plus ancien embauché depuis 197936. Déboutés du paiement de la prime d’ancienneté37 et de la requalification des contrats à durée indéterminée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ils se sont pourvus en cassation.

  • 38 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, pourvoi n° 13-21.525 du 30 septembre 2014 et pourvois d (...)
  • 39 La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration.

47Les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation ont reconnu le caractère discriminatoire du « détournement de l’objet des contrats OMI » et ont requis la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en rappelant « qu’il est constant qu’un contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise […] et que la prolongation réitérée des contrats sur une aussi longue période démontrait incontestablement que le recours à la main-d’œuvre correspondait à un emploi permanent relevant de l’activité durable de l’entreprise »38. Paradoxalement, cette succession ininterrompue de contrats chez les mêmes employeurs rend compte des « compétences » et « talents » de ces ouvriers marocains nominativement réintroduits huit mois par an jusqu’en 2006, date de la carte pluriannuelle qui limite le contrat de saison à six mois39.

  • 40 Commission nationale de lutte contre le travail illégal (2019) Plan national de lutte contre le tra (...)
  • 41 Comme l’atteste l’arrêté de mise en demeure (de réaliser des travaux de conformité) et de fermeture (...)
  • 42 Mutualité sociale agricole et Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’alloca (...)

48En contrechamp des infractions commises par l’arboriculteur de la Crau à l’encontre de la main-d’œuvre en contrat OFII, de nombreuses incriminations visent les ETT espagnoles. De fait, les travailleurs détachés sont des « victimes collatérales d’entreprises véreuses soucieuses d’optimiser leurs profits au détriment du respect des normes sociales fondamentales » (Morsa, 2016 : 85). Premier prestataire dans le département des Bouches-du-Rhône depuis 2002 avec plus de 6 000 salariés détachés en saison haute, l’ETT Terra Fecundis (ETT-TF) a fait l’objet de plusieurs procédures en France40 pour « emploi d’étrangers sans titre de travail », « travail dissimulé de salariés en bande organisée » (2014), « homicide involontaire », « fraude fiscale à la TVA et à l’impôt sur les sociétés » et « d’hébergement indigne »41. Cette entreprise menant la quasi-totalité de son activité d’intérim en France, il manque « plus de 100 millions d’euros de cotisations aux organismes de recouvrement »42 pour la période de prévention 2011-2015.

  • 43 Xavier Léonetti (Notes tapuscrites du procès de l’ETT-TF prises par l’auteure, tribunal de commerce (...)
  • 44 Qui a pour effet de causer un préjudice au salarié, de contourner les règles du Code du travail ou (...)

49Le procès qui s’est tenu du 17 au 21 mai 2021 devant le tribunal de commerce de Marseille, a mis au jour des pratiques contra legem de l’ETT-TF tant dans le pays d’établissement et de recrutement (Espagne), que dans le pays de mise à disposition (France). À cet égard, le réquisitoire du procureur de la République est sans appel : « Hannah Arendt aurait parlé de “banalité de la fraude”, moi je vais parler “d’industrialisation de la fraude” […]. L’entreprise, championne du travail détaché agricole, est un “passager clandestin de l’économie européenne” qui profite de la liberté de concurrence pour jouer sur la réglementation applicable et faire des économies »43. Reconnus coupables d’infractions de travail dissimulé (par dissimulation d’activités et de salariés), de marchandage de main-d’œuvre44, avec la circonstance « de faits commis en bande organisée », les logisticiens français et les prestataires espagnols qui tous ont été condamnés à des amendes et à des peines de prison avec sursis, ont fait appel du jugement.

Conclusion

50Sous couvert de liberté d’établissement et de libre prestation de service, la mise à disposition de travailleurs détachés dans les secteurs arboricole, agricole et viticole permet aux employeurs (donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage) de composer avec des différentiels de droits socio-économiques entre les différents pays européens. Dans un contexte de libéralisation des marchés agricoles et d’écart accru de compétitivité entre pays producteurs méditerranéens (sociale, économique, fiscale, environnementale, etc.), l’emploi des étrangers est devenu la variable d’ajustement des coûts de production, dans d’un système concurrentiel à flux tendus d’approvisionnement des marchés européens en fruits et en légumes.

  • 45 Par exemple, la sous-déclaration du nombre de jours travaillés sur le contrat de travail.

51Plus de vingt ans après son adoption, force est de constater que la directive de 1996 n’est pas parvenue à offrir « un niveau élevé de protection » aux travailleurs détachés, jugés à l’époque vulnérables en raison de leur envoi dans un pays étranger, de la « difficulté à être convenablement représentés » et d’une « connaissance insuffisante de la législation, des institutions et de la langue du pays ». D’un côté, les prestataires étrangers se prévalent de l’application du droit espagnol pour contrevenir aux droits des salariés dans les deux pays (d’établissement45 et de mise à disposition), de l’autre, les entreprises utilisatrices françaises se défaussent de toute responsabilité à l’égard des infractions commises, au motif d’une absence de subordination et de responsabilité, dans la relation de travail.

  • 46 Directive UE 2018/957 du Parlement européen et du Conseil, adoptée le 28 juillet 2018.

52C’est d’ailleurs sur le fondement d’une « égalité de traitement » qu’est entrée en vigueur la nouvelle directive européenne 2018 sur le détachement de travailleurs applicable en juillet 2020. Le texte prévoit que les États membres « veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises de travail intérimaire et les entreprises utilisatrices garantissent aux travailleurs qui sont détachés sur leur territoire, sur le fondement de l’égalité de traitement, les conditions de travail et d’emploi couvrant les matières fixées par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, des conventions collectives »46.

  • 47 L’article 56 du TFUE dispose que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieu (...)
  • 48 Prism’emploi est une organisation professionnelle patronale qui représente les entreprises et group (...)
  • 49 Maître Margulis Sorin (Notes tapuscrites du procès de l’ETT-TF prises par l’auteure, tribunal de co (...)
  • 50 Deux entreprises ont été récemment condamnées par les juges du tribunal correctionnel d’Avignon : l (...)
  • 51 En ne majorant pas les heures supplémentaires et les jours fériés, en s’abstenant de verser les con (...)

53En contrepoint, l’échec de la « libre prestation de services » est avéré si l’on considère l’objectif promu par les rédacteurs du Traité de fonctionnement de l’UE, de « favoriser une concurrence loyale entre les prestataires tout en soutenant le fonctionnement du marché intérieur »47. En ce sens, la distorsion concurrentielle est explicite pour l’avocat de Prism’emploi48 qui fustige le 20 mai 2021 une « concurrence faussée ainsi qu’un préjudice en termes d’image »49 pour les 600 ETT françaises regroupées dans l’organisme. Les récents jugements rendus à l’encontre des ETT et de leurs dirigeants50 confirment que le détachement de travailleurs n’est pas que l’expression des libertés de prester et de s’établir. Le dispositif a un « but spéculatif » pour les gérants prestataires et utilisateurs, en payant des salaires51, des services, des qualifications et des compétences à des niveaux inférieurs à ceux des ressortissants espagnols et français, en s’exonérant du respect des droits socio-économiques garantis dans les États européens (au travail, à la santé, au chômage, à la retraite, à un logement, à un hébergement décent, etc.).

54De facto, les travailleurs recrutés en contrats de saison et en contrats de mission sont mis à disposition des secteurs agricoles en tension dans l’UE (maraîchage, arboriculture, viticulture, abattoirs, etc.), au moyen de contrats viciés et au prix de manœuvres frauduleuses. Les vulnérabilités sont décuplées sur fond de dépendance aux donneurs d’ordre, aux intermédiaires logisticiens et aux maîtres d’ouvrage, tous dotés des pouvoirs de punition, sanction et révocation.

  • 52 Données transmises par l’inspection du travail PACA, 1er août 2019.
  • 53 Audition de Paul Ramackers, directeur du travail Unité départementale du Gard DIRECCTE Occitanie (N (...)
  • 54 Cf. la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014, la loi relati (...)

55Prenant à contre-pied l’augmentation tendancielle des prestataires européens dans l’agriculture depuis vingt ans, les dernières données du détachement en France montrent que le nombre d’entreprises utilisatrices décroit significativement : passant dans le département des Bouches-du-Rhône de 539 en 2017 à 385 en 201852 et dans celui du Gard de 216 en 2015 à quarante-cinq en 202053. Une première explication tient à la survisibilité médiatique des procès et à l’exemplarité des peines prononcées par les juridictions prud’homales et pénales. Une deuxième relève de la mise en place de lois successives54 préventives et répressives contre le dumping social, la concurrence déloyale et les abus de sous-traitance. Une troisième cause de cette désaffection résulte du renforcement des obligations des entreprises utilisatrices, notamment celles de « vigilance » et « de diligence », ainsi que de l’aggravation des peines en cas d’infraction réitérée ou de délit « commis en bande organisée ». Enfin, une dernière explicitation relève de la stratégie d’information initiée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) du Gard, qui a écrit à toutes les exploitations utilisatrices du département (certaines entreprises agricoles possédant aussi des terres dans les Bouches-du-Rhône), pour les informer du risque pénal encouru si les infractions étaient retenues pour recours sciemment volontaire au « travail dissimulé » et à « l’emploi d’étranger sans titre ». Destiné à éviter les erreurs de droit ou de fait, ce courrier explicatif permet aux autorités administratives et judiciaires de retenir l’intentionnalité de l’acte, qui constitue l’élément moral du délit et engage la responsabilité pénale de son auteur.

Top of page

Bibliography

Agreste Infos Rapides (2020) AgresteConjoncture Fruits, 2020-0123, [en ligne]. URL : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Irafru20123/2020_123inforappeche.pdf

Arrègle Jean-Luc, Durand Rodolphe et Véry Philippe (2004) Origines du capital social et avantages concurrentiels des firmes familiales, M@n@gement, 7 (2), pp. 13-36.

Beltrando Gérard (2017) La plaine de Crau (Ouest de la Provence), Méditerranée, 128, pp. 63-67.

Beltrando Gérard (2015) La plaine de la Crau (ouest de la Provence), un territoire aux enjeux socio-économiques et écologiques en mutation, Cybergeo, 755, [en ligne]. URL : https://journals.openedition.org/cybergeo/27356

Bessière Céline, Bruneau Ivan et Laferté Gilles (2014) Introduction : Les agriculteurs dans la France contemporaine, Sociétés contemporaines, 96 (4), pp. 5-26.

Boughazi Yacine et Parent Gwenn (2021) Qui sont les travailleurs détachés en France ?, Dares Analyses, 34, [en ligne]. URL : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/qui-sont-les-travailleurs-detaches-en-france

Bughin Christiane et Colot Olivier (2008) La performance des PME familiales belges. Une étude empirique, Revue française de gestion, 186 (6), pp. 1-17.

Bune François (1975) Les salariés agricoles étrangers, Économie rurale, 105, pp. 49-50.

Cadiou Christian et Cadiou Kristen (2014) Le modèle entrepreneurial familial durable : Comment devenir hénokienne ?, Revue de l’Entrepreneuriat, 13 (3-4), pp. 51-72.

Castracani Lucio, Décosse Frédéric et Moreno Nieto Juana (2021) Les travailleurs détachés dans l’agriculture provençale, La nouvelle revue du travail, 18, [en ligne] consulté le 06/06/2021. URL : https://journals.openedition.org/nrt/8378

Cloteau Armèle et Louis Julien (2018) Firmes et travailleur·ses dans le jeu politique européen : deux poids pour une mesure, Mouvements, 3 (95), pp. 32-40.

Cochet Hubert (2017) Séparation capital/travail, flexibilité et rémunération des facteurs de production : la fin de l’exploitation agricole familiale, Économie rurale, 357-358, pp. 7-22.

Courleux Frédéric, Dedieu Marie-Sophie, Grandjean Alexis et Wepierre Anne-Sophie (2017) Agriculture familiale en France métropolitaine. Éléments de définition et de quantification, Économie rurale, 357-358, pp. 87-99.

Coutu Michel (2021) La constitution du travail : à propos d’un concept wébérien méconnu, L’Année sociologique, 1 (71), pp. 103-126.

Décosse Frédéric (2011) Migrations sous contrôle. Agriculture intensive et saisonniers marocains sous contrat « OMI », Thèse de doctorat en sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris.

Décosse Frédéric et Desalvo Agustina (2017) Les détachés de l’agriculture intensive, Plein droit, 113, pp. 7-10.

Décosse Frédédric y Mésini Béatrice (2018) Trabajadores temporales y desplazados extracomunitarios en la agricultura provenzal: movilidad laboral, externalización y dumping social, in Martha Judith Sánchez Gómez, Francisco Torres Pérez y Inmaculada Serra Yoldi Eds., Zonas vitivinicolas, trabajadores inmigrantes y transformaciones sociales, México, UNAM, pp. 245-275.

Depeyrot Jean-Noël, Magnan Axel et Michel Dominique-Anne (2019) Emplois précaires en agriculture, Notes et études socio-économiques, 45, pp. 7-56.

Forget Vanina, Depeyrot Jean-Noël, Mahé Muriel, Midler Estelle, Hugonnet Mickaël, Beaujeu Raphaël, Grandjean Alexis et Hérault Bruni (2019) Actif’Agri. Transformations des emplois et des activités en agriculture, Paris, Centre d’études et de prospective, Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, la Documentation française.

Galois Isabelle et Lacroux Alain (2012) Regards croisés sur la fidélisation des salariés intérimaires, Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 2 (2), pp. 50-65.

Giandou Alexandre (2000) L’échec d’une colonisation agricole et ses conséquences : la Crau, Ruralia, [en ligne] consulté le 21/08/2019. URL : https://journals.openedition.org/ruralia/140

Glaymann Dominique (2008) Pourquoi et pour quoi devient-on intérimaire ?, Travail et Emploi, 114, pp. 33-43.

Guégnard Christine, Rebeuh Marie-Claude et Triby Emmanuel (2008) Entreprises de travail temporaire : former pour renforcer l’intermédiation sur un territoire, Formation emploi, 102 (2), pp. 41-53.

Hellio Emmanuelle et Moreno Nieto Juana (2018) Liberté de circuler, un privilège, Plein droit, 116, pp. 31-34.

Lacroux Alain (2008) L’incertitude, un outil de gestion ? Une application au cas des salariés intérimaires, Humanisme et Entreprise, 287 (2), pp. 57-73.

Lamine Claire, Pluvinage Jean, Aubenas Régis, Faugier Vincent, Simon Sylvaine, Clauzel Guy, Lamberet Magali, Penvern Servane, Stévenin Sophie, Buléon Sophie, Garçon Lucile, Bui Sybille et Audergon Jean-Marc (2015) Innovation variétale en Prunus, 1960-2013 : les enseignements d’une analyse socio-historique co-construite avec les acteurs, Courrier de l’environnement de l’INRA, 65, pp. 5-18.

Legagneux Bruno et Olivier-Salvagnac Valérie (2017) Quelle main-d’œuvre contractuelle dans les exploitations agricoles ? À la base de l’éclatement du modèle familial, Économie rurale, 357-358, pp. 101-116.

Limon Émeline (2019) Quelle place occupe l’emploi saisonnier en France ?, DARES Analyses, 57, p. 4, [en ligne]. URL : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/quelle-place-occupe-l-emploi-saisonnier-en-france

Masson Sophie et Petiot Romain (2013) Logistique et territoire : multiplicité des interactions et forces de régulation, Géographie, économie, société, 15 (4), pp. 85-412.

Mésini Béatrice (2014) The transnational recruitment of temporary Latino workers in European agriculture, in Jorg Gertel and Sarah Sippel Dirs., Fragmented agricultural productions and circular migrations: news space of insecurity, New York, Routledge, pp. 71-82.

Mésini Béatrice (2013) Mobile, flexibles et réversibles. Les travailleurs saisonniers maghrébins et latinos « détachés » dans les champs de Provence, Hommes & migrations, 1301, pp. 67-76.

Mésini Béatrice (2008) Saisonniers étrangers omis : la résistible structuration d’une cause commune, Cahiers du Cevipof, 48, pp. 35-62.

Morsa Marc (2016) Le travail détaché dans l’Union européenne : enjeux juridiques et économiques, Informations sociales, 194, pp. 82-94.

Nguyen Geneviève et Purseigle François (2012) Les exploitations agricoles à l’épreuve de la firme. L’exemple de la Camargue, Études rurales, 2 (190), pp. 99-118.

Noiseux Yanick (2012) Mondialisation, travail et précarisation : le travail migrant temporaire au cœur de la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail, Recherches sociographiques, 2 (53), pp. 387-412.

Pellistrandi Benoît (2015) Crise en Espagne et crise espagnole, Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, [en ligne]. URL : http://journals.openedition.org/ccec/5936

Rémy Jacques (2011) De la célébration de l’agriculture familiale à la promotion de l’agriculteur-entrepreneur : succession ou coexistence ?, Pour, 5 (212), pp. 165-178.

Robic Paulette, Barbelivien Dominique et Antheaume Nicolas (2014) La fabrique de l’entrepreneur familial. Comment des héritiers deviennent entrepreneurs et reprennent la direction d’une entreprise familiale, Revue de l’Entrepreneuriat, 13 (3-4), pp. 25-50.

Verbeck Cédric, Lenain Marie-Anne et Blasquiet-Revol Hélène (2011) Vers un nouveau modèle systémique dans l’analyse de la création d’activités et d’emplois en espace rural, Revue d’économie régionale et urbaine, 2, pp. 369-388.

Wolff Axel, Tatin Laurent et Sauguet Fanny (2015) La réserve naturelle des coussouls de Crau. Plan de gestion 2015-2014. Section A Diagnostic et vision, [en ligne]. URL : https://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/1_plan_gestion_RNCC_2015-2024_section_A.pdf

Top of page

Notes

1 L’ordonnance du 2 novembre 1945 crée l’Office national d’immigration (ONI), qui devient l’Office des migrations internationales (OMI) en 1988, puis l’Agence nationale de l’accueil des étrangers (ANAEM) en 2005, qui perd le monopole des opérations de recrutement. Depuis 2009, c’est l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui regroupe les missions de l’ANAEM et une partie de celle de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

2 Directive 96/71/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

3 Conformément à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

4 Ce « noyau dur » énumère les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ; la durée minimale des congés annuels payés ; les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ; les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire ; la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ; les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ; l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

5 Entretien avec Antoine R., domicile de l’auteure, 17 juillet 2014.

6 Entretien avec Antoine R., op. cit.

7 Le couple a transmis de son vivant les vergers de fruits et d’oliviers et les biens à leur fille et aux petits-enfants (Entretien avec Guy B., à son domicile, 13 mars 2008).

8 Entretien avec Antoine R., op. cit.

9 Entretien avec Antoine R., op. cit.

10 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 313, juillet-août 2014, p. 13.

11 FranceAgriMer (2021) La pêche et la nectarine en 2020, Bilan de campagne, sources Eurostat et SSP Agreste, données provisoires pour 2020, p. 3.

12 Agreste PACA (2018) Étude n° 101, Département des Bouches-du-Rhône, novembre, p. 4.

13 Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (2019) Agreste, Insee, Comptes de l’agriculture 2018 provisoires, Mémento de la statistique agricole, p. 34.

14 FranceAgriMer, op. cit., p. 3.

15 FranceAgriMer, op. cit.

16 Les graphiques et le tableau de cet article ont été réalisés par Béatrice Mésini.

17 Entretien avec Antoine R., op. cit.

18 De soixante-et-un à soixante-sept millimètres de diamètre.

19 Les normes de qualité spécifiques définissent pour les fruits un classement en trois catégories : extra (qualité supérieure, fruits exempts de défaut), catégorie I (bonne qualité, qui autorise de légers défauts) et catégorie II (qualité marchande, avec des défauts plus importants).

20 Entretien avec Antoine R., op. cit.

21 Lors de la diffusion des prévisions de récolte 2018 à Alcarras (Lérida). Éric Hostalnou (2019) Europêch’ 2019, France, synthèse de la récolte 2018, prévisions de récolte 2019 (Pêche, Nectarine, Pavie), Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Orientales, p. 6.

22 Art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

23 Dossier Pêche. Filière française : que faire d’un échec ?, Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 322, mai 2015, p. 32.

24 Coralie Bonnefoy (2020) La pénurie de main-d’œuvre menace la récolte des fruits d’été, La Croix, 4 mai.

25 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 322, op. cit., p. 32.

26 Art. L. 1262-2 : une entreprise de travail temporaire régulièrement établie à l’étranger peut détacher des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice en France.

27 Base de données fournie à Frédéric Décosse (CNRS) par le Service des études du rapport et des statistiques de l’Office français d’immigration et de l’intégration.

28 Real Decreto Legislativo 1/2010, du 2 juillet.

29 Sociedad limitada unipersonales.

30 Sociedad de responsabilidad limitada et sociedad limitada.

31 La sharka ou Plum pox virus est une maladie virale transmise par le puceron, dévastatrice du genre Prunus (pêche, nectarine, abricot, prune, etc.).

32 Le label de GlobalGap comprend : les bonnes pratiques agricoles, la traçabilité, l’analyse et la maîtrise des risques de contamination et la sécurité sanitaire, tandis que le module complémentaire GRASP se compose de treize points de contrôle et de critères de conformité (cf. http://www.qualisud.fr/site/wp-content/uploads/2016/02/REGLES-GENERALES-GRASP-V1-3-1.pdf).

33 Maintien de la biodiversité dans les vergers, limitation du recours aux produits de synthèse, limitation de l’impact sur la pollution des eaux et des sols (cf. https://www.vergers-ecoresponsables.fr/fr/).

34 Végétable. L’écho de la planète fruits et légumes, 356 supp., juin 2018, p. 3.

35 Cf. https://www.vergers-ecoresponsables.fr/fr/

36 Légifrance, pourvoi n° 13-21525 du 30 septembre 2014 et pourvois n° 13-27592, n° 13-27593, n° 13-27594, n° 13-27595, n° 13-27596 du 13 juin 2015.

37 Due aux salariés en CDI et en CDD, après trois ans de présence effective sur l’exploitation, selon l’article 36 de la convention collective des exploitations agricoles des Bouches-du-Rhône, du 12 février 1986.

38 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, pourvoi n° 13-21.525 du 30 septembre 2014 et pourvois du 3 juin 15, n° 13-27.592, n° 13-27593, n° 13-27.594, n° 13-27.595, n° 13-27.596.

39 La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration.

40 Commission nationale de lutte contre le travail illégal (2019) Plan national de lutte contre le travail illégal 2016-2018, p. 22.

41 Comme l’atteste l’arrêté de mise en demeure (de réaliser des travaux de conformité) et de fermeture administrative partielle de locaux affectés à l’hébergement collectif, pris par la DIRECCTE PACA, dans les mobil homes du domaine étudié, le 10 juin 2020.

42 Mutualité sociale agricole et Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales.

43 Xavier Léonetti (Notes tapuscrites du procès de l’ETT-TF prises par l’auteure, tribunal de commerce de Marseille, 17-20 mai 2021, p 119).

44 Qui a pour effet de causer un préjudice au salarié, de contourner les règles du Code du travail ou d’éluder l’application de la convention collective.

45 Par exemple, la sous-déclaration du nombre de jours travaillés sur le contrat de travail.

46 Directive UE 2018/957 du Parlement européen et du Conseil, adoptée le 28 juillet 2018.

47 L’article 56 du TFUE dispose que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ».

48 Prism’emploi est une organisation professionnelle patronale qui représente les entreprises et groupes de travail temporaire.

49 Maître Margulis Sorin (Notes tapuscrites du procès de l’ETT-TF prises par l’auteure, tribunal de commerce de Marseille, 17-20 mai 2021, p 115).

50 Deux entreprises ont été récemment condamnées par les juges du tribunal correctionnel d’Avignon : le gérant de l’ETT Safor Temporis a été condamné le 8 avril 2020 à dix-huit mois de prison avec sursis, à 75 000 euros d’amende ainsi qu’au versement de 6,3 millions d’euros à la caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA) ; les deux gérants de l’ETT Laboral Terra SL le 30 juin 2020, à cinq ans de prison (dont trois avec sursis), 10 000 euros d’amende chacun et au versement de 3,8 millions d’euros à la MSA.

51 En ne majorant pas les heures supplémentaires et les jours fériés, en s’abstenant de verser les congés payés, les indemnités et les primes.

52 Données transmises par l’inspection du travail PACA, 1er août 2019.

53 Audition de Paul Ramackers, directeur du travail Unité départementale du Gard DIRECCTE Occitanie (Notes tapuscrites du procès de l’ETT TF prises par l’auteure, tribunal de commerce de Marseille, 17-20 mai 2021, p 89).

54 Cf. la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014, la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels du 8 août 2016, ou encore la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018.

Top of page

List of illustrations

Title Carte 1 : Localisation du bassin arboricole de la Crau
Credits Source : Géoportail : Registre parcellaire graphique, 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-1.jpg
File image/jpeg, 133k
Title Graphique 1 : Commerce extérieur de la pêche (y compris nectarine et brugnon) en 2019 (en tonnes)
Credits Source : Commerce extérieur de la France en 2019, Douanes françaises, établi au 1er sept. 2020 (Agreste, 2020 : 3)16.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-2.jpg
File image/jpeg, 46k
Title Graphique 2 : Nombre de contrats OFII selon le pays d’origine des travailleurs dans les trois EARL du domaine étudié (2008-2019)
Credits Source : Base de données fournie par le Service des études du rapport et des statistiques de l’OFII, 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-3.jpg
File image/jpeg, 213k
Title Graphique 3 : Répartition du nombre de salariés détachés et de contrats par les ETT espagnoles dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône, 2017 et 2018
Credits Source : Données transmises par la DIRECCTE, 1er août 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-4.jpg
File image/jpeg, 30k
Title Tableau 1 : Nombre (sup. à 100) de déclarations de détachement et de salariés détachés par les ETT espagnoles (2018)
Credits Source : Données transmises par la DIRECCTE, 1er août 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-5.jpg
File image/jpeg, 74k
Title Graphique 4 : Nombre mensuel de travailleurs détachés dans l’agriculture des Bouches-du-Rhône selon leur pays d’origine en 2018
Credits Source : Données transmises par l’inspection du travail PACA, 1er août 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/21085/img-6.jpg
File image/jpeg, 86k
Top of page

References

Bibliographical reference

Béatrice Mésini, “En contrats de saison ou en contrats de mission dans l’arboriculture méridionale : les droits entachés des travailleurs étrangers”Revue européenne des migrations internationales, vol. 38 - n°3 et 4 | 2022, 43-66.

Electronic reference

Béatrice Mésini, “En contrats de saison ou en contrats de mission dans l’arboriculture méridionale : les droits entachés des travailleurs étrangers”Revue européenne des migrations internationales [Online], vol. 38 - n°3 et 4 | 2022, Online since 03 January 2024, connection on 16 April 2024. URL: http://journals.openedition.org/remi/21085; DOI: https://doi.org/10.4000/remi.21085

Top of page

About the author

Béatrice Mésini

Géographe et politiste, CNRS-Telemme, Université Aix-Marseille, Chargée de recherche hors-classe, Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5 rue du château de l’horloge, 13090 Aix-en-Provence ; mesini[at]mmsh.univ-aix.fr

Top of page

Copyright

CC-BY-4.0

The text only may be used under licence CC BY 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Top of page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search