1Le réseau des correspondants de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) a été invité à participer à une vaste enquête portant sur l’accueil des étrangers. Il était demandé aux chercheurs de définir les modalités concrètes d’action, en se plaçant au niveau des accueillants. La période choisie va de 1965, alors que l’immigration est relativement peu contrôlée, à 1983, veille des premiers succès du Front national.

2Les accueillants appartiennent à des milieux très différents. Des militants de gauche, pas toujours unanimes dans la démarche d’ouverture à l’étranger, mettent en place des structures d’alphabétisation ou d’enseignement des langues d’origine, ainsi que des fêtes promouvant la diversité. Des maires socialistes font élire des conseillers municipaux associés aux travaux des élus français. Les militants participent souvent aux luttes contre le racisme. Certains syndicalistes soutiennent leurs camarades étrangers en grève. Le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI), auquel une intéressante mise au point est consacrée, évoque les « militants experts », c’est-à-dire les juristes qui mènent des actions en justice pour soutenir les étrangers, publient des guides pratiques, apportent leur appui à des luttes comme la grève des loyers dans les foyers SONACOTRA qui dure cinq ans. Des associations se spécialisent dans l’accueil des travailleurs arrivant dans les gares françaises, dans la solidarité avec les saisonniers agricoles, dans l’aide aux réfugiés politiques venant du Chili ou d’Extrême-Orient. D’autres se consacrent à la recherche ou à la construction de logements sociaux, aux processus d’insertion notamment par des activités culturelles comme le théâtre ou des expositions. Les étudiants étrangers bénéficient parfois d’un encadrement spécifique. Certaines entreprises entretiennent des écoles, cela parfois dans un esprit paternaliste. Les syndicats peuvent viser à renforcer leur représentativité en recrutant les nouveaux venus. L’enseignement social de l’Église conduit des prêtres et des évêques à dispenser une aide morale et matérielle aux immigrés. Les mouvements d’éducation populaire cherchent à maintenir la culture ouvrière. Les accueillants institutionnels obéissent parfois à des représentations qui ne brident pas leur action mais maintiennent une logique administrative un peu rigide. Les communautés déjà installées et intégrées, comme les Arméniens, accordent à leurs compatriotes un efficace accueil « sur mesure ».

3Le livre offre ainsi une vaste fresque présentant de multiples expériences locales à travers lesquelles sont étudiées des questions relatives au droit, au logement, à la vie familiale, à la culture, à l’insertion. L’approche retenue consiste à exposer les phénomènes « par le bas », comme le disent plusieurs enquêteurs. Mais, dans la mesure où il s’agit d’aider des individus vulnérables et dans le besoin, l’action sur le terrain revêt aussi une dimension morale. Des questions importantes sont posées : les rapports entre la logique institutionnelle et les situations réelles observées sur le terrain, les conflits entre les règles étatiques et l’intérêt particulier des nouveaux arrivants, la possible instrumentalisation de ces derniers à des fins qui ne concernent pas directement leur vie quotidienne. Ainsi l’ouvrage qui affiche des ambitions modestes soulève aussi des problèmes fondamentaux inscrits dans le fait migratoire.