1Les Presses universitaires de Namur publient un ouvrage collectif sous la direction de Marlène Lebrun, La question de l’identité et de la formation culturelles du corps enseignant, qui nous offre une réflexion non seulement passionnante, mais essentielle dans la mesure où elle interroge les finalités de la formation des enseignants.

2L’ouvrage est composé de six contributions : trois d’entre elles s’appuient sur une recherche empirique menée par les auteurs (Marie-Sylvie Claude, Pascal Terrien, François Joliat et Marlène Lebrun), les trois autres développent une réflexion en revisitant les travaux des auteurs de ces chapitres (Yves Reuter, Jean-Louis Dumortier, Philippe Meirieu) pour identifier leurs apports à la réflexion générale.

3Marie-Sylvie Claude ouvre l’ouvrage en analysant le rapport aux arts des élèves et des enseignants du secondaire. Il s’agit en particulier de comprendre comment enseignants et élèves se représentent les relations entre l’art pictural et la littérature. Elle revisite pour cela les données de sa thèse pour rappeler de façon judicieuse les spécificités de chaque art et mettre à distance les évidences de leur dialogue. Concernant la pratique du commentaire pictural en classe, elle relève trois catégories de pratiques enseignantes qui révèlent ou reposent sur des rapports aux arts et à leur enseignement différents : ceux qui « cachent » le rapport de l’exercice avec la littérature, laissant aux élèves s’ils le peuvent le soin de créer des liens ; ceux qui ne le cachent pas, mais qui pour autant considèrent que l’une des activités est plus simple que l’autre sans pour autant amener les élèves à construire le sens de l’une et de l’autre et leurs enjeux respectifs ; enfin, ceux qui adoptent une didactisation du transfert d’un commentaire à l’autre et dont on peut penser avec Marie-Sylvie Claude que c’est à ce prix que la « réception de la peinture est […] susceptible d’être une propédeutique pour la réception, de la littérature » (p. 33). Elle souligne ainsi l’importance de travailler sur les différences des deux objets d’enseignement afin de didactiser leur relation.

4Pascal Terrien poursuit sur la comparaison de deux expérimentations menées en formation initiale qu’il nomme « hors les murs ». Il compare ainsi deux dispositifs qui croisent l’éducation musicale avec les autres disciplines scolaires, l’un destiné aux professeurs des écoles et l’autre aux professeurs de musique. Sur le principe de l’isomorphisme, l’auteur défend l’idée qu’« une modélisation des dispositifs de formation des enseignants sert de matrice à l’innovation pédagogique des enseignants : innover dans les dispositifs de formations des maitres pour qu’ils innovent en créant des dispositifs de formation pour leurs élèves » (p. 45). Le premier projet vise le croisement des regards en mêlant différents arts : arts plastiques, éducation musicale, chant choral, histoire, géographie et éducation morale et civique à partir de l’œuvre de Floryan Varennes que les étudiants ont eu le privilège de rencontrer ainsi que des membres du Ballet national de Marseille. Le second s’appuie sur le dispositif mis en œuvre par le musée du Louvre « les jeunes ont la parole ». Il s’agit d’associer une œuvre d’art et une performance musicale qui permette la préparation d’une médiation d’une œuvre d’art choisie. L’analyse des verbatim montre l’investissement des étudiants dans ces dispositifs, le changement de regard sur les disciplines qu’ils opèrent et l’intérêt qu’ils confèrent à ces nouvelles façons d’enseigner et/ou de rencontrer les arts.

7Le chapitre suivant présente les résultats d’une recherche exploratoire passionnante menée par François Joliat et Marlène Lebrun sur la question de l’identité culturelle du public enseignant. La première partie pose le cadre épistémologique de cette réflexion et propose un état des lieux sur la notion de culture que les précédents chapitres n’ont pas épuisée. La deuxième présente les choix méthodologiques de la recherche menée : l’élaboration d’un questionnaire composé de 13 questions ouvertes abordant la biographie culturelle en littérature et en musique, 220 étudiants de pays différents y ayant répondu. Selon la grille d’analyse retenue, différentes postures d’acculturation, de culturation et d’interculturation sont identifiées et permettent de déterminer de façon convaincante le rapport à la culture du « je » étudiant en formation au professorat. Trois dimensions du sujet culturel apparaissent : le « je » culturel ; le « je » intersubjectif et enfin le « je » passeur où les postures se combinent différemment et donnent à voir des rapports complexes à la culture.

8L’ouvrage se termine par des éléments de conclusion de Philippe Meirieu qui s’apparentent plus à un retour sur la notion et les enjeux pour penser une mutation de la formation des enseignants, la place des œuvres, le sens de l’école et le plaisir que visent les enseignements.

9C’est un ouvrage particulièrement riche à travers les réflexions qu’il propose pour la formation des enseignants, les expérimentations qu’il partage pour renouveler celle-ci et les réflexions de fond sur une notion souvent usurpée dans les médias qui mérite que les didacticiens s’y arrêtent : l’identité culturelle, de soi à l’autre…