2Valérie Beaudouin offre tout d'abord une étude longitudinale rare et bienvenue qui analyse de façon dynamique l'évolution, depuis les années 2000, des relations entre les grandes organisations (notamment économiques) et leur public, en particulier ce que l'autrice nomme le "deuxième cercle", c'est-à-dire les franges les plus investies et les plus participatives de ces publics. Elle montre dans cet article la transition entre deux concepts cardinaux qui incarnent deux manières de considérer ces publics, de la "communauté" vers l'"influenceur". Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer et interpréter ce mouvement, qui ont à voir avec la rationalisation marchande de la relation avec le public : après un premier temps d'expérimentation sur fond d'enthousiasme participatif, les grandes entreprises cherchent progressivement à identifier des contributeur.ice.s avec une visibilité élevée, avec lesquel.le.s elles cherchent à établir des relations régulières et contractuelles, afin de réduire l'incertitude concernant la valeur économique des user-generated contents. 

3Jaércio Da Silva, ensuite, propose un retour d'expérience sur les usages multiples du smartphone pour l'enquête ethnographique. Véritable "prothèse" du chercheur, le smartphone connecté à internet offre à l'enquête un accès permanent et fluide - y compris sur les temps de pause - au terrain, via les multiples applications et plateformes sur lesquelles se déroulent les phénomènes observés. Outre ce contact de tous les instants avec les terrains numériques, le smartphone fournit également les outils de l'enregistrement et de la production des données (captures d'écran, appareil photo, prise de notes, dictaphone, etc.). Une telle configuration redéfinit voire affaiblit le clivage en ligne/hors ligne dans l'enquête sur les médias numériques, qui circule en permanence entre ces deux espaces. 

4Quentin Gilliotte, enfin, s'inscrit dans la continuité des deux articles précédents en analysant les relations entre ces "influenceurs" à l'irrésistible ascension, envisagés comme des (micro-)médias numériques, dont chacun construit son public (lui encore souvent qualifié de "communauté"), dans le domaine politique spécifiquement. Son article offre un point de vue précieux sur les "cuisines" méthodologiques de la production d'une cartographie des réseaux entre un grand nombre de chaînes YouTube. Outil à la fois exploratoire et démonstratif, ce type de cartographie, dont le succès en sciences sociales est croissant depuis les années 2000, apparaît ainsi comme un processus hautement itératif, qui permet de saisir les relations de niveau méso entre acteurs de l'espace public numérique.