Emporté.e par la foule ? La psychologie des foules de Gustave Le Bon à l’appui du maintien de l’ordre à la française
Résumés
La Psychologie des foules de Gustave Le Bon est à la fois l’ouvrage le plus connu en France sur l’étude de la foule, et la source d’inspiration la plus évidente du maintien de l'ordre. C’est aussi un modèle de manquement à la neutralité axiologique, empli de jugements de valeur où la foule, dépeinte comme soumise à la « loi psychologique » de son unité mentale et à l’inévitable meneur qui la guide, n’est qu’une masse inconsciente, irrationnelle et surtout dangereuse. Cette conception de la foule est présente chez les acteurs du maintien de l'ordre, du personnel l’appliquant jusqu’au politique qui l’encadre, et se retrouve également dans le « schéma national de maintien de l'ordre » récemment publié, comme l’encadrement normatif de la pratique de la nasse l’illustre.
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Mots-clés :
maintien de l'ordre, police administrative, nasse, psychologie des foules, neutralité axiologiquePlan
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- 1 L’auteur tient à remercier Olivier Leclerc, dans un premier temps pour avoir accepté de présider le (...)
- 2 Sauf indication contraire, on souligne.
- 3 LEBAS Éric, « L’ordre public à l’épreuve des gilets jaunes », Conflits, 24 septembre 2019.
1De l’actuel président de la République aux personnels chargés du maintien de l'ordre, une certaine conception du social semble partagée1. Le président, lors de son adresse aux parlementaires de la majorité le 21 mars 2023, pouvait ainsi déclarer : « On a une priorité aujourd'hui qui est de ne pas laisser une forme d’inversion des valeurs s’installer2. Quand on croit à cet ordre démocratique et républicain […] la foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus ». En contrepoint, un commandant de groupement de gendarmerie mobile, travaillant aujourd'hui au centre national des opérations, faisait précéder l’un de ses articles de l’épigraphe suivant, citant Gustave Le Bon : « Le pire de l’homme, c’est la foule »3. Ces formulations ont en commun de disqualifier la foule, opposée au peuple, plus exactement à ses représentants, seuls acteurs légitimes du politique. Le bon ordre de valeurs serait donc le suivant : les représentants légitimes, garants de l’ordre démocratique et républicain, d’un côté ; la foule illégitime de l’autre, face à eux. Au-delà des prémisses qui fondent ces affirmations, il importe d’analyser leurs justifications et leur traduction normative contemporaines au sein du maintien de l'ordre.
- 4 Pour qui le titre de multitude est « l’un des plus flétris de l’histoire » (cité dans GUILLEMIN Hen (...)
- 5 P. ex., PHÉLIZON Jean-François, Relire La psychologie des foules de Gustave Le Bon, Nuvis, 2011 ; R (...)
- 6 Payot & Rivage en 2020, Flammarion en 2022, et entre les deux des maisons d’édition plus modestes, (...)
2Le concept de « foule » émerge au cours du 19e siècle : après la Révolution française, le développement du suffrage direct et du mouvement ouvrier fait de celle-ci un objet d’inquiétude pour les dirigeants et d’étude pour les scientifiques (sans que la distinction entre ces catégories soit forcément nette, comme on le verra). Cette montée en puissance de ce qu’on peut qualifier de multitude, sans nécessairement conférer à ce terme la connotation négative que lui accolait Adolphe Tiers4, va ainsi donner naissance à des savoirs et des savoir-faire spécifiques : la psychologie des foules pour son étude, le maintien de l'ordre pour son contrôle. À cette psychologie des foules alors naissante est attaché le nom de Gustave Le Bon. Après des ouvrages médicaux puis d’histoire des civilisations, celui-ci publie en 1895 Psychologie des foules. L’ouvrage connaitra un retentissement important en son temps, un succès qui ne se démentira pas comme l’illustre sa présence persistante dans la recherche contemporaine5 et les multiples rééditions dont il a fait l’objet6.
- 7 « Le concept de « jugement de valeur » a donné lieu à un immense malentendu et surtout il a suscité (...)
- 8 Ibid., p. 15.
3Cet ouvrage sera ici étudié sous le seul prisme de la neutralité axiologique. Ce concept, dont Max Weber relevait déjà combien il a été mal compris, en particulier concernant les « jugements de valeur »7, désigne la distinction entre « la constatation des faits empiriques (y compris le comportement « évaluatif » [wertend] des êtres humains subjectifs qu'on étudie) et sa propre prise de position évaluative de savant qui porte un jugement [beurteilen] sur des faits (y compris les éventuelles « évaluations » des êtres empiriques qui deviennent l'objet de son étude)8. » Être axiologiquement neutre c’est donc, succinctement, distinguer jugement de fait et jugement de valeur ; ce que Gustave Le Bon ne fait absolument pas dans son ouvrage.
- 9 P. ex. le 1er mai 1891 à Fourmies : v. REBÉRIOUX Madeleine (dir.), Fourmies et les premier mai, Les (...)
- 10 P. ex. le 20 juin 1907 à Agde : v. PECH Rémy, « 22. La révolte des vignerons du Midi en 1907 : un m (...)
- 11 Instruction du 20 août 1907 relative à la participation de l'armée au maintien de l'ordre public, d (...)
- 12 Loi du 22 juillet 1921 portant augmentation des effectifs de la gendarmerie et créant un état-major (...)
4S’il n’est évidemment pas question de reprocher à Le Bon d’avoir négligé un cadre conceptuel qui ne sera proposé par Weber que des années plus tard, l’analyse éclaire les usages contemporains des propositions formulées par Le Bon, en particulier sur le maintien de l’ordre. En effet, le maintien de l'ordre est devenu un objet de savoir à part entière peu après l’apparition de la psychologie des foules. Le pouvoir politique cherchait à perfectionner la réponse à apporter aux contestations sociales, réponse qui se limitait alors généralement à envoyer l’armée, avec les inconvénients que cela pouvait lui causer (coût médiatique des personnes tuées9, mutineries10). Le politique va donc progressivement prendre la main sur la conduite de ces opérations, en plaçant les autorités militaires sous le commandement des autorités civiles dès 190711, et surtout après la Première Guerre mondiale12. Les pratiques de maintien de l'ordre s’appuient alors sur les travaux existants et donc, en France, sur l’ouvrage de Gustave Le Bon.
- 13 P. ex., une thèse en informatique soutenue en 2022 a comme objectif de permettre « aux forces de l’ (...)
- 14 Pour une présentation historique des théories sur la foule, v. SOMMIER Isabelle, « 5. Diffusion et (...)
5La spécificité de ce qui est pompeusement appelé le maintien de l'ordre « à la française » réside peut-être dans le fait qu’il s’appuie toujours autant sur Psychologie des foules, en prenant appui sur des moyens d’analyse et de contrôle singulièrement renforcés13, en dépit de l’ensemble des travaux portant soit directement leur critique sur celui-ci, soit indirectement, en l’invalidant14. On montrera ainsi, en premier lieu, que cet ouvrage constitue un exemple parfait de manquement à la neutralité axiologique (I), avant de souligner dans un second temps que la théorie lebonienne se retrouve globalement dans la norme contemporaine de maintien de l'ordre, en particulier avec la nasse (II).
I. La psychologie des foules lebonienne : l’absence d’alternative à l’autoritarisme
6La pensée lebonienne de la foule est empreinte de défiance vis-à-vis de celle-ci, éclipsant ainsi tout jugement de fait, tout en se parant de scientificité (A). Elle semble alors laisser comme seule issue l’autoritarisme (B).
A-La « loi » de l’unité mentale des foules
- 15 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 9.
- 16 La base du raisonnement lebonien, se voulant sans doute une application de la théorie de l’émergenc (...)
7Pour Le Bon, dans certaines circonstances, « une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chaque individu qui la compose » : c’est la « loi psychologique de leur unité mentale », à laquelle cette foule « se trouve soumise15 »16.
8La loi ainsi dégagée par Le Bon reflète des idées qui sont établies au 19e siècle par différents auteurs, auxquels Le Bon emprunte de manière plus ou moins explicite. Parmi ces idées du temps, trois d’entre elles lui permettent de fonder les traits collectifs spécifiques aux foules.
- 17 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
- 18 Le Bon l’avait d’ailleurs bien vu : dans une note de bas de page, il évacue les travaux précédents (...)
91) L’irresponsabilité causée par l’anonymat au sein de la foule : « L’individu en foule acquiert, par le fait seul du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts, que, seul, il eût forcément refrénés. Il y cédera d’autant plus volontiers que, la foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement17 ». L’irresponsabilité de l’individu en foule préoccupe particulièrement les auteurs des premiers travaux : l’ouvrage qu’on peut considérer comme fondateur a été écrit par un juriste italien, Scipio Sighele, en 1891 et traduit en français l’année suivante sous le titre La foule criminelle, la même année que la soutenance par Henry Fournial de sa thèse de médecine Essai sur la psychologie des foules. Considérations médico-judiciaires sur les responsabilités collectives, et qu’une communication intitulée les crimes de foule à un congrès d’anthropologie criminelle par Gabriel Tarde. L’angle d’approche initial de l’objet était donc clair18.
- 19 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
102) La « contagion mentale » : il s’agirait d’un « phénomène aisé à constater, mais non expliqué encore, et qu’il faut rattacher aux phénomènes d’ordre hypnotique19 ». Le Bon écrira ainsi plus loin :
- 20 Ibid., p. 74.
« Dans les foules, les idées, les sentiments, les émotions, les croyances possèdent un pouvoir contagieux aussi intense que celui des microbes. Ce phénomène s’observe chez les animaux eux-mêmes dès qu’ils sont en foule. Le tic d’un cheval dans une écurie est bientôt imité par les autres chevaux de la même écurie. Une frayeur, un mouvement désordonné de quelques moutons s’étend bientôt à tout le troupeau. La contagion des émotions explique la soudaineté des paniques. Les désordres cérébraux, comme la folie, se propagent aussi par la contagion. On sait combien est fréquente l’aliénation chez les médecins aliénistes. On cite même des formes de folie, l’agoraphobie, par exemple, communiquées de l’homme aux animaux20 ».
- 21 ESPINAS Alfred, Des sociétés animales ; étude de psychologie comparée, Germer-Baillière, 1877, 389 (...)
- 22 ESPINAS Alfred, Des sociétés animales. Étude de psychologie comparée, Félix Alcan, 3e édition, 1924 (...)
11On voit ici le poids du positivisme d’Auguste Comte, selon lequel les faits biologiques et sociaux fonctionnent de la même manière, permettant alors de transposer les concepts des premiers aux seconds. L’idée de contagion mentale est ainsi une transposition de la contagion visuelle observée par Espinas chez les « sociétés animales »21 dès 1877 : « C’est une loi universelle dans tout le domaine de la vie intelligente, que la représentation d’un état émotionnel provoque la naissance de ce même état chez celui qui en est le témoin22 ». Le Bon relie donc cette contagion à l’hypnose, qui était alors en vogue grâce à « l’école de la Salpêtrière », et en particulier Charcot ; face à laquelle celle de Nancy mettra l’accent sur la suggestibilité, troisième cause créatrice de l’unité mentale des foules.
- 23 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
- 24 Ibid.
123) La suggestibilité qui « détermine dans les individus en foule des caractères spéciaux parfois fort opposés à ceux de l’individu isolé23 ». Le Bon considère que cette cause, qui provoquerait d’ailleurs la contagion mentale24, est la plus importante. C’est elle qui va donner son contenu à l’unité mentale et engendrer les traits collectifs spécifiques de la foule.
13Cette présentation de la « loi psychologique de l’unité mentale des foules » emprunte donc aux différentes théories des sciences de la nature de l’époque, ce qu’on a expliqué par le positivisme d’Auguste Comte. Mais on peut aussi, voire surtout, l’expliquer par la caution scientifique que fournissent ces transpositions, car cette loi :
- 25 BOURDIEU Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Points, 2014, p. 332 (souligné par l'auteur).
« […] est en effet un remarquable paradigme de la mythologie “scientifique”, discours fondé dans la croyance (ou le préjugé) qui louche vers la science et qui se caractérise donc par la coexistence de deux principes entremêlés de cohérence : une cohérence proclamée, d’allure scientifique, qui s’affirme par la multiplication des signes extérieurs de la scientificité, et une cohérence cachée, mythique dans son principe25. »
- 26 « Sighele, Lebon [sic], Tarde, Rossi […] n’ont fait que systématiser, préciser un peu et formuler e (...)
14Si cette citation concernait la « théorie des climats », sur laquelle on reviendra d’ailleurs, elle s’applique parfaitement à la théorie de l’unité mentale des foules. La simplification à l’extrême qu’elle porte se retrouve dans la pensée des gouvernants de l’époque. Plus généralement, et cela sera d’ailleurs relevé dès les années 30, la psychologie des foules se contentait alors généralement de retranscrire dans un langage plus ou moins scientifique la foule telle qu’elle était alors (souvent) négativement décrite par la littérature26.
15Derrière la « cohérence proclamée », affirmée par la multiplication de renvois aux théories en vogue dans les sciences de la nature, se trouve ainsi une « cohérence cachée », une méfiance de principe vis-à-vis de la foule. De principe, car elle vient éclipser les jugements de faits, pour ne laisser place qu’aux jugements de valeurs de Le Bon et à ses prescriptions.
B. L’autoritarisme imposé par les jugements de valeur de Gustave Le Bon
- 27 WOOD Lesley J., Mater la meute. La militarisation de la gestion policière des manifestations, Lux é (...)
16 Le Bon ayant postulé cette « loi » de l’unité mentale de l’unité mentale des foules dans son premier chapitre, et ses facteurs causaux sur une seule page ( !), il dresse ensuite longuement le tableau des traits collectifs qui en découlent, absolument négatifs. Ce tableau vient ainsi restreindre le champ des moyens de gérer les foules, pour n’en laisser qu’un en matière de maintien de l'ordre : il faut « mater la meute27 ».
- 28 V. notamment AULARD Alphonse, Taine historien de la Révolution française, A. Colin, 1907.
17La suite de l’ouvrage va moins s’appuyer sur les « signes extérieurs de la scientificité », et davantage sur des analogies (outil rhétoriquement efficace mais scientifiquement faible), ou sur des sources elles-mêmes scientifiquement critiquées (telles qu’Origines de la France contemporaine d’Hippolyte Taine, ouvrage critique de la Révolution marqué politiquement28), lorsqu’il s’appuie sur des sources ; car, enfin, la majorité de l’ouvrage se contente de poser ce qui, faute de démonstration, ressemble surtout à un jugement de valeur de la foule, plus précisément de la non-valeur de cette dernière. Le Bon commence par exemple son second chapitre ainsi :
- 29 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 17.
« Plusieurs caractères spéciaux des foules, tels que l’impulsivité, l’irritabilité, l’incapacité de raisonner, l’absence de jugement et d’esprit critique, l’exagération des sentiments, et d’autres encore, sont observables également chez les êtres appartenant à des formes inférieures d’évolution, comme le sauvage et l’enfant. C’est là une analogie que j’indique seulement en passant29 ».
- 30 Ibid., p. 25.
- 31 Ibid., p. 19.
18Le recours à l’analogie, notamment misogyne, est fréquemment utilisé pour disqualifier les foules : « Comme les femmes, elles vont tout de suite aux extrêmes30. » Ou encore : « Les foules sont partout féminines, mais les plus féminines de toutes sont les foules latines31 ».
- 32 Gabriel Tarde dira par exemple en 1901 : « Par son caprice routinier, sa docilité révoltée, sa créd (...)
- 33 BOURDIEU Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Points, 2014, p. 335‑338 (souligné par l'auteur).
19Outre la misogynie de la psychologie des foules lebonienne, d’ailleurs loin d’être spécifique à Le Bon32, on trouve ici l’appui sur la théorie des climats, déjà évoquée et que l’on peut résumer ainsi : « les hommes du Midi sont voués à la servitude […] ; ils sont condamnés à la passivité (féminine) […]. Ces dispositions relâchées et lâches, en un mot efféminées, font une humanité doublement serve, et vouée à subir la domination faute de savoir se dominer33 ».
- 34 V. notamment BOVO Elena, Pensée de la foule, pensée de l’inconscient, Presses universitaires de Fra (...)
- 35 LE BON Gustave, op. cit., p. 94.
20Ce faisant, on voit ici ce qui constitue une originalité de Psychologie des foules par rapport à la psychologie des foules, en particulier son école italienne34 : Le Bon considère la « race » comme « un facteur fondamental35 », qu’il utilise pour classifier les différentes foules.
- 36 Ibid., p. 3‑4.
- 37 Ibid., p. 18.
- 38 Ibid., p. 12.
- 39 Ibid., p. 69.
21Cette classification est liée à une autre originalité de l’ouvrage. Celui-ci ne s’arrête en effet pas à dépeindre les foules comme des « multitudes inconscientes et brutales justement qualifiées de barbares36 », « aussi incapables de volonté durable que de pensée37 », qui « accumulent non l’intelligence mais la médiocrité38 ». Face à « l’incapacité de raisonner, l’absence de jugement et d’esprit critique », Le Bon accorde en effet une place très importante au rôle du « meneur », l’individu qui parvient à hypnotiser la foule, puis à lui suggérer des idées, qu’elles soient théoriques ou pratiques. Pour lui, « le meneur joue un rôle considérable. Sa volonté est le noyau autour duquel se forment et s’identifient les opinions. La foule est un troupeau qui ne saurait se passer de maître39 ».
- 40 Ibid., p. 71.
- 41 V. notamment COMBES Hélène, FILLIEULE Olivier, « De la répression considérée dans ses rapports à l' (...)
22Le Bon dit ainsi que « s’attaquer au meneur brise la loi de l’unité mentale des foules40. » Ces quelques mots, dont le caractère absolument infondé a été démontré théoriquement et empiriquement41, démontrent à eux seuls la persistance de Psychologie des foules dans le maintien de l'ordre français contemporain.
23Face à la nécessité postulée d’un maître, Le Bon prescrit d’autre part comment ce dernier devrait gérer le troupeau, sans jamais expliciter qu’il pourrait exister d’autres moyens d’atteindre cette finalité, à supposer qu’elle soit désirable. Si certains développements ne concernent pas directement le maintien de l'ordre, l’ensemble de l’ouvrage demeure cohérent avec la partie précédemment présentée sur l’unité irrationnelle de la foule, qui est à la fois le point de départ de l’ouvrage et de la doctrine de maintien de l'ordre.
- 42 Cet ouvrage ne serait « [qu’]une simple mise en forme, adroite, opportuniste et peu originale, voir (...)
- 43 Mussolini parle ainsi de Le Bon et de son ouvrage en 1926 : « Je sais que la Science et la vie a pu (...)
- 44 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 28.
24Cette spécificité du travail lebonien sur le meneur vient affaiblir la critique du pur plagiat42, mais renforcer celle l’accusant par rétrodiction d’avoir rédigé un manuel pour dirigeant autoritaire43. Au prisme de la neutralité axiologique, cette partie de l’ouvrage montre que les jugements de valeur de Gustave Le Bon, en ce qu’ils sont constamment présentés comme des jugements de fait, viennent invisibiliser la dimension politique de la gestion des foules. Il apparaît ainsi impossible de gérer ces dernières, autrement que de manière autoritaire : étant « toujours prête à se soulever contre une autorité faible, la foule se courbe avec servilité devant une autorité forte44. » Cette idée irrigue le maintien de l'ordre français depuis sa création.
II. Le maintien de l'ordre contemporain : une doctrine lebonienne
- 45 V. l’introduction.
25Malgré les faiblesses qu’on vient de présenter, la théorie lebonienne est non seulement encore vantée45, mais surtout appliquée. En effet, si le maintien de l'ordre a longtemps été un objet d’étude opaque, son rattachement à la psychologie des foules lebonienne a déjà pu être fait (A). La récente publication d’un document se voulant une synthèse de la doctrine française de maintien de l'ordre rend la comparaison plus aisée, comparaison qui portera sur l’énoncé relatif à la « nasse » (B).
A. Le rattachement du maintien de l'ordre contemporain à Gustave Le Bon
26Jusqu’en 2020, la doctrine de maintien de l'ordre était un objet de recherche peu accessible pour les juristes. Il existait en effet un paradoxe, qui n’est peut-être qu’apparent : cette discipline n’avait cessé de se développer et d’évoluer depuis sa formation, un siècle auparavant, mais n’était consacrée par aucun texte juridique précis ; les seules productions officielles en la matière étaient destinées aux forces de l'ordre. Ceci avait notamment pour conséquences de réduire la doctrine de maintien de l'ordre à sa dimension technique, et d’en limiter la publicité aux agents chargés de l’appliquer.
- 46 Assemblée nationale (AN), Rapport d'enquête relative aux évènements de novembre et décembre 1986 n° (...)
- 47 FILLIEULE Olivier, Stratégies de la rue, Presses de Sciences Po, 1997, p. 313‑314.
27Olivier Filleule l’avait néanmoins déjà rapprochée de la psychologie des foules lebonienne via des entretiens individuels, la lecture d’auditions de forces de l'ordre au Parlement en 198746, et la consultation d’un manuel de formation interne (de 1985) qui caractérisait les foules par « la prédominance de l’affectivité », « une activité intellectuelle réduite », « la perte du sens de la réalité, l’inconscience », et qui comportait « de longs développements sur la régression de l’homme en foule47 ».
- 48 AN, Rapport d'enquête chargée d'établir un état des lieux et de faire des propositions en matière d (...)
- 49 Sénat, Rapport d'information sur les moyens mis en place pour faire face aux nouveaux actes de viol (...)
- 50 AN, Rapport d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines d (...)
- 51 M. Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police FO et de la FSMI-FO, in Rapport d (...)
- 52 M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril (...)
28La lecture d’auditions parlementaires en 201548, 201949 et 202150 laisse à penser que la vision de la foule n’a pas, ou peu, évolué : le secrétaire général d’un syndicat policier y parle de « horde sanguinaire […] là pour détruire et tuer du flic51 », tandis qu’un ministre de l’Intérieur évoquera « des ultras qui ne pensent qu'à détruire la République et qui n'ont d'autre envie que de tuer52 ». L’irrationalité supposée de la foule est toujours ancrée chez les forces de l'ordre spécialisées dans le maintien de l'ordre, par exemple lorsque le commandant d’un groupement de gendarmes mobiles déclare :
- 53 Colonel Jean-François Lafforgue, ancien chef du groupement III/6 de GM de Toulouse, in Rapport d'en (...)
« Le leader est celui qui crie le plus fort, qui peut être le plus violent, qui incitera à brûler une voiture. Et il y aura des moutons, qui peuvent non seulement provoquer des destructions de biens, mais aussi agresser des forces de l'ordre, et réaliser plus tard qu’ils l’ont fait malgré eux ou sous couvert du phénomène de foule. C’est très net53 ».
29Cette irrationalité de la foule, et la place qu’y occupe par conséquent le meneur, vient donc justifier l’importance pour le dispositif de maintien de l'ordre d’afficher sa force, idéalement pour ne pas l’utiliser. Ainsi, un ex-gendarme, par ailleurs docteur en science politique et chercheur associé au CESDIP, considère que :
- 54 M. Jean-Hugues Matelly, président de l’association Gend XXI, in Rapport d'enquête n° 2794 déposé le (...)
« Le rapport de force visible sur le terrain contribue à faire baisser le niveau de violence. Les meneurs peuvent moins facilement entraîner des manifestants avec eux si le rapport de force visible sur le terrain est en faveur des forces de l'ordre54 ».
30En mars 2019, au cœur du mouvement des « gilets jaunes », le directeur général de la Gendarmerie nationale reprendra l’ensemble de la grille d’analyse lebonienne pour expliquer la situation :
- 55 M. Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, in Rapport d'information n° 450 (...)
« On a observé au fil des semaines l'infiltration et l'ingérence de responsables de l'ultra-gauche et de l'ultra-droite […] dont l'influence fait émerger des « ultra-jaunes », mus initialement par des revendications personnelles, mais qui ont évolué vers une attitude plus active, car ils sont pris par un effet de meute. Certains ont dit, devant la justice : « Je ne sais pas ce qui m'est arrivé ». Je les crois ! Ils ont été entraînés et n'avaient plus le discernement nécessaire sur les moyens d'exprimer leurs revendications. Ceux qui approuvent - ou ne désapprouvent pas - les violences sont des citoyens parfaitement insérés dans la société et ne sont pas violents par nature […], ce ne sont pas des casseurs natifs, ils sont insérés dans la société55 ».
- 56 Nous empruntons ici la qualification d’assignation racialisante (plutôt que de racialisation ou de (...)
31Cette classification entre les citoyens insérés dans la société et d’autres personnes, qui seraient violentes par nature, de naissance, peut amener à poser comme hypothèse la persistance d’une assignation racialisante56.
32On peut aussi voir dans cet extrait la fonction de justification que peut jouer la psychologie des foules de Gustave Le Bon : face à la norme (qui est aussi bien sociale que juridique), selon laquelle la manifestation est un acte pacifique, toute déviance est irrationnelle, inconsciente et n’a donc rien de politique. Dès lors, la violence en manifestation n’est pas le fruit de la manifestation, mais de ses ennemis qui s’y infiltrent ; l’intervention des forces de l'ordre a donc pour finalité non seulement de maintenir l’ordre, mais même de protéger la liberté de manifestation. Un ministre de l’Intérieur pourra ainsi déclarer :
- 57 M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril (...)
« Le problème, ce ne sont pas les manifestations : ce sont les ultra-violents qui s'infiltrent dans les cortèges, qui cassent et pillent, ce sont les ultras-jaunes et les black block (sic) qui poussent tous les manifestants vers la brutalité et la radicalité57 ».
33Et celui qui était son secrétaire d’État, et qui tient depuis le même discours en tant que préfet de police de Paris, de postuler que
- 58 M. Laurent Nuñez, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, in Rapport d'enquête (...)
« De plus en plus de cortèges sont infiltrés par des individus radicaux qui tentent par tous les moyens de faire dégénérer les manifestations et de commettre des violences, des exactions et des atteintes aux biens et aux personnes. La grande majorité des manifestants n’a rien à voir avec ces groupuscules, cela va de soi58 ».
- 59 V. notamment FILLIEULE Olivier et JOBARD Fabien, « Le splendide isolement des forces françaises de (...)
34En portant l’analyse sur la pratique des forces de l'ordre, l’approche comparatiste peut être utile. Elle permet de constater que la doctrine française se distingue nettement de celle des autres pays, et se rapproche bien davantage de la conception lebonienne des foules que de théories plus récentes59.
- 60 Qu’on peut traduire par « bonnes pratiques pour le dialogue et la communication comme principes str (...)
- 61 La Suède, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, Chypre, l’Autriche, la (...)
35Enfin, il est intéressant d’évoquer le projet « Good practice for dialogue and communication as strategic principles for policing political manifestations in Europe »60. Il visait à élaborer empiriquement des « bonnes pratiques » de maintien de l'ordre des manifestations politiques en Europe, en partant des travaux les plus récents sur l’étude des foules. Ce projet avait été mené conjointement par des forces de l'ordre et des chercheurs et chercheuses, de manière empirique, au sein d’une dizaine de pays de l’Union européenne61 ; mais pas la France. Celle-ci n’a pas participé à ce projet, pas plus qu’elle n’a jusqu’ici suivi l’appel à appliquer les méthodes qui en sont issues, notamment lancé par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en février 2019.
- 62 Suite à la censure partielle de la première version par le Conseil d’État dans un arrêt du 10 juin (...)
36Le principal changement qui est depuis intervenu est la publication, en septembre 2020 puis en décembre 202162, d’un document se voulant une synthèse du maintien de l'ordre, et qui vient confirmer la vision lebonienne de la foule du ministère de l’Intérieur.
B. L’encadrement normatif de la nasse, modèle exemplaire
- 63 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 15 décembre 2021, « SNMO - version décembre 2021 », annexe, (...)
37Juridiquement, le Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) est un document annexé à une circulaire du ministère de l’Intérieur. Formellement, il s’apparente à un dossier de presse ; on y retrouve de nombreuses photos, notamment (dans sa première version) un portrait du ministre de l’Intérieur, présenté comme l’auteur d’un édito qui s’ouvre par les mots suivants : « L’infiltration plus systématique de casseurs au sein des cortèges », infiltration désignée comme responsable des évolutions du maintien de l'ordre que ce schéma viendrait entériner. Vient ensuite une introduction, qui énonce « [qu’]il est observé parfois un effet d’entraînement chez certains manifestants, pouvant conduire à des comportements violents et à un rejet de toute action policière63 ».
38Si le caractère normatif d’une annexe de circulaire ayant l’apparence d’un dossier de presse est discutable, surtout rapporté à l’ensemble des textes internationaux, européens ou constitutionnels garantissant notamment les libertés de réunion et d’expression, ce SNMO n’en est pas moins le premier document public relatif à la doctrine de maintien de l'ordre. Il expose ainsi la vision de la foule de ces rédacteurs à travers divers éléments, dont les techniques de maintien de l'ordre et leur encadrement.
- 64 Pour une analyse de cette pratique au prisme du droit européen des droits de l’Homme, v. BLOUET Cap (...)
39L’une de ces techniques est la nasse, c'est-à-dire l’encerclement hermétique d’un cortège par les forces de l'ordre, qui représente sans doute le mieux la persistance de la vision lebonienne de la foule dans le maintien de l'ordre français contemporain64. Restreindre l’étude à cette technique s’explique, outre l’impératif de concision, par son caractère à la fois récent et récurrent, d’une part, ainsi que répandu et spécifique, de l’autre.
- 65 CAHN Olivier, « Construction d’un maintien de l’ordre (il)légaliste », RSC, N° 4, 2020, p. 1098. Su (...)
- 66 Anonyme, « La " nasse ", ou l’importation du " kettling " », LundiMatin, #60, 2016 ; Action des chr (...)
- 67 Observatoire parisien des Libertés publiques (OPLP), Rapport d’observation du 16 novembre 2019. La (...)
40Tout d’abord, son caractère récent et récurrent. La nasse aurait ainsi été « expérimenté[e] sporadiquement à partir du mouvement social contre le CPE en 2006 », et serait « apparu[e] médiatiquement à l'occasion de la répression de la manifestation du 21 octobre 2010, place Bellecour à Lyon65 ». Mais c’est depuis 2016, avec le mouvement contre la loi Travail66, et surtout depuis 2018 (en particulier les mouvements des « gilets jaunes », puis « anti-passe »67), que la nasse est devenue une pratique récurrente, en tout cas à Paris.
- 68 En 1986 ; v. JOBARD Fabien, « L’art du désordre toléré. La police des manifestations en Allemagne f (...)
- 69 En 1984; v. JOHNSON Dan, « Background: 'The Battle of Orgreave’« , BBC, 12 juin 2015.
- 70 Cour EDH, Grde Ch.., 15 mars 2012, Austin et autres c. Royaume-Uni, Req n° 39692/09, 40713/09 et 41 (...)
- 71 ACAT, Maintien de l'ordre : à quel prix ?, op. cit., p. 160.
- 72 The Canadian Press, « Cop who ordered mass detentions and arrests during Toronto G20 summit loses 3 (...)
41Son caractère à la fois répandu et spécifique, ensuite. Répandu, car la nasse est pratiquée dans de nombreux pays depuis des décennies ; elle est apparue au milieu des années 1980, en Allemagne68 ou en Angleterre69 (où son application en 2001 a d’ailleurs mené à une décision de la CEDH70) ; mais également en Australie, en Belgique71, au Canada (où elle a mené à la condamnation d’un gradé policier72), au Danemark, en Espagne, aux États-Unis, en Finlande, en Israël… le fait d’encercler hermétiquement une foule n’est donc pas spécifique à un État.
- 73 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 17 septembre 2020, « SNMO », annexe, p. 24.
- 74 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 15 décembre 2021, op. cit., p. 25.
42Cependant, la nasse française présente des spécificités : en effet, si la première version du SNMO prévoyait la possibilité « d’encercler un groupe de manifestants aux fins de contrôle, d’interpellation ou de prévention d’une poursuite des troubles73 », la version de décembre 2021 prévoit désormais qu’il peut être recouru à l’encerclement d’un groupe de manifestants pour prévenir ou faire cesser des violences graves et imminentes contre les personnes et les biens. La notion de violences contre les biens, même si elle est probablement involontairement employée ici par souci de concision, reste une erreur et renvoie tout de même à l’idée que les atteintes aux biens relèvent de la violence. Le schéma précise que « cet encerclement doit, dès que les circonstances de l’ordre public le permettent, ménager un point de sortie contrôlé74 ». Le principe est donc l’encerclement hermétique et potentiellement préventif d’une foule, l’exception étant la liberté d’aller et venir, condition préalable de l’exercice des libertés d’expression et de réunion.
- 75 V. notamment COMBES Hélène, FILLIEULE Olivier, « De la répression considérée dans ses rapports à l' (...)
43Or, ce que le savant sait depuis des décennies, et qui peut aisément se vérifier empiriquement, c’est que ce qu’on peut qualifier d’unité mentale d’une foule n’existe finalement qu’assez rarement, le principe étant une relative hétérogénéité ; l’exception qu’est l’homogénéisation de la foule intervient notamment lorsque cette dernière est effectivement, ou se sent menacée, par un groupe extérieur75.
44Le fait de nasser une foule, de manière indiscriminée et préventive, est précisément ce qui peut lui apparaître comme une menace et ainsi mener à son unification contre le groupe extérieur, en l’occurrence les forces de l'ordre. En effet :
- 76 V. notamment JOBARD Fabien, « Extension et diffusion du maintien de l’ordre en France », Vacarme, 2 (...)
- 77 V. notamment les publications de l’OPLP mentionnées.
451) Si la finalité de cette norme du SNMO est de maintenir l’ordre, au sens de prévenir tout trouble à l’ordre public, comme semble l’indiquer ladite règle, il semble donc possible d’affirmer que le moyen emprunté n’est pas le bon. Ceci est confirmé, d’une part, par le fait que les autres États qui visent la même fin, même lorsqu’ils recourent à la même technique, ne l’emploient pas de cette façon76 ; d’autre part, par des observations empiriques77.
462) Si la finalité de cette norme du SNMO est de permettre l’interpellation des personnes responsables des troubles à l’ordre public, comme on pourrait l’inférer de la récente judiciarisation du maintien de l'ordre, le moyen emprunté n’est, là non plus, pas le bon, selon le procureur général près la Cour de cassation, pour qui :
- 78 M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, in Rapport d'enquête n° 3786 dépos (...)
« Sur le plan judiciaire, cette solution est la pire de toutes : elle ne permet de rien démontrer et l’expérience montre qu’elle ne peut conduire qu’à des irrégularités de procédure et à des mises en liberté très rapides. Elle est donc inefficace, qu’il s’agisse du traitement des affaires ou du respect des principes procéduraux78 ».
Conclusion
47Pour conclure, on peut se demander si c’est la psychologie des foules lebonienne qui fonde et justifie la norme de maintien de l'ordre, ou si la norme de maintien de l'ordre est justifiée a posteriori par une « théorie » correspondant à la volonté politique initiale. En effet, les faiblesses ici développées sur Psychologie des foules, qui rejoignent celles déjà formulées sur l’ouvrage en particulier et sur la psychologie des foules en général, amènent à s’interroger sur les raisons de la pérennité de cette conception du social chez les acteurs du maintien de l'ordre, du personnel l’appliquant jusqu’au politique qui l’encadre.
- 79 BRUNETEAUX Patrick, Maintenir l’ordre, Presses de Sciences Po, 1996, p. 101.
48On a vu que le refus de toute rationalité à la foule permettait de disqualifier toute déviance vis-à-vis de l’idéal-type de la manifestation encadrée, délimitée, pacifique, somme toute ne présentant aucune menace. On a également vu que cet idéal-type permettait de justifier, même de légitimer, l’intervention des forces de l'ordre, qui viennent alors défendre ce modèle. D’autres facteurs permettent d’expliquer la pérennité de la vision de la foule comme irrationnelle : « Du côté des officiers, le coût émotionnel qui se dégage de leur position structurale - force armée de dominants qui s’en prend aux dominés - se fait plus supportable. […] Du côté des agents d’exécution, la théorie de la foule qui leur est inculquée leur apprend à ne plus supporter au premier degré les agressions dont ils sont l’objet79 ».
49Ces considérations semblent prévaloir la prise en compte des faits, ce qui contribue à expliquer qu’aucune des théories plus factuelles n’ait remplacé la conception de la foule héritée de Psychologie des foules. Face à l’absence de volonté du politique de prendre en compte les faits, ainsi que le savant, ce dernier se trouve ainsi écarté de la conception de la norme. La question de savoir s’il devrait y être associé, qui en pose bien d’autres, ne trouvera pas de réponse ici.
Notes
1 L’auteur tient à remercier Olivier Leclerc, dans un premier temps pour avoir accepté de présider le panel au sein duquel il intervenait, dans un second temps pour sa relecture et ses retours.
2 Sauf indication contraire, on souligne.
3 LEBAS Éric, « L’ordre public à l’épreuve des gilets jaunes », Conflits, 24 septembre 2019.
4 Pour qui le titre de multitude est « l’un des plus flétris de l’histoire » (cité dans GUILLEMIN Henri, Le coup du 2 décembre, Gallimard, 1951).
5 P. ex., PHÉLIZON Jean-François, Relire La psychologie des foules de Gustave Le Bon, Nuvis, 2011 ; ROUVIER Catherine, Gustave Le Bon : clés et enjeux de la psychologie des foules, Terra Mare éditions, 2012. L’adhésion de l’autrice à l’ouvrage la mènera à recommander Marine Le Pen comme meneuse de la foule de la « manif pour tous » en 2013 (VALMURIER Nicolas, « Catherine Rouvier : " Pour obtenir un résultat politique, il faut une action politique. " », Le Rouge & le Noir, 16 février 2013), avant de porter en 2021 son dévolu sur Éric Zemmour (ROUVIER Catherine, « Un Zemmour nommé désir », Causeur, 7 juillet 2021), puis de candidater aux législatives de 2022 pour le parti de celui-ci (le candidat du RN remportera 10 fois plus de voix qu’elle).
6 Payot & Rivage en 2020, Flammarion en 2022, et entre les deux des maisons d’édition plus modestes, dont Synthèse Nationale, « site d'information sur le combat national et identitaire », ayant choisi Le Bon, aux côtés de Jacques Bainville et Pierre Drieu la Rochelle, pour lancer sa collection de « Grands classiques ».
7 « Le concept de « jugement de valeur » a donné lieu à un immense malentendu et surtout il a suscité une controverse terminologique, donc parfaitement stérile, qui ne contribue manifestement en rien à la solution du problème, » WEBER Max, « Quatrième essai : “Essai sur le sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences sociologiques et économiques” (1917) », in Essais Sur La Théorie De La Science, Classiques Des Sciences Sociales. Les Auteurs Classiques, 2006, p. 14.
8 Ibid., p. 15.
9 P. ex. le 1er mai 1891 à Fourmies : v. REBÉRIOUX Madeleine (dir.), Fourmies et les premier mai, Les éditions de l’Atelier, 1994 ; HARDY-HÉMERY Odette, L’envers d’une fusillade : Fourmies, 1er mai 1891, L’Harmattan, 1996 ; sur l’histoire du 1er mai en France, v. TARTAKOWSKY Danielle, La part du rêve : histoire du 1er mai en France, Hachette, 2005.
10 P. ex. le 20 juin 1907 à Agde : v. PECH Rémy, « 22. La révolte des vignerons du Midi en 1907 : un mouvement social atypique et exemplaire », dans : Michel Pigenet éd., Histoire des mouvements sociaux en France. De 1814 à nos jours. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2014, p. 249-258.
11 Instruction du 20 août 1907 relative à la participation de l'armée au maintien de l'ordre public, dont le 1er article dispose que le maintien de l'ordre « incombe à l’autorité civile. » V. aussi l’instruction du 18 octobre 1907 relative à l’emploi des troupes requises pour le maintien de l’ordre.
12 Loi du 22 juillet 1921 portant augmentation des effectifs de la gendarmerie et créant un état-major particulier de la gendarmerie, qui permet de recruter 7200 militaires, puis circulaire du 15 novembre 1921 sur l’affectation des militaires des légions aux pelotons mobiles de gendarmerie, dont la doctrine est formulée par l’instruction provisoire du 9 septembre 1922 sur l’organisation et le service des pelotons mobiles de gendarmerie, et surtout par l’instruction sur le maintien de l'ordre approuvée le 1er août 1930.
13 P. ex., une thèse en informatique soutenue en 2022 a comme objectif de permettre « aux forces de l’ordre de comprendre les mécanismes […] régissant [les foules] et de pouvoir les prédire [sic !], par la suite. » BENDALI-BRAHAM Mounir, Étude de la classification des vidéos de foule par apprentissage profond, thèse, informatique, Université de Haute Alsace - Mulhouse, 2022, p. 109.
14 Pour une présentation historique des théories sur la foule, v. SOMMIER Isabelle, « 5. Diffusion et circulation des mouvements sociaux », dans : Éric Agrikoliansky éd., Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, La Découverte, « Recherches », 2010, p. 101-120.
15 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 9.
16 La base du raisonnement lebonien, se voulant sans doute une application de la théorie de l’émergence formalisée au milieu du 19e, est en réalité tautologique : l’unité mentale est ce qui définit la foule, mais cette unité mentale ne se produit qu’une fois la foule constituée. Pour plus de développements à ce sujet, v. RUBIO Vincent, « Le regard sociologique sur la foule à la fin du XIXe siècle », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, n° 28, 2010, p. 26‑32. Sur l’émergence, v. O’CONNOR Timothy, « Emergent Properties », The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2021 Edition), Edward N. Zalta (ed.).
17 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
18 Le Bon l’avait d’ailleurs bien vu : dans une note de bas de page, il évacue les travaux précédents en minorant leur intérêt, tout en écorchant le titre de l’ouvrage fondateur : « Les rares auteurs qui se sont occupés de l’étude psychologique des foules les ont examinées, je le disais plus haut, uniquement au point de vue criminel. N’ayant consacré à ce dernier sujet qu’un court chapitre, je renverrai le lecteur aux études de M. Tarde et à l’opuscule de M. Sighele : Les foules criminelles [sic]. Ce dernier travail ne contient pas une seule idée personnelle à son auteur […] » Ibid., p. 6. Le Bon mentionnera à nouveau Gabriel Tarde dans une brève phrase, p. 27.
19 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
20 Ibid., p. 74.
21 ESPINAS Alfred, Des sociétés animales ; étude de psychologie comparée, Germer-Baillière, 1877, 389 p.
22 ESPINAS Alfred, Des sociétés animales. Étude de psychologie comparée, Félix Alcan, 3e édition, 1924, p. 287.
23 LE BON Gustave, op. cit., p. 13.
24 Ibid.
25 BOURDIEU Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Points, 2014, p. 332 (souligné par l'auteur).
26 « Sighele, Lebon [sic], Tarde, Rossi […] n’ont fait que systématiser, préciser un peu et formuler en langage scientifique (pas toujours) les connaissances empiriques sur les foules que possédaient des hommes d’État, des économistes et surtout des poètes et des écrivains » DRABOVITCH Wladimir, Fragilité de la liberté et séduction des dictatures, Mercure de France, 1934, p. 93. V., surtout, BARROWS Susanna, Miroirs déformants. Réflexions sur la foule en France à la fin du XIXe siècle, Aubier, 1990.
27 WOOD Lesley J., Mater la meute. La militarisation de la gestion policière des manifestations, Lux éd, 2015.
28 V. notamment AULARD Alphonse, Taine historien de la Révolution française, A. Colin, 1907.
29 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 17.
30 Ibid., p. 25.
31 Ibid., p. 19.
32 Gabriel Tarde dira par exemple en 1901 : « Par son caprice routinier, sa docilité révoltée, sa crédulité, son nervosisme, ses brusques sautes de vent psychologiques de la fureur à la tendresse, de l'exaspération à l'éclat de rire, la foule est femme. » TARDE Gabriel, L'opinion et la foule, PUF, 1989, p. 163.
33 BOURDIEU Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Points, 2014, p. 335‑338 (souligné par l'auteur).
34 V. notamment BOVO Elena, Pensée de la foule, pensée de l’inconscient, Presses universitaires de Franche-Comté, 2021 ; sous la direction de la même autrice, La Foule, Presses universitaires de Franche-Comté, 2015.
35 LE BON Gustave, op. cit., p. 94.
36 Ibid., p. 3‑4.
37 Ibid., p. 18.
38 Ibid., p. 12.
39 Ibid., p. 69.
40 Ibid., p. 71.
41 V. notamment COMBES Hélène, FILLIEULE Olivier, « De la répression considérée dans ses rapports à l'activité protestataire. Modèles structuraux et interactions stratégiques », Revue française de science politique, 2011/6 (Vol. 61), p. 1047-1072 ; FILLIEULE Olivier, TARTAKOWSKY Danielle, « Qu'est-ce qui fait courir les manifestant(e)s ? », dans : La manifestation, sous la direction de FILLIEULE Olivier, TARTAKOWSKY Danielle. Paris, Presses de Sciences Po, « Contester », 2013, p. 101-138 ; SOMMIER Isabelle, « 5. Diffusion et circulation des mouvements sociaux », préc..
42 Cet ouvrage ne serait « [qu’]une simple mise en forme, adroite, opportuniste et peu originale, voire assimilable à un strict plagiat ». RUBIO Vincent, « Permanence et métamorphoses de la foule », Hermès, La Revue, 70, 2014, p. 83‑84.
43 Mussolini parle ainsi de Le Bon et de son ouvrage en 1926 : « Je sais que la Science et la vie a publié des interviews avec des personnalités que je considère comme les plus importantes et qui, à mon avis, sont parmi celles qui honorent le plus l’humanité : Gustave Le Bon, par exemple. J’ai lu toute l’œuvre de Gustave Le Bon ; et je ne sais pas combien de fois j’ai relu sa Psychologie des foules. C’est une œuvre capitale, à laquelle je reviens souvent, encore aujourd’hui. », cité dans BOSC Olivier, « Gustave Le Bon, un mythe du XXe siècle ? », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 28, 2010, p. 114‑115.
44 LE BON Gustave, Psychologie des foules, PUF, 1991, p. 28.
45 V. l’introduction.
46 Assemblée nationale (AN), Rapport d'enquête relative aux évènements de novembre et décembre 1986 n° 850, déposé le 16 juin 1987 par M. Emmanuel Aubert. (Commission d’enquête menée suite à la mort de Malik Oussekine, tué par les pelotons de voltigeurs motocyclistes en marge de la mobilisation contre la loi Devaquet.)
47 FILLIEULE Olivier, Stratégies de la rue, Presses de Sciences Po, 1997, p. 313‑314.
48 AN, Rapport d'enquête chargée d'établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l'ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens n° 2794, déposé le 21 mai 2015 par M. Pascal Popelin. (Commission d’enquête menée suite à la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade dans le cadre de la mobilisation contre un projet de barrage à Sivens.)
49 Sénat, Rapport d'information sur les moyens mis en place pour faire face aux nouveaux actes de violence et de vandalisme commis à Paris n° 450, déposé le 10 avril 2019 par M. Philippe Bas. (Mission d’information menée suite à la manifestation des « gilets jaunes » du 16 mars 2019.)
50 AN, Rapport d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre n° 3786, déposé le 20 janvier 2021 par M. Jérôme Lambert. (Commission d’enquête menée suite aux mouvements des « gilets jaunes » et contre la réforme des retraites.)
51 M. Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police FO et de la FSMI-FO, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril 2019, op. cit., p. 76.
52 M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril 2019, op. cit., p. 30
53 Colonel Jean-François Lafforgue, ancien chef du groupement III/6 de GM de Toulouse, in Rapport d'enquête n° 3786 déposé le 20 janvier 2021, op. cit., p. 555-556.
54 M. Jean-Hugues Matelly, président de l’association Gend XXI, in Rapport d'enquête n° 2794 déposé le 21 mai 2015, op. cit., p. 407.
55 M. Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril 2019, op. cit., p. 106-107.
56 Nous empruntons ici la qualification d’assignation racialisante (plutôt que de racialisation ou de racisation) à Sarah Mazouz, qu’elle opère « pour insister sur la dimension processuelle du geste qui consiste à essentialiser une origine réelle ou supposée, à en radicaliser l’altérité et à la minoriser, c’est-à-dire à la soumettre à un rapport de pouvoir. » MAZOUZ Sarah, Race, Anamosa, 2020, p. 50.
57 M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, in Rapport d'information n° 450 déposé le 10 avril 2019, op. cit., p. 30.
58 M. Laurent Nuñez, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, in Rapport d'enquête n° 3786 déposé le 20 janvier 2021, op. cit., p. 626
59 V. notamment FILLIEULE Olivier et JOBARD Fabien, « Le splendide isolement des forces françaises de maintien de l’ordre », in Jérémie Gauthier et Fabien Jobard, Police : questions sensibles, PUF, 2018, p. 21-35. V. aussi les autres références relatives aux théories plus récentes.
60 Qu’on peut traduire par « bonnes pratiques pour le dialogue et la communication comme principes stratégiques pour le maintien de l'ordre lors de manifestations politiques en Europe ».
61 La Suède, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, Chypre, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et les Pays-Bas. Sur le projet GODIAC, v. notamment FILLIEULE Olivier, VIOT Pascal, DESCLOUX Gilles, « Vers un modèle européen de gestion policière des foules protestataires ? », Revue française de science politique, 2016/2 (Vol. 66), p. 295-310.
62 Suite à la censure partielle de la première version par le Conseil d’État dans un arrêt du 10 juin 2021. V. CHECCHI Bérénice et HARKET Nassim, « Schéma national du maintien de l’ordre : la sanction provisoire d’une doctrine ambiguë et imprécise. », La Revue des droits de l’homme [en ligne], Actualités Droits-Libertés (ADL), 05 juillet 2021.
63 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 15 décembre 2021, « SNMO - version décembre 2021 », annexe, p. 8.
64 Pour une analyse de cette pratique au prisme du droit européen des droits de l’Homme, v. BLOUET Capucine et a., « La pratique de la nasse au regard du droit européen des droits de l’Homme », La Revue des droits de l’homme [en ligne], ADL, 24 mai 2021.
65 CAHN Olivier, « Construction d’un maintien de l’ordre (il)légaliste », RSC, N° 4, 2020, p. 1098. Sur le traitement judiciaire de la nasse place Bellecour, v. notamment BENRABAH Yannis et a., « La nasse : un dispositif de maintien de l’ordre toujours non encadré par le Conseil constitutionnel », La Revue des droits de l’homme [en ligne], ADL, 17 mai 2021. Une requête concernant ces faits est pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme : Marc AURAY et autres c. France, Requête 1162/22, introduite le 22 déc. 2021.
66 Anonyme, « La " nasse ", ou l’importation du " kettling " », LundiMatin, #60, 2016 ; Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Maintien de l'ordre : à quel prix ?, 2020, p. 82.
67 Observatoire parisien des Libertés publiques (OPLP), Rapport d’observation du 16 novembre 2019. La stratégie de la nasse contre le droit de manifester, 2020 ; idem, Contrôler, réprimer, intimider. Nasses et autres dispositifs d'encerclement policier lors des manifestations parisiennes, Printemps 2019 - Automne 2020, 2020 ; idem, Note d’observation de la manifestation parisienne du 16 octobre 2021. Un maintien de l’ordre « illégaliste », 2022.
68 En 1986 ; v. JOBARD Fabien, « L’art du désordre toléré. La police des manifestations en Allemagne fédérale », Savoir/Agir, 55, 2021, p. 62.
69 En 1984; v. JOHNSON Dan, « Background: 'The Battle of Orgreave’« , BBC, 12 juin 2015.
70 Cour EDH, Grde Ch.., 15 mars 2012, Austin et autres c. Royaume-Uni, Req n° 39692/09, 40713/09 et 41008/09
71 ACAT, Maintien de l'ordre : à quel prix ?, op. cit., p. 160.
72 The Canadian Press, « Cop who ordered mass detentions and arrests during Toronto G20 summit loses 30 paid days », National Post, 15 juin 2016.
73 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 17 septembre 2020, « SNMO », annexe, p. 24.
74 Ministère de l’Intérieur, circulaire du 15 décembre 2021, op. cit., p. 25.
75 V. notamment COMBES Hélène, FILLIEULE Olivier, « De la répression considérée dans ses rapports à l'activité protestataire. Modèles structuraux et interactions stratégiques », préc. ; FILLIEULE Olivier, TARTAKOWSKY Danielle, « Qu'est-ce qui fait courir les manifestant(e)s ? », préc. ; SOMMIER Isabelle, « 5. Diffusion et circulation des mouvements sociaux », préc..
76 V. notamment JOBARD Fabien, « Extension et diffusion du maintien de l’ordre en France », Vacarme, 2016/4 (N° 77), p. 24-29.
77 V. notamment les publications de l’OPLP mentionnées.
78 M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, in Rapport d'enquête n° 3786 déposé le 20 janvier 2021, op. cit., p. 390.
79 BRUNETEAUX Patrick, Maintenir l’ordre, Presses de Sciences Po, 1996, p. 101.
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Référence électronique
Vincent Louis, « Emporté.e par la foule ? La psychologie des foules de Gustave Le Bon à l’appui du maintien de l’ordre à la française », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 24 | 2023, mis en ligne le 22 mai 2023, consulté le 25 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/revdh/17646 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.17646
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