Navigation – Plan du site

AccueilNuméros56Lu – à lireÉmile Temime, France, terre d’imm...

Lu – à lire

Émile Temime, France, terre d’immigration

Marie-Noële Denis
p. 158
Référence(s) :

Émile Temime, France, terre d’immigration, Paris, Découvertes Gallimard, 1999, 160 p., nombreuses illustrations.

Texte intégral

1L’immigration en France est ancienne. Son histoire est faite d’adhésion à une nation idéalisée, mais aussi de déceptions, de rejets et d’affrontements. La Révolution de 1789 a ouvert la « patrie de la liberté » aux exilés venus de toute l’Europe. La révolution industrielle et la dénatalité ont amené, dès le milieu du xixe siècle, une immigration de masse, surtout européenne et algérienne, qui perdurera jusque dans les années 1960. Au cours des dernières décennies la mondialisation a touché aussi les mouvements migratoires : beaucoup de migrants viennent maintenant d’Afrique, du Sud-Est asiatique et du Moyen-Orient. Ces migrations, riches de leur diversité, sont indissociables de notre identité nationale.

2Depuis le xvie siècle cette immigration a pris trois formes simultanées, d’ampleur différente selon les époques et les circonstances : politique, économique ou culturelle. Une immigration de main-d’œuvre a toujours existé aux frontières proches de la Suisse, de l’Allemagne et de la Belgique, sous forme de colporteurs, de domestiques et de soldats mercenaires. Dans le même temps les alliances étrangères des souverains ont attiré à la cour et au gouvernement une aristocratie italienne et espagnole (les Concini, Mazarin), ainsi que les plus grands artistes de la Renaissance (Le Primatice, Léonard de Vinci). Sous Louis XIV Lully devient musicien du roi et le théâtre italien, installé à Paris, inspire Molière. Au xviiie siècle les artistes et les beaux esprits européens fréquentent les salons (Mozart, Grimm, Rousseau).

3Après la Révolution, la France apparaît comme le pays de la liberté et accueille des artistes et des réfugiés politiques venus de toute l’Europe : Italiens (Garibaldi), Allemands (Büchner), Polonais (Chopin). Mais elle utilise aussi les services d’ingénieurs, de techniciens, d’artisans et d’ouvriers étrangers : Belges, Italiens, Grecs du Levant, Catalans. Cette dernière immigration est tout à fait considérable, 700 000 à 800 000 personnes sous le Second Empire. Les uns et les autres se révèlent indispensables au rayonnement économique et culturel de la France.

4La Grande Guerre provoquera en Europe un véritable séisme, et beaucoup d’hommes et de femmes viendront chercher un asile politique en France. C’est le cas des Russes (1917 et 1920) et des Arméniens (1915), puis des Italiens opposés au régime de Mussolini (1926), des Allemands (en particulier les juifs du Grand Reich poursuivis par les nazis après 1933), et des Espagnols républicains après leur défaite de 1939. Ces flots considérables et concentrés dans le temps sont plus ou moins bien accueillis, souvent dans des camps de fortune. Nombre d’entre eux combattront en 1940 dans l’armée française et rejoindront la Résistance.

5Parallèlement, pour remédier à la dénatalité et à la disparition de nombreux hommes jeunes dans la guerre, une immigration économique est organisée, en partie par le patronat, qui recrute de la main-d’œuvre en Pologne, en Afrique du Nord, en Afrique Noire et dans le Sud-Est asiatique. Cet afflux de population étrangère n’est pas sans provoquer de violentes crises xénophobes lors de la crise de 1928-1930. Parallèlement, Paris devient alors le centre du monde culturel et artistique où se retrouvent des écrivains (Hemingway, A. Miller, Fitzgerald) et des artistes (Picasso, Max Ernst, Dali, Chagall, Soutine) persécutés dans leur pays, ou attirés par le rayonnement culturel international de la France.

6La seconde moitié du xxe siècle est marquée par de vastes mouvements de populations, consécutifs aux nouvelles facilités de transport, aux déséquilibres de développement économique et aux conflits permanents. La France subit par ailleurs le choc de la décolonisation et reçoit un grand nombre de travailleurs immigrés venus, dans un premier temps, de l’Europe méditerranéenne, Italiens, Espagnols puis Portugais, puis des anciennes colonies d’Afrique du Nord, d’Afrique Noire et du Sud-Est asiatique. Ils sont employés pour les travaux les moins qualifiés et les moins payés, dans les mines, la construction et la métallurgie.

7Cette immigration, d’abord de main-d’œuvre, tend à se fixer définitivement grâce au regroupement familial. Se pose alors le problème du logement et, autour des villes, de grandes cités remplacent les bidonvilles. L’immigration en provenance d’Algérie pose des difficultés particulières, d’abord à la fin de la guerre, en 1962, à l’arrivée massive de plus d’un million de pieds-noirs et de harkis, puis par le flux continu des familles qui, du fait des accords d’Évian (1962), tendent à se fixer définitivement en France.

8Depuis 1974, avec le début de la crise économique et la montée du chômage, on tente de contrôler cette immigration. Il est créé un Office national de l’immigration. Le gouvernement français met en place une politique d’aide au retour qui échouera, d’autant plus que les enfants de ces migrants, nés en France et de nationalité française, ont réussi pour la plupart une promotion sociale qui a assuré leur francisation. Seuls les républicains espagnols sont repartis en grand nombre à la mort de Franco. Le flux semble largement tari, mais la sévérité des contrôles engendre une immigration clandestine impossible à mesurer.

9Le livre d’Émile Temime montre, documents à l’appui, les fluctuations dans le temps de ces trois types d’immigration : politique, économique et culturelle. Cette diversité de populations se traduit naturellement par une grande diversité de cultures. Comme toujours, dans cette collection des éditions Gallimard, le texte est accompagné d’une abondante iconographie et de récits d’historiens ou d’écrivains qui ont témoigné, en français ou dans leur langue maternelle, de leur propre expérience tels que Romain Gary, Cavanna, Arthur Koesler, Jorge Semprun, Roger Ikor, Nina Berberova, Vercors, Abdelmalek Sayad.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Marie-Noële Denis, « Émile Temime, France, terre d’immigration »Revue des sciences sociales, 56 | 2016, 158.

Référence électronique

Marie-Noële Denis, « Émile Temime, France, terre d’immigration »Revue des sciences sociales [En ligne], 56 | 2016, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 29 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/revss/438 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revss.438

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International - CC BY-NC-SA 4.0

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search