1Cet ouvrage est le cinquième de la série « Histoire et Mémoire », publiée par les éditions « Terres d’Argonne ». Le principe de cette série est de présenter l’histoire d’une commune argonnaise en faisant appel aux chercheurs locaux et nationaux, mais surtout à la mémoire de ses habitants. Ils et elles apportent leur pierre à ce travail collaboratif à leur façon : témoignages, photos, documents extraits des archives familiales, ou résultats de leurs recherches. Le livre est le point de départ d’une dynamique collective de retour sur le passé pour consolider l’identité communale.

De la « petite » à la « grande » Histoire

2L’Argonne est un territoire qui a conservé une identité propre malgré l’absence d’unité institutionnelle : elle est à cheval sur trois départements (Ardennes, Marne et Meuse) et, avant la création récente de la région Grand Est, les deux premiers faisaient partie de la Champagne-Ardenne et le troisième de la Lorraine. En reprenant une expression alsacienne, la « France de l’intérieur » connaît très peu l’Argonne. La mémoire collective a d’abord retenu l’arrestation du roi Louis XVI à Varennes-en-Argonne, au début de la Révolution française, lors de sa tentative avortée de fuite en Allemagne ; plus important, elle a aussi retenu la bataille de Valmy, en oubliant qu’elle est l’acte fondateur de la République française en 1792. L’Argonne a aussi beaucoup souffert pendant les deux guerres mondiales, gardant des traces des combats qui sont encore visibles aujourd’hui.

3La commune des Islettes est un gros village avec une histoire singulière. Depuis le Moyen Âge et jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, elle a eu une importante activité verrière, souvent porteuse d’innovations technologiques (par exemple, le bocal « L’idéale » pour les conserves). La production de bouteilles a contribué à l’essor du champagne voisin. Il y a eu tout un éventail d’activités : faïencerie, tuilerie et briqueterie, métallurgie, foresterie, mais aussi broderie.

4Pendant la Première Guerre mondiale, à proximité de la ligne de front, Les Islettes a servi de base arrière où l’on cantonnait les troupes, soignait les blessés et gérait les approvisionnements. De nombreuses activités ont disparu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce qui n’a pas tari le recours à la main-d’œuvre étrangère : Italiens, Espagnols et Portugais se sont installés aux Islettes pour accomplir les durs travaux dans le bûcheronnage, ainsi que dans le bâtiment et les travaux publics. Le Centre sanitaire d’Argonne a hébergé le Foyer de l’enfance du Sud-Est asiatique, où un réfugié vietnamien, ancien « Boat People », a été accueilli en 1981 et il est resté très attaché aux Islettes. L’histoire locale est directement en prise sur l’histoire du monde entier.

Histoire, mémoire et lien social

5Cette histoire est une production collective de huit auteurs, documentée et enrichie par les apports de nombreux habitants d’hier et d’aujourd’hui – ainsi que de leurs enfants – qui ont répondu à l’invitation qui leur avait été faite.

6L’ouvrage a bénéficié grandement des travaux et recherches de François Jannin, historien et archéologue local, spécialiste du verre. La coordinatrice de l’ouvrage est sa fille, Marie-Christine Jannin, qui a pu puiser des documents inédits dans ses archives. Mais ce précieux apport scientifique ne doit pas cacher l’essentiel. La préparation du livre a enclenché une dynamique appelée à se poursuivre.Tous ceux et celles qui ont apporté leur pierre sont fiers de cet ouvrage. Ils et elles en parlent entre eux et l’offrent à leurs enfants et à leurs amis, ce qui relance les échanges. L’identité locale se raffermit et favorise les solidarités de voisinage.

7L’exploration du passé éclaire le présent. C’est un enjeu essentiel dans la recherche participative, qui n’est pas passéiste. Espérons que les sociologues et historiens sauront s’emparer de cette démarche qui bouscule la distinction traditionnelle entre acteurs et chercheurs, créant des liens entre eux.