1Art Zoyd Studios est un centre de création musicale consacré à la musique électroacoustique qui accueille des compositeurs en résidence dans le nord de la France depuis 1999. Art Zoyd Studios est une émanation du groupe éponyme Art Zoyd. Il a été créé par Gérard Hourbette, accompagné de Monique Hourbette-Vialadieu.
2L’une des missions d’Art Zoyd Studios est la préservation et l’entrée au répertoire de pièces du xxe et du xxie siècle utilisant l’électronique, en rendant leur interprétation à nouveau possible aujourd’hui et à l’avenir. Son fonds est constitué des pièces du groupe Art Zoyd, en particulier celles de Gérard Hourbette (disparu en 2018), auxquelles s’ajoutent les œuvres de plus de 300 compositeurs accueillis à ce jour.
3L’enjeu central de la rejouabilité des œuvres, en lien avec les problèmes liés à l’obsolescence technologique, nous a amenés à concevoir un système documentaire dédié à la musique électroacoustique. Souhaitant par ailleurs nous intégrer dans un cadre de science ouverte et d’interopérabilité, nous nous sommes orientés vers l’adaptation d’une ontologie existante, Dorémus, avec un triple objectif : permettre un dialogue avec les autres bases de données existantes sur la musique au sens large ; concevoir un modèle de description spécifique à la musique électroacoustique ; implémenter notre ontologie afin de constituer un système documentaire opérationnel, intitulé Eulalie, qui puisse être utilisé par d’autres institutions rencontrant des problématiques similaires à celles d’Art Zoyd Studios. Pour l’implémentation, le choix s’est porté vers un système de base de données largement utilisé dans le domaine des humanités numériques, Heurist, en dialogue avec l’entrepôt de données Nakala pour l’hébergement des documents1. Cet article revient, dans un premier temps, sur le contexte propre à Art Zoyd Studios et à la musique électroacoustique avant d’expliciter, dans un second temps, le choix du modèle Dorémus et, enfin, dans un troisième temps, de décrire son adaptation ainsi que son implémentation dans un système documentaire dédié dont le modèle est disponible sur Zenodo2.
4Eulalie s’inscrit dans une démarche de préservation de la musique électroacoustique où l’accessibilité des œuvres favorise leur rejouabilité et par conséquent leur pérennité. La préservation de la musique électroacoustique, en raison de problématiques spécifiques liées à l’obsolescence technologique des composantes des œuvres (qu’il s’agisse, par exemple, de l’instrumentarium avec l’usage d’échantillonneurs ou « samplers », de l’emploi de sons nativement numériques ou de partitions sous forme de programmes comme les patches Max/MSP) demeure un enjeu majeur. Nous considérons qu’une approche pragmatique de la préservation de ces œuvres repose sur le fait qu’elles soient rejouées régulièrement. C’est parce qu’elles sont rejouées que des réponses à l’obsolescence sont apportées, selon différentes approches qui vont de l’émulation à la migration, en passant par la recréation avec de nouvelles technologies ou encore par le rapprochement avec les projets de préservation du time-based media art que l’on trouve aujourd’hui dans certains musées tels que la Tate (Akkermann 2019 ; Bonardi et al. 2017 ; Boutard 2020 ; Clarke, Dufeu et Manning 2020). Si des réponses partielles ont été apportées – comme le langage Faust de description mathématique du traitement du signal audionumérique (Orlarey, Fober et Letz 2009) ou encore la base Sydney (Lemouton et Goldszmidt 2016 ; Lemouton et al. 2018) et son pendant documentaire Analyses3 à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM) –, de nombreuses questions ne sont pas encore résolues et nous ne pouvons qu’appeler au développement de ce champ de recherche récent et embryonnaire.
- 4 L’un des objectifs du projet est en effet la transmission des œuvres via la pédagogie. Plusieurs ma (...)
5Afin de favoriser la rejouabilité, il importe notamment de donner davantage de visibilité à ces œuvres, de les localiser et de les décrire de manière précise. C’est pourquoi nous souhaitons proposer un système documentaire ouvert et interopérable qui conjugue modélisation, description et publication des données relatives aux œuvres. Cela permettra de favoriser leur dissémination auprès du plus grand nombre (en particulier aux personnes qui souhaitent interpréter ce répertoire, du conservatoire aux professionnels4) et d’identifier non seulement leurs composantes-clés (partitions, sons, instructions, fiches techniques…) mais également leur évolution dans le temps. Du point de vue de l’utilisateur, ce système documentaire doit permettre de répondre à des questions telles que : quelle est la dernière version jouée de telle composition ? Où sont conservés ces éléments ? Dans quelle mesure sont-ils accessibles ? Quelles sont les œuvres de musique électroacoustique disponibles pour trois instrumentistes ? Quelles ont été les variations d’instrumentarium d’une œuvre donnée au cours du temps ? Notre approche se caractérise par le choix, tout au long de la démarche, de solutions ouvertes et interopérables reposant sur des infrastructures déjà largement établies dans le domaine des humanités numériques.
- 5 Interpares 2 définit des recommandations pour le créateur et pour le conservateur du document numér (...)
6Le système Eulalie est né dans le contexte spécifique du fonds d’œuvres électroacoustiques du centre de création Art Zoyd Studios. Ce dernier tient son nom du groupe de rock français éponyme fondé en 1969 par Rocco Fernandez puis repris en 1971 par Thierry Zaboitzeff et Gérard Hourbette en codirection jusqu’en 1997, et enfin par Gérard Hourbette seul de 1997 jusqu’à son décès en 2018. Durant ses premières années, le centre accueille, dès ses débuts, des compositeurs en résidence ainsi que des projets pédagogiques et de transmission de la musique électroacoustique. Depuis 1999, Art Zoyd Studios a produit plus de 300 œuvres de la part de compositeurs tels que Alejandro Viniao, Luc Ferrari, Clara Maïda, John Croft, Jean-Baptiste Barrière, ou Kasper T. Toeplitz. Le projet de documentation et de préservation concrétisé en 2018, envisagé depuis longtemps, a revêtu un caractère d’urgence au décès de Gérard Hourbette, laissant derrière lui une grande quantité de documents sur supports papier et numérique non classés, complexes à identifier et parfois menacés d’obsolescence dans le cas des nombreux supports numériques anciens. Monique Hourbette-Vialadieu, ayant droit, directrice d’Art Zoyd Studios, décide d’engager un vaste programme de numérisation des archives et de préservation des œuvres, qui inclut également les pièces à venir créées lors des résidences. Ce projet, qui doit être suffisamment versatile pour s’adapter à de nombreux courants de la musique contemporaine, à différentes esthétiques ou encore à des instrumentariums et à des procédés de composition très divers, reçoit le soutien de la région Hauts-de-France et de la direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) avec des financements récurrents depuis 2018. Ces missions sont également inscrites dans les conventions pluriannuelles d’objectifs 2019-2022 puis 2023-2026 qui définissent les engagements de la structure vis-à-vis de ses tutelles. Le projet est non seulement de documenter et préserver le passé, mais aussi de proposer à tous les futurs compositeurs qui séjournent dans la structure pour des résidences de création un protocole et une infrastructure pour préserver leurs œuvres, et cela dès leur création, suivant de ce point de vue les recommandations établies par le consortium Interpares 2 (International Research on Permanent Authentic Records in Electronic System) sur la conservation à long terme des documents numériques (Duranti 20045).
7Monique Hourbette-Vialadieu confie à Clarisse Bardiot, professeur en études théâtrales et spécialiste des questions de documentation et de préservation des arts de la scène, la direction scientifique du projet. Collaborant depuis plusieurs années avec Art Zoyd Studios à divers titres, dont celui de conseillère à la dramaturgie pour le spectacle Trois Rêves non valides, elle a, par ailleurs, une bonne connaissance du centre et de ses problématiques spécifiques. L’équipe est constituée d’Alexandre Michaan (doctorant et restaurateur du patrimoine audiovisuel analogique et numérique), Bernard Jacquemin (maître de conférences à l’université de Lille en sciences de l’information et de la communication), Oudom Southammavong (réalisateur en informatique musicale à Art Zoyd Studios), Daniel Koskowitz (compositeur et interprète chargé de la réécriture et mise en forme des partitions), Kasper T. Toeplitz (compositeur, artiste associé à Art Zoyd Studios) et Monique Hourbette-Vialadieu (directrice d’Art Zoyd Studios). D’autres personnes (dont Étienne Trujillo, ingénieur du son ; Gabriel Verner, Léa Dicko-Vincent, Jeanne Westeel et François Théry-Nightingale – ces deux derniers étant stagiaires en sciences de l’information et de la communication) sont intervenues sur la numérisation des partitions conservées en grand nombre dans les archives papier du studio, la capture et la sauvegarde des contenus numériques sur supports optiques CD et DVD, les inventaires du fonds, l’adaptation de Dorémus ou encore la saisie des données dans la base Heurist. Ce projet est le fruit d’une collaboration et d’un dialogue interdisciplinaires entre chercheurs, professionnels de la conservation du patrimoine et de l’informatique musicale, musiciens et témoins historiques. Il est en effet nécessaire de prendre en compte également la mémoire et les archives vivantes que sont les interprètes. Par exemple, la formalisation de nouvelles partitions normalisées conduite par Daniel Koskowitz, musicien ayant fait partie des interprètes d’Art Zoyd pour de nombreuses pièces de 2004 à 2020, a été menée en dialogue avec les autres interprètes historiques d’Art Zoyd, Yukari Bertocchi Hamada, Nadia Ratsimandresy, Jérôme Soudan, Romuald Cabardos, Didier Casamitjana, ainsi que Thierry Zaboitzeff.
8Dans un premier temps, nous avons concentré nos efforts sur le fonds Gérard Hourbette, d’une part parce que son décès a suscité une situation d’urgence pour sauvegarder les œuvres, d’autre part car il s’agit du fonds le plus important du studio, et enfin parce qu’il témoigne d’une cohérence quant à une approche spécifique de la musique électroacoustique. Malgré tout, nous avons toujours gardé en tête que les méthodes développées devraient ensuite pouvoir s’appliquer à d’autres compositeurs aux esthétiques et aux pratiques très différentes. Le projet a été abordé en prenant en compte de multiples contraintes.
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Contraintes techniques : de nombreux éléments constituant les œuvres (par exemple, les samples) ou les documentant (par exemple, les fiches techniques) sont nativement numériques et conservés sur les disques durs d’origine, soit un matériel obsolète ou en voie d’obsolescence avec certains appareils déjà hors service. La migration (extraction des contenus depuis des supports obsolètes, sauvegarde sur serveur et réactualisation des formats de fichiers pour une exploitation sur des systèmes informatiques actuels) de ces documents a constitué un chantier urgent et prioritaire, y compris en amont de l’inventaire.
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Contraintes archivistiques : un premier état des lieux fait état d’une masse importante de documents à traiter, à la fois sous forme papier et numérique. La première étape, avant celle de la numérisation des documents papier (notamment de nombreuses partitions) et des bandes-vidéo a été celle d’un nécessaire inventaire qui nous a ensuite guidés sur les différentes mesures d’archivage à conduire. Aujourd’hui, l’ensemble des données numériques aux formats ou supports obsolètes a pu être extrait et sauvegardé. Les archives vidéo rassemblant les captations de la majorité des spectacles ont été numérisées, ainsi que les partitions. Celles-ci font l’objet d’un travail de remise en forme, en vue de les mettre à disposition de futurs interprètes de la manière la plus lisible possible, dans des formats ouverts assurant leur lisibilité sur le long terme. Chaque partition est exportée en PDF et en MXL (Music XML). La numérisation des archives papier liées à chaque concert ou projet de spectacle d’Art Zoyd, en particulier les coupures de presse, est en cours.
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Contraintes structurelles : les œuvres de Gérard Hourbette sont caractérisées par leur forme évolutive. Il existe pour chaque composition de nombreuses variantes qui ne se réduisent pas à la question de la forme de la diffusion (CD, concerts) et s’étendent à celle de l’instrumentarium (une même pièce peut être interprétée par différentes combinaisons d’instruments électroniques et acoustiques).
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Contraintes juridiques : une juriste spécialisée dans le droit d’auteur en contexte numérique a été sollicitée pour la question de la variabilité des œuvres (par exemple, la possibilité de faire migrer les œuvres dans un autre langage informatique ou un autre instrumentarium). Ce point a donné naissance à un questionnaire6 (Bardiot, Michaan et Koskowitz 2022) qui sert de guide de préservation préventive pour toute nouvelle création effectuée à Art Zoyd Studios.
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Contraintes artistiques : l’enjeu est de préserver l’intégrité des œuvres et leur identité, tout en les faisant évoluer pour être en mesure de les jouer aujourd’hui et demain.
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Contraintes de diffusion : d’emblée, le souhait est de diffuser les œuvres et les documents sur les œuvres auprès des interprètes et des chercheurs, et de favoriser une meilleure visibilité de la musique électroacoustique, en particulier sur le Web.
- 7 Les œuvres concernées sont issues des spectacles d’Art Zoyd : Trois Rêves non valides (2013), Eyeca (...)
9Nous avons répondu à ces différentes problématiques par deux axes de recherche principaux : un travail de documentation des œuvres, qui fait l’objet du présent article, ainsi qu’un travail de migration des œuvres (Michaan et al. 2021), qui ne sera ici qu’évoqué. Il est important de considérer que ces deux axes sont étroitement liés et contribuent chacun à la préservation des œuvres. Avant de proposer une stratégie globale, nous nous sommes appuyés sur la réalisation d’études de cas d’œuvres précises composées par Gérard Hourbette, en particulier dans la perspective du concert hommage La Forêt de Samplers de 20207. Par exemple, Rêve de Debussy, une composition extraite du spectacle Trois Rêves non valides, créé en 2013, est une pièce musicale électroacoustique pour échantillonneurs, claviers, pads, percussions et bande. Malgré le caractère récent de cette œuvre, une migration est néanmoins nécessaire pour la rejouer en 2019, en particulier car les échantillonneurs, deux samplers Akai S6000, sont obsolètes. La partition doit également être établie précisément : de nombreuses informations cruciales sont en effet implicites ou encore détenues, soit sous forme de mémoire orale, soit d’annotation sur la partition de concert, par chacun des musiciens de la création, membres du groupe depuis de nombreuses années. Afin de préserver cette œuvre et de faire en sorte qu’elle puisse être interprétée par d’autres musiciens, il importe ainsi, non seulement d’engager un travail de migration, mais aussi de documentation.
- 8 Dans le cas des pièces de Gérard Hourbette mobilisant des échantillonneurs Akai aujourd’hui obsolèt (...)
10Ce que nous appelons ici de manière très générique « documentation des œuvres » correspond dans le domaine muséal au « dossier d’œuvre » qui, non seulement permet de décrire précisément les éléments constituants une œuvre, mais également ses différentes versions et transformations au cours du temps (Pineau 2022). Dans un premier temps, nous avons identifié puis rassemblé et classé les différents fichiers de chacune des œuvres avec pour objectif de les rendre lisibles, utilisables et accessibles facilement. Chaque dossier d’archive est constitué de deux parties : l’une couvre l’ensemble des données constitutives de l’œuvre (« Données de l’œuvre ») ; l’autre, la documentation portant sur l’œuvre (« Données sur l’œuvre »). La première section est le résultat de la procédure de sauvegarde et de migration mise en place dans le cadre du projet des archives d’Art Zoyd Studios : elle contient la ou les partitions remises en forme, les fichiers audio ou d’informatique musicale réactualisés afin de pouvoir exécuter la partie électronique de la pièce aujourd’hui8, et les instructions sur leur utilisation. La seconde section regroupe la documentation sur l’œuvre : elle recense le travail mené sur les archives techniques et visuelles portant sur chaque pièce ou chaque ensemble de pièces, classées par version ou par date de représentation de chaque œuvre. Le musicien, le chercheur ou le public y trouvera notamment les captations vidéo, données descriptives, plans techniques des diverses représentations, informations sur la création de l’œuvre ou encore des entretiens avec les interprètes des premières représentations de ces pièces ou acteurs du processus de production. La structure de l’arborescence est présentée en figure 1, avec comme exemple Rêve de Debussy.
Figure 1. Arborescence du système de classement des fichiers disponibles pour chaque œuvre appliquée ici à Rêve de Debussy
Cette œuvre comprenait des projections vidéo, raison pour laquelle un dossier « Fichiers vidéo de l’œuvre » figure dans l’arborescence du dossier « Données de l’œuvre ».
Alexandre Michaan, CC BY-SA
11Cette première approche, pragmatique, s’est très vite trouvée confrontée à une autre préoccupation, fondamentale : celle de l’interopérabilité de notre système documentaire. C’est ainsi que nous avons mené en parallèle un travail de veille sur les ontologies consacrées à la musique. Ce travail nous a permis d’identifier l’ontologie Dorémus qui nous semblait répondre en partie à nos besoins mais avec deux inconvénients majeurs : très riche et complexe, elle ne prenait néanmoins pas en compte les spécificités propres à la musique électroacoustique ; il n’existait pas d’implémentation opérationnelle permettant une saisie des données dans une base, système de loin plébiscité par des utilisateurs non experts (Art Zoyd Studios n’emploie pas d’archiviste). Avant d’en venir à l’adaptation de Dorémus pour la musique électroacoustique ainsi qu’à l’implémentation d’une interface de saisie, nous allons revenir sur ses caractéristiques.
- 9 Dorémus : Données en réutilisation pour la musique en fonction des usages (projet ANR-2014-CE24-002 (...)
12Dorémus est une ontologie qui vise à modéliser l’information descriptive de tout contenu lié à la musique, en particulier à offrir un outil sémantique permettant de naviguer dans un ensemble interopérable de catalogues de documents musicaux selon des critères choisis par l’usager lui-même. Le modèle, résultat de quatre années de travail au sein du projet éponyme9, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), a été réalisé par un consortium de chercheurs spécialisés en modélisation et utilisation des données descriptives, et d’acteurs de la conservation et de la diffusion de contenus musicaux.
13Ce projet part d’un constat paradoxal : alors que la culture du tout numérique nous ouvre de plus en plus l’accès à des contenus musicaux en ligne – gratuits ou payants, légaux ou non – et bien que les informations liées à cette musique (partitions, textes, informations événementielles, musicologiques, catalographiques et biographiques, voire référentiels d’objets ou de personnes liés à la musique) soient plus riches et plus nombreuses (Donnat 2018), on constate aussi que l’effort nécessaire pour trouver un document ou plus simplement pour découvrir des contenus inconnus, va grandissant, notamment du fait d’une description souvent incomplète, approximative ou incohérente. Cette situation est d’autant plus surprenante que les usagers sont conscients des limites des outils et données disponibles, et émettent régulièrement des critiques à l’encontre des dispositifs offerts par des acteurs dont ils continuent néanmoins à utiliser les services (Micheau, Després-Lonnet et Cotte 2017).
14C’est dans ce contexte que des chercheurs en modélisation de données, des institutions dépositaires d’information musicale et des professionnels de la gestion de l’information se sont réunis pour collaborer et prendre la mesure de ces phénomènes. Cette collaboration vise donc à proposer un modèle structuré de description de la musique, capable de rendre interopérables les catalogues existants afin de permettre la navigation dans des données descriptives rendues cohérentes, homogènes et exhaustives (Lisena et al. 2018).
15Ayant observé que l’accès à l’information musicale est contrarié par la variabilité extrême des éléments informationnels descriptifs de la musique – ce qui conduit à des identifications lacunaires, approximatives ou erronées – ainsi que par une interopérabilité limitée ou même impossible des schémas utilisés par les différents entrepôts de contenus, le consortium Dorémus s’est fixé pour objectif de proposer un modèle de description des informations musicales à la fois générique, explicite et précis, de manière à permettre l’appréhension des contenus de tout catalogue préexistant et à le rendre interopérable avec ses homologues en conservant le même niveau de granularité de l’information, et donc sans perte d’information ni de précision. Cette interopérabilité entre les données doit de plus offrir la possibilité de détecter des incohérences entre les sources d’information et de signaler, voire de combler, les lacunes qu’elles peuvent comporter les unes par rapport aux autres. En outre, il s’agit d’élaborer un modèle capable de prendre en compte à la fois les spécificités des différents genres et formes musicaux – du classique le plus normé aux musiques du monde jamais transcrites ni enregistrées, du « bœuf » en jazz aux remix des DJ – et la variété des niveaux informationnels (information catalographique, indexation musicologique, données liées à la propriété intellectuelle et artistique, critères plus subjectifs tels que l’esthétique ou l’émotion suscitée, etc.).
16Comme il s’agit à la fois de structurer des données et de les rendre interopérables, le choix technique s’est naturellement porté sur les standards du Web sémantique. Outre le caractère stable et ouvert, donc pérenne, des langages et outils qui le composent, le Web sémantique s’attache à identifier et à rassembler des éléments d’information disparates pour en former un tout cohérent. D’autre part, les ontologies permettent de représenter des univers conceptuels – dont celui de la musique – dans lesquels on peut décrire la nature des réalités considérées, c’est-à-dire leur sens, ainsi que les relations d’ordre logique ou sémantique qui existent entre ces réalités (Dunsire 2010).
17Parmi les modèles d’information adaptés – notamment CIDOC CRM (ICOM International Committee for Documentation Conceptual Reference Model ; Doerr 2003) pour les objets patrimoniaux et culturels, ou FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records ; Le Bœuf 2005) pour le catalogage des documents bibliographiques –, c’est le modèle ontologique formel FRBRoo (FRBR object oriented ; Riva 2013) qui a été retenu, car il bénéficie des avantages cumulés du Web sémantique (unification sémantique de données hétérogènes distribuées, pérennité et ouverture des formats) et des modèles ontologiques (approche conceptuelle et explicitation des relations de sens) tout en implémentant les structures nécessaires pour le catalogage de l’information culturelle patrimoniale. En effet, FRBRoo est issu d’un travail d’harmonisation entre le modèle CIDOC CRM destiné aux musées et le modèle FRBR dévolu aux bibliothèques, bénéficiant donc des exigences et des fonctionnalités nécessaires aux deux univers et les unifiant. En particulier, FRBRoo permet de décrire un objet éminemment culturel tel qu’un document musical en le caractérisant selon les entités catalographiques de FRBR que sont l’Œuvre (création intellectuelle), l’Expression (réalisation de l’Œuvre), la Manifestation (matérialisation de l’Expression) et l’Item (exemplaire « physique » et particulier de la Manifestation), ce qui permet de distinguer les caractéristiques permanentes d’une œuvre (compositeur, numéro d’opus, titre) et celles qui sont plus ponctuelles (interprètes lors d’un concert, enregistrement particulier, variations d’orchestrations par rapport à la partition originale, etc.).
18En outre, FRBRoo autorise la création et la publication d’extensions lorsque l’expressivité du modèle original est insuffisante au regard des besoins de modélisation d’un domaine, notamment lorsque des informations d’ordre artistique ou esthétique, classiquement absentes de l’information catalographique, sont réclamées par les publics concernés : tonalité, instrumentation, etc.
Figure 2. Instanciation du modèle FRBRoo-Dorémus pour la Sonate pour violoncelle et piano no 1 de Beethoven
Le modèle permet de distinguer, pour une même œuvre, les différentes interprétations, les instruments convoqués pour l’exécution, les différentes parties d’orchestres correspondantes, leurs interprètes en fonction des différentes exécutions et enregistrements, etc.
Dorémus, CC BY-SA
19La philosophie du modèle Dorémus est fondée sur une description à la fois documentaire et biographique de l’œuvre musicale (Choffé et Leresche 2016). Elle nécessite de recourir à une triade conceptuelle de FRBRoo qui voit se rencontrer l’événement premier de l’existence d’une pièce musicale, à savoir sa composition (F28 Expression Creation) par un compositeur, qui donne concrètement lieu à son existence matérielle (F22 Expression) documentarisable. Ces deux entités sont fondatrices de l’œuvre elle-même (F14 Work), c’est-à-dire l’entité représentative de l’unité intellectuelle qui permet de rapprocher une pièce musicale d’une autre. Sur la figure 2, ces trois classes centrales (respectivement présentées en vert, jaune et gris) apportent différents niveaux de description : le compositeur Beethoven est lié à l’événement de création (en vert), tandis que le titre (Sonate pour violoncelle et piano no 1, mais ce titre varie selon la langue, l’époque, la localisation…), l’instrumentation (certaines interprétations mobilisent un piano ancien et même des vents) et le catalogage s’attachent à l’Expression (en jaune). On distingue la manifestation originale de la pièce musicale (à Vienne en 1797, en violet) d’autres manifestations (un concert à Paris en 2014, en rouge, mais on aurait pu proposer un enregistrement particulier ou la publication de la partition, par exemple). Les classes étiquetées Mxx (par exemple, M6 Casting pour les instruments mobilisés) et les propriétés étiquetées Uxx (par exemple, U12 Has Genre pour indiquer à quel genre musical l’expression de l’œuvre se rattache) appartiennent à l’extension Dorémus du modèle FRBRoo. L’extension Dorémus est composée de 83 classes et de 279 propriétés qui s’ajoutent donc aux 48 classes et 73 propriétés initiales de FRBRoo, et qui permettent, par exemple, de documenter les variations subies par l’œuvre originale au fil du temps, des réinterprétations et des évolutions des instruments, de l’esthétique, etc.
20Les trois institutions partenaires du projet (BNF, Philharmonie de Paris, Radio France) ont ainsi fourni l’information catalographique de près de 150 000 pièces musicales qui ont été intégrées dans un graphe de données liées selon le modèle FRBRoo-Dorémus. Si le résultat produit a été testé et salué par différents types de publics (Jacquemin 2021), il reste néanmoins que la complexité de la technologie choisie dépasse le niveau d’investissement que les documentalistes qui doivent l’alimenter sont en mesure d’y consacrer, à moins d’offrir des outils de catalogage capables d’assurer une interface entre les pratiques et aptitudes documentaires et la richesse sémantique de l’ontologie. Ce n’est hélas pas le cas à l’heure actuelle. Aussi son exploitation réelle est-elle jusqu’ici fort limitée, et même dans les institutions partenaires, ce verrou technique et conceptuel n’a pas actuellement été levé.
21Comme on l’a vu auparavant, plusieurs schémas de description de la musique coexistent, mais d’une part aucun d’entre eux ne s’impose clairement à un univers informationnel très éclaté, et d’autre part aucun n’est suffisamment complet, générique et précis pour prendre en considération les spécificités et les besoins formulés par les différents genres musicaux existants, en particulier l’univers de la musique électroacoustique. Des modèles tels que The Music Ontology (Raimond et al. 2007) ou The Audio Effects Ontology (Wilmering et al. 2013) visent également à décrire l’information musicale, mais ils proposent une modélisation spécifique en dehors de toute généricité et privilégient les aspects techniques de l’enregistrement musical (piste audio, mesure du signal, timecodes, etc.), de préférence à l’information documentaire nécessaire pour un fonds d’archives. Seule exception, le modèle ontologique du projet Dorémus affiche des caractéristiques de finesse, de généricité et de standardisation nécessaires, mais sa complexité technique et conceptuelle est un obstacle majeur à son exploitation, quelles que soient par ailleurs ses qualités intrinsèques. La modélisation de données patrimoniales CIDOC CRM – sur laquelle FRBRoo et par voie de conséquence Dorémus sont fondés – soulève d’ailleurs des réserves similaires auprès des spécialistes des musées, de l’archéologie et de l’histoire de l’art.
22Notre démarche va dès lors suivre une voie médiane dans laquelle la philosophie de description des données musicales de Dorémus sera conservée, mais pour laquelle deux des niveaux de complexité dissuasifs seront levés. Le premier est purement technique et concerne le langage dans lequel le modèle et les données sont exprimés pour être exploitables dans le Web des données. Puisque les besoins d’Art Zoyd Studios ne portent pas sur le liage des données ni sur leur interopérabilité dans le Web des données, le recours aux technologies propres au Web sémantique et aux ontologies – telles que l’utilisation des langages OWL pour la définition du modèle de données, RDF pour la structuration et le liage des données, ou SPARQL pour l’interrogation des entrepôts de données – s’avère accessoire et l’utilisation plus conventionnelle d’un système de base de données classique s’accorde mieux aux habitudes et compétences des usagers issus de différentes disciplines telles que la musicologie, la documentation musicale ou l’archivistique.
23Le second écueil a trait à la complexité du modèle Dorémus, constitué de plus de 130 classes et de près de trois fois plus de propriétés. Chaque classe étant assimilable à un type informationnel, la maîtrise d’une telle structure nécessite soit un grand effort cognitif, soit l’usage d’une interface capable d’assurer une manipulation à la fois ergonomique et intuitive des éléments descriptifs de l’information musicale. Comme aucune de ces options n’est actuellement réaliste, la solution réside dans une simplification du modèle : là où l’impératif de généricité porté par le projet Dorémus nécessite d’étendre l’expressivité de FRBRoo, les besoins plus spécifiques d’Art Zoyd Studios et d’une catégorie musicale très circonscrite induisent un recours à un paysage informationnel plus limité, et donc à une structure sémantique bien plus réduite et plus simple à manipuler.
24Notre démarche consiste donc à nous appuyer sur la structure de données proposée par Dorémus pour construire un modèle conceptuel de données compatible mais plus simple et léger, qu’il s’agira ensuite d’implémenter dans un système de gestion de bases de données classique afin de le rendre aisément accessible tant en recherche pour les usagers du grand public qu’en alimentation pour documenter les contenus. En outre, afin de faciliter encore la manipulation technique des données par les différents types de publics concernés, dont le niveau de technicité est hétérogène, le choix du système de base de données lui-même est guidé par la nécessité d’offrir idéalement un comportement intuitif, un fonctionnement ergonomique sans pour autant délaisser les fonctionnalités techniques. Dans cette perspective, notre choix s’est arrêté sur un service libre et en ligne de base de données, Heurist10 : il offre un accès distant à un moteur MySQL11 – sans qu’il soit nécessaire pour nous d’en assurer l’installation, la configuration ou la publication – et il en fournit aussi une interface particulièrement conviviale pour manipuler et gérer la base de données, que ce soit pour l’implémentation du modèle, l’alimentation de la base ou son interrogation. Outre son format libre et mondialement répandu, Heurist présente aussi un équilibre réussi entre l’efficacité et les fonctionnalités d’un système de gestion de bases de données et une utilisabilité peu exigeante en termes de maîtrise technique, ce qui en fait un outil largement reconnu et exploité dans les communautés des sciences humaines (Kévonian et Rygel 2022). L’instance qui accueille notre modèle et nos données12 est offerte par la très grande infrastructure de recherche (TGIR) Huma-Num, acteur majeur des humanités numériques en France (Larrousse et al. 2017).
25La logique du modèle pour la musique électroacoustique étant la même que celle de Dorémus, on retrouve (voir figure 3) dans sa structuration trois concepts fondateurs qui en sont la traduction, à savoir la Composition (F28 Expression Creation) qui, associée à un Compositeur (E7 Activity précisée par un rôle et un acteur), permet de situer la démarche de création ; la Version (F22 Expression) qui concrétise la pièce musicale et la rattache aux contenus catalographiques (le titre, la date de composition…) et musicologiques (l’instrumentation) ; le Regroupement (simplification du modèle initial par fusion de l’œuvre simple F14 Work avec l’œuvre composée F15 Complex Work) qui permet d’appréhender une pièce musicale en dehors de ses caractéristiques physiques, en particulier de l’aborder individuellement comme un tout, ou au contraire de l’envisager comme un élément intégré à un ensemble cohérent plus vaste (spectacle, album) sans pour autant perdre son individualité. De cette triade initiale découlent, comme dans le modèle d’origine, les différentes manifestations, qu’elles soient matérielles (partitions, enregistrements) ou immatérielles (performances). On notera que le modèle, destiné à la conservation archivistique de la production musicale d’Art Zoyd Studios, prévoit pour la description des manifestations immatérielles d’en assurer le lien aux documents d’archives qui y ont été associés (contenus de presse, programmes, partitions, etc.).
26Le modèle conceptuel de données ainsi produit propose un ensemble de 60 concepts ou attributs qui définissent 17 entités différentes, dont certaines, comme le Sample, sont spécifiques au type de fonds décrit et précisent ici une classe plus générique de l’ontologie Dorémus (catégorie particulière de M6 Casting). Ces 17 entités sont reliées entre elles par 28 relations différentes qui permettent d’articuler les différents concepts entre eux.
Figure 3. Le modèle conceptuel de données Eulalie implémenté dans Heurist pour le catalogue Art Zoyd Studios
On y retrouve les entités nécessaires à la concrétisation d’une œuvre, d’une part, à travers le processus de création, et, d’autre part, par le biais des interprétations, des enregistrements, des parties d’exécution, etc. · Schéma réalisé à l’aide du logiciel en ligne GitMind : https://gitmind.com)
Bernard Jacquemin, Clarisse Bardiot, Alexandre Michaan, Jeanne Westeel, CC BY-SA
27Rappelons qu’un modèle sémantique ou une ontologie est toujours une manière particulière, et donc subjective, d’envisager une réalité, un angle d’approche spécifique à partir duquel on observe et décrit un univers. L’objectif et la finalité des deux modèles abordés étant différents, on notera également des divergences dans les données qu’ils structurent. La première de ces disparités concerne le recours à l’information relative à la propriété intellectuelle et au droit d’auteur (entité Sacem, liée à la Composition, à la Version et au Regroupement) : le modèle est en effet créé pour établir le catalogue descriptif de documents musicaux auxquels il est susceptible de donner accès. Il est donc nécessaire de gérer les droits associés, ce qui n’était pas dans la portée du projet Dorémus, centré sur le descriptif des pièces et sans donner accès directement au document musical, puisqu’il s’agit de rendre interopérables des catalogues et non des fonds musicaux.
28La seconde différence entre les deux modèles concerne directement leurs modalités de valorisation. Si les deux sont envisagés dans une perspective d’intégration dans le Web des données – on se souviendra que les technologies mobilisées dans le projet Dorémus sont celles du Web sémantique précisément dans cet objectif –, la finalité de cette intégration diffère : Dorémus visait à rendre interopérables des catalogues institutionnels hétérogènes sans perte de granularité, tandis que le modèle développé pour Art Zoyd Studios ambitionne d’effectuer la description d’un fonds d’archives pour en assurer la visibilité grâce à cette publication dans le Web des données qui les rendra pérennes, accessibles, navigables, interrogeables et exploitables. À terme, les deux modèles prévoient la mise en place, non seulement de mécanismes de recherche, mais également de moteurs d’inférence capables de construire des raisonnements sur la base des propriétés des données liées, à condition que ces propriétés soient suffisamment explicites pour asseoir ces raisonnements.
29La démarche d’Art Zoyd Studios est donc plus opérationnelle et requiert d’envisager une appropriation plus immédiate de la philosophie de fonctionnement du modèle ainsi que des outils d’alimentation de ce modèle. Le choix d’un système de base de données MySQL et de l’interfaçage d’Heurist suit cette logique de simplification à la fois conceptuelle (classes et propriétés) et technique (une base de données plutôt que les langages du Web sémantique), ce qui facilite son appropriation par tout usager. Dans une telle attente, si les types informationnels – les concepts à définir – sont tout aussi primordiaux que les classes d’une ontologie, les relations entre ces concepts, subsumées naturellement par l’usager, peuvent indéniablement s’avérer moins précises et donc moins nombreuses. On comprendra dès lors qu’un modèle conceptuel simplifié voit diminuer significativement le nombre des relations qu’il établit, alors que la quantité de ses concepts s’amoindrit plus légèrement. La compatibilité du modèle conceptuel décrivant la musique électroacoustique avec l’ontologie Dorémus est néanmoins un préalable à son élaboration, ce qui permettra à terme de convertir automatiquement les données de la base MySQL en un graphe RDF correspondant selon la modélisation commencée par le projet Dorémus, exprimé dans les langages techniques du Web des données.
30Le modèle conceptuel Eulalie que nous avons présenté n’a évidemment de valeur que s’il est confronté avec succès à la réalité de l’univers qu’il décrit. Sa version actuelle est stable dans la mesure où elle a été confrontée à la majeure partie de l’œuvre numérisée de Gérard Hourbette via l’alimentation de la base de données Heurist. Dans l’immédiat, une validation plus vaste devra être opérée par une saisie exhaustive des données descriptives du fonds Hourbette, de manière à l’exposer à toutes les variations formelles possibles. Cependant, pour y parvenir, il faudra finaliser le très long chantier de numérisation de l’ensemble des pièces musicales concernées, ainsi que la remise en forme de l’ensemble des partitions.
31Une autre tâche fondamentale à mener à bien consiste à réduire l’écart, largement évoqué plus haut, entre la démarche d’alimentation du modèle – le catalogage du fonds, rendu accessible par Heurist – et l’ouverture planifiée des données produites – leur mise à disposition dans un langage du Web des données. Elle passe nécessairement par une conversion automatisée des contenus structurés de la base de données en triplets RDF, les entités de la base devenant, grâce à un outil à construire, des instances de classes de l’ontologie Dorémus.
32Par ailleurs, et dans un souci de généricité, il serait souhaitable de généraliser notre approche en la confrontant à deux types d’expérimentation. Le premier consiste à sortir du fonds d’archives initialement considéré en abordant d’autres compositeurs de musique électroacoustique dont la production est susceptible d’enrichir le modèle ontologique. Le second est d’associer des référentiels, sous forme de vocabulaires contrôlés ou d’autorités, aux champs informationnels du modèle qui constituent dans leur instanciation à la fois des accès documentaires et des ensembles fermés, comme l’instrumentarium. Il est probable que cette démarche mobilise à la fois l’analyse systématique des données descriptives et le recours à la communauté de la musique électroacoustique.
33On aura également compris que l’initiative de publication de ses archives par Art Zoyd Studios s’inscrit dans le mouvement mondial du libre accès à la connaissance. À chaque étape du processus de description, à chaque niveau de traitement documentaire, on retrouve cet impératif de diffusion libre, gratuite et universelle de la production intellectuelle et artistique du centre de création. Ainsi, les archives numériques qui constituent les données primaires du projet sont en cours de dépôt sur la plateforme Nakala, c’est-à-dire l’entrepôt de publication de données de l’infrastructure institutionnelle Huma-Num. Les données descriptives des archives sont diffusées quant à elles dans le système de gestion de base de données Heurist, outil également implémenté à Huma-Num, et son modèle conceptuel est accessible sur la plateforme Zenodo. Enfin, comme on l’a vu, la conception d’un outil de conversion automatique des données de la base Heurist en triple store RDF est planifiée. Cet outil sera évidemment disponible en open source, tandis que le triple store produit intégrera le Web des données via la plateforme Nakala.
