1La présente recherche s’inscrit dans le contexte du Pacte pour un enseignement d’excellence qui représente un ensemble de réformes portant sur tous les aspects de l’enseignement obligatoire au sein de la fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique (2017). En 2019, le gouvernement de la Belgique francophone adopte une stratégie numérique pour l’enseignement obligatoire. Cette stratégie souligne le besoin d’investir dans l’éducation « par » et « aux » compétences numériques pour donner à tous les citoyens la capacité et les moyens d’agir. Le gouvernement de la Belgique francophone, selon la définition de Bourgatte (2017) peut de ce fait être qualifié d’humaniste numérique. En effet, il est « préoccupé par la transmission d’un socle fondamental de compétences et de connaissances pour que chacun puisse évoluer dans la société contemporaine » (Bourgatte 2017, 4).
2Ainsi, pour la première fois en Belgique, des contenus numériques sont inclus dans l’enseignement obligatoire (fédération Wallonie-Bruxelles 2019). Les préoccupations actuelles des responsables chargés des politiques éducatives portent sur la formation des enseignants en matière de numérique, qui vise à ce qu’ils puissent intégrer de manière efficace ces nouveaux contenus dans leur pratique. Cette formation doit être adaptée à chaque profil, en consolidant les acquis de certains et en développant de nouvelles compétences pour d’autres (fédération Wallonie-Bruxelles 2019).
3Afin de répondre à cette préoccupation, nous avons proposé une formation portant sur l’enseignement de la recherche d’information en ligne – une nouvelle compétence à intégrer dans les programmes scolaires –, à 230 enseignants de l’enseignement primaire et secondaire. Notre programme repose sur un examen approfondi d’études portant sur la formation continue des enseignants. Pour garantir la qualité de notre dispositif, nous avons encouragé les collaborations entre les enseignants et leur mise en action en les orientant vers l’objectif de progression des élèves. Nous avons veillé à respecter d’autres conditions pour garantir l’efficacité de la formation, telles que le temps consacré (Desimone 2009 ; Blondin et Chenu 2014), la cohérence des activités avec les objectifs poursuivis (Timperley et al. 2007), l’adaptation aux besoins individuels des enseignants et la possibilité pour eux de bénéficier de feed-back (Timperley et al. 2007 ; Desimone 2009 ; Caena 2011 ; Blondin et Chenu 2014 ; Soubrié 2016). Il est important de noter qu’actuellement, un nombre extrêmement limité d’enseignants en fédération Wallonie-Bruxelles a été formé à la didactique de la recherche d’information en ligne. Par conséquent, il nous semble impératif de former massivement les enseignants en fonction, qui peuvent être géographiquement dispersés et avoir des obligations familiales ou professionnelles qui entravent leur disponibilité simultanée.
4Pour ce faire, nous avons mis en place une formation en ligne à distance. En effet, les outils utilisés dans ce cadre permettent de mettre en œuvre des pédagogies qui allient pratique, théorie, feed-back, activités de collaboration, apprentissage individualisé, des horaires souples et une personnalisation du parcours en fonction des besoins. De plus, cette modalité permet d’accueillir un nombre de participants plus conséquent qu’une formation en présentiel ou qu’un accompagnement individualisé de l’enseignant dans sa classe (Ghirardini 2012).
5Il existe plusieurs types d’activités susceptibles de stimuler l’engagement actif des apprenants tout au long de la formation en ligne à distance (Bakki 2018). Ces activités peuvent se présenter sous différentes formes et favorisent les processus d’agrégation, de réalisation, de conception et de partage (Kop et Hill 2008) mais également la collaboration, le partage et la communication (Kim 2015). Ainsi, l’apprenant peut assumer trois rôles (O’Brien et al. 2017) : celui d’un « participant » qui s’investit activement dans les activités proposées ; celui d’un « contributeur » qui est donc non pas seulement un consommateur de ressources mais également un créateur de contenu ; celui d’un « enseignant » dans le but d’aider, de communiquer, de prendre des décisions avec d’autres personnes.
6Dans cette recherche, nous nous focaliserons sur l’engagement au cours de la formation visant à préparer les enseignants à enseigner les compétences de recherche d’information en ligne. Pour ce faire, nous analysons les traces d’activité (learning analytics) laissées par ces enseignants dans notre environnement d’apprentissage en ligne. Dans notre formation, les activités revêtent différentes formes : consulter du contenu informatif (capsules vidéo, livre interactif, etc.), poster des messages sur les forums, réaliser des activités obligatoires (création d’une séquence, mise en pratique en classe, etc.) ou non (donner son avis sur un forum, schématiser les stratégies, analyser des vidéos, etc.).
7Toutes ces activités en ligne laissent des traces lorsqu’elles sont réalisées dans les bases de données des environnements numériques. Ces traces enregistrées peuvent se révéler source précieuse d’information sur le plan pédagogique pour mieux comprendre l’apprentissage et le réguler (Janssen, Erkens et Kirschner 2011 ; Carrillo et al. 2018). Dans une perspective de recherche appliquée, nous recueillons des données au niveau du suivi du cours. Leur exploitation a pour objectif de mesurer l’engagement des enseignants inscrits, de manière à pouvoir le comprendre et le réguler. L’analyse de nos résultats nous permet de vérifier si notre dispositif répond aux besoins des nombreux participants et guide les (futurs) concepteurs de formations en ligne pour l’enseignement de nouvelles compétences numériques.
8Dans cet article, nous répondons à la question de recherche suivante : quel est le niveau d’engagement comportemental des enseignants de la Belgique francophone dans une formation en ligne à distance ?
9Différentes approches de formation en ligne à distance peuvent être envisagées en fonction des objectifs, du contenu à enseigner, de la pédagogie utilisée. L’approche cMOOC (Siemens 2005 ; Fini 2009) semble être une réponse adéquate pour stimuler l’engagement de différents profils d’enseignants dans la découverte de contenus ciblés et la transposition de ces contenus dans leur contexte de classe. Ces dispositifs, qui sont les premiers MOOC (massive open online courses ; cours en ligne ouverts massivement, en français), « sont axés sur un apprentissage mobilisant des interactions avec d’autres pairs ainsi que l’équipe pédagogique encadrant le dispositif » (Boumazguida 2020, 4). Le « c » du terme « cMOOC » représente le « c » initial de « connectivisme ». Le connectivisme est une métaphore entre l’apprentissage et un réseau Internet composé de nœuds et de connexions (Siemens 2005 ; Duplàa et Talaat 2011). Dans un cMOOC, les apprenants organisent et déterminent le processus autant que les finalités des apprentissages (Anders 2015). Elzbieciak et Ross (2014, cités par Meekers et al. 2022) avancent que dans les cMOOC, la participation des apprenants est encouragée de manière à coconstruire des savoirs. Les cMOOC intègrent donc la connectivité d’un réseau social, l’apport pédagogique d’un expert et une collection de ressources mises à disposition, sur la base de l’engagement de plusieurs personnes qui autodirigent leur participation selon leurs objectifs d’apprentissage (Alario-Hoyos et al. 2014).
10Le niveau de personnalisation de l’apprentissage dans les cMOOC est, de ce fait, très élevé. En effet, ces dispositifs de formation en ligne à distance permettent aux participants d’emprunter des parcours distincts. C’est grâce aux échanges, discussions, encouragements et prises en compte des besoins de chacun que l’apprentissage peut être personnalisé (Daniel 2012).
11Le contenu est construit avec les participants à la formation au fur et à mesure de leurs savoirs (Siemens 2005). Le réseau horizontal organisé de pairs pendant le déroulement d’une session remplit une fonction de socialisation de l’autoformation, souligne cet auteur. Cette approche pédagogique ambitionne de placer les apprenants au cœur de l’apprentissage en mettant l’accent sur l’humain, en suscitant leur participation et leur créativité, en utilisant des ressources en ligne et en exploitant les réseaux dynamiques de connexion offerts par les technologies. C’est un processus de connexion des idées et des concepts entre participants, qui contribue à la reconstruction du savoir (Hennequin et Beaugeois 2017).
12Dans les cMOOC, l’enseignant assume la fonction de facilitateur au sein du dispositif pour guider les participants en encourageant les interactions entre eux, en leur fournissant de nombreux retours ainsi qu’en leur proposant des ressources pédagogiques qu’ils peuvent mobiliser à travers l’utilisation de médias afin de construire leur apprentissage (Cisel 2016).
13Les cMOOC sont conçus pour encourager l’autodirection des apprenants, qui peuvent définir leurs propres objectifs et prendre en charge leur propre apprentissage (Alario-Hoyos et al. 2014). Lebrun (2015) indique que, dans une formation cMOOC, peuvent se combiner des activités telles que la recherche d’information, des travaux de terrain, la préparation d’une activité, des débats, des discussions, la consultation de textes ou de vidéos.
14Cependant, bien que les cMOOC soient accessibles à tous sans distinction, ils ne répondent pas directement à notre objectif de formation qui vise spécifiquement les enseignants en Belgique francophone. Pour cette raison, il est essentiel que notre dispositif prenne en compte des critères de sélection à l’entrée. Nous avons choisi, conformément à la classification d’Altinpulluk et Kesim (2016), de mettre en place une formation en ligne à distance appelée SOOC (selective open online course) tout en gardant la démarche pédagogique des cMOOC décrite plus haut. Les SOOC sont des cours en ligne ouverts à tous, mais l’accès est intentionnellement limité en exigeant certaines caractéristiques spécifiques des participants (Boumazguida 2020). Pour Folliot (2020), ces cours en ligne sont généralement prévus pour les professionnels désirant se former de façon continue.
15Les cMOOC (Downes 2007 ; Siemens 2005) s’articulent autour de plusieurs activités différentes (Kop et Hill 2008 ; Kim 2015) : l’agrégation, le « remixage », la production et le partage au sein de groupes qui communiquent et collaborent.
16L’objectif des activités d’agrégation est d’encourager les apprenants à choisir les contenus et ressources en fonction de leurs objectifs personnels de formation. De cette manière, il n’y a pas de contenu central dans le cours, chaque participant crée son propre parcours d’apprentissage.
17Les activités dites de remixage ont, quant à elles, comme objectif d’interpréter des données, des ressources et des informations recueillies lors de la phase d’agrégation. Concrètement, les apprenants peuvent être amenés à synthétiser les connaissances acquises, à participer à des discussions en ligne, à échanger des idées, etc.
18L’objectif pour les concepteurs d’une formation cMOOC, en proposant une activité de production, est d’encourager les apprenants et de les accompagner dans une production individuelle ou en groupe. Pour Siemens (2005), c’est l’activité la plus difficile dans un cMOOC. L’apprentissage n’est pas simplement un processus de réception. Il est important de créer et de participer activement au cours. Cette étape vise à inviter les apprenants à créer de nouveaux contenus en réutilisant les ressources précédemment agrégées et remixées.
19Enfin, les activités de partage visent à inciter les apprenants à partager leurs productions. Siemens (2005) préconise, à travers cette étape, de diffuser les connaissances et les nouvelles ressources créées par les participants, non seulement auprès des autres participants, mais également avec le monde entier à travers le Web.
20L’engagement (commitment) se définit comme la capacité d’investir du temps et des efforts sur la durée du programme de formation (Bédard et al. 2012). Il implique le déclenchement de l’action et la participation active (Parent 2014). La littérature distingue l’engagement cognitif, l’engagement affectif et l’engagement comportemental (Roy, Bachand et Boivin 2015).
21Si l’engagement cognitif est surtout relié à la qualité de l’engagement, notamment au travers des stratégies d’apprentissage déployées, l’engagement comportemental est lié aux manifestations observables et a plutôt trait à la quantité d’efforts déployés. En effet, pour qu’un étudiant laisse des traces, il doit au minimum se connecter et effectuer certaines actions : naviguer sur des liens, télécharger des documents, regarder des vidéos, etc. L’engagement affectif est plutôt en lien avec l’intérêt qu’accorde l’étudiant aux tâches d’apprentissage et avec les émotions qui sont ressenties lorsqu’il réalise ces tâches (Roy, Bachand et Boivin 2015).
22Les indicateurs obtenus de façon automatique à partir des traces d’activité laissées par la plateforme de formation nous permettent de mesurer exclusivement l’engagement comportemental. En conséquence, dans cette étude de cas, nous ne considérons pas les dimensions affective et cognitive de l’engagement.
23Les recherches sur les MOOC se focalisent régulièrement sur l’engagement des étudiants en se référant à leurs comportements dans l’environnement d’apprentissage (Roy, Bachand et Boivin 2015). Downes (2010) indique qu’une manière de mesurer cet engagement serait d’utiliser des indicateurs tels que la consultation des pages, le temps passé sur chaque page et le nombre de réponses exactes aux quiz.
24Milligan, Littlejohn et Margaryan (2013), Hill (2013) et Klobas, Mackintosh et Murphy (2015) distinguent plusieurs types de participants à un MOOC selon leur degré d’engagement :
-
Les non-présentations ou no-shows (Hill 2013) ou les inscrits (Klobas, Mackintosh et Murphy 2015) : ils se contentent de s’inscrire au cours et ne donnent par la suite plus aucun signe d’activité.
-
Les scanners (Klobas, Mackintosh et Murphy 2015) ou les rôdeurs (Milligan, Littlejohn et Margaryan 2013) : ils se limitent à l’observation de ce qui se passe dans le cours sans réaliser aucune activité hormis la consultation de certaines ressources.
-
Les downloaders (Klobas, Mackintosh et Murphy 2015) : ils récupèrent une partie des ressources mais ne s’investissent pas dans les activités.
-
Les sélectifs (Hill 2013) : ils se révèlent actifs uniquement dans une certaine partie du cours et n’essayent pas de terminer l’ensemble du cours.
-
Les participants passifs (Milligan, Littlejohn et Margaryan 2013 ; Klobas, Mackintosh et Murphy 2015) : ils se contentent de consommer les ressources. Ils regardent les vidéos, font les tests, mais n’investissent pas les discussions. Ce type de formation ne semble pas leur convenir. Ils ne sont généralement actifs qu’au début du cours.
-
Les participants actifs (Milligan, Littlejohn et Margaryan 2013 ; Klobas, Mackintosh et Murphy 2015) : pleinement investis, ils réalisent les activités proposées et interviennent sur les forums de discussion. Ils poursuivent le cours sur une longue période, mais sans nécessairement aller jusqu’à la fin.
25Pour Klobas, Mackintosh et Murphy (2015), il n’existe que trois types de participants que l’on peut appeler finisseurs : ceux qui complètent le cours sans demander le certificat, ceux qui réalisent l’évaluation pour obtenir le certificat, ceux qui passent l’examen final avec le contrôle de leur identité.
26Plusieurs facteurs peuvent affecter cet engagement, comme la confiance, l’expérience antérieure ou la motivation des participants (Milligan, Littlejohn et Margaryan 2013). Les caractéristiques du dispositif influencent également le maintien de cet engagement en formation à distance (Jézégou 2008). Un « dispositif peut être considéré comme ouvert s’il accorde à l’apprenant des libertés de choix pour qu’il puisse exercer un contrôle socio-organisationnel et pédagogique sur sa formation et sur ses apprentissages » (Jézégou 2008, 101). Plus le participant est libre de choisir parmi ces composantes, plus il sera à même de persévérer et de bénéficier de son expérience de formation. Cette ingénierie dépend toutefois des caractéristiques en autodirection des participants.
27Alario-Hoyos et al. (2014) soulignent que les participants les plus engagés sont ceux qui optent pour l’interaction. Il est donc intéressant d’inclure des récompenses pour les apprenants s’ils incitent les profils moins actifs à participer.
28Afin d’expliquer le degré ouverture de notre formation, nous détaillons les caractéristiques générales du scénario pédagogique que nous avons mis en place.
29Notre examen de la littérature tend à montrer que la compréhension de l’engagement des participants dans une formation à distance permet de la réguler. Pour mesurer ce taux d’engagement, nous avons choisi d’évaluer un environnement d’apprentissage qui s’intègre dans une formation d’enseignants du primaire et du secondaire à la didactique de la recherche d’information en ligne. Cette formation de type connectiviste a été accessible, gratuitement, pendant huit semaines, sur la plateforme d’apprentissage de l’université de Mons (UMOOC).
30Elle est composée de quatre modules : trois sont individuels et optionnels, le quatrième est collaboratif et obligatoire. Ces modules sont distribués sur l’entièreté de la formation et proposent des contenus théoriques et des exercices pratiques sous différents formats numériques (vidéos, textes, infographies, discussions, production de contenus, etc.).
31Au niveau temporel, la première semaine est l’occasion de découvrir les objectifs de la formation, l’organisation de la plateforme ainsi que la présentation des auto-inscrits. À partir de la deuxième semaine, les participants peuvent découvrir le contenu dans trois modules facultatifs : un module pédagogique (« Comment enseigner la recherche d’information en ligne ? »), un module technique (« Comment rechercher de l’information en ligne ? ») et un module d’exemples (« Quelles sont les pratiques actuelles des enseignants ? »). Ils peuvent également réaliser plusieurs activités. La finalité de la formation (le module projet qui est obligatoire) est de coconstruire en groupe et avec l’équipe encadrante un dispositif pédagogique de recherche d’information en ligne directement applicable à leur contexte de classe.
32Les activités présentes dans la formation peuvent être catégorisées selon la typologie de Kop et Hill (2008) ainsi que celle de Kim (2015). Nous proposons des activités de consultation de contenu : douze capsules vidéo (module pédagogique) et trois syllabus (un pour le module pédagogique, un pour le module technique et un pour le module d’exemples).
- 1 Padlet : application permettant aux utilisateurs de créer et de partager du contenu.
33Nous offrons également des activités de remixage (Kop et Hill 2008) dans les trois modules facultatifs : (1) dans le module pédagogique, quatre activités : donner son avis sur un forum, schématiser les stratégies en ligne des élèves (carte mentale, infographie, sketchnote, planche de BD), analyser des vidéos de processus des élèves, comparer les méthodes d’enseignement de la recherche en ligne (post sur un Padlet1) ; (2) dans le module technique, neuf activités dans le livre interactif : citer des moteurs de recherche, définir sa recherche en utilisant la méthode des 3QPOC (qui, quand, quoi, pourquoi, où, comment), choisir des mots-clés, comparer des pages de résultats, choisir les bons opérateurs booléens, choisir le type de document à consulter, définir la recherche avancée, sélectionner les critères qui sont respectés afin d’évaluer la qualité de chaque ressource proposée, mentionner sur un forum les aspects techniques à retenir ; (3) dans le module d’exemples, une activité : proposer des exemples de pratiques d’enseignement de la recherche en ligne trouvés sur Internet.
34Pour valider la formation, les enseignants doivent réaliser une activité de production et de partage. Pour ce faire, les participants coconstruisent une séquence pédagogique directement applicable en contexte scolaire avec une mise en pratique dans leur propre classe. En fin de formation, un partage de cette activité ainsi qu’un retour réflexif sur celle-ci sont également attendus. Il est précisé aux enseignants que seules les activités de production d’une activité pédagogique et de partage sont obligatoires afin d’obtenir une attestation de participation.
35Enfin, pour échanger (activités dites interactives), des espaces de forums asynchrones – chacun répond quand il le veut – sont mis à disposition. Les enseignants peuvent interagir sur deux types de forums : un forum destiné à poser des questions disponibles tout au long de la formation et un forum d’équipe consacré aux discussions pour la conception de la séquence pédagogique.
36L’échantillon considéré se compose de 230 enseignants auto-inscrits à notre formation (recrutement volontaire). Sur ces 230 inscrits, 199 ont débuté la formation.
37La majorité des enseignants proviennent de la province du Hainaut (N = 116), 37 du Brabant wallon, une minorité de Namur (N = 17), du Luxembourg (N = 11), de Liège (N = 11) et de Bruxelles-Capitale (N = 7).
38Lorsque l’on étudie la répartition des inscrits dans les quatre réseaux d’enseignement en fédération Wallonie-Bruxelles (officiel organisé par la Communauté française de Belgique ; officiel subventionné par la Communauté française de Belgique ; libre subventionné confessionnel ; libre subventionné non confessionnel), on observe que 16 participants viennent d’un établissement de l’enseignement officiel organisé par la Communauté française, 78 de l’enseignement officiel subventionné par la Communauté française, 99 du libre subventionné confessionnel et 6 du libre subventionné non confessionnel. Cette inégalité s’explique par la proportion d’établissements de chaque réseau dans les provinces.
39Notre échantillon est composé de 156 femmes, de 40 hommes et de 3 participants se définissant dans la catégorie « autres ». Ce taux élevé de femmes au sein de notre échantillon peut être mis en relation avec le pourcentage de 74,2 % de femmes dans l’enseignement obligatoire en 2022 (fédération de Wallonie-Bruxelles 2022). L’âge moyen des apprenants est de 38 ans (σ = 9,8) et ils ont en moyenne 12 ans d’ancienneté (σ = 9,2). Ce sont ces 199 enseignants qui ont été inclus dans nos analyses et qui constituent ainsi nos sujets expérimentaux.
40Pour répondre à notre question de recherche, nous avons exploité des traces enregistrées au niveau du processus. Ces traces sont directement accessibles dans le journal de bord de chaque participant et la plateforme permet de générer un fichier Excel. Ces données ont été ensuite anonymisées afin de respecter les règles éthiques. Nous avons par la suite catégorisé ces différentes données dans les variables que nous voulions investiguer.
41Notre étude tente donc mettre en œuvre les recherches de Milligan, Littlejohn et Margaryan (2013), Hill (2013) et Klobas, Mackintosh et Murphy (2015) à un cas précis : celui d’une formation à l’enseignement de la recherche d’information à destination des enseignants de la Belgique francophone. C’est pourquoi nous pourrons catégoriser leur engagement et améliorer notre dispositif, afin qu’il puisse servir de base à la conception d’autres formations à l’enseignement de nouvelles compétences numériques.
42Ces variables de processus (traces laissées par les enseignants) sont récoltées à la suite de l’analyse des différentes activités prévues dans la formation. De ce fait, nous avons pris en considération quatre variables. Les trois premières font référence à la catégorisation des activités prévues dans un MOOC de Kop et Hill (2008) et la dernière prend en compte une variable interactive (Kim 2015).
43Les variables investiguées sont donc :
-
l’agrégation (activités de consultation de contenu et de cognition)
-
le remixage (activités de métacognition sur le contenu)
-
la production et le partage (activités de production, de collaboration et partage de la production)
-
l’interaction (discussion sur les forums)
44Selon Jonasson (2012), l’engagement comportemental correspond aux manifestations observables de l’engagement et peut être observé à partir de traces de comportements laissés dans l’environnement. De ce fait, pour mesurer cet engagement comportemental et donc répondre à notre question de recherche, nous avons élaboré une grille de récolte des traces en partant de comportements observables qui illustrent les quatre variables présentées ci-dessus.
45Pour la variable « activités d’agrégation », nous avons tenu compte des fréquences de visionnage des douze capsules vidéo, du nombre de consultation des syllabus des modules pédagogique et technique et du livre d’exemples d’activités pratiques. De ce fait, quinze sous-variables ont été identifiées.
46La variable « activités de remixage » provient du nombre d’activités réalisées dans le module pédagogique (quatre activités), dans le module technique (neuf activités) et dans le module d’exemples (une activité).
47Les traces pour les activités de production et partage sont au nombre de trois : création d’une séquence pédagogique, test en contexte scolaire de celle-ci et partage réflexif du test sur un espace collaboratif.
48Les traces interactives découlent, quant à elles, de la prise en compte des interactions sur les forums de la formation, pour poser des questions sur le contenu ou pour discuter avec son groupe de travail lors de la conception du dispositif pédagogique.
49Dans l’objectif de répondre à notre question de recherche, nous réalisons, tout d’abord, une analyse descriptive des données de chacune des variables comportementales prises en compte dans notre grille pour l’ensemble des participants (N = 199). Ensuite, dans l’objectif de réaliser une classification de nos individus, deux méthodes successives sont appliquées (Saracco et al. 2018) : (1) une analyse en composantes principales (ACP), permettant de synthétiser les variables comportementales ; (2) un clustering mis en œuvre sur les variables synthétiques issues de l’ACP. Ces deux techniques ont été utilisées afin de faire émerger des profils d’engagement comportemental dans notre formation.
50La formation dispensée propose douze capsules vidéo (module pédagogique) et trois syllabus (un pour le module pédagogique, un pour le module technique et un pour le module d’exemples). Les données recueillies tiennent compte du nombre de vues de chacune des capsules ainsi que de chaque syllabus. La figure 1 indique le nombre de visionnages ainsi que la moyenne en pour cent. Une moyenne supérieure à 100 % montre plus d’une consultation de la ressource.
51Pour les activités d’agrégation, nous avons également réalisé un filtrage temporel afin de tenir compte de la durée du MOOC nous permettant de distinguer l’assiduité des utilisateurs en matière de consultation de contenu (visionnage des capsules vidéo).
Figure 1. Analyse descriptive des activités d’agrégation
Figure produite par les auteurs
52L’analyse de la figure 1 montre que les participants, au début de la formation, consultent en moyenne plus d’une fois le contenu proposé (semaine 1 : 158,3 % ; semaine 2 : 157 % ; semaine 3 : 108,9 %). De ce fait, ce sont les premières capsules vidéo qui ont été les plus visionnées. À partir de la semaine 4 de formation, les capsules vidéo sont consultées en moyenne moins d’une fois (semaine 4 : 86,2 % ; semaine 5 : 78,6 %). Ainsi, nous pouvons mettre en évidence que les participants s’investissent dans la consultation des ressources vidéo plus activement au début de la formation. De plus, cet investissement décroît au fil des semaines.
53Les syllabus mis à disposition des apprenants sont quant à eux ouverts de manière disparate. On remarque que le syllabus du module pédagogique (retranscription des capsules vidéo) ainsi que le livre numérique présentant des exemples concrets d’activités (module d’exemples) sont ouverts en moyenne plus deux fois par participant tout au long de la formation (module pédagogique : 275,4 % ; module d’exemples : 281,4 %). Cependant, le syllabus technique (version PDF des exercices techniques sur la recherche d’information en ligne) est consulté en moyenne moins d’une fois (94 %), montrant un intérêt moindre des participants pour celui-ci.
54Comme expliqué précédemment, chaque module permet (sans obligation) aux enseignants de mettre en pratique le contenu présenté dans les ressources (syllabus ou capsules). Cette mise en pratique se réalise sous la forme d’activités présentes chaque semaine.
Figure 2. Analyse descriptive des activités de remixage
Figure produite par les auteurs
55L’analyse de la figure 2 nous permet de mettre en avant que l’activité la moins réalisée est celle présente dans le module d’exemples (moyenne de 16,5 % de réalisation). En revanche, les activités à réaliser dans le syllabus technique (moyenne de 50,3 %) et celles en lien avec le module pédagogique (moyenne de 44,5 %) ont eu plus de succès.
56Ces données montrent néanmoins que les enseignants sont peu participatifs dans notre formation. En effet, ils réalisent en moyenne moins de la moitié des activités prévues dans chacun des modules. Rappelons que ces activités ne sont pas obligatoires.
57Les activités de production et partage sont les seules à avoir été obligatoires pour obtenir une attestation de participation. Ces activités sont au nombre de trois : création d’une séquence pédagogique, mise en pratique en classe, partage de la séquence et d’un retour réflexif sur la mise en pratique en classe. Celles-ci sont à réaliser en fin de formation.
Figure 3. Analyse descriptive des activités de production et de partage
Figure produite par les auteurs
58La figure 3 montre que les enseignants peuvent être vus comme des contributeurs à la formation. En effet, ils réalisent en moyenne 65,5 % des activités obligatoires de production et de partage.
59La formation dispensée propose deux types de forums : un premier pour que les participants puissent poser aux encadrants leurs questions concernant le contenu et un second où les participants discutent de la construction de leur séquence pédagogique entre eux et avec les encadrants. La figure 4 indique le nombre de messages postés ainsi que la moyenne en pour cent. Une moyenne supérieure à 100 % montre la rédaction de plus d’un message dans le forum.
Figure 4. Analyse descriptive des activités interactives
Figure produite par les auteurs
60Si le forum réservé aux questions à destination des enseignants est peu utilisé (en moyenne, moins d’une fois sur tout le long de la formation), celui conçu pour discuter de la construction de la séquence pédagogique est plus exploité. En effet, on constate qu’en moyenne, chaque participant poste environ quatre messages pour faire avancer sa réflexion concernant l’activité à proposer à ses élèves.
61On peut ainsi mettre en avant que les enseignants peuvent être qualifiés de collaboratifs lorsqu’il faut discuter sur un projet (tâche obligatoire) mais le sont moins pour partager leurs idées ou questions concernant les ressources.
62Afin d’identifier les dimensions qui rendent le mieux compte de la variabilité des résultats, une analyse en composantes principales (ACP) a été réalisée avec le logiciel SPSS version 27.
- 2 Méthode de rotation Varimax.
63L’ACP extrait quatre variables synthétiques indépendantes2 expliquant 62,24 % de la variance totale : (1) les activités d’agrégation et de communication (41,8 %), (2) les activités de remixage technique (9,7 %), (3) les activités de remixage pédagogique (5,8 %) et (4) les activités de production et de partage (4,36 %). Elle reprend les 31 variables exposées dans les points précédents (figure 5).
Figure 5. Composantes extraites de l’ACP
Figure produite par les auteurs
64Afin d’affiner notre recherche et pour mieux comprendre les différents profils d’enseignants dans la formation, une approche en cluster à partir des quatre composantes extraites de l’ACP a été effectuée.
65Le traitement par clustering (k-means clustering, ou partitionnement en k-moyennes) des variables comportementales des 199 enseignants a permis d’extraire quatre clusters. Le rapport R2 (pouvant varier de 0 à 1) indique que notre modèle peut être perçu comme un bon modèle d’ajustement. En effet, le R2 est proche de la limite supérieure de 1 (0,596). De plus, l’indice « silhouette », qui affiche la cohérence interne moyenne du regroupement en évaluant la similitude de chaque sujet par rapport à son propre cluster, est plus proche de la limite supérieure (de 1 à − 1). Cet indice indique un regroupement cohérent (0,360). Afin d’offrir une meilleure visualisation de ces divers clusters en relation avec les quatre composantes principales, nous avons opté pour une représentation graphique sous forme de diagrammes en barres (figure 1). Cette approche permet une interprétation aisée des profils émergents.
66Nous nous sommes inspirés des travaux de Hill (2013), Milligan, Littlejohn et Margaryan (2013), et Klobas, Mackintosh et Murphy (2015) relatifs aux participants inscrits sur une plateforme de formation en ligne pour constituer une typologie caractérisant les enseignants qui s’engagent dans notre dispositif. Nous distinguons ainsi quatre profils d’apprenants : finisseurs (cluster 1), rôdeurs (cluster 2), participants occasionnels-téléchargeurs (cluster 3) et sélectifs (cluster 4).
67Le premier cluster comporte 40,2 % de l’échantillon (N = 80), le deuxième 32,7 % (N = 65). Comparativement aux autres, le troisième réunit un nombre d’apprenants relativement faible (N = 4, soit 2,01 %). Enfin, le dernier en inclut 50 (25,1 %). La figure 1 permet d’apprécier les caractéristiques des sujets appartenant aux quatre clusters identifiés.
Figure 6. Visualisation des quatre clusters
Figure produite par les auteurs
68Les 80 apprenants du cluster 1, que nous nommerons « finisseurs », sont les participants les plus nombreux. Ces participants consultent sensiblement plus de ressources pédagogiques (capsules vidéo, syllabus, etc.) que la moyenne des autres enseignants inscrits. Ce sont eux qui finalisent le plus la formation et qui produisent des activités à destination de leurs élèves qu’ils ont auparavant partagées avec la communauté en ligne. Ils mobilisent moins les acquis d’apprentissage relatifs à la sphère « technique » dans les activités de remixage que la moyenne des participants. Ces apprenants possèdent des caractéristiques communes avec les sujets que Klobas, Mackintosh et Murphy (2015) appellent « finisseurs », c’est-à-dire ceux qui réalisent l’évaluation pour obtenir le certificat.
69Les 65 apprenants issus du cluster 2, les « rôdeurs » (ou « lurkers »), sont les participants qui s’investissent le moins dans la formation. En effet, ils consultent moins de ressources pédagogiques (capsules vidéo, syllabus, etc.) et mobilisent moins les acquis d’apprentissage relatifs aux sphères « technique » et « pédagogique » dans les activités de remixage que la moyenne des participants. En outre, ces sujets sont ceux qui finalisent le moins la formation. Ils présentent des similitudes avec les participants que Milligan, Littlejohn et Margaryan (2013) nomment « rôdeurs », c’est-à-dire ceux qui se limitent à l’observation de ce qui se passe dans le cours sans réaliser aucune activité hormis la consultation de certaines ressources.
70Les quatre apprenants du cluster 3, que nous qualifions de « participants occasionnels-téléchargeurs » sont les moins nombreux (2,01 % de l’échantillon). Ils consultent plus de ressources pédagogiques (capsules vidéo, syllabus, etc.) que la moyenne des autres enseignants inscrits dans la formation. Ce sont également les apprenants qui mobilisent le plus les acquis d’apprentissage relatifs à la sphère « pédagogique » dans les activités de remixage. Comme les « drop-ins » de Hill (2013), ces apprenants s’investissent dans une formation en ligne pour réaliser une activité spécifique concernant un sujet particulier qu’ils ont estimé intéressant et donc choisi. De plus, comme les sujets catégorisés « downloaders » par Klobas, Mackintosh et Murphy (2015), ils ont tendance à récupérer les ressources hébergées sur la plateforme.
71Le cluster 4, composé de 50 apprenants que nous qualifierons de « sélectifs », présente une plus grande mobilisation des acquis d’apprentissage dans les sphères « technique » et « pédagogique » lors des activités de remixage, surpassant ainsi la moyenne des autres participants. De plus, ces individus ont tendance à compléter la formation en créant des activités qu’ils partagent avec leurs pairs sur la plateforme. Ils présentent des similarités avec les participants que Hill (2013) désigne par le terme « sélectifs » et qui sont caractérisés par leur engagement actif limité à certaines parties du cours, sans chercher à le compléter intégralement.
72Enfin, il convient de noter qu’au sein des 230 inscrits à notre formation, 31 d’entre eux (soit 11,92 %) n’ont jamais utilisé la plateforme lorsqu’elle était active. À l’instar de Hill (2013), nous qualifions ces participants de « no-shows ».
73Dans l’objectif d’évaluer l’engagement des enseignants dans notre formation de type cMOOC sur l’enseignement de la recherche d’information, étant donné que la participation peut varier significativement d’un individu à l’autre (Depover, Karsenti et Komis 2017), nous avons investigué le processus d’apprentissage comportemental des participants. L’examen des variables de ce processus a permis de faire ressortir plusieurs constats. Tout d’abord, cette étude de cas tend à montrer que l’exploitation du processus mis en œuvre par les enseignants lors d’une formation continue permet de comprendre leurs besoins. D’un point de vue pédagogique, elle met en exergue les activités auxquelles les participants ont accordé une importance plus spécifique.
74Lorsque nous avons étudié les variables comportementales liées à la mobilisation des ressources pédagogiques (capsules vidéo et syllabus) par les enseignants, nous avons constaté que leur engagement dans le visionnage des capsules diminue au fur et à mesure de leur progression dans le cours. Alario-Hoyos et al. (2014) expliquent cette forme de désintérêt progressif par le fait que de nombreux apprenants s’inscrivent aux MOOC, visionnent quelques vidéos sans nécessairement poursuivre la formation. Hill (2013) ajoute que certains participants s’inscrivent pour satisfaire un besoin spécifique. Ainsi, s’ils trouvent les informations qu’ils recherchent en visionnant une capsule, ils ne vont pas nécessairement continuer. L’analyse des consultations du syllabus pédagogique intégré dans le cours montre qu’une partie des apprenants se sont dirigés vers cette ressource. En effet, selon Boumazguida (2020), certains enseignants privilégient les supports écrits aux vidéos en raison de leur familiarité avec le format textuel. Nous avançons que nos apprenants ont probablement négligé les capsules au profit de leur retranscription. Par conséquent, il semble pertinent de continuer à proposer différentes formes de ressources.
75En ce qui concerne les activités non obligatoires (activités de remixage) présentes dans le module pédagogique, le module technique et le module d’exemples, nos résultats montrent un faible degré d’engagement comportemental. Nous pensons pouvoir dire que nos sujets n’entrent pas dans ce type de formation pour être participatifs. De ce fait, laisser la réalisation de ces activités à la volonté et au besoin des apprenants semble être un choix pédagogique judicieux. Nous remarquons cependant un engagement élevé lors des activités obligatoires de production et de partage.
76Au contraire, l’analyse du nombre de commentaires générés au sein de la plateforme met en évidence une faible participation. Les enseignants ne posent pas de questions ou en posent très peu, et échangent peu entre eux de manière asynchrone lors de la construction de leur séquence (quatre messages par utilisateur en moyenne). Il apparaît donc que, bien que notre approche connectiviste encourage vivement les interactions, celles-ci demeurent limitées.
77Nos résultats montrent également une grande variabilité dans les comportements des enseignants. Pour cette raison, la gestion des comportements hétérogènes est une question cruciale dans ce type d’environnement.
78Au regard de ces observations, on peut supposer que les caractéristiques du dispositif ainsi que le profil et les contextes professionnels des participants inscrits (enseignants salariés occupant un emploi à temps plein) favorisent l’accès à notre formation à distance et la persévérance dans la consultation des ressources et la réalisation des activités obligatoires (Benedetto-Meyer, Boboc et Metzger 2019). Pour autant, la faiblesse des interactions asynchrones dans la plateforme pose question (Cisel 2017). En effet, il est possible que les participants aient utilisé un autre moyen de communication synchrone (par exemple, la visioconférence) en dehors de la plateforme.
79En outre, ces résultats peuvent exprimer une inappétence à communiquer en ligne et la nécessité d’accompagner ce type de public de façon plus structurée. Kizilcec, Piech et Schneider (2013) ont également été confrontés à ce constat et soulignent que dans les dispositifs de formation en ligne à distance, comme les MOOC, les apprenants concentrent davantage leur attention sur les vidéos et négligent les activités de discussion qui leur sont proposées.
80Au sein de notre dispositif de formation en ligne, nous avons identifié quatre profils d’enseignants : les « finisseurs », les « rôdeurs », les « participants occasionnels-téléchargeurs » et les « sélectifs ». Il apparaît, de ce fait, que le type d’apprentissage proposé s’adapte à la diversité des apprenants, favorisant ainsi leur coexistence et leur collaboration. Bien que l’hypothèse selon laquelle la formation convienne à tous les profils d’enseignants puisse être avancée, cette affirmation n’a pas été vérifiée dans le cadre de notre recherche.
81De plus, contrairement à d’autres dispositifs de formation à distance, le taux d’engagement au sein de notre dispositif est élevé : 86,52 % des participants débutent la formation et 64,35 % obtiennent une attestation, alors que le taux d’achèvement habituel ne dépasse pas en général les 10 % (Cisel et Bruillard 2012).
82Pour expliquer ce constat, nous pouvons émettre plusieurs hypothèses. On peut supposer que la motivation initiale du participant (Cisel et Bruillard 2012) est élevée, étant donné l’actualité du sujet et de sa présence imminente dans les référentiels. Nous pouvons également supposer que la scénarisation du dispositif pédagogique permet de maintenir la motivation et l’engagement des participants (Bendou, Abrache et Cherkaoui 2018). Nous citerons l’effet positif de la flexibilité du parcours dans la formation, l’articulation entre la théorie et la pratique avec la réalisation d’une activité spécifique au contexte scolaire, la possibilité de naviguer en fonction des besoins de chacun. En effet, tous les apprenants ont nécessairement des attentes, des connaissances de base ou encore des manières d’apprendre très différentes. Ainsi, proposer un parcours unique ne convient pas forcément à tous (Qazdar et al. 2016). Le type d’évaluation a également pu jouer un rôle important dans ce faible taux d’abandon. Effectivement, l’évaluation privilégiée ne se basait pas uniquement sur les connaissances, mais sur les compétences et plus particulièrement sur la conception et la mise en pratique d’un projet (Roy, Gruslin et Poellhuber 2020) spécifique au contexte professionnel des participants. En outre, nous pouvons supposer que, pour s’assurer d’un taux d’achèvement supérieur, il faudrait se diriger vers des formations à effectifs réduits afin de veiller à un maximum d’interactions entre les participants et les concepteurs (Bougon 2019).
83Cette étude contribue à la compréhension globale du processus d’apprentissage dans les MOOC connectivistes destinés à la formation des enseignants. Ces analyses de surface, qui ne demandent pas de rentrer dans le contenu des espaces d’échanges, peuvent être utilisées par les concepteurs de futurs cMOOC pour adapter l’expérience d’apprentissage en fonction de l’hétérogénéité des apprenants. Les profils mis en évidence seront également utiles pour orienter les interventions de manière efficiente et étayer ainsi la tâche des tuteurs en cours d’apprentissage.
84Par ailleurs, cette recherche comporte plusieurs limites. Tout d’abord, il convient de noter que l’étude a été restreinte à l’exploration d’un unique MOOC. Ensuite, seules les variables de processus ont été prises en considération dans le but d’expliquer leur engagement. D’autres facteurs explicatifs, comme les variables individuelles, telles que l’âge, le genre, le niveau d’éducation ou les motifs d’inscription, n’ont pas été examinées. De surcroît, l’ensemble de nos participants s’est inscrit volontairement. Nos conclusions ne peuvent donc pas être généralisées aux formations qualifiées de « contraintes » où les apprenants sont tenus de s’inscrire.
85Dans l’avenir, il serait opportun d’envisager une étude complémentaire comblant les limites précédemment explicitées et incluant aussi une analyse temporelle plus conséquente. Cela permettrait d’explorer l’hypothèse selon laquelle les apprenants s’engagent de manière discontinue dans un MOOC et d’examiner la possibilité d’une évolution des profils au sein d’une même session. De plus, il serait également intéressant d’étudier les perceptions des enseignants quant à l’acceptabilité de l’enseignement de la recherche d’information, afin de vérifier une possible dépendance avec leur engagement dans ladite formation.