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Le radicalisme en Grande-Bretagne de 1815 à 1830

Radicalism in Britain, 1815-1830
Rémy Duthille

Abstracts

Since E.P. Thompson’s classic The Making of the English Working Class (1963), the historiography of protest movements has considerably expanded. This article takes stock of recent reinterpretations of a period which Thompson saw as the heroic age of working-class radicalism. It discusses debates on the rise of the mass platform and the significance of Peterloo and the new emphasis on culture, gender, and micro-history to revise towering narratives. It also examines the Cato Street conspiracy (1820), and the studies placing it in British, imperial and international context. A section on Scotland rehearses the state of the debate on the 1820 ‘Radical War’ and Scottish specificities.

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Full text

Introduction

  • 1 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, trad. Gilles Dauvé, trad. Mire (...)

1La quinzaine d’années suivant le retour à la paix après la victoire de Waterloo (1815) est marquée par une résurgence du radicalisme, après que le sentiment patriotique obligatoire pendant la guerre et la répression, tant au niveau du gouvernement qu’à l’échelle locale, eut réprimé comme séditieuse toute critique du système politique ou économique britannique. Le retour de la paix, et la crise économique consécutive aux difficultés de réintégration des hommes mobilisés, le maintien de très hauts niveaux de taxation anti-redistributive, sont autant de facteurs de mécontentement et de politisation des masses. Les années 1815-1820 en particulier sont marquées par une vague de contestations dans la rue, et par la résurgence d’un mouvement radical longtemps muselé par les contraintes de la guerre. Des orateurs tels que Henry Hunt, appuyés par des propagandistes comme William Cobbett, hésitent entre plusieurs stratégies face à un gouvernement tory hostile à toute réforme. Edward Thompson voit dans la séquence menant au massacre de Peterloo (1819) les « années héroïques1 » de la gestation de la classe ouvrière au travers de la lutte politique et syndicale. L’historiographie s’est profondément renouvelée depuis La Formation de la classe ouvrière anglaise (1963), mais en grande partie en réponse ou en réaction à ce classique. Cet article définit d’abord le radicalisme comme discours et comme choix stratégique entre méthodes « constitutionnalistes » ou insurrectionnelles. Il examine ensuite la stratégie de la plate-forme de masse qui fédère un mouvement populaire important en Angleterre et en Ecosse mais se fracasse à Manchester face à la répression féroce du rassemblement de St Peter’s Fields. La section suivante est consacrée aux tentatives insurrectionnelles, et en particulier à la conspiration de Cato Street, qui fait l’objet de recherches novatrices actuellement. La dernière section aborde les mouvements contestataires en Ecosse, dominés par le constitutionnalisme britannique mais marqués par l’insurrection de 1820.

Radicalisme et discours constitutionnaliste

2On peut considérer que le radicalisme britannique atteint son apogée après Waterloo. Le terme radicalism ne fait son apparition que vers 1819, sous la plume du philosophe utilitariste Jeremy Bentham (1748-1832) qui élabore alors son « radicalisme philosophique ». Cependant, des syntagmes comme radical reform, apparaissent dès la fin des années 1770, souvent pour désigner un programme de réforme parlementaire fondé sur le suffrage universel masculin, par rapport à des propositions plus limitées (suffrage censitaire par exemple).

  • 2 Epstein James, « The Constitutionalist Idiom », Radical Expression: Political Language, Ritual, and (...)
  • 3 Duthille Rémy, « A Practical English Past: Commemorating the Glorious Revolution in England, from T (...)

3Loin d'être le monopole des radicaux ou des conservateurs, la constitution, et l’interprétation des droits qu’on en tire, fait l’objet d’une lutte intense entre les deux, chaque définissant la loyauté envers le monarque et le pays de sa propre façon. L’« idiome constitutionnaliste »2 analysé par James Epstein recouvre l’interprétation constitutionnelle, mais aussi les références historiques, la rhétorique juridique fondée sur les précédents, et il implique aussi un certain registre d’action « constitutionnel » défini par les grands textes, Magna Carta, Bill of Rights, Habeas Corpus en tête. Ainsi, du parlement aux plus humbles Hampden Clubs, on fait un usage politique de la Glorieuse Révolution de 1688-16893. Les radicaux voient dans le remplacement de Jacques II par Guillaume III un précédent justifiant que le peuple élise ses monarques ; beaucoup, au tribunal en particulier, se fondent sur le Bill of Rights (pourtant rejeté par Paine comme un « Bill of Wrongs » dans Rights of Man, 1792) pour défendre leurs droits à porter des armes, à pétitionner et à s’adresser au monarque. Acquis aux thèses d’Edmund Burke (Reflections on the Revolution in France, 1790), les Tories voient quant à eux dans le compromis de 1689 (Revolution Settlement) l’état définitif de la constitution, fermant ainsi la porte à toute réforme parlementaire, tandis que les whigs admettent un droit de résistance qu’ils limitent en pratique aux élites tout en défendant les privilèges nobiliaires.

  • 4 May John et May Jennifer, Commemorative Pottery, 1780-1900. A Guide for Collectors, London, Heinema (...)

4De façon générale, la rhétorique radicale la plus fréquente dans le registre constitutionnel consiste à attaquer la corruption de la Constitution, et à appeler à une réforme radicale (du latin radix, racine) extirpant les excès tels que le système fiscal anti-redistributif, les dépenses somptuaires de l'Etat et les sinécures et pensions diverses engraissant les soutiens serviles du roi et de ses ministres. Beaucoup de radicaux exigent le suffrage universel masculin et l’annualité des parlements comme un retour à une supposée démocratie saxonne étouffée par le joug normand imposé en 1776, même si en général ils défendent ces revendications démocratiques par des arguments de droit naturel (égalité et liberté naturel de tous, sinon de toutes) : c’est typiquement le cas de John Cartwright, qui depuis 1775 (Take your Choice) à sa mort en 1823, n’a de cesse de défendre son programme de réforme radicale ; bien qu’il varie selon les pamphlets, il reste d’une constance remarquable et constitue un trait d’union entre les idéaux de la Révolution américaine, le « jacobinisme » des années 1790 et les mouvements postérieurs à 1815. Ce radicalisme s’inscrit dans un discours et un symbolisme plus vastes, hérité des xviie (les Niveleurs et Bêcheurs) et xviiie siècles. Son expression iconographique la plus fréquente, qu’on trouve dans de nombreuses caricatures graphiques déjà à la fin du siècle précédent, ou sur des objets en porcelaine, par exemple, est la hache coupant la racine, ou dans des variantes élaguant, de l’arbre de la corruption4. Des expressions comme root and branch reform, également héritées des Puritains et présentes chez Cartwright, témoignent d’un ancrage historique du discours radical.

5Les chefs de file radicaux se divisent sur la tactique, même si domine l’idée de suivre des voies constitutionnelles, et donc pour les orateurs d’employer un discours constitutionnaliste. Les radicaux ont pourtant à leur disposition un discours et une symbolique républicaine inspirés de Thomas Paine et de la Révolution française. Ils ont plutôt recours au discours constitutionnaliste mais usent à l’occasion de symbolisme révolutionnaire, par exemple lorsque les foules chantent Ça ira ou la Marseillaise pendant des meetings.

  • 5 Chase Malcolm, « The People’s Farm »: English Radical Agrarianism, 1775-1840, Oxford; New York, Cla (...)
  • 6 McCalman Iain, Radical Underworld: Prophets, Revolutionaries and Pornographers in London, 1795-1840(...)

6Un républicanisme anti-monarchique, souvent anticlérical voire libre-penseur hérité de Paine et très marqué par le symbolisme de la Révolution française nourrir les écrits très abondants de quelques intellectuels, comme les journalistes et pamphlétaires T. J. Wooler (The Black Dwarf, 1817-1824) et Richard Carlile (The Republican, 1820-1822). Depuis les études d’Iain McCalman, on appelle « ultra-radicaux » des disciples de l’utopiste agraire Thomas Spence (1750-1814). Regroupés en une Society of Spencean Philanthropists, ils militant pour une réforme pleinement démocratique du parlement et pour une forme d’égalitarisme économique (réforme agraire donnant à chaque paroisse le contrôle de ses terres). Les Spencéens assurèrent la transmission d’idéaux d’égalité, de fraternité, de républicanisme ainsi que des attitudes plus égalitaires envers les femmes de la Révolution française à l’aube de l’époque victorienne5. Ce milieu a ses codes, sa culture, ses lieux de prédilection : McCalman et Malcolm Chase ont ainsi analysé la géographie du monde souterrain des Spencéens, un réseau de tavernes et de lieux de sociabilité s’étendant de Soho à Finsbury6.

La plate-forme de masse, de 1816 à Peterloo

  • 7 Charles Tilly, ‘Contentious Repertoires in Great Britain, 1758-1834’, Social Science History, 17/2 (...)

7Deux grandes options s’ouvrent, pour résumer : la voie constitutionnelle et l’insurrection ; elles sont en lien avec les discours constitutionnalistes ou républicains mais ne s’y superposent pas. Les limites sont parfois difficiles à tracer, les radicaux ayant à leur disposition des « répertoires d’action » dépendant en partie des modalités de la répression : « humble pétition », « remontrances » au roi (on songe à la Grande Remontrances contre Charles I, à l’aube de la guerre civile en 1641), meeting en plein air, procession, usage des armes, grèves, etc7.

  • 8 Caron Jean-Claude, « Mouvements insurrectionnels et internationale libérale dans les années 1820 », (...)

8Il y a ensuite le choix de l’insurrection. Notons cependant une différence entre les intentions des foules et la perception par les autorités. Là où les radicaux et leurs chefs voient des manifestations pacifiques et ordonnées, les autorités et leurs adversaires conservateurs craignent un armement massif et des tentatives d’insurrection violentes. La peur des possédants n’est pas étonnante à une époque où les sociétés secrètes révolutionnaires fleurissent en Europe (les Carbonari en Italie par exemple), en particulier pendant la vague d’insurrections frappant l’Europe du Sud (coups d’État en Espagne et à Naples en particulier, où des monarques sont détrônés et où commencent des expériences républicaines réprimées trois ans après)8.

  • 9 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 79.

9Dès 1816, les chefs de file débattent d’une stratégie constitutionnelle : les radicaux du nord de l’Angleterre veulent présenter des pétitions au Parlement, ceux de la capitale privilégient des adresses au Régent. Les modalités de collaboration avec les whigs sont aussi des facteurs de division. Les radicaux cherchent à fédérer l’opinion publique pour envoyer des pétitions signées de milliers de personnes. Mais quelque quatre mille tisserands surnommés Blanketeers parce qu’ils portaient une couverture avec eux pour dormir à la belle étoile, décident de descendre de Manchester à Londres pour présenter une pétition du Régent. Le groupe fut vite dispersé et harcelé par les forces de l’ordre. Les pétitions envoyées en bonne et due forme par de nombreuses communautés ne subissent pas un meilleur sort : elles sont simplement rejetées par les parlementaires sous prétexte qu’elles leur manquent de respect. Samuel Bamford, dans son autobiographie, n’a que mépris pour ces pauvres hères alors qu’il soutient un mouvement institutionnalisé à défaut d’être complètement centralisé (en raison des difficultés de transport et de communication et des rivalités entre les chefs). Hunt a recours à « la Plate-forme, groupe de pression “extra-parlementaire”, qui fait campagne pour des objectifs plus ou moins limités et mobilise l’opinion ‘dans la rue’ au moyen de publications, de grands rassemblements et de pétitions9. » Cette stratégie, mise en œuvre à grande échelle en 1819 par des meetings politiques massifs dans le Nord de l’Angleterre, culmine dans la tragédie du 16 août 1819, au cours de laquelle la cavalerie de Manchester massacre une foule pacifique de femmes, d’hommes et d’enfants.

10Le massacre dit de « Peterloo » ouvre la voie à une répression judiciaire et législative. Hunt et de nombreux leaders radicaux sont emprisonnés et traînés devant les tribunaux. Sidmouth fait voter en novembre-décembre 1819 les Six Lois, qui interdisent, entre autres pratiques, les grandes réunions publiques, l’entraînement de type militaire (pratiqué par les radicaux pour assurer la discipline pendant les rassemblements), et renforce les pouvoirs d'investigation des magistrats et les lois contre le libelle, tout en alourdissant les droits de timbre sur les journaux.

  • 10 Bamford Samuel, La Vie d’un radical anglais au temps de Peterloo, trad. Laurent Bury, Paris, Éditio (...)
  • 11 Poole Robert, Peterloo: The English Uprising, Oxford; New York, Oxford University Press, 2019. Voir (...)

11L’histoire du massacre de Peterloo est aujourd’hui bien connue. Il en existe un récit canonique, celui de l’ouvrier tisserand et secrétaire du Hampden Club de Middleton, Lancashire, Bamford10 ; l’historiographie contemporaine a retracé l’événement dans ses dimensions locales, personnelles, britanniques et internationales11. Le dimanche 16 août 1819, quelque 60 000 hommes, femmes et enfants convergent vers St Peter’s Field, un terrain vague alors à la limite de la ville de Manchester. Selon la tradition du Saint Monday, le lundi était un jour de repos pour les artisans du textile. Des foules venues des petites villes industrielles du Lancashire telles que Stockport ou Rochdale, convergent vers Manchester pour écouter Hunt, le leader radical le plus en vue du moment, qui avait élaboré la stratégie de la plateforme de masse. Les chefs de file radicaux abandonnaient la tactique éprouvée et pacifique de la pétition, qui ne donnait aucun résultat, les parlementaires ayant tendance à refuser d’examiner les pétitions malgré les protestations des radicaux qui soutenaient que le droit de pétitionner était garanti par le Bill of Rights, donc par la constitution.

12Le rassemblement de Manchester était annoncé comme le plus important. À peine Hunt avait-il parlé une dizaine de minutes, qu’un régiment de cavalerie composé de gardes bourgeois assermentés (la yeomanry) envahit la place ; les cavaliers piétinent la foule et souvent balafrent femmes et enfants avec leur sabre. La répression se solde par quinze morts et quelque six cent cinquante blessés, dont des enfants. Le meeting de St Peter’s Field devient immédiatement un événement médiatique, en raison du bilan terrible, de la présence de Hunt, mais aussi de journalistes : un journaliste du Times présent sur la tribune fut arrêté, le Manchester Observer, un journal radical fondé en 1818, et d’autres journaux du Nord de l’Angleterre étaient représentés. La presse usa bientôt du terme de dérision Peterloo, en référence à la bataille de Waterloo remportée par le duc de Wellington, désormais tory réactionnaire et répressif. Il faut dire que les autorités, le Prince Régent en tête, soutiennent les magistrats de Manchester, traînent Hunt devant les tribunaux et font voter un ensemble législatif, les Six Acts, réprimant la liberté de réunion, d’association et d’expression.

  • 12 Par exemple : Peterloo massacre, containing a faithful narrative of the events which preceded, acco (...)
  • 13 R. Poole, ‘The March to Peterloo: Politics and Festivity in Late Georgian England’, Past & Present, (...)

13Il existe un nombre extraordinaire de sources sur Peterloo, certains publiés sur le moment12, d’autres longtemps après, dont le récit fait par Bamford, un acteur important responsable du cortège de son village, Middleton, et qui était en lien continu avec Hunt. Le récit de Bamford, confirmé par d’autres sources, détaille les préparatifs rituels et le soin pris par les organisateurs pour présenter la manifestation comme non violente (les participants ne doivent pas prendre d’armes) et constitutionnelle : une foule pacifique venant demander ses droits comme la constitution l’y autorise. Les autorités voient dans les cortèges des processions quasi-militaires et la simple présence de milliers d’ouvriers, en soi inquiétante, justifie la répression13. Les travaux de Robert Poole ont décrit de façon très détaillée la culture politique de Manchester, ville industrielle en expansion rapide (108 016 habitants au recensement de 1821) gérée par une corporation municipale renouvelée par cooptation et confite dans un torysme en décalage avec l’opinion des ouvriers comme celle des fabricants.

  • 14 Katrina Navickas, ‘Memories of a Massacre’, History Today, 69/8, 47–55; Robert Poole, ed., ‘Remembe (...)
  • 15 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 619.
  • 16 Walmsley Robert, Peterloo: The Case Reopened, Manchester, Manchester University Press, 1969.

14L’historiographie de Peterloo est tributaire de l’héritage dont plusieurs mouvements sociaux se sont réclamés au xixe siècle14. Les opposants aux Lois sur les blés (Anti-Corn Law League) se sont appropriés symboliquement le lieu du massage en y érigeant le Free-Trade Hall en 1853. Chartistes et suffragettes se réclamaient aussi de Peterloo. Emmeline Pankhurst aimait à rappeler que son grand-père était présent à Peterloo. Les commémorations de Peterloo en 1919 furent l’occasion pour le mouvement ouvrier et syndical d’honorer ses victimes et d’affirmer la construction du mouvement d’émancipation. Pour Edward Thompson, Peterloo « ne fut rien de moins qu’une lutte de classes » entre une foule désarmée et des cavaliers qui les piétinaient à mort15. La tentative de Robert Walmsley de disculper les autorités fut sans lendemain16. Cependant, même des historiens favorables aux mouvements sociaux notent les apories stratégiques de Hunt. John Belchem note que les radicaux de l’époque de Peterloo s’étaient eux-mêmes piégés dans leur rhétorique constitutionnaliste : à trop vouloir rester dans la légalité, les leaders ne se sont pas demandés à quel moment les autorités avaient rompu le contrat social en massacrant la foule, et donc à quel moment la révolte, voire la révolution, était légitime :

  • 17 Basingstoke, Hampshire, Belchem John, Popular Radicalism in Nineteenth-Century Britain, Basingstoke (...)

Legitimacy proved self-defeating. As radicals agonized over constitutional right, they lost their physical might. While they hesitated and deliberated, mass support dwindled, excitement was squandered and the initiative passed back to the relieved authorities17.

15Le triomphe moral et médiatique de Peterloo fut pour les radicaux une victoire à la Pyrrhus permettant au gouvernement de reprendre la main.

  • 18 Rowbotham Sheila, Hidden from history: rediscovering women in history from the 17th century to the (...)
  • 19 Scott Joan Wallach, « Women in The Making of the English Working Class », Gender and the Politics o (...)

16L’un des grands problèmes posés par la « plate-forme de masse » porte sur l’inclusion de groupes sociaux marginalisés, et en particulier des femmes. Dans les années 1970, Sheila Rowbotham a œuvré à sortir les femmes de l’oubli dans le cadre du féminisme de la « seconde vague » : le mot d’ordre « the personal is the political » a encouragé des recherches sur les liens entre structures familiales et socio-économiques18. La critique féministe a d’abord porté sur l’absence relative de femmes dans La Formation de la classe ouvière anglaise, et sur la façon dont la période « héroïque », celle qui nous concerne ici, mettait en avant des hommes et une virilité combattante. A la suite de Joan Scott, éminente historienne américaine qui a établi la pertinence du genre (gender) pour l’analyse historique19, Anna Clark a mis au jour une crise au sein de la sexualité et de la conjugalité au sein de la classe ouvrière, auquel le discours radical masculin est une réponse.

17Les mouvements ouvriers ont tendance à adopter des critères de « respectabilité » compatibles avec les idéaux de la domesticité bourgeoise, dans une stratégie d’acceptabilité sociale et partant, espèrent-ils, politique. Cette adhésion (qu’elle soit sincère ou tactique) se heurte aux évolutions structurelles de l’économie. La mécanisation de l’industrie textile, conduisant à l’embauche de femmes et d’enfants dans les ateliers textiles et mettant certains tisserands hommes au chômage, menace l’idéal du paterfamilias nourricier. Anna Clark mentionne ainsi les angoisses ressenties par de nombreux hommes dépossédés de ce rôle, lorsque l’atelier familial cède le pas à l’usine : les femmes et leurs enfants passent sous l’autorité de contremaîtres dans de grands ateliers, menaçant l’autorité et la virilité du père. Dans la sphère syndicale, des barrières maintiennent la supériorité masculine, le travail masculin étant considéré comme qualifié [skilled], travail féminin comme non-qualifié [unskilled]. L’exigence du suffrage universel masculin est une traduction politique de ce maintien de la domination masculine, qui est également encouragé par des mouvements républicains (« les ultra-radicaux » dont il sera question plus loin), la vertu, principe du gouvernement républicain, étant étymologique liée à la masculinité (vir, homme en latin).

  • 20 Navickas Katrina, Protest and the Politics of Space and Place, 1789-1848, Manchester, Manchester Un (...)
  • 21 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019, p. 156 ; Fulcher J., « Gender, politics and class in the ea (...)
  • 22 Voir le numéro du journal, où figure la caricature en première page : https://www.digitalcollection (...)

18Cependant, la période est également marquée par une participation politique forte des femmes. Dans certaines assemblées ouvrières du Lancashire, les femmes débattent et votent au même titre que les hommes pour décider les actions à mener, à partir du printemps 1819. Samuel Bamford raconta plus tard dans son autobiographie que c’est lui qui avait proposé que les femmes votent, ce qui est selon K. Navickas probablement un souvenir rétrospectif20. Des sociétés réformatrices féminines voient le jour en 1818-181921. Des sociétés féminines sont établies à la veille de Peterloo dans une demi-douzaine de centres industriels du Lancashire; les femmes se déplacent en groupe et participent à des manifestations dans d'autres localités. Le 11 août, des femmes vêtues de blanc montent sur l’estrade (la fameuse « plate-forme », lieu du discours politique) en pleine place du marché de Leigh ; elles brandissent des étendards, l’un surmonté du bonnet phrygien, l’autre orné des revendications « No Corn Laws, Annual Parliaments and Universal Suffrage ». Katrina Navickas note que ces femmes transgressent la séparation entre les deux sphères masculine et féminine ; elles fréquent les tavernes et boivent avec les réformateurs hommes. Cependant, on ne sait pas si elles avaient des revendications propres ni si elles influençaient les hommes : le suffrage universel réclamé à Leigh incluait-il les femmes ou seulement les hommes ? Quoi qu’il en soit, les très rares représentations de ces femmes sont négatives, comme ‘Female radical society’, une gravure représentant une assemblée d’ivrognes et de débauchées publiée dans le Manchester Comet en 1822.22 Le caractère transgressif, voire choquant du comportement de ces femmes (« perdues » pour l’opinion conservatrice) vient à l’appui de la thèse selon laquelle les cavaliers, à Peterloo, ont visé en premier lieu les femmes vêtues de blanc qui entouraient Hunt sur l’estrade.

The Manchester comet: or a rap at radicals, 1822 (R233019).

The Manchester comet: or a rap at radicals, 1822 (R233019).

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  • 23 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019, p. 149.
  • 24 Parmi de nombreuses études: Clark Anna, Scandal: The Sexual Politics of the British Constitution, P (...)

19En dehors de la présence des femmes dans la « plate-forme de masse » et de la sociabilité politique féminine (apparemment éphémère), on peut citer deux pistes sur le genre dans les mouvements sociaux des années 1815-1830. Les combats des hommes auraient vite fait long feu sans le soutien apporté par les femmes pendant leurs épreuves et lors de leurs séjours en prison. Jane Carlile, compagne de Richard Carlile (propagandiste athée et figure de proue de la presse non-timbrée) en est un exemple éminent, puisque c’est elle qui gérait le journal, la librairie et toutes les affaires de Carlile en son absence (c’est-à-dire presque tout le temps). Comme le note Robert Poole : « Supporting their imprisoned menfolk gave women the experience both of collective organization and of translating domestic grievances into a political critique. »23 L’historiographie s’est aussi intéressée à l’ « affaire de la reine Caroline » qui soulevait des questions de genre et d’oppression politique24. Le roi George IV, après son accession en 1820, a intenté un procès à son épouse Caroline de Brunswick, dont il était séparé, l’accusant d’adultère alors qu’il était lui-même un libertin notoire. Caroline sut s’allier les whigs et les radicaux, et sa cause rallia des foules nombreuses, qui voyaient dans le traitement indigne infligé à la reine une métaphore politique de l’oppression royale et aristocratique de la nation. L’affaire Caroline n’est pas un mouvement social de femmes, mais elle révèle la façon dont des groupes radicaux et contestataires ont su exploiter les conventions morales pour critiquer la monarchie et l’aristocratie et dénoncer leur utilité, les sévices réservés aux femmes devenant le signe de la tyrannie et du mauvais gouvernement.

20L’affaire Caroline représente un pôle extrême de l’agitation radicale : une politique « symbolique » attirant des foules significatives à partir d’une convergence (sans regroupement formel) de radicaux, de whigs et d’opposants divers à George IV. A l’autre pôle, se situent les tentatives insurrectionnelles, qui étaient le fait de petits groupes de conspirateurs.

Les tentatives insurrectionnelles

21Comment penser la place des tentatives insurrectionnelles : révolution matée par le gouvernement, signe d’un mouvement souterrain élaboré, aberrations individuelles voire égotistes en marge d’un mouvement respectueux de la légalité ? Si la conspiration de Cato Street, éventée en février 2020, est l’épisode le plus marquant, l’émeute de Spa Fields, le 2 décembre 1816, illustre dès le début de la période les divergences tactiques entre les radicaux. Trois grands meetings, convoqués à Spa Fields en novembre-décembre 1816, attirèrent des milliers de personnes désireuses d’écouter Hunt. A l’issue du troisième meeting, les Spencéens, en effet, tentèrent le coup de force et cherchèrent à s’emparer de la Tour de Londres. Spa Fields montre les divergences entre radicaux soi-disant respectables et constitutionnels tels que Hunt et les insurgés tels Arthur Thistlewood, que l’on retrouvera à Cato Street.

  • 25 Thomis Malcolm Ian et Holt Peter, Threats of Revolution in Britain, 1789-1848, London, Macmillan, 1 (...)
  • 26 Chase Malcolm, 1820: Disorder and Stability in the United Kingdom, Manchester University Press, Man (...)
  • 27 Agnès Benoît, « Malcolm Chase, 1820 : Disorder and Stability in the United Kingdom », Le Carnet du (...)

22L’année 1820 fait partie de ces conjonctures qui ont animé l'imagination des historiens se demandant pourquoi la révolution n'avait pas éclaté à tel ou tel moment de l'histoire britannique. Si Malcolm Thomis et Peter Holt ont retenu les mutineries dans la marine en 1797, si Frank MacLynn a senti un frémissement révolutionnaire dans le chartisme25, 1820 est aussi une bonne candidate : ce fut une année révolutionnaire marquée par des soulèvements et des renversements de monarques en Espagne et en Italie, et en Grande-Bretagne par l'ombre portée de Peterloo. Malcolm Chase a montré comment divers mouvements radicaux ont construit un rapport de force patiemment désamorcé par les autorités26. Benoît Agnès salue l’ampleur des sources mobilisées par Malcolm Chase. « Pour mettre au jour le degré d’agitation dans le royaume, les sources mobilisées en l’occurrence sont diverses et d’une ampleur considérable : des dizaines de fonds d’archives, de nature privée ou publique, à l’échelon local ou national, de périodiques, de mémoires, d’autobiographies, d’écrits contemporains et de documents divers de première main27. » Chase est attentif, au-delà du destin des mouvements sociaux, aux conséquences sur la vie politique nationale. Les Tories profitent de la révélation de la conspiration de Cato Street qui justifie a posteriori les lois répressives de l’année 1819. Les whigs, accusés de faire le lit de la sédition, n’osent apporter ouvertement leur soutien aux radicaux.

23Arthur Thistlewood et son entourage voulaient libérer le pays de l'oppression. Pendant l'hiver 1819-1820, le petit groupe prépara une insurrection depuis un grenier de Cato Street, dans le quartier londonien de Marylebone. Thistlewood avait tissé des contacts en Écosse et toutes les Iles britanniques bruissaient de rumeurs d'action violente imminente. Le groupe passa à l’action le 23 février en apprenant dans le New Times que le gouvernement se réunirait à dîner chez Lord Harrowby à Grosvenor Square. Les conspirateurs furent arrêtés dans la maison de Cato Street, dans le plus grand désordre. Sur les onze arrêtés, cinq furent déportés en Australie, cinq exécutés. L’article annonçant le dîner était en fait un leurre que le Home Secretary Sidmouth avait fait parvenir au journal.

  • 28 Chase Malcolm, People’s Farm, op. cit., 1988.
  • 29 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 631.
  • 30 Gatrell Vic, Conspiracy on Cato Street: A Tale of Liberty and Revolution in Regency London, Cambrid (...)
  • 31 Ibid., p. 54.

24La conspiration de Cato Street tire ses sources du milieu ultra-radical28. E.P. Thompson y voit « le dernier épisode du mouvement populaire de l’après-guerre29 », la fin d’une tradition insurrectionnelle. Chase explique la conspiration par la prise de conscience, chez les Spencéens, de l’échec des manifestations de masse et en particulier du meeting de Spa Fields (2 décembre 1816) qui se solda par une insurrection et par l’incarcération de Thistlewood et d’autres Spencéens. En 2022, Vic Gatrell consacre une monographie à la conspiration qui en renouvelle l’interprétation et la contextualisation30. Après avoir tenté de reconstituer les événements le plus précisément possible, il analyse les nombreuses sources, des volumineux recueils de procès d’État (Howell’s State Trials) à la presse, aux pamphlets et brochures et jusqu’aux portraits, caricatures et ballades vendus à la sauvette. Les archives policières sur cette affaire sont parmi les plus riches du xixe siècle. Gatrell assume un récit centré sur Londres, tout en reconnaissant les échos de l’affaire dans les Iles britanniques, dans l’Empire et en Europe.31 La focale resserrée permet de toucher au plus près les vies des accusés et de leurs familles, pour les tirer de la condescendance dans laquelle les a maintenus la gauche (ce n’étaient pas même des terroristes, des régicides) comme la droite qui depuis deux cents ans voua un mépris de classe à ces petits commerçants désargentés et incultes. Le récit de Gatrell réhabilite donc ces quelques plébéiens de Londres dont le destin malheureux n’entre ni dans la « formation de la classe ouvrière anglaise » ni dans la marche triomphale des travailleurs (et des travaillistes). Gatrell utilise donc toute la panoplie des techniques du xxie siècle pour écrire une histoire des gens ordinaires plutôt qu’une épopée des travailleurs :

  • 32 Ibid., p. 59.

In recent decades our techniques and understandings have been enriched by histories of images and artefacts, topographies and mentalities, gender, women, and children, sociability, sensibility, and emotion, race and slavery, crime and punishment, and humour and satire – as well as by psycho-histories and micro-histories that offer thick descriptions of ‘the small pieces of large puzzles’32.

  • 33 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019 ; Chase Malcolm, Chartism: A New History, Manchester, Manche (...)

25On comprend dès lors que l’ouvrage soit difficile à résumer, tant les angles d’analyse sont multiples et changeants. Notons une similarité avec deux autres ouvrages importants sur le radicalisme du premier xixe siècle : Peterloo de Robert Poole et Chartism : A New History de Malcolm Chase33. Dans les trois cas, un récit événementiel minutieusement étayé par les sources les plus variées se marie avec des aperçus saisissants sur des personnages anonymes ou oubliés.

  • 34 Gatrell Vic, Conspiracy on Cato Street, op. cit., 2022, chap. 7 ; McCalman Iain, Radical Underworld(...)
  • 35 Parolin Christina, Radical Spaces: Venues of Popular Politics in London, 1790-c. 1845, Canberra, AN (...)
  • 36 Colley Linda, Britons: Forging the Nation, 1707-1837, New Haven, CT; London, Yale University Press, (...)

26Gatrell est attentif à la géographie de la conspiration, au Londres de Thistlewood et de ses associés34. En ceci il s’inscrit dans les recherches récentes sur les lieux disponibles aux militants et leur impact sur le contenu et la portée des mobilisations35. L’étude de la réception de la conspiration dans la population met à jour des connivences et des soutiens mais surtout beaucoup d’attitudes contradictoires, le titre de la quatrième partie, « Ordinary Britons » venant en contrepoint délicieux à Britons de Linda Colley et à sa peinture d’un petit peuple acquis à un patriotisme conservateur et monarchiste36.

  • 37 Thomis Malcolm Ian et Holt Peter, Threats of Revolution in Britain, 1789-1848, op. cit., 1977, p. 7 (...)
  • 38 Robert Poole, ‘After Peterloo: Protest, Rebellion, and the Cato Street Conspiracy’, Caliban. French (...)

27L’une des questions posées par la séquence Peterloo – Cato Street est celle de la possibilité d’un soulèvement révolutionnaire, en Grande-Bretagne en 1820. Cette question divise les historiens de longue date. Thomis et Holt reconnaissaient l’existence de petits groupes isolés dans plusieurs régions : Londres, les Midlands, le Lancashire, le West Riding du Yorkshire et la région de Glasgow37, mais de façon générale ils sont très sceptiques sur l’ampleur de la menace, la répression gouvernementale suffisant à tuer dans l’œuf toute sédition. Robert Poole considère lui aussi que les ultra-radicaux étaient isolés, et que la conspiration de Cato Street, loin de lancer le signal de la révolte, peut s’interpréter comme la tentative d’un groupe faible après que la révolution eut été rejetée38. Il souligne ainsi que, pendant la seconde moitié de 1819, une vague de réunions publiques et de manifestations de protestation contre Peterloo déferla sur l’Angleterre et sur l’Ecosse. En Angleterre, surtout dans le sud et le centre, Whigs et radicaux se disputaient la primauté. En Écosse, cependant, des rassemblements prirent un tour insurrectionnel dès décembre 1819, quand un comité central s’établit à Glasgow et dans le Sud-ouest. Des radicaux du nord de l’Angleterre cherchèrent aussi à tisser des liens avec des homologues à Londres pour organiser un soulèvement. Les ultra-radicaux de Londres, c'est-à-dire les disciples de Thomas Spence, voulaient exploiter la colère provoquée par Peterloo, mais ils étaient en marge du mouvement réformiste dans la capitale. Ce sont les Whigs réformateurs de Westminster qui organisèrent des meetings de protestation énorme, tel celui de Covent Garden le 2 septembre.

28Les chefs de file n’avaient pas de visées révolutionnaires, selon E.P. Thompson :

  • 39 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 631.

En décembre 1819, Hunt, Cobbett, Wooler ou Burdett auraient pu remplir de manifestants les rues de Londres, des Midlands, du Nord et de l’Ecosse. Il est difficile de ne pas conclure que les dirigeants radicaux eux-mêmes étaient effrayés du genre d’audience qu’ils avaient dans les centres industriels. Hunt était tout occupé à se distancier des extrémistes [en raison de son procès prochain.39

29Poole confirme ce refus, tout en notant l’ambiguïté de la rhétorique :

  • 40 Poole Robert, « After Peterloo », op. cit., 2021, paragr. 23 105‑141.

Far from precipitating an armed rising, the effect of Peterloo in London was to tacitly unite reforming Whigs and Huntites. While remaining at loggerheads, they both used the language of insurgency to rally the masses behind constitutionalist strategies40.

30Les radicaux usent de la rhétorique du soulèvement populaire pour garder le contrôle sur les foules et les canaliser vers des actions constitutionnelles (meetings de masse, pétitions).

31Toujours selon Poole, la conspiration de Cato Street éclata en février, selon le timing du gouvernement, soit longtemps après les préparatifs insurrectionnels de l’automne, et longtemps avant l’insurrection en Ecosse (dont il sera question plus loin). La production culturelle considérable des ultra-radicaux ne doit pas faire illusion : loin d’être à l’avant-garde de foules prêtes à se rebeller, les ultra-radicaux étaient une minorité isolée sans prise sur les masses ouvrières.

  • 41 McElligott Jason et Conboy Martin, The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and t (...)
  • 42 McElligott Jason et Conboy Martin, « ‘We only have to be lucky once’: Cato Street, insurrection and (...)

32Cato Street et Peterloo intéressent les historiens non seulement pour la conjoncture si riche de 1819-1820, mais aussi pour leurs résonances politiques et culturelles plus vastes. Un ouvrage collectif paru en 2022 traite des dimensions culturelles de cet épisode, et des liens coloniaux et internationaux qu’il révèle41. Le cadre choisi, celui des Iles britanniques et de l’Empire, permet de repenser la violence révolutionnaire et insurrectionnelle en Angleterre au prisme de l’expérience irlandaise. Cato Street est un exemple parfait de conspiration déjouée par l’espionnage. Jason McElligott et Martin Conboy notent d’entrée de jeu qu’en attendant son exécution, l’Écossais William Davidson entonna la chanson Scots Wha Hae Wi Wallace Bled42. Le poème de Robert Burns, écrit en 1793, renvoie à un contexte de patriotisme, voire de nationalisme écossais, et au jacobinisme de la Révolution française, dont, selon les éditeurs de l’ouvrage collectif, la conspiration de Cato Street est le dernier épisode dans l’histoire britannique.

  • 43 Stevenson John, « Joining up the dots: contingency, hindsight and the British insurrectionary tradi (...)

33Cato Street permet de revisiter les grands récits sur le radicalisme et la lutte politique au xixe siècle. John Stevenson43 utilise ainsi la focale britannique afin de dépasser l’opposition entre actions violentes et non-violentes et le récit d'un changement constitutionnel somme toute progressif et peu violent en Grande-Bretagne. Dans cette optique, Bamford, Cobbett ou Hunt sont des modèles d’activisme non-violent, et Cato Street relève d’une tradition conspirationniste marginale. Steven, cependant, juge que les précautions prises par Sidmouth et le Cabinet contre les tentatives de meurtre et d’insurrection étaient compréhensibles au regard des menaces révolutionnaires planant sur toute l’Europe. Les chefs de file radicaux ont pour certains envisagé le recours à la violence, et Stevenson suggère qu'en cas de répression gouvernementale encore accrue, quelques-uns auraient pu devenir des révolutionnaires, de même que des patriotes « constitutionnels » en Irlande, tels Theobald Wolfe Tone, sont passés à la lutte armée pendant la Révolution française. Conboy et McElligott jugent que les ultra-radicaux n’étaient pas aussi isolés que Thomis, Holt ou Poole le soutenaient, en tout cas qu’il existait à Londres de nombreuses sympathies pour une politique insurrectionnelle. Autrement dit, Cato Street n’a pas nécessairement échoué parce qu’elle arrivait à la fin d’une tradition épuisée. C’est le gouvernement qui a réussi à désamorcer la conjuration ; la publicité donnée à l’événement a permis de masquer l’étendue des sympathies potentielles.

  • 44 Hanley Ryan, « Cato Street and the Caribbean », The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intel (...)
  • 45 Chase Malcolm, « Cato Street in International Perspective », The Cato Street Conspiracy: Plotting, (...)

34La recherche contemporaine analyse aussi Cato Street à différentes échelles, locales, britannique, impériale et internationale de l’événement. Ryan Hanley montre les mécanismes de discrimination raciale qui ont pu pousser à la conspiration l’un des acteurs principaux de Cato Street, William Davison, à partir des notions de Black Atlantic (Paul Gilroy) et de la conceptualisation, par Markus Rediker et Peter Linebaugh, d’un « prolétariat transatlantique », reliant la Caraïbe aux Iles britanniques44. William Davidson, né en Jamaïque, fils de l’attorney-general de la colonie et d’une femme noire inconnue, fut l’un des cinq condamnés à être exécutés pour son rôle dans la conspiration. Les grands modèles postcoloniaux s’allient à la recherche biographique pour révéler que l’impact de la race et de la discrimination sur Davison qui, malgré son éducation soignée, vécut dans la misère avec sa famille à Londres. Robert Wedderburn, Spencéen de premier plan, également noir et né en Jamaïque, fait connaître l’horreur de l’esclavage aux radicaux de Londres, et leur transmet une tradition insurrectionnelle née des révoltes d’esclaves dans les Caraïbes. Malcolm Chase, quant à lui, retrace la fascination de la presse parisienne pour l’événement : en 1820, alors que l’Espagne et Naples connaissent chacune une révolution populaire qui chasse un monarque, la France, relativement épargnée par la vague révolutionnaire européenne, regarde vers l’Angleterre. Une lithographie du graveur-éditeur Pierre Langlumé (1790-1830) représentant Thistlewood abattant un assaillant au pistolet pendant l’assaut sur les conspirateurs, constitue la seule représentation iconographique française d’un épisode révolutionnaire britannique45.

Pierre Langlumé, Arthur Thistlewood, chef de la conspiration, c. 1820. Lithographie 23 × 30,9 cm.

Pierre Langlumé, Arthur Thistlewood, chef de la conspiration, c. 1820. Lithographie 23 × 30,9 cm.

© The Trustees of the British Museum. Shared under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) licence.

L’Écosse en 1819-1820

  • 46 Pentland Gordon, « The Challenge of Radicalism to 1832 », in Thomas Martin Devine et Jenny Wormald  (...)

35La vie politique écossaise, et les mouvements sociaux en particulier, ont fait l’objet d’un profond renouvellement historiographique depuis une cinquantaine d’années, dépassent le cadre anglocentrique de nombreuses études. Une vision, héritée des whigs écossais du xixe siècle (tel Lord Cockburn), a longtemps prévalu d’une Écosse assez conservatrice et peu sensible aux soubresauts révolutionnaires venus d’Angleterre ou d’Europe continentale. En 2012, Gordon Pentland note l’abandon aujourd’hui de cette téléologie libérale et optimiste, empruntant à David Eastwood l’idée que l’historiographie entre aujourd’hui dans une « ère de l’incertitude » marqué par le soupçon post-moderne46. Pentland dégage trois questions qui dominent l’historiographie depuis une quarantaine d’années. Dans quelle mesure les mouvements sociaux expliquent la formation des classes et l’évolution des rapports entre celles-ci ? L’Écosse était-elle une société plus stable que l’Angleterre et l’Irlande ? Enfin, que révèlent les mouvements politiques, de la Révolution française à 1832, des relations anglo-écossaises et de la place de l’Écosse dans l’Empire ?

  • 47 Ibid., p. 444 439‑454.

36La stratégie de Hunt et les mobilisations, tant en Ecosse qu’en Angleterre, en réaction à Peterloo ont permis une certaine britannisation du radicalisme. L’Écosse connut des centaines de meetings en plein air, marqués par l’ordre et la discipline (dès 1816 celui de Thrusgrove attire des centaines de personnes en bordure de Glasgow). Gordon Pentland note « l’importance de rester sensible aux contextes nationaux et internationaux rapidement changeants47 ». Malgré une tendance à l’intégration des discours, aucun grand récit n’émerge de la multiplicité des études locales qui, en se focalisant sur des communautés loin d’Edimbourg et de Glasgow, longtemps seules étudiées, viennent diffracter les analyses en un grand nuancier.

  • 48 Pentland Gordon, The Spirit of the Union : Popular Politics in Scotland, 1815-1820, Brookfield, VT, (...)

37L’apogée paradoxal du radicalisme écossais fut le grand soulèvement parti de Glasgow en avril 1820. Le bicentenaire de la Guerre radicale (Radical War) fut l’occasion d’un aggiornamento bienvenu. Gordon Pentland a établi le récit événementiel, fondé sur des sources rares et peu fiables48. Le 1er avril 1820, alors que l’industrie textile est touchée de plein fouet par la récession, quelque soixante mille ouvriers se mettent en grève dans la région de Glasgow. Une ‘Address to the Inhabitants of Great Britain & Ireland’ est placardée sur les murs de la ville, elle réclame le recouvrement des droits perdus, des libertés constitutionnelles et « Equality of Rights (not of property) » (noter le refus de l’égalitarisme économique). Un groupe marche jusqu’à la fonderie Carron à Falkirk, et certains hommes sont pris dans une embuscade avec des soldats à Bonnymuir ; ils sont vite condamnés. Les « martyrs » radicaux furent vite commémorés, et des monuments érigés en leur mémoire sur Calton Hill, à Edimbourg.

  • 49 Pentland, ‘The Challenge of Radicalism to 1832’, 439–454.
  • 50 Tremayne Peter et Mac a’Ghobhainn Seumas, The Scottish Insurrection of 1820, Edinburgh, John Donald (...)
  • 51 Macdonald Catriona M. M., « Introduction: ‘The Ebbing of the Old Shallow Tide’: The Civil Context o (...)

38La Guerre radicale a donné lieu à trois interprétations rivales, cristallisées dans les années 197049. On connaît déjà les vues de Thomis et Holt sur la futilité des insurrections. F. K. Donnelly, dans sa thèse soutenue à Glasgow en 1975, pense que la conspiration écossaise, en lien avec les Spencéens de Cato Street, avait une chance sérieuse d’aboutir. Enfin, en 1970, les nationalistes voient dans la guerre de 1820 le soulèvement d’une classe ouvrière écossaise, un événement fondateur occulté par une historiographie unioniste hégémonique50. Les historiens actuels reconnaissent d’emblée la difficulté à reconstituer les événements tels qu'ils se seraient réellement passés. Dans un ouvrage collectif publié en 2022, ils assument ne pas chercher à définir « l’essence de 1820 » ni proposer un récit définitif51. Comme dans le cas d’autres événements comme Peterloo ou Cato Street, le recueil comprend des études d’histoires locales sur des communautés particulièrement loyalistes (Greenock) ou au contraire mobilisées (le comté de Dunbarton), des analyses de récits de l’événement par des témoins, et des considérations sur les usages politiques faits de l’événement après coup.

  • 52 Pentland Gordon, Radicalism, Reform, and National Identity in Scotland, 1820-1833, Woodbridge, UK ; (...)

39Quelle est la portée de ce mouvement, cependant ? Il semble avoir été construit comme un moment d’émancipation écossaise et/ou ouvrière a posteriori, mais Gordon Pentland note qu’il ne créa sur le moment aucune tradition insurrectionnelle, la guerre radicale n’étant en rien représentative du mouvement écossais de réforme politique52. En fait, l’échec du soulèvement semble avoir poussé tous les contestataires de l’ordre établi dans les voies de la réforme par voie légale. De 1820 à 1827, se multiplient des tentatives de réforme du corps électoral au parlement. Le système électoral était très restrictif. Les bourgs étaient dominés par des oligarchies qui se renouvelaient par héritage et par cooptation. Dans les comtés, il existait trois types de cens électoral (qualification), et un système de privilèges seigneuriaux appelé superiorities permettait aux propriétaires fonciers de diviser de façon virtuelle leurs terrains en parcelles d’une valeur de quatre cents livres et en en donnant l’usufruit, le temps de l’élection, à leurs affidés. Moins d’un pour cent de la population avait le droit de vote. Les whigs écossais n’avaient de cesse de critiquer le caractère archaïque de ce système et réclamaient un alignement sur l’Angleterre. L’argument selon lequel l’Angleterre jouissait de libertés (en matière pénale par exemple) dont l’Écosse était privée conduisait les réformateurs à employer un discours constitutionnaliste très proche de celui des Anglais. Les années 1820, en Ecosse, sont un laboratoire de revendications et d’argumentation réformiste. Certes, nombre de réformateurs et de militants font appel aux figures héroïques nationales (William Wallace, Robert the Bruce, les Covenantaires du xviie siècle), certes, quelques questions, en matière religieuse par exemple, sont propres à l’Ecosse, mais beaucoup sont en fait communes à la Grande-Bretagne. Pentland note la convergence entre différents discours réformistes dans plusieurs domaines, qui expliquent la coalition réformiste qui soutient la réforme parlementaire en 1830-1832.

Conclusion

  • 53 Pentland Gordon, « 1820: A Year of Conspiracies », Caliban. French Journal of English Studies, no 6 (...)

40Certaines tendances historiographiques se détachent parmi un foisonnement d’études. Le refus du grand récit, de l’explication mono-causale (par la classe ou par le développement inéluctable du suffrage) sont actés. La recherche de nouvelles sources est de rigueur : les comptes rendus d’espion et les actes de procès, longtemps privilégiés, sont mis en balance avec la culture matérielle, les écrits du for privé et les discours, plus généralement, des anonymes et des simples militants. Beaucoup de monographies ou de recueils d’articles sont marquées par une attention au détail, aux répercussions sur les individus ; les grands événements (Peterloo, Cato Street, la Guerre radicale) sont vus au prisme des dimensions locales, des récits individuels, ou au contraire dans une focale impériale, voire post-coloniale, très large. Il ressort parfois de la lecture des derniers ouvrages collectifs une impression de kaléidoscope et de vérités multiples et pas (encore) conciliées ou synthétisées. En cela, l’historiographie ne reflète pas une mode postmoderne, mais renvoie à l’incertitude dans laquelle les acteurs eux-mêmes étaient plongés. Les communications étaient difficiles en temps normale, et entravées par les autorités qui interceptaient les lettres, arrêtaient les chefs de file et envoyaient des espions et des agents provocateurs dans les réunions radicales. Gordon Pentland soutient, avec raison, qu’en 1820 « le grand défi pour les activistes radicaux était la communication et la coordination entre leurs communautés53. » On ne peut que souscrire à sa conclusion sur le changement de modalités d’action après 1820. La conspiration n’apparaît plus comme une méthode politique crédible. De nombreuses initiatives fleurissent, de l’owénisme au syndicalisme vivifié par l’abolition des Combination Acts en 1824, en passant par la participation aux conseils de gestion de l’aide au pauvres (vestries). Après l’agitation des années 1816-1820, on peut voir la décennie 1820 comme une période d’incubation de méthodes constitutionnelles et de participation plus ou moins démocratique à des conseils ou autres institutions, qui peut expliquer l’ampleur de la mobilisation, tant parmi la classe moyenne que chez le petit peuple, en 1830-1832.

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Notes

1 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, trad. Gilles Dauvé, trad. Mireille Golaszewski et trad. Marie-Noëlle Thibault, Gallimard; Le Seuil, Paris, 1988, p. 1100.

2 Epstein James, « The Constitutionalist Idiom », Radical Expression: Political Language, Ritual, and Symbol in England, 1790-1850, Oxford; New York, Oxford University Press, 1994, p. 3‑28.

3 Duthille Rémy, « A Practical English Past: Commemorating the Glorious Revolution in England, from Tom Paine to T. B. Macaulay », in Matthew Roberts (dir.), Memory and Modern British Politics: Commemoration,Tradition, Legacy, London, Bloomsbury Academic, 2024, p. 15‑34.

4 May John et May Jennifer, Commemorative Pottery, 1780-1900. A Guide for Collectors, London, Heinemann, 1972, p. 145.

5 Chase Malcolm, « The People’s Farm »: English Radical Agrarianism, 1775-1840, Oxford; New York, Clarendon Press; Oxford University Press, 1988. Sur Thomas Spence voir le numéro de Caliban : n°13 (2016): Thomas Spence and his Legacy: Bicentennial Perspectives. <https://journals.openedition.org/miranda/9220>.

6 McCalman Iain, Radical Underworld: Prophets, Revolutionaries and Pornographers in London, 1795-1840, Oxford, Clarendon , 1998.

7 Charles Tilly, ‘Contentious Repertoires in Great Britain, 1758-1834’, Social Science History, 17/2 (1993), 253–280.

8 Caron Jean-Claude, « Mouvements insurrectionnels et internationale libérale dans les années 1820 », in Sylvie Aprile, Emmanuel Fureix et Jean-Claude Caron (dir.), La Liberté guidant les peuples : les révolutions de 1830 en Europe, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2013, p. 43‑50.

9 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 79.

10 Bamford Samuel, La Vie d’un radical anglais au temps de Peterloo, trad. Laurent Bury, Paris, Éditions sociales, coll. « Histoire », 2019.

11 Poole Robert, Peterloo: The English Uprising, Oxford; New York, Oxford University Press, 2019. Voir aussi le numéro de Caliban 65-66 (2021) sur Peterloo.

12 Par exemple : Peterloo massacre, containing a faithful narrative of the events which preceded, accompanied, and followed the fatal sixteenth of August, 1819, on the area near St. Peter's church, Manchester, including the proceedings which took place at the inquest at Oldham ... to which is added, an accurate list of the names and places of residence of those who were killed, wounded and maimed (au moins 3 éditions à Manchester en 1819).

13 R. Poole, ‘The March to Peterloo: Politics and Festivity in Late Georgian England’, Past & Present, 192/1 (2006), 109–153.

14 Katrina Navickas, ‘Memories of a Massacre’, History Today, 69/8, 47–55; Robert Poole, ed., ‘Remembering the Manchester Massacre’, in Return to Peterloo, by Terry Wyke, Manchester Region History Review, 23 (Manchester, 2014), 111–131.

15 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 619.

16 Walmsley Robert, Peterloo: The Case Reopened, Manchester, Manchester University Press, 1969.

17 Basingstoke, Hampshire, Belchem John, Popular Radicalism in Nineteenth-Century Britain, Basingstoke, Hampshire, Macmillan, coll. « Social history in perspective », 1996, p. 48.

18 Rowbotham Sheila, Hidden from history: rediscovering women in history from the 17th century to the present, New York, Vintage, 1976.

19 Scott Joan Wallach, « Women in The Making of the English Working Class », Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press, 1999, p. 62‑90.

20 Navickas Katrina, Protest and the Politics of Space and Place, 1789-1848, Manchester, Manchester University Press, 2016, p. 77. La suite du paragraphe reprend Navickas, p.76-80.

21 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019, p. 156 ; Fulcher J., « Gender, politics and class in the early nineteenth-century English reform movement », Historical Research, no 162, vol. 67, 1994, p. 57‑74, [https://doi.org/10.1111/j.1468-2281.1994.tb02315.x].

22 Voir le numéro du journal, où figure la caricature en première page : https://www.digitalcollections.manchester.ac.uk/view/PR-R-00002-33019/3

23 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019, p. 149.

24 Parmi de nombreuses études: Clark Anna, Scandal: The Sexual Politics of the British Constitution, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2004, chap. 8 ; Grande James, William Cobbett, the Press and Rural England: Radicalism and the Fourth Estate, 1792-1835, New York, Palgrave Macmillan, coll. « Palgrave studies in nineteenth-century writing and culture », 2014, chap. 5.

25 Thomis Malcolm Ian et Holt Peter, Threats of Revolution in Britain, 1789-1848, London, Macmillan, 1977 ; McLynn Frank J., The Road Not Taken: How Britain Narrowly Missed a Revolution, 1381-1926, London, Bodley Head, 2012.

26 Chase Malcolm, 1820: Disorder and Stability in the United Kingdom, Manchester University Press, Manchester, 2013.

27 Agnès Benoît, « Malcolm Chase, 1820 : Disorder and Stability in the United Kingdom », Le Carnet du mouvement social https://lms.hypotheses.org/3528, consulté le 7 octobre 2024.

28 Chase Malcolm, People’s Farm, op. cit., 1988.

29 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 631.

30 Gatrell Vic, Conspiracy on Cato Street: A Tale of Liberty and Revolution in Regency London, Cambridge, Cambridge University Press, 2022.

31 Ibid., p. 54.

32 Ibid., p. 59.

33 Poole Robert, Peterloo, op. cit., 2019 ; Chase Malcolm, Chartism: A New History, Manchester, Manchester University Press, 2007.

34 Gatrell Vic, Conspiracy on Cato Street, op. cit., 2022, chap. 7 ; McCalman Iain, Radical Underworld, op. cit., 1998.

35 Parolin Christina, Radical Spaces: Venues of Popular Politics in London, 1790-c. 1845, Canberra, ANU E Press, 2010 ; Navickas Katrina, Protest and the Politics of Space and Place, 1789-1848, op. cit., 2016.

36 Colley Linda, Britons: Forging the Nation, 1707-1837, New Haven, CT; London, Yale University Press, 1992.

37 Thomis Malcolm Ian et Holt Peter, Threats of Revolution in Britain, 1789-1848, op. cit., 1977, p. 70.

38 Robert Poole, ‘After Peterloo: Protest, Rebellion, and the Cato Street Conspiracy’, Caliban. French Journal of English Studies, 65–66, 2021, 105–141.

39 Thompson Edward Palmer, La Formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit., 1988, p. 631.

40 Poole Robert, « After Peterloo », op. cit., 2021, paragr. 23 105‑141.

41 McElligott Jason et Conboy Martin, The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and the Revolutionary Tradition in Britain and Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2020.

42 McElligott Jason et Conboy Martin, « ‘We only have to be lucky once’: Cato Street, insurrection and the revolutionary tradition », The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and the Revolutionary Tradition in Britain and Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2020, p. 3 1‑7.

43 Stevenson John, « Joining up the dots: contingency, hindsight and the British insurrectionary tradition », The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and the Revolutionary Tradition in Britain and Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2020, p. 34‑48.

44 Hanley Ryan, « Cato Street and the Caribbean », The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and the Revolutionary Tradition in Britain and Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2020, p. 81‑100 ; Gilroy Paul, The black Atlantic: modernity and double consciousness, London, Verso, 1993 ; Linebaugh Peter et Rediker Marcus, The many-headed hydra: sailors, slaves, commoners, and the hidden history of the revolutionary Atlantic, Boston, Beacon Press, 2000.

45 Chase Malcolm, « Cato Street in International Perspective », The Cato Street Conspiracy: Plotting, Counter Intelligence and the Revolutionary Tradition in Britain and Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2020, p.68.

46 Pentland Gordon, « The Challenge of Radicalism to 1832 », in Thomas Martin Devine et Jenny Wormald (dir.), The Oxford Handbook of Modern Scottish History, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 440 439‑454.

47 Ibid., p. 444 439‑454.

48 Pentland Gordon, The Spirit of the Union : Popular Politics in Scotland, 1815-1820, Brookfield, VT, Pickering & Chatto, coll. « The Enlightenment world », 2011, chap. 4.

49 Pentland, ‘The Challenge of Radicalism to 1832’, 439–454.

50 Tremayne Peter et Mac a’Ghobhainn Seumas, The Scottish Insurrection of 1820, Edinburgh, John Donald, 2001. Voir l’introduction pour la position historiographique.

51 Macdonald Catriona M. M., « Introduction: ‘The Ebbing of the Old Shallow Tide’: The Civil Context of the Radical War (1820) », in Gerard Carruthers, Catriona M. M. Macdonald, Kevin Thomas Gallagher, Craig Lamont et George Smith (dir.), 1820 Scottish Rebellion: Essays on a Nineteenth-Century Insurrection, Edinburgh, John Donald, 2022, p. 2 1‑18.

52 Pentland Gordon, Radicalism, Reform, and National Identity in Scotland, 1820-1833, Woodbridge, UK ; Rochester, NY, Royal Historical Society/Boydell Press, coll. « Studies in history new series », 2008, p. 8. Ce paragraphe se fonde sur le premier chapitre de l’ouvrage.

53 Pentland Gordon, « 1820: A Year of Conspiracies », Caliban. French Journal of English Studies, no 65‑66, 2021, p. 180 165‑187, [https://doi.org/10.4000/caliban.10235].

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List of illustrations

Title The Manchester comet: or a rap at radicals, 1822 (R233019).
Credits © University of Manchester Library, All rights reserved.
URL http://journals.openedition.org/rfcb/docannexe/image/13044/img-1.jpg
File image/jpeg, 380k
Title Pierre Langlumé, Arthur Thistlewood, chef de la conspiration, c. 1820. Lithographie 23 × 30,9 cm.
Credits © The Trustees of the British Museum. Shared under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) licence.
URL http://journals.openedition.org/rfcb/docannexe/image/13044/img-2.jpg
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References

Electronic reference

Rémy Duthille, “Le radicalisme en Grande-Bretagne de 1815 à 1830 ”Revue Française de Civilisation Britannique [Online], XXX-1 | 2025, Online since 13 January 2025, connection on 20 April 2025. URL: http://journals.openedition.org/rfcb/13044; DOI: https://doi.org/10.4000/133dd

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About the author

Rémy Duthille

Rémy Duthille est professeur de civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne. Ses recherches portent sur le discours et la sociabilité politiques pendant le long XVIIIe et le XIXe siècles. Il a publié une monographie, Le Discours radical, 1768-1789 (Voltaire Foundation, 2017) et des travaux sur le radicalisme politique, la mémoire des révolutions, et les hommes féministes.

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