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- 1 Pour une synthèse, voir Dickinson Harry T., « The British Constitution », A Companion to Eighteenth (...)
1Pendant tout le premier tiers du XIXe siècle, le système britannique de représentation parlementaire reste organisé selon le règlement politique issu de la Révolution de 1688-1689. Le Bill of Rights de 1689 puis l’Act of Settlement de 1701 ont fixé les termes de la monarchie parlementaire1. Ce gouvernement mixte est décrit comme un équilibre entre les trois formes classiques : la monarchie héréditaire (le roi), l’aristocratie (la Chambre des Lords où siègent des pairs héréditaires ou créés par le roi, des évêques de l’Église d’Angleterre et des juges) et la démocratie (la Chambre des Communes élue pour sept ans). Ces trois institutions détiennent conjointement le pouvoir souverain : on dit que celui-ci réside dans le King-in-Parliament (le Roi en son Parlement).
2En 1765, dans ses Commentaires sur les lois d’Angleterre, William Blackstone présente le pouvoir des Communes, organe de la représentation populaire et siège du pouvoir législatif.
- 2 Blackstone William, Commentaries on the Laws of England, Oxford, 1765 vol. 1, p. 154
The Commons consist of all such men of property in the kingdom as have not seats in the House of Lords; every one of whom has a voice in Parliament, either personally, or by his representatives. In a free state every man, who is supposed a free agent, ought to be in some measure his own governor; and therefore a branch at least of the legislative power should reside in the whole body of the people2.
3Blackstone assigne aux représentants siégeant à la Chambre des Communes la mission d’exprimer l’opinion du « corps entier du peuple » et reconnaît le principe que tout homme, en tant qu’individu libre, détient des pouvoirs politiques. Cependant il ne remet nullement en question le fait que seuls certains, tirés de la classe des propriétaires, exercent effectivement ce pouvoir comme électeurs ou comme élus.
4Le découpage des circonscriptions et la formulation des règles électorales sont régis par des lois et des coutumes remontant au Moyen-Âge. On distingue les boroughs – bourgs –, et les counties – comtés, auxquels s’ajoutent deux circonscriptions universitaires au statut spécifique. L’Acte d’Union avec l’Irlande (1801) ajoute 100 nouveaux députés (Members of Parliament), portant leur nombre total à 658. Dans la grande majorité des circonscriptions, seuls les propriétaires fonciers ont le droit de vote et élisent deux députés. Toutefois, les règles varient grandement : par exemple, si dans certains bourgs tous les chefs de foyer (potwallopers) peuvent exercer le droit de vote, dans d’autres le nombre des électeurs est très réduit, parfois même à une poignée d’individus (on parle alors de « bourgs pourris », rotten boroughs). En moyenne, durant le premier tiers du XIXe siècle, seuls les 3% les plus riches de la population votent aux élections parlementaires – et ce droit n’est exercé que par des personnes de sexe masculin (voir encadré). À chaque élection, environ 20 à 30% des sièges sont contestés : dans les autres, il n’y a qu’un candidat.
5Les députés sont issus des classes les plus riches : ne sont éligibles que ceux dont les revenus fonciers annuels dépassent 300 livres sterlings (dans les bourgs) ou 600 livres (dans les comtés). Au début du siècle, près de 20 % des députés sont des fils de pairs. En outre les Test and Corporation Acts imposent aux députés un serment d’allégeance aux dogmes de l’Église d’Angleterre, interdisant à la fois aux catholiques et aux non-conformistes de siéger.
6Aux yeux des commentateurs conservateurs comme Blackstone, ce système défend les intérêts du peuple entendus comme des intérêts sectoriels : ceux de l’agriculture (qui prédominent), de la banque, du commerce, du droit… Par leurs différentes fonctions et responsabilités au sein de la société civile, les élites foncières en sont les représentantes légitimes.
- 3 Dickinson Harry T., « Popular Politics and Radical Ideas », A Companion to Eighteenth-century Brita (...)
7Si cette interprétation domine largement au cours du XVIIIe siècle, elle est remise en cause à partir des années 1760 par les réformateurs radicaux et une partie des Whigs, à la faveur des débats qui entourent la Révolution américaine puis la Révolution française. Les radicaux dénoncent l’oligarchie qui règne à la Chambre des Communes et affirment que la souveraineté réside dans le peuple et non dans le King-in-Parliament. Ils mettent au jour les rouages du pouvoir de patronage qui assure au roi et aux Lords le contrôle des postes administratifs et leur donne les moyens d’intervenir directement dans les élections législatives. Ils mettent au jour la corruption générale du système et demandent des réformes structurelles : un élargissement du droit de vote, la lutte contre la corruption et le patronage, des élections plus fréquentes. Après 1815, ces revendications sont exprimées avec une force croissante et leur base populaire se voit considérablement renforcée (voir l’article de Rémy Duthille, « Le radicalisme en Grande-Bretagne de 1815 à 1830 », dans ce numéro)3.
- 4 Cannon John, Parliamentary Reform, 1640-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 1972, p. 186.
8Les demandes radicales en faveur de la réforme parlementaire sont formulées avec une cohérence remarquable depuis les années 1760 mais sans succès. Au milieu des années 1820 la situation semble bloquée. À la suite du massacre de Peterloo, l’arsenal répressif déployé à l’encontre des mouvements radicaux et l’amélioration relative des conditions économiques contribuent à mettre la question de la réforme parlementaire au second plan. Ainsi, seules cinq pétitions sur le sujet sont présentées au Parlement entre 1824 et juin 18274. Lors des élections de 1826, la question débattue dans les circonscriptions contestées est celle de l’émancipation politique des catholiques, qui voit le nombre de députés hostiles à cette réforme augmenter en Angleterre.
- 5 Le déroulé des événements présenté ici suit celui de Whitfield Bob, The Extension of the franchise, (...)
9Pourtant, au début de l’été 1827, la démission pour raisons de santé de Lord Liverpool, premier ministre tory depuis 1812, ouvre une séquence politique qui voit se succéder quatre premiers ministres en moins de trois ans et au cours de laquelle les piliers du système parlementaire issu de la Glorieuse révolution sont contestés tour à tour5.
10La nomination de George Canning en tant que premier ministre en avril 1827 provoque une scission à l’intérieur du parti conservateur, des figures majeures comme le duc de Wellington, Sir Robert Peel et Lord Eldon refusant de faire partie de son gouvernement au motif que Canning a soutenu l’émancipation des catholiques. Canning meurt soudainement en août 1827 et son successeur, le vicomte Goderich, démissionne en janvier 1828 sans avoir réussi à former un gouvernement. Le duc de Wellington lui succède.
- 6 Evans Eric J., The Forging of the Modern State, 1783-1870, Early Industrial Britain, Londres, Longm (...)
11Vainqueur de Napoléon à Waterloo, Wellington est également l’une des personnalités majeures du groupe des Ultras (ainsi nommés sur le modèle des ultra-royalistes français de la Restauration). Très anticatholique, il est opposé à la levée des interdictions qui portent sur leur accès aux fonctions officielles et hostile à toute idée de réforme de la représentation parlementaire. En 1828-1829, il connaît une défaite politique lorsque, sous la pression du mouvement populaire lancé en Irlande par l’avocat Daniel O’Connell, il doit soumettre au Parlement le projet de loi du Roman Catholic Relief Bill. Adoptée en avril 1829, cette loi permet à O’Connell, élu en défiance de ces restrictions en 1828, de siéger aux Communes. Elle augmente également le seuil censitaire pour les circonscriptions irlandaises. Wellington s’aliène alors le soutien des Ultras au sein de son parti. Il adopte une posture intransigeante face à toute nouvelle tentative d’extension du droit de vote. C’est d’ailleurs un Lord tory, le marquis de Blandford, qui propose un tout premier projet de réforme parlementaire pour provoquer Wellington en février 18306.
- 7 Cité dans Evans ibid., p. 214.
12Les mauvaises récoltes de 1829 entraînent une forte augmentation du prix du pain, tandis que le secteur industriel traverse une période d’instabilité : le chômage augmente, les salaires baissent. En 1829-1830 une série de révoltes connues sous le nom d’émeute de Swing (Swing riots) enflamme les campagnes anglaises (voir plus loin, ainsi que l’article de Carl Griffin, « Luddism, machine-breaking and the Swing Riots », dans ce numéro). En février 1830, Grey, le leader des Whigs constate « a state of general distress such as never before pressed on any country7. »
13Dès le début de l’année 1830, les demandes d’élargissement du suffrage et de redécoupage des circonscriptions sont reprises par différents mouvements dans le pays tout entier. En janvier 1830, à Birmingham, le banquier Thomas Attwood fonde la Birmingham Political Union qui unit autour de la demande de réforme parlementaire différents groupes issus des classes moyennes et populaires. Des Unions politiques (Political Unions) sont fondées dans de nombreuses villes (leur constitution et leur rôle sont étudiés plus loin). Des figures historiques du mouvement radical comme William Cobbett et Henry Hunt repartent en campagne.
- 8 Les journées du 27, 28 et 29 juillet 1830, connues sous le nom des « Trois Glorieuses », désignent (...)
14La mort du roi George IV le 26 juin 1830 provoque de nouvelles élections. Celles-ci se tiennent au cours de l’été, alors que les nouvelles de la Révolution de Juillet à Paris parviennent en Angleterre8. Plusieurs députés ont été élus sur un programme de réforme : c’est le cas du Whig Henry Brougham, ainsi que de Henry Hunt et de William Cobbett par exemple.
15À l’ouverture du parlement en septembre 1830, les Tories conservent la majorité mais les tensions sont évidentes. Wellington entend fermer la porte aux revendications montantes. Il se déclare « fully convinced that the country possessed at the present moment a Legislature which answered all the good purposes of legislation, and this to a greater degree than any Legislature ever9. » Pourtant, durablement fragilisé par la crise ouverte par l’émancipation des catholiques, Wellington perd ses soutiens au sein du parti conservateur et doit faire face à la censure du Parlement. Il démissionne en novembre 1830.
16Lord Grey, le leader du parti whig, devient premier ministre, mettant ainsi la question de la réforme parlementaire au cœur des débats. Les pétitions présentées au parlement se multiplient à l’initiative des Unions politiques. Grey lui-même, ancien soutien de Charles Fox, est proche des réformateurs depuis la fin des années 1790 : il a présenté en 1797 un projet de loi qui reprenait une partie des demandes des sociétés radicales. Cependant, avant 1820 il laissait entendre qu’il ne verrait pas de réforme de son vivant. S’il reprend la cause de la réforme après 1830, il craint avant tout une révolution. En janvier 1831, dans une lettre au secrétaire du nouveau roi Guillaume IV, il constate la montée des revendications populaires :
- 10 Lettre à Sir Herbert Taylor, secrétaire particulier du roi, le 2 janvier 1831. Voir Grey Henry, The (...)
With the universal feeling that prevails on this subject, it is impossible to avoid doing something: and not to do enough to satisfy rational expectation (I mean the satisfaction of the rational public) would be worse than to do nothing10.
17Il charge un comité ministériel de présenter un projet qui uniformise le cens et effectue un découpage des circonscriptions rendu indispensable par les mutations démographiques et par l’essor des villes industrielles. En satisfaisant les revendications des classes moyennes par une réforme partielle, il espère mettre un terme à l’agitation politique et sociale.
18En mars 1831 un premier projet de loi sur la réforme parlementaire est présenté aux Communes. Il fixe le programme défendu par le ministère : loin d’adopter les revendications des radicaux (il ne contient ni suffrage universel, ni scrutin secret ni réduction de la durée des mandats), il propose une redistribution des sièges, un redécoupage des circonscriptions et uniformise les règles du suffrage censitaire. Présenté au parlement par Lord John Russell, il obtient une majorité d’une voix mais est amendé de façon significative en comité par les Tories. Grey refuse ces modifications et persuade le roi de dissoudre le parlement.
- 11 Comme l’a montré Franck O’Gorman, l’électorat d’avant la réforme, même assis sur une base sociale r (...)
- 12 Par cette mesure, les tories entendent préserver l’influence des propriétaires fonciers sur le vote (...)
19Les élections du printemps 1831 se jouent sur la question de la réforme et font entrer aux Communes nombre de députés qui y sont favorables11. Fort d’une large majorité, le gouvernement de Grey présente de nouveau le projet de loi au Parlement. Ce second projet de loi est une fois encore modifié par les conservateurs qui font ajouter une disposition étendant le droit de vote dans les comtés aux fermiers, ajoutant ainsi près de 130 000 électeurs potentiels (the Chandos Clause)12. Adopté par les Communes, le projet de loi est rejeté à nouveau par la Chambre des Lords dans un contexte de plus en plus insurrectionnel. À l’automne 1831, les émeutes se multiplient à Londres et dans de nombreuses villes de province (voir plus loin).
20En mars 1832, lorsqu’une troisième version du projet de loi est de nouveau menacée par les tentatives dilatoires des Lords, Grey demande au roi de créer 50 pairs tirés des rangs whigs afin d’obtenir une majorité à la chambre haute. Face au refus du roi, Grey démissionne. Rappelé par le roi, Wellington tente de composer un gouvernement. Dès que les nouvelles de l’échec du troisième projet de loi et de la démission de Grey sont connues, de nouvelles émeutes éclatent dans le nord de l’Angleterre. Les Unions politiques multiplient les meetings et les pétitions. Elles demandent aussi aux classes moyennes de refuser le versement des impôts et de retirer leur argent des banques pour exercer une pression financière sur le gouvernement. Désignés sous le nom de « jours de mai » (Days of May) ces événements conduisent le roi à rappeler Grey le 15 mai. Il promet de créer une majorité whig à la Chambre des Lords en cas d’échec d’un nouveau projet de loi. Le 4 juin, « An Act to amend the Representation of the People in England and Wales » est finalement adopté par les deux chambres et reçoit l’assentiment royal en juin 1832 pour l’Angleterre et le Pays de Galles. Au cours de l’été, des lois électorales distinctes concernant l’Écosse et l’Irlande sont adoptées.
- 13 « Les électeurs des villes […] doivent être majeurs, propriétaires ou locataires, dans le lieu où i (...)
- 14 O’Gorman Frank, Voters, Patrons and Parties. op. cit ; Vernon James, Politics and the People. A Stu (...)
21La loi de 1832 est conforme au programme de réforme modérée défendu par les Whigs, plutôt qu’aux revendications radicales. Elle met cependant un terme aux abus les plus flagrants du système antérieur : 56 bourgs pourris sont supprimés, la carte des circonscriptions est redéfinie, introduisant davantage de cohérence entre le nombre d’habitants et le nombre de sièges. 22 centres urbains industriels, dont Manchester, Birmingham, Leeds, Bradford, Halifax et Oldham, obtiennent chacun 2 sièges. L’électeur est défini comme le chef de famille, de sexe masculin. Le seuil du cens est uniformisé et fixé selon la valeur foncière (dans les bourgs, le loyer annuel doit être supérieur à 10 livres ; dans les comtés, sont électeurs les propriétaires à 40 shillings ainsi que les fermiers les plus riches13). Selon les estimations, complexes en raison de l’absence de registres électoraux, le corps électoral est presque doublé, passant d’environ 478 000 à 800 000 électeurs, soit 7 % de la population adulte (ou bien, selon les calculs de Frank O’Gorman et de James Vernon, de 14 % à 18 % des hommes majeurs14).
- 15 Le relèvement du cens en Irlande est décidé au moment de l’émancipation des catholiques (1829), et (...)
- 16 Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit, p. 29.
22Cependant, la grande majorité de la population reste à l’écart du vote : les femmes, exclues pour la première fois explicitement, ainsi que les classes populaires – la barre censitaire n’est atteinte que par un petit nombre d’artisans ou de commerçants. Au niveau national, des inégalités subsistent en raison des différences de niveau de vie (et de leurs répercussions sur le coût du logement, base de calcul du cens) : en Écosse, un 1 homme adulte sur 8 vote, en Angleterre 1 sur 5. En Irlande, où le cens reste plus élevé qu’ailleurs, 1 homme sur 2015. À Londres, où le logement est cher, il y a plus d’électeurs des classes populaires que dans les villes industrielles où il est plus difficile de prouver la valeur du bien loué. Dans les circonscriptions les plus démocratiques avant la réforme, tous les électeurs conservent leur vote mais leur droit s’éteindra avec eux : les nouvelles générations seront soumises aux nouvelles règles. Ainsi, la chute du nombre d’électeurs dans ces circonscriptions ne sera pas immédiate, mais différée. Dans la circonscription de Preston, alors que 88 % des hommes adultes votaient avant 1832, ils ne sont plus que 11,6 % en 185116. De plus, le découpage des circonscriptions continue de donner un avantage aux petites villes des régions rurales au détriment des pôles industriels.
23La composition sociale de la chambre élue en 1832 n’est pas profondément modifiée : si des industriels font leur entrée au parlement, la chambre continue à être largement dominée par l’aristocratie terrienne. Les députés doivent disposer d’une fortune personnelle : le cens d’éligibilité n’est levé qu’en 1857. Les catholiques et les non-conformistes sont en très petit nombre malgré la disparition des critères religieux d’exclusion.
- 17 Hansard HL Deb 22 November 1830, vol. 1, c613.
- 18 Trevelyan George Macaulay, Lord Grey of the Reform Bill: Being the Life of Charles, Second Earl of (...)
24Le Reform Act de 1832 est un haut lieu de l’historiographie whig qui a érigé le pragmatisme de Grey et de son parti en modèle d’une réforme graduelle contrôlée et maîtrisée par des élites éclairées. « The principle of my reform is to prevent the necessity of revolution […]. The principle on which I mean to act is neither more nor less than that of reforming to preserve, and not to overthrow», explique Grey aux Lords en novembre 183017 « Reform, that you may preserve », reprend en écho Thomas Babington Macaulay le 2 mars 1831. Selon les historiens whigs18, le Reform Act de 1832 ouvre la voie à un progrès lent mais décisif vers la démocratie : après les élargissements progressifs du suffrage en 1867 (Second Reform Act) et 1884 (Third Reform Act), près de 60 % des hommes adultes ont le droit de vote. Cette interprétation met en valeur la stabilité politique de la Grande-Bretagne et la marche sereine vers la démocratie, aux antipodes de la culture politique révolutionnaire française.
- 19 Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit., p. 73.
- 20 Gash Norman, Aristocracy and People. Britain 1815-1865. A New History of England, vol. 8, Londres, (...)
25Ce grand récit occulte le fait que le Royaume-Uni a l’un des suffrages les plus restrictifs d’Europe à la fin du XIXe siècle, et fait oublier l’exclusion jusqu’au XXe siècle de certaines catégories d’hommes (les fils adultes du householder et ses domestiques masculins vivant sous le même toit, les bénéficiaires de l’aide aux pauvres, les étrangers non naturalisés, les ouvriers qui déménagent au gré des embauches) et surtout des femmes : les premières élections au suffrage universel n’auront lieu qu’après 192819. Il minimise aussi les continuités du système politique avant et après 1832 : le maintien de l’oligarchie, la poursuite du patronage et de la corruption. Les voix des électeurs continuent à faire l’objet de négociations financières et l’absence de scrutin secret renforce une culture de la déférence envers les propriétaires fonciers20. Mais surtout, ce récit n’accorde que peu d’attention aux mouvements populaires qui réclament la réforme.
- 21 Clark Jonathan. C. D., English Society 1660-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 5 (...)
- 22 Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit, p. 18‑27.
26Cependant, l’impact de la crise du Reform Act sur la vie politique britannique et l’enchaînement spectaculaire des événements qui ont conduit son adoption n’est plus remis en question aujourd’hui. Comment expliquer la rapidité avec laquelle les conditions ont été réunies à la fin des années 1820 pour faire adopter certains points d’un programme de réforme qui était réclamé, sans succès, par les radicaux depuis les années 1760 ? Quelle est la place de la pression populaire dans le revirement des whigs ? Eric J. Evans distingue deux types de réponses proposées par l’historiographie. La première montre l’« effondrement interne » (internal collapse) du parti tory, contraint à une série de renoncements à partir du moment où ils doivent abandonner le compromis politico-religieux de 1689 qui reposait sur la double exclusion des catholiques et des non-conformistes21. La seconde met l’accent sur la « pression externe » (external pressure) exercée par le peuple sur les élites politiques22. C’est cette seconde interprétation qui est étayée par les analyses issues de l’« histoire par le bas ».
27Avant d’en présenter les apports, rappelons les grandes lignes du récit esquissé par Edward P. Thompson dans La formation de la classe ouvrière anglaise en 1963 :
- 23 Thompson, Edward P. La formation de la classe ouvrière anglaise, trad. fr. Golaszweski Mireille, Th (...)
La crise du Reform Bill de 1832 – ou, pour être plus précis, les crises qui se succédèrent de 1831 jusqu’aux « journées de mai » de 1832 – [illustrèrent la résistance des « défenseurs de l’ordre ancien »]. L’agitation surgit du « peuple », et révéla rapidement un très étonnant consensus de l’opinion sur la nécessité impérative d’une « réforme ». D’un certain point de vue, l’Angleterre traversa sans aucun doute douze mois de crise pendant lesquels une révolution était possible23.
28Thompson met l’accent sur le caractère spontané et non concerté des révoltes émanant simultanément des milieux radicaux dans les grands centres urbains, des paysans appauvris, des syndicalistes. Si la réforme de 1832 est si décevante au regard de ces revendications communes en faveur du suffrage universel masculin et d’une transformation des institutions représentatives, c’est que la menace d’une révolution a été instrumentalisée par les Whigs et les élites bourgeoises.
- 24 Ibid., p. 1079, 1083.
- 25 Ibid., p. 1084, 1091.
29Cet épisode, poursuit Thompson, est fondateur dans la formation d’une conscience de classe : les radicaux prennent la mesure de la duperie24. En fixant les règles du cens selon de l’occupation d’un bien en fonction de sa valeur, le gouvernement a envoyé un signal aux classes moyennes et a « défin[i] la classe avec une exactitude presque arithmétique 25», c’est-à-dire désigné sans ambiguïté ceux qu’il s’agissait d’exclure de la conversation politique. Thompson en voit une nouvelle preuve dans les mesures adoptées par la Chambre réformée. Dès 1834, le vote des New Poor Laws vient concrétiser le programme politique et social des classes moyennes, au détriment du peuple, ce qui a pour effet de renforcer cette conscience de classe naissante. Dès 1838, l’essor du mouvement chartiste chez les exclus de 1832 en est la manifestation.
- 26 Harling Philip, « Parliament, the State, and “Old Corruption” », in Burns Arthur et Innes Joanna (d (...)
30Comme on le voit, la crise du Reform Bill concentre et amplifie les enjeux qui traversent l’écriture de l’histoire britannique au XXe siècle. Un constat est cependant partagé : la conversion spectaculaire des députés whigs à la cause de la réforme en 1830 a lieu sur fond d’émeutes et d’instabilité populaire. Comme le rappelle Philip Harling, avant 1819 seule une poignée d’hommes whigs adoptait la cause de la réforme radicale. Après 1830, ils en font leur cheval de bataille pour regagner une majorité parlementaire aux élections de 183026. La réforme de 1832 est un cas d’école pour étudier les dynamiques qui lient les sphères parlementaire et extra-parlementaire.
31Depuis la fin des années 1990, l’histoire sociale s’est écartée des grands récits fondateurs articulés autour de moments de rupture, que ces récits soient whigs ou marxistes. L’accent est mis sur les continuités, mais surtout sur les évolutions des identités sociales et des pratiques. Dans la suite de cet article, deux moments spécifiques où s’expriment la pression populaire pendant la crise du Reform Bill sont étudiés à cette aune : les émeutes de Swing de 1830 et les Unions politiques.
- 27 Evans Eric. J., The Forging of the Modern State, op. cit, p. 214 ; Parliamentary Reform, op. cit, p (...)
32L’aggravation de la crise économique coïncide avec la cristallisation des demandes populaires autour de la réforme politique27. Il faut prendre la mesure de l’impact des mauvaises récoltes de 1828 et de 1829. En février-mars 1830, plus de 200 pétitions sont envoyées au gouvernement tory de Wellington pour demander un allégement immédiat des impôts. Malgré la suspension de certaines taxes sur le malt, la bière et le cuir, les émeutes se multiplient : partant du sud de l’Angleterre à la fin de l’été 1830, elles se diffusent vers le nord et provoquent des violences sporadiques et localisées pendant environ 18 mois. Les émeutiers s’attaquent en priorité aux batteuses mécaniques (threshing machines) dont l’usage se répand dans les exploitations agricoles, privant les paysans des revenus qu’ils tiraient, l’hiver, de cette activité. Des meules de foin et des bâtiments sont incendiés. On retrouve souvent sur le lieu des attaques des lettres signées du Capitaine Swing : pour cette raison, ces émeutes sont désignées sous le nom des émeutes de Swing.
33Il y a des points communs avec le mouvement luddite du milieu des années 1810 : le capitaine Swing fait écho à la figure mythique de Ned Ludd, les attaques sont dirigées contre les machines et contre les biens des propriétaires. Comme envers les Luddites, la répression est sévère : 19 hommes sont exécutés, 481 sont déportés dans les colonies pénitentiaires, 700 peines de prisons sont prononcées.
34Mais quelle est la dimension réellement politique de ces émeutes, et comment comprendre leur rôle dans la séquence d’événements qui conduit à l’adoption du Reform Bill ? Eric Hobsbawm et George Rudé y ont consacré en 1969 une étude importante. Ancrés dans une perspective marxiste, ils mettent l’accent sur l’interconnexion entre les évolutions sociales, économiques et politiques. Les revendications collectives qui s’expriment sont par nature politiques. Mais existe-t-il une intention commune entre ceux qui sont impliqués dans ces émeutes ? Comment s’articulent-elles avec la campagne en faveur de la réforme ? S’accompagnent-elles de demandes d’extension du suffrage ?
35Comme le notent Hobsbawm et Rudé, la plupart des lettres de revendication signées par Swing contiennent des menaces liées directement à la situation des ouvriers agricoles ou encore à des griefs locaux envers des fermiers ou des propriétaires fonciers (qui sont aussi souvent administrateurs des Lois sur les pauvres et détiennent à ce titre le pouvoir d’octroyer ou de refuser des aides financières ou matérielles). Par exemple, l’une d’entre elles menace : « Sir, This is to acquaint you that if your thrashing machines are not destroyed by you directly we shall commence our labours. Signed on behalf of the whole, Swing »28. La colère vise directement les détenteurs de l’autorité économique et politique, désignés comme oppresseurs du peuple. Par exemple :
- 29 Reproduit en facsimile dans Hobsbawm Eric J. et Rudé George, Captain Swing, Londres, Lawrence & Wis (...)
Sir, Your name is down amongst the Black hearts in the Black Book and this is to advise you and the like of you, who are Parson Justasses [Parson Justices, i.e. the landowners and clergymen in charge of local justice], to make your wills. Ye have been the Blackguard Enemies of the People on all occasions, Ye have not yet done as ye ought … [Signed] Swing29.
36Dans le Hampshire, où Wellington occupe le poste de Lord Lieutenant, des menaces sont directement dirigées contre lui et font référence au contexte politique national :
- 30 Captain Swing à Wellington, 4 novembre 1830 [University of Southampton Special Collection, MS 61 WP (...)
Your base vile conduct and treatment of your fellow subjects; your determination to turn a deaf ear to their remonstrances, has made you an object of popular vengeance and of popular hatred. Take my advice, act openly and nobly, as becomes a Briton, reform that vile nest of corruption which is bred in Downing Street, destroy those vultures that prey on the public liver or beware, I say beware, beware, beware30.
- 31 Randall Adrian, « Captain Swing: A Retrospect », International Review of Social History, 54-3, 2009 (...)
- 32 Jones Peter, « Finding Captain Swing: Protest, Parish Relations, and the State of the Public Mind i (...)
- 33 Holland Michael (dir.), Swing unmasked: the agricultural riots of 1830 to 1832 and their wider impl (...)
37Plus d’un demi-siècle après l’ouvrage de Hobsbawm et Rudé, leurs hypothèses ont été affinées, notamment grâce à la multiplication d’études ancrées dans les contextes locaux immédiats31. De façon paradoxale, les événements apparaissent à la fois comme isolés et comme reliés entre eux. Isolés, comme le montre Peter Jones, car n’y a pas d’unité de revendications et que ce sont des injustices très locales qui déclenchent les épisodes de violence. Mais reliés, car ils s’expriment par des formes communes (la signature du Capitaine Swing, les lettres de menace, les violences envers les biens des propriétaires dans les communes rurales)32. Les études plus récentes ont également identifié beaucoup plus d’événements insurrectionnels : alors que Hobsbawm et Rudé recensaient 1400 incidents, une étude en dénombre plus de 3000, bien au-delà du Sud et du Sud-est de l’Angleterre33.
- 34 Pour une analyse précise du rôle de William Cobbett dans les émeutes de Swing, voir Wells Roger, « (...)
38Les campagnes dans lesquels se produisent les émeutes ne sont pas à l’écart des débats politiques nationaux. Entre 1821 et 1826, William Cobbett effectue plusieurs tournées dans le Sud et le Sud-Est de l’Angleterre, le point de départ des émeutes et publie ses observations dans son Weekly Political Register. En 1831, au plus haut de l’agitation, il fait paraître Rural War, un pamphlet où il présente la réforme parlementaire comme le seul remède à la crise économique et sociale qui s’exprime dans les campagnes embrasées par Swing. Traduit en justice, il est accusé de libelle séditieux34. Richard Carlile publie quant à lui à Londres The Life and History of Swing, the Kent Rick-burner, où il fait le lien entre la détresse du monde agricole et la corruption des élites foncières, à laquelle seule la réforme radicale – ou la révolution – pourra mettre un terme. Les éloges de Swing se multiplient dans la presse radicale, à l’image du Poor Man’s Guardian :
- 35 Poor Man’s Guardian, 2 avril 1831, cité par Jones Peter, « Finding Captain Swing: Protest, Parish R (...)
Jack Swing, the Greatest Reformer,
The fellow what burns all the hay
His reasons got warmer and warmer
Till the slaves of corruption gave way35.
- 36 Navickas Katrina, « Captain Swing in the North: the Carlisle Riots of 1830 », art. cit.
39La lecture politique des émeutes n’est pas uniquement le fait des militants radicaux, elle est aussi employée comme raccourci par les élites locales qui sont promptes à assimiler tous les dangers à l’effet de la propagande radicale. Ces dynamiques complexes ont été très précisément analysées par Katrina Navickas pour la ville de Carlisle à l’automne 183036.
- 37 Aidt Toke S. et Franck Raphaël, « Democratization under the threat of revolution: evidence from the (...)
40Il est certain que les émeutes participent au climat insurrectionnel ressenti par les contemporains entre 1830 et 1832. Des travaux récents conduits d’après des méthodes économétriques tendent à confirmer que dans les circonscriptions qui ont connu des émeutes de Swing, les candidats favorables à la réforme ont été élus plus facilement – la peur d’une révolution à conduit les électeurs (dans ces circonscriptions rurales, il s’agit presque exclusivement des propriétaires et des magistrats locaux, directement visés par Swing) à voter en faveur d’une mesure de réforme qui leur est présentée comme le moyen d’apaiser la colère du peuple37.
41La campagne menée par différents mouvements radicaux entre 1830 et 1832 joue un rôle déterminant dans l’adoption de la réforme de 1832, notamment parce qu’elle parvient à convaincre une partie significative des classes moyennes de l’importance du thème de la représentation parlementaire. La formation d’Unions politiques (Political Unions) en 1831 a été vue comme un moment déterminant, et, partant, comme l’un des facteurs qui ont précipité la bascule de l’opinion publique et celle de Westminster.
42Parmi les réformateurs radicaux actifs depuis plusieurs décennies, Hunt et Cobbett sont les premiers à relancer une offensive contre le système représentatif. Henry Hunt fonde une Radical Reform Association en septembre 1829 à Londres. Cobbett reprend ses conférences publiques dans les régions industrielles du nord de l’Angleterre en janvier 1830, s’appuyant sur la détresse économique des ouvriers de l’industrie et de l’agriculture38. À Londres, le 23 mars 1830, William Lovett39, Henry Hetherington40 et James Watson fondent la Metropolitan Trades’ Union, rapidement renommée « National Union of the Working Classes ». Inspirés par les idéaux coopératifs de Robert Owen et regroupant des radicaux issus de mouvements divers41, ils donnent à l’association un double objectif : défendre les intérêts des travailleurs contre ceux des patrons, et
- 42 « National Union of the Working Classes », in London Radicalism 1830-1843: A Selection of the Paper (...)
To obtain for the nation an effectual reform in the Commons House of the British parliament: the basis of which reform shall be annual parliaments, extension of the suffrage to every adult male, vote by ballot, and, especially, No Property Qualification for members of parliament; this Union being convinced, that until intelligent men from the productive and useful classes of society possess the right of sitting in the Commons House of Parliament, to represent the interests of the working people, justice in legislation will never be rendered unto them42.
43Ces idées sont diffusées dans la presse destinée à un lectorat populaire, que ce soit le Poor Man’s Guardian de Hetherington ou The Voice of the People, publié par John Doherty à Manchester (publiées en défiance des lois restrictives qui imposent un droit de timbre élevé)43. On retrouve à la fois les acteurs, la rhétorique et les arguments du radicalisme traditionnel.
44Cependant, la campagne des années 1830-32 est marquée de façon déterminante par l’extension de la base militante à une partie des classes moyennes. En 1829, à Birmingham, Thomas Attwood fonde une « Union politique générale des classes populaires et des classes moyennes du peuple » (General Political union between the Lower and the middle classes of the people), affichant d’emblée l’unité d’intention entre ces sections de la population et rassemblant plus de 4 000 personnes44. Un an plus tard, le premier rassemblement annuel de l’Union politique de Birmingham se tient en présence d’une foule de 12 000 à 15 000 personnes. Il est présidé par Sir Francis Burdett, l’un des rares élus radicaux au Parlement. La plateforme de revendications adoptée porte les traces du compromis recherché avec les classes moyennes : des mandats plus courts (mais pas annuels), l’abolition d’un revenu minimum pour les députés, le droit de vote pour tous les hommes soumis à l’impôt direct ou indirect.
- 45 Evans Eric J., The Forging of the Modern State, op. cit, p. 217.
- 46 Voir, pour une analyse serrée des pétitions comme instruments politiques mobilisables par toutes le (...)
45Au cours de l’année 1831, une partie des classes moyennes se rallie à ces idées. Depuis le rétablissement des lois sur le blé (Corn Laws), par exemple, les commerçants et les industriels considèrent que le parlement soutient les intérêts de l’aristocratie foncière au détriment de la croissance de leur activité45. Ce sont surtout de ces groupes, bien établis dans la vie politique locale, qu’émanent les très nombreuses pétitions en faveur de la réforme reçues par la Chambre des Communes en 1830-183246.
- 47 LoPatin Nancy D., Political Unions, Popular Politics, and the Great Reform Act of 1832, Londres, St (...)
46Le modèle des Unions politiques se diffuse dans tout le pays, notamment dans les villes industrielles. 23 sont formées au cours de l’année 1830 et en 1832 le pays en compte plus de cent, rassemblant de 15 000 à 18 000 membres souscripteurs. Elles organisent des meetings publics qui peuvent rassembler jusqu’à 200 000 personnes. Sociologiquement, on y retrouve la diversité du mouvement radical, des députés progressistes aux industriels, artisans, commerçants et ouvriers47.
- 48 Briggs Asa, « The Background of the Parliamentary Reform Movement in Three English Cities (1830-2) (...)
47Dans l’historiographie, les Unions politiques sont vues comme un maillon essentiel entre la tradition radicale du demi-siècle qui précède le Reform Bill et le mouvement chartiste48. Cela se vérifie tant du point de vue du programme axé sur la réforme de la représentation parlementaire que dans les modalités d’actions : meetings de masse, signature de pétitions, dîners, soit un répertoire de modes d’actions qu’on retrouve en 1819 et en 1838. La stratégie principale est d’exercer une pression constante sur les débats qui se tiennent à la Chambre des Communes. Ces modalités sont héritées de la campagne irlandaise pour l’émancipation catholique. Ainsi, Nancy LoPatin cite William Biggs, l’un des fondateurs de l’Union politique de Leicester :
- 49 LoPatin Nancy D, Political Unions, op. cit, p. 7.
We see what O’Connell has effected in Ireland by co-operation and union. He was enabled to bring to bear the whole public opinion of Ireland [...] until he [...] was enabled to overpower the bigotry ad despotism of this government by the united voices of millions49.
48Mais la stratégie de pression extra-parlementaire appuyée par des relais forts au sein des classes moyennes (dont une partie exerce le droit de vote) est également marquée par un affaiblissement des revendications et par l’abandon de points clés de la plateforme radicale traditionnelle, au premier plan desquels le suffrage universel masculin. Face aux stratégies de blocage de la Chambre des Lords et des tories aux Communes, le choix est fait d’appuyer le projet de réforme des Whigs, plutôt que de maintenir des revendications plus radicales. Cette décision fait le bonheur des Whigs qui siègent au Parlement et leur permet de revendiquer un large soutien des classes moyennes. Pourtant des dissensions se révèlent : ainsi, à Londres, la National Union of the Working Classes favorable au suffrage universel masculin ne fait pas cause commune avec la National Political Union dominée par les classes moyennes, qui réclame le maintien d’un suffrage censitaire élargi.
- 50 Si les émeutes de Bristol, qui font au moins 12 morts, sont les plus connues, voir la carte des nom (...)
49Les Unions politiques tentent à la fois d’exercer une pression constante et de se tenir à des modes d’action constitutionnels. Cette ligne est souvent difficile à tenir, comme en témoignent les réactions aux émeutes populaires qui se déclenchent à l’automne 1831, lorsque les nouvelles de l’échec du deuxième Reform Bill parviennent à Bristol, à Birmingham, à Tiverton dans le Devon, à Newcastle, Nottingham et Derby, notamment50. À Birmingham, Thomas Attwood et le bureau de l’Union politique font placarder une affiche appelant au calme :
Address of the council of the Birmingham Political Union to all their fellow-countrymen of the United Kingdom
Friends and fellow-countrymen,
The bill of reform is rejected by the House of Lords. Patience, - patience, - patience. Our beloved King is firm, - his patriot Ministers are firm, - the House of Commons is firm, - the whole nation is firm. What, then, have the people to fear? Nothing, unless their own violence should rashly lead to anarchy, and place difficulties in the way of the King and of his Ministers. Therefore there must be no violence. The people are too strong to require violence. By peace, by law, by order, every one must rally round the throne of the King. The small majority of the Lords will soon come to a sense of the duty which they owe to their country and to the King: or some other legal means will be devised of carrying the bill of reform into a law without delay.
Fellow-countrymen, be patient, - be peaceful- be strictly obedient to the laws, and every thing is yet safe. God Bless the King.
Signed: Thomas Attwood, Chairman. (By order of the Council). Benjamin Handley, Secretary51.
- 52 Hilton Boyd, A Mad, Bad and Dangerous People? England 1783-1846, Oxford, Oxford University Press, 2 (...)
- 53 LoPatin Nancy D., Political Unions, op. cit, p. 169‑170.
50Mais par contraste six mois plus tard, en mai 1832, lors du nouvel échec du troisième projet de loi, l’Union politique de Birmingham se montre moins déterminée à juguler l’agitation populaire. Au rassemblement organisé à Manchester le 7 mai, où se retrouvent plus de 40 Unions locales et 200 000 personnes, des rumeurs de soulèvement se propagent. Les classes moyennes sont également invitées à adopter des tactiques qui encouragent l’instabilité financière (ne pas payer les impôts, retirer leur argent des banques : « to stop the Duke, go for gold »52). Ce contexte de pression extra-parlementaire est déterminant pour comprendre l’adoption de la loi en mai 1832. Comme l’explique Nancy LoPatin, Peel est progressivement convaincu que cette vague populaire rend impossible une résistance plus longue des institutions53.
51Lorsque l’annonce de la réforme parvient dans le pays, ce sont encore les Unions politiques qui organisent les réjouissances publiques, comme par exemple à Worcester, à l’ouest des Midlands :
- 54 Tuberville, T. C. Worcestershire in the Nineteenth Century: A Complete Digest of Facts Occurring in (...)
On the Monday [11 June] the Worcester Political Union, with a great number of lodges and friendly societies, paraded the streets with banners and music, and in the evening dined at various public houses. On the Tuesday [12 June] evening the city was illuminated — the lighting up being almost universal, and costly transparencies and devices in many instances adopted54.
52Bien que certains membres souhaitent poursuivre la mobilisation (tous sont loin d’avoir obtenu le droit de vote), les Unions politiques ne survivent pas aux élections de décembre 1832.
53Au cœur des analyses des événements qui mènent à la réforme de 1832 se trouvent à la fois la possibilité d’une révolution et la réalité des révoltes populaires. Cette convergence est posée à la fois par les contemporains et par l’historiographie. Ainsi, la portée du Reform Act est donc bien plus importante que ne l’indique l’extension, en réalité modeste, de l’électorat.
54Ces deux années d’intenses débats et d’agitation populaire ont profondément changé la vie politique britannique et défini durablement un répertoire de modes d’actions populaires et de moyens de pression sur les décisions parlementaires. Elles ont aussi rendu obsolètes toutes les interprétations antérieures de la représentation parlementaire, définie comme un lien « virtuel » et organique entre le député et le peuple.
55Le mouvement chartiste, comme l’a noté E. P. Thompson, nait sur les braises de l’agitation du Reform Bill,
- 55 Thompson Eric P., La formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit, p. 1092.
le tracé qui va de 1832 au chartisme n’est pas une trajectoire fortuite qui oscillerait entre « l’action économique » et « l’action politique », mais une progression directe à travers laquelle des mouvements simultanés et connexes convergent vers un point unique. En un sens, le mouvement chartiste a commencé non pas en 1838 avec la promulgation des « Six Points », mais au moment où le Reform Bill reçut l’assentiment royal55.
- 56 Chase Malcolm, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique (1838-1858), trad. fr. B (...)
56On retrouve en 1838 une partie des acteurs qui s’étaient mobilisés dans les Unions politiques : Thomas Attwood en est une figure emblématique, comme le note Malcolm Chase, qui souligne également la continuité des modes d’actions entre 1832 et 1838.56 La sociologie historique, dans les travaux de Charles Tilly, a vu dans la crise de 1830-32 le moment de cristallisation d’un « répertoire d’action collective » qui définit les modalités d’action populaire jusqu’au XXe siècle ainsi qu’un point de bascule où « le peuple » se saisit de questions de politique parlementaire – ce n’est plus le domaine réservé des élites traditionnelles :
- 57 Tilly Charles, Popular Contention in Great-Britain, 1758-1834, Cambridge, Mass., Harvard University (...)
[In 1828-1834], popular politics nationalised as the role of Parliament became ever more salient. Although workers continued to battle for the right to act in concert against their employers, for other purposes the public meeting, the demonstration, the petition drive, the formation of specialised associations, and related forms of social-movement politics became the standard means for pressing popular collective claims.57
- 58 Burns Arthur et Innes Joanna, Rethinking the Age of Reform, op. cit, p. 45‑47.
57Ainsi, la « Réforme », écrivent Joanna Innes et Arthur Burns, devient un terme aux nombreux signifiants. Au-delà de la question du vote, il renvoie à l’abolition de l’esclavage, à la critique du monopole de l’East India Company, à l’union entre l’Église d’Angleterre et l’État, au système des Poor Laws, toutes des questions qui impliquent après 1832 la nation politique – ces questions ne sont plus l’apanage d’un parlement déconnecté du peuple58.
- 59 Hall Catherine, « The Rule of Difference: Gender, Class and Empire in the Making of the 1832 Reform (...)
- 60 Gleadle Kathryn, « Women and the 1832 Reform Act », in Borderline Citizens: Women, Gender and Polit (...)
- 61 Thompson William [et Wheeler, Anna], Appeal of One Half of the Human Race, Women, against the prete (...)
- 62 Voir les textes rassemblés dans Clark Anna et Richardson Sarah (dir.), The History of Suffrage, 176 (...)
Encadré : les femmes et le Reform Act
Les femmes participent aux mobilisations populaires et aux célébrations lors de l’adoption du Reform Act, elles sont présentes aux meetings et aux discours qui suivent les dîners. Pourtant, avant comme après 1832, le système de représentation parlementaire britannique est patriarcal et familialiste : le chef de famille exprime la voix de tous ses dépendants. La loi de 1832 est pourtant la première loi électorale à exclure explicitement les femmes, car elle définit l’électeur comme un homme chef de famille (a male householder)59. Si, en théorie, aucun texte n’empêchait auparavant expressément les femmes de voter aux élections parlementaires, il est difficile de trouver des preuves convaincantes que ce droit ait été exercé par elles – celles-ci utilisant d’autres canaux d’influence dans les cercles privés et publics. Comme l’a étudié Kathryn Gleadle, la réforme de 1832 a privé certaines femmes du droit de transmettre le droit de vote par mariage (dans les freemen boroughs) ou bien comme détentrices d’un certain type de biens (dans les burgage boroughs) – des injustices qui ont été remarquées et commentées à l’époque, mais que les débats parlementaires ont choisi d’ignorer60.
En effet, les arguments en faveur de l’égalité des hommes et des femmes dans l’exercice du droit de vote sont formulés dès le début des années 1820. Dans An appeal of one half of the human race, women, against the pretensions of the other half, men, to retain them in political, and hence in civil and domestic slavery61, William Thompson et Anna Wheeler refusent l’argument sur lequel est basé le suffrage, c’est-à-dire que les intérêts de tous les membres de la cellule familiale soient exprimés par le vote du chef de famille. Ils articulent de façon très moderne l’oppression des femmes au sein du foyer et leur exclusion du droit de vote. Ce double argument est repris par Mary Ann Smith qui présente au parlement la première pétition réclamant le droit de vote pour les femmes dès le mois d’août 183262.
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Notes
Pour une synthèse, voir Dickinson Harry T., « The British Constitution », A Companion to Eighteenth-century Britain, Oxford, Blackwell, 2002, p. 3‑18.
Blackstone William, Commentaries on the Laws of England, Oxford, 1765 vol. 1, p. 154
Dickinson Harry T., « Popular Politics and Radical Ideas », A Companion to Eighteenth-century Britain, op. cit., p. 97‑111.
Cannon John, Parliamentary Reform, 1640-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 1972, p. 186.
Le déroulé des événements présenté ici suit celui de Whitfield Bob, The Extension of the franchise, 1832-1931, Londres, Heinemann, 2001, p. 37‑71.
Evans Eric J., The Forging of the Modern State, 1783-1870, Early Industrial Britain, Londres, Longman, 1996, p. 216.
Cité dans Evans ibid., p. 214.
Les journées du 27, 28 et 29 juillet 1830, connues sous le nom des « Trois Glorieuses », désignent le soulèvement populaire qui fait suite, à Paris, à la proclamation des ordonnances de Charles X limitant la liberté de la presse, réformant la loi électorale et dissolvant l’assemblée nouvellement élue où siègent des députés libéraux. À la chute de Charles X et de ses soutiens ultra-royalistes au parlement, Louis Philippe devient roi des Français et forme un gouvernement libéral.
https://hansard.parliament.uk/Lords/1830-11-02/debates/f75b30b2-1570-41fc-85d2-d1309c49e9db/LordsChamber, colonne 53.
Lettre à Sir Herbert Taylor, secrétaire particulier du roi, le 2 janvier 1831. Voir Grey Henry, The Reform Act, 1832. The correspondence of the late Earl Grey with His Majesty King William IV, Londres, John Murray, 1867, vol. 1, p. 52.
Comme l’a montré Franck O’Gorman, l’électorat d’avant la réforme, même assis sur une base sociale restreinte, prend en compte les enjeux nationaux au moment des élections parlementaires. O’Gorman Franck, Voters, Patrons and Parties. The Unreformed Electoral System of Hanoverian England, 1734-1832, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 385.
Par cette mesure, les tories entendent préserver l’influence des propriétaires fonciers sur le vote des fermiers dont le bail est précaire. Comme le note Evans, cette stratégie limite l’effritement du nombre de sièges remportés par les Tories aux élections de 1832. Evans Eric J., Parliamentary Reform, c.1770-1918, Londres, Longman, 2000, p. 29.
« Les électeurs des villes […] doivent être majeurs, propriétaires ou locataires, dans le lieu où ils votent, de maisons d’un revenu annuel d’au moins 10 livres. […] Lorsque plusieurs personnes occupent conjointement la même maison, chacune d’elle est électeur, si le prix total de la location, divisé par le nombre des locataires donne au moins [10 livres] pour chacun d’eux. … Sont électeurs dans les comtés 1° les personnes qui possèdent par voie d’héritage un freehold estate (propriété libre) d’un revenu clair annuel de 40 shillings au moins; 2° les fermiers de terres produisant, en outre du fermage et des charges diverses, un revenu net annuel de [10 livres], les fermiers à l’année payant un fermage ou une rente de [50 livres]. » Pour une explication détaillée en français (et en francs d’époque), voir Legoyt Alfred, « Statistique électorale de l’Angleterre et de la France », Journal de la société statistique de Paris, 3, 1862, p. 154‑168, ici p. 157‑158.
O’Gorman Frank, Voters, Patrons and Parties. op. cit ; Vernon James, Politics and the People. A Study in English Political Culture, 1815-1867, Cambridge, Cambridge University Press, 1993. Ces travaux soulignent les difficultés méthodologiques à produire des estimations chiffrées. Cf. Salmon Philip, « The English Reform Legislation, 1831–1832 », in The History of Parliament: The House of Commons 1820–1832, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, vol. 7/1, p. 374‑412.
Le relèvement du cens en Irlande est décidé au moment de l’émancipation des catholiques (1829), et ces dispositions ne sont pas modifiées en 1832.
Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit, p. 29.
Hansard HL Deb 22 November 1830, vol. 1, c613.
Trevelyan George Macaulay, Lord Grey of the Reform Bill: Being the Life of Charles, Second Earl of Grey, Londres, Longmans, Green and co., 1920.
Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit., p. 73.
Gash Norman, Aristocracy and People. Britain 1815-1865. A New History of England, vol. 8, Londres, Arnold, 1979 ; O’Gorman F., Voters, Patrons and Parties, op. cit.
Clark Jonathan. C. D., English Society 1660-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 527-547.
Evans Eric. J., Parliamentary Reform, op. cit, p. 18‑27.
Thompson, Edward P. La formation de la classe ouvrière anglaise, trad. fr. Golaszweski Mireille, Thibault Marie-Noëlle et DauvÉ Gilles, Paris, Seuil, 1988, p. 1068.
Ibid., p. 1079, 1083.
Ibid., p. 1084, 1091.
Harling Philip, « Parliament, the State, and “Old Corruption” », in Burns Arthur et Innes Joanna (dir.), Rethinking the Age of Reform, 1780-1850, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 98‑113.
Evans Eric. J., The Forging of the Modern State, op. cit, p. 214 ; Parliamentary Reform, op. cit, p. 21.
https://ageofrevolution.org/200-object/captain-swing-letter-to-mr-biddle-farmer-high-wycombe/
Reproduit en facsimile dans Hobsbawm Eric J. et Rudé George, Captain Swing, Londres, Lawrence & Wishart, 1969, p. 177.
Captain Swing à Wellington, 4 novembre 1830 [University of Southampton Special Collection, MS 61 WP1/1159/93]. Voir https://specialcollectionsuniversityofsouthampton.wordpress.com/2020/02/21/beware-beware-beware-wellington-and-captain-swing/ consulté le 13 juillet 2024).
Randall Adrian, « Captain Swing: A Retrospect », International Review of Social History, 54-3, 2009, p. 419‑427 ; Griffin Carl J., The rural war. Captain Swing and the politics of protest, Manchester, Manchester University Press, 2012. L’étude de C. Griffin met davantage l’accent sur ce qui relie ces mouvements.
Jones Peter, « Finding Captain Swing: Protest, Parish Relations, and the State of the Public Mind in 1830 », International Review of Social History, 54-3, 2009, p. 429‑458.
Holland Michael (dir.), Swing unmasked: the agricultural riots of 1830 to 1832 and their wider implications, Milton Keynes, FACHRS Publications, 2005 ; Navickas Katrina, « Captain Swing in the North: the Carlisle Riots of 1830 », History Workshop Journal, 71-1, 2011, p. 5‑28.
Pour une analyse précise du rôle de William Cobbett dans les émeutes de Swing, voir Wells Roger, « Mr William Cobbett, Captain Swing, and King William IV », The Agricultural History Review, 45-1, 1997, p. 34‑48.
Poor Man’s Guardian, 2 avril 1831, cité par Jones Peter, « Finding Captain Swing: Protest, Parish Relations, and the State of the Public Mind in 1830 », art. cit, p. 455.
Navickas Katrina, « Captain Swing in the North: the Carlisle Riots of 1830 », art. cit.
Aidt Toke S. et Franck Raphaël, « Democratization under the threat of revolution: evidence from the Great Reform Act of 1832 », Econometrica, 83-2, 2015, p. 505‑547.
Evans Eric J., Parliamentary Reform, op. cit, p. 22.
https://maitron.fr/spip.php?article75697, notice « LOVETT William », version mise en ligne le 5 janvier 2010, dernière modification le 13 décembre 2010.
https://maitron.fr/spip.php?article75645, notice « HETHERINGTON Henry », version mise en ligne le 5 janvier 2010, dernière modification le 13 décembre 2010.
« A variety of radical groups – members of the Radical Reform Association and Metropolitan Trades Union, parish radicals, deists, Rotundaists (followers of Richard Carlile), British Cooperators (Owenites), and irish radicals »; Burns Arthur et Innes Joanna, Rethinking the Age of Reform, op. cit., p. 45.
« National Union of the Working Classes », in London Radicalism 1830-1843: A Selection of the Papers of Francis Place. Rowe, D. J. (dir.), Londres, 1970, via British History Online, consulté le 13 juillet 2024 https://www.british-history.ac.uk/london-record-soc/vol5/pp29-34.
https://maitron.fr/spip.php?article75403, « DOHERTY John ». Notice revue et augmentée par Laurent Colantonio (octobre 2011), version mise en ligne le 29 février 2012, dernière modification le 29 février 2012.
https://maitron.fr/spip.php?article75300, notice « ATTWOOD Thomas », version mise en ligne le 12 décembre 2009, dernière modification le 12 décembre 2009.
Evans Eric J., The Forging of the Modern State, op. cit, p. 217.
Voir, pour une analyse serrée des pétitions comme instruments politiques mobilisables par toutes les classes sociales, Huzzey Richard et Miller Henry, « Petitions, Parliament and Political Culture: Petitioning the House of Commons, 1780-1918 », Past & Present, 248-1, 2020, p. 123‑164 ; Philips John A., « Popular Politics in Unreformed England », Journal of Modern History, 52-4, 1980, p. 599‑625, ici p. 604-606. Pour un exemple de pétition émanant des classes moyennes urbaines d’une ville industrielle, voir https://www.nationalarchives.gov.uk/education/resources/what-caused-the-1832-great-reform-act/.
LoPatin Nancy D., Political Unions, Popular Politics, and the Great Reform Act of 1832, Londres, St. Martin’s Press, 1999, p. 12, 59‑60.
Briggs Asa, « The Background of the Parliamentary Reform Movement in Three English Cities (1830-2) », Cambridge Historical Journal, 10-3, 1952, p. 293‑317.
LoPatin Nancy D, Political Unions, op. cit, p. 7.
Si les émeutes de Bristol, qui font au moins 12 morts, sont les plus connues, voir la carte des nombreux incidents répertoriés par le projet « 1831 Riots », dont le site web contient un grand nombre de ressources : https://riot1831.com/.
The Times 10 octobre 1831, cité dans https://riot1831.com/2021/10/public-responses-part-3/.
Hilton Boyd, A Mad, Bad and Dangerous People? England 1783-1846, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 427.
LoPatin Nancy D., Political Unions, op. cit, p. 169‑170.
Tuberville, T. C. Worcestershire in the Nineteenth Century: A Complete Digest of Facts Occurring in the County since the Commencement of the year 1800 (Londres: Longman, Brown, Green and Longmans, 1852),p. 71, cité dans https://riot1831.com/2022/05/the-anti-reform-worcester-plate-a-time-capsule-from-1832/.
Thompson Eric P., La formation de la classe ouvrière anglaise, op. cit, p. 1092.
Chase Malcolm, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique (1838-1858), trad. fr. Bury Laurent, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 19‑22.
Tilly Charles, Popular Contention in Great-Britain, 1758-1834, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1995, p. 339 ; voir aussi Tilly Charles, « Parliamentarization of Popular Contention in Great-Britain, 1758-1834 », Theory and Society, 26, 1997, p. 245‑273.
Burns Arthur et Innes Joanna, Rethinking the Age of Reform, op. cit, p. 45‑47.
Hall Catherine, « The Rule of Difference: Gender, Class and Empire in the Making of the 1832 Reform Act », in Blom Ida, Hagermann Karen et Hall Catherine (dir.), Gendered Nations: Nationalisms and Gender Order in the Long Nineteenth Century, Oxford, 2000. Les mouvements suffragistes datent aussi de 1832 l’exclusion délibérée des femmes.
Gleadle Kathryn, « Women and the 1832 Reform Act », in Borderline Citizens: Women, Gender and Political Culture in Britain, 1815-1867, Londres, British Academy Postdoctoral Fellowship Monographs, 2009, p. 158‑191.
Thompson William [et Wheeler, Anna], Appeal of One Half of the Human Race, Women, against the pretensions of the other half, men, to retain them in political, and thence in civil and domestic slavery, Londres, Longman, Hurst, Rees, Orme and Brown, 1825.
Voir les textes rassemblés dans Clark Anna et Richardson Sarah (dir.), The History of Suffrage, 1760-1867, Londres, Routledge, 2000, vol. 3 ; Belchem John, « The Preston Cock, Adultery, Homophobia and the First Petition for Female Suffrage », Transactions of the Historic Society of Lancashire and Cheshire, 170-1, 2021, https://doi.org/10.3828/transactions.170.7.
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