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La citoyenneté des Anglaises, 1850-1914. À la conquête de l’opinion publique

English Women’s Citizenship, 1850-1914. Conquering Public Opinion
Myriam Boussahba

Abstracts

Following the publication of Mary Wollstonecraft’s Vindication of the Rights of Woman (1792), the women’s suffrage campaign was forged around the slogan “on the same terms as men”. The suffrage, though restricted at the time to men, was gradually extended to include some workers (1867), farm workers who were heads of households (1885) and finally all men, with the advent of universal male suffrage in 1918. In 1884, those wives who now had control over their own bodies, joined single women in demanding representation and the right to vote at local and national level. Citing their irrefutable status as citizens in their own right, British women opposed and denounced the clear injustice of biological arguments used to justify political inequality. In calling for social and political reform based on the equality of the sexes, such women asserted both their status as political subjects and their place in history. In so doing, they called on the state to provide financial assistance to poorer pregnant women and to take action in the struggle against wage inequality and the doctrine of “separate spheres”. Women’s history in the 1970s, and gender history in the 1980s, precipitated the emergence of new approaches in the vast majority of academic fields. Gender inequalities – linked to themes such as masculinities, consent or sexual violence – are thus constitutive of history.

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Introduction

  • 1 DE BEAUVOIR Simone, Le Deuxième sexe 1. Les faits et les mythes (1949), Paris, Gallimard, 1976, p. (...)

Les prolétaires disent « nous ». Les Noirs aussi. Se posant comme sujets ils changent en « autres » les bourgeois, les Blancs. Les femmes – sauf en certains congrès qui restent des manifestations abstraites – ne disent pas « nous » ; les hommes disent « les femmes » et elles reprennent ces mots pour se désigner elles-mêmes, mais elles ne se posent pas authentiquement comme Sujet1.

  • 2 Voir LEDOEUFF Michèle, Le Sexe du savoir, Paris, Flammarion, 1998.
  • 3 WOLLESONECRAFT Mary, A Vindication of the Rights of Woman (1792), chap. 5 : « Animadversions on som (...)
  • 4 WALPOLE Horace, Letters of Horace Walpole, in TOYNBEE Paget (dir.), Oxford, Clarendon, 1905, vol.15 (...)
  • 5 JOHNSON Claudia L., The Cambridge Companion to Mary Wollstonecraft, Cambridge, Cambridge University (...)

1La question du « nous » posée ici par Simone de Beauvoir (1949) est une question essentielle pour un engagement collectif au-delà de l’indignation ou de la colère ressentie par l’individu quant à sa « condition ». Encore faudrait-il que les femmes ou certains groupes de femmes sachent qu’elles sont justifiées à s’indigner et, pourquoi pas, à s’engager contre la domination masculine2, à laquelle tous les hommes ne participent pas. Pionnière de l’engagement solitaire, Mary Wollstonecraft en écrivant A Vindication of the Rights of Woman (1792) adopte le ton de celle qui sait ; philosophe virtuose du « je crois », « je sais », « je pense », elle déroule un programme politique qui intègre les femmes comme citoyennes ; les époux partenaires débattront du bien-être de la famille, de l’éducation mixte des enfants et de la fin des pensionnats. Elle insiste sur la nécessité pour les femmes d’être économiquement indépendantes sous peine d’être obligées de se comporter en femmes entretenues face à leur mari. Elle fait un sort aux préjugés, aujourd’hui appelés stéréotypes de genre3. Immédiatement traduit en français et en allemand, ce succès au féminin dénonce la domination masculine et équilibre les finances de Wollstonecraft. Nombre de détracteurs l’insultent, Horace Walpole l’appelle « a hyena in petticoats 4» ; ils déplorent la destruction de la féminité par le savoir tel Richard Polwhele, poète misogyne qui publie the Unsex’d Females, a Poem (1798) dans lequel figure Wollstonecraft, savante, devenue un monstre menaçant la nation car « femme masculine ». En 1798, la revue contre-révolutionnaire Anti-Jacobin Review indexe « Wollstonecraft » sous la lettre « P » pour « Prostitute »5 puisque seules les femmes déchues ne s’embarrassent pas de suivre les règles du comportement dit respectable.

  • 6 Voir ROBERTS Matthew, « Women and Late Chartism: Women’s Rights in Mid-Victorian England», English (...)
  • 7 MILLIGAN Edward H. « Anne Knight (1786–1862) », Oxford Dictionary of National Biography online (200 (...)

2D’autres poètes jalonnent le patriarcat culturel de leurs publications publiées et republiées : par exemple, Coventry Patmore, The Angel in the House (1851) ou John Ruskin, Of Queens’ Gardens (1864), se félicitent des sphères séparées quand l’épouse soumise et décorative permet à la « civilisation » de s’imposer. Parallèlement, en 1851, Anne Knight, abolitionniste et chartiste, fonde la première société suffragiste d’Angleterre, la Sheffield Female Reform Association6. Sa famille Quaker et elle-même s’impliquent très tôt dans le mouvement abolitionniste des deux côtés de l’Atlantique tandis que sa copieuse correspondance et ses voyages en Europe montrent un esprit curieux et cultivé7. Comme beaucoup de femmes impliquées dans le mouvement abolitionniste, Anne Knight comprend combien la condition d’esclave permet aux femmes non esclaves de réfléchir à leur émancipation, puis de s’associer pour promouvoir leur liberté.

  • 8 Toutes les autres associations suffragistes ou pro suffrage féminin agissent uniquement dans le cad (...)

3Les générations suivantes de femmes seront également conscientes de l’efficacité des collectifs de lutte pour l’égalité des sexes à formaliser dans la loi avant de changer la vie au quotidien des femmes et des hommes. En revanche, les méthodes d’action des organisations suffragistes dites politiques divergent8. La grande fédération suffragiste et démocratique la National Union of Women’s Suffrage Societies, puis National Union of Societies for Equal Citizenship (NUWSS, NUSEC, 1897-1919-1928) admet des organisations mixtes, respecte la loi et le libre arbitre de ses membres. La Women’s Freedom League (WFL, 1907-1962) devient une structure démocratique mixte après la séparation de la WSPU, et prône la désobéissance civile sans violence ; la Women’s Social and Political Union (WSPU, Women’s Party, 1903-1915-1917), organisation autocratique, refuse les hommes, prône la désobéissance civile et a recours à la destruction des biens, à la violence (souvent subie) sans perte de vie humaine et animale. Toutes les organisations suffragistes ou soutenant officiellement le suffrage féminin, adhèrent au slogan « on the same terms as men », c’est-à-dire à l’égalité des sexes.

Genre et citoyenneté

Suffrage universel et citoyenneté de tous ? et toutes ?

  • 9 YOUNG Iris Marion, « Polity and Group Difference: A Critique of the Ideal of Citizenship » in SHAFI (...)
  • 10 POCOCK John G. A, « The ideal of Citizenship since classical times in SHAFIR, op. cit. p. 31, 33.
  • 11 POCOCK, art. cit., p. 33-34 ; FRAISSE Geneviève, Les Deux gouvernements : la famille et la Cité, Pa (...)

4Les citoyens britanniques s’affirment légitimes parce qu’ils seraient détenteurs de la rationalité9. Dans l’Angleterre du XIXe siècle, les groupes exclus de cette citoyenneté libérale, ou de celle du contrat social, sont des « dépendants » : les femmes, les indigents, ainsi que les travailleurs insuffisamment désintéressés, disent les citoyens, pour décider du bien collectif. La définition classique du citoyen se fonde sur l’exclusion de la plupart des groupes humains, les esclaves et les femmes ; seuls les hommes citoyens possèdent la capacité généalogique et guerrière ainsi que les fruits du travail d’autrui. Est-il possible de conserver cet idéal de citoyenneté en intégrant les groupes exclus10? Si la citoyenneté est un moyen d’accès à la liberté et un mode de liberté, les suffragistes doivent prouver que les tâches domestiques et reproductives sont compatibles avec la citoyenneté politique des femmes11.

  • 12 Leur corps leur appartient en 1884, après leurs biens en 1882.
  • 13 BOUSSAHBA Myriam, « Résistance passive et citoyenneté : la rébellion de la contribuable anglaise 19 (...)

5La démocratie libérale combine l’idée de la liberté de l’individu avec sa représentation au sein du politique. De plus en plus de Britanniques intègrent le corps des électeurs au XIXe siècle (en 1867, 1884) dans le cadre d’un droit de vote censitaire, toujours masculin. Après 1884, les suffragistes demandent le droit de vote pour toutes les femmes puisque les épouses sont devenues légalement des individus12 comme le sont les célibataires. Maintenant qu’elles appartiennent à la même « espèce », les célibataires ne sont plus menacées de perdre leur statut d’individus en se mariant ; l’argumentaire suffragiste englobe toutes les femmes dans leur diversité (âge, classe, affiliations religieuse et politique). George Bernard Shaw, suffragiste et dramaturge, souligne dans The Vote (WFL) combien avant 1884 les femmes n’avaient aucun intérêt à se marier alors qu’après 1909, elles ont un mari à emprisonner quand l’épouse refuse de payer l’impôt. Depuis 1884, le fisc britannique ne reconnaît toujours pas l’épouse comme une contribuable13.

  • 14 PATEMAN Carole, « The Fraternal Social Contract » in KEANE John (dir.), Civil Society and the State(...)
  • 15 OKIN Susan Moller, Women in Western Political Thought (1979), Princeton, Princeton University Press (...)

6Si les épouses britanniques accèdent au statut d’individus après 1884, à la signature contractuelle, si elles participent à la vie sociale du groupe, pourquoi certaines femmes ne sont-elles toujours pas électrices ? Parce que tous les électeurs sont des hommes, même si certain hommes (jeunes) ne sont pas non plus électeurs car le droit de vote parlementaire reste censitaire jusqu’en 1918. L’accès aux droits politiques est le front commun des suffragistes bien qu’elles veuillent aussi « changer la politique » en pensant la citoyenneté par et pour les femmes : la variable sexe devient indispensable. Les campagnes menées par des femmes, celles du vote et d’autres, visent à supprimer l’inégalité alors de principe entre femmes et hommes, ce qui ne revient pas à demander le suffrage universel. Comme des hommes avant elles, les suffragistes utilisent l’argument de la société civile, neutralisant par là leur seule définition biologique. Or cette stratégie n’a pas abouti malgré les efforts des premières suffragistes, parce qu’il devient alors impossible d’expliquer pourquoi toutes les femmes, individus, ne peuvent pas obtenir le droit de vote sauf à écrire leur exclusion fondatrice14. La démocratisation indéniable du corps politique avant 1900 opère à un moment où les femmes participent à la production et à la consommation de masse de produits culturels comme le livre et le périodique. Néanmoins, la vision fonctionnaliste des femmes, et encore plus celle des mères, domine toujours le débat15 ; les femmes sont condamnées par la biologie à jouer un rôle familial qualifié de « naturel », donc non reconnu comme social. Êtres de la nature plutôt que de la culture, elles échapperaient au domaine rationnel. Pourtant, sans elles, si happées par la politique, par exemple, l’ensemble de la société ne pourrait plus fonctionner (argument antisuffragiste).

  • 16 Voir BUSH Julia, Edwardian Ladies and Imperial Power, Londres, Leicester University Press, 2000; GO (...)
  • 17 FRAISSE Geneviève, Les Femmes et leur histoire, Paris, Gallimard, 1998, p. 14-15.

7Les suffragistes partagent la tradition libérale de la citoyenneté, garantie par la justice et l’équité, mais contestent leur exclusion de son champ d’application : les femmes définies par leur classe sociale et leur statut économique réclament donc justice. Elles pensent aussi les femmes colonisées de l’Empire, qui ne seront pas citoyennes contrairement aux Britanniques car l’idéologie impérialiste est aussi celle de la plupart des femmes et des suffragistes16. Elles se pensent aussi comme des citoyennes solidaires des femmes des États-Unis et d’Europe, jusqu’en 1914. Leur campagne s’articule sur les injustices faites aux femmes parce qu’elles sont femmes. Cette prise de paroles transforme les femmes britanniques en « sujets » politiques faisant acte de raison. Leur engagement philanthropique, puis social ainsi que « moral » dans la Cité, éclaire brillamment leur potentiel politique : la dynamique progressive de l’inclusion citoyenne dont les hommes ont fait l’expérience au cours du XIXe siècle intègrera-t-elle enfin les femmes au politique17?

Ecrire avec le genre

  • 18 FRAISSE, Les Femmes et leur histoire, op. cit., p. 17.
  • 19 SCOTT Joan, Gender and the Politics of History (1988), New York, Columbia University Press, 1999, p (...)
  • 20 Depuis 1999, Scott préfère le terme de « différences entre les sexes ».
  • 21 SCOTT, op. cit., p. 2-3.
  • 22 SCOTT, op. cit., p. 28-50.
  • 23 SCOTT, op. cit.: « Révéler l’illusion de la permanence », p. 11.

8La campagne suffragiste revendique l’égalité avec les hommes et non pas entre individus (femmes ou hommes) : « l’histoire des femmes se pense toujours en fonction de l’histoire d’autrui18 » ; « le genre » semble être la meilleure façon d’atteindre le but de l’histoire des femmes dans la décennie 1970 : « amener les femmes des marges au centre de l’histoire et ce faisant, transformer la façon dont l’histoire est écrite19. » Or, « le genre » est bien plus que l’histoire des femmes, ou la répétition de la domination masculine ; il interroge les concepts historiques, donc variables dans le temps, que sont les hommes, les femmes et les relations entre eux20. L’histoire n’est pas seulement le récit du changement de l’organisation sociale : « L’histoire est autant objet que méthode d’analyse. Prise dans ces deux sens, elle fournit un moyen de comprendre et de contribuer au processus de production du savoir sur les rapports sociaux de sexe21». Alors que ceux-ci, variables historiques et spécifiques, sont soumis au déroulement de l’histoire, les notions d’antagonisme des sexes ou la polarité inhérente à l’espèce humaine sont statiques et anhistoriques : elles appauvrissent le point de vue. A l’inverse, les rapports sociaux de sexe (ou le genre)22, permettent d’expliquer les inégalités entre les sexes à une période donnée ; le fait que l’inégalité soit répétitive dans l’histoire23, ne justifie pas pour autant la suppression de l’histoire ou celle de l’analyse de la distribution du pouvoir à tel ou telle période, ou celle de la domination.

9Le genre comme catégorie d’analyse non seulement ne permet plus « d’oublier » les femmes dans l’analyse historique et philosophique, mais y introduit aussi les hommes dans la question des masculinités, hommes dominants ou victimes de la domination masculine. Certes, l’histoire du genre est plus que l’histoire de la domination (celle de victimes et de bourreaux) puisque les sujets sont agent.es de leur émancipation. Cependant, croiser l’histoire de la domination avec l’histoire politique renforce la prépondérance de la réflexion sur la lutte pour le pouvoir et pour le savoir entre les femmes et les hommes et au sein de chaque groupe sexué. L’histoire du genre renouvelle les approches et les objets d’études :

  • 24 THEBAUD Françoise, Ecrire l’histoire des femmes et du genre (1997), Lyon, ENS Editions, 2007, p. 20 (...)

[Elle produit] des travaux plus nuancés et des approches plus complexes. [Elle] travaille sur les marges de liberté ; les formes de micro-résistance, l’ambiguïté des relations, […] les formes de régulation sociale, sur la question difficile du consentement. Elle n’évite plus les figures ou les postures considérées comme négatives telle la violence exercée par des femmes, l’engagement nationaliste, la collaboration, la participation aux guerres civiles24.

  • 25 FRAISSE Geneviève, Muse de la raison, Démocratie et exclusion des femmes en France (1989), Paris, G (...)

10Depuis 2007, d’autres chercheuses et chercheurs ont continué ce travail épistémologique en philosophie politique et en histoire. Cette approche de moins en moins minoritaire, mais toujours contestée, installe les générations suivantes dans un champ d’études reconnu qui permet aujourd’hui de supprimer les points d’interrogation écrits par Geneviève Fraisse en 1989 (et 1995) et par Françoise Thébaud en 1997 (et 2007)25. Néanmoins, on trouve encore l’histoire des femmes alignée, par exemple, sur l’histoire diplomatique, au lieu de lui accorder une place dans chaque section historique. On the same terms as men, slogan fondateur, revendique déjà l’égalité politique dans la différence des sexes, ce qu’en France on appelle la parité :

  • 26 FRAISSE, Les Femmes et leur histoire, op. cit., p. 27.

Il s’agit d’un « déploiement identitaire », d’une dynamique de la similitude qui fait de l’universel une représentation concrète et non abstraitement mensongère. Au fond, le sujet femme consolide l’idée que la différence des sexes existe et que tout universel doit cesser de l’ignorer26.

11En intégrant l’Histoire, les suffragistes construisent leur existence politique ; elles revendiquent un passé d’aliénation et un futur de sujets grâce à leur rationalité démontrée. Comment alors écrire leur histoire ?

Écrire l’histoire des femmes suffragistes

  • 27 BOUSSAHBA Myriam (dir.), Suffrage Outside Suffragism, Women’s Vote in Britain, 1880-1914 (2007), Ho (...)
  • 28 SCOTT, Gender and the Politics of History, op. cit., p. 5.
  • 29 Common Cause (du 14 avril 1909 au 30 janvier 1920) était l’hebdomadaire de la NUWSS, puis de la NUS (...)

12La revendication suffragiste est une démarche politique. Qu’elles en nomment différentes raisons ne change pas sa nature : pour la justice, pour la morale, pour leur compétence et leur participation déjà acquise aux affaires de la Cité. Qu’elles affirment la différence entre les sexes et qu’elles s’indignent de leur exclusion formelle du droit de vote, elles portent un regard sur leur situation du moment pour la changer. Elles envisagent donc la réforme comme possible et inscrivent leur revendication, essentiellement en dehors des partis politiques27. Avant la Première guerre mondiale, elles construisent la légitimité de leur discours en partageant leur expérience de l’inégalité des sexes : injustice légale et politique ;« la politique est le processus au cours duquel les confrontations de pouvoir et de savoir constituent l’identité et l’expérience28». Elles englobent toutes les femmes, de toutes les classes, dans la revendication puisque la différence des sexes les exclut toutes du suffrage : elles incarnent alors les femmes universalisées dans l’injustice partagée (Common Cause29), au-delà de leur diversité individuelle, y compris antisuffragiste. Leur propagande inclut tous les types d’arguments au service de la cause ; pendant plus de six décennies, 1850-1914, Elles détaillent la multitude des droits dont les femmes ne jouissent pas : ceux de la propriété, l’héritage, la famille, la classe, la politique, ceux du mariage et du salaire. Autrement dit, avant 1914, la variété de leur discours fait sens si l’objet d’études est la différence des sexes.

  • 30 Pour la valeur anhistorique de ce terme, voir FRAISSE, Les Deux gouvernements, op. cit., p. 44-45, (...)

13Certains contemporains et les antisuffragistes fustigent l’incohérence des argumentaires variés car ils se positionnent dans le creuset unifiant de la tradition revendiquée comme « naturelle » et donc indépendante de l’histoire. Les membres des partis politiques affichent toutes les positions dans chaque parti tandis que les femmes sont interdites d’adhésion. Ainsi, avant 1914, les suffragistes collectivement affrontent « leur condition »30 et contestent la répartition du pouvoir dans les régions/ nations du Royaume-Uni dans tous les domaines : la politique, le travail, l’éducation, la famille, la santé, la sexualité. Qu’ensuite d’autres commentaires reprennent cette idée d’éparpillement et d’incohérence appliquée à la campagne suffragiste souligne la ténacité de l’idéologie de l’infériorité des femmes liée au biologique, qu’on l’applaudisse ou qu’on le déplore. Certes, les argumentaires varient selon les individus, selon leur affiliation suffragiste, ou celle de leur parti politique, selon leur classe, leur travail ou leur implication philanthropique. Il n’y a pas d’incohérence dans cette palette, mais une prétention à l’universalité des femmes en tant que sujets pluriels.

  • 31 BOUSSAHBA, Suffrage Outside, op. cit., « Introduction », p. 1-32.

14Les suffragistes, militantes politiques, ont d’autres particularités qui complexifient le champ d’étude. Elles peuvent être des militantes d’une ou de plusieurs organisations suffragistes ; elles peuvent rejoindre ponctuellement les actions militantes sans avoir formellement adhéré, soit par moindre volonté d’engagement ou moindre possibilité, soit par moindre adhésion aux organisations suffragistes sur le marché. Ces mêmes femmes peuvent aussi appartenir à la section féminine d’un parti politique hostile au suffrage féminin tout en étant suffragistes, ou adhérentes d’associations suffragistes. On voit comment la simplicité apparente de l’affiliation disparaît dans la double ou la triple affiliation formalisée ou non. Problématiser l’identité suffragiste au-delà de l’illusion fondée sur une affiliation formelle ou/et unique des suffragistes, au-delà de la généralisation faussement transparente de l’identité « femmes » et « militantes », est au cœur de l’ouvrage collectif Suffrage Outside Suffragism31. Chacun des chapitres de cet ouvrage traite d’une organisation et montre comment l’identité suffragiste n’est jamais unanimement acceptée ou refusée. Il n’y a pas de vérité formalisée par le groupe ou l’organisation ; les rapports sociaux de sexe ou les rapports de classe ou la diversité des femmes (ou des hommes) militantes transmettent toutes les nuances de chacune des identités superposées pour l’individu, femme ou homme (« divided loyalties »). D’ailleurs, les termes anglais (cross party issue, the woman question) montrent le déni de la revendication du vote féminin comme politique alors que les multiples significations attribuées à la campagne pour l’égalité des sexes ne font sens que si le genre est une catégorie d’analyse. Par conséquent, écrire l’histoire des suffragistes ne se limite pas à écrire l’histoire de l’obtention du vote. En vertu de l’évidence de leur participation à la société, aux relations sociales et familiales, après 1897, le droit de vote devient l’outil indispensable aux femmes pour inscrire leur action en politique et dans l’Histoire.

Propagandistes et organisations dans la Cité

Dénonciation, consentement et réforme de l’ordre social

  • 32 SCHNAPPER Dominique, La Relation à l’autre au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 199 (...)
  • 33 SCHNAPPER, La Relation à l’autre, op. cit., p. 146-147.
  • 34 MCKINNON Catriona, HAMPSTER-MONK Ian (dir.), The Demands of Citizenship, Londres, Continuum, 2000, (...)
  • 35 MCKINNON, HAMPSTER-MONK, op. cit. : « Introduction », p. 1-9 ; SQUIRES Judith, « The State in (and (...)
  • 36 ARENDT Hannah, Qu’est-ce que la politique ? (1993), Paris, Seuil, 1995 pour la trad. Française p. 1 (...)
  • 37 En 1918, tous les hommes de plus de 21 ans obtiennent le vote sans condition de ressources, avec un (...)

15Qui dénonce quoi ? L’obéissance à la loi telle qu’elle est à un moment donné ou au régime qui l’a produite permet à l’organisation sociale de fonctionner. L’obéissance, forme affaiblie du consentement peut aussi relever du conformisme, diluant l’adhésion fondatrice : « Quand il y a une opposition entre la perception spontanée du sujet et la norme collective telle qu’elle s’exprime à travers l’unanimité des positions exprimées par le groupe, une forte majorité des sujets cèdent au conformisme32». Les réformistes déploient des stratégies s’inscrivant presque toujours dans le cadre légal en vigueur. La minorité active qui réclame le changement de la loi ne l’enfreint pas pour autant ; elle exprime son opposition. Dénoncer les effets de la loi est la première étape vers la réforme ; diffuser la dénonciation en est la seconde ; emporter l’adhésion d’un nombre grandissant de citoyens force l’autorité légitime en démocratie à prendre en compte la dénonciation pour réformer (ou non) la loi. Les groupes réformistes jouent un rôle essentiel puisque, bien que minoritaires, ils influencent la majorité « à condition de proposer un programme cohérent, de se rendre visibles et de se faire connaitre par un comportement résolu. Pour changer les opinions de la majorité, ils doivent présenter leur point de vue avec assurance et conviction33». Les minorités actives « pour protéger la liberté ainsi que la stabilité et la viabilité de la vie dans la Cité (« polity »)34» déplacent leur attention vers les besoins des individus tels que iels les articulent. La société civile reste le miroir (universaliste) du corps politique constitué, mais devient aussi le lieu de la contestation politique (pluraliste) où la liberté politique s’exprime35. Le Mouvement des femmes britanniques (auquel appartient la campagne pour le vote féminin) impose une dynamique périphérique parce que les femmes sont exclues de la citoyenneté, mais aussi centripète car elles veulent intégrer le corps politique. L’histoire du suffrage s’attache à l’étude des femmes, suffragistes ou non, qui, en vertu de leur potentiel de liberté, le « pouvoir-commencer » d’Hannah Arendt36, deviennent actrices de leur émancipation lorsqu’elles réclament la citoyenneté formelle au même titre que certains hommes : « on the same terms as men »37.

  • 38 ROWBOTHAM Sheila, Hidden from History, 300 years of Women’s Oppression and the Fight Against It, Lo (...)
  • 39 BOCK Gisela, « Challenging Dichotomies: Perspectives on Women’s History » in OFFEN Karen, PIERSON R (...)

16L’histoire des femmes dans les années 1970, puis l’histoire du genre dans les années 1980 ont rendu les femmes visibles en leur accordant le statut d’objets de recherche, d’abord en tant que sujets asservis, puis en tant qu’actrices de leur émancipation38. De la même manière, les thématiques traitées en histoire du genre sont déjà celles qui construisent l’argumentaire des suffragistes victoriennes et édouardiennes : nature et culture, travail et famille, public et privé sont « les trois dichotomies de la pensée traditionnelle des rapports sociaux de sexe ; toutes ont été non seulement utilisées, mais aussi activement combattues39».

  • 40 Cette « supériorité morale » avancée par les suffragistes (et les femmes antisuffragistes) trouve u (...)

17L’affirmation binaire nature/femmes et culture/hommes hiérarchise les femmes systématiquement comme inférieures car l’idéologie biologique les réduit aux usages du corps, services sexuels et capacité reproductive. La maternité, le soin aux enfants et aux malades, asservissent les femmes au domaine « naturel » tandis que la paternité est avant tout considérée comme sociale. Les suffragistes revendiquent « la mère » et les tâches altruistes dites de type maternel comme une « supériorité morale » des femmes40, nécessaires à l’équilibre social. Ce faisant, elles s’affranchissent de leur « condition naturelle ».

  • 41 Voir PUJOL Michèle, Feminism and Anti-Feminism in Early Economic Thought, Cheltenham, Edward Elgar, (...)
  • 42 Par exemple : WEBB Beatrice Our Partnership, Londres, Longman & Green, 1948, p. 19 ; BLACKBURN Shei (...)

18Le second débat concerne le travail invisible des femmes dans la famille et le groupe social, travail non rémunéré, donc absent des théories économiques et dévalorisé. La division des tâches ne signifie pas seulement une différence, mais surtout une hiérarchie de valeurs et de gains sociaux. Ainsi les femmes sont supposées inactives jusque dans le travail rémunéré, paradoxe idéologique qui transforme l’activité masculine axiomatiquement en seul soutien familial. Jusqu’à l’époque édouardienne, soutenue par l’ensemble des acteurs économiques, la (fausse) théorie de l’unique salaire masculin (male breadwinner wage) masque le travail des femmes, y compris lorsqu’il est rémunéré, et leur refuse l’accès à un grand nombre de métiers. Cette pratique cantonne les ouvrières aux emplois les moins payés et les travailleuses à des salaires inférieurs à ceux des hommes dans le même emploi, en vertu de la protection des salaires masculins41. Les suffragistes anglaises dénoncent l’exploitation des ouvrières (sweating)42 constituant les bataillons de tâcheronnes, les bas salaires féminins y compris dans les secteurs d’emploi réglementé, et l’invisibilité des emplois domestiques, essentiellement féminins et ignorés par les premières enquêtes publiques avant 1914. La loi de 1909 sur les Trade Boards régule les secteurs d’emploi dit « d’exploitation » en fixant un salaire minimum dans, par exemple, l’industrie du vêtement, de la dentelle, dans la fabrication de boites, de chaines, mais la grande majorité des ouvrières travaillent à façon et à domicile.

  • 43 RENDALL Jane, « Women and the Public Sphere », Gender and History, n° XI/3, 1999, p. 415-626, p. 47 (...)
  • 44 Voir HOLLIS Patricia, Ladies Elect: Women in English Local Government, 1865-1914, Oxford, Clarendon (...)

19Le troisième débat concerne la théorie des deux sphères, publique et privée, souvent donnée à tort comme équivalente à celles du politique et du personnel43. Cette troisième dichotomie affiche les hommes et les femmes dans deux mondes différents, dont la frontière est infranchissable seulement pour les femmes. L’argumentaire suffragiste contredit l’idéologie des sphères séparées : les femmes des classes moyennes dans la philanthropie, rejointes par les femmes des classes modestes et laborieuses dans les années 1890 pour organiser l’aide publique ont un rôle essentiel souligné lors de la campagne pour le droit de vote des femmes aux élections locales44 : le personnel est bien politique.

  • 45 Voir RATHBONE Eleanor, The Disinherited Family (1924), Bristol, Falling Wall Press, 1986.

20La maternité et la santé « raciale » deviennent des enjeux nationaux, en dehors de l’Etat, dont deux minorités actives, les suffragistes et les eugénistes, se saisissent (1880-1914). Ces deux groupes accusent le gouvernement de négliger ces causes collectives aux dépens du bien-être familial, certes, mais surtout du bien-être social et national. Les suffragistes interpellent l’Etat sur un accompagnement économique des femmes des classes modestes enceintes, argument « welfariste » avant l’heure. Certaines suffragistes comme Eleanor Rathbone réclament une allocation familiale payées aux mères, alors que les syndicats (presque exclusivement masculins) s’y opposent parce que ce sont les pères qui devraient les percevoir45.

Qui sont-elles ? Qui sont-ils ?

  • 46 « Feminism », Oxford English Dictionary online, 1884-1928 (première édition), [28/10/2024].
  • 47 Voir DELAP Lucy, The Feminist Avant-Garde. Transatlantic Encounters of the Early Twentieth Century, (...)
  • 48 WEST Rebecca, Clarion, n° 5/2, 14 Novembre 1913.
  • 49 MONACELLI Martine et PRUM Michel (dir.), Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes. Dix pionnie (...)

21Qu’est-ce donc qu’une féministe ou un féministe à la fin du XIXe siècle ? L’Oxford English Dictionary définit « feminism » (1895) ainsi : « Advocacy of equality of the sexes and the establishment of the political, social, and economic rights of the female sex; the movement associated with this46». En 1895, les suffragistes britanniques sont donc féministes bien qu’elles (et ils) adoptent rarement ce terme. Celles qui se définissent comme telles sont peu nombreuses et se retrouvent dans des cercles intellectuels qui expriment leur critique des suffragistes et de leurs choix stratégiques47. Dix-huit années plus tard, Rebecca West utilise « Ni paillasson, ni prostituée » dans l’hebdomadaire socialiste Clarion : « I myself have never been able to find out precisely what Feminism is: I only know that people call me a Feminist whenever I express sentiments that differentiate me from a doormat or a prostitute48». En 1913, l’emploi du terme est acceptable pour cette écrivaine journaliste qui se réfère à l’expérience vécue. Les hommes suffragistes et/ou féministes soutiennent l’émancipation des femmes au XVIIIe et premier XIXe siècles tels William Godwin, William Thompson, William Johnson Fox, puis d’autres soutiennent les militantes suffragistes dès le début de leur campagne tels John Stuart Mill, Edward Carpenter, George Lansbury, Israel Zangwill, Frederick Pethick-Lawrence, Victor Duval, Frederick Billington-Greig, « dix hommes en colère » et bien d’autres49. Les ligues suffragistes d’hommes militent en concertation avec les organisations suffragistes dites politiques (NUWSS, WSPU et WFL) et composent le service d’ordre lors des manifestations suffragistes. Tout comme les suffragettes de la WSPU et de la WFL, certains hommes suffragettes sont emprisonnés pour trouble à l’ordre public. Après 1910, des hommes suffragistes de la classe moyenne achètent des pages dans la presse : on publie en grand leur photographie, précise leur emploi, cite leurs décorations patriotiques le cas échéant, tandis que ces personnalités affirment soutenir la revendication suffragiste majeure : le droit de vote pour les femmes dans les mêmes conditions que les hommes.

  • 50 BOUSSAHBA Myriam, « Les Edouardiennes et le Parti Libéral en Grande-Bretagne, 1906-1914. Quelles fe (...)

22En plus de ces hommes directement impliqués, la plupart des militantes sont des épouses ou/et des filles ; comment auraient-elles pu participer aussi massivement à la campagne suffragiste si les familles, les époux ou les parents n’avaient pas aussi soutenu la lutte suffragiste ? Dans leur grande majorité, les militantes suffragistes mènent une vie « normale » dans des relations sociales et familiales classiques. Le militantisme prend ainsi différentes formes : donner de l’argent, du temps, son carnet d’adresses ou accès à son salon sont autant d’actes militants qui coexistent avec ceux des militantes plus jeunes et celles qui sont salariées des organisations suffragistes. Le terme « antifeminist » entre dans l’Oxford English Dictionary en 1900 sur le modèle d’«antisuffragist » qui existe déjà, mais ne relève pas encore des ligues antisuffragistes féminines et masculines, créées en 1909 et 1910, au moment où l’opinion publique bascule en faveur du vote féminin tout autant que les députés libéraux qui soutiennent un gouvernement libéral dirigé par Asquith, antisuffragiste notoire50.

Suffragisme et propagande

  • 51 KALBERG Stephen, « Cultural Foundations of Modern Citizenship » in TURNER Bryan S. (dir), Citizensh (...)
  • 52 BOUSSAHBA, Suffrage Outside Suffragism, op. cit., « National Parties and the Control of Women », p. (...)

23Le suffragisme, incarnation de la citoyenneté politique à venir des femmes britanniques, est déjà un espace où s’incarnent les quatre valeurs nécessaires à l’institutionnalisation de la citoyenneté des femmes identiques à celle des hommes : la responsabilité civique, la confiance dans les institutions, l’égalitarisme et l’individualisme ouvert sur le monde se combinent pour donner au groupe l’accès à la décision51. Ces valeurs acceptées par l’ensemble du groupe se fondent sur la culture partagée, hors du suffragisme et, en attendant le droit de vote, au sein du suffragisme pour les femmes en campagne. Il devient le véhicule de la protestation ainsi que son étendard. Un des arguments que les femmes avancent est celui de leur responsabilité civile et morale dans la Cité. Leurs multiples tâches à l’intérieur de la famille comme au sein des collectivités locales, notamment l’activité philanthropique d’abord des classes moyennes puis de femmes de toutes classes après 1890, élues aux comités de charité (Poor Law Guardians, 1875) après les comités scolaires (School Board Officials, 1871) démontrent leur capacité à participer voire à réformer l’organisation de la vie locale. Elles le font à titre individuel mais aussi en tant que membres de sociétés diverses : sociétés de tempérance, d’éducation, de pureté sociale, sociétés suffragistes ou satellitaires des partis politiques52; elles misent sur le lien social, loin de la parenté ou du personnel, pour réformer les pratiques quotidiennes et la loi.

  • 53 HOLLIS, Ladies Elect, op. cit. ; BOUSSAHBA, « The Women’s Local Government Society in Britain, 1888 (...)
  • 54 KALBERG, « Cultural Foundations of Modern Citizenship» in TURNER, op. cit., p. 104.

24Si responsabilité et participation politique reposent sur la confiance sociale, elle implique qu’au-delà des personnes connues, les individus sont vertueux et capables. Héritée du libéralisme classique et de l’utilitarisme des Lumières, la vertu des individus est un axiome optimiste et fondateur de la démocratisation des régimes européens occidentaux au cours du XIXe-XXe siècle. Chaque individu (potentiellement) participe ainsi à l’amélioration de la vie collective, ce qui au Royaume-Uni signifie en premier lieu aborder ce processus au niveau local53. La participation mène à la croyance culturelle « fondamentale que les individus ont la capacité d’influencer les processus politiques », autrement dit que la capacité individuelle est tournée vers le groupe, vers autrui54. A cet égard, le suffragisme représente un milieu de cohésion et d’expansion bien au-delà de ses limites :

  • 55 BOUSSAHBA, Suffrage Outside Suffragism, op. cit., « Introduction », p. 5-6.

La lutte pour le suffrage a inspiré les propagandistes de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle qui ont construit le suffragisme, non pas un parti politique, mais un espace politique dans lequel la politique des partis n’était pas une force structurante, une plate-forme politique à partir de laquelle les militantes (majoritairement) des femmes publiaient leur vision, celle de femmes appartenant à un groupe homogène ou à plusieurs, un espace public parallèle où toute la propagande et les débats traitaient « des femmes », un écho de l’espace public majoritaire, traditionnel et masculin, modifié car systématiquement élaboré du point de vue des femmes. Le suffragisme était un lieu privilégié qui permettait aux productrices et réceptrices de propagande de tester les argumentaires suffragistes, de les faire résonner, de mettre en scène cette propagande comme si elle était majoritaire55.

  • 56 Voir RENDALL, « Women and the Public Sphere », art. cit., p. 477, pour les avantages et les inconvé (...)

25Le suffragisme peut ainsi se lire comme une alternative conquérante au refus d’accorder le vote aux femmes, dans les mêmes conditions que les hommes. Espace public parallèle, il montre les convergences et divergences, l’imitation et l’innovation du suffragisme par rapport au modèle décrit par Habermas56.

  • 57 L’Artists’ Suffrage League créé en 1907 travaille gratuitement pour la NUWSS. Le Suffrage Atelier ( (...)
  • 58 En 1872, Millicent Fawcett est une des premières femmes à lire debout ses discours à la tribune, sa (...)
  • 59 CRAWFORD Elizabeth, The Women’s Suffrage Movement. A Reference Guide 1866-1928 (1999), Londres, Rou (...)
  • 60 Le 9 février 1907, la NUWSS organise sa première procession à Londres ; 3 000 femmes participent à (...)

26Avant 1914, les images de dérision concernant les suffragistes sont nombreuses ; elles donnent à voir la version antisuffragiste de la plus modérée à la plus virulente. L’antisuffragisme est présent dans tous les médias et peut-être encore plus dans l’iconographie puisqu’il permet de renouveler une source traditionnelle d’inspiration, celle de la représentation des femmes. Les images de dérision occupent déjà les circuits établis, leur diffusion va de soi. Pour les suffragistes, le meilleur moyen de combattre la dérision (qui affaiblit leur message) est de créer et diffuser de nouvelles représentations des femmes. Il s’agit donc de faire circuler d’autres images par et pour le milieu suffragiste, et pour les circuits déjà établis57. De plus, rendre visible est en soi subversif puisqu’une femme respectable doit être effacée, discrète, peut-être présente, mais à l’arrière-plan58. Que les femmes se donnent à voir, qu’elles occupent le premier plan est la première stratégie, choquante pour les contemporains et pour les militantes de prime abord. La seconde étape documente l’effervescence et bientôt l’omniprésence de la campagne suffragiste. Décliner la visibilité des femmes revient à leur donner la parole en public, autre subversion sociale. Les différences entre les organisations ne sont pas toujours primordiales, d’ailleurs avant 1912 et la radicalisation suffragette, certaines appartiennent à plusieurs organisations suffragistes qui coopèrent ponctuellement, plus dans les régions qu’à Londres. Elles participent au même type d’évènements : manifestations légales, défilés, expositions, tableaux vivants, débats, journées à thème, dessins à la craie sur les trottoirs, appel de fonds, distribution de tracts, vente de la presse suffragiste dans la rue, publications diverses, lettres ouvertes, tribunes libres dans la presse, courriers des lectrices, pétitions au Parlement, marches à travers le pays, participation aux campagnes législatives. La pétition suffragiste (London Provisional Petition Committee59) permet de s’inscrire dans la même tradition politique que les hommes, mais aussi de compter le nombre de signatures car les antisuffragistes insistent faussement sur le petit nombre de suffragistes. De même, la procession suffragiste60, spectacle inédit au féminin, comptabilise les participantes qui défilent. La manifestation suffragiste attire l’intérêt de la foule et de la presse, des photographes. Le spectacle du nombre est le premier niveau de mise en scène ; le second niveau correspond à la grande diversité des profils de femmes solidaires dans la revendication. La dénonciation de l’injustice faite aux femmes dans leur ensemble sert de fondation à un troisième niveau centré sur la circonstance, par exemple, la Procession du couronnement (17 juin 1911, 40 000 femmes) ou les funérailles d’Emily Wilding Davison (14 juin 1913).

  • 61 Christina Broom (1862-1939), première femme photographe professionnelle de presse. Ses photographie (...)

27La stratégie de la visibilité, objectif et moyen, projette une vision argumentative des femmes qui ne se cachent pas ; elles réfutent leur marginalité en proposant une diversité de femmes à voir. Vision et visibilité tisse ainsi le maillage de l’émancipation qui s’articule autour de quatre axes : le témoignage oculaire, soit des participantes, soit des témoins des actions militantes, inscrit le fait dans une réalité immédiate indéniable. Ensuite, le reportage dans la presse quotidienne ou périodique répercute l’action en différé et amplifie son effet dans le temps et l’espace. Notons que les périodiques rivalisent entre eux et augmentent leurs ventes grâce à des reportages sensationnalistes ou des photographies choc sur les suffragistes, ou encore mieux sur les suffragettes. Enfin, la photographie61, de plus en plus utilisée dans la presse et dans l’intimité (souvent par le biais de la carte postale) transmet une réalité plus convaincante que la gravure de presse généraliste ou suffragiste. Cet effet de vérité montre, par exemple, les violences policières, le calvaire des prisonnières en grève de la faim, mais aussi le quotidien de la militante, femme ordinaire dans laquelle toutes peuvent se reconnaitre. La photographie suffragiste de type familial met en scène plusieurs générations, légitime la revendication à travers le temps et propose ainsi une généalogie structurante du militantisme. La continuité de la revendication devient alors un dérivatif à son échec.

  • 62 CRAWFORD, The Women’s Suffrage Movement, op. cit., « Libraries », p. 343-349.
  • 63 CRAWFORD, op. cit., « Suffragette Fellowship », p. 663-664.

28La photographie donne corps aux militantes et lègue leurs actions aux générations futures pour mieux souligner les difficultés de cette campagne que la NUWSS trace de 1851 à 1914 en images et en textes, ouvrant des bibliothèques de prêt dans le pays62. La plus ancienne, la Cavendish-Bentinck Library (1912- présent) et Edward Wright Library ont constitué la Fawcett Library (1953) qui, en obtenant un financement via la loterie nationale, ouvre en 2002 un bâtiment indépendant la Women’s Library dans l’Est de Londres ; depuis 2013, les collections de la Women’s Library sont hébergées à la bibliothèque de la London School of Economics. La Suffragette Fellowship (1926), initialement créée en mémoire des suffragettes de la Women’s Social and Political Union (1903-1915-1917) et de la Women’s Freedom League (1907-1961), a élargi son objectif à la mémoire de toutes les femmes qui ont lutté pour leur émancipation et collecte archives, textes et photographies au Musée de Londres63.

Conclusion

L’idéologie du progrès

  • 64 POCOCK John G. A., Virtue, Commerce, and History (1985), Cambridge, Cambridge University Press, 199 (...)
  • 65 Lors de la campagne législative de 1906, la WSPU choisit de perturber les réunions libérales avec u (...)

29Comme la plupart des contemporains, les femmes suffragistes dont un grand nombre soutient le parti libéral croient à la continuité historique dont les institutions anglaises seraient la réincarnation, comme une permanente négociation entre le « progrès » et la « résistance au progrès ». Le bipartisme entre Whigs et Tories a longtemps facilité cette lecture qui, par exemple, est prônée par Macaulay dans les tomes successifs de History of England (1848-1861). Les suffragistes inscrivent leur discours dans cette double affiliation non pas parce que suffragistes, mais parce que comme les hommes, elles sont le produit de leurs affiliations diverses. L’attente du suffrage féminin depuis les années 1860 (si ce n’est les années 1850) construit leur résistance à l’échec, sans modifier leur stratégie globale. La fédération suffragiste National Union of Women’s Suffrage Societies (1897-1919-1928) signale sa croyance renouvelée en l’intégration des femmes dans l’espace public, dans les mêmes conditions que les hommes. Selon elles, leur citoyenneté politique à venir s’inscrit nécessairement dans le « progrès » à l’image des précédents historiques concernant la citoyenneté masculine. Leur pragmatisme peut se lire comme « agir dans la conscience du précédent, et si le changement historique est continu, les précédents de situations antérieures peuvent s’appliquer aux besoins des nouvelles64». Dans cette perspective, ce qui est nouveau ne peut guère s’écarter de ce qui est ancien, d’autant que le droit de vote pour les hommes s’appuie sur une rhétorique réformiste continue au cours du XIXe siècle ; à chaque fois, un abaissement du cens redessine la carte des circonscriptions, sans changer le système électoral. Par conséquent, la réforme législative (et non pas la fin du Parlement) fédère toutes les suffragistes, conscientes qu’aucune femme n’a jamais bénéficié du droit de vote, mais que dès qu’un groupe de femmes « entrera dans la danse », toutes les femmes le pourront. Celles qui demandent un changement de stratégie, comme le WSPU en 190665, pour pallier, disent-elles, l’inefficacité suffragiste antérieure expriment des doutes sur la continuité historique tout en restant réformiste. La rupture historique n’est donc jamais à l’ordre du jour y compris pour celles qui vont prôner la désobéissance civile.

  • 66 POCOCK, op. cit., p. 304-310.

30Cette volonté de filiation historique prescrit en partie la pensée politique du moment en lui fournissant une chronologie élastique, voire télescopique, adaptée au besoin immédiat : l’interprétation whig de l’histoire se fonde sur une datation variable et peu fidèle à la chronologie avérée66. Pour en donner une illustration, les pages sur la supériorité des Teutonnes du célèbre ouvrage d’Olive Schreiner Woman and labour (1911) semblent détonner par rapport à son sujet essentiel : dénoncer l’exploitation des femmes au travail. Trois des six chapitres sont consacrés au parasitisme des femmes dans un langage souvent biologique qui, par contraste, définissent ce que doivent être les femmes suffragistes, et pour Olive Schreiner les féministes :

  • 67 SCHREINER Olive, Woman and Labour, Londres, Fisher Unwin, 1911, p. 144-145. Olive Schreiner fréquen (...)

Nous sommes de cette race de femmes qui jadis ne connaissaient pas la peur, ne craignaient pas la mort, vivaient de grandes existences et nourrissaient de grands espoirs ; si aujourd’hui certaines d’entre nous connaissent les maux d’une époque dégénérée, le sang d’autrefois bat encore dans nos veines67.

31Au-delà du lyrisme littéraire, eugéniste ici, le corps féminin appartient aux femmes ; il est compatible avec la bataille et l’égalité des sexes ; les guerrières portent l’épée, allaitent leur enfant tout en chevauchant à coté de leurs partenaires masculins pour combattre leurs ennemis.

L’égalité des sexes avant tout

32Les suffragistes, femmes et hommes, habitant leur présent et imaginant leur passé embrassent les mêmes idées et positionnements que leurs contemporains. Elles utilisent la langue à disposition et adoptent les « preuves » passées et contemporaines pour construire leur vision politique ; éduquées selon leur classe et sensibles au raisonnement, activistes dans telle ou telle association, en phase avec leur milieu et leur parcours, ces femmes font leurs les « discours hérités des Lumières sur le progrès social et rationnel, discours qui [sont] extrêmement puissants », écrit Jane Randall :

  • 68 RENDALL, « Women and the Public Sphere », art. cit., p. 480 (traduction de l’autrice).

Le vocabulaire de la civilisation, de l’amélioration historique graduelle grâce à la vertu pacificatrice (polish) du commerce et à l’expansion de la connaissance, l’histoire politique de la liberté était autant partagée par Mary Wollstonecraft et Adam Smith, Harriet Martineau et John Stuart Mill. La complexité du langage de la modernisation et de la raison des Lumières n’a pas encore été suffisamment prise en considération dans les histoires du féminisme68.

  • 69 Esther Roper and Eva Gore-Booth, fondatrices de cette organisation ont dirigé la North of England S (...)
  • 70 La mise en avant des sœurs Kenney, jolies ouvrières du textile originaires de Oldham, montre combie (...)

33Comme d’autres, l’argumentaire suffragiste, se construit sur un passé mythique et une chronologie modulable qui accorde du pouvoir aux femmes et reconnait leur participation à la Cité. Dans les villes ouvrières du Nord et du Nord-Ouest de l’Angleterre, le discours constitutionaliste né de la nécessité du progrès social au féminin convainc les suffragistes dites radicales (« Radical Suffragists69 »), d’adhérer à la NUWSS, grande fédération suffragiste. Pratiquement, les ouvrières ne peuvent pas perdre leur emploi ou s’absenter de leur foyer en cas d’arrestation après des actions WSPU70. Pour les ouvrières, le problème est la fluidité de la loyauté (« divided loyalties ») : par exemple, ce sont des femmes qui souhaitent être rémunérées justement, sauf que leur époux ou leur père profite d’un meilleur salaire qu’elle grâce à l’inégalité économiques entre les sexes : qui doivent-elles privilégier ? Elles-mêmes ou leur famille ? Mais aussi, elles sont conscientes que les syndicats, la mouvance travailliste et les libéraux progressistes ne prennent pas souvent les ouvrières au sérieux, d’où une hémorragie politique des partis traditionnels, notamment libérale, vers le Mouvement des femmes.

34Les conditions de vie de toutes seront meilleures dans chaque classe. L’égalité des sexes rallient ainsi les militantes souvent désabusées par l’engagement traditionnel mixte qui leur accorde peu de place. Moment démocratique de politisation à laquelle participent beaucoup de Britanniques, femmes et hommes, cette campagne fait découvrir la politique à certaines, fait consentir à des compromis peut-être plus efficaces à d’autres ; toutes pensent que l’égalité des sexes sera mieux à même d’aligner leur citoyenneté évidente (réelle) sur la citoyenneté formelle à venir, le droit de vote.

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Appendix

A chronology on the Women’s Movement, 1792-1928

1792

Mary Wollstonecraft’s A Vindication of the Rights of Woman states the need for civil equality for women and men.

1832

First or ‘Great’ Reform Act. Women are specifically excluded from the franchise.

1838-1848

Female Chartist Societies, Political Unions, and Democratic Associations, Chartist women organise (about 200 local bodies) across the country. Strong ideal of domesticity among Chartists.

1839

Custody of Infants Act gives mothers of ‘unblemished character’ access to their children in the event of separation or divorce.

1848

Women admitted to London University.

1851

The first women’s suffrage society (Sheffield Female Political Association) set up in Sheffield by women Chartists with the support of Anne Knight

1854

Cheltenham Ladies’ College founded.

1857

Matrimonial Causes Act sets up divorce courts. Women obtained limited access to divorce, though, unlike men, this could only be obtained for a specific cause other than adultery. Rights of access to children after divorce extended. Women given right to their property after a legal separation or a protection order given as a result of husband’s desertion.

1858

English Woman’s Journal (1858-64) set up.

1865

Leigh Smith Bodichon formed a Women's Suffrage Committee and within a fortnight collected nearly 1,500 signatures in favour of female suffrage in advance to the second Reform Bill. J S Mill elected on a female suffrage platform, gave his maiden speech “Admission of Women to Electoral Franchise”. Nicknamed the girls’ MP.

1867

John Stuart Mill publishes “Admission of Women to Electoral Franchise”, The Subjection of Women (1869). The Manchester Society for Women’s Suffrage founded in February 1867. Its secretary was Lydia Becker. Helen Taylor founded the London National Society for Women's Suffrage, with strong links with Manchester and Edinburgh.

1868

In 1868, John Stuart Mill brought a petition to Parliament for female suffrage with 21,557 signatures.

1869

Josephine Butler joined the campaign for the repeal of the Contagious Diseases Acts (to 1886).

1870

Married Women’s Property Act allows women to retain £200 of their own earnings. The Education Act provides for elementary education for girls as well as boys. John Bright’s Women’s Disabilities Removal Bill, parliamentary franchise to women on the same terms as men introduced, then defeated in May 1871, 220-151, in Commons.

1871

Newnham College, Cambridge (women only), founded. Women entitled to be elected as school board officials (until 1902)

1872

London School of Medicine for Women opened. Hitchin College (later Girton College) moves to Cambridge.

1873

Custody of Infants Act extends access to children to all women in the event of separation or divorce. Isabella Tod, anti-Home Rule Liberal and campaigner for girls’ education, established the North of Ireland Women’s Suffrage Society in 1873.

1875

Women entitled to be elected as Poor Law Guardians. 1875 Public Health Act (clean water, sewage and Medical Officer of Health).

1876

Medical schools opened to women; Medical Act allowed British medical authorities to license all qualified applicants whatever their gender. Dublin Women’s Suffrage Association set up.

1881

First Women’s Liberal Association (Bristol), operating independently for female suffrage and against male domination. Had campaigned for progressive social legislation (1869 Municipal Franchise Act, 1870 Education Act, 1875 Public Health Act).

1882

Married Women’s Property Act allows wives to own and administer their property.

1883

Primrose League (1883–2004) set up to promote Conservative values, not committed to female suffrage.

1884

Married Women’s Property Act makes a wife no longer a ‘chattel’ but an independent and separate person.

1886

Guardianship of Infants Act, women could be made sole guardian of children if husband died. Liberal Women’s Federation set up (40 WLAs and 6,000 members), in 1900 500 WLAs and about 60,000 active members supporting female suffrage. Strong male support from Parliament and civil society, had been essential to new legislation (1882 Married Women's Property Act, 1888 County Council Act, 1907 Qualification of Women Act). WLF put pressure on Liberal Party to support women’s issues, selected support to members based on WLF agenda: Women’s Suffrage Movement, Midwives Bill, Infant Life Protection Bill, Anti-Vivisection Movement, and Anti-War initiatives against engagement in Second Boer War. Repeal of the CDAs in the UK, maintained in Empire; age of sexual consent for girls raised from 13 to 16 (now same as boys).

1888

Women’s Penny Paper (“100% made by women”, 1888-90).

1894

Local Government Act. Women eligible to vote for parish councils.

1895

London School of Economics founded by Fabian Society members (Webbs, Wallas, Shaw)

1897

National Union of Women’s Suffrage Societies founded, a federation of existing women’s suffrage groups under the presidency of Mrs Millicent Fawcett.

1898

Women's Local Government Society (until 1917).

1903

Women’s Social and Political Union formed by Emmeline Pankhurst and her daughters Christabel and Sylvia, in Manchester.

1906

WSPU members became ‘suffragettes’ (Daily Mail). Disturbance tactics started. Move to London to become a national organisation. Jus Suffragi (International Woman Suffrage Alliance, 1906-29)

1907

Qualification of Women (County and Borough Councils) Act. Women allowed to become councillors. NUWSS Mud March. Split within WSPU, Women's Freedom League (WFL) set up. Women's Franchise (Men’s League for Women's Suffrage, NUWSS, WFL, WSPU, 1907-1911). Weekly Votes for Women (WSPU, 1907-1912)

1909

Tax Resistance League (WFL) 1909-1918. Hunger-strike by suffragette Marion Dunlop (July 1909), Holloway Prison. Force-feeding in prisons September (1909-1913). Weekly Common Cause (NUWSS,1909-1920). Weekly The Vote (WFL, 1909-1933). Monthly Conservative and Unionist Women’s Franchise Review (1909-16),

1910

Violent campaign for women’s suffrage including demonstrations, arson attacks and picture slashing. Government only prepared to consider women’s suffrage as part of a wider extension of the franchise. ‘Hunger strikes’ mounted in prisons. First Conciliation Bill.

1911

Coronation Procession (17 June, 28 suffrage societies). Second conciliation bill “torpedoed” (1911). First WSPU Arson (Dec., pillar box). First WSPU window smashing (Nov.)

1912

Third conciliation bill defeated by 208 to 222 votes with 8 members of Herbert Asquith’s Liberal government voting against it, killing the bill. WSPU shop window smashing in the West End (March). Hatchet into Asquith’s carriage, Dublin (July). E. and C. Pankhurst break with Pethick-Lawrences. Christabel escaped to Paris. Pethick -Lawrences arrested. Weekly Suffragette (WSPU, 1912-15), Church League for Women’s Suffrage (monthly, 1912-17).

1913

WSPU arson campaign (Jan.) WSPU bomb at Lloyd George’s house (Feb.). ‘Cat and Mouse’ Act passed to permit release and reimprisonment of suffragettes on hunger strike (Apr.). Emmeline Pankhurst sentenced to three years (Apr.) Police raid WSPU papers and staff arrested (30 Apr.) WSPU forced underground (May). Emily Davison kills herself by throwing herself in front of the King’s horse at the Derby race (4 June); her martyr’s funeral (14 June) with all suffrage organisations.

1914

Women's Dreadnought (East London Federation of Suffragettes, 1914-1917) edited by Sylvia Pankhurst, later Workers’ Dreadnought (to 1924). Sylvia Pankhurst admonished by Christabel, breaks from mother and sister.

WW1

Outbreak of war: NUWSS stopped campaign to support government; some members set up pacifist groups, WSPU jingoistic support of war and British government (munitionettes, white feathers). WFL social support of soldiers’ families and pacifist campaign. East London Federation provided social support to dockers’ families. Britannia (WSPU, 1915-1918). 1917-1918 Women’s Party as successor to the WSPU.

1918

Representation of the People Act. Rights to vote given in local and general elections on similar terms. Women over 30 granted the vote on a property-based franchise. Women entitled to become MPs. All men entitled to vote at 21 with a 6 months’ residence condition: manhood franchise. Emmeline Pankhurst candidate for the Conservative party at general election, defeated; Christabel Pankhurst candidate for the Women's Party, defeated. End of Women's Party. Christabel became a travelling evangelist for Second Adventism in the US.

1920

Woman’s Leader (NUSEC, 1920-32). Foundation of the Communist party, with Sylvia Pankhurst (ELFS) and Charlotte Despard (WFL).

1926

General Strike.

1928

Emmeline Pankhurst died 14 June. Representation of the People (Equal Franchise) Act (July). Women granted the vote at 21 with a 6 months’ residence condition: womanhood franchise. The Suffrage slogan shared by all suffragists “on the same terms as men” achieved. Vote attended by Millicent Fawcett (died 1929). NUSEC (1919-1928) dissolved.

Suffrage posters

Compiled and/or described by Myriam Boussahba, 2024, from Wiki Commons Image.

1. Bernard Partridge, “The Shrieking Sister”, Punch, 17 Jan. 1906, UK.

1. Bernard Partridge, “The Shrieking Sister”, Punch, 17 Jan. 1906, UK.

The Sensible Woman. “YOU HELP OUR CAUSE? WHY YOU’RE ITS WORST ENEMY!”

During the 1906 general election, WSPU suffragettes asked about women’s vote at liberal meetings. When they got no answer, they kept asking their single question until they were (roughly) expelled by stewards. Soon, women could not enter such meetings unless they were accompanied by a man who could vouch for their “respectability”.

2. “What a woman may be and not yet have the vote”, Suffrage Atelier, 1913, UK.

2. “What a woman may be and not yet have the vote”, Suffrage Atelier, 1913, UK.

3. “Taxation without Representation”, Artists‘Suffrage League, late 1909-early 1910, UK.

3. “Taxation without Representation”, Artists‘Suffrage League, late 1909-early 1910, UK.

A suffragist / suffragette addressing the Chancellor to question him about the spending of taxes, Chancellor seated behind desk with bags of money on it surrounded by policemen, printed inscription. The Women’s Tax Resistance League (1909- 1918) supported by the Women’s Freedom League questioned taxation on wealthy wives who did not have the vote. This denied two political principles of the time: if one paid taxation, one could vote; secondly, one was wealthy enough to be have the property-based franchise and be granted formal citizenship. The WTRL helped women not to pay their taxes, which led their husbands in prisons; HM Treasury had never considered wives as taxpayers by since 1884 when they became owners of their bodies and were granted the status of individuals, with legal signatures.

4. An Anti-suffrage postcard, c.1908

4. An Anti-suffrage postcard, c.1908

Well-wishers send a Christmas card to a suffragette in prison. She is a ridiculous spinsterish female, who feels angelic and does not realise that she is utterly in the wrong.

5. Alfred Pearce, “The Modern Inquisition under a Liberal Government”, 1910.

5. Alfred Pearce, “The Modern Inquisition under a Liberal Government”, 1910.

A Women's Social and Political Union poster showing a suffragette prisoner being force-fed: a realistic featuring of force-feeding.

Force-feeding started in the Autumn of 1909 to keep hunger striking females in prison. The first suffragette hunger strikes dated from early summer 1909. From the start force-feeding was opposed by many British whatever their opinion on women’s vote, even if, by 1910, a majority of the population supported women’s vote. All over Europe, famous people and organisations claimed the British government was legally torturing British suffragettes. By 1913, force-feeding was repealed; a new act nicknamed the “Cat and Mouse Act” was passed that made prison authorities release hunger-striking females under the condition that they would come back to prison once better. None ever came back, as far as historians know.

6. “Is this right?”, Artists’ Suffrage League, 1910, UK.

6. “Is this right?”, Artists’ Suffrage League, 1910, UK.

The older man is carrying a shopping basket and is protected thanks to the franchise. In 1910, two general elections were successively organised by the Liberals who remained the majority or almost majority the second time. The bone of contention from the Lords was the liberal budget, called the people’s budget, that introduced some protection to old age people while still denying women the franchise. Starving female wages and fewer female job opportunities are emphasized as the younger woman is carrying a work basket and cannot afford to stay at home despite the make-belief ideology of domesticity: she urgently needs to find some work, whatever.

7. How the law “protects the widow”, Suffrage Atelier, 1909, UK.

7. How the law “protects the widow”, Suffrage Atelier, 1909, UK.

How women, here mothers and wives, are played false: they cannot claim money from fathers/ husbands who do not have to support their wives and children, whereas women “must” maintain their children.

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Notes

1 DE BEAUVOIR Simone, Le Deuxième sexe 1. Les faits et les mythes (1949), Paris, Gallimard, 1976, p. 21.

2 Voir LEDOEUFF Michèle, Le Sexe du savoir, Paris, Flammarion, 1998.

3 WOLLESONECRAFT Mary, A Vindication of the Rights of Woman (1792), chap. 5 : « Animadversions on some of the writers who have rendered women objects of pity, bordering on contempt. »

4 WALPOLE Horace, Letters of Horace Walpole, in TOYNBEE Paget (dir.), Oxford, Clarendon, 1905, vol.15, p. 337-8.

5 JOHNSON Claudia L., The Cambridge Companion to Mary Wollstonecraft, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, « Introduction », p. 1-2.

6 Voir ROBERTS Matthew, « Women and Late Chartism: Women’s Rights in Mid-Victorian England», English Historical Review, n°581, 2021, p. 918-949.

7 MILLIGAN Edward H. « Anne Knight (1786–1862) », Oxford Dictionary of National Biography online (2004).

8 Toutes les autres associations suffragistes ou pro suffrage féminin agissent uniquement dans le cadre légal.

9 YOUNG Iris Marion, « Polity and Group Difference: A Critique of the Ideal of Citizenship » in SHAFIR Gershon (dir.), The Citizenship Debates: A Reader, Minneapolis, Minnesota Press, 1998, p. 267.

10 POCOCK John G. A, « The ideal of Citizenship since classical times in SHAFIR, op. cit. p. 31, 33.

11 POCOCK, art. cit., p. 33-34 ; FRAISSE Geneviève, Les Deux gouvernements : la famille et la Cité, Paris, Folio, 2001, p. 66.

12 Leur corps leur appartient en 1884, après leurs biens en 1882.

13 BOUSSAHBA Myriam, « Résistance passive et citoyenneté : la rébellion de la contribuable anglaise 1900-1914 », Revue d’histoire moderne & contemporaine, n° 56-2, 2009, p. 104-134.

14 PATEMAN Carole, « The Fraternal Social Contract » in KEANE John (dir.), Civil Society and the State, Londres, University of Westminster Press, 1988, p. 103.

15 OKIN Susan Moller, Women in Western Political Thought (1979), Princeton, Princeton University Press, 1992, p. 241-246.

16 Voir BUSH Julia, Edwardian Ladies and Imperial Power, Londres, Leicester University Press, 2000; GORMAN Daniel, Imperial Citizenship, Empire and the question of Belonging, Manchester University Press, 2006 ; REIDI Eliza, « Women, Gender and the Promotion of Empire: the Victoria League 1901-1914 », Historical Journal, n°45/3, 2002, p. 569-599 ; REIDI Eliza, « Options for an Imperialist Woman: The Case of Violet Markham, 1899-1914 », Albion 32, 2000, p. 59-84.

17 FRAISSE Geneviève, Les Femmes et leur histoire, Paris, Gallimard, 1998, p. 14-15.

18 FRAISSE, Les Femmes et leur histoire, op. cit., p. 17.

19 SCOTT Joan, Gender and the Politics of History (1988), New York, Columbia University Press, 1999, p. IX.

20 Depuis 1999, Scott préfère le terme de « différences entre les sexes ».

21 SCOTT, op. cit., p. 2-3.

22 SCOTT, op. cit., p. 28-50.

23 SCOTT, op. cit.: « Révéler l’illusion de la permanence », p. 11.

24 THEBAUD Françoise, Ecrire l’histoire des femmes et du genre (1997), Lyon, ENS Editions, 2007, p. 209-210. Voir CARDI Coline et PRUVOST Geneviève, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012.

25 FRAISSE Geneviève, Muse de la raison, Démocratie et exclusion des femmes en France (1989), Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1995, p.15-16 ; THEBAUD, op. cit., p. 209-210.

26 FRAISSE, Les Femmes et leur histoire, op. cit., p. 27.

27 BOUSSAHBA Myriam (dir.), Suffrage Outside Suffragism, Women’s Vote in Britain, 1880-1914 (2007), Houndsmill, Palgrave Macmillan: THANE Pat, « Women in the Labour Party and Women’s Suffrage », p. 35-51 ; MAGUIRE Lori, « The Conservative Party and Women’s Suffrage », p. 52-76 ; WALKER Linda, « Gender, Suffrage and Party: Liberal Women’s Organisations, 1880-1914 », p. 77-102.

28 SCOTT, Gender and the Politics of History, op. cit., p. 5.

29 Common Cause (du 14 avril 1909 au 30 janvier 1920) était l’hebdomadaire de la NUWSS, puis de la NUSEC, renommé ensuite The Woman's Leader.

30 Pour la valeur anhistorique de ce terme, voir FRAISSE, Les Deux gouvernements, op. cit., p. 44-45, 49-50, 66.

31 BOUSSAHBA, Suffrage Outside, op. cit., « Introduction », p. 1-32.

32 SCHNAPPER Dominique, La Relation à l’autre au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998, p. 143.

33 SCHNAPPER, La Relation à l’autre, op. cit., p. 146-147.

34 MCKINNON Catriona, HAMPSTER-MONK Ian (dir.), The Demands of Citizenship, Londres, Continuum, 2000, p. 1.

35 MCKINNON, HAMPSTER-MONK, op. cit. : « Introduction », p. 1-9 ; SQUIRES Judith, « The State in (and of) Feminist Visions of Political Citizenship », p 35-50 ; MCKINNON Catriona, « Civil Citizens », p. 144-164 ; PHILIPP Mark, « Motivating Liberal Citizenship », p. 165-189.

36 ARENDT Hannah, Qu’est-ce que la politique ? (1993), Paris, Seuil, 1995 pour la trad. Française p. 1, 41-43, 58-59. « La simple liberté de vouloir que ceci ou cela soit autrement », p. 71.

37 En 1918, tous les hommes de plus de 21 ans obtiennent le vote sans condition de ressources, avec une condition de résidence de 6 mois. Le slogan de la campagne suffragiste rallie toutes les suffragistes. En revanche, elles ne s’accordent pas sur ce qui pourrait se passer une fois que certaines femmes deviendront électrices.

38 ROWBOTHAM Sheila, Hidden from History, 300 years of Women’s Oppression and the Fight Against It, Londres, Pluto Press, 1973.

39 BOCK Gisela, « Challenging Dichotomies: Perspectives on Women’s History » in OFFEN Karen, PIERSON Ruth, RENDALL Jane (dir.), Writing Women’s History, International Perspectives, Londres, Macmillan, 1991, p. 1.

40 Cette « supériorité morale » avancée par les suffragistes (et les femmes antisuffragistes) trouve un écho au vingtième siècle. Dans GILLIGAN Carol, In a Different Voice : Psychological Theory and Women’s Development, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1982, cette psychologue de l’éducation, présente la sollicitude [care] comme une vertu. Voir BAIER Annette, Moral Prejudices : Essays on Ethics, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1994.

41 Voir PUJOL Michèle, Feminism and Anti-Feminism in Early Economic Thought, Cheltenham, Edward Elgar, 1992.

42 Par exemple : WEBB Beatrice Our Partnership, Londres, Longman & Green, 1948, p. 19 ; BLACKBURN Sheila, « To be poor and to be honest... is the hardest struggle of all: Sweated needlewomen and campaigns for protective legislation, 1840-1914 » in HARRIS Beth (dir.), Famine and Fashion: Needlewomen in the Nineteenth Century (2005), New York & Londres, Routledge, 2016, p. 243-257.

43 RENDALL Jane, « Women and the Public Sphere », Gender and History, n° XI/3, 1999, p. 415-626, p. 477.

44 Voir HOLLIS Patricia, Ladies Elect: Women in English Local Government, 1865-1914, Oxford, Clarendon Press, 1987 ; BOUSSAHBA Myriam, « “To Serve and to Elect”, the Women’s Local Government Society in Britain, 1888-1914 » in BODY-GENDROT Sophie, CARRE Jacques, GARBAYE Romain (dir.), A City of One’s Own, Aldershot, Ashgate, 2008,

p. 181-200.

45 Voir RATHBONE Eleanor, The Disinherited Family (1924), Bristol, Falling Wall Press, 1986.

46 « Feminism », Oxford English Dictionary online, 1884-1928 (première édition), [28/10/2024].

47 Voir DELAP Lucy, The Feminist Avant-Garde. Transatlantic Encounters of the Early Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.

48 WEST Rebecca, Clarion, n° 5/2, 14 Novembre 1913.

49 MONACELLI Martine et PRUM Michel (dir.), Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes. Dix pionniers britanniques, Paris, Éditions de l’Atelier, 2010. Michel Prum, « Dix hommes en colère », p. 13-21.

50 BOUSSAHBA Myriam, « Les Edouardiennes et le Parti Libéral en Grande-Bretagne, 1906-1914. Quelles femmes ? Quel Parti libéral ? », Revue française de Civilisation britannique, n° 16/2, 2011, p. 75-98, p. 77-78.

51 KALBERG Stephen, « Cultural Foundations of Modern Citizenship » in TURNER Bryan S. (dir), Citizenship and Social Theory, Londres, Sage Publications, 1993, p. 91-114, p. 101-2.

52 BOUSSAHBA, Suffrage Outside Suffragism, op. cit., « National Parties and the Control of Women », p. 33-102.

53 HOLLIS, Ladies Elect, op. cit. ; BOUSSAHBA, « The Women’s Local Government Society in Britain, 1888-1914 », in BODY-GENDROT, CARRE, GARBAYE, op. cit., p. 181-200.

54 KALBERG, « Cultural Foundations of Modern Citizenship» in TURNER, op. cit., p. 104.

55 BOUSSAHBA, Suffrage Outside Suffragism, op. cit., « Introduction », p. 5-6.

56 Voir RENDALL, « Women and the Public Sphere », art. cit., p. 477, pour les avantages et les inconvénients de l’intégration des femmes à l’espace public théorisée par Habermas.

57 L’Artists’ Suffrage League créé en 1907 travaille gratuitement pour la NUWSS. Le Suffrage Atelier (1909-1914) travaille pour la WSPU et surtout la WFL, pour un pourcentage après bénéfice.

58 En 1872, Millicent Fawcett est une des premières femmes à lire debout ses discours à la tribune, sans aide masculine.

59 CRAWFORD Elizabeth, The Women’s Suffrage Movement. A Reference Guide 1866-1928 (1999), Londres, Routledge,2001, p. 353-356; Mill /Taylor Collection, Barbara Leigh Smith Bodichon Collection, Women’s Library, LSE.

60 Le 9 février 1907, la NUWSS organise sa première procession à Londres ; 3 000 femmes participent à la « Mud March ». D’autres dates : 13 juin 1908, NUWSS à Londres et dans le reste du pays ; 18 juin 1910, à Londres « de la prison à la citoyenneté », organisé par le WSPU , 10000-15000 femmes; 23 juillet 1910, WFL et WSPU défilés convergent à Hyde Park, 150 oratrices, 40 estrades, 12 000-20 000 femmes ; 17 juin 1911, « Coronation Procession », coorganisé avec le WSPU et la WFL, 40 000 femmes ; 18 juin-26 juillet 1913, « NUWSS Pilgrimage » depuis les 19 fédérations régionales anglaises jusqu’au grand rassemblement à Hyde Park, Londres : 19 estrades/ tribunes, suivi de messes à Saint Paul (cathédrale anglicane) et dans des temples de « Ethical Church » (27 juillet).

61 Christina Broom (1862-1939), première femme photographe professionnelle de presse. Ses photographies sur les suffragettes de la WSPU sont au Museum of London.

62 CRAWFORD, The Women’s Suffrage Movement, op. cit., « Libraries », p. 343-349.

63 CRAWFORD, op. cit., « Suffragette Fellowship », p. 663-664.

64 POCOCK John G. A., Virtue, Commerce, and History (1985), Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 299, p. 303-304.

65 Lors de la campagne législative de 1906, la WSPU choisit de perturber les réunions libérales avec une seule question, sans réponse : « le gouvernement libéral donnera-t-il le vote aux femmes ? ». A partir de 1906, Christabel Pankhurst insiste sur la nécessaire publicité, bonne ou mauvaise, quitte à harceler le gouvernement libéral.

66 POCOCK, op. cit., p. 304-310.

67 SCHREINER Olive, Woman and Labour, Londres, Fisher Unwin, 1911, p. 144-145. Olive Schreiner fréquentait les eugénistes. Les pages de Woman and Labour montre combien les discours s’entremêlaient.

68 RENDALL, « Women and the Public Sphere », art. cit., p. 480 (traduction de l’autrice).

69 Esther Roper and Eva Gore-Booth, fondatrices de cette organisation ont dirigé la North of England Society for Women’s Suffrage à Manchester, association régionale modérée généralement constitutive de la NUWUSS.

70 La mise en avant des sœurs Kenney, jolies ouvrières du textile originaires de Oldham, montre combien la direction de la WSPU est consciente de l’enjeu. Pourtant, les méthodes d’action et la radicalisation politique grandissante de l’organisation réduit le nombre de ses et la diversité des profils sociaux. Voir LIDDINGTON Jill et NORRIS Jill, "One Hand Tied Behind Us": The Rise of the Women's Suffrage Movement, Londres, Virago, 1978. http://www.jliddington.org.uk/radical-suffragists.html [27-11-2025]

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List of illustrations

Title 1. Bernard Partridge, “The Shrieking Sister”, Punch, 17 Jan. 1906, UK.
Caption The Sensible Woman. “YOU HELP OUR CAUSE? WHY YOU’RE ITS WORST ENEMY!”During the 1906 general election, WSPU suffragettes asked about women’s vote at liberal meetings. When they got no answer, they kept asking their single question until they were (roughly) expelled by stewards. Soon, women could not enter such meetings unless they were accompanied by a man who could vouch for their “respectability”.
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Title 2. “What a woman may be and not yet have the vote”, Suffrage Atelier, 1913, UK.
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Title 3. “Taxation without Representation”, Artists‘Suffrage League, late 1909-early 1910, UK.
Caption A suffragist / suffragette addressing the Chancellor to question him about the spending of taxes, Chancellor seated behind desk with bags of money on it surrounded by policemen, printed inscription. The Women’s Tax Resistance League (1909- 1918) supported by the Women’s Freedom League questioned taxation on wealthy wives who did not have the vote. This denied two political principles of the time: if one paid taxation, one could vote; secondly, one was wealthy enough to be have the property-based franchise and be granted formal citizenship. The WTRL helped women not to pay their taxes, which led their husbands in prisons; HM Treasury had never considered wives as taxpayers by since 1884 when they became owners of their bodies and were granted the status of individuals, with legal signatures.
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Title 4. An Anti-suffrage postcard, c.1908
Caption Well-wishers send a Christmas card to a suffragette in prison. She is a ridiculous spinsterish female, who feels angelic and does not realise that she is utterly in the wrong.
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Title 5. Alfred Pearce, “The Modern Inquisition under a Liberal Government”, 1910.
Caption A Women's Social and Political Union poster showing a suffragette prisoner being force-fed: a realistic featuring of force-feeding. Force-feeding started in the Autumn of 1909 to keep hunger striking females in prison. The first suffragette hunger strikes dated from early summer 1909. From the start force-feeding was opposed by many British whatever their opinion on women’s vote, even if, by 1910, a majority of the population supported women’s vote. All over Europe, famous people and organisations claimed the British government was legally torturing British suffragettes. By 1913, force-feeding was repealed; a new act nicknamed the “Cat and Mouse Act” was passed that made prison authorities release hunger-striking females under the condition that they would come back to prison once better. None ever came back, as far as historians know.
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Title 6. “Is this right?”, Artists’ Suffrage League, 1910, UK.
Caption The older man is carrying a shopping basket and is protected thanks to the franchise. In 1910, two general elections were successively organised by the Liberals who remained the majority or almost majority the second time. The bone of contention from the Lords was the liberal budget, called the people’s budget, that introduced some protection to old age people while still denying women the franchise. Starving female wages and fewer female job opportunities are emphasized as the younger woman is carrying a work basket and cannot afford to stay at home despite the make-belief ideology of domesticity: she urgently needs to find some work, whatever.
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Title 7. How the law “protects the widow”, Suffrage Atelier, 1909, UK.
Caption How women, here mothers and wives, are played false: they cannot claim money from fathers/ husbands who do not have to support their wives and children, whereas women “must” maintain their children.
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References

Electronic reference

Myriam Boussahba, “La citoyenneté des Anglaises, 1850-1914. À la conquête de l’opinion publique”Revue Française de Civilisation Britannique [Online], XXX-1 | 2025, Online since 13 January 2025, connection on 20 April 2025. URL: http://journals.openedition.org/rfcb/13284; DOI: https://doi.org/10.4000/133dj

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Myriam Boussahba

Professeure à l’ULHN (GRIC-UR 4314), Myriam Boussahba poursuit sa recherche en histoire du genre au XIXe britannique sur les questions de citoyenneté, nationale, impériale, postcoloniale dont Les Frontières de la citoyenneté (codir. PU Rennes, 2024). Après Suffrage Outside Suffragism. 1880-1914 (dir., Palgrave, 2007), elle a été conseillère historique pour le documentaire “Les suffragettes : ni paillassons ni prostituées ” (Dominici, 2012, Youtube) et a codirigé Women in International Exhibitions 1876-1937 (Routledge, 2018).

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