- 1 Une description des principaux modèles théoriques de l’apprentissage autorégulé est proposée par C (...)
1Les trente dernières années ont vu se développer la reconnaissance du rôle des habiletés à l’autorégulation de l’apprentissage dans la réussite scolaire (Berger & Büchel, 2013 ; Boekaerts, 1996 ; Cartier & Mottier Lopez, 2017 ; Corno & Mandinach, 1983 ; Cosnefroy, 2011 ; Pintrich, 2000 ; Zimmerman, 2000). Divers modèles théoriques1, fondés principalement sur la théorie sociocognitive, offrent une description de ces habiletés souvent via des taxonomies (Boekaerts, Pintrich & Zeidner, 2000 ; Schunk & Greene, 2018 ; Zimmerman & Schunk, 2011). Alors que les recherches réalisées durant les années 1970 et 1980 portaient de manière distincte sur les aspects métacognitifs de l’apprentissage ou sur ses aspects motivationnels, les théories de l’apprentissage autorégulé ont offert une perspective plus compréhensive de la façon dont les apprenants autorégulent non seulement leurs stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives, mais aussi leurs croyances motivationnelles, leur gestion du contexte d’apprentissage ainsi que de leur comportement (Berger & Büchel, 2012 ; Pintrich, 2000 ; Wolters, Pintrich & Karabenick, 2005). L’autorégulation de l’apprentissage, qui peut être définie comme la façon dont l’apprenant évalue, contrôle et ajuste ses processus de pensée et comportements dans les situations d’apprentissage, se développe de l’enfance à l’âge adulte, voire même plus tard. L’adolescence représente une période critique dans l’acquisition de stratégies (Borkowski, Carr & Pressley, 1987 ; Zimmerman, 2000), car c’est à cette étape du développement que les élèves sont appelés à prendre en charge leurs apprentissages, en d’autres termes à devenir des apprenants qui étudient de manière indépendante. Le travail scolaire à fournir à domicile est de plus en plus conséquent, de ce fait les élèves doivent structurer, planifier et guider leur étude à domicile par eux-mêmes. Pour ce faire, ils ont besoin de stratégies d’autorégulation cognitive, mais aussi motivationnelle. Ce travail à domicile représente en effet un certain coût psychologique (Eccles, 2005), car des activités alternatives plus intéressantes existent ; l’élève doit ainsi apprendre à différer une gratification immédiate, par exemple le plaisir de se divertir grâce à une console de jeux vidéo, afin de consacrer le temps nécessaire aux études (Bembenutty & Karabenick, 2004). Alors que la nécessité d’autoréguler sa motivation s’accroît, l’adolescence constitue une période de déclin avéré de la motivation à apprendre, dû entre autres aux modifications du contexte d’apprentissage lors des transitions du primaire au collège puis au lycée (Gurtner, Gulfi, Monnard et al., 2006 ; Maehr & Midgley, 1996 ; Otis, Grouzet & Pelletier, 2005). Cette détérioration se reflète dans une progression de la tendance à la procrastination (Ziegler & Opdenakker, 2018), bien que les recherches soient rares sur ce point. Ceci implique que les élèves ont besoin de trouver, malgré ces difficultés d’ordre motivationnel, des stratégies leur permettant de « se mettre au travail et y rester » selon la formule de Cosnefroy (2010a). En effet, l’application de stratégies d’apprentissage telles que les stratégies de répétition ou d’élaboration ne suffisent pas à garantir l’apprentissage, comme l’écrivait déjà Dansereau (1978) : même si les stratégies d’un élève sont perfectionnées, nombreuses et variées, leur impact ne sera optimal qu’à la condition que l’environnement psychologique de l’élève, notamment ses croyances motivationnelles et ses stratégies d’autorégulation de la motivation, soit adéquat. Par conséquent, des stratégies que Dansereau (1978) nomme « stratégies de soutien » – aujourd’hui désignées stratégies d’autorégulation de la motivation – sont nécessaires pour aider l’élève à développer et maintenir un état interne favorable à l’apprentissage, ce qui permet une utilisation efficiente des stratégies d’apprentissage. Ces stratégies de soutien incluraient la fixation d’objectifs, la gestion de la concentration ainsi que le guidage et le diagnostic de l’apprentissage (Dansereau, 1978).
2Pour traiter du sujet de la motivation à l’adolescence de manière scientifique, soit en s’appuyant sur la psychologie de la motivation, une distinction fondamentale s’impose : suivant les travaux de Heckhausen et Kuhl (1985), la motivation est considérée comme un processus constitué de deux phases. La première phase concerne les intentions d’action, phase lors de laquelle l’individu évalue la valeur subjective de la tâche (par exemple son intérêt ou son utilité) qu’il doit réaliser ou qu’il envisage de réaliser ainsi que ses attentes de succès. Cela permet la formation d’une intention d’action, ce qui est désigné par le terme de « motivation » selon Heckhausen et Kuhl (1985). Cette phase dite « prédécisionnelle » a été décrite par nombre de théories de la motivation à apprendre telles que la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000), la théorie Expectancy-Value (Eccles, 2009) ou la théorie des buts de compétence (Fenouillet, 2012 ; Maehr & Zusho, 2009). Tous ces modèles ont décomposé les intentions formées par l’élève et cherché à comprendre les antécédents et les conséquences de ces intentions. Ils ne décrivent toutefois qu’une part de la motivation à apprendre. En effet, une intention ne constitue que la projection d’un but à atteindre, intention qui peut se voir concrétiser par un plan d’action et son application ou qui peut rester à l’état d’intention. Autrement dit, toutes les intentions d’apprentissage ne sont pas traduites en actions, loin de là. Ainsi, une seconde phase, dite « post-décisionnelle » se déroule une fois que l’individu a formé une intention et qu’il s’est engagé dans la réalisation de la tâche selon un plan d’action plus ou moins défini. Il s’agit alors de maintenir, soutenir, voire de renforcer l’intention formée afin de mener à terme cette réalisation. Autrement dit, des processus dits volitionnels entrent alors en jeu. Lors de cette phase, des stratégies d’autorégulation de la motivation, aussi nommées « stratégies de contrôle de l’action » ou « stratégies volitionnelles » (Cosnefroy, 2016), sont employées.
3Tant la motivation à apprendre que la capacité d’autoréguler cette motivation, soit les aspects volitionnels, sont significativement associées à la réussite scolaire. En effet, selon la méta-analyse réalisée par Hattie (2009), la motivation à apprendre est liée à la performance par un effet de taille d = 0,48 (analyse impliquant 327 études). Pour la concentration et la persistance, cet effet est également de d = 0,48 (146 études). En termes de stratégies d’autorégulation, si les études indiquent que leur utilisation est positivement associée à la réussite scolaire (Hattie, 2009 ; Pintrich, Marx & Boyle, 1993 ; Sitzmann & Ely, 2011 ; Zimmerman & Martinez-Pons, 1988), les informations quant aux liens entre les stratégies d’autorégulation de la motivation et la performance sont encore lacunaires : les recherches ne se sont encore qu’insuffisamment penchées sur les associations de ses stratégies aux indicateurs de la motivation, de l’engagement ou de la performance (Wolters, Benzon & Arroyo-Giner, 2011 ; voir Schneider & Preckel, 2017 pour une synthèse de ces associations dans l’enseignement supérieur). Selon l’étude conduite par Engelschack, Steuer et Dresel (2017), les notes scolaires sont liées à la perception d’être en mesure d’autoréguler sa motivation ainsi qu’à la qualité de l’autorégulation motivationnelle (soit la perception d’utiliser de manière efficace les stratégies), mais pas à la quantité de stratégies employées. D’après les résultats de Smit, de Brabander, Boekaerts et alii (2017), aucune corrélation significative n’est observée entre le rapport sur l’utilisation des stratégies et les notes scolaires. Une autre étude auprès d’étudiants universitaires conclut à un lien significatif entre le recours global à des stratégies d’autorégulation de la motivation et les résultats obtenus à l’examen d’un cours (Baillet, Dony, Houart et al., 2016). Finalement, les études de Schwinger (Schwinger & Steinsmeier-Pelster, 2012 ; Schwinger, Steinmayr & Spinath, 2009) révèlent que la mobilisation de stratégies d’autorégulation de la motivation est modestement mais significativement associée au rendement scolaire et que cette association est médiée par la quantité d’effort produit. En bref, les études indiquent une association non significative à faiblement positive entre le recours à des stratégies d’autorégulation de la motivation et le rendement mesuré par les notes scolaires.
4Les recherches portant sur la façon dont les apprenants évaluent, contrôlent et ajustent leur motivation sont de plus en plus nombreuses et influentes. Elles constituent ainsi un thème dont la reconnaissance est croissante dans la littérature scientifique anglophone (Miele & Scholer, 2018 ; Wolters, 2011). En contraste, elles sont encore peu nombreuses dans le monde de la recherche francophone (pour des exceptions, voir Broonen, 2007 ; Cosnefroy, 2010a, 2010b, 2016 ; Fréchette, Legault & Brodeur, 2010 ; Pelgrims, 2013). Les stratégies d’autorégulation de la motivation présentent trois caractéristiques : a) elles sont mobilisées par l’élève de manière délibérée, b) leur fonction est de soutenir la persistance et l’effort et c) elles sont utilisées lorsque des obstacles à l’apprentissage sont rencontrés (Cosnefroy, 2016). En se fondant sur les stratégies mises en lumière principalement dans les recherches nord-américaines (Corno & Kanfer, 1993 ; Dansereau, 1978 ; Pintrich, 1999 ; Wolters, 1998), Cosnefroy (2010b) a catégorisé les stratégies d’autorégulation de la motivation en treize types, divisés en deux groupes : processus internes et processus externes. Parmi les processus internes, il distingue les stratégies selon trois fonctions : trouver des raisons pour poursuivre le travail, soutenir le sentiment d’efficacité personnelle et contrôler les émotions. Pour chacune de ces fonctions, il existerait une ou plusieurs stratégies auxquelles les élèves peuvent recourir. Parmi les processus externes, trois fonctions, soit favoriser la concentration, chercher de l’aide et gérer le temps, sont également distinguées, correspondant chacune à une stratégie (respectivement structuration de l’environnement, soutien social et planification temporelle). Dans un effort d’illustration des stratégies mobilisables en fonction des croyances motivationnelles, des coûts ressentis ainsi que des obstacles, Miele et Scholer (2018) distinguent pas moins de seize stratégies, montrant ainsi la complexité du concept d’autorégulation motivationnelle.
5Par ailleurs, Cosnefroy (2010a) s’est intéressé à la façon dont les lycéens décrivaient, en réponse à une question ouverte, leurs stratégies d’autorégulation de la motivation, en d’autres termes les outils ou « trucs » qu’ils mettaient en œuvre pour soutenir leur motivation. En comparaison à la taxonomie décrite ci-dessus, les résultats révèlent que les diverses stratégies relatives au contexte d’apprentissage apparaissent dans les écrits des élèves, tout comme six des neuf stratégies de soutien de la motivation. Finalement, aucune stratégie nouvelle n’a été identifiée.
6Les diverses stratégies d’autorégulation de la motivation sont utilisées de manière plus ou moins récurrente par les élèves. En particulier, la recension de Cosnefroy (2016) indique que le renforcement des buts de performance, autrement dit une stratégie qui s’appuie sur la motivation extrinsèque et qui consiste à imaginer les conséquences de ses efforts sur les résultats ou les notes scolaires, est celle qui ressort comme la plus mobilisée par les élèves. Au contraire, le renforcement de la motivation intrinsèque par la recherche d’un intérêt situationnel apparaît comme la moins couramment rapportée par les élèves. Ceux-ci cherchent également fréquemment à contrôler leur environnement d’apprentissage afin de soutenir leur motivation à apprendre.
7Le développement des connaissances sur l’efficacité des stratégies d’autorégulation de la motivation, ce que Boekaerts (2010) désigne par les termes « connaissances métamotivationnelles », a été analysé par Cooper et Corpus (2009). Comparant des apprenants de 7, 9, 11 et 20 ans, les résultats révèlent un accroissement des connaissances conséquent au fur et à mesure du développement. Ceci suggère que ces connaissances s’accroissent par les expériences d’apprentissage, comme c’est le cas des connaissances métacognitives (Brown, Bransford, Ferrara et al., 1983). Ainsi, un répertoire plus riche des stratégies d’autorégulation de la motivation et une mobilisation globalement plus prononcée de ces stratégies peuvent être attendus par le développement.
8Engelschalk, Steuer et Dresel (2017) ont cherché à distinguer la quantité de stratégies d’autorégulation de la motivation appliquées de la qualité de cette application, soit la perception d’utiliser de manière efficace les stratégies. Cette étude révèle que c’est l’aspect qualitatif qui explique les efforts consentis par l’étudiant, et ainsi, indirectement, ses performances. Autrement dit, la quantité d’utilisation compterait moins fortement que la qualité. Ainsi, il ne suffirait pas aux élèves d’appliquer tous azimuts des stratégies afin d’autoréguler leurs stratégies, mais il faudrait surtout que les stratégies soient appliquées de manière efficace. Ce constat rejoint les conclusions des travaux soulignant l’importance des connaissances métacognitives pour que les stratégies favorisent effectivement l’apprentissage (Brown, Bransford, Ferrara et al., 1983 ; Büchel, 2007 ; Pintrich, 2002).
9Les stratégies d’autorégulation de la motivation sont associées à la procrastination ; celle-ci peut être envisagée de deux manières. Si l’on considère la procrastination comme étant de nature principalement contextuelle, autrement dit influencée par le contexte présent de l’apprentissage, alors on peut considérer qu’elle traduit un échec de l’autorégulation, celle-ci ayant pu se réaliser par le biais du recours aux stratégies d’autorégulation de la motivation (Wolters, 2003a, 2003b). En contraste, la procrastination peut être considérée comme un trait de l’individu, autrement dit les apprenants auraient une tendance plus ou moins forte à la procrastination, tendance qui serait liée à leur personnalité (Steel, 2007). Les deux perspectives cohabitent dans la littérature ; nous considérerons la procrastination comme étant à l’interface d’un trait de l’individu et d’une manifestation contextuelle.
10Cette brève synthèse permet de conclure que les recherches n’ont que rarement fourni des informations sur le développement des stratégies d’autorégulation de la motivation durant la scolarité (Pintrich, 1999). Il est probable que les élèves développent leurs connaissances stratégiques au fur et à mesure des années scolaires, ce qui leur permet de gérer leurs apprentissages et l’augmentation de la charge de travail qui leur incombe. Ainsi, les élèves les plus expérimentés disposeraient d’un bagage stratégique plus développé. L’adolescence constitue une période clé pour étudier les stratégies d’autorégulation des élèves, car cette période voit, de manière paradoxale, un déclin de la motivation à apprendre se conjuguer avec un accroissement des attentes d’autorégulation de l’apprentissage, notamment par les devoirs à domicile et plus généralement un temps d’étude hors cours de plus en plus conséquent.
11Depuis les années 1980, les travaux de Pintrich et ses collaborateurs ont montré que l’utilisation de stratégies d’autorégulation, de types cognitif, métacognitif, motivationnel et de gestion des ressources, est significativement dépendante des croyances motivationnelles (Pintrich, Marx & Boyle, 1993 ; Berger & Karabenick, 2011), ce qui s’apparente au lien entre les phases prédécisionnelle et post-décisionnelle du modèle de Heckhausen et Kuhl (1985). Ainsi, ce sont non seulement des connaissances métacognitives qui sont nécessaires à la mise en application adéquate des stratégies d’apprentissage, mais aussi des aspects motivationnels, autrement dit une certaine motivation à apprendre et des connaissances sur la façon d’autoréguler sa motivation lorsque nécessaire. Si les recherches ont analysé comment les stratégies cognitives et métacognitives étaient dépendantes des croyances motivationnelles, elles ont par contre largement moins étudié l’articulation entre les croyances motivationnelles et l’autorégulation motivationnelle. À ce sujet, Wolters et ses collaborateurs se sont penchés sur les relations entre les croyances motivationnelles (valeur de la tâche, sentiment d’efficacité personnelle et buts de compétence) et le degré d’utilisation de stratégies d’autorégulation de la motivation (S’encourager à apprendre, Chercher un intérêt à la matière, Penser aux notes, Penser à l’utilité de la matière, Se récompenser, Aménager l’environnement) chez des adolescents de 13 à 15 ans (Wolters & Rosenthal, 2000) et chez des étudiants universitaires (Wolters & Benzon, 2013). Considérées conjointement, les deux études indiquent, par l’utilisation d’analyses de régression multiples, que a) le sentiment d’efficacité personnelle et les résultats scolaires n’ont qu’un lien faible, voire non significatif, avec la mobilisation des diverses stratégies ; b) les buts de maîtrise et de performance ainsi que la valeur de la tâche se conjuguent pour expliquer cette mobilisation (entre 17 % et 58 % de variance expliquée) ; c) il existe une certaine cohérence entre les croyances motivationnelles et les types de stratégies : à titre d’exemple, plus les buts de maîtrise sont élevés, plus les élèves s’appuient sur un discours interne d’encouragement et d’accroissement de l’intérêt pour la tâche ; d) il existe des relations plus surprenantes, notamment entre les buts de performance et l’accroissement de l’intérêt ; e) les buts de maîtrise sont associés à l’utilisation de toutes les stratégies d’autorégulation de la motivation. En somme, ces études révèlent une interdépendance entre les deux phases du processus de motivation, mais avec une cohérence seulement partielle entre les types de motivations à apprendre et les stratégies d’autorégulation de la motivation.
12Dans une étude, réalisée en Suisse, auprès de 243 apprentis de la formation professionnelle initiale fréquentant une filière à niveau d’exigences réduit, nous avons observé – grâce à l’administration de l’instrument « Questions sur l’Apprentissage » (Büchel, Berger & Kipfer, 2011) – que les buts de maîtrise, les buts d’évitement du travail et le sentiment d’efficacité personnelle prédisaient conjointement une large part de la variance (entre 49 % et 67 %) dans l’aptitude à autoréguler sa motivation, ceci tant dans des cours de français que dans des cours de mathématiques (Berger & Büchel, 2012). Toutefois, aucune information n’a été collectée quant aux stratégies spécifiquement utilisées par les élèves pour s’autoréguler.
13Des associations significatives entre motivation à apprendre et procrastination ont été relevées dans une étude auprès d’étudiants au Québec (Senécal, Koestner & Vallerand, 1995). La motivation, déclinée en sous-types selon la théorie de l’autodétermination, explique une part de variance significative dans la procrastination, au-delà des effets de l’estime de soi, de l’anxiété et de l’état dépressif. Ainsi, motivation et procrastination apparaissent comme fondamentalement interdépendantes.
14En résumé, quelques études ont mis en lumière comment et dans quelle mesure la motivation à apprendre était liée aux stratégies d’autorégulation de cette motivation, ceci en s’appuyant en particulier sur les modèles Expectancy-Value et sur le modèle des buts de compétence. Cependant, la question de la cohérence entre le type de motivation à apprendre et le type de motivation ciblé par les stratégies d’autorégulation n’a été que peu étudiée, si ce n’est par Wolters (Wolters & Benzon, 2013 ; Wolters & Rosenthal, 2000). Il en est de même pour la progression dans la mobilisation de ces stratégies au fur et à mesure des degrés scolaires, qui a été très peu si ce n’est pas explorée.
- 2 Bien que représentant théoriquement deux types de motivations extrinsèques et autonomes distinctes (...)
15Dans la présente étude, la phase initiale dans le processus de motivation est décrite en se fondant sur la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000 ; Vansteenkiste, Niemiec & Soenens, 2010). Selon cette théorie, l’engagement, dans le cas présent l’engagement dans les apprentissages scolaires, s’explique par différents types de motivations qui sont organisées sur un continuum allant d’une motivation contrôlée, qui implique qu’un certain comportement est obligé et contraint, à une motivation autonome selon laquelle ce comportement est réalisé de manière autonome et spontanée. Ces types de motivation sont catégorisés en trois classes : amotivation, motivation extrinsèque et motivation intrinsèque. L’amotivation caractérise une absence d’intention de s’engager dans les apprentissages, notamment parce que l’élève ne perçoit pas de lien entre ses actions et leurs résultats. La motivation extrinsèque se réfère à un engagement en vue de l’obtention d’un résultat qui y est associé. Cette classe de motivation est divisée en quatre sous-types. La motivation régulée de manière externe, type le moins autonome de motivation extrinsèque, caractérise un engagement sous la contrainte matérielle ou sociale : un sentiment d’obligation ou un désir d’obtention d’une récompense de la part d’une autre personne. La motivation introjectée transmet l’idée d’un engagement par pression interne ou par culpabilité. La motivation identifiée caractérise un engagement dans une tâche en vue d’atteindre des buts personnels tels que l’obtention d’un diplôme professionnel. La motivation intégrée qualifie un engagement dans une tâche stimulé par la cohérence entre la tâche et les valeurs de l’élève2. La motivation intrinsèque, troisième classe, caractérise la réalisation d’une activité pour le plaisir d’apprendre. Il peut s’agir d’éprouver du plaisir en réalisant une tâche, de rechercher un sentiment de maîtrise ou de la satisfaction de développer ses connaissances. Selon la synthèse de Sarrazin et Trouilloud (2006), aux types les plus autonomes de motivation sont associées des conséquences cognitives, affectives et comportementales positives telles qu’un engagement plus prononcé dans les tâches, des apprentissages de plus grande qualité, un traitement de l’information plus approfondi, une préférence pour des tâches qui représentent un défi, une plus grande créativité, des émotions plus positives, une image de soi scolaire plus favorable, un plus faible taux d’abandon ou encore de meilleures performances scolaires. Aux types les plus contrôlés sont, au contraire, associées des conséquences largement défavorables (Ryan & Deci, 2017 ; Vansteenkiste, Niemiec & Soenens, 2010).
- 3 Si la théorie de l’autodétermination s’intéresse aux aspects de régulation de la motivation, elle (...)
16Lier motivation et stratégies d’autorégulation permet d’analyser le processus biphasique motivationnel de manière plus exhaustive que ne le font généralement les recherches (Dörnyei, 2000 ; Garcia, McCann, Turner et al., 1998 ; Heckhausen & Kuhl, 1985) ainsi que de comprendre comment les types de motivations sont liés aux types de stratégies d’autorégulation. Ce dernier point interroge le degré de cohérence entre le type de motivation de l’élève et le type de motivation renforcé par les stratégies qu’il utilise : les élèves motivés intrinsèquement montrent-ils une préférence pour des stratégies qui renforcent ce même type de motivation ?3 C’est l’une des questions sur lesquelles nous allons nous pencher. Les liens entre motivation et autorégulation de la motivation ont été conjecturés par Wolters (2003a), qui postule que le besoin de recourir à une stratégie d’autorégulation de la motivation pourrait ne survenir que lorsque l’élève rencontre des problèmes dans son niveau de motivation, d’apprentissage ou de rendement. De plus, les élèves qui s’engagent dans une tâche avec un haut niveau de motivation pourraient ne pas se trouver confrontés à des obstacles qui interrompraient leur engagement. Ainsi, il est possible que les élèves dont les croyances motivationnelles sont les plus adaptatives recourent moins fréquemment que les autres aux stratégies en question. En bref, s’il existe probablement des liens entre les stratégies d’autorégulation de la motivation et la motivation à apprendre, ceux-ci sont sans doute complexes et encore à comprendre (Miele & Scholer, 2018).
- 4 Il est également possible que les élèves procrastinent plus fréquemment, en le faisant toutefois d (...)
- 5 L’utilisation d’un modèle d’équations structurelles offre l’avantage de modéliser toutes les relat (...)
17Considérant la problématique énoncée, la présente étude a cherché à répondre aux deux questions de recherche suivantes. Premièrement, existe-t-il des différences dans les motivations, l’utilisation des stratégies d’autorégulation de la motivation et la tendance à la procrastination en fonction des degrés scolaires ? La réponse à cette question sera élaborée à partir de l’analyse des différences – par des analyses de variance – entre élèves des quatre degrés scolaires d’un lycée. Cette question est justifiée par le peu d’éléments de connaissances disponibles sur l’évolution des stratégies d’autorégulation motivationnelle et de la tendance à la procrastination ; au contraire, la littérature abondante sur les motivations et leur évolution est abondante. Les hypothèses, fondées sur les études passées en revue ci-dessus, sont les suivantes : a) la motivation intrinsèque serait inversement liée aux degrés scolaires (Gurtner, Gulfi, Monnard et al., 2006 ; Otis, Grouzet & Pelletier, 2005) ; b) les stratégies d’autorégulation de la motivation seraient indépendantes des degrés scolaires ; c) étant donné que la charge de travail à domicile croît avec les degrés du lycée, la procrastination serait de plus en plus élevée au fur et à mesure des degrés scolaires (Ziegler & Opdenakker, 2018)4. Globalement, les différences attendues refléteraient une détérioration de la motivation intrinsèque ainsi que des difficultés croissantes à se motiver. Deuxièmement, quelles sont les relations entre les types de motivations et les stratégies d’autorégulation motivationnelle ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, des analyses par modèles d’équations structurelles (dans le cas présent il s’agit d’un modèle de cheminement) incluant les motivations ainsi que des variables de contrôle comme prédicteurs et les stratégies d’autorégulation de la motivation comme critère sont réalisées5. Nous formulons l’hypothèse générale, fondée sur les recherches passées (Wolters & Rosenthal, 2000 ; Wolters & Benzon, 2013), qu’il existerait des liens significatifs entre le type de motivation à apprendre et le type de motivation que sollicitent les élèves quand ils autorégulent leur motivation. Spécifiquement, les types de motivations extrinsèques seraient associés à la mobilisation de stratégies s’appuyant sur la motivation extrinsèque telles que penser que le travail réalisé sera sanctionné par une note. Autrement dit, une certaine cohérence est attendue. De plus, par analogie aux conclusions sur les buts de maîtrise, la motivation intrinsèque serait associée à l’utilisation de multiples stratégies. Finalement, l’amotivation serait liée à un moindre recours global aux stratégies. Le modèle intègre la procrastination comme variable de contrôle afin de dégager les effets des motivations en tenant compte des associations des variables dépendantes avec la tendance à la procrastination. Ainsi, nous reconnaissons que le recours aux stratégies est également en interdépendance avec la tendance à la procrastination.
18Ont participé à cette étude 661 adolescents fréquentant 33 classes dans un établissement scolaire (dont le diplôme, équivalent au bac littéraire ou scientifique, donne accès aux études universitaires) du canton de Genève en Suisse. Le nombre d’élèves est le plus élevé en première année (n = 222) et le plus bas en quatrième et dernière année (n = 117), ce qui s’explique par le fait qu’un certain nombre d’élèves (environ 30 % ; Petrucci & Rastoldo, 2014 ; Rastoldo, 2016) échouent ou choisissent de se réorienter généralement après une ou deux années passées dans ce type d’établissements. Ce phénomène pourrait cacher une perte d’élèves ayant des difficultés à autoréguler leur apprentissage car ces difficultés pourraient faire partie des explications de leur échec. L’échantillon est décrit dans le tableau 1.
Tableau 1. Composition de l’échantillon selon le degré scolaire, le sexe et l’âge
Degré scolaire |
Sexe |
|
Âge |
Homme |
Femme |
Information manquante |
Total |
1 |
103 |
117 |
2 |
222 |
15 ; 4 |
2 |
85 |
96 |
4 |
185 |
16 ; 5 |
3 |
61 |
75 |
1 |
137 |
17 ; 7 |
4 |
53 |
64 |
0 |
117 |
18 ; 7 |
Total |
302 |
352 |
7 |
661 |
16 ; 8 |
Note : concernant l’âge, le premier chiffre représente le nombre d’années et le second le nombre de mois.
19Les élèves ont indiqué leur sexe, âge, degré scolaire, langue maternelle et leurs dernières notes moyennes en français et en mathématiques.
- 6 Les analyses factorielles confirmatoires ainsi que les analyses par modèle d’équations structurell (...)
20Les échelles administrées, dont la validité a été examinée (Berger & Rinaldi Davinroy, 2016), sont inspirées de celles créées par Wolters (1998 ; Wolters, Pintrich & Karabenick, 2005), McCann et Turner (2004), ainsi que McCann et Garcia (2000). Les items sont prévus pour évaluer sept types de stratégies : 1) s’encourager à apprendre et se fixer des défis, 2) chercher un intérêt à la matière, 3) tourner la matière en jeu, 4) penser aux notes, 5) penser à l’utilité de la matière, 6) se promettre une récompense et 7) aménager son environnement. Les trois premières stratégies visent à accroître la motivation intrinsèque de l’élève, les trois suivantes constituent des façons de promouvoir la motivation extrinsèque et la dernière stratégie s’appuie sur le contexte d’apprentissage. Entre trois et six items par stratégies ont été formulés. Les élèves devaient se situer sur une échelle allant de 1 (jamais) à 7 (toujours). La validité des échelles de stratégies d’autorégulation de la motivation a été évaluée par une analyse factorielle confirmatoire6 qui a révélé qu’un modèle composé de six facteurs, représentant chacun un type de stratégie différent, s’ajuste correctement aux données (χ2(120) = 377,255, χ2/dl = 3,14, p < 0,001, CFI = 0,93, TLI = 91, RMSEA = 0,06, intervalles de confiance à 90 % : [0,051-0,063]). Ce modèle ne permet pas de distinguer les stratégies chercher un intérêt à la matière et tourner la matière en jeu ; par conséquent, six échelles sont retenues pour la suite des analyses. Les saturations factorielles figurent dans le tableau 2.
Tableau 2. Saturations factorielles et erreurs standards des items évaluant les stratégies d’autorégulation de la motivation
Facteurs et items |
Saturation |
ES |
S’encourager à apprendre, se fixer des défis (s’encourager chez Cosnefroy) |
Je m’encourage à apprendre autant que possible. |
0,53 |
0,05 |
Je me persuade d’exploiter au maximum mes capacités. |
0,65 |
0,06 |
Je me fixe des défis par rapport à ce que je veux apprendre. |
0,58 |
0,04 |
Aménager son environnement (structuration de l’environnement chez Cosnefroy) |
Je m’assure d’avoir aussi peu de distractions que possible. |
0,71 |
0,03 |
J’aménage mon environnement de façon à ce qu’il me soit plus facile de me concentrer sur mon travail. |
0,57 |
0,04 |
J’essaie de me débarrasser de toutes les distractions qui sont autour de moi. |
0,83 |
0,03 |
Penser aux notes (recherche de la performance et évitement de l’échec chez Cosnefroy) |
Je me rappelle combien il est important d’obtenir des bonnes notes. |
0,81 |
0,02 |
Je me convaincs de continuer à travailler en pensant aux bonnes notes que je pourrais obtenir. |
0,75 |
0,03 |
Je me répète combien il est important de bien réussir les épreuves. |
0,86 |
0,02 |
Penser à l’utilité de la matière (renforcer l’instrumentalité perçue chez Cosnefroy) |
Je pense à des situations où ce que je suis en train d’apprendre me serait utile. |
0,74 |
0,03 |
J’essaye de voir comment ce que j’apprends maintenant pourra me servir plus tard. |
0,81 |
0,03 |
Je me dis que ce que je dois apprendre me sera utile plus tard. |
0,70 |
0,03 |
Chercher un intérêt à la matière / tourner la matière en jeu (renforcer l’intérêt chez Cosnefroy) |
J’essaie de m’amuser avec la matière que je dois apprendre. |
0,73 |
0,03 |
Je rends mon travail plus plaisant en me centrant sur quelque chose que je trouve amusant dans celui-ci. |
0,78 |
0,03 |
Je pense à une façon de rendre le travail plus amusant à accomplir. |
0,88 |
0,02 |
Se promettre une récompense (se récompenser chez Cosnefroy) |
Je me promets une récompense si je fais mes devoirs jusqu’au bout. |
0,76 |
0,03 |
Je prévois de faire quelque chose que j’aime après avoir fait une certaine quantité de travail. |
0,56 |
0,03 |
Je me fixe un but sur la quantité de travail à faire et me promets une récompense si j’atteins ce but. |
0,91 |
0,02 |
Note : toutes les saturations sont significatives à p < 0,001 ; ES = erreur standard.
21La tendance à la procrastination a été mesurée par une échelle de 8 items inspirée des échelles de Tuckman (1991) et de Lay (1986), en adaptant les items au contexte de la présente recherche. Les élèves devaient se situer sur une échelle allant de 1 (pas du tout moi) à 5 (tout à fait moi). Les analyses indiquent que tous les items représentent un même trait et que toutes les saturations factorielles sont supérieures à 0,58 (Berger & Rinaldi Davinroy, 2016).
- 7 Le collège genevois désigne l’équivalent du lycée général français.
22Les items sont adaptés des échelles « Échelles de Motivation en Éducation (EME) » de Vallerand, Blais, Brière et alii (1989). Les mots « Je vais au collège7, car… » étaient suivis de 28 propositions mesurant, chacune par quatre items, sept types de motivations : trois intrinsèques (connaissance, accomplissement et stimulation), trois extrinsèques (identifiée, introjectée et régulation externe) et l’amotivation. Les élèves devaient répondre en se situant sur une échelle en sept points (1 = tout à fait faux ; 7 = tout à fait vrai). Des analyses factorielles confirmatoires ont révélé que sept facteurs pouvaient être distingués plus un facteur d’ordre supérieur saturant les trois facteurs de motivation intrinsèque. Par conséquent, nous utiliserons les dimensions suivantes : motivation intrinsèque (par exemple « j’ai du plaisir à découvrir de nouvelles choses »), motivation extrinsèque identifiée (par exemple « cela va m’aider à préparer la carrière professionnelle que j’ai choisie »), motivation extrinsèque introjectée (par exemple « réussir me permet de me sentir plus important à mes yeux »), motivation extrinsèque régulée de manière externe (par exemple « je veux un bon salaire plus tard ») et amotivation (par exemple « je ne sais pas pourquoi je vais au collège et je m’en fiche »).
23Les instruments ont été complétés en séances collectives durant une période de cours. Les enseignants étaient chargés de l’administration selon un protocole standardisé élaboré par les chercheurs. Dans ce protocole, figurait notamment la lecture avec les élèves des consignes écrites en première page du questionnaire. Ces consignes expliquaient l’importance de l’étude, la pertinence de la participation à l’étude, ainsi que l’occasion offerte de réfléchir à ses propres motivations à étudier. Une demi-heure était octroyée pour la complétion du questionnaire.
24Étant donné la nature hiérarchique des données, soit le fait que les élèves appartiennent à une certaine classe (le niveau des élèves est emboîté dans celui des classes), la variance dans les stratégies d’autorégulation de la motivation liée à la fréquentation d’une certaine classe a été évaluée par des corrélations intraclasses. Ces corrélations s’étendent de 0,007 à 0,068 et, pour cinq des six stratégies, le coefficient est inférieur à 0,03. De ce fait, nous n’avons pas recouru à des modèles multiniveaux. Dans un premier temps, des analyses de variances multivariées (MANOVA) suivies de tests post-hoc ont été réalisées afin de tester s’il existait des différences dans les variables considérées en fonction des degrés scolaires. Dans un second temps, une analyse par un modèle d’équations structurelles a permis d’observer les relations entre stratégies et motivation à apprendre, ceci en contrôlant les effets du sexe, du degré scolaire, des dernières notes moyennes et de la tendance à la procrastination.
25Le tableau 3 présente les statistiques descriptives des scores d’échelles, leurs consistances internes ainsi que les corrélations entre ces scores.
Tableau 3. Corrélations entre les variables et statistiques descriptives
|
Variable |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
8 |
9 |
10 |
11 |
12 |
1 |
Motivation intrinsèque |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2 |
M.E. identifiée |
0,26 |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
3 |
M.E. introjectée |
0,38 |
0,28 |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
4 |
M.E. régulation externe |
0,04 |
0,28 |
0,43 |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
|
|
5 |
Amotivation |
-0,34 |
-0,28 |
-0,10 |
-0,01 |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
|
6 |
Procrastination |
-0,36 |
-0,17 |
-0,23 |
-0,02 |
0,25 |
1,00 |
|
|
|
|
|
|
7 |
S’encourager, défis |
0,48 |
0,16 |
0,37 |
0,12 |
-0,17 |
-0,36 |
1,00 |
|
|
|
|
|
8 |
Aménager l’environnement |
0,24 |
0,09 |
0,23 |
0,07 |
-0,07 |
-0,28 |
0,32 |
1,00 |
|
|
|
|
9 |
Penser aux notes |
0,37 |
0,23 |
0,43 |
0,31 |
-0,15 |
-0,42 |
0,40 |
0,39 |
1,00 |
|
|
|
10 |
Penser à l’utilité |
0,39 |
0,22 |
0,30 |
0,17 |
-0,09 |
-0,32 |
0,48 |
0,20 |
0,43 |
1,00 |
|
|
11 |
Intérêt, jeu |
0,28 |
0,08 |
0,22 |
0,04 |
-0,07 |
-0,17 |
0,43 |
0,23 |
0,09 |
0,44 |
1,00 |
|
12 |
Promettre récompense |
0,14 |
0,08 |
0,22 |
0,13 |
-0,06 |
-0,10 |
0,32 |
0,23 |
0,16 |
0,16 |
0,36 |
1,00 |
|
M |
5,15 |
5,57 |
4,49 |
4,73 |
2,09 |
3,25 |
3,88 |
4,06 |
4,90 |
4,01 |
3,45 |
4,04 |
|
SD |
1,11 |
1,51 |
1,70 |
1,70 |
1,26 |
0,91 |
1,23 |
1,51 |
1,40 |
1,47 |
1,51 |
1,68 |
|
Étendue observée |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-6.5 |
1-5 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
|
Étendue possible |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-5 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
1-7 |
|
Consistance interne |
0,79 |
0,87 |
0,85 |
0,83 |
0,80 |
0,88 |
0,61 |
0,74 |
0,84 |
0,79 |
0,84 |
0,78 |
Notes : N = 661. M.E. = motivation extrinsèque. Les corrélations ≥|0,08| sont significatives à p < 0,05 ; les corrélations ≥|0,11| sont significatives à p < 0,01 ; les corrélations ≥|0,13| sont significatives à p < 0,001 (bidirectionnelle). S’encourager, défis = S’encourager à apprendre, se fixer des défis ; Penser à l’utilité = Penser à l’utilité de la matière ; Intérêt, jeu = Chercher un intérêt à la matière/Tourner la matière en jeu ; Promettre récompense = Se promettre une récompense.
26Deux analyses MANOVA indiquent d’une part un effet du degré scolaire sur les scores de types de motivation (Trace de Pillai (F15,1965) = 3,91, p < 0,001, η2p = 0,03) et d’autre part un effet du degré scolaire sur les scores aux stratégies d’autorégulation de la motivation (Trace de Pillai (F21,1950) = 4,04, p < 0,001, η2p = 0,04). Ainsi, il existe des différences significatives tant dans les types de motivation que dans le recours aux diverses stratégies en fonction du degré scolaire des élèves. Concernant la tendance à la procrastination, une ANOVA révèle des différences en fonction des degrés scolaires (F3,654) = 13,879, p < 0,001, η2p = 0,06). Les moyennes, écart-type ainsi que les résultats des ANOVAs univariées (tests F, tailles d’effet et tests post-hoc) figurent dans le tableau 4. Nous commentons ces résultats plus bas.
Tableau 4. Différences dans les types de motivation, l’utilisation des stratégies d’autorégulation de la motivation et dans la tendance à la procrastination en fonction des degrés scolaires
|
Degré scolaire |
|
|
1 |
2 |
3 |
4 |
|
|
M |
SD |
M |
SD |
M |
SD |
M |
SD |
F3,654 |
η2p |
Types de motivation |
Motivation intrinsèque |
4,66 |
1,00 |
4,55 |
0,93 |
4,50 |
0,99 |
4,68 |
1,01 |
1,131 |
– |
Motivation identifiée |
5,56 |
1,47 |
5,54 |
1,58 |
5,75 |
1,38 |
5,44 |
1,59 |
0,955 |
– |
Motivation introjectée |
4,85b |
1,62 |
4,43a,b |
1,71 |
4,28a |
1,69 |
4,13a |
1,75 |
5,922*** |
0,03 |
Motivation régulation externe |
5,10b |
1,62 |
4,88b |
1,70 |
4,41a |
1,53 |
4,16a |
1,84 |
10,405*** |
0,05 |
Amotivation |
2,12 |
1,22 |
1,93 |
1,21 |
2,06 |
1,23 |
2,29 |
1,41 |
0,106 |
– |
Stratégies d’auto régulation de la motivation |
S’encourager à apprendre, se fixer des défis |
3,98 |
1,18 |
3,83 |
1,21 |
3,84 |
1,23 |
3,81 |
1,33 |
0,792 |
– |
Aménager l’environnement |
4,03 |
1,43 |
3,95 |
1,67 |
4,27 |
1,46 |
4,01 |
1,63 |
1,138 |
– |
Penser aux notes |
5,24c |
1,27 |
4,82b |
1,39 |
4,86b |
1,37 |
4,41a |
1,55 |
9,581*** |
0,04 |
Penser à l’utilité de la matière |
4,35b |
1,35 |
3,73a |
1,52 |
3,95a |
1,49 |
3,84a |
1,50 |
6,965*** |
0,03 |
Chercher un intérêt à la matière/ Tourner la matière en jeu |
3,69 |
1,41 |
3,29 |
1,62 |
3,36 |
1,51 |
3,36 |
1,47 |
2,822* |
0,01 |
Se promettre une récompense |
4,07 |
1,56 |
3,93 |
1,75 |
4,01 |
1,74 |
4,21 |
1,71 |
0,767 |
– |
Procrastination |
Tendance à la procrastination |
2,98a |
0,79 |
3,35b |
0,90 |
3,25b |
0,98 |
3,61c |
0,92 |
13,879*** |
0,06 |
Notes : degré 1 : n = 222 ; degré 2 : n = 184 ; degré 3 : n = 136 ; degré 4 : n = 116. N = 658. * : p ≤ 0,05 ; ** : p ≤ 0,01 ; *** : p ≤ 0,001. Post-hoc selon la procédure de Tukey’s B. Des lettres différentes signifient que les moyennes sont statistiquement différentes. η2p = êta carré partiel, soit la taille de l’effet en termes de pourcentage de variance expliquée par le degré scolaire.
27Ces relations ont été analysées par un modèle d’équations structurelles incluant les types de motivation à apprendre en tant que prédicteurs, les stratégies d’autorégulation de la motivation en tant que critères et trois variables de contrôle (degré scolaire, dernières notes moyennes et procrastination). Les coefficients bêta du modèle final figurent dans le tableau 5. L’adéquation du modèle aux données est bonne : Χ2(28) = 26,69, p = 0,38. Nous observons de multiples effets statistiques significatifs, que nous interprétons dans la section suivante.
Tableau 5. Résultats du modèle d’équations structurelles
Prédicteurs |
Promotion de la motivation intrinsèque |
Promotion de la motivation extrinsèque |
Autorégulation du contexte |
S’encourager à apprendre |
Chercher un intérêt à la matière |
Penser aux notes |
Penser à l’utilité de la matière |
Se récompenser |
Aménager l’environnement |
Degré scolaire |
– |
– |
– |
– |
– |
0,15a |
Notes |
– |
– |
-0,08c |
-0,11b |
– |
– |
Procrastination |
-0,21a |
– |
-0,35a |
-0,19a |
– |
-0,31a |
Motivation intrinsèque |
0,46a |
0,26a |
0,20a |
0,42a |
– |
– |
Motivation identifiée |
– |
– |
– |
0,11b |
– |
– |
Motivation introjectée |
0,25a |
0,14c |
0,19b |
– |
0,28a |
0,24a |
Motivation régulation externe |
– |
– |
0,24a |
0,14b |
– |
– |
Amotivation |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
R2 |
0,54 |
0,12 |
0,46 |
0,33 |
0,08 |
0,19 |
Notes : a : p ≤ 0,05 ; b : p ≤ 0,01 ; c : p ≤ 0,001 ; N = 661. La variable sexe ne prédit aucun critère.
28L’étude avait pour ambition d’analyser divers aspects liés aux motivations à apprendre des adolescents en lycée. D’une part, les différences dans les motivations à apprendre, dans l’utilisation autorapportée des stratégies d’autorégulation de la motivation et dans la tendance à la procrastination ont été testées en fonction des degrés scolaires. D’autre part, les relations entre les motivations à apprendre et les stratégies de l’autorégulation de cette motivation ont été évaluées en contrôlant les effets de plusieurs variables pertinentes.
29Les trois hypothèses suivantes étaient formulées : a) la motivation intrinsèque serait inversement liée aux degrés scolaires ; b) les stratégies d’autorégulation de la motivation seraient indépendantes des degrés scolaires ; c) la procrastination serait de plus en plus élevée au fur et à mesure des degrés scolaires. Seule la troisième est confirmée par les résultats des analyses.
30Au contraire de l’hypothèse a), aucune différence dans la motivation intrinsèque n’est constatée. Toutefois, les motivations extrinsèques introjectée et par régulation externe sont significativement plus basses dans les deux derniers degrés scolaires. Cela signifie que les élèves en fin de cursus présentent un profil motivationnel plus favorable. En effet, ils étudient moins pour cause de pressions, qu’elles soient internes ou externes.
31Concernant l’hypothèse b), sur les six types de stratégies d’autorégulation de la motivation, trois (penser aux notes, penser à l’utilité de la matière et chercher un intérêt à la matière/tourner la matière en jeu) montrent des différences d’utilisation selon les degrés scolaires. Les élèves rapportent utiliser la stratégie penser aux notes de moins en moins fréquemment entre les degrés scolaires 1 à 4, même si aucune différence n’est constatée entre les degrés scolaires 2 et 3. La stratégie penser à l’utilité est significativement plus utilisée en 1re année que par la suite. La stratégie chercher un intérêt à la matière diminue significativement, mais faiblement. Il apparaît ainsi que les élèves de première année recourent plus fortement aux stratégies que ne le font les élèves des degrés scolaires suivants. Dans le même temps, la tendance à la procrastination augmente significativement entre les degrés scolaires 1 et 4 avec un plateau aux degrés scolaires 2 et 3. Conjointement, ces résultats indiquent que si les élèves tendent à la procrastination de plus en plus fortement, ils ne mobilisent pas sensiblement plus de stratégies au fur et à mesure des degrés scolaires. Autrement dit, face à une plus forte tendance à reporter leurs travaux scolaires au lendemain, ils ne mettent pas en place des facilitateurs pour autant. Si l’on conjugue ces conclusions avec la tendance à une détérioration de la motivation à apprendre au cours des années de scolarité, l’on obtient un portrait peu flatteur qui révèle un défi pour les enseignants.
32Les élèves tendent à recourir plus fortement aux stratégies qui promeuvent leur motivation extrinsèque qu’aux stratégies qui viennent en appui de leur motivation intrinsèque. Cela suggère que pour se mettre au travail et persévérer, les élèves estiment que se référer aux notes, chercher l’utilité de la tâche ou encore s’imaginer une récompense sont des stratégies qui les aident à réaliser leur travail scolaire. Chercher un intérêt ou s’encourager à apprendre sont des stratégies jugées moins efficaces, car moins utilisées, du moins sur le court terme, ce qui corrobore les résultats de Cosnefroy (2010a).
33Finalement, l’hypothèse c) est confirmée par les données qui montrent un accroissement de la tendance à la procrastination entre le premier et le quatrième degré scolaire. Cet effet est plus conséquent que ceux observés concernant les types de motivation et les stratégies d’autorégulation de la motivation. Ces différences entre degrés scolaires reflètent probablement l’augmentation de la charge de travail, mais elles sont peut-être aussi dues à la diminution de la motivation introjectée étant donné la corrélation négative observée entre ces deux variables.
34Ainsi, globalement, les différences observées sont mitigées : si les types de motivation présentent des améliorations, ce n’est pas le cas pour les stratégies d’autorégulation de la motivation ou pour la tendance à la procrastination. Il est bien entendu nécessaire de tenir compte du fait qu’avec l’avancement des degrés scolaires, un certain nombre d’élèves quittent la filière du lycée pour cause de résultats scolaires insuffisants ; ce sont potentiellement des élèves qui souffrent également de difficultés motivationnelles.
35Nous avions formulé l’hypothèse générale que des liens significatifs existeraient entre le type de motivation à apprendre et le type de motivation que sollicitent les élèves quand ils autorégulent leur motivation. De plus, la motivation intrinsèque serait associée à l’utilisation de multiples stratégies (Wolters & Benzon, 2013), stratégies s’appuyant tant sur la motivation intrinsèque qu’extrinsèque. Finalement, l’amotivation serait liée à un moindre recours global aux stratégies. À nouveau, nos hypothèses ne sont que partiellement confirmées.
36Les résultats des analyses par équations structurelles révèlent que le sexe et les notes scolaires n’expliquent qu’une part très faible de la variance dans l’utilisation des diverses stratégies. Ceci confirme que les stratégies d’autorégulation de la motivation ne sont que faiblement associées aux performances scolaires mesurées par les dernières notes moyennes (Smit, de Brabander, Boekaerts et al., 2017). La tendance à la procrastination est un prédicteur plus conséquent que les performances scolaires, ceci pour chacune des stratégies à l’exception de chercher un intérêt et se promettre une récompense. Ainsi, plus forte est la tendance à la procrastination et moins fort est le recours à des stratégies d’autorégulation de la motivation. Il n’est pas possible d’affirmer un lien causal, autrement dit de savoir si une plus forte procrastination se manifeste par le fait de ne pas mobiliser les stratégies en question (Howell & Watson, 2007 ; Wolters, Won & Hussain, 2017), comme nous l’avons conjecturé dans la présente étude ou si le manque de recours aux stratégies aboutit à une plus forte procrastination, ce qui semblerait également une explication raisonnable (Wolters, 2003b). Quoi qu’il en soit, les observations qui suivent tiennent compte de cet effet statistique de la procrastination sur les stratégies d’autorégulation motivationnelle pour isoler l’effet statistique des types de motivations à apprendre.
37Les effets des cinq types de motivation sont relativement conséquents. En effet, la motivation intrinsèque est significativement associée à l’utilisation de tous les types de stratégies, à l’exception des stratégies consistant à se promettre une récompense et à aménager l’environnement. Autrement dit, les élèves les plus intrinsèquement motivés recourent à des stratégies qui s’appuient également sur leur motivation extrinsèque si cela semble nécessaire pour mener à terme leur activité d’apprentissage. Cela signifie que les élèves intéressés par les cours recourent à une plus large palette de stratégies pour autoréguler leur motivation : non seulement peuvent-ils s’appuyer sur le renforcement de la motivation intrinsèque en utilisant les stratégies s’encourager à apprendre et chercher un intérêt à la matière, mais ils peuvent aussi s’efforcer de renforcer leur motivation extrinsèque par les stratégies penser aux notes et penser à l’utilité de la matière. Ce constat réplique les résultats de recherches telles que celles de Wolters et Benzon (2013) ou Smit, de Brabander, Boekaerts et alii (2017). Plus généralement, cela corrobore la relation mainte fois observée entre les motivations intrinsèques et la tendance à l’autorégulation de l’apprentissage (Berger & Büchel, 2012).
38Parmi les motivations extrinsèques, c’est la motivation introjectée, soit un engagement par pression interne ou par culpabilité de ne pas effectuer une tâche, qui joue le rôle le plus important. Elle est associée à tous les types de stratégies considérés à l’exception de penser à l’utilité de la matière. Ainsi, il semble que cette motivation joue un rôle plus important que les autres types de motivations extrinsèques (identifiée et régulation externe). Ceci pourrait s’expliquer par le type d’élèves ayant participé à l’étude. Ces élèves fréquentent la filière la plus sélective en ce qu’elle donne accès aux études universitaires. Ils ont généralement obtenu des résultats scolaires de bon niveau dans leur parcours scolaire. S’étant forgé une habitude d’étudier et de satisfaire aux exigences scolaires, ces élèves pourraient s’appuyer sur ces forces pour autoréguler leur motivation si nécessaire. La perspective relativement lointaine de leur avenir formatif et professionnel (motivation extrinsèque identifiée), en contraste, pourrait ne pas constituer un appui significatif pour se motiver quand les tâches sont jugées ennuyeuses ou difficiles.
39Les élèves qui sont le plus motivés par régulation externe, soit un engagement sous la contrainte matérielle ou sociale qui se traduit par un sentiment d’obligation ou de désir d’obtention d’une récompense, tendent à utiliser plus fréquemment la stratégie penser aux notes, qui est aussi la stratégie que les élèves disent globalement utiliser le plus fréquemment. Une cohérence théorique est constatée. Dans le cadre scolaire, la motivation extrinsèque par régulation externe est avant tout symbolisée par le caractère contrôlant des notes scolaires (Covington, 2000), ainsi est-il compréhensible que les élèves cherchent à se motiver en pensant aux résultats quand ils ont besoin de soutenir leur motivation. Dans ce cas de figure, motivation à apprendre et autorégulation de cette motivation pourraient se renforcer mutuellement.
40Finalement, l’amotivation n’est liée à aucune stratégie, que ce soit positivement ou négativement. Ainsi, ce type de motivation n’est ni initiatrice ni obstacle dans l’autorégulation motivationnelle. Il semble que les élèves amotivés n’aient tout simplement pas de préférence pour une façon ou une autre de se mettre au travail. Nous attendions un effet négatif de l’amotivation, en postulant que plus l’amotivation est présente et moins les élèves s’évertuent à autoréguler leurs efforts. L’absence d’effet statistiquement significatif pourrait s’expliquer par le fait que les élèves amotivés n’étudient simplement pas ou très peu ; ainsi, ils n’auraient pas besoin d’autoréguler leur motivation. La corrélation positive entre la tendance à la procrastination et amotivation soutiendrait cette hypothèse explicative.
41Globalement, les modèles testés expliquent entre 5 % et 36 % de la variance dans l’utilisation des diverses stratégies. La stratégie se récompenser est celle dont la variance est la moins expliquée ; autrement dit, elle serait la moins dépendante de la motivation à apprendre. Ainsi est-il légitime de se demander quels prédicteurs supplémentaires permettraient d’expliquer une part additionnelle de variance. Nous pensons notamment aux connaissances métamotivationnelles ou aux perceptions d’utilité des stratégies (Cooper & Corpus, 2009 ; Karabenick, Berger, Ruzek et al., 2021). Le rôle de ces variables pourrait être exploré dans de futurs travaux sur l’autorégulation de la motivation.
42Les résultats sont à comprendre en considérant diverses limites. Premièrement, un établissement unique a été considéré et de ce fait des élèves d’une même aire géographique et potentiellement d’un niveau socio-économique relativement homogène. Deuxièmement, le plan de recherche transversal ne permet pas de parler d’évolution de la motivation au niveau individuel, mais uniquement de différences entre cohortes de degrés scolaires consécutifs. De plus, aucune inférence sur une relation causale n’est envisageable. Finalement, la composition des groupes par degré scolaire peut être biaisée par le fait qu’il s’agit d’une sélection de plus en plus forte d’élèves dont ceux qui ont les motivations intrinsèques, identifiée ou introjectée les moins élevées pourraient ne pas être présents dans les degrés scolaires les plus avancés.
43En vue de futures recherches, plusieurs pistes nous semblent prometteuses. D’abord, une compréhension plus fine des conditions d’utilisation des stratégies d’autorégulation de la motivation, grâce à des entrevues ou des mises en situation, voire la présentation de scénarios, apporterait des compléments aux études réalisées par questionnaire. Ensuite, en complément de l’analyse des stratégies comme des entités indépendantes les unes des autres, il serait pertinent de les considérer dans leurs combinaisons, soit en dégageant des profils d’élèves définis à partir des stratégies qu’ils rapportent utiliser le plus fréquemment. Ceci pourrait offrir une perspective complémentaire à celle adoptée dans la présente étude.
44Au-delà de l’analyse de la mobilisation des stratégies d’autorégulation motivationnelle, il nous paraît pertinent de développer un programme de recherche s’intéressant aux connaissances sur les stratégies motivationnelles (Boekaerts, 2010 ; Cooper & Corpus, 2009), par analogie aux connaissances métacognitives sur les stratégies cognitives (Pintrich, 2002). En effet, développer les stratégies motivationnelles demande de travailler sur la connaissance de celles-ci, sur leurs conditions d’application ou encore sur leur pertinence en fonction des situations. Une compréhension approfondie de ces connaissances pourrait constituer le fondement de leur intégration aux pratiques d’enseignement.
45Par ailleurs, étant donné le constat du taux conséquent d’élèves qui ne parviennent pas à poursuivre leur formation au collège dans le canton de Genève (Petrucci & Rastoldo, 2014 ; Rastoldo, 2016), un suivi longitudinal relatif aux motivations à apprendre, à la tendance à la procrastination et aux stratégies d’autorégulation de la motivation des élèves débutant une telle formation nous semblerait pertinent. Ce suivi, conjugué à la description des conditions pouvant soutenir ou, au contraire, détériorer les aspects motivationnels, pourrait révéler un profil motivationnel spécifique et des pistes pour, le cas échéant, diminuer le taux d’élèves concernés.
46Les résultats de la présente étude, de par leur perspective multiple sur le thème de la motivation, viennent ainsi compléter notre connaissance de la motivation à apprendre à l’adolescence. Le champ de recherche sur l’autorégulation motivationnelle et les stratégies mobilisées pour ce faire est encore jeune. La poursuite de recherches pourrait permettre à terme d’intégrer le développement de ces stratégies dans l’enseignement afin que les élèves puissent soutenir leur apprentissage de la manière la plus efficace possible.