1La question du changement climatique n’est pas récente et constitue un objet d’études depuis plus d’une vingtaine d’années. Si d’un point de vue scientifique, elle apparait dans les années 80 comme un objet de recherche, elle n’est considérée comme problème public qu’à partir des années 2000, après une prise de conscience plus importante induite par les traités et les conférences nationales et internationales au cours des années 90. Les controverses qui alimentent la presse durant la première période de ce millénaire sont essentiellement partisanes (Cihan Akuyt et al., 2012) et portent sur les aspects scientifiques en lien avec la légitimité des acteurs et leurs résultats. Si la canicule de 2003 est le phénomène « déclencheur » pour faire émerger dans l’espace public les préoccupations du climat et de son évolution, les événements météorologiques ne sont pas les seules causes : l’institutionnalisation d’un journalisme plus impliqué dédié à l’environnement (Comby, 2015) participera à une plus grande vulgarisation et sensibilisation à travers notamment les médias. En effet, les questions climatiques et d’environnement se réduisent auparavant à leurs simples occurrences sans réelle contextualisation (Nedjar, 2000).
2La question du climat nécessite une compréhension assez large du phénomène de la part des vulgarisateurs permettant de contextualiser les événements et d’en repérer les impacts sur les individus et leur environnement. Or, sujet difficile et complexe à identifier, cette thématique rencontre de nombreux freins à la compréhension du phénomène par les individus : le climatoscepticisme dont les médias ont relayé à un moment donné leurs discours, la perception que les changements climatiques sont lointains en temps et en espace, la technicité et l’inaccessibilité du discours entourant le changement climatique, la perception de l’absence de corrélation immédiate entre le quotidien des gens et ces changements (Bonnemains, 2016). Fort de ces constats, les médias ont évolué vers des changements dans la transmission des événements qui en relèvent : une plus grande attention aux impacts du changement climatique par ces derniers ont permis de transformer un concept un peu abstrait en un phénomène plus perceptible et compréhensible pour le grand public.
3Le passage d’un concept lointain et international à un concept local et observable installe l’idée que le changement climatique devient dorénavant visible. Le transfert du global au local dont les médias ont pu se saisir participe au questionnement sur la place du citoyen dans les actions de lutte contre le dérèglement climatique. Ceci est d’autant plus vrai que les médias régionaux ou locaux, par la loi de proximité, proposent une information sensée être au plus près de leur public, s’inscrivant dans un contrat de lecture (Véron, 1985) que le journal construit avec son lecteur et/ou téléspectateur. Or, la presse régionale a très peu fait l’objet d’étude sur cette question malgré le fait que la représentation du changement climatique soit devenue « observable » sur le plan local. Les travaux de Gassiat et Verger (2016) sur la presse du sud-ouest de 1995 à 2010 montrent que le traitement du changement climatique ne diffère pas vraiment des médias nationaux en se positionnant sur un plan international avant de proposer une couverture locale plus associée aux dérèglements météorologiques ou aux événements extrêmes. Si des impacts du changement climatique ont été notifiés dans la presse locale, les auteurs montrent que ceux-ci reposent sur une sensibilisation alarmiste liée à l’augmentation de la température. Cette couverture médiatique qui repose sur l’international et plus axée sur les événements a montré la spécificité française sur ce type de traitement en comparaison avec les médias américains (Brossard, Shanahan et McComas, 2004) pour ne citer que cet exemple. Juxtaposition d’événements sans contexte, les médias, comme le souligne Ballarini agissent « en détournant le regard de la profondeur et de la diversité de la société pour l’attirer sur une construction des rapports sociaux simplifiée à l’extrême ». L’auteur rajoute plus loin : « il apparaît au final que la presse régionale joue un rôle de diversion » (Ballarini, 2008). Or, la presse a pour fonction, selon Marty, « de concourir à l’alimentation du débat démocratique, en jouant pour les citoyens un rôle d’outil d’appréhension de la vie sociale. La PQR occupe dans ce contexte une place particulière, en ce qu’elle constitue le lieu de cristallisation des expressions politiques locales dans des territoires relativement bien circonscrits, qui sont ceux de leurs lectorats » (Marty, 2015). L’analyse de la construction publique du changement climatique dans les territoires d’outre-mer est inexistante dans la littérature scientifique. Les seuls travaux de Lammel sur l’analyse des représentations des habitants sur les territoires de Guyanne et de Nouvelle-Calédonie montrent que ce sont les populations urbaines avec une pensée plutôt analytique, sans véritable expérience climatique, qui seront les plus vulnérables cognitivement, en comparaison avec les populations autochtones (Lammel et al., 2012). Les représentations du changement climatique dépendent du rapport à la nature en lien avec leur lieu d’habitat et leurs perceptions culturelles : « les habitants de Nouvelle Calédonie et de Guyane française, même s’ils disent s’imaginer de façon très floue le futur face au changement climatique, disposent d’une orientation temporelle continue, entre le passé, le présent et le futur qui leur permet de penser les événements dans une échelle intergénérationnelle » (Pacteau et Lammel, 2013).
4En Nouvelle-Calédonie, territoire français situé à 16 000 km de la métropole, la singularité de l’environnement historique (passé colonial), géographique (isolement de nombreux territoires, diversité des climats, insularité), politique (diversité des statuts institutionnels), économique (inégalités de développement) et social (sociétés multiculturelles) constitue des éléments de réflexion venant enrichir les questionnements liés à la transmission et la sensibilisation des questions liées au territoire et à l’environnement plus particulièrement. Dans les régions insulaires du Pacifique, les impacts sur la biodiversité et le niveau des eaux pour certaines îles ont attiré l’attention de médias spécialisés (magazines Géo ou National Geographic) et de manière ponctuelle les médias généralistes en métropole : les îles du Vanuatu, de Kiribati ou de Samoa, ont ainsi fait l’objet d’un traitement médiatique spécifique lorsque l’actualité politique s’y prêtait par le biais des réunions des pays du Pacifique ou des sommets sur le climat. Les effets du changement climatique sur ces territoires ont été soulignés dans les recherches scientifiques, voire vulgarisés dans un but pédagogique pour les communautés concernées.
5Parmi les populations les plus exposées à ces dérèglements, à court, moyen et long termes, les plus vulnérables sont sans aucun doute les populations autochtones, et plus généralement les sociétés traditionnelles. Les savoirs et les savoir-faire locaux sont de plus en plus mobilisés dans les programmes de développement et de conservation au nom de leur importance pour la préservation de certains écosystèmes comme le montrent des travaux de l’IRD (IRD, 2015). Le Vanuatu a ainsi été l’un des premiers pays à compter « ses premiers réfugiés climatiques » sur la scène internationale. Ces populations exposées principalement à cause de leurs implantations sur les côtes littorales focalisent de plus en plus l’attention des gouvernements pour une sensibilisation internationale de ces savoirs traditionnels. En effet, un certain nombre de recherches situées dans le Pacifique inscrivent leurs travaux dans les problématiques du changement climatique.
6L’évolution de la construction médiatique du changement climatique en métropole, nous amène ainsi à nous interroger sur la manière dont la presse quotidienne locale concourt à privilégier ou au contraire à minorer, dans l’espace public, certains enjeux et facettes du changement climatique d’une part et à questionner le lien entre diversité culturelle des publics et changement climatique d’autre part.
7Les médias calédoniens sont peu nombreux puisque seules deux chaînes de télévision co-existent : l’une – NC la 1re – appartenant au groupe France Télévisions déclinée sur le territoire et l’autre Calédonia, chaîne privée en adéquation avec les attentes des populations autchotones kanak mais dont la pauvreté des articles sur le site web ne nous a pas permis de prendre en compte cette dernière dans notre recherche. Ceci est d’autant plus justifié par l’audience plus faible de cette deuxième chaîne dans le paysage médiatique calédonien.
8Concernant les médias de presse écrite, ils se limitent principalement au journal quotidien payant Les Nouvelles Calédoniennes (LNC), bien connu des habitants, et dont le contenu de l’information très ancrée sur le territoire marque une relation de proximité très forte avec les lecteurs. Les autres journaux : l’un gratuit (Demain Nouvelle-Calédonie) et l’autre satirique et payant (Le chien bleu) sont de faible audience et accessibles dans leur format papier de manière irrégulière et aléatoire.
9Notre choix s’est porté sur les deux médias les plus suivis de Nouvelle-Calédonie puisque les relevés d’audience du baromètre attestent du poids de ces médias : NC la 1re et le journal de presse écrite LNC. En effet, les derniers chiffres de septembre 2021 indiquent que les parts d’audience en télévision pour NC la 1re représentent 34.7 % alors que pour Calédonia (2e chaine la plus regardée), ces parts ne dépassent pas 6.7 %. Les chaînes métropolitaines telles que France 2, France 3, France 4, France 5, France Info présents dans le bouquet de la TNT gratuite, ainsi que Canal+, chaîne privée payante, représentent de faibles parts d’audience, dans une fourchette quantitative située entre 1.1 et 5.5 % en part d’audience (Médiamétrie, 2021). Par ailleurs, le bouquet Canal+ est considéré comme une plateforme de contenus qui ne produit aucune information généraliste en lien avec l’actualité et se limite au divertissement à partir de productions cinématographiques. Ainsi, NC la 1re a su déployer au niveau du territoire de nombreux supports comme la radio et le site web grâce aux moyens de France Télévisions. Sa forte présence repose à la fois sur la proximité avec les habitants d’une part et avec les décideurs publics gouvernementaux et privés d’autre part. La volonté de s’adresser à tous les habitants du territoire, urbains et ruraux (voire tribaux), d’appartenances ethniques diverses se traduit par une diversité des programmes généralistes comme le font les chaines nationales de métropole de France Télévisions. Par ailleurs, l’impossibilité d’établir des statistiques ethniques sur les publics des chaînes ne nous permet pas d’articuler l’analyse des discours télévisés et la nature et le profil des publics visés.
10Notre méthodologie repose ainsi sur l’analyse des articles en ligne de la chaîne de télévision et du média de presse écrite LNC. Aucune recherche n’avait été réalisée jusqu’à maintenant et l’intérêt d’étudier l’information en ligne était selon nous, une première étape dans la compréhension du traitement médiatique du changement climatique. Les articles en ligne pour NC la 1re correspondent pour une large majorité d’entre eux, à des sujets qui sont diffusés par le journal télévisé de 19 h 30 auxquels se rajoutent d’autres sujets qui ne font pas l’objet d’un traitement télévisé. Ainsi, l’idée d’avoir une vision très large de toute l’information diffusée par le média lui-même nous permettait de ne pas nous limiter uniquement à sa partie télévisuelle. Par ailleurs, l’étude de l’image et du reportage audiovisuel ne figurait pas dans notre démarche, la nécessité de comparer, avec une même approche, deux médias calédoniens sur un contenu textuel nous suffisait dans cette première étape.
11C’est à partir des mots clés « environnement » et « développement durable » que nous avons recensés dans un premier temps tous les articles intégrant ces mots sur la période de janvier à septembre 2020 à partir des sites web de ces médias calédoniens. Notre recherche ayant débuté en septembre 2020, l’idée d’analyser les derniers mois nous permettait de mieux appréhender le changement climatique à travers les articles récents diffusés par les médias. Nous considérions alors que l’obtention de 768 articles était suffisante d’un point de vue quantitatif pour permettre une compréhension plus fine du changement climatique dans les médias calédoniens. Le moteur de recherche recense tous les articles dont ces mots apparaissaient dans le corps des articles ou dans leurs titres. La lecture de tous ces articles recueillis nous a conduit ensuite à visualiser les problématiques d’environnement et de développement durable soulevés sur le territoire, de les catégoriser, et de repérer ceux dont le contenu se rapportait au changement climatique. Pour vérifier ce recueil, nous avons dans un deuxième temps, relevé tous les articles à partir de la requête « changement climatique » et « réchauffement climatique » pour avoir une idée précise du nombre d’articles relatant ces expressions. Les deux étapes permettent d’avoir un nombre précis d’articles relayant de manière précise tous les sujets se rapportant au changement climatique, ou du moins dans l’utilisation de l’expression.
12Le corpus a été analysé à l’aide du logiciel d’analyse textuelle Iramuteq pour l’ensemble des articles sur le changement climatique afin de faire ressortir les fréquences des mots et leurs co-occurrences, les groupes thématiques et leurs concordances.
13La question du changement climatique est faiblement représentée parmi l’ensemble des sujets environnementaux ou de développement durable traités par les deux médias calédoniens. Sur les 768 articles recensés de janvier à septembre 2020, seuls 37 articles ont fait référence aux termes de « changement climatique » ou « réchauffement climatique », représentant seulement 5 % des sujets environnementaux. Cette faible représentation incite à penser que les médias accordent une importance relative à cette question. Or, dans un territoire où les impacts du changement climatique ont été soulevés par la communauté scientifique, on peut s’interroger sur la prise en compte des discours scientifiques dans la médiatisation de cette question. L’absence de journalistes spécialisés sur la thématique environnementale montre que celle-ci est traitée de manière ponctuelle sans véritable contextualisation de l’événement. L’absence de référence aux impacts locaux traduit une décontextualisation de la question du climat.
14Une lecture des 37 articles montre que les deux tiers concernent les événements qui se déroulent hors territoire de Nouvelle-Calédonie et hors îles insulaires de manière générale. Ils relatent essentiellement les événements politiques de la scène internationale évoqués à l’occasion des grandes rencontres sur le climat. Cette internationalisation de la question climatique est démontrée par le nuage de mots (fig. 1) issu du logiciel d’analyse textuelle IRAMUTEQ qui indique l’importance de certaines occurrences et la force des liens entre eux : La chine, l’Europe et Emmanuel Macron.
Figure 1. Nuage de mots sur le changement climatique à partir des contenus diffusés dans Les Nouvelles calédoniennes et NC la 1ʳᵉ
15L’analyse factorielle de correspondances (fig. 2) à partir du logiciel montre, de manière plus précise, que les discours sur le changement climatique s’articulent autour de trois grands champs lexicaux : la démographie mondiale ; les accords européens et la Chine ; Emmanuel Macron et la proposition de référendum.
Figure 2. Résultats de l’analyse factorielle de correspondances dans les articles de NC la 1re et du journal de presse écrite LNC
16L’absence d’institutionnalisation et de spécialisation environnementale des journalistes renvoie à un concept sans corrélation avec les problématiques locales d’une part et la teneur des discours journalistiques repose davantage sur une vision essentiellement européenne de la question climatique d’autre part. L’appartenance de la Nouvelle-Calédonie à l’état français dont les effets de la colonisation sont visibles dans les espaces politiques et socio-économiques conduit à un traitement principalement « français » de l’information. Les médias, dont l’un appartenant au groupe France Télévisions, favorise un traitement davantage emprunt des catégories et modes de pensée des rédactions de la métropole dont un nombre de journalistes est issu.
17Ceci se traduit par une mise en discours spécifique où la figure du citoyen est principalement absente. Les médias agissent non seulement par la mise en agenda des questions qui sont portées à l’attention du public (choix des sujets) mais ils participent aussi au cadrage et à la structuration de l’information. En effet, l’analyse de l’ensemble des articles grâce au logiciel Iramuteq nous permet de comprendre les choix qui sont opérés dans le traitement du changement climatique par les deux médias télévisés et de presse écrite. Les éléments relevés à partir du dendrogramme (fig. 3) indiquent que le changement climatique, à travers la similarité des mots dans les articles portant sur les événements hors territoire montrent les liens des sujets entre eux.
Figure 3. Dendrogramme réalisé grâce à Iramuteq sur les articles référencés « changement climatique « hors Nouvelle-Calédonie de NC la 1re et de LNC
18Le dendogramme thématique obtenu à partir des articles portant sur les évènements extérieurs au territoire (représentant 75 % de l’ensemble des articles sur le changement climatique), révèle deux grands groupes. Le premier se compose de deux sous-groupes : l’un d’ordre réglementaire et juridique concerne les accords, traités et conventions internationaux portant davantage sur l’Europe dont la référence au président français Emmanuel Macron est fréquente, et l’autre sur les impacts du changement climatique, hors Europe, concernant les états du Pacifique principalement.
19Quant au deuxième groupe, il se décompose d’un ensemble d’articles sur les échanges avec la Chine d’une part et de l’évolution démographique de la planète sur les 100 prochaines années d’autre part.
20Cette vision internationale du changement climatique se polarise essentiellement sur les échanges politiques et dans une moindre mesure sur les impacts à l’échelle planétaire ou étatique.
21Lorsqu’on s’intéresse de près au peu d’articles sur le changement climatique portant sur les sujets concernant la Nouvelle-Calédonie, on s’aperçoit grâce au dendrogramme (fig. 4) réalisé à partir d’Iramuteq que la dimension politique reste néanmoins présente à travers le sujet sur la sensibilisation des citoyens à la journée climat.
Figure 4. Dendrogramme réalisé à partir d’Iramuteq sur les sujets référencés « changement climatique » se déroulant en Nouvelle-Calédonie, de NC la 1re et de LNC
22Dans l’ensemble du corpus sur l’environnement et le développement durable, le nombre restreint d’articles sur le changement climatique a donc peu de lien avec le territoire calédonien. La formule « changement climatique » ou « réchauffement climatique » identifiée comme un concept politique par les journalistes des médias calédoniens interroge sur les représentations de ces derniers à propos de cette thématique.
23Pourtant, l’observation régulière et quotidienne des actualités de ces journaux que nous avons menée pendant plusieurs mois montre que la loi de proximité est bien suivie ; les sujets traitant des événements du territoire constituent la majeure partie de l’information télévisée du journal ou des articles présents sur les sites web des deux médias. Nous pouvons ainsi proposer deux explications découlant de ce constat : soit les impacts environnementaux sur le territoire et les îles insulaires du Pacifique ne sont pas relatés par les journalistes, soit ils le sont à des degrés divers sans qu’il soit mentionné de lien avec le changement climatique, voire de lien avec l’environnement puisqu’ils n’apparaissent pas dans la liste des articles référencés à partir des mots clés environnement et développement durable. Dans les deux cas, nous pensons que le constat est le même puisque chaque situation nécessite une connaissance particulière du changement climatique et de ses impacts pour pouvoir établir des liens de causalité avec les phénomènes naturels dont la fréquence d’apparition sur le territoire est non négligeable. Les deux médias ne possèdent pas de journalistes spécialisés sur la thématique environnementale pouvant traiter de fond les questions sur le changement climatique.
24Autrement dit, le traitement médiatique du changement climatique ne permet pas aux calédoniens d’appréhender le sujet du réchauffement autrement que par la vision métropolitaine et internationale des échanges politiques sur la question. C’est tout le paradoxe des journaux locaux dont la ligne éditoriale repose essentiellement sur la proximité avec leurs récepteurs, tant sur la dimension géographique du sujet que sur la prise en compte culturelle des représentations des publics dont la diversité ethnique caractérise la Nouvelle-Calédonie.
25Dans ce paradoxe entre la proximité affichée des médias locaux et l’internationalisation de la question climatique, l’expérience acquise par les journalistes confrères de la métropole (y compris dans le même groupe de médias, comme c’est le cas pour France Télévisions) n’est pas sollicitée pour la mise en avant de la thématique dans l’espace public. Les médias calédoniens transposent dans leur territoire, indépendamment des spécificités de la Nouvelle-Calédonie, la même représentation du changement climatique que les journalistes de métropole construisaient il y a plus de vingt ans.
26Le rôle du contexte culturel et des réalités environnementales est fortement réduit dans le traitement médiatique du changement climatique. La représentation langagière du phénomène par les médias calédoniens se révèle essentiellement à partir des sujets spécifiques lors des rencontres, conventions ou traités dans le cadre des échanges internationaux dont la formule « changement climatique » ou « réchauffement climatique » n’est pas en relation avec la sphère quotidienne des habitants calédoniens. La seule prise en compte du contexte immédiat et des perceptions directes du monde lors des grands événements montre que chacune des énonciations ne renvoie pas à des énonciations antérieures et à l’anticipation des interprétations possibles. Dans un territoire où la diversité ethnique est importante (mélanésienne, européenne, polynésienne, asiatique) et où les représentations de l’environnement diffèrent selon les communautés, les principaux médias de la Nouvelle-Calédonie adoptent une vision eurocentrée dans la conceptualisation du changement climatique, éloignée des problématiques locales. De même, l’évolution du traitement médiatique métropolitain sur la question de l’environnement a peu d’influence sur les représentations qui conditionnent la construction de l’information sur le changement climatique en Nouvelle-Calédonie. L’appel à une meilleure prise en compte des savoirs locaux dans la diffusion de la recherche et à une spécialisation des journalistes sur la question climatique pourront contribuer à transformer un concept abstrait en un phénomène plus perceptible et compréhensible par les populations du Pacifique.
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