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1L’ouvrage de Claire Cornillon propose d’explorer le vaste champ de la fiction et du récit qui occupe une place majeure dans le monde actuel. Ces objets peuvent aujourd’hui prendre des formes diverses – grâce notamment aux possibilités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication, mais pas seulement – et, ce faisant, amènent parfois à repenser les classifications et les cadres traditionnels – en particulier lorsque l’on évoque la sérialité, la multimédialité ou encore la transmédialité de certains de ces objets.

2L’objectif du livre est double ; l’auteure propose, d’une part, d’interroger la façon dont ces fictions travaillent parfois le discours théorique et critique et, d’autre part, d’explorer leurs effets auprès des publics, et d’autres acteurs, que ce soit en termes de pratiques, de représentations idéologiques ou de positionnements éthiques.

3À cette fin, l’ouvrage regorge d’analyses de cas riches d’enseignements. On saluera d’ailleurs le travail de l’auteure qui a dû réviser fréquemment son manuscrit tandis que son analyse portait sur des œuvres ultra-contemporaines en constante évolution. La portée de l’ouvrage en est impactée puisqu’à défaut d’une réelle conclusion celui-ci engage plutôt une réflexion et lance des pistes de recherches.

4Le constat de départ de Claire Cornillon, pour faire avancer sa réflexion, est que les œuvres dont il est question ici ne peuvent plus être appréhendées par le prisme de concepts englobants. Il devient nécessaire, et c’est son approche, de faire un focus sur celles-ci et leur fonctionnement – avec leurs éventuels paradoxes et contradictions – pour mieux se figurer la place de la fiction et du récit dans le monde actuel. Aussi, la compréhension de ces objets passe nécessairement par « les trois fils de la production, de la réception et de l’analyse de l’œuvre elle-même. » (p. 7). Claire Cornillon propose également de revenir, pour les confronter, sur « l’ensemble des discours produits autour de ces objets avec leur réalité. » (p. 7). L’auteure fait notamment référence, d’un côté, aux multiples définitions élaborées par les chercheurs et les créateurs et, d’un autre côté, à la doxa convenue dans cette industrie culturelle. Le lecteur saura d’ailleurs apprécier les quelques rappels sur les différentes approches de la transmédialité.

5La posture critique adoptée par Claire Cornillon pour répondre aux objectifs de son travail est d’autant plus délicate que les objets étudiés sont en constante mutation. À ce titre il apparaît parfois vain d’adopter une approche figée de ces objets. L’approche de l’auteure est essentiellement littéraire. Les questions qui l’intéressent dans un premier temps sont orientées vers le rapport à la fiction, la construction du récit et les structures idéologiques ; dans un deuxième temps, elle s’attarde sur la façon dont ces questions peuvent résonner avec certains enjeux actuels, en particulier éthiques et politiques. L’auteure s’intéresse « notamment aux questions de rapport à l’information, de fonction de la fiction, de démocratie et de participation, de liberté des publics, etc. » (p. 8).

6Le livre se divise en cinq parties qui donnent chacune, par leur angle d’approche, des éléments pour cerner la façon dont certaines œuvres s’inscrivent dans des tendances actuelles de rapport à la fiction. Le premier chapitre – « Quand la fiction sort de son cadre. Quelques repères sur les démarches transmédias » – revient sur la notion de transmédia pour en donner quelques éléments de définition et pour en examiner les caractéristiques. Ce chapitre pose les bases qui permettront plus loin dans cet ouvrage d’analyser divers aspects complémentaires et d’aborder les paradoxes des logiques transmédiales. Le deuxième chapitre – « Quand l’œuvre devient culte : expérience et relation » – se penche sur la notion d’œuvre culte et sur le rapport à l’œuvre en tant qu’expérience. Ici se pose « la question de la relation qui s’instaure entre l’œuvre, l’auteur-e et les publics mais aussi entre les publics eux-mêmes » (p. 16), ce qui suscite une réflexion sur la manière dont les publics peuvent se situer face à la fiction contemporaine, ou plus exactement avec celle-ci.

7Le troisième chapitre – « Quand les personnages de série écrivent des livres : effet de réel / effet de fiction » – « s’intéresse à la question de l’effet de réel et de l’effet de fiction et interroge la place de la fiction dans le monde contemporain à travers l’exemple de la publication de livres censés avoir été écrits par des personnages de série. » (p. 16). Le quatrième chapitre – « Quand les fans réécrivent l’histoire : Fanfictions et vidding » – aborde le cas des productions d’œuvres par les fans. Ces réappropriations tendent à brouiller les catégories et les modes d’appréhension des œuvres originelles dont elles sont les extensions.

8Le cinquième chapitre – « Quand tout devient jeu : la notion d’interactivité » – s’intéresse au concept d’interactivité – élément central dans les jeux vidéo et les jeux de rôle – pour en « dégager ses enjeux idéologiques dans un contexte où il s’est imposé quasiment comme une nouvelle valeur. » (p. 17). Le dernier chapitre – « Quand le public veut mener l’enquête : objet et regard » – pose « la question du point de vue et essaie notamment de mettre en perspective différents comportements contemporains qui consistent à lire la fiction et le récit comme une somme d’informations. » (p. 17). L’objectif de cette partie est « de dégager certaines logiques sous-jacentes des pratiques contemporaines et leurs enjeux idéologiques. » (p. 17).

9Claire Cornillon nous livre un ouvrage intéressant qui fait la synthèse des questionnements qui ont été les siens depuis quelques années tandis qu’elle analysait ses corpus ou qu’elle surveillait ce qui pouvait se dire dans les médias à propos des objets étudiés ici. Nous est révélé ici toute la complexité et les potentialités de la fiction contemporaine. En effet, entre complexification de la narration, multiplication des supports et des possibilités médiatiques, développement de l’interactivité et massification du fandom, les possibilités qui s’offrent aujourd’hui à la fiction ne semblent donner aucune prise à des conceptualisations, des discours, des productions ou des réceptions qui soient stables, uniques et linéaires.

10Les chercheur-e-s doivent donc tenir compte de ces éléments pour appréhender la fiction dans toute son ampleur. De plus, considérer les œuvres transmédiatiques comme des œuvres, et non plus seulement comme des produits, assurerait une compréhension fine de la fiction dans toute sa complexité. Bien évidemment, certaines œuvres transmédiatiques répondent à des enjeux économiques, mais se limiter à cette seule dimension est insuffisant et nécessite des approches complémentaires.

11Pour conclure sur une note pratique, le lecteur appréciera la présence en fin d’ouvrage d’une bibliographie considérable où les références mobilisées sont classées selon quatre catégories ; à savoir, les œuvres, les ouvrages et articles théoriques et critiques, les sites Internet et, enfin, les pages de réseaux sociaux. On notera également la présence utile d’un index qui comprend les noms propres de personnes citées dans le corps du texte ou dans les notes de bas de page (or personnages de fiction) ainsi que les titres d’œuvres.