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Parutions

Magali Guaresi, Parler au féminin. Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007)

Paris, L’Harmattan, coll. Humanités numériques, 2018, 298 p.
Ugo Roux
Bibliographical reference

Magali Guaresi, Parler au féminin. Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007), Paris, L’Harmattan, coll. « Humanités numériques », 2018, 298 p.

Full text

1Malgré le vote de la loi sur la parité en 2000, les femmes demeurent sous-représentées « dans les instances électives de la démocratie représentative française » (p. 15) et sont reléguées la plupart du temps aux seconds rôles de la vie politique. En effet, celles-ci sont confrontées, entre autres facteurs, à des barrières symboliques discriminatoires qui les maintiennent éloignées, voire exclues, des charges électives. Il en résulte « une lente et résistible féminisation de la représentation nationale dans lequel des centaines de femmes tentent de produire une identité et un engagement politiques susceptibles d’être avalisés par le vote majoritaire. » (p. 17).

2Dans ce contexte politique androcentré, cet ouvrage, qui se situe au croisement de l’histoire politique, des études de genre et de l’analyse du discours, propose de « faire l’histoire de l’inclusion des femmes au Palais-Bourbon, l’un des derniers bastions masculins, à partir de l’analyse du discours électoral compris comme une parole constituante et médiatisante rendant sensible l’institution parlementaire. » (p. 17). Pour ce faire, l’auteure entend d’une part interroger la position historique et sociale des locutrices-candidates afin d’observer comment celle-ci oriente leur discours sur la scène électorale ainsi que leur présentation. D’autre part, il s’agit d’analyser les conséquences et les effets de la féminisation de la parole dans le champ parlementaire.

3Le livre de Magali Guaresi repose sur l’assertion que le genre est en même temps une construction historique et une représentation langagière. L’un des intérêts majeurs de l’ouvrage est, d’après l’auteure, de combler une carence qui se traduisait par une longue mise de côté, par les historiens, des questionnements autour de la construction discursive du fait (féminin), des enjeux d’interprétation des événements, de l’importance de l’historicité des mots, des concepts et de leur instrumentalisation. En effet, l’auteure vient, par sa contribution, éclairer le concept de genre en politique à travers l’étude des professions de foi électorales des candidates à la députation sur la période 1958-2007. On saluera d’ailleurs le travail considérable réalisé par Magali Guaresi au vu de l’examen d’un corpus constitué de plus de 700 textes. À travers celui-ci l’auteure mène une analyse rigoureuse qui conduit à des conclusions et des résultats solidement étayés.

4D’un point de vue structurel, l’ouvrage se décline en une introduction, trois grandes parties et une conclusion. Le livre s’ouvre donc tout d’abord sur une introduction étendue qui fait office de prolégomènes. Y sont présentés dans un premier temps des notions et concepts tels que le genre et son lien avec le langage et l’activité discursive. Ce préambule se poursuit avec une présentation de l’ancrage méthodologique et épistémologique de l’auteure et la pertinence de celui-ci par rapport à son objet d’étude. Le propos introductif se clôt sur une présentation et une légitimation du matériel exploité ; à savoir, le corpus de professions de foi de premier tour récoltées par Magali Guaresi pour la période 1958-2007.

5La première partie « Ethos de candidates » est dédiée à « l’étude politique genrée de la parole électorale du personnel parlementaire (féminin) dans une perspective comparative. » (p. 43). Au-delà de cette confrontation inter-genres, l’objectif de cette partie est de comparer, de manière intemporelle, les discours des femmes entre elles afin d’en faire émerger les différences et les similitudes. Il en ressortira, malgré les singularités évidentes, des « traits, communs, structurants et significatifs de la représentation et de la légitimation discursives des candidates. » (p. 43). Au terme de ce premier chapitre, il apparaît que les impétrantes, pour espérer remporter l’adhésion démocratique, développent des stratégies discursives originales qui vont à contre-courant de la langue politique traditionnellement maniée par les hommes. Les femmes qui se conforment à celle-ci suscitent rarement l’adhésion, elles doivent donc produire un ethos féminin valorisable pour compenser leurs handicaps. Cependant, et paradoxalement, ce genre de discours tend à justifier plutôt qu’à abolir les limites associées à leur engagement politique.

6Le deuxième chapitre « Genre et diachronie. Les trois temps de la parole féminine » vise à enrichir la précédente partie de la dimension temporelle dont elle était privée. La comparaison en intra-groupe se poursuit donc ici en considérant ce facteur pour mettre en évidence, non plus les permanences structurelles qui caractérisent le discours des femmes mais, au contraire, les éventuelles évolutions qu’il aurait connues. Cette entreprise ne peut aboutir qu’à la condition d’établir une périodisation propre aux femmes dans leur accès à la parole électorale sous la cinquième république. En effet, « on sait à quel point les découpages classiques de l’histoire politique ne rendent qu’imparfaitement compte du temps des femmes. » (p. 99). À cette fin analytique, l’auteure adopte une approche logométrique lui permettant de mettre en évidence une chronologie endogène. À l’issue de cette deuxième partie, des transformations au fil du temps sont observables dans les professions de foi des impétrantes. Mais outre les infléchissements induits par les contextes historico-politiques successifs, on constate que ces mutations répondent également à des moments et des rythmes indépendants.

7La dernière partie « Les questions femmes en campagnes » complète la précédente étude par une analyse diachronique des thématiques abordées (causes, revendications, etc.) dans les professions de foi, et ce, selon les périodes et rythmes mis en évidence dans la précédente partie. « Il s’agit d’une part de s’interroger sur les mutations des circulations entre les revendications féministes et les agendas politiques portés par les futurs élu·e·s : quels sujets portent-elles ? Que disent-ils de leurs conceptions de l’égalité entre les sexes ? D’autre part, il s’agit de décrypter le type de représentation (descriptive ou substantielle) que les candidates se proposent d’endosser vis-à-vis des femmes au fil du temps. » (pp. 201-202). Au sortir de ce dernier chapitre, nous retiendrons que le thème de l’égalité hommes-femmes connaît effectivement une évolution sur les périodes étudiées. La représentation de ce sujet mute en effet profondément dans les professions de foi des candidates des trois périodes étudiées ; elles passent ainsi d’une dimension substantielle pour les deux premières périodes à une dimension plus descriptive pour la dernière.

8L’ouvrage se termine finalement sur une conclusion qui fait office de rappel des principaux résultats et interprétations de l’étude ainsi que de l’ancrage méthodologie et épistémologique qui a permis d’y aboutir.

9Pour conclure sur une note pratique, le lecteur appréciera la présence des nombreuses figures (graphiques, matrices, etc.) et tableaux qui viennent judicieusement appuyer le propos çà et là. De même, on appréciera également la présence en fin d’ouvrage d’une bibliographie particulièrement dense, d’annexes qui viennent compléter le propos (avec une liste des abréviations et des tableaux des principales spécificités des élu·e·s sur différentes années), d’un index, d’une liste des figures, d’une liste des tableaux et d’une table des matières.

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References

Electronic reference

Ugo Roux, “Magali Guaresi, Parler au féminin. Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007)Revue française des sciences de l’information et de la communication [Online], 19 | 2020, Online since 01 May 2020, connection on 13 June 2025. URL: http://journals.openedition.org/rfsic/9142; DOI: https://doi.org/10.4000/rfsic.9142

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About the author

Ugo Roux

Ugo Roux est docteur – qualifié – en Sciences de l’Information et de la Communication. Il est actuellement attaché temporaire d’enseignement et de recherche au sein du département information-communication option métiers du livre et du patrimoine de l’IUT d’Aix-Marseille Université. Il est également membre associé de l’Institut Méditerranéen des Sciences de l’Information et de la Communication (IMSIC). Courriel : ugo.roux(at)univ-amu.fr

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