Navigation – Plan du site

AccueilNumérosHS 10L’animal et la scienceAnima Animalis. Éthologies en rés...

L’animal et la science

Anima Animalis. Éthologies en résonance 1900-2000

Anima Animalis. Resonanz ethologischer Vorstellungen 1900-2000
Catherine Repussard
p. 69-84

Résumés

Derrière les coulisses de ce que l’on a pris l’habitude au cours des dernières décennies de qualifier de ‘question animale’ se trouve non seulement la question de la relation de l’humain à l’animal ou à l’animalité, mais aussi celle des rapports des humains entre eux. Ainsi, la ‘question animale’ reste intimement liée à celle de l’organisation des sociétés humaines, relevant à la fois de l’éthique et du politique, mais aussi de leur instrumentalisation. L’analyse d’un court ouvrage que le zoologue Alexander Sokolowski consacre à l’âme des animaux supérieurs intitulé Aus dem Seelenleben höherer Tiere (1910) devra permettre de montrer la proximité du monisme haeckellien, saisi comme approche scientifique alternative du vivant et par conséquent des animaux, et de la pensée liée au développement actuel de l’éthologie ainsi qu’à leurs impacts sociétaux respectifs.

Haut de page

Texte intégral

1Dans son introduction à l’ouvrage du philosophe Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, Frédéric Boyer remarque :

  • 1 Frédéric Boyer : Introduction à l’ouvrage de Dominique Lestel : Les origines animales de la culture(...)

Dans la pensée occidentale, nature et culture constituent classiquement les deux termes d’une opposition fondamentale et irréductible. L’homme est par essence un animal de culture, ce qui non seulement le distingue de tout animal, mais le distingue suffisamment pour le faire sortir de toute animalité. Cette vision de l’homme est corrélative d’une façon de se présenter l’animal comme une espèce de robot autonome plus ou moins intelligent, mais fondamentalement programmé a priori. Les temps ont changé.1

  • 2 Oskar Heinroth : Beiträge zur Biologie, namentlich Ethologie und Psychologie der Anatiden. In : Ber (...)
  • 3 Jean-Luc Renck / Véronique Servais : L’Éthologie, Une histoire naturelle des comportements. Paris 2 (...)
  • 4 Dominique Lestel (note 1), p. 20.

2Selon l’auteur, et sa dernière phrase le souligne, nous serions en train d’assister à l’avènement d’une véritable « révolution éthologique », voire d’une profonde « rupture éthologique ». Rappelons que le terme fut forgé en 1910 par le zoologue Oskar Heinroth2 qui comprenait l’éthologie comme la « biologie du vivant ». Plus récemment, le biologiste Jean-Luc Renck et la psychologue Véronique Servais la définissent comme « une histoire naturelle des comportements »3, tandis que Dominique Lestel la considère, de façon plus ambitieuse, comme « la science du comportement du vivant »4. Ce dernier souligne que l’éthologie n’aborde plus la culture en opposition avec la nature, mais qu’elle s’ouvre à la conscience de la pluralité des cultures propres à l’ensemble des animaux, à leur compétence technique, aux médiations de l’action par laquelle la raison commence à remplacer les causes dans l’organisation comportementale, permettant de distinguer une rationalité expressive d’une rationalité instrumentale chez les animaux. Ainsi, il existerait des cultures animales faisant de l’animal un sujet, transformant irrémédiablement l’opposition entre nature et culture et entre l’homme et l’animal. L’homme, autoproclamé ‘maître de la nature’, se transforme alors simplement en partie d’une nature qui le dépasse.

  • 5 Niko Tinbergen (1907-1988), théoricien de l’instinct, est le fondateur de l’éthologie comparative e (...)
  • 6 Jakob von Uexküll (1864-1944) est notamment connu pour son concept d’Umwelt, selon lequel chaque es (...)
  • 7 Adolf Portmann (1897-1982) s’intéresse davantage à la perception et l’action des animaux (par oppos (...)
  • 8 Giorgio Agamben : L’Ouvert. De l’homme et de l’animal. Paris 2002 (traduction française de Joël Gay (...)
  • 9 Cf. Maren Paertenheimer : Goethes Tragweite in der Naturwissenschaft. Berlin 1989. Dans cet ouvrage (...)
  • 10 Diethart Kerbs/ Jürgen Reulecke (éd.) : Handbuch der Reformbewegungen 18801933. Wuppertal 1998.
  • 11 Marc Cluet/ Catherine Repussard (éd.) : « Lebensreform » – Die soziale Dynamik der politischen Ohnm (...)
  • 12 Pensons à La fable des abeilles (1714) de Mandeville ou encore à l’exploitation socio-politique du (...)
  • 13 Voir également Catherine Repussard : Métamorphoses de l’Alternativité, De la Lebensreform à l’Alter (...)

3Malgré l’annonce de la grande rupture, force est de constater que la nouveauté est rare. Contre Niko Tinbergen5, un groupe d’éthologues d’origine allemande avait déjà défendu l’idée que l’animal puisse être un sujet, pensons plus précisément aux travaux de Jakob von Üexküll6 ou à ceux menés par Adolf Portmann7 par exemple qui, en évoquant l’existence d’une « intériorité animale », ont entraîné dans leur sillage un décentrement et une déconstruction de premier ordre. Pour Giorgo Agamben, les recherches de Uexküll expriment l’abandon sans réserve de toute perspective authropocentrique dans les sciences de la vie ainsi que la radicale déshumanisation de l’image de la nature. Uexküll suppose « une infinie variété de mondes perceptifs, tous également parfaits et liés entre eux comme sur une gigantesque partition de musique, quoique non communicants et réciproquement exclusifs, et au centre desquels se tiennent de petits êtres à la fois familiers et lointains »8. Il n’est certainement pas un hasard que ces éthologues soient, dans l’ensemble, originaires de l’espace germanophone, aire culturelle où, dès la seconde moitié du xixe siècle, l’on se mit à repenser avec plus d’intensité encore que du temps des Romantiques, de Herder, et de la Naturphilosophie goethéenne, le rapport de l’homme à la nature9, notamment sous l’impulsion de savants comme Hermann von Heimholz ou Ernst Haeckel. Sans doute l’approche fut-elle également portée par le mouvement de la réforme de la vie (Lebensreform)10 que d’aucuns tiennent pour spécifiquement germanique. Mouvement alternatif protéiforme issu de la société civile, il engendra une véritable dynamique sociale11 en vue de retisser le lien unissant les hommes entre eux, mais aussi de repenser le lien les unissant à l’ensemble du vivant afin de dépasser le « complexe anthropocentrique », pour reprendre une expression du zoologue Ernst Haeckel. Quoiqu’il en soit, dans les coulisses de ce que l’on a pris l’habitude au cours des dernières décennies de qualifier de question animale se trouve non seulement la question de la relation de l’humain à l’animal ou à l’animalité, mais aussi celle des rapports des humains entre eux. Ainsi, la question animale, reste intimement liée à celle de l’organisation des sociétés humaines, relevant à la fois de questions éthiques et politiques, mais aussi de leur instrumentalisation12. L’analyse d’un court ouvrage que le zoologue Alexander Sokolowski consacre à l’âme des animaux supérieurs intitulé Aus dem Seelenleben höherer Tiere (1910) devra permettre de montrer la proximité du monisme haeckellien, saisi comme approche scientifique alternative du vivant et par conséquent des animaux, et de la pensée liée au développement actuel de l’éthologie ainsi qu’à leurs impacts sociétaux respectifs13.

  • 14 Ernst Haeckel : Die Welträtsel [1899]. Leipzig 1918, p. 3.
  • 15 Ibid., p. 8.
  • 16 Ibid., p. 9 : « […] ewig, unendlich, unbegrenzt. »
  • 17 Frans de Waal : Le singe en nous. Paris 2006 (traduction française de Marie-France de Paloméra).

4Dans ses Welträtsel (1899), ouvrage dont le succès fut considérable, Ernst Haeckel rend hommage à ses maîtres Lamarck et Darwin14, critique le « dogme de l’anthropisme »15. Il affirme la nécessité de se placer dans une perspective plus large, celle du « grand Tout » de l’univers, du cosmos, « éternel, infini et illimité »16, si bien que, dans le cadre de ce changement d’échelle, l’homme devient pour lui un primate comme les autres. Rompant avec l’approche de l’animalité comme altérité première, son discours est repris et diffusé dans des ouvrages de vulgarisation comme celui que publia Alexander Sokolowsky. Ce bref ouvrage qui se situe au cœur de notre propos, traite de l’humanité des grands singes (Menschenaffen) ou si l’on préfère des « singes-humains », mais aussi de leur capacité à interagir avec leurs congénères et avec leurs « frères humains ». D’une certaine façon, ce texte anticipe également l’idée du « singe en nous », pour reprendre un titre célèbre du primatologue contemporain Frans de Waal17 qui inscrit la psychologie humaine dans le prolongement de celle des animaux, qu’il s’agisse de la violence, de l’empathie ou encore de la morale, s’opposant ainsi aux théories de l’exception humaine. Il propose de changer notre regard sur les grands singes et, à travers eux, sur les hommes et les autres animaux, à l’instar des zoologues et éthologues issus de l’espace germanophone autour de 1900.

Aus dem Seelenleben höherer Tiere d’Alexander Sokolowsky

  • 18 Alexander Sokolowsky : Aus dem Seelenleben höherer Tiere. Leipzig 1910.
  • 19 Alexander Sokolowsky : Beobachtungen über die Psyche der Menschenaffen. Berlin 1908.
  • 20 Ames Eric : Carl Hagenbeck’s Empire of Entertainments. London / New York 2009.
  • 21 Carl Hagenbeck : Von Tieren und Menschen. Berlin 1908.

5Aus dem Seelenleben höherer Tiere18 d’Alexander Sokolowsky fut édité par la Naturwissenschaftliche Gesellschaft en 1910. Deux ans auparavant, Sokolowsly avait publié Beobachtungen über die Psyche der Menschenaffen19, préfacé par Ernst Haeckel. À l’époque, les « grands singes » font (déjà) recette. Ses ouvrages paraissent en effet une dizaine d’année après Die Spiele der Tiere de Karl Groß (1898) dans lequel l’auteur souligne la proximité, voire l’identité des raisonnements des singes avec ceux des humains. Ils précèdent également d’une décennie Intelligenzprüfungen an Anthropoiden (1917) de Wolfgang Köhler où sont décrites les expériences conduites en vue de déterminer l’intelligence des primates grâce à la résolution de problèmes. Sultan, le singe de Wolfgang Köhler, a probablement servi de modèle au singe prénommé Rotpeter de Franz Kafka dans Bericht für eine Akademie publié la même année. Dans cette nouvelle, Rotpeter s’adresse à l’Académie des sciences de Berlin et revient sur le récit de sa vie : capturé en Afrique par les chasseurs de Carl Hagenbeck, il devint une attraction particulièrement prisée au fameux zoo Hagenbeck, puis au cirque Hagenbeck, où il finit par prendre le pouvoir sur ses dresseurs devenus entre temps ses serviteurs. Nous ne nous éloignons qu’en apparence de notre propos car Alexander Sokolowsky, l’auteur de l’ouvrage que nous nous proposons d’analyser ici est, au début du siècle dernier, assistant-zoologue au zoo Hagenbeck à Stellingen, près de Hambourg. Carl Hagenbeck, le fondateur du zoo, puis du cirque éponyme, est, avec son frère Wilhelm, l’inventeur en 1879 de la méthode de « dressage en douceur » et de la grande cage centrale dix ans plus tard, et enfin du premier « zoo sans barreaux » en 1907. Il est également le concepteur du panorama zoologique et de l’enclos de liberté (Freianlage)20, expériences, innovantes à l’époque, qu’il décrit dans un ouvrage intitulé Von Tieren und Menschen21.

  • 22 Ils ne vont pas sans rappeler les fascicules de la série Kosmos que publie Wilhelm Bölsche (1861-19 (...)
  • 23 Johannes Unold : Der Monismus und seine Ideale. Leipzig 1908.

6Aus dem Seelenleben höherer Tiere est un fascicule de 74 pages, illustré par le peintre animalier Walter Heubach de Munich22. L’ouvrage s’inscrit dans une collection de bonne qualité, néanmoins bon marché, diffusée par la Deutsche Naturwissenschafliche Gesellschaft fondée en 1903 et éditée par Theodor Thomas de Leipzig. Elle s’adresse à un public plutôt jeune et vise à populariser le savoir. Celui-ci s’inscrit dans un contexte socio-politique particulier et dans une Weltanschauung spécifique que l’on peut reconstituer grâce aux encarts publicitaires de l’éditeur, qui se trouvent à la fin de chaque fascicule. Ainsi sont référencés des traités anarchistes comme ceux de Kropotkine, des ouvrages consacrés à la « question sociale » (soziale Frage) et toute une série de manuels de bien-être, de savoir-être et de savoir-vivre indéniablement liés à l’esprit du mouvement de la réforme de la vie (Lebensreform). L’un d’eux, celui de Johannes Unold, s’intitule Der Monismus und seine Ideale23 et renvoie directement à Ernst Haeckel dont la collection semble vouloir assurer la promotion. Et c’est bien entendu dans son sillage que Alexander Sokolowsky place son approche de l’âme des animaux supérieurs, en l’occurrence des grands singes.

  • 24 Cette proximité originelle avait déjà été soulignée auparavant, notamment par Hermann Schaffausen q (...)
  • 25 Sokolowsly (note 16), p. 8.
  • 26 Ibid. : « Sie [die Philosophen] verlieren die Realität des Seins. »

7En effet, Sokolowsky, tout comme Ernst Haeckel, s’attache à relativiser la supériorité humaine et à déterminer la proximité, voire l’identité des natures humaines et animales, entendons leur nature psychologique et comportementale24. Dès les premières pages, Sokolowsky affirme qu’il convient de se débarrasser de tout préjugé (Voreingenommenheit) à l’encontre des animaux. Toute forme d’anthropomorphisme est à rejeter : l’animal ne doit pas être observé à l’aune du comportement humain. Il s’agit de faire pièce à tout préjugé qu’il soit d’ordre philosophique ou religieux (religiöse Voreingenommenheit)25. Il considère toute approche philosophique de l’animalité comme trop abstraite, estimant que la philosophie spéculative perd toute notion de réalité26. L’étude d’êtres vivants implique à ses yeux la nécessité de les considérer tels qu’ils sont « réellement ». Et c’est bien la réalité, ou tout du moins ce qu’il considère comme telle, qu’il s’attache à décrire longuement, en posant tout d’abord la question de la méthode à suivre pour approcher les animaux : faut-il privilégier l’expérimentation ou plutôt l’observation ?

  • 27 Ibid. : « Was kann und soll mit dem Experiment erreicht werden? »
  • 28 Ibid., p. 7.

8Pour Sokolowsky, les résultats obtenus sont trop souvent le fruit d’un questionnement trahissant une vision du monde (Weltanschauung) prédéterminée par l’observateur. Ainsi, dès le départ, il pose la question de savoir d’où, entendons à partir de quelle culture et des préjugés qui la sous-tendent, est porté un regard, donc un jugement sur les animaux. C’est pour cette raison qu’il juge l’expérimentation plus juste et plus utile tout en insistant dès le départ de sa réflexion, sur les limites de cette dernière27. L’expérimentation sur le terrain est idéale à ses yeux, mais il insiste sur les difficultés qui lui sont inhérentes et sur son aspect néfaste : elle implique inexorablement l’extermination des espèces. Il rappelle qu’en Afrique par exemple, l’observation se superpose à la chasse, décimant ainsi des espèces que l’on prend soin toutefois de naturaliser dans les musées zoologiques, afin de fournir du « matériel » pour les futures générations de chercheurs28.

  • 29 Ibid., p. 21.
  • 30 Ibid.
  • 31 Ibid., p. 22.

9L’aspect « sauvage » (Wildheit) de certains animaux ne doit pas être assimilé à de la méchanceté, mais correspond à une extrême adaptation à la nature. L’animal « non-sauvage » (Unwild) est l’animal réadapté à un environnement autre que le sien. L’adaptation est le fruit d’une méthode douce (zahme Tierdressur)29, spécifique à chaque espèce et individualisée30, ainsi que l’avait du reste préconisé son employeur Carl Hagenbeck. Pour Sokolowsky, l’expérimentation est également source de perfectabilité. Mais cette fois, c’est en captivité que l’observation est optimale, car l’animal parvient alors à mobiliser des capacités d’adaptation et à ainsi à développer son intelligence, tandis que celle-ci sera moindre dans la nature où elle n’est pas stimulée par la nouveauté31. Le caractère et l’attitude de l’animal en seront améliorés, ainsi l’animal sera adouci, mais pas dompté. Sokolowky distingue Sänftigung et Zähmung qu’il assimile à une réduction de la nature sauvage (Wildheit) de l’animal. Adoucir l’animal le fera changer de caractère, ainsi qu’en témoigne le lien affectif développé à l’égard des gardiens par les animaux vivant en captivité.

  • 32 Ibid., p. 19.
  • 33 Ibid., p. 36.

10Puis il revient sur la spécificité des « singes humains » (Menschenaffen) qui réagissent au langage de l’homme et qui développent des capacités cognitives, contrairement à d’autres animaux comme le mouton. Il consacre de longs passages à la description de la vie sociale développée par les animaux, à leur bonheur de vivre ensemble et de jouer avec leurs camarades, parfois issus d’espèces différentes et au réel attachement sentimental dont font preuve « les animaux plus élevés » vis-à-vis de leur congénères32. Pour Sokolowsky, l’animal social met en œuvre non pas la loi du plus fort, mais la loi du plus intelligent, étant entendu que l’intelligence animale relève d’une intelligence pratique. « Das Tier denkt praktisch »33, note-t-il, et souligne ainsi l’adaptabilité de l’animal à son milieu.

  • 34 Ibid., p. 10.
  • 35 Ibid., p. 15.

11Enfin, Sokolowsky revient sur la valeur de l’observation qu’il tient pour la seule façon de s’approprier une connaissance réelle du monde animal, l’expérimentation en captivité restant un artifice. Bien entendu, l’observation des animaux en liberté est optimale. Il ajoute que s’il est un domaine où le slogan « retournez à la nature » ne doit pas résonner en vain, c’est bien dans le domaine de l’observation animale. C’est au cœur de la nature, loin de toute interférence humaine que doit se poursuivre l’étude de la psyché animale34. Celle-ci doit être abordée en lien avec la biologie, saisie en interaction avec l’environnement (Umwelt) : « Diese Wechselbeziehungen zwischen Tier und Umwelt finden in den Anpassungserscheinungen des ersteren an die letzere ihren Ausdruck »35. L’observation a permis de révéler l’extraordinaire adaptabilité des animaux à leur environnement, et c’est là ce qui les distingue des hommes. L’auteur souligne la capacité animale d’exploiter de la meilleure façon possible l’environnement offert, sa faculté à vivre en harmonie avec l’environnement naturel et social, la Umwelt. L’harmonie, terme cardinal du propos de Sokolowsky, revient pour lui à affirmer la non-dualité esprit-matière. Il considère en effet que l’âme est une force instinctive et créatrice, organiquement générée. Tous les organismes ont une âme, affirme-t-il, et celle-ci doit s’incarner. Entre le corps et l’âme, la substance cosmique, dont sont dépositaires tous les êtres vivants, fluctue sans cesse. En tant que force inhérente à tout organisme, elle en est l’origine, l’anime et garantit sa survie. Ainsi, « sans âme, point de corps et sans corps, point d’âme » :

  • 36 Ibid.

Die Tiere sind, wenn ich mich so ausdrücken darf, bis zur Höhe ihrer Naturaufgabe beseelt. Ihre Seeleneigenschaften stehen in Harmonie mit ihren Ansprüchen und Leistungen im Haushalt der Natur. Sie stehen damit im Wechselverhältnis zur Ausbildung ihrer Organisation. Mithin existiert eine Abhängigkeit in der Ausbildung von Körper und Seele. Wäre dieses nicht, so würde dies der Untergang der Tierarten bedeuten […]. Seele und Körper stehen in vollkommener Harmonie. Die erstere ist nichts außer dem Körper stehendes, das wie die mosaische Schöpfungslehre lehrt, in den Körper hineingeblasen wurde, sondern sie wohnt dem Organischen als treibende Kraft inne, sie schafft aus dem Organischen heraus. Es ist das innere Wesen aller Organismen beseelt zu sein. Ohne Seele kein Körper, ohne Körper keine Seele.36

12Il en vient alors à affirmer l’unicité de toute vie organique (Einheit der organischen Welt ) au travers d’une substance qui lie tous les êtres au sein de la communauté du vivant. Dans ce « grand Tout », rien n’est spécifique à l’humain qui n’en représente qu’une partie. La substance cosmique est une ; elle réunit le beau, le juste, le vrai au sein de l’idée d’harmonie et d’équilibre entre la partie et le tout, de façon indifférenciée, qu’il s’agisse de la psyché humaine ou de celle de l’animal.

  • 37 Ibid., p. 5.

Es hat lange genug gedauert, bis die Naturwissenschaft sich durch die egozentrische Weltanschauung hindurchgearbeitet hat und der Mensch einsehen lernt, dass er seinem Körperbau nach nur ein Glied im Naturganzen bildet und seine scheinbare Ausnahme nur auf einer höheren Entwicklungsstufe beruht, zu der er im Laufe der Zeiten aus tierischer Ahnenreihe gebracht hat.37

13À l’arrière-plan de ces affirmations corrélées au monisme haeckellien, se trouve un projet plus vaste, social et éthique qui a pour objet de s’incarner dans l’idée d’une possible et souhaitable harmonie sociale. La notion d’entraide telle qu’elle est décrite chez les animaux est à l’origine de la survie et du développement du groupe :

  • 38 Ibid., p. 49.

Eine Tiergemeinschaft beruht demnach auf einem Seelenverband, der in seiner Zusammensetzung ein mannigfaltiges Gepräge zeigt, in letzter Linie aber auf eine Ergänzung und einen Ausgleich der seelischen Eigenschaften hinausläuft. Es liegt demnach in dieser tierischen Lebensform einen Selbstschutz von ungeheurer Tragweite, der sich auf gegenseitiger Hilfe aufbaut!38

  • 39 Ibid.
  • 40 Frans de Waal : Primates et philosophes. Paris 2008, p. 27 (traduction française de Sarah Durcel).
  • 41 Ibid, p. 31.

14Pour Sokolowsky, l’idée d’entraide au sein d’une même espèce, voire entre les espèces est à assimiler à l’origine du comportement éthique, bien que les animaux n’en aient pas conscience, qui culminera chez l’homme. Il note en ce sens : « Hier wurzeln die Anfänge der Ethik, wie sie sich beim Menschen in so hoher Ausbildung finden »39. Les composantes fondamentales de la morale seraient par conséquent un héritage très ancien de l’évolution, et en ce sens le propos de Sokolowsky ne va pas sans rappeler les objectifs que s’assigne un éthologue contemporain, Frans de Waal, dans un ouvrage récent Primates et Philosophes, lorsqu’il affirme vouloir montrer que l’homme n’est pas composé de nature d’une part et de culture de l’autre, mais d’un tout intégré40. La moralité humaine ne se présente pas comme une mince écorce sous laquelle bouillonneraient des passions antisociales, amorales et égoïstes41. Rappelons que cette « théorie du vernis » désigne un courant majeur de la tradition intellectuelle occidentale qui veut que la morale ne soit qu’une fine écorce recouvrant la bestialité humaine, de sorte que les codes éthiques, par ailleurs considérés comme spécifiquement humains, apparaissent alors comme un frein aux pulsions agressives tenues pour naturelles. Elle fut développée dans Evidence as to Man’s Place in Nature (1863) par Thomas Henry Huxley, ardent défenseur de l’évolutionnisme, qu’il considérait comme la parfaite illustration de l’idée que la compétition et l’élimination des moins aptes sont les principaux facteurs d’évolution. Cette thèse fut par la suite violemment critiquée par Kropotkine dans L’Entraide : un facteur de l’évolution (1902). Kropotkine y défend l’idée que seule l’entraide parmi les membres d’une espèce leur permet d’assurer leur survie. Il en serait de même pour les hommes, car pour lui,

  • 42 Pierre Kropotkine : L’entraide, un facteur d’évolution [1902]. Paris 2010, p. 54.

la grande majorité des espèces humaines vivent en société et elles trouvent dans l’association leur meilleure arme pour lutter pour la vie, comprise bien entendu au sens large de Darwin – non comme une lutte pour les simples moyens d’existence, mais comme une lutte contre toutes les conditions naturelles défavorables à l’espèce42,

  • 43 Ibid.

et il n’hésite pas à ajouter que « les espèces animales dans lesquelles la lutte a atteint ses plus étroites limites et où l’habitude de l’entraide a atteint le plus grand développement sont invariablement les plus nombreuses, les plus prospères et les plus ouvertes au progrès »43.

  • 44 De Waal (note 39), p. 40 sqq.
  • 45 Ibid., p. 49.

15C’est de cette éthique évolutionniste développée par Edvard Westermarck au cours de la première moitié du xxe siècle que se réclame également le primatologue Frans de Waal44. Ce dernier comprend l’empathie comme contagion émotionnelle, comme la forme originelle, prélangagière, des relations interindividuelles. Ce n’est que dans un second temps qu’elle se place sous l’influence du langage et de la culture. Pour cela, il est nécessaire, ainsi qu’il le souligne, de postuler « une continuité entre passé et présent, enfants et adultes, humains et animaux – même entre les hommes et les plus primitifs des mammifères »45. Ernst Haeckel, le maître à penser de Sokolowsky, ne semble pas avoir affirmé autre chose lorsqu’il écrit dans Die Welträtsel :

  • 46 Haeckel (note 12), p. 21.

Die höchsten Geistesthätigkeiten des Menschen hat sich allmählich aus den nichtbegrifflichen Vorstufen des Denkens und Vorstellens bei den nächstverwandten Säugetieren entwickelt. Die höchsten Geistestäthigkeiten des Menschen, Vernunft, Sprache und Bewußtsein, sind aus den niederen Vorstufen derselben in der Reihe der Primatenahnen hervorgegangen. Der Mensch besitzt keine einzige « Geistestätigkeit », welche ihm ausschliesslich eigentümlich ist. Sein ganzes Seelenleben ist von demjenigen der Nächstverwandten Säugetiere nur dem Grade, nicht der Art nach, nur quantitativ, nicht qualitativ verschieden.46

  • 47 Ibid. : « […] die Primatennatur des Menschen (Halbaffen, die echten Affen, die Menschen) […] ».

La gradation dans l’échelle de l’évolution se serait faite par étapes. C’est ainsi qu’il évoque la nature de primate de l’homme qui irait du demi-singe au vrai singe, puis à l’homme47, mais cette gradation relève d’une différence quantitative, et non qualitative. L’homme et l’animal sont par conséquent de nature semblable.

Zeitgeist

  • 48 Voir par exemple Horst Gründer : Geschichte der deutschen Kolonien. Paderborn 1991 ou Andreas Ecker (...)
  • 49 Voir à ce propos : Jörn Leonard/ Rolf G. Renner (éd.) : Koloniale Vergangenheiten – (post-)imperial (...)
  • 50 Cf. Catherine Repussard : Idéologie coloniale et imaginaire mythique. La revue Kolonie und Heimat d (...)
  • 51 Heinrich Fink-Eitel : Die Philosophie und die Wilden. Über die Bedeutung des Fremden für die europä (...)
  • 52 Voir par exemple : Cordula Grewe (éd.) : Die Schau des Fremden. Ausstellungskonzepte zwischen Kunst (...)
  • 53 Nigel Rothfels : Savages and Beasts: The Birth of the Modern Zoo ; Eric Baratay : Zoos, Histoire de (...)
  • 54 Alexander Sokolowsly (note 15), p. 67 et p. 74.
  • 55 Ernst Haeckel (note 12), p. 61 : « Die Verzweigungen des Seelenstammbaums ».
  • 56 Alexander Sokolowsly (note 15), p. 72.
  • 57 Ernst Haeckel (note 12), p. 61.
  • 58 Ibid., p. 71 : « Der Mensch hat die Anpassungshöhe der hochorganisierten Affen nie erreicht ».
  • 59 Alexander Sokolowsky est également l’auteur d’ouvrages populaires, sortes de manuels destinés à pré (...)

16Sans doute conviendrait-il de replacer les propos de Sokolowsky dans leur contexte et prendre la mesure d’un certain esprit de l’époque, du Zeitgeist : si l’anthropocentrisme est rejeté, l’eurocentrisme est pour sa part ravivé. Rappelons brièvement qu’en Allemagne l’heure est à la politique mondiale (Weltpolitik) et à la politique coloniale48, toutes deux extrêmement populaires49. L’Allemagne dispose d’un vaste empire colonial, en Afrique notamment, et la propagande coloniale se propage à travers tout le Reich, notamment sous l’impulsion de l’activité particulièrement soutenue des Sociétés de géographie et de la Deutsche Kolonialgesellschaft50. Le « sauvage », homme ou bête, fascine et interpelle, poussant à la fois propagandistes coloniaux, mais aussi les philosophes, à s’interroger sur la spécificité de la nature humaine51. À mesure que les frontières entre l’homme et l’animal en viennent à s’estomper, l’homme de culture s’éloigne des « naturels », ainsi que le révèle l’emploi toujours plus affirmé autour de 1900 de termes que l’on tient pour contraires et incompatibles : Naturvolk et Kulturvolk. Les hommes « sauvages » et les animaux furent approchés sur un même plan, notamment lors d’expositions anthropozoologiques52 dont Carl Hagenbeck s’était fait une spécialité, destinées à montrer tant des « sauvages » que des animaux exotiques dans leur environnement naturel53. Elles furent organisées dans les grandes villes allemandes et autrichiennes, pensons notamment au village Ashanti reconstruit à Vienne comme à Berlin, ainsi qu’elles le furent dans de nombreuses métropoles européennes. Conçues comme des « leçons de choses », elles étaient à mêmes de toucher un vaste public en un temps très court et capables de frapper l’opinion de manière durable. Alors que Sokolowsky, tout comme son maître à penser Haeckel, dénient à l’humain son statut de prince de la création (Krone der Schöpfung), ils restent imprégnés d’européocentrisme et défendent l’idée d’une stricte hiérarchisation des peuples. Les peuples primitifs sont pour eux des hommes « malgré tout », bien que, ainsi que le soutient Sokolowsky, leurs comportements soient plus proches de celui des animaux. Il considère néanmoins qu’ils sont parvenus à atteindre un degré de culture impossible à atteindre par l’animal, car affirme t-il, les singes n’utilisent pas d’outils, ce en quoi il se trompe54. En quête d’explication, il finit par affirmer que les hommes et les singes sont des espèces issues d’embranchements spécifiques de l’arbre généalogique de l’âme55 et qui ont évolué différemment56, ce qui permet d’expliquer la différence entre la psychologie animale et la psychologie des peuples (Tierpsychologie und Völkerpsychologie). Quoi qu’il en soit, Sokolowsly reproduit l’idée d’un degré de développement selon une échelle des valeurs et se place une fois de plus dans le droit sillage de Haeckel affirmant : « Der psychische Unterschied zwischen dem rohesten Naturmenschen der niederen Stufe und dem vollkommensten Kulturmenschen der höschten Stufe ist kolossal, viel größer als gemeinhin angenommen wird »57. En revanche, affirme-t-il, l’homme n’a jamais su atteindre le niveau d’adaptation à l’environnement (Umwelt) des grands singes58. C’est grâce à cette capacité d’adaptation hors normes (humaines) que ces derniers ont pu développer leur intelligence. Quoi qu’il en soit, les grands singes sont en tous points perfectibles, au point de pouvoir devenir des « animaux comme nous ». Pour Sokolowsky, au contact de l’homme, les animaux se laisseraient rendre intelligents, à l’instar des peuples naturels. Cette fois, les animaux et les « naturels » sont abordés à même hauteur, sur le même plan, avec toutefois une légère avance pour les animaux…59

17Quoi qu’il en soit, si les « éthologues » autour de 1900 parviennent à admettre relativement aisément l’humanité des grands singes, leur préoccupation première reste de les hisser à un statut plus élevé sur l’échelle de leurs représentations des valeurs, tout comme ils considéraient qu’il était nécessaire de « civiliser » les « sauvages » et autres peuples « naturels ». En d’autres termes, ils cherchaient à fournir un « travail culturel » (Kulturarbeit leisten), d’après l’expression éminemment coloniale en vogue à l’époque, car c’était là le fardeau de l’homme blanc ou si l’on préfère le fardeau des animaux évolués, afin que le « grand Tout du vivant » remplisse sa fonction qui est d’évoluer sans cesse. Les catégories d’humanité et d’animalité n’ont plus court, seules des différences de degrés sont perceptibles, elles aussi destinées à évoluer sans fin.

  • 60 Jörg Fisch : « Zivilisation, Kultur ». In : Otto Brunner (éd.) : Geschichtliche Grundbegriffe. Hist (...)
  • 61 Voir par exemple les écrits de Ernst Troelsch (1865-1923), professeur à Bonn, Heidelberg et Berlin, (...)
  • 62 La Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) fut fondé en 1891. Elle fut particulièrement influent (...)
  • 63 L’institut pour l’hygiène raciale (Gesellschaft für Rassenhygiene) fut fondée en 1905 par Alfred Pl (...)
  • 64 Cf. Janet Biehl/ Peter Staudenmaier : Ecofascism Revisited: Lessons from the German Experience. Por (...)
  • 65 André Pichot : La société pure. De Darwin à Hitler. Paris 2009, p. 33.
  • 66 Ibid., p. 35.

18Par ailleurs, rappelons que l’idée de « culture » prend également une acception particulière à l’époque, tout particulièrement au sein de l’espace germanophone, où elle s’oppose à l’idée de « civilisation » telle qu’elle s’est développée au sein du monde occidental, renvoyant à l’idée de modernisation technique et de progrès malfaisants60 ou plus largement à l’idée d’un matérialisme naturel néfaste pour un esprit germanique plus enclin à l’idéalisme et au mysticisme61. Pourtant dans le cadre de l’éthologie, l’ambivalence reste fondamentale, les termes se superposant à travers une approche « floutée ». D’une part, il est communément admis que c’est grâce à la maîtrise de l’outil que put se développer une forme de culture, tandis que de l’autre, l’on affirme la culture véritable se définirait par la distanciation, voire le rejet, de cette même techné qui permettrait alors à l’homme de retrouver son authenticité – animale – première dont il aurait gardé la nostalgie. La pensée haeckellienne, et à travers elle celle de Sokolowsky, apparaît, à l’instar du Zeitgeist réformateur de l’époque, tel qu’il s’exprime au sein du mouvement de la réforme de la vie, en quête d’harmonie ou tout du moins d’un équilibre harmonieux renvoyant à l’unité originelle, source du bonheur. La parfaite coïncidence entre l’homme et son environnement naturel s’exprime dans notre cas à travers l’ambivalence du mot composé Menschenaffen / Affenmenschen utilisé tant par Haeckel que par son disciple Sokolowsly où déterminant et déterminé ont la même valeur au sein d’un « grand Tout » englobant, celui du « grand Tout du vivant », cher au moniste Haeckel. Cependant, les rapports de domination n’en sont pas absents. Chez le darwinien Haeckel, l’entraide s’entend comme subordination de toute forme d’altérité, qu’elle soit humaine ou animale : il faut, en contexte colonial, éduquer les « naturels » au travail (Erziehung zur Arbeit), tout comme il faut dresser les animaux et sélectionner les meilleurs spécimens. Il est vrai que Haeckel, sans doute est-il nécessaire de le rappeler, fut membre de la Ligue Pangermaniste (Alldeutscher Verband)62, et de la Société pour l’Hygiène raciale (Gesellschaft für Rassenhygiene)63 qui fut sans aucun doute le creuset où se sont élaborés les doctrines biologico-politiques64. C’est pourquoi Jürgen Sandmann et Daniel Gasman voient dans le monisme un mouvement protofasciste et lui reprochent d’avoir brisé la tradition humaniste en biologisant l’éthique. Pour André Pichot, le monisme aurait suscité une « naturalisation du politique »65 ou encore une « naturalisation de la société »66. À moins que, ainsi qu’il le remarque, ce ne soit l’inverse : Darwin, Haeckel et Sokolowsky dans son sillage, se seraient inspirés de la sociologie et de l’économie transposées en biologie. André Pichot note à cet effet :

  • 67 Ibid.

Il est curieux de voir comment Darwin retrouve chez les bêtes et les végétaux la société anglaise avec la division du travail, l’ouverture de nouveaux marchés, les « inventions » et « la lutte pour la vie » de Malthus. C’est le bellum omnium contra omnes de Hobbes et cela fait penser à la Phénoménologie de Hegel, où la société bourgeoise figure sous le nom de « règne animal intellectuel », tandis que chez Darwin c’est le règne animal qui fait figure de société bourgeoise.67

  • 68 Élisabeth de Fontenay : Le silence des bêtes : la philosophie à l’épreuve de l’animalité. Paris 199 (...)
  • 69 Antonio Damasio : L’erreur de Descartes. Paris 2010.
  • 70 Élisabeth de Fontenay : « L’animal humain ». In : Ravages. Tous des bêtes. Paris 2011, p. 13.
  • 71 Vinciane Despret : Que diraient les animaux si… on leur posait les bonnes questions ? Paris 2012. N (...)
  • 72 Voir par exemple : Theodor Hertzka : Freiland. Ein soziales Zukunftsbild. Leipzig 1890 ou Silvio Ge (...)

19Lorsque Frans de Wall insiste sur la nécessité d’être en harmonie avec autrui, sur la nécessité de reconsidérer les interactions au sein d’un « grand Tout », lorsque Elisabeth de Fontenay évoque une « cosmopathie »68, réaffirmant ce qui est de l’ordre du sentiment et de l’émotionnel chez les êtres vivants, tous deux « creusent la crise de l’humanisme » enraciné dans L’erreur de Descartes pour reprendre le titre d’un essai du grand biologiste généticien Antonio Damasio, qui consistait à vouloir tout mettre au crédit de la conscience et de la connaissance69. En effet, « nous ne sommes plus dans la pensée mécaniste et pavlovienne, mais dans une relation du signe au déchiffrement, commune à l’homme et à l’animal qui contribue à creuser la crise de l’humanisme métaphysique »70. Le monisme tel que le concevait Haeckel semble correspondre davantage à la tentative de garantir le maintient de l’existence d’une « science de l’âme » empreinte de spiritualité  à une époque où l’on cherchait surtout à rendre la science « scientifique »71 : l’âme du monde, la Weltseele, est saisie comme une substance fluctuante qui se matérialise, créant ainsi l’harmonie entre le corps et l’âme. Haeckel exprime en premier lieu la volonté de préserver une « science romantique » ou une « science enchantée », à la recherche de l’harmonie, notamment émotionnelle, au sein du vivant et s’inscrit ainsi parfaitement dans le sillage des mouvements pour la réforme de la vie (Lebensreform) qui conjuguent réforme sociale et réforme de soi (Selbstreform) en quête d’une harmonie primordiale entre l’homme et la nature. Mouvement protéiforme, la Lebensreform est susceptible d’être saisie structurellement comme un ‘mouvement de mouvements’ qui touche les multiples aspects de la vie qu’elle cherche pour l’essentiel à lier, voire à relier à son environnement naturel, afin de parvenir à une adéquation de l’homme à la nature environnementale, mais aussi à sa propre nature entravée par ce que l’on tient pour des dérives civilisationnelles. Ainsi, la Lebensreform perçoit l’homme à travers le réseau de relations qu’il a tissé autour de lui, développant l’idée de solidarité objective de notre organisme avec la nature terrestre, cherchant ainsi à fonder subjectivement un sentiment d’appartenance, impliquant de repenser notre lien à la nature. Celle-ci n’est plus alors perçue comme un cadre, un environnement ou un support, et encore moins comme un instrument destiné à satisfaire nos besoins, mais bien comme le milieu de notre appartenance. Et c’est également au nom du respect de la nature et de son organisation que l’on cherchera à développer, à côté d’approches social-darwinistes, des organisations économiques et des interactions sociales, tenues pour plus justes et devant permettre à chacun de s’épanouir harmonieusement. Celles-ci furent développées à travers une idylle communautaire impliquant l’entraide et la convivialité, développées tant par des anarchistes comme Gustav Landauer que par les penseurs sociaux-libéraux tels Theodor Hertzka à la fin du xixe siècle ou Silvio Gesell dans les années vingt72, tous deux intimement liés à une pensée réformatrice de la vie.

  • 73 Werner Theobald : Mythos Natur. Die geistigen Grundlagen der Umweltbewegung. Darmstadt 2003. Voir é (...)
  • 74 Frans de Waal : L’Âge de l’empathie. Leçons de nature pour une société solidaire. Arles 2011 (tradu (...)
  • 75 Frans de Waal : Primates et philosophes (note 37), p. 100.
  • 76 Franz Kafka : Ein Bericht für eine Akademie [1917] <www.dieterwunderlich.de/Kafka_bericht_akademie.htm> [28.12.2014].

20Ainsi, la rupture épistémologique annoncée par certains de nos contemporains semble davantage correspondre à une réémergence ou une réactualisation73, sous une forme nouvelle, d’une pensée préexistente, où nature et culture sont saisies comme une seule et même entité. En revanche, la contextualisation et l’instrumentalisation du monisme est radicalement différente. Le sous-titre Leçons de nature pour une société solidaire de l’ouvrage de Frans de Waal L’Âge de l’empathie est à ce titre révélateur, ainsi que l’amorce du livre : « La cupidité a vécu. L’empathie est de mise »74. Puis l’auteur évoque la crise financière ainsi que la nécessité d’élaborer un nouveau projet de société, en modélisant la vie des primates qui selon lui seraient parvenus à « être en harmonie avec autrui ». Il convient par conséquent au « singe en nous » de se réveiller afin que nous nous mettions à l’écoute de notre vie intérieure qu’il tient pour semblable à celle des grands singes, à la fois « complexe et familière »75. Ainsi, en cherchant à nous donner « une leçon de nature », Frans de Waal s’inscrit dans le Zeitgeist des années 2000, qui, à côté de la pensée néolibérale qui se présente comme la nouvelle raison du monde et qui incarne la lutte de tous contre tous, exprime avec force sa préoccupation liée à la question de la disparition de la nature environnementale, de la nature animale et de la « nature humaine », à travers le développement des biotechnologies. Par ailleurs, il nous invite à nous interroger sur la prise de risque que nous, les humains, sommes prêts à prendre pour approcher les « autres animaux », tout comme Sokolowsky s’interrogeait sur le rôle déterminant des préjugés de l’observateur et de l’expérimentateur à leur égard. Frans de Waal souligne ce que l’homme partage avec l’animal à travers une « décentration » d’un regard ou d’une approche. Ses travaux s’inscrivent dans l’histoire des conceptions des intelligences animales et semblent faire écho à certains textes issus du monde germanophone au tournant du xxe siècle et chercher, en résonance, à déterminer une proximité de l’homme et de l’animal, à travers l’affirmation d’une communauté des êtres de nature, qu’ils fussent hommes ou singes. Dans Aus dem Seelenleben höherer Tiere, Sokolowsky revient sur la nécessité de se libérer de tout préjugé pour être capable de « dé-penser » l’animalité telle qu’elle a été pensée jusque là, à supposer que celle-ci existe, ainsi que le suggèrent les paroles de « l’homme-singe » (Affenmensch) Rotpeter de Franz Kafka : « Ihr Affentum meine Herren, sofern Sie etwas Derartiges hinter sich haben, kann Ihnen nicht ferner sein als das meine »76.

Haut de page

Notes

1 Frédéric Boyer : Introduction à l’ouvrage de Dominique Lestel : Les origines animales de la culture. Paris 2001.

2 Oskar Heinroth : Beiträge zur Biologie, namentlich Ethologie und Psychologie der Anatiden. In : Berichte des Vereins Internationalen Ornithologen Kongresses. Berlin 1910, p. 559 sq. Oskar Heinroth (1871-1945) est zoologue, directeur de l’aquarium du zoo de Berlin, qui ouvrit en 1913. Considéré comme l’un des pères de l’éthologie, il adaptera la morphologie comparative au comportement animal. Ses études des anatidae (canards, oies, cygnes) lui permettront de démontrer le phénomène de l’imprégnation (Prägung) qu’avait mis en lumière Douglas Spalding (1840-1877) au xixe siècle. Ses résultats seront repris et popularisés par Konrad Lorenz (1903-1989) qui considère Heinroth comme son maître.

3 Jean-Luc Renck / Véronique Servais : L’Éthologie, Une histoire naturelle des comportements. Paris 2002.

4 Dominique Lestel (note 1), p. 20.

5 Niko Tinbergen (1907-1988), théoricien de l’instinct, est le fondateur de l’éthologie comparative et objectiviste et le cofondateur avec Konrad Lorenz (1903‑1989) de l’éthologie objectiviste qui a pour objet d’étudier les animaux dans leur milieu naturel. En 1973, il obtient pour ses travaux avec Karl von Frisch le prix Nobel de physiologie ou médecine.

6 Jakob von Uexküll (1864-1944) est notamment connu pour son concept d’Umwelt, selon lequel chaque espèce vivante a son univers propre, auquel elle donne sens, et qui lui impose ses déterminations. Pour Uexküll, la règle suivante prévaut : un milieu vécu optimal dans un environnement que caractérise l’infinité indiscernable de la nature.

7 Adolf Portmann (1897-1982) s’intéresse davantage à la perception et l’action des animaux (par opposition au « physicalisme » de la biologie moléculaire) et publie en 1953 un ouvrage d’éthologie : Das Tier als soziales Wesen. Dans ce contexte, le recours à la notion d’ « intériorité de l’animal », issue de son « monde intérieur » selon Jakob von Uexküll, a suscité la controverse. Ses détracteurs lui reprochent de vouloir introduire une dimension mystique, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit : il est seulement question de reconnaître la capacité propre des animaux à percevoir, à éprouver l’expérience et à agir.

8 Giorgio Agamben : L’Ouvert. De l’homme et de l’animal. Paris 2002 (traduction française de Joël Gayraud), p. 65.

9 Cf. Maren Paertenheimer : Goethes Tragweite in der Naturwissenschaft. Berlin 1989. Dans cet ouvrage, l’auteur analyse l’influence de la Naturphilosophie goethéenne sur des penseurs comme Hermann von Heimholz, Ernst Haeckel, Werner Heisenberg et Carl Friedrich von Weizsäcker.

10 Diethart Kerbs/ Jürgen Reulecke (éd.) : Handbuch der Reformbewegungen 18801933. Wuppertal 1998.

11 Marc Cluet/ Catherine Repussard (éd.) : « Lebensreform » – Die soziale Dynamik der politischen Ohnmacht/ La dynamique sociale de l’impuissance politique. Tübingen 2013.

12 Pensons à La fable des abeilles (1714) de Mandeville ou encore à l’exploitation socio-politique du darwinisme, communément désignée par l’expression « darwinisme-social ». Voir à ce propos André Beijin : « Théories socio-politiques de la lutte pour la vie ». In : Pascal Ory (dir.) : Histoire des idées politiques. Paris 1987, p. 406-419.

13 Voir également Catherine Repussard : Métamorphoses de l’Alternativité, De la Lebensreform à l’Altermondialisme. Strasbourg 2016 (à paraître).

14 Ernst Haeckel : Die Welträtsel [1899]. Leipzig 1918, p. 3.

15 Ibid., p. 8.

16 Ibid., p. 9 : « […] ewig, unendlich, unbegrenzt. »

17 Frans de Waal : Le singe en nous. Paris 2006 (traduction française de Marie-France de Paloméra).

18 Alexander Sokolowsky : Aus dem Seelenleben höherer Tiere. Leipzig 1910.

19 Alexander Sokolowsky : Beobachtungen über die Psyche der Menschenaffen. Berlin 1908.

20 Ames Eric : Carl Hagenbeck’s Empire of Entertainments. London / New York 2009.

21 Carl Hagenbeck : Von Tieren und Menschen. Berlin 1908.

22 Ils ne vont pas sans rappeler les fascicules de la série Kosmos que publie Wilhelm Bölsche (1861-1939), cofondateur de la ligue moniste et grand diffuseur de la pensée haeckellienne.

23 Johannes Unold : Der Monismus und seine Ideale. Leipzig 1908.

24 Cette proximité originelle avait déjà été soulignée auparavant, notamment par Hermann Schaffausen qui avait publié, dès le milieu du xixe siècle, plusieurs traités sur l’origine animale de l’homme dont Über Beständigkeit und Umwandlung der Arten. Bonn 1853.

25 Sokolowsly (note 16), p. 8.

26 Ibid. : « Sie [die Philosophen] verlieren die Realität des Seins. »

27 Ibid. : « Was kann und soll mit dem Experiment erreicht werden? »

28 Ibid., p. 7.

29 Ibid., p. 21.

30 Ibid.

31 Ibid., p. 22.

32 Ibid., p. 19.

33 Ibid., p. 36.

34 Ibid., p. 10.

35 Ibid., p. 15.

36 Ibid.

37 Ibid., p. 5.

38 Ibid., p. 49.

39 Ibid.

40 Frans de Waal : Primates et philosophes. Paris 2008, p. 27 (traduction française de Sarah Durcel).

41 Ibid, p. 31.

42 Pierre Kropotkine : L’entraide, un facteur d’évolution [1902]. Paris 2010, p. 54.

43 Ibid.

44 De Waal (note 39), p. 40 sqq.

45 Ibid., p. 49.

46 Haeckel (note 12), p. 21.

47 Ibid. : « […] die Primatennatur des Menschen (Halbaffen, die echten Affen, die Menschen) […] ».

48 Voir par exemple Horst Gründer : Geschichte der deutschen Kolonien. Paderborn 1991 ou Andreas Eckert : Geschichte des deutschen Kolonialismus. München 2008.

49 Voir à ce propos : Jörn Leonard/ Rolf G. Renner (éd.) : Koloniale Vergangenheiten – (post-)imperiale Gegenwart. Berlin 2010, Introduction.

50 Cf. Catherine Repussard : Idéologie coloniale et imaginaire mythique. La revue Kolonie und Heimat de 1909 à 1914. Strasbourg 2014 ; Catherine Repussard : Utopies coloniales autour de 1900. Monde germanique et Modernité. Paris 2015.

51 Heinrich Fink-Eitel : Die Philosophie und die Wilden. Über die Bedeutung des Fremden für die europäische Geistesgeschichte. Hamburg 1994.

52 Voir par exemple : Cordula Grewe (éd.) : Die Schau des Fremden. Ausstellungskonzepte zwischen Kunst, Kommerz und Wissenschaft. Stuttgart 2006 ; Sylke Kirschnick : « Koloniale Szenarien in Zirkus, Panoptikum und Lunapark ». In : Ulrich van der Heyden/ Joachim Zeller (éd.) : „…Macht und Anteil an der Weltherrschaft“. Berlin und der deutsche Kolonialismus. Münster 2005 ; Susann Lewerenz : « Völkerschauen und die Konstituierung rassifizierter Körper ». In : Torsten Junge/ Imke Schmincke (éd.) : Marginalisierte Körper. Beiträge zur Soziologie und Geschichte des anderen Körpers. Münster 2007.

53 Nigel Rothfels : Savages and Beasts: The Birth of the Modern Zoo ; Eric Baratay : Zoos, Histoire des jardins zoologiques en Occident (xve-xxe siècles). Paris 1998, p. 249 sqq. ; Nicolas Bancel/ Pascal Blanchard/ Gilles Böetsch/ Eric Deroo : Zoos humains : Au temps des exhibitions humaines. Paris 2004.

54 Alexander Sokolowsly (note 15), p. 67 et p. 74.

55 Ernst Haeckel (note 12), p. 61 : « Die Verzweigungen des Seelenstammbaums ».

56 Alexander Sokolowsly (note 15), p. 72.

57 Ernst Haeckel (note 12), p. 61.

58 Ibid., p. 71 : « Der Mensch hat die Anpassungshöhe der hochorganisierten Affen nie erreicht ».

59 Alexander Sokolowsky est également l’auteur d’ouvrages populaires, sortes de manuels destinés à présenter la « diversité des races » du monde. Voir notamment : Alexander Sokolowsky : Menschenkunde: eine Naturgeschichte sämtlicher Völkerrassen der Erde: Ein Handbuch für Jedermann. Stuttgart/ Berlin/ Leipzig 1901 ; Alexander Sokolowsky : Jenseits der Hochkultur. Berlin 1912.

60 Jörg Fisch : « Zivilisation, Kultur ». In : Otto Brunner (éd.) : Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland. Bd. 7. Stuttgart 1992, p. 679-774.

61 Voir par exemple les écrits de Ernst Troelsch (1865-1923), professeur à Bonn, Heidelberg et Berlin, dans lesquels il s’interroge sur les relations entre l’« esprit allemand », dont il affirme la spécificité, et les Lumières occidentales ou encore ceux de Ferdinand Tönnies, notamment : Gemeinschaft und Gesellschaft. Abhandlung des Communismus und des Socialismus als empirischer Culturformen. Berlin 1887.

62 La Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) fut fondé en 1891. Elle fut particulièrement influente et propagea un expansionnisme à tout crin et un nationalisme exacerbé.

63 L’institut pour l’hygiène raciale (Gesellschaft für Rassenhygiene) fut fondée en 1905 par Alfred Ploetz (1860-1940) à Berlin. Son objectif était de fonder « scientifiquement » l’« hygiène raciale » et de développer l’eugénisme.

64 Cf. Janet Biehl/ Peter Staudenmaier : Ecofascism Revisited: Lessons from the German Experience. Porsgrunn 2011.

65 André Pichot : La société pure. De Darwin à Hitler. Paris 2009, p. 33.

66 Ibid., p. 35.

67 Ibid.

68 Élisabeth de Fontenay : Le silence des bêtes : la philosophie à l’épreuve de l’animalité. Paris 1998.

69 Antonio Damasio : L’erreur de Descartes. Paris 2010.

70 Élisabeth de Fontenay : « L’animal humain ». In : Ravages. Tous des bêtes. Paris 2011, p. 13.

71 Vinciane Despret : Que diraient les animaux si… on leur posait les bonnes questions ? Paris 2012. Notamment le chapitre intitulé : Faire science, p. 56 sq.

72 Voir par exemple : Theodor Hertzka : Freiland. Ein soziales Zukunftsbild. Leipzig 1890 ou Silvio Gesell : Die natürliche Wirtschaftsordnung, Vorwort zur 3. Auflage, p. XIV. Bern 1938 : « Die Wirtschaftsordnung, von der hier die Rede ist, kann nur eine natürliche genannt werden, als sie der Natur des Menschen angepaßt ist. Es handelt sich also nicht um eine Ordnung, die sich etwa von selbst, als Naturprodukt einstellt. Eine solche Ordnung gibt es überhaupt nicht, denn immer ist die Ordnung, die wir uns geben, eine Tat, und zwar eine bewuβte und gewollte Tat ».

73 Werner Theobald : Mythos Natur. Die geistigen Grundlagen der Umweltbewegung. Darmstadt 2003. Voir également Bruno Latour : Nous n’avons jamais été modernes. Paris 1991.

74 Frans de Waal : L’Âge de l’empathie. Leçons de nature pour une société solidaire. Arles 2011 (traduction française de Marie-France de Paloméra), p. 9.

75 Frans de Waal : Primates et philosophes (note 37), p. 100.

76 Franz Kafka : Ein Bericht für eine Akademie [1917] <www.dieterwunderlich.de/Kafka_bericht_akademie.htm> [28.12.2014].

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Repussard, « Anima Animalis. Éthologies en résonance 1900-2000 »Recherches germaniques, HS 10 | 2015, 69-84.

Référence électronique

Catherine Repussard, « Anima Animalis. Éthologies en résonance 1900-2000 »Recherches germaniques [En ligne], HS 10 | 2015, mis en ligne le 05 février 2019, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rg/872 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rg.872

Haut de page

Auteur

Catherine Repussard

Maître de conférences HDR
Département d’études germaniques, Université de Strasbourg

repussardcatherine@wanadoo.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search