Ce travail est soutenu par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme « France 2030 » (ANR-15-IDEX-0002) via le LabEx ITTEM et le ministère français de la Transition écologique et de la Cohésion territoriale (Fonds national d’aménagement et de développement du territoire)
1Les espaces caractérisés par l’économie du tourisme des sports d’hiver ont connu une évolution des dynamiques socio-économiques et une recomposition démographique depuis l’essor des stations (André-Poyaud et al. 2010 ; Barrioz, 2019 ; Carrosio et al., 2019 ; Drouet, 2024). Ils sont également marqués par l’arrivée d’individus aux capitaux différenciés, qu’il s’agisse de néo-habitant·es, de saisonniè·res, de résident·es secondaires ou de retraité·es, etc., et par le départ de certain·es d’entre elles et eux pour différentes raisons (prix, confort, parcours de vie, etc.). En s’inscrivant dans le parc résidentiel et dans l’accès au logement, qu’il soit permanent ou temporaire, en location ou à l’achat, ces phénomènes démographiques, en partie liés à des logiques capitalistes et consuméristes, participent à la construction de rapports de domination qui alimentent, parfois en cercle vicieux, la mise à l’écart de certains groupes minorisés (Guibert, 2024). Dans le contexte alpin, certaines politiques locales (orientations, budgets, projets) et les logiques du marché immobilier privilégient en effet les touristes, les résident·es secondaires et/ou les individus et familles permanents aux revenus plus élevés. Cela nous invite à porter notre attention sur les groupes invisibilisés des destinations touristiques que sont les saisonniè·res de l’activité touristique, les travailleur·es du BTP ou encore les individus et familles aux revenus modestes (Piquerey, 2016). Nous proposons ainsi d’identifier et d’analyser les rapports de domination susceptibles d’exister entre différents groupes sociaux, selon les catégories socioprofessionnelles, les revenus mais aussi l’âge.
2La réflexion portée dans cet article repose sur un croisement des apports de deux thèses. D’une part, celle de Quentin B.G. Drouet (2024) est consacrée aux résidences secondaires et à l’action publique face au défi du maintien de la vie locale à l’année dans les territoires supports de stations alpines à l’échelle de l’arc alpin. Ce sont toutefois uniquement les stations françaises qui sont retenues dans cette réflexion sur les processus de hiérarchisation résidentielle (Les Deux Alpes, La Clusaz, Saint-Martin, Les Ménuires, Val Thorens, La Rosière). D’autre part, la recherche doctorale d’Anne Barrioz, soutenue en 2019, a porté sur les migrations d’habitant·es dans huit hautes vallées alpines (Haut-Giffre, Beaufortain, Haute-Maurienne, Valbonnais, Valgaudemar, Queyras, Haute-Ubaye et Haute-Tinée) et sur les politiques publiques menées en faveur de l’accueil et du maintien d’habitant·es à l’échelle des Alpes françaises. Elle s’est notamment intéressée à l’installation résidentielle dans ces territoires touristiques et a initié la notion de gentrification altitudinale (Barrioz, 2019, 2020), qui est mobilisée comme base dans notre analyse.
3L’objet de cet article est donc de discuter des dynamiques socio-spatiales et des rapports de domination localisés dans certaines vallées alpines françaises et dans des communes-supports de stations. Plus précisément, ces rapports socio-spatiaux différenciés sont questionnés à travers l’angle spécifique de l’accès au logement. Nous analysons les dynamiques immobilières asymétriques qui prennent corps à travers l’action ponctuelle ou plus pérenne d’individus ou de groupes capables d’influencer les mutations démographiques et touristiques, jusqu’à provoquer une mise à l’écart. Ainsi, de quelle manière les rapports de domination entre différents groupes d’individus contribuent-ils à réorganiser la composition démographique et résidentielle des territoires supports de certaines stations alpines françaises ?
4Le fil directeur de cet article s’appuie sur deux notions liées entre elles : celle de la « gentrification altitudinale » qui correspond au processus de ségrégation socio-spatiale en fonction de l’altitude et celle de « descenseur social valléen » qui désigne la recomposition socio-démographique de vallées marquées par une perte d’habitants permanents en altitude. Pour argumenter l’usage de ces termes, et notamment celui de gentrification, nous proposons un bref état des lieux permettant de comprendre dans quelle mesure les clivages socio-spatiaux observés en régions métropolitaines et dans les territoires ruraux non touristiques sont transposables aux vallées touristiques. Après avoir précisé notre méthode, nous portons une réflexion sur la hiérarchisation foncière et résidentielle qui active les phénomènes de gentrification altitudinale et de descenseur social valléen, traduisant les migrations résidentielles et rapports de domination par gradients altitudinaux dans les vallées touristiques étudiées.
5Le cadre théorique fondamental d’analyse de la dimension spatiale des rapports de domination a émergé dans les études urbaines (Harvey, 1973 ; 2008) et notamment à travers le concept de gentrification (Chabrol et al., 2016 ; Clerval, 2011 ; Clerval et al., 2011 ; Glass et al., 1964). Ce dernier a été progressivement appliqué aux espaces ruraux, en premier lieu par les auteurices anglophones (Phillips, 1993, 2004 ; Smith, 1998) et plus récemment dans la recherche francophone (Cognard, 2006 ; Guimond et Simard, 2010 ; Pistre, 2012 ; Richard et al., 2014, 2017 ; Tommasi et al., 2017). L’étude de la gentrification rurale révèle des phénomènes de domination dans les espaces montagnards et notamment dans les Alpes (Bourdeau, 2008, 2016 ; Membretti et Viazzo, 2017 ; Piquerey, 2016 ; Perlik, 2011). Les liens entre groupes sociaux et territoires sont implicites. Ils se manifestent, à partir des années 2000, par l’arrivée de nouveaux individus, habitant souvent auparavant en ville, dont les capitaux sociaux, économiques, culturels et environnementaux les différencient des populations présentes depuis plus longtemps (Carrosio et al., 2019). Aspirant à s’installer dans un cadre de vie qu’iels trouvent plaisant, plus que par des objectifs directement économiques (changement d’emploi, populations repoussées en périphérie, etc.), iels participent à la transformation démographique, sociale, politique et spatiale des lieux qu’iels investissent (Phillips, 1993, 2004 ; Richard et al., 2014). La gentrification alpine intègre des spécificités rurales, auxquelles s’ajoutent l’influence d’un tourisme hivernal (axé vers les sports d’hiver et de montagne, avec une parahôtellerie, des logiques de dénivellation, etc.), la coprésence de différent·es usagèr·es et la forte inflation immobilière (Barrioz, 2020).
6Le tourisme hivernal participe à l’accentuation de la présence d’individus issus de classes aisées, les sports d’hiver demandant un investissement financier conséquent (prix du matériel, du forfait de ski, parfois des cours, du logement, etc.). Il semble alors d’autant plus important de comprendre comment la coprésence d’usagèr·es appartenant à des catégories socio-professionnelles et disposant de ressources sociales, économiques et culturelles variées, à des âges différents, contribuent à transformer ces territoires alpins. À ce sujet, A. Clerval propose une interprétation de l’espace comme à la fois le résultat et le vecteur d’une lutte des classes (2011). La perception d’atouts liés aux aménités paysagères, à l’ensoleillement et aux conditions d’enneigement induits par la topographie particulière des territoires étudiés ici génère un attrait pour certaines altitudes et pour certains versants aux yeux des usagèr·es. Dans les stations, les infrastructures de loisirs et la constante valorisation foncière attirent les investisseurs immobiliers. Dans notre cas, une grande majorité des résident·es secondaires interrogé·es par questionnaire indique que le domaine skiable a été déterminant dans le choix d’investir, loin devant les commerces, et l’accès à la nature. Ces ressources territoriales (topographie et héritage de produits touristiques) sont mobilisées par les différents acteurices aux parcours résidentiels et moyens financiers variables, dont les antécédents géographiques sont variés (habitant·es historiques, néo-arrivant·es). Cela engendre des rapports de pouvoir qui se transcrivent spatialement par des regroupements et des séparations de certains groupes de population en station, ou à l’inverse dans les fonds de vallées, ce qui contribue à la réinvention de l’attractivité de confins alpins (Barrioz, 2020). Ces ségrégations socio-spatiales peuvent s’associer à l’idée de « lutte des places » proposée par M. Lussault (2009).
7Plusieurs études en montagne témoignent d’enjeux prégnants liés à la présence d’inégalités entre groupes d’individus. Par exemple, la valorisation foncière est considérée comme une variable de redistribution des populations dans l’étude des transactions immobilières au Pays du Mont-Blanc (André-Poyaud et al., 2010). Par l’analyse des processus de gentrification dans les Dolomites, en Italie, Carrosio et al. (2019) constatent également des départs et des arrivées de populations directement liées à la valorisation immobilière. Dans les fonds de vallée, dotés de bourgs, ou ponctuellement marqués par un développement industriel (Hilal et al., 2011 ; Corrado, 2014), ainsi que dans les hautes vallées alpines plus ou moins attractives en termes de conditions de vie à l’année, certaines formes de domination se manifestent dans l’espace par la relégation de certain·es habitant·es, en premier lieu les jeunes et les familles aux revenus plus modestes, loin des centres des villages. Il se retrouvent ainsi
dans des espaces peu ensoleillés et parfois plus enclins aux pollutions sonores et atmosphériques que certains·es avaient pourtant pour objectif de fuir en arrivant. Satisfait·es de s’être rapproché·es des conditions de vie dans lesquels ils aspirent à évoluer, certain·es se sentent parfois privilégié·es de vivre dans ces endroits plutôt que victimes d’un accès inégalitaire à l’espace. Cette situation montre l’existence d’un gradient de gentrification altitudinale dans le sens où les espaces les plus hauts, les plus ensoleillés et bénéficiant d’un large panorama, mais aussi les moins accessibles et les plus éloignés des centres urbains sont plus enclins au phénomène de gentrification. Les populations les plus modestes sont ainsi d’autant plus repoussées dans les plaines de la haute vallée (Barrioz, 2019).
8Pour comprendre ces dynamiques socio-spatiales, il semble intéressant d’adjoindre les réflexions portant sur les processus de métropolisation de la montagne où le poids de la croissance économique urbaine prendrait l’ascendance sur le devenir des massifs (Messerli et al., 2011). En effet, la montagne serait soumise à l’influence des choix citadins qui assignent une fonction résidentielle prééminente lorsque les massifs sont accessibles en déplacements pendulaires depuis une agglomération, comme c’est le cas entre Wassen et Zurich, en Suisse (Perlik, 2011) ou entre Saint-Nizier-du-Moucherotte et Grenoble, en France (Bachimon et al., 2014 ; Bourdeau, 2016). A contrario, l’éloignement d’un pôle urbain peut ponctuellement, mais pas systématiquement, spécialiser une vallée dans une vocation principalement récréative, notamment pour les territoires de cœur de massif, dotés d’infrastructures touristiques (Bourdeau, 2008).
- 1 La notion de « capital environnemental » désigne un « actif social » qui intègre l’environnement co (...)
9L’économie résidentielle a tenté d’expliquer les logiques redistributives entre lieux productifs et consommateurices dans les cas où les résident·es secondaires endossent un rôle salvateur dans la redistribution économique des richesses métropolitaines vers la ruralité (Davezies, 2008 ; Talandier, 2016). La séparation entre lieux de consommation et lieux de productivité dans les systèmes touristiques localisés des stations (François et Marcelpoil, 2007) reste toutefois complexe, puisque l’industrie du ski a bel et bien organisé une économie productive de la montagne où le territoire devient lui-même un produit manufacturé, à travers la présence d’infrastructures (domaines skiables, commercialisation de meublés de tourisme notamment), de produits (neige de culture, offres touristiques) ou encore de mises en scène (ambiances créées dans les stations, festivités, etc.). L’existence même de ces artefacts et de la capacité des usagèr·es à s’en saisir ou non, en fonction de leurs différents capitaux (culturel, social, économique, financier, environnemental1) contribuent à renforcer les inégalités et les rapports de classe jusqu’à la matérialisation dans l’espace de certaines formes de domination. Les observations de L. Piquerey (2016) témoignent de façon très explicite des logiques de ségrégations socio-spatiales à l’œuvre au sein même des stations touristiques de l’arc alpin. La montagne constitue alors autant que les grandes métropoles un espace de forte concentration de clivages sociaux et de fragmentations spatiales. Un certain nombre de recherches font en effet le constat de la convergence d’intérêts d’acteurices influent·es pour une trajectoire des stations en faveur de la montée en gamme des prestations touristiques, le glissement d’une économie touristique vers une économie immobilière et la spécialisation d’un tourisme exclusivement hivernal (Clivaz, 2007 ; Bourdeau, 2008 ; Fablet 2013 ; Gerber et Tanner, 2018). Dans cet environnement compétitif et soumis aux logiques de croissance, la population résidente, intermittente, saisonnière et/ou d’actifs et actives pendulaires est amenée à négocier son intégration, en premier lieu dans l’accès au logement. Cet angle est celui que nous faisons le choix de développer ici pour illustrer le phénomène de descenseur social valléen.
10Si les sujets premiers de ces thèses et la finalité des entretiens n’ont pas été construits dans l’optique première d’étudier les rapports de domination, l’abondance des matériaux recueillis sur les trajectoires de vie, les pratiques résidentielles et les perceptions de l’évolution des territoires de montagne représentent une ressource consistante pour alimenter ces réflexions. Nos protocoles de recherche n’ont pas ciblé une collecte de données auprès de groupes minorisés et les entretiens semi-directifs n’ont pas été préconçus pour une analyse dialectique dominant·es/dominé·es. Néanmoins, les phénomènes de domination étant prégnants dans les discours des personnes rencontrées, il nous paraît nécessaire d’en faire état et d’assumer le propre de la recherche, celui de trouver des particularités non envisagées initialement. Nous examinons ce qui a été exprimé pour mieux comprendre les épiphénomènes susceptibles d’être signes d’ascendance ou de subordination entre des espaces et des groupes d’individus. In fine, le cumul de ces deux thèses permet d’exploiter un total de 266 entretiens semi-directifs, auprès d’acteurices rencontré·es de différentes manières (méthode de la boule de neige, observation participante, etc.) : habitant·es, résident·es secondaires, saisonnièr·es, élu·es, agent·es immobilièr·es, agent·es territoriaux, acteurices économiques et associatifs, employé·es du BTP, commerçant·es, professionnel·les du tourisme, demandeurs et demandeuses de logements, bailleurs sociaux, directeurices d’agences France Travail.
11Le traitement des données s’est réalisé tant par des méthodes quantitatives que qualitatives à partir des données statistiques du territoire et des entretiens. Les retranscriptions de ceux réalisés dans la thèse de Q.G.B. Drouet ont fait l’objet d’une recodification, d’une observation des occurrences et d’une hiérarchisation des thèmes exprimés par les interrogé·es (via le logiciel d’analyse MAXQDA). Ce protocole a permis d’identifier les facteurs perçus par les acteurices influençant le maintien d’une vie locale à l’année en territoires soumis à de fortes pressions touristique et immobilière, mais aussi de soumettre ces perceptions à une approche critique. Nous mobilisons ainsi les éléments issus de ces analyses qui sous-tendent les rapports de domination entre d’une part, les logiques de hiérarchisation résidentielle à l’œuvre et d’autre part, les parcours de vie, les capacités d’installation et les pratiques quotidiennes des individus. Pour la thèse d’A. Barrioz, les données ont été traitées de manière qualitative notamment grâce à des récits et des trajectoires de vie ainsi que des analyses lexicales (via le logiciel Sonal). Elles ont été complétées par l’extraction de données quantitatives issues de ce panel significatif, et de données statistiques variées (publiques françaises, privées, notamment en lien avec le marché de l’immobilier). Ces dernières ont également fait l’objet d’un traitement cartographique et statistique via les logiciels QGIS et Sphinx qui font ressortir les clivages socio-spatiaux entre les groupes de ménages et les gradients altitudinaux.
12Les contextes géographiques étudiés par les deux thèses se recoupent puisqu’ils concernent des communes touristiques de hautes vallées alpines françaises. Les territoires étudiés par Q.B.G. Drouet, davantage spécialisés dans l’économie touristique hivernale, et ceux étudiés par A. Barrioz, plus engagés dans la diversification économique, historiquement ou plus récemment, contribuent à une complémentarité des éclairages dans la compréhension des phénomènes à une échelle plus large et qui va au-delà de nos études de cas. Cette approche croisée de terrains d’études distincts vient souligner des rapports de domination similaires liés aux dynamiques socio-spatiales et au phénomène de gentrification altitudinale. Pour cette raison, il nous paraît intéressant de développer l’idée de « descenseur social valléen », qui émerge dans les Alpes françaises, comme résultante de la gentrification altitudinale déjà étudiée précédemment (André-Poyaud et al., 2010 ; Barrioz, 2019, 2020 ; Carrosio et al., 2019).
13Nous ne détaillons dans cet article qu’une seule partie des éléments collectés dans les thèses permettant d’illustrer et conceptualiser le descenseur social valléen. Les composantes qui participent à l’ensemble du phénomène ne sont pas exhaustives dans les figures présentées. En effet, de nombreux facteurs peuvent participer aux logiques d’attractivité et de gentrification des territoires, mais ils appellent des analyses complémentaires pour les comprendre dans leur globalité. Nous retenons ici essentiellement des indicateurs qui témoignent des mutations socio-démographiques.
- 2 Source : Explorateurs de données publiques, 2024.
14La valorisation immobilière et financière qui s’opère depuis plusieurs années en montagne fragilise l’accès au logement pour une partie de la population. L’augmentation annuelle des prix en station est de 5,5 % en France, tandis qu’en Autriche la croissance annuelle est de 4 % et de 2 % en Italie (Skoczek et al., 2023). En France, les communes-supports de stations touristiques ont des prix moyens qui en général, restent plus élevés (3933 euros/m²) que le reste du territoire métropolitain (3057 euros/m²) (FNAIM, 2023). Certaines communes dépassent largement les 4000 euros/m², comme Auron en Haute-Tinée (4966 euros/m²) ou Val d’Isère en Tarentaise (15903 euros/m²) (moyennes des appartements et maisons, neufs et anciens, au 1er mars 20242).
15Les prix de l’accès à la résidence principale étant décorrélés des ressources des ménages, de nombreux et nombreuses usagè·res rencontré·es (actifs et actives, saisonniè·res sédentarisé·es, commerçant·es, etc.) signalent leur départ potentiel de la station dans les années à venir en raison de l’impossibilité de concrétiser un accès à la propriété. À titre d’exemple, en Haute Tarentaise, la station de Tignes compte 32,8 % d’habitant·es propriétaires de leur résidence principale et Val d’Isère 42,1 %, soit bien en dessous de la moyenne de la Savoie qui est à 60,2 % (INSEE, 2021). Dans les hautes vallées alpines où le tourisme est présent, mais reste complété par d’autres activités, les habitant·es à l’année, y compris les jeunes du pays, évoquent cette possibilité de partir dans nombre de discussions et finissent régulièrement par quitter le territoire. L’exemple de trajectoire de vie suivant est emblématique du phénomène : un trentenaire, moniteur de ski et chef d’une petite entreprise de charpente, originaire de la vallée en question, a été contraint à s’installer en dehors de la vallée, à 45 minutes de son lieu de travail qui se situe en station, uniquement parce qu’il n’avait pas accès à la propriété chez lui, en raison de moyens financiers insuffisants. Cet habitant a également témoigné des tensions qui règnent dans ces territoires, au sein des familles qui préfèrent louer à des touristes leurs biens ou les vendre à des résident·es secondaires à des prix plus élevés.
16Il existe bien d’autres trajectoires qui illustrent également ces tensions et montrent comment ces résident·es font finalement le choix de déménager, de descendre voire de quitter la vallée : le couple qui se sépare et revend son logement, les séniors actifs et actives qui souhaitent s’éloigner de l’animation de la station et se rapprocher du « vert » printanier, le ou la retraité·e qui rejoint un centre urbain et ses services plus accessibles, etc. Parmi les résident·es secondaires, des situations de migrations résidentielles de la part de jeunes héritièr·es sont également relevées. Par exemple, des héritièr·es à Tignes revendent pour racheter à La Rosière (station située en face) en raison des prestations touristiques moins chères, mais aussi pour pouvoir bénéficier d’une résidence secondaire plus grande sur un versant mieux exposé à l’ensoleillement. Ces choix, dominés par des capitaux financiers et environnementaux (Richard et al., 2017) relativement forts, montrent que les rapports de domination se situent à la fois au niveau du marché résidentiel de l’habitat permanent que secondaire. Ils participent aussi à l’augmentation des prix immobiliers dans un territoire où la main d’œuvre a du mal à se loger. Tous ces facteurs interviennent également dans un processus sélectionnant des individus, plus ou moins en capacité de s’intégrer pleinement dans l’économie locale et de s’adapter aux contraintes géographiques des accès routiers, de l’offre de transports ou encore de l’accès aux services.
- 3 Sources : INSEE, Explorateur de données publiques, 2024.
17Pour illustrer ces propos, les figures 1, 2, 3 et 4 présentent les dynamiques immobilières et socio-démographiques par gradient altitudinal dans quatre vallées françaises, au regard de cinq indicateurs : le solde migratoire (positif/négatif), le prix médian du logement par mètre carré des cinq dernières années (appartements, maisons dans l’ancien et le neuf), l’évolution de la part de population de moins de 44 ans, l’évolution de la part d’habitant·es disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur, l’évolution de la part d’habitant·es propriétaires de leur résidence principale et l’évolution du revenu médian3.
18Cette première lecture d’indicateurs clés permet de constater un phénomène de toboggan vers le bas de la vallée. Celui-ci se manifeste par une tendance à la hausse graduelle des prix de l’immobilier au fur et à mesure que l’altitude s’élève tout en s’accompagnant de soldes migratoires négatifs descendants depuis les hauts de vallée et très significativement depuis les communes-supports de stations. Dans les deux premiers cas, l’augmentation plus importante de la part de population diplômée et des revenus médians en haut de vallée traduit une tendance à l’élitisation de la population en amont vis-à-vis de l’aval de la vallée. Enfin, l’évolution de la part d’habitant·es propriétaires de la résidence principale ne démarque pas nécessairement les communes les plus en aval par rapport aux communes les plus en amont dans la vallée. Elle peut même, dans certains cas, augmenter dans les communes-supports de stations, ce qui reflète potentiellement des départs d’habitant·es locataires plus que de propriétaires (communes des Belleville en Tarentaise, Savoie ; La Clusaz dans les Aravis, Haute-Savoie ; Pra Loup en Ubaye, Alpes-de-Haute-Provence). Il convient aussi de préciser que la baisse plus importante de la part des personnes de moins de 44 ans qui peut être observée à Hauteluce dans la figure 1 est spécifique à la vallée et peut éventuellement être reliée à une main-d’œuvre saisonnière jeune, moins conséquente que dans d’autres territoires étudiés. Nous avons également observé ces mêmes indicateurs à une année fixe entre le bas et le haut de vallée. Cette lecture conforte un héritage de l’essor touristique qui reste globalement vecteur de diversité sociale sur l’ensemble de la vallée. Ce sont donc surtout les évolutions plus récentes qui attestent d’une mutation de la composition démographique où une population propriétaire à fort niveau d’éducation et fort revenus est en progression.
19Le versant sud de la vallée du Beaufortain témoigne d’un solde migratoire négatif pour la plupart des communes. La ville d’Albertville à proximité, en dehors du massif, présente quant à elle un solde migratoire positif.
Figure 1 : Le descenseur valléen dans le Beaufortain (Savoie), à travers l’exemple de son versant sud
20La vallée des Belleville est marquée par des migrations résidentielles descendantes où la perte d’habitant·es sur la commune des Belleville s’accompagne d’un gain d’habitant·es en aval.
Figure 2 : Le descenseur valléen des Belleville (Tarentaise, Savoie)
21Dans le contexte des vallées de Thônes, la commune de La Clusaz poursuit une perte d’habitant·es entre 2014 et 2018 tandis que les communes situées en aval jusqu’au bourg de Thônes ont un solde excédentaire. La part de résident·es permanent·es propriétaires augmente plus significativement sur la commune Les Villards-sur-Thônes. Dans ce cas, les soldes positifs ne sont pas seulement liés à la migration résidentielle descendante. Il y a également des migrations résidentielles ascendantes depuis Annecy vers la vallée.
Figure 3 : Le descenseur valléen des vallées de Thônes, en direction de La Clusaz (Aravis, Haute-Savoie)
22En Ubaye, le versant de Barcelonnette à Pra-Loup témoigne d’un solde migratoire négatif bien que le prix moyen de l’immobilier à Barcelonnette soit marqué par une hausse plus modeste que dans les autres vallées étudiées, liée à l’éloignement des grands pôles urbains mais aussi à la difficulté d’accès en transport en commun (absence du train).
Figure 4 : Le descenseur valléen de Pra-Loup (Ubaye, Alpes-de-Haute-Provence)
23La hiérarchisation résidentielle sur un plan spatial est perceptible au travers de variables différenciées comme les migrations résidentielles, mais elle doit aussi tenir compte de la topographie, de l’altitude, de l’exposition à l’ensoleillement, des formes urbaines et des stratégies de positionnement touristique. Ces deux dernières sont souvent adaptées par les acteurices locaux et locales pour une clientèle de catégories socio-professionnelles supérieures et généralement propres aux stations de ski. En effet, les hautes vallées alpines les plus marquées par des formes de gentrification altitudinale sont celles les plus dépendantes du tourisme hivernal. L’accès aux services (transport, santé, commerces, etc.) et aux aménités s’adapte à la demande des consommateurices aux capitaux différents (André-Poyaud et al., 2010, Fablet, 2013 ; Vlès, 2015 ; Piquerey, 2016 ; Richard et al., 2017 ; Tommasi et al., 2017). Les prix sont ainsi généralement tirés vers le haut et il paraît difficile à un certain nombre d’acteurices de ces territoires (commerçant·es, élu·es, agent·es immobilièr·es, etc.), de renoncer à ces mannes financières pour les emplois et les retombées économiques qu’ils génèrent. Les rapports de domination peuvent alors se décliner dans les relations sociales jusque dans les lieux de consommation quotidienne (boulangerie qui se tourne par exemple vers la pâtisserie haut de gamme).
24Parmi les entretiens réalisés, un ménage disposant d’une solide expérience professionnelle touristique nous a relaté sa recherche de logement pour s’installer à La Clusaz en 2023. Il a constaté une pénurie de logements accessibles et observe une préférence pécuniaire assumée des propriétaires à louer aux touristes, puis éventuellement aux saisonnier.es par la demande locale des restaurateurices et commerçant.es, avant d’être éventuellement disponible pour une location à l’année. Il y a donc un phénomène de hiérarchisation résidentielle où le marché priorise la demande selon la valeur économique des ménages pour la destination. Il a donc eu recours à différentes méthodes pour trouver une solution : agence immobilière, site Internet, réseaux sociaux, porte à porte, copinage avec la communauté locale et les séniors, démarchage de propriétaires de logements touristiques et rendez-vous avec la mairie. Cette situation atteste de la nécessité de disposer d’un ensemble de ressources et d’opportunités afin de sécuriser la possibilité d’une installation dans un espace très concurrentiel. La figure 5 représente le rapport des facteurs liés à l’habitat et à l’emploi dans les situations que nous avons rencontrées lors de nos différents entretiens avec des acteurices. Elle explique les solutions possibles de logement selon l’emploi occupé et le niveau de ressources. Lors de nos entretiens, nous avons pu constater des situations de résident·es à revenu décorrélé des prix du marché de l’immobilier, pourtant devenu·es propriétaires d’une résidence principale en cœur de station de sport d’hiver. Il s’agit par exemple d’une jeune saisonnière propriétaire aux Deux Alpes qui a hérité d’un logement de ses parents saisonniers ou encore d’un couple de jeunes actifs qui a bénéficié d’une opportunité d’achat relativement abordable à La Clusaz.
Figure 5 : Rapport habitat/emploi pour parvenir à rester vivre en amont de la vallée
Opportunité d’habitat
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Logement communal
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Logement par l’employeur
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Patrimoine familial (logement ou terrain constructible)
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Attribution ou passation informelle entre pairs d’un logement social
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Foyer communal saisonnier
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Sélectionné dans un lotissement communal
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Eligibilité à un projet de Bail Réel Solidaire
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Opportunité d’emploi
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Emploi public permanent
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Emploi saisonnier ou poly-activité
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Emploi saisonnier ou permanent
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Emploi permanent ou poly-activités saisonnière
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Emploi saisonnier
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Emploi permanent ou polyactivité saisonnière
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Emploi permanent ou polyactivité saisonnière
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Conditions de ressources
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Revenu variable
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Revenu variable
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Revenu variable
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Revenu modeste
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Revenu variable
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Revenu limité
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Revenu limité
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25Si, en 2019, aucun·e habitant·e enquêté·e n’avait fait état de changements de domiciliation contraints financièrement, infirmant ainsi le processus de relégation socio-spatiale constaté dans d’autres espaces ruraux (Bonerandi, 2014), voire alpins (Membretti et Viazzo, 2017), la question est toute autre cinq ans plus tard, après une pandémie, des pratiques de délaissement des villes, une crise immobilière et un attrait pour des espaces plus proches de la « nature ». Le phénomène de descenseur social valléen qui ressort dans nos analyses corrobore les réflexions menées par L Piquerey dans les stations haut de gamme (2016) et s’inscrit également dans la lignée sémantique du paradigme développé par I. André-Poyaud et al., quand elles mentionnent un effet domino entre territoire touristique et péri-touristique dans leur étude sur les transactions immobilières du pays du Mont-Blanc (2010). Les vallées accueillant un tourisme plus modeste et familial présentent ainsi des dynamiques altitudinales ségrégatives similaires aux territoires plus huppés.
26Un phénomène récent pourrait également modifier les rapports de domination. En effet, après l’essor des domaines reliés en altitude, plusieurs collectivités locales viennent mettre à l’agenda politique la création de liaisons câblées entre le bas de vallées et les stations. En plus d’un accès aux domaines skiables moins carboné, ces nouvelles infrastructures de transports pourraient également générer une revalorisation immobilière du bas de vallée. En France, le débat s’est posé dans la vallée de la Tarentaise, de l’Oisans, de l’Arve, de l’Ubaye et des vallées de Thônes notamment. Ces projets d’infrastructure pour favoriser l’accès à la station depuis la plaine par des liaisons câblées sont appelés en France des « ascenseurs valléens » (Joye et Moulin, 2019). La notion de descenseur valléen que nous proposons lui fait ainsi écho de façon à souligner les risques de transformations socio-spatiales que peuvent induire ces infrastructures de transports par le prolongement des accès au domaine skiable depuis les bas de vallée.
27La reconnaissance des rapports de domination dans la sphère politique est donc en cours bien qu’encore seulement partiellement intégrée dans les orientations locales d’aménagement. En effet, l’action publique et les moyens mis en œuvre se retrouvent face à un paradoxe entre d’une part, l’injonction liée au développement touristique pour capter de la richesse, créer des opportunités d’emploi, générer des entrées fiscales et d’autre part, atténuer les effets de la montée en gamme des destinations afin de réguler le marché de l’immobilier devenu trop compétitif pour la main-d’œuvre locale (Mac et Brumby, 2007).
28Enfin, un changement générationnel important lié à l’ancienneté des stations recompose la structure par âge de la population. Le renouvellement de l’accès à la propriété pour une partie des jeunes héritièr·es ne permet pas d’affirmer un inégal accès au logement entre plus jeunes et plus âgé·es, bien qu’il faille noter que les intérêts entre retraité·es et jeunes actifs et actives diffèrent et participent au rapport de domination, comme partout ailleurs. Cela est autant valable dans le parc résidentiel principal que secondaire. Il arrive aussi que certaines familles se déchirent car les parents, en âge de prendre leur retraite, sont obligé·es de vendre leur bien à des promoteurices, plutôt que d’en faire hériter leurs enfants, en raison de coûts de rachat de parts d’indivision familiale élevés, de taxes foncières importantes ou de l’impôt sur la fortune immobilière ou encore d’une maigre pension qu’il est nécessaire de compléter pour vivre raisonnablement. À ce sujet, la présence de promoteurices dans les interactions immobilières montagnardes participe à l’augmentation des prix du logement et accentue les distinctions de groupes sociaux par la sélection qu’iels opèrent dans la marchandisation des biens.
29Malgré tout, les revenus ne sont pas toujours vecteurs de démarcations sociales sur la capacité à rester ou s’installer dans les territoires soumis à de fortes valorisations foncières, puisque des solutions d’accès à la résidence principale sont proposées en termes de logements sociaux (bailleurs favorisant l’accès locatif à des familles modestes comme dans les Belleville ou dans le Beaufortain), d’accès à la propriété réservé à des habitant·es à l’année (Beaufort, Les Belleville, Montvalezan, etc.), de logements saisonniers proposés par les employeurs (tous territoires étudiés), ou de patrimoine familial qui peut pallier la relégation des populations plus modestes. Bien que ponctuelles, ces actions en faveur des groupes vulnérables existent, comme en témoigne la figure 5. Par ailleurs, face à l’ampleur du phénomène, les formes de résistance et les mobilisations individuelles apparaissent sporadiques.
30Les tendances observées en matière de rapport de domination dans les hautes vallées alpines et les communes-supports de stations appuient l’existence d’une gentrification altitudinale, marquée par un gradient relatif à des dynamiques socio-spatiales spécifiques aux territoires montagnards (topographie amont/aval, ensoleillement, vue, paysages emblématiques, tourisme hivernal, etc.). L’idée centrale de descenseur social, influencée par les capitaux différenciés des usagèr·es, par la présence d’un jeu territorial public/privé et par les spécificités du parc immobilier local montre comment les rapports de domination participent au réajustement socio-spatial de ces espaces de montagne. Si les habitant·es à l’année ont tendance à glisser sur le toboggan, les personnes en capacité de suivre la hausse des prix de l’immobilier investissent dans le haut de la vallée dans une optique d’occupation résidentielle plus ou moins permanente. Contrairement aux effets de la gentrification et aux rapports de domination relevés dans certaines régions métropolitaines ou territoires ruraux non touristiques, les dynamiques socio-spatiales dans les massifs étudiés se traduisent par un déclin démographique, remettant en question l’attractivité à l’année des communes touristiques et péri-touristiques.
31Néanmoins, il convient de relativiser l’influence des valeurs foncières comme seuls facteurs qui activent le descenseur social valléen. En effet, comme ailleurs, l’installation pérenne des ménages en montagne dépend de capacités d’adaptation que ce soit autant pour les habitant·es permanent·es (Barrioz, 2019 ; Drouet, 2024) que pour les saisonnièr·es (Jay, 2018). D’autres facteurs peuvent participer à la migration résidentielle vers le bas de vallée, mais ne sont pas développés dans cet article (marketing et produits touristiques développés, employabilité à l’année, niveau de service, etc.). L’histoire individuelle et les trajectoires de vie restent un facteur non négligeable, que nous avons eu l’occasion de mettre en lumière dans nos deux thèses. Aussi, la réaffirmation du rôle des parcours résidentiels dans les installations à long terme en altitude apporte des contre-exemples venant pondérer une fuite généralisée des populations vers le bas de la vallée, tant en termes de logiques individuelles que d’attractivité des territoires de montagne. De même, les phénomènes de multi-résidentialité apportent des nuances et montrent les capacités d’adaptation des ménages à vivre entre plusieurs territoires.
32In fine, aujourd’hui, dans le contexte climatique que nous connaissons, dans celui financier dont nous dépendons, dans celui géopolitique que nous observons, habiter ces territoires de montagne ou y séjourner à plus ou moins court terme reste réservé à des personnes qui ont les capitaux nécessaires et/ou qui font preuve d’une certaine capacité d’adaptation. En ce sens, il s’agit d’un privilège. Il ne nous semble pas vain de rappeler l’importance de prendre en considération les rapports de domination dans ces territoires alpins touristiques et d’inclure les groupes sociaux invisibilisés dans les politiques locales d’aménagement, et ceci afin d’éviter de reporter ces phénomènes ailleurs, plus bas dans la vallée et/ou de les amplifier.