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Résumé

Cet article propose une réflexion sur les manières de penser les dominations à l’intersection des rapports de classe, de race et de genre dans les montagnes Rocheuses aux États-Unis. Nécessairement situé à l’intersection de plusieurs champs disciplinaires, le texte avance des pistes réflexives pour tenter d’identifier les mécanismes par lesquels se constitue l’hégémonie d’un corps normatif blanc, hétéro-masculin et bourgeois dans ce territoire emblématique de la wilderness et des sports de pleine nature. Dépassant l’approche par les classes sociales, il s’agit alors de soumettre, comme de nouvelles strates analytiques, des axes de réflexion complémentaires, à partir notamment d’une épistémologie renouvelée des sports de nature et des espaces de montagne grâce à des travaux éclairant les questions raciales et les questions de genre.

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Texte intégral

  • 1 Pour Gloria Joseph également, s’exprimant dans le même ouvrage collectif, « if one can claim that m (...)
  • 2 Même si Elsa Dorlin, dans cet ouvrage qu’elle dirige, tend par ailleurs à en questionner les limite (...)
  • 3 Ce mouvement dénonce la vision unifiante de la femme, qui « universalise abusivement une expérience (...)

1Cet article propose une réflexion sur les manières de penser les dominations à l’intersection des rapports de classe, de race et de genre dans les montagnes Rocheuses aux États-Unis. Il se situe donc lui-même à l’intersection de plusieurs champs disciplinaires, notamment ceux, très larges, des questions de classe, de genre et de race (Ndiaye, 2006 ; Mazouz, 2020 ; Collins, 2018), et à ce titre s’inscrit notamment dans les travaux récents sur la blanchité et les privilèges qui lui sont associés (Viveros Vigoya, 2019), puisque dans le rapport de race, celle-ci incarne une position dominante (Brun, 2021) et normative (Mazouz, 2020 ; Lépinard et Mazouz, 2019). Dans son ouvrage Sexe, race, classe. Pour une épistémologie de la domination, Elsa Dorlin rappelle que ces termes « renvoient à la production sociale des différences et des distinctions et à leur incorporation » et permettent d’« appréhender des dispositifs de naturalisation du pouvoir et les rapports de domination qui s’y jouent (exploitation, subordination, normalisation, altérisation…) » (2009, p.8). L’articulation des analyses des dominations de race, de sexe et de classe est un exercice complexe, énoncée comme nécessaire dans un texte de référence du féminisme matérialiste de Heidi Hartmann, qui décrit une société capitaliste, patriarcale et blanche (1996)1. La grille analytique de l’intersectionnalité, qu’on peut définir comme « l’appréhension croisée ou imbriquée des rapports de pouvoir » (Dorlin, 2009, p.9)2, a été élaborée par Kimberlé W. Crenshaw (2023), s’inscrivant dans l’héritage du Black Feminism3.

2Au-delà de son ancrage épistémologique intersectionnel, les analyses proposées dans cet article s’inscrivent au croisement de plusieurs champs disciplinaires également en raison du caractère emblématique du territoire étudié. Les montagnes Rocheuses, territoire historique de la conquête de l’Ouest, où les espaces naturels protégés sont surreprésentés — parmi lesquels les plus prestigieux comme les parcs nationaux de Yellowstone et de Glacier — sont particulièrement attractives aujourd’hui. Elles sont donc un terrain d’étude majeur des travaux portant sur les migrations d’aménités et la gentrification rurale (Ghose, 2004 ; Bryson et Wyckoff, 2010 ; Saumon, 2019, 2022), mais également au cœur des productions scientifiques sur l’histoire environnementale américaine. Enfin, l’attractivité de ces montagnes repose en grande partie sur les sports de pleine nature dont elles constituent un des cadres privilégiés, invitant également à une lecture attentive des travaux pluridisciplinaires portant sur les activités de pleine nature.

3L’analyse proposée ici constitue une forme de prolongement de ma thèse (Saumon, 2019). À ce titre, les matériaux empiriques proviennent des deux temps de terrain réalisés dans l’ouest du Montana en 2014 et 2015, au cours desquels des entretiens semi-directifs ont été conduits auprès de populations néo-arrivantes gentrifieuses, de natifs et natives, d’acteur∙ices politiques et d’organisations environnementales, et des cartes mentales recueillies, l’ensemble ayant fait l’objet de traitements qualitatifs et d’analyses lexicales. Ces deux temps ont été complétés en juillet 2018 par un terrain collectif plus court et plus exploratoire, consistant à parcourir les Rocheuses du Montana au Colorado en passant par le Wyoming. Ces matériaux ont été complétés par l’analyse d’un corpus pluriel, composé de romans de Nature Writings, de films, mais également de brochures promotionnelles variées et célébrant l’offre récréative du Montana.

  • 4 Ce que Léa Sallenave avait pu proposer dans sa thèse soutenue en 2022. Voir en particulier ses chap (...)

4Cet article n’est pas que le prolongement de ma thèse, il atteste également de mon évolution épistémologique depuis ces cinq dernières années. En découlent un parti pris réflexif très appuyé et assumé, une priorité accordée aux questionnements d’ordre théorique et au cadrage bibliographique, avec de nombreuses références et citations4. Il me semble en effet fondamental de continuer à diffuser les travaux critiques anglophones qui pour certains ont toujours peu d’écho en France, ce qui nécessite un travail de traduction et de transmission, auquel je souhaite participer par cet article. Celui-ci a ainsi été pensé comme un essai, tentant de dégager de nouvelles pistes de réflexion à partir de champs théoriques non explorés dans mes travaux précédents. Lorsque j’ai conçu puis écrit ma thèse, entre septembre 2013 et mars 2019, c’est uniquement par la classe sociale que le rapport de domination m’est apparu. Mon ancrage académique dans mon laboratoire d’alors m’y a sans doute conduit. J’étais tout à fait consciente du fait que la facilité avec laquelle j’ai noué des relations dans les montagnes Rocheuses, et donc pu réaliser par la suite des entretiens, provenait de la normativité de mon apparence corporelle, par mes vêtements semi-sportifs de jeune chercheuse sur un territoire gentrifié. J’ai eu par ailleurs lors de mes deux sessions de terrain de forts pressentiments concernant le virilisme des postures sportives observées, ou parfois été choquée par l’invisibilisation des parcours des femmes dans les travaux portant sur les migrations d’aménités ou la gentrification rurale, mais sans que mes remarques à cet endroit ne débordent de la note de bas de page dans le rendu final. Pour autant, jusqu’à ma soutenance en 2019, si la blanchité de mon territoire d’étude m’était évidente, et bien que je l’aie très indirectement traitée par la critique de l’histoire environnementale conventionnelle et par la nécessaire mention de la double spoliation des Nations indiennes qu’on doit lui associer — notamment, dans le cas du Montana, les Blackfeet dont les terres ont été accaparées pour créer le Parc national Glacier —, elle est en tant que telle restée un impensé de ma production scientifique. Aujourd’hui, je considère que ce traitement en creux de la question de la blanchité dans mes travaux jusqu’alors est la conséquence de ma propre position privilégiée de « chercheuse blanche universelle », la pensée universaliste étant l’apanage des dominant∙es (Dorlin, 2009 ; Lépinard et Mazouz, 2019).

  • 5 « Quand les gens sont conscients de ce qui se passe mais ne le reconnaissent que dans des cas excep (...)

5À partir de ces considérations, il me paraît absolument urgent, pour reprendre les termes du chercheur Anthony Kwame Harrison, de s’extraire de l’ideological cynicism, « where people have some awareness of what’s going on but only acknowledge it in exceptional instances, choosing to otherwhise participate in it uncritically5 » (Harrison, 2013). Celui-ci nous amène à tolérer des formes plus ou moins larvées de racisme, sexisme, validisme pour autant structurelles, et plus encore, à y participer par nos comportements ou renoncements quotidiens. Or, il y a à mon sens le même enjeu intellectuel à tenter d’éclairer les mécanismes multiples des dominations de genre, de race et de classe dans nos travaux scientifiques, qu’à dénoncer les mêmes mécanismes de domination à l’œuvre dans nos Universités. Cet article est donc tout autant une proposition scientifique qu’un appel à ouvrir les yeux sur les conditions dans lesquelles nous produisons ce savoir.

Une confiscation blanche, masculine et hétéronormative de la montagne

6Dans l’Ouest américain, la normativité du corps sportif (celui du skieur, VTTiste, traileur…) est le résultat d’une domination de classe qui s’incarne dans des pratiques de l’environnement hégémoniques (Saumon, 2019, 2022). Or, il s’agit ici de proposer l’ajout de strates à l’analyse, et d’éclairer le fait que le corps qui prend toute la place dans les Rocheuses américaines est le corps certes sportif, mais aussi blanc, masculin et hétérosexuel. Pour dépasser les impensés de la production scientifique classique sur les montagnes Rocheuses, il est nécessaire de se pencher sur l’histoire environnementale américaine, dont les montagnes constituent un haut lieu, mais aussi sur les analyses pluridisciplinaires qui articulent genre et/ou race et sports de nature, puisque ces montagnes se caractérisent aussi par les pratiques qu’elles accueillent. Cela me permettra d’éclairer la spécificité des montagnes au regard de la blanchité d’autres espaces récréatifs, comme les plages, déjà étudiées dans le cadre australien (Moreton-Robinson, Nicoll, 2007), anglais (Burdsey, 2011) ou encore étatsunien (Phoenix et. al., 2021).

7Force est de constater, en effet, que les travaux portant sur les sports de nature et/ou les activités en montagne attestent de la plus faible participation des femmes et des personnes non-Blanches. La blanchité de la fréquentation des parcs nationaux aux États-Unis est régulièrement soulignée dans la presse américaine depuis les années 2010. Un article du New York Times du 10 juillet 2015 titre ainsi « Why Are Our Parks So White? »6 ou encore plus récemment, The Harvard Gazette, le 3 avril 2023, « How did ‘the great ourdoors’ get so exclusive? »7. Anthony K. Harrison développe alors le concept de racial spatiality, considérant que certains corps racialisés sont attendus dans certains espaces sociaux et que, de manière complémentaire, la présence d’autres corps non attendus vient perturber ceux-là. L’espace social du ski est de manière emblématique un espace social blanc (Harrison, 2013), ce qui a conduit des chercheurs∙ses comme Annie Gilbert Coleman et Mark C.J. Stoddart à réinvestir le concept d’« hégémonie » développé par Gramsci, pensé ici comme un processus de normalisation du pouvoir par lequel les intérêts des minorités répondent uniquement à ceux des dominant∙es (Coleman, 1996 ; Stoddart, 2012). Derek C. Martin (2004) montre de manière complémentaire que les personnes blanches ont une pratique exclusive des Grands Espaces. Il s’appuie pour cela sur des données statistiques qui saisissent les écarts considérables entre les activités de loisirs, et notamment de pleine nature, des personnes blanches et des personnes noires aux États-Unis, et les différences entre les taux de fréquentation des parcs nationaux. Dans le champ académique canadien, des travaux sur les activités et espaces de pleine nature ont également fait état de la blanchité hégémonique et de la minorisation des corps noirs, notamment dans la pratique du ski (Baldwin et al., 2011). De la même manière, d’autres perspectives théoriques ont permis de démontrer qu’il y a moins de femmes qui pratiquent des sports de pleine nature (Wearing, 1998), a fortiori en montagne, du fait de représentations bien ancrées : « mountains or remote national parks have been traditionally imagined and marketed as environments to be ‘conquered’ and ‘tamed’ by men8 » (Godtman Kling et al., 2020, p. 233). À titre d’exemple, dans ses travaux portant sur l’alpinisme féminin et notamment le métier de guide de montagne, Rozenn Martinoia décrit le milieu étudié comme « un espace factuel et idéologique de domination masculine » (2013, p. 4). Et s’il existe aujourd’hui une forme, même si très mineure, de féminisation du métier, l’autrice observe « la réactivation, dans certains discours, d’une figure historique de l’héroïsme viril [] : toute menace pour la domination masculine suscite des réactions de défense » (2013, p. 5). Ce dernier point m’amène à interroger par ailleurs l’hétéronormativité des espaces de montagne, et en particulier ici des montagnes Rocheuses, champ scientifique qui reste encore à défricher. Pour autant, de même que la cishétéronormativité des espaces publics (Bonté, 2022 ; Cattan, Leroy, 2010), celle de la pensée environnementale a été étudiée : elle se traduit d’ailleurs, dans les argumentaires LGBTphobes, et transphobes particulièrement, par un recours fréquent à l’idée de nature, venant appuyer le supposé caractère naturel de la différence des sexes (Gray, 2017). L’histoire environnementale des montagnes Rocheuses s’inscrit à ce titre dans un rapport à la wilderness intrinsèquement cis, hétéronormé et viriliste, venant mettre encore davantage en péril l’habitabilité LGBT+ dans des États très conservateurs : la politique transphobe du Montana notamment est de plus en plus évidente9 — entre l’interdiction des spectacles drag dans la majorité des lieux publics, celle d’entamer des parcours de transition pour les enfants, ou la censure dont fait l’objet l’élue Zooey Zephyr10.

8Le constat d’une confiscation blanche et masculine des espaces de montagne et des activités de pleine nature, ainsi que leur caractère hétéronormé, invite à s’interroger sur ses causes. Ainsi, la question de la visibilité/invisibilité des corps blancs/noirs dans les pratiques sportives de pleine nature a conduit à partir des années 1970 au développement de plusieurs modèles explicatifs (Martin, 2004). L’un est d’ordre structurel et systémique : « the marginality perspective » repose sur des explications socio-économiques, spécifiquement sur la différence de revenus entre les différents groupes, celle-ci permettant un plus ou moins grand accès aux offres de loisirs. Martin par-là fait référence aux travaux dénonçant l’ancrage du racisme dans nos fonctionnements quotidiens, ce dont Laura Pulido a pu par ailleurs traiter de manière géographique en considérant la « sédimentation spatiale des inégalités raciales » (2000, p. 16). Anthony K. Harrison, lorsqu’il analyse la faible pratique du ski par les non-Blancs∙hes, considère également les disparités économiques comme un facteur explicatif structurel (2013). Or, dans les travaux articulant les pratiques sportives de pleine nature et les questions de genre, un facteur explicatif structurel est là encore énoncé : pour les femmes cependant, il s’agit de la responsabilité du care qui leur est affectée dans leur milieu professionnel ainsi que dans leurs foyers, associée au travail domestique gratuit, le tout conjugué à l’emploi réel, qui crée de fortes contraintes pour la pratique de loisirs (disponibilité en temps, budget, acceptation sociale) (Wearing, 1998 ; Godtman Kling et al., 2020). Mais ce facteur, s’il reste décisif pour caractériser l’inégal degré d’implication possible des femmes et des hommes dans des activités de loisirs, ne permet pas d’expliquer le faible accès des femmes aux sports de nature spécifiquement.

9Perspectives féministes comme raciales proposent également un autre modèle explicatif de l’hégémonie blanche et masculine dans les sports de nature en montagne, qui renvoie à des mécanismes d’exclusion plus symboliques. Derek C. Martin pose en effet l’hypothèse d’une racialized outdoor leisure identity. Ce faisant, il s’inscrit dans le champ théorique de la socialisation des loisirs, pour rappeler que toute activité de loisirs, ses techniques et règles propres, relève de comportements appris, comme le sont les valeurs et croyances. Parents, enseignant∙es, ami∙es, à la maison comme à l’école, apprennent à distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas, et s’il est légitime d’y prendre plaisir ou non. Cela confère aux différentes activités auxquelles nous participons, aux différents espaces que nous pratiquons, des identités raciales, au regard de la relation que notre groupe socio-racial d’appartenance entretient avec ces activités et ces espaces (Martin, 2004). La sociologue française Solène Brun introduit dans ses travaux le concept, déjà travaillé aux États-Unis, de « socialisation raciale » (Brun, 2022). Celui-ci éclaire tout autant la fierté culturelle du groupe minoritaire transmise par le cercle familial que la nécessité dès le plus jeune âge d’« apprendre à faire face au fait qu’être Noir est précisément attaché à des significations négatives » (Brun, 2022, p. 6). La thèse de Romane Blassel relie ce premier concept à celui de « conscientisation des rapports de race », et en particulier du racisme (2021, p. 14). L’identité racialisée des activités de sports de nature spécifiquement, et donc l’exclusivité blanche des socialisations associées, repose en partie sur l’histoire de leur développement. Annie G. Coleman a ainsi montré que le développement de la pratique du ski de descente aux États-Unis a reposé sur un vocabulaire et une iconographie européennes. Les écoles de ski en plein essor dans les années 1940 enseignaient les méthodes dites « françaises », « suisses » ou encore « autrichiennes ». Même les noms des stations de ski, souvent alpins, et leur architecture, renvoyaient alors à cet imaginaire blanc européen. Elle prend pour exemple le marketing touristique déployé à la fin des années 1950 dans le Colorado, faisant des montagnes Rocheuses « the ‘other’ Alps » (Coleman, 1996, p. 593). Ceci participe à faire de la pratique du ski, même aux États-Unis, une expérience paneuropéenne (Harrison, 2013, p. 324), peu importe que les skis viennent d’Italie ou d’Allemagne, que le nom de la station soit alpin ou son architecture bavaroise : la blanchité des corps atteste d’une « nationalité » commune, le blanc.

  • 11 « Tandis que les hommes jouent le rôle de “dompteurs” de la nature ».

10De la même manière que pour la question raciale, la socialisation genrée, qui dote de facto d’identités genrées nos espaces et pratiques, érige des barrières complexes à soulever pour les pratiquant∙es potentiel∙les de sports de nature, se sentant plus ou moins légitimes dans cette expérience. Les études féministes ont démontré dans cette perspective les conséquences du confinement des femmes à l’espace domestique, « while men perform the role of ‘tamers of nature11 » (Godtman Kling et al., 2020, p. 235), contraintes à rester dans l’indoor car incapables de maîtriser leur naturel sauvage — a contrario de loutdoor que les hommes sont eux en mesure de civiliser. Par ailleurs, des travaux montrent la manière dont l’edgework, soit la « mise en danger émotionnelle et physique volontaire et réelle » (Martinoia, 2013, p. 6), qui caractérise certains sports de pleine nature à risque, est socialement construite comme typiquement masculin, renvoyant à des émotions correspondant à l’archétype viril (le sang-froid notamment) (Lyng, Matthews, 2007 ; Lois, 2001). Pour Pénin, « les prises de risque sont à l’évidence virilisantes » (2006, p. 655), à réserver donc au corps masculin légitime en montagne.

Wilderness et whiteness dans les montagnes Rocheuses : un imaginaire construit sur le temps long

11Il me semble crucial de nourrir et renforcer l’hypothèse ici présentée de l’identité racialisée et genrée des sports de nature et des montagnes par un autre élément, qui renvoie à la spécificité de l’histoire de mon terrain d’étude, et à la manière dont celle-ci a été pensée et écrite. Les montagnes Rocheuses sont en effet le territoire emblématique de la wilderness américaine et de sa colonialité, et ce pour plusieurs raisons. La conquête de l’Ouest a, avant toute chose, été une entreprise de spoliation coloniale, et l’on retrouve dans l’attraction aujourd’hui de la « nature sauvage », et spécifiquement dans la manière dont les gentrifieurs et gentrifieuses viennent l’affronter via les sports de nature, une forme de nouvelle conquête opérée par des néo-pionniers non moins blancs et virils. Cet idéal du dépassement de soi par l’affrontement de la wilderness a ainsi profondément imprégné le rapport à la nature de la middle et upper middle class blanche étatsunienne. C’est la même chose au Canada, et des travaux ont souligné la manière dont wilderness et whiteness y sont tout aussi consubstantiels (Scott, 2022).

  • 12 Giovanna Di Chiro analyse ainsi le refus des organisations environnementales, dans les années 1980, (...)
  • 13 Hors montagnes Rocheuses, Rozenn Martinoia a montré la manière dont les femmes ont été invisibilisé (...)

12Si l’histoire environnementale américaine a été d’une blancheur aveuglante — Roderick F. Nash incarnant à ce titre la doxa incontestée (1967) —, à partir des années 1990, la wilderness a fait l’objet d’approches plus critiques, dont la plus influente a été celle de William Cronon lors de la publication de son essai « The Trouble with Wilderness; or Getting Back to the Wrong Nature » (1996). Une nouvelle génération d’historien∙nes prend acte de cette rupture épistémologique majeure en affirmant l’existence de « new wilderness historians » venant contrer « the received view of wilderness » (Callicott, Nelson, 1998 ; Lewis, 2007), et prônant un décentrement du regard pour adopter des perspectives notamment postcoloniales ou sensibles aux enjeux de justice environnementale. Dans la continuité de William Cronon, Susan R. Schrepfer s’inscrit dans cette historiographie renouvelée en montrant la manière dont les plus hauts sommets des montagnes de l’Ouest américain ont été très largement rebaptisés par des noms de scientifiques, artistes, politiciens, grimpeurs descendants d’européens et masculins (Schrepfer, 2005, p. 32). Par ailleurs, des chercheurs∙ses aujourd’hui éclairent le trauma des Nations indiennes mais aussi celui des populations afro-américaines, lié à la mémoire collective de l’esclavage et du métayage ensuite, laissant des traces importantes dans leur rapport à la terre (Martin, 2004 ; Meeker, 1973 ; Johnson, 1998). Cette remise en question scientifique et son énonciation sont alors d’autant plus nécessaires qu’au-delà de l’historiographie, le militantisme environnemental a souffert/souffre d’un aveuglement quant aux questions raciales, ce que les réticences des très blancs mouvements écologistes classiques à soutenir les luttes contre le racisme environnemental (Bullard, 1994) ont largement démontré12 (Keucheyan, 2014 ; Di Chiro, 1996). Les processus de minorisation voire d’invisibilisation des corps non-Blancs et non-masculins dans l’historiographie, ainsi que dans la diffusion d’une mémoire collective, semblent alors particulièrement décisifs dans l’imaginaire socialement construit des espaces et des pratiques légitimes dans les montagnes Rocheuses13.

13Cette articulation étroite entre wilderness et whiteness dans les Rocheuses doit être à mon sens d’autant plus étudiée et dénoncée aujourd’hui, dans le monde académique comme dans les cercles militants, qu’elle est valorisée par des groupes d’extrême droite de plus en plus présents et structurés dans l’Ouest américain. Ceux-ci formalisent et légitiment leurs théories racistes dans le cadre d’un régionalisme biologique, déjà périlleux, qu’ils et elles investissent et détournent : dans le Nord-Ouest américain, les États fédérés sont en effet souvent considérés comme des entités artificielles, dont les limites ont été définies par la géométrie et non par la « nature ». Cette inadéquation entre les régions politiques et les chaînes de montagnes, ou les bassins versants, est à l’origine des nombreuses propositions de découpages régionaux qui viennent contester l’organisation politique des États-Unis. Parmi ceux-ci, Cascadia désigne une biorégion, baptisée par un botaniste écossais du début du xixe siècle, David Douglas, fasciné par les chutes d’eau et les rivières en cascade de la région (Todd, 2008). Cascadia, parce qu’elle est une entité écologique cohérente, est alors pensée comme un territoire politique, ce qui est à l’origine de velléités indépendantistes de quelques petits partis politiques sécessionnistes. Mais le mouvement biorégionaliste est aussi support de dérives politiques. De l’affirmation d’une cohérence écosystémique, biologique, à la volonté de constituer un territoire raciste, il n’y a qu’un pas. L’environnement est alors prétexte à la constitution de groupes suprématistes, soutenant la conception d’une biorégion ne devant accueillir que la race blanche, comme elle ne devrait abriter que des espèces végétales et animales endémiques — ignorant la présence antérieure des Nations indiennes. Ces groupes considèrent les montagnes Rocheuses comme un territoire de potentiel refuge blanc et tendent alors, au nom de la cohérence écologique et raciale de la biorégion, à susciter une mobilité blanche. Les leaders elleux-mêmes semblent d’ailleurs tous et toutes être des néo-arrivant∙es esquissant un nouveau front de conquête raciste, en diffusant par exemple des annonces d’emplois et des offres immobilières dans l’espoir d’inciter d’autres Blanc∙hes à les rejoindre.

Le rôle des représentations médiatiques dans la pérennisation d’un imaginaire blanc, masculin et hétérocis de la montagne et des sports de nature

14Ainsi, l’identité racialisée et genrée des montagnes Rocheuses et des sports de nature qui y sont pratiqués semble nourrie d’un imaginaire collectif ancien, renvoyant ces montagnes à la colonialité et au virilisme du rapport que les corps masculins blancs hétéronormatifs entretiennent avec la wilderness. Si cet imaginaire s’inscrit dans le temps long, celui de la conquête de l’Ouest, les représentations médiatiques contemporaines l’alimentent en continu. Certaines analyses pointent par exemple l’hétéronormativité de productions cinématographiques telles que Brokeback Mountain (réalisation Ang Lee, 2005), qui, malgré sa diégèse mettant en scène une romance LGBT+, répond, en termes de représentations médiatiques de la sexualité, du couple et de la fidélité, à des attentes finalement très hétéronormées, en atteste son succès auprès d’un public de femmes hétérosexuelles majoritairement (Nayar, 2011). Pour étayer leurs analyses de corpus médiatiques, les chercheurs∙ses semblent par ailleurs porter une attention toute particulière aux magazines de sports de nature, brochures promotionnelles et autres documents de marketing territorial dans les sites de montagne. Dans un article explorant les images promotionnelles des destinations de montagne en Suède, les auteur∙ices remarquent que les hommes semblent dépasser leur peur ou leur douleur lors des expériences solo dans lesquels ils apparaissent, quand les femmes se contentent d’être là, passives, et généralement accompagnées (Godtman Kling et al., 2020, p. 237). Ces représentations renforcent alors les rôles genrés normatifs, ce qui participe au fait que les femmes se sentent illégitimes à certaines pratiques, et les évitent. Derek C. Martin, qui a analysé plus de 4000 publicités dans trois magazines américains publiés entre 1984 et 2000 sur les Great Outdoors, montre de manière complémentaire comment l’imaginaire blanc de la montagne est diffusé par ces médias, en portant tout particulièrement son attention sur les lieux qu’occupent les modèles noirs et blancs, les activités auxquelles ils sont associés et l’image qui est donnée de celles-ci. Il affirme alors que les Grands Espaces sont médiatiquement construits comme des espaces blancs, puisque les représentations des Noir∙es américain∙es sont très largement minoritaires dans les magazines étudiés, et les représentations des Noir∙es américain∙es pratiquant explicitement une activité de pleine nature encore davantage minoritaires (Martin, 2004).

15J’ai pu constater cela dans mon analyse du corpus médiatique représentant les montagnes Rocheuses. À titre d’exemple, parmi les 104 pages de la dernière édition de la brochure promotionnelle éditée par Missoula, dans le Montana (« The Official 2024 Missoula Area Visitor Guide »), de très nombreuses femmes sont représentées certes, mais elles partagent l’activité avec d’autres femmes systématiquement, ou alors elles sont guidées, très visiblement soutenues dans leurs pratiques par un ou des hommes, jusqu’à la photographie représentant six femmes portant de grands gilets de sauvetage sur un canoé dirigé par le seul homme de la scène. Dans ce même guide, deux personnes racisées seulement sont représentées, et aucune pratiquant une activité sportive de pleine nature (le premier fait du manège sur un carrousel avec un enfant, la seconde prend la pause lors d’un itinéraire artistique). Comme l’écrit Léa Sallenave, il m’a ainsi été « nécessaire de fouiller patiemment dans les rubriques » pour trouver des modèles non blancs (2020, p. 5).

16Les représentations médiatiques contemporaines perpétuent et renforcent ainsi l’identité racialisée des activités de pleine nature en même temps qu’elles en attestent. Pour Derek C. Martin, cela a trois conséquences majeures :

  • le stéréotype selon lequel les Noir∙es américain∙es ne participent pas aux activités de pleine nature peut être considéré comme une forme de prophétie autoréalisatrice, puisque celleux-là finissent par accepter de manière non conscientisée le fait que ces activités ne sont pas pour elles et eux sans même avoir essayé de les pratiquer ;

  • si les activités récréatives associées à la wilderness sont des activités définies comme blanches et les espaces de wilderness définis comme des espaces blancs, des personnes racisées peuvent ne pas vouloir participer à ces activités dans ces espaces par peur d’augmenter le risque de subir des formes de discriminations, d’y expérimenter encore plus de racisme : cela entraîne des formes d’évitement tout à fait explicites ;

  • ces personnes peuvent également avoir peur d’entrer en conflit avec leur propre identité raciale et craindre d’être critiquées pour cette raison par les autres personnes racisées de leurs communautés (Martin, 2004).

17Dans le monde francophone, Léa Sallenave fait partie des rares chercheuses à avoir explicitement documenté les représentations médiatiques des personnes noires et métisses en montagne : elle a travaillé sur un corpus de plus de mille images promotionnelles et cinématographiques représentant des hommes et femmes pratiquant des activités en montagne dans 14 domaines skiables alpins et sur des films « grand public ». Elle a ainsi pu démontrer les « processus de visibilisation/invisibilisation médiatiques » (2020, p. 2) des personnes selon qu’elles sont blanches, noires ou métisses dans les espaces récréatifs de montagne et conceptualise à ce titre une « hyper-visibilisation médiatique des corps blancs » (ibid., p. 4) et même une « monochromie blanche spatiale » (2020, p. 5). Celle-ci participe de la minorisation des corps non-Blancs, pensés comme marginaux au regard de cette « norme spatiale blanche » (Sallenave, 2020, p. 11).

  • 14 « Une longue tradition de ségrégation raciale dans les lieux de loisirs aux États-Unis ».
  • 15 « Le dogme selon lequel garder le ski blanc est bon pour les affaires. Et il semble que sa clientèl (...)

18La diffusion médiatique d’identités de lieux et de pratiques genrées et racisées est alors décisive dans la pérennisation d’un imaginaire blanc et masculin de la montagne. Anthony Kwame Harrison va encore plus loin en rattachant cette diffusion à une stratégie résidentielle plus ou moins consciemment raciste, portée par les acteurs politiques et économiques locaux. Par la perpétuation de cet imaginaire qui condamne les corps non blancs à un sentiment d’illégitimé à prendre place, les stations de ski dans les faits restent blanches, corroborant « a long tradition of racially segregated leisure resorts in the United States14 » (Harrison, 2013, p. 330), ce dont il est flagrant que les client·es s’accommodent, le même auteur mentionnant « the dogma that keeping skiing White is good for business. And it appears that its clientele […] is unwittingly, or at least cynically, complicit15 » (Harrison, p. 333).

Conclusion

  • 16 « Il est essentiel de comprendre comment la race opère dans les quelques avant-postes racialement h (...)
  • 17 De la même manière que Malcolm Ferdinand affirme la nécessité de croiser les mouvements décoloniaux (...)

19Ce dernier point renvoie à ce qui reste un obstacle intellectuel dans la majorité des cercles académiques francophones, le racisme et le sexisme structurels que notre cynisme idéologique finalement nous amène à tolérer et qui expliquerait la difficulté à « penser les impensés » en sciences sociales et à prendre position individuellement au quotidien. Pourtant, « understanding how race operates in the few remaining racially homogeneous outposts of privilege is essential to the project of dismantling its power16 » (Harrison, 2013, p. 333). Dans nos enseignements comme dans nos propositions de recherche, le renouvellement de nos épistémologies semble alors nécessaire, dans un effort continu en direction d’une bibliographie émancipatrice et intersectionnelle17.

20Documenter par ailleurs l’agentivité des « concerné∙es », soit celles et ceux qui expérimentent l’illégitimité et/ou le rejet et leur opposent des stratégies de résistance, est tout autant nécessaire, comme l’atteste par exemple le collectif Black People Who Hike. Fondé en 2019 et très actif sur les réseaux sociaux, il encourage les personnes noires aux États-Unis à pratiquer des activités de pleine nature. Autre exemple, le National Brotherhood of Skiers (NBS), créé en 1974 pour promouvoir le ski auprès de la population noire, regroupe plus de 80 Black ski clubs à travers les États-Unis. Toutefois, ce type d’initiative, prise individuellement ou collectivement, nécessite de se demander qui est à même de résister. Au sein de l’espace social réactionnaire qu’est le Montana, les villes et bourgs gentrifiés semblent par exemple être les seuls bastions démocrates où viennent se réfugier les personnes LGBT+ habitant les Rocheuses, en témoignent la présence de centres LGBT et l’organisation régulière de Gay prides — la très gentrifiée Missoula est ainsi souvent désignée comme la ville la plus gay-friendly du Montana. Or, dans ces localités, les initiatives LGBT+ sont portées en majorité par des nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes, ou des personnes qui ont réalisé une migration de retour, dotées de capitaux variés — et donc devenu∙es selon leurs propres termes dorénavant légitimes socialement pour oser prendre parole et place dans l’espace public. Les minorités de genre et sexuelles semblent alors conquérir une forme de visibilité à condition d’appartenir à un groupe socio-économique dominant. Cette perspective complexifie les analyses sur la normativité des corps dans les Rocheuses américaines et invite à interroger la manière dont les personnes pensées à la marge par leurs appartenances de race ou de genre habitent ces montagnes, et mettent en œuvre leurs capitaux pour inventer des modes d’habiter où se jouent par ailleurs d’autres rapports de domination. Ces questionnements permettent alors d’éclairer toute la complexité et la fluidité des places en montagne, qui se font et se défont au gré de rapports de domination pluriels, et surtout, à leur intersection.

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Notes

1 Pour Gloria Joseph également, s’exprimant dans le même ouvrage collectif, « if one can claim that marxism is incomplete without a consideration of feminism, it is certainly true that neither is complete without consideration of racial relations » (Joseph, 1996, p.103). Il faut à ce titre noter l’existence de travaux fondateurs sur la division sexuelle et raciale du travail (pour des références à ce propos, voir Dorlin, 2009, p. 8-9).

2 Même si Elsa Dorlin, dans cet ouvrage qu’elle dirige, tend par ailleurs à en questionner les limites (Dorlin, 2009).

3 Ce mouvement dénonce la vision unifiante de la femme, qui « universalise abusivement une expérience de la domination de genre, calquée sur l’expérience des femmes de la classe moyenne européenne ou nord-européenne et dessine les contours de ce en quoi doit consister l’émancipation des femmes » (Dorlin, 2009, p. 10).

4 Ce que Léa Sallenave avait pu proposer dans sa thèse soutenue en 2022. Voir en particulier ses chapitres 1 et 2

5 « Quand les gens sont conscients de ce qui se passe mais ne le reconnaissent que dans des cas exceptionnels, choisissant par ailleurs d’y participer sans esprit critique ». Cette citation ainsi que les suivantes sont traduites par l’autrice.

6 « Pourquoi nos parcs sont-ils si blancs ? » Article consultable à l’adresse : https://www.nytimes.com/2015/07/12/opinion/sunday/diversify-our-national-parks.html (consulté le 28 mars 2024).

7 « Comment les grands espaces sont-ils devenus si exclusifs ? » Article consultable à l’adresse : https://news.harvard.edu/gazette/story/2023/04/americas-best-idea-but-not-for-all/ (consulté le 28 mars 2024).

8 « Les montagnes ou les parcs nationaux isolés ont été traditionnellement imaginés et commercialisés comme des environnements à “conquérir” et à “dompter” par les hommes ».

9 Pour plus de précisions : https://www.hrc.org/press-releases/human-rights-campaign-blasts-gianforte-for-signing-statewide-drag-ban, (consulté le 28 mars 2024).

10 Pour plus de précisions : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/03/zooey-zephyr-elue-du-montana-et-cible-de-la-guerre-des-republicains-americains-contre-les-personnes-transgenres_6171969_3210.html, (consulté le 28 mars 2024).

11 « Tandis que les hommes jouent le rôle de “dompteurs” de la nature ».

12 Giovanna Di Chiro analyse ainsi le refus des organisations environnementales, dans les années 1980, de s’associer aux mobilisations des populations noires et hispaniques d’un quartier pauvre de South Central à Los Angeles contre un projet d’incinérateur de déchets (1999, p. 299).

13 Hors montagnes Rocheuses, Rozenn Martinoia a montré la manière dont les femmes ont été invisibilisées dans la mémoire collective et dans l’histoire de l’alpinisme en général (2013, p. 4).

14 « Une longue tradition de ségrégation raciale dans les lieux de loisirs aux États-Unis ».

15 « Le dogme selon lequel garder le ski blanc est bon pour les affaires. Et il semble que sa clientèle [...] soit involontairement, ou du moins cyniquement, complice ».

16 « Il est essentiel de comprendre comment la race opère dans les quelques avant-postes racialement homogènes de privilèges pour pouvoir démanteler son pouvoir ».

17 De la même manière que Malcolm Ferdinand affirme la nécessité de croiser les mouvements décoloniaux et environnementaux (Ferdinand, 2019), le décloisonnement entre les luttes est à titre d’exemple le point de départ de Cy Lecerf Maulpoix, qui dans son ouvrage Ecologies déviantes. Voyage en terres queers (Lecerf Maulpoix, 2021) donne de manière pionnière en France une visibilité à l’écologie queer (Mortimer-Sandilands et al., 2016 ; Gray, 2017) : cette approche consiste à queeriser l’écologie et écologiser la pensée queer, notamment parce que la fluidité queer permet de repenser l’environnement en s’émancipant des cadres normatifs et excluants déjà étudiés dans cet article, pour « une écologie plurielle qui ne peut être qu’intersectionnelle, fondamentalement anticapitaliste, queer, décoloniale et féministe » (Lecerf Maulpoix, 2021, p. 19).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gabrielle Saumon, « Penser les conditions d’une normativité blanche, hétéro-masculine et bourgeoise dans les montagnes Rocheuses (États-Unis) »Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 112-3 | 2024, mis en ligne le 31 janvier 2025, consulté le 23 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/rga/13443 ; DOI : https://doi.org/10.4000/139tq

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Auteur

Gabrielle Saumon

ACP, Université Gustave Eiffel, Marne-la-Vallée
EHIC, Université de Limoges

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