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Associer les acteurs de terrain à l’observation de la fréquentation et des pratiques récréatives en montagne : enseignements à partir de deux projets collaboratifs en France et en Suisse

Christophe Clivaz, Marc Langenbach, Olivier Obin et Alexandre Savioz
Traduction(s) :
Associating Field Actors in the Observation of Visitor Flows and Recreational Activities in Mountain Regions: Lessons Drawn from two Collaborative Projects in France and Switzerland [en]

Résumés

Les Alpes sont particulièrement concernées par les effets des changements climatiques. La hausse moyenne de la température y est deux fois supérieure à celle constatée au niveau mondial (Beniston, 2012). Les changements climatiques impactent en profondeur les pratiques touristiques, sportives et plus largement récréatives en montagne. On pense en premier lieu à l’élévation de la limite pluie-neige et à la raréfaction de la ressource que représente la neige (Gonseth, 2013) qui amènent les sociétés de remontées mécaniques à investir de manière importante dans la production de neige de culture afin de pérenniser la pratique du ski et du snowboard (Abegg, 2011 ; Clivaz et al., 2015). Mais les changements climatiques ont aussi des répercussions importantes pour les autres pratiques sportives et récréatives en montagne, notamment en été (randonnée, escalade, alpinisme, etc.).
Observer les effets des changements climatiques sur les pratiques récréatives de la montagne peu aménagée s’avère complexe. Dans ce cadre, un projet de recherche-action participative exploratoire, présenté dans cette contribution, a été mené en 2019 avec pour objectif à la fois de faire un bilan sur les données existantes en matière de fréquentation de la montagne peu aménagée et d’étudier la faisabilité d’une démarche associant les acteurs de terrain dans l’observation de l’évolution de cette fréquentation. Cette contribution est l’occasion de revenir sur ce projet et de montrer les défis et les difficultés liés à cette démarche volontairement collaborative, notamment en la mettant en perspective avec le programme d’observation français Refuges Sentinelles (RS) dont elle s’est inspirée. Plus généralement, il s’agit aussi de s’interroger sur les enjeux de connaissance, tant pour les acteurs de la recherche que pour les acteurs de terrain (gardiens de refuge, guides et accompagnateurs en montagne), liés à une démarche de recherche collaborative. Les résultats en termes de données collectées ou d’enjeux identifiés (évolution de la fréquentation, du rôle des gardiens, des types de clientèle, etc.) ne font pas partie de l’objet de cette contribution, même s’ils pourront être évoqués ponctuellement afin d’exemplariser le propos.
D’un point de vue méthodologique, nous nous baserons en grande partie sur le rapport final du projet de recherche-action participative que nous avons mené (Obin et al., 2020), sur un mémoire d’étudiant portant sur la faisabilité du programme Refuges Sentinelles et de la démarche à mettre en place (Berthet, 2014) ainsi que sur les comptes rendus des différentes séances et manifestations liées à ce programme. Nous avons complété ces sources par un entretien semi-directif réalisé en ligne, en janvier 2021, avec le responsable scientifique de ce dernier, entretien qui portait spécifiquement sur le thème de la méthodologie collaborative déployée.

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Texte intégral

Introduction

1Les Alpes sont particulièrement concernées par les effets des changements climatiques. En effet, la hausse moyenne de la température y est deux fois supérieure à celle constatée au niveau mondial (Beniston, 2012). Les changements climatiques impactent en profondeur les pratiques touristiques, sportives et plus largement récréatives en montagne. On pense en premier lieu à l’élévation de la limite pluie-neige et à la raréfaction de la ressource que représente la neige (Gonseth, 2013) qui amènent les sociétés de remontées mécaniques à investir de manière importante dans la production de neige de culture afin de pérenniser la pratique du ski et du snowboard (Abegg, 2011 ; Clivaz et al., 2015). Mais les changements climatiques ont aussi des répercussions importantes pour les autres pratiques sportives et récréatives en montagne, notamment en été (randonnée, escalade, alpinisme, etc.).

  • 1 Par montagne peu aménagée, nous entendons les régions de montagne hors station et donc peu, voire p (...)

2Observer les effets des changements climatiques sur les pratiques récréatives de la montagne peu aménagée s’avère complexe. D’une part, il n’existe que peu de travaux concernant les pratiques récréatives hors montagne aménagée. D’autre part, ces pratiques se transforment sous l’effet de facteurs sociétaux comme le développement des réseaux sociaux, la numérisation ou encore des processus d’évolution des disciplines sportives et de loisir (matériel, techniques, échanges de connaissances, etc.). Enfin, les fréquentations de la montagne, hors espaces urbanisés tels que les stations, sont très diffuses, les publics se répartissent sur de nombreux itinéraires via des activités variées (alpinisme, randonnée, escalade, trail, etc.). Dans ce cadre, un projet de recherche-action participative exploratoire, présenté plus en détail ultérieurement, a été mené en 2019 avec pour objectif à la fois de faire un bilan sur les données existantes en matière de fréquentation de la montagne peu aménagée1 et d’étudier la faisabilité d’une démarche associant les acteurs de terrain dans l’observation de l’évolution de cette fréquentation. Cette contribution est l’occasion de revenir sur ce projet et de montrer les défis et les difficultés liés à cette démarche volontairement collaborative, notamment en la mettant en perspective avec le programme d’observation français Refuges Sentinelles (RS) dont elle s’est inspirée. Plus généralement, il s’agit aussi de s’interroger sur les enjeux de connaissance, tant pour les acteurs de la recherche que pour les acteurs de terrain, liés à une démarche de recherche collaborative. Les résultats en termes de données collectées ou d’enjeux identifiés (évolution de la fréquentation, du rôle des gardiens, des types de clientèle, etc.) ne font pas partie de l’objet de cette contribution, même s’ils pourront être évoqués ponctuellement afin d’exemplariser le propos.

3L’article rejoint ainsi dans les réflexions sur les « sciences participatives » inscrites depuis plusieurs décennies dans une phase dite de « tournant participatif » (Pestre, 2011). Ce dernier auteur met en lumière un potentiel « retour de l’amateur » dans les milieux de la production scientifique contemporaine (Bonneuil, Joly, 2013). Ces pratiques ont connu de grandes transformations ces dernières décennies, facilitées par l’évolution des moyens de communication et d’information (Internet, Web 2.0, Open Sources, etc.) propres à l’ère numérique (Doueihi, 2011 ; Blangy, 2017). Dès lors, le phénomène a pris une telle ampleur que certains auteurs n’hésitent plus à parler de « démocratisation de la culture scientifique » (Charvolin, 2009), de « démocratisation technique » (Callon et al., 2001) dans un contexte de « société de la connaissance » (Breton, 2005).

4Ce phénomène est notamment observable à travers l’apparition des « sciences citoyennes » (Irwin, 1995), des « sciences participatives » ou du « tiers-secteur scientifique » (Charvolin, 2009), qui entrent dans une perspective de co-construction des connaissances, surtout présentes dans les thématiques environnementales et sanitaires, et qui ont connu un essor remarqué depuis le début du 21ème siècle. Ce type de démarches désigne des « dispositifs de production de connaissances fondés sur des collaborations volontaires entre scientifiques professionnels, réseaux organisés d’observateurs amateurs, ONG environnementales » (Salles, 2014). Au-delà du fait d’impliquer les citoyens dans la recherche scientifique, les sciences participatives valorisent la capacité des acteurs à produire des connaissances, à contester certains faits et à innover dans différents domaines. Elles viennent ainsi questionner l’exclusivité des experts dans la production scientifique (Gibbon et al., 1994).

5Ce contexte heuristique précisé, nous nous basons au niveau méthodologique sur le rapport final du projet de recherche-action participative que nous avons mené (Obin et al., 2020), sur un mémoire d’étudiant portant sur la faisabilité du programme Refuges Sentinelles et de la démarche à mettre en place (Berthet, 2014) ainsi que sur les comptes rendus des différentes séances et manifestations liées à ce programme. Nous avons complété ces sources par un entretien semi-directif réalisé en ligne, en janvier 2021, avec le responsable scientifique de ce dernier, entretien qui portait spécifiquement sur le thème de la méthodologie collaborative déployée.

6Après avoir précisé dans la section suivante le questionnement qui nous intéresse, nous présenterons les deux projets, suisse et français, mentionnés précédemment. Nous pourrons ensuite synthétiser les principaux enseignements relatifs à la démarche collaborative qui résultent de leur mise en perspective, avant d’esquisser dans la conclusion quelques pistes supplémentaires de réflexion.

Evolution de la fréquentation et des pratiques récréatives de la montagne peu aménagée

7Différents travaux universitaires se sont penchés sur les typologies de pratiquants de la montagne dans le cadre d’activités sportives. Ils ont permis de comprendre les différents types et cultures de pratique, ou de rapports à la nature et à l’environnement (Lefèvre, 2004b ; Corneloup, 2016). D’autres études se sont intéressées aux motivations des pratiquants, par exemple celles des pratiquants de ski de randonnée (Haberfellner et al., 2012 ; Kreziak, 2018). Il existe aussi des travaux anthropologiques (Seigneur, 2007) ou historiques (Hoibian, 2003, 2008 ; Hoibian & Defrance, 2008 ; De Bellefon, 1999) s’intéressant aux alpinistes et publics fréquentant la haute montagne. Les travaux de Seigneur se penchent en particulier sur les perceptions de l’environnement ou du risque (Seigneur, 2003, 2006). En Suisse, les travaux existants ont porté sur l’histoire du métier de guide de montagne (Gamper, 2008 ; Hungerbühler, 2013), sur l’évolution des refuges de montagne dans leur dimension tant matérielle qu’immatérielle (Défayes, 2010), sur les attentes de différents types de clientèle vis-à-vis des infrastructures et services offerts par les cabanes de montagne (Schwegler, 2011) ou sur la structuration des filières professionnelles de guides et d’accompagnateurs en montagne (Clivaz & Langenbach, 2020). Si ces différents travaux apportent un éclairage sur les types de publics, de pratiques et de motivations des pratiquants, les questions de la fréquentation et de la dispersion géographique des pratiquants ou de l’évolution des métiers de la montagne peu aménagée sont abordées de manière très marginale.

8Les pratiques récréatives en haute montagne se sont développées au travers de processus d’appropriation de l’espace (Debarbieux, 1988) et au travers de cultures de pratique différenciées selon les activités sportives considérées (Lefèvre, 2002, 2004a). Ainsi, jusqu’à la fin du vingtième siècle, ces développements ont eu lieu dans un milieu relativement stable, c’est-à-dire n’évoluant pas ou peu selon les années, les principaux facteurs influençant les pratiquants dans leurs choix d’itinéraires étant la météorologie, les niveaux d’enneigement ou les risques d’avalanche. Aujourd’hui, les pratiques de la haute montagne, sur les espaces aménagés ou non, sont aussi fortement dépendantes des conditions climatiques.

9Par ailleurs, les effets du changement climatique sur le milieu montagnard font l’objet de nombreuses publications. Toutefois, les questions relatives aux effets du changement climatique sur la fréquentation, sur les métiers de la haute montagne, et du rôle que peuvent jouer les refuges restent peu explorées. Le domaine particulier de la fréquentation de la montagne peu aménagée reste ainsi peu étudié (Bourdeau, 2017), particulièrement en Suisse. Or, les changements climatiques ont un effet direct sur la physionomie et donc l’usage récréatif de nombreux sommets et itinéraires, notamment dans les Alpes (Ravanel et al., 2020). Le retrait des glaciers (Bonet et al., 2016), la diminution du manteau neigeux en période estivale, la fonte du permafrost et ses conséquences (modification des débits hydriques, multiplication des effondrements) changent radicalement la nature des itinéraires ou l’exposition des pratiquants à certains risques objectifs (avalanches, chutes de pierres).

10Dans ce contexte, de nombreuses questions se posent. Les pratiquants doivent aujourd’hui s’adapter lors du choix de leurs itinéraires et de la planification de leurs séjours. Au-delà des pratiquants autonomes, les pratiques récréatives de la montagne peu aménagée concernent plusieurs métiers tels que ceux de gardiens de refuge, de guides de haute montagne, d’accompagnateurs en montagne ou encore de secouristes en montagne qui sont eux aussi concernés par les effets des changements climatiques. Peu de travaux se sont penchés sur cet enjeu à l’exception de travaux récents menés en France sur l’impact des changements climatiques sur la pratique de l’alpinisme (Mourey et al., 2019, 2020), notamment commerciale (Salim et al., 2019), travaux qui n’ont pas encore été « dupliqués » en Suisse.

11D’un point de vue méthodologique, l’observation de la fréquentation de la montagne peu aménagée soulève des questions relatives à la manière d’appréhender des pratiques dispersées à la fois spatialement et temporellement. Ainsi, très peu de données, aussi bien quantitatives que qualitatives, permettent d’objectiver de manière précise la fréquentation de ces espaces. Seules les statistiques de fréquentation des refuges, via les clubs alpins respectifs (Club Alpin Suisse et Fédération Française des Clubs Alpins de Montagne) qui en sont généralement les propriétaires ou gestionnaires, un recensement des itinéraires et des fréquentations associées à partir des carnets de refuge, ou des récits épars de courses en haute montagne sur des blogs semblent accessibles sans trop de difficultés. Les méthodes et les outils de collecte de données restent ainsi à consolider ou à adapter. Dans ce contexte, il nous est apparu nécessaire, dans le cadre du projet de recherche-action participative décrit dans la section suivante, de mettre en œuvre ces méthodes et outils en partenariat avec les acteurs de terrain, à la fois pour améliorer l’exhaustivité des informations récoltées et pour éviter les angles morts de la recherche.

12Nous postulons ainsi que l’adhésion de ces acteurs (gardiens, guides, accompagnateurs en montagne, syndicats professionnels, clubs alpins) à un programme de recherche collaboratif peut être une solution afin de pallier les difficultés de l’observation de pratiques dispersées. Comme mentionné en introduction, cette contribution vise à rendre compte des enjeux liés à une telle démarche collaborative.

Un projet exploratoire et à visée collaborative sur et autour des refuges en Suisse

Contexte et objectifs

13Le projet « Les refuges comme observatoire de la transition récréative en haute montagne » a été mené par les auteurs de cet article pendant l’année 2019. Soutenu par un financement de démarrage (seed funding) du Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Montagne (CIRM) de l’Université de Lausanne, ce projet avait pour but d’étudier la faisabilité d’un programme de recherche franco-suisse s’intéressant à l’évolution des pratiques récréatives en montagne dans le contexte des changements climatiques, en prenant les refuges comme lieux d’observation privilégiés de cette évolution. La focale y était mise sur la fréquentation de la montagne via ces différentes pratiques, au départ ou autour des refuges. Elle ne s’intéressait volontairement pas au ski de piste dont l’évolution des pratiques en lien avec les changements climatiques est davantage explorée scientifiquement (Bourdeau, 2007 ; François, 2007 ; Clivaz et al. 2015) et pour lequel les refuges ne constituent de toute façon pas un lieu d’observation pertinent. En nous basant sur un état de la littérature et des recherches actuelles dans le champ du tourisme dans les espaces de montagne peu aménagés (Falaix & Corneloup, 2017 ; Corneloup, 2017), nous avons inscrit ce questionnement plus largement dans celui de la transition récréative auquel sont sujets les territoires touristiques de haute montagne. Celle-ci peut prendre à la fois la forme d’une modification de la fonction du lieu, non plus uniquement sportif ou récréatif mais désormais aussi fréquenté suivant des objectifs scientifiques, culturels ou artistiques, et d’une modification large des modalités des pratiques récréatives en montagne (hyper connexion ou à l’inverse déconnexion, tourisme en itinérance, etc.).

14L’approche se voulait participative, dans le sens où les gardiens de refuges, mais également d’autres socioprofessionnels en lien avec cette thématique comme les guides et les accompagnateurs en montagne, sont considérés comme parties prenantes de la recherche. Le projet entendait donc intégrer les enjeux, intérêts et contraintes de ces acteurs, mais aussi leurs capacités à participer à la collecte de données. C’est pour cette raison que nous avons pris la décision dès la conception du projet de recherche de procéder à une co-construction du questionnement avec les acteurs socioprofessionnels. Nous n’avons ainsi jamais envisagé d’aborder notre problématique au travers d’une approche plus « classique » où les chercheurs construisent seuls leur problématique et leurs questionnements. Les modalités concrètes de cette co-construction sont présentées plus loin dans l’article.

15Constatant un déficit de connaissances, en particulier concernant la situation en Suisse, les interrogations qui nous guidaient concernaient en particulier l’évolution de la fréquentation des refuges, des pratiques sportives et récréatives, et des itinéraires en montagne. Nos questionnements se rapportaient également à la transformation du métier de gardien de refuge devant faire face aux effets des changements climatiques et à la possible évolution de sa mission vers un rôle de médiation scientifique par rapport à ces changements. Ces questionnements, ainsi que le type d’approche choisie, faisaient écho au programme scientifique Refuges Sentinelles qui sera présenté après la section suivante.

Dispositif déployé et principaux résultats

16Dans le cadre du projet « Les refuges comme observatoire de la transition récréative en haute montagne », les activités entreprises ont été essentiellement exploratoires afin de sonder la faisabilité de la démarche participative en Suisse, et les possibilités de développement d’un projet de recherche plus vaste dans les zones alpines des cantons de Vaud et du Valais francophone. Dans ce but, une campagne d’entretiens (17) a été menée avec différents types d’acteurs (gardiens, guides, secouristes, syndicats, clubs alpins, chercheurs) et quatre refuges ont été visités au cours de la période estivale (entretiens avec les gardiens et observation du fonctionnement du refuge). Deux ateliers collectifs réunissant des gardiens, des accompagnateurs en montagne, des guides, des membres du Club Alpin Suisse, ont été également organisés, l’un au printemps, l’autre en automne 2019. Le but de ces rencontres était d’échanger avec les acteurs de terrain sur l’intérêt de la mise en place d’une telle démarche, de discuter des enjeux identifiés dans leur pratique quotidienne, mais aussi de trouver des partenaires prêts à s’engager dans la recherche. Les ateliers se sont globalement déroulés de la manière suivante : un tour de table de présentation de chaque participant ; une présentation du projet par l’équipe en charge ; un temps de discussion avec les participants, structuré autour de thématiques précises et identifiées en amont (les différents volets des impacts des changements climatiques pour la première séance, la méthode et les indicateurs lors de la seconde séance) et enfin un temps d’échange libre ou de question à disposition des acteurs liés aux refuges.

17Si les échanges ont été encourageants, dans le sens où les partenaires de terrain se sont montrés prêts à s’investir et à collaborer dans un tel programme scientifique, plusieurs contraintes ont pu être identifiées. Des premières difficultés d’ordre logistique et organisationnel ont tout d’abord été relevées, dont des conflits d’agenda relatifs aux intenses activités des acteurs de terrain du mois de mai au mois de septembre. La prise de contact et la présentation du projet ont également représenté un enjeu dans la mesure où il s’est avéré parfois difficile de susciter l’intérêt des acteurs en vue de les mobiliser. Nous avons par exemple constaté des appréhensions de la part de certains acteurs qui redoutaient que leur engagement dans ce projet ne leur demande un trop grand investissement temporel en plus de leurs activités habituelles. D’autres, notamment des guides, craignaient que la recherche renforce une image négative de la montagne en se focalisant seulement sur les enjeux d’accidentologie et d’augmentation des risques liés aux changements climatiques. Ces constats renvoient plus généralement à des enjeux interprofessionnels entre acteurs de terrain et chercheurs, mais également entre les acteurs de terrain eux-mêmes, qui peuvent développer des représentations ou des attentes différentes, par exemple entre les gardiens et les guides.

18Malgré les difficultés rencontrées, les échanges avec les acteurs de terrain ont confirmé en partie nos hypothèses de travail. En effet, ces derniers ont relevé différentes conséquences des changements climatiques sur leur activité. Celles-ci peuvent concerner des problématiques logistiques, à l’instar de l’approvisionnement en eau des refuges, sécuritaires, par exemple l’augmentation du risque de chutes de pierres à proximité de certains itinéraires, ou de saisonnalité avec un bouleversement du calendrier des activités. Face à ces différents phénomènes, des stratégies d’adaptation sont déjà mises en place par les acteurs, comme la modification des itinéraires, le déplacement des courses dans la saison, des transformations de pratiques, etc. Mais nous avons aussi appris de ces rencontres avec les acteurs du terrain qu’il existe une série d’autres transformations des pratiques et des pratiquants qui ne sont pas en lien avec les changements climatiques. Celles-ci auraient plus à voir avec des évolutions sociétales et des tendances plus globales liées notamment à la montée en puissance du recours aux outils numériques et aux nouvelles technologies dans la pratique sportive en montagne. Ce qui implique des changements professionnels importants tels qu’une hyper-connectivité, une forte réactivité face aux évolutions de l’état des espaces de pratique, ou encore une adaptation de leurs propres rythmes de vie aux « nouvelles » saisons de la fréquentation récréative de la montagne (pour les gardiens de cabanes et pour les guides).

Refuges Sentinelles : un programme de recherche collaborative en France

Présentation du programme

  • 2 CDP : Cross Disciplinary Program.

19Le programme Refuges Sentinelles (RS) est un dispositif d’observation et d’animation pluridisciplinaire et participatif de la haute montagne qui positionne les refuges de montagne, et les acteurs du milieu qui y interagissent, comme des observatoires du changement climatique et des évolutions des modalités de fréquentation de la montagne. Philippe Bourdeau (Université Grenoble Alpes) en assure la responsabilité scientifique. Le programme est mis en place depuis 2016 dans les refuges du Parc National des Écrins (PNE) avec le soutien du Labex Innovations et Transitions Territoriales en montagne (ITTEM), du CDP Trajectories2 de l’Université Grenoble-Alpes, et de l’Office Français de la Biodiversité dans le cadre du programme Sentinelles des Alpes. Il interroge l’ensemble des changements environnementaux et culturels, en impulsant, coordonnant et croisant des recherches en sciences de la nature et en sciences sociales. Les cinq axes de recherche développés portent sur les fréquentations et les pratiques de la montagne (axe similaire à celui du projet suisse présenté plus haut), l’éducation à l’environnement et la diffusion de la culture scientifique, la météorologie et la climatologie pour les refuges, la biodiversité et l’écologie verticale, la géomorphologie et les risques. En plus d’un objectif scientifique, le programme RS a aussi pour but d’accompagner la transition dans les territoires de montagne en valorisant les refuges et en aidant les socioprofessionnels à co-construire de la connaissance sur leurs pratiques et celles de leur clientèle.

20Les principaux apprentissages scientifiques acquis par le projet Refuges Sentinelles portent en premier lieu sur l’adaptabilité des dispositifs de mesure (éco-compteurs, capteurs de présence) et la possibilité d’identifier les effets du changement climatique dans les adaptations effectuées par les acteurs professionnels de la montagne. Ils reposent par ailleurs aussi sur l’expérience acquise, à propos du premier axe, dans le domaine de la participation d’acteurs non académiques, mais parties prenantes du champ observé, à la conception d’une démarche scientifique. Ces acteurs institutionnels ou individuels (gardiens, fédérations sportives ou affinitaires, syndicats professionnels, espaces protégés, collectivités, offices et observatoires du tourisme), ont été impliqués dès le départ dans la conception et l’orientation du programme, ainsi que dans la mise en œuvre des actions scientifiques et de valorisation des résultats.

21Si les axes de recherche initialement prévus n’ont pas tous été investigués, les résultats fournis dans le cadre de l’observation de la fréquentation et des modalités de pratique, du point de vue des sciences sociales (axe 1), sont très stimulants3. Ceux-ci (RefLab, 2017), récoltés sur des terrains français (principalement dans le Massif des Écrins), soulignent la tendance à la désaisonnalisation de l’activité touristique en montagne, l’évolution des pratiques ou encore celle des métiers de guides (vers plus d’adaptabilité et de mobilité) et de gardiens de refuges (vers de la gestion des risques, du climat ou encore une montée en confort des refuges).

Le dispositif collaboratif au cœur de Refuges Sentinelles

22Le dispositif collaboratif mis en place dans le cadre de RS a été présent depuis les toutes premières phases de conception du programme. Il a été clairement identifié comme essentiel dans les discussions préalables entre chercheurs de l’Université Grenoble Alpes et membres du conseil scientifique du PNE. En effet, ces derniers comme les chercheurs sont partis du constat initial que la recherche sur les phénomènes sociaux et culturels liés aux pratiques touristiques et sportives dans les espaces de montagne peu aménagés ne peut se faire qu’en associant à la démarche scientifique les principaux intéressés. L’idée a donc été de positionner les acteurs de ce milieu comme des co-chercheurs (Blangy, 2017), associés aux actes de recherche, depuis leur conception (choix et conception de la méthodologie) jusqu’aux résultats et à leur diffusion, en passant par la réalisation des enquêtes.

23La démarche a été vraiment lancée par un premier événement collectif réunissant tous les types de participants ciblés par le projet. Cet événement, organisé sur un site de recherche situé en montagne (le Jardin Alpin du Col du Lautaret4), et volontairement très ouvert en termes de modes de discussion, a constitué un point de départ fondateur et structurant la suite du projet. L’organisation de cet événement dans un lieu situé en montagne, plutôt que dans des locaux universitaires en ville, a été un élément important afin de susciter l’adhésion des socioprofessionnels. Les gardiens de refuge, les guides et accompagnateurs en montagne, sont ainsi venus en nombre à ce premier séminaire « Refuges sentinelles, observatoire de la haute-montagne » tenu les 9 et 16 septembre 2016. Ils ont souligné leur intérêt pour les questions débattues et ont donné leur accord pour être associés à la démarche.

24Ensuite, la démarche a nécessité un travail d’animation important effectué pendant quatre ans par une Ingénieure d’études dédiée majoritairement aux interactions avec les acteurs. L’animatrice a ainsi noué puis maintenu systématiquement le contact avec les gardiens des refuges situés dans les terrains d’étude. Elle a rencontré annuellement les gardiens sur leur lieu de travail, s’est faite patiemment accepter par ces acteurs en aidant aux tâches quotidiennes en refuge, a vérifié avec eux le fonctionnement des dispositifs d’observation et s’est assurée de leur participation aux débriefings de fin de saison dont l’objectif était de discuter et d’interpréter les données collectées pendant la période considérée. Ce suivi constitue un élément très important pour assurer le lien entre les responsables scientifiques et les acteurs impliqués dans la co-construction de la démarche.

25La démarche collaborative a mis nettement en lumière le fait qu’en associant les acteurs concernés par les résultats de la recherche, ici principalement les gardiens, les résultats étaient à la fois plus facilement exploitables (plus homogènes, transversaux et stables dans le temps notamment) et traduisibles en actes dans les métiers concernés. À ce sujet, les gardiens sont intervenus à plusieurs reprises, dans la conception de la méthode, en proposant des corrections ou des adaptations, et en la testant sur place.

26Les principales clés de la participation des acteurs à cette démarche collaborative semblent ainsi être en particulier les suivantes : la présence d’acteurs réellement ouverts à une démarche collaborative d’une part, et, d’autre part, une identité territoriale partagée par ces acteurs et une volonté d’échanger et de collaborer à l’échelle de leur territoire.

Apports croisés des projets français et suisse

Une problématique similaire mais des ambitions et une situation de départ en partie différentes

27Si les projets suisse et français décrits ci-dessus portent sur une problématique similaire et affichent tous deux une volonté clairement exprimée d’adopter une démarche collaborative en associant les acteurs de la montagne concernés, ils se différencient néanmoins à plusieurs égards.

28Premièrement, l’ambition du projet suisse se limitait à une étude exploratoire, sur une année, en vue d’étudier la faisabilité d’une recherche de plus grande ampleur alors que le programme français, après avoir lui aussi connu une phase exploratoire sous la forme d’un travail de master (Berthet, 2014), a la volonté de récolter des données et de gagner en connaissances sur les questions de fréquentation et d’évolution des métiers de la montagne peu aménagée. Notons que l’expérience française a servi à ajuster dès le départ la démarche du côté suisse en ciblant précisément les acteurs à associer au projet. Ceci s’est fait par le biais de plusieurs échanges avec le responsable scientifique de RS.

29Deuxièmement, la position de départ des chercheurs impliqués était différente. Côté français, le responsable scientifique avait déjà rencontré par le passé bon nombre de gardiens ou de guides lors de ses activités de recherche. Membre du comité scientifique du PNE, il avait ainsi déjà eu l’occasion de sensibiliser ces acteurs à certains questionnements scientifiques ainsi qu’aux enjeux d’une démarche collaborative. Il était de ce fait plus facile pour lui d’obtenir l’adhésion des professionnels à la démarche proposée. À l’inverse, du côté suisse, le projet a démarré sans que ses responsables n’aient de relations particulières auprès des professionnels de la montagne peu aménagée, si ce n’est quelques contacts noués avec les syndicats suisses des guides et des accompagnateurs en montagne dans le cadre de travaux précédents.

30Troisièmement, le PNE, en tant qu’institution territoriale pérenne en relation permanente avec les gardiens des refuges sis dans son périmètre, a joué un rôle “fédérateur” dans l’acceptation de la démarche. Du côté suisse, un tel acteur institutionnel “de poids” faisait défaut, les refuges inclus dans l’étude se trouvant dans différentes vallées sans existence d’institutions semblables à celles des Parcs.

31Enfin, on notera qu’à l’exception de l’Association Suisse des Accompagnateurs en Montagne, les syndicats professionnels (de gardiens, de guides ou d’accompagnateurs en montagne) sont restés plutôt en retrait dans les deux pays malgré leurs nombreux membres. Ceci peut s’expliquer par le fait que les raisons de l’adhésion aux syndicats professionnels se situent avant tout dans les avantages commerciaux et assurantiels qu’ils proposent (Clivaz & Langenbach, 2020) et moins dans les possibilités d’échanges entre professionnels. Du côté suisse tout particulièrement, les associations professionnelles de gardiens (une pour la partie francophone, une pour la partie germanophone) sont peu actives et peu visibles, si bien qu’il n’a pas été possible de compter sur ces associations pour appuyer notre démarche comme nous le souhaitions.

Quels enseignements tirer en matière de démarche collaborative ?

32Sur la base des retours d’expérience obtenus à partir des deux projets présentés dans cet article, il est possible de mettre en évidence certains facteurs qui favorisent la mobilisation des acteurs professionnels de la montagne, en particulier les gardiens de refuge, dans une démarche collaborative :

  • Avoir un acteur leader : dans le cas de RS, un gardien s’est montré dès le départ très enthousiaste et actif auprès de ses collègues pour les convaincre de participer à la démarche alors que du côté suisse aucun acteur n’a endossé ce rôle de leader. Le fait qu’un socioprofessionnel s’engage avec détermination dans une démarche collaborative et tente de convaincre ses confrères de faire de même ne peut que renforcer la légitimité de cette démarche auprès de ces derniers.

  • Créer un climat de confiance avec les acteurs : c’est un facteur central qui demande un investissement conséquent et dans la durée de la part des chercheurs. Comme nous l’avons évoqué dans la section précédente, le responsable scientifique du programme français avait de longue date des contacts réguliers avec les acteurs de la montagne peu aménagée, ce qui n’était pas le cas du côté des responsables du projet suisse. En outre, le fait que ce dernier se soit déroulé seulement sur une saison d’été n’a pas permis de construire une relation durable entre les chercheurs et les gardiens. Pour gagner la confiance de ces derniers, l’expérience française en particulier a montré qu’il est essentiel de leur rendre visite régulièrement (une fois par année au moins) dans leur refuge, y compris avec la possibilité de profiter du trajet pour les ravitailler, afin d’échanger sur place avec eux, mais aussi de partager leur quotidien, par exemple en les aidant à faire la vaisselle. Cela permet de renforcer leur acceptation du chercheur, de valider leur adhésion au projet, et partant de s’assurer de la validité du dispositif méthodologique et des objectifs scientifiques poursuivis, voire de les adapter si besoin. Les contacts à distance par téléphone ou courriel ne suffisent clairement pas et ils peuvent même être interprétés par les gardiens comme le signe d’une démarche distanciée du chercheur dans sa « tour d’ivoire ».

  • Se donner les moyens de faire vivre une démarche collaborative : il est primordial d’avoir des moyens humains et financiers dédiés spécifiquement aux activités d’animation, de transformation d’information et de gestion des relations avec les acteurs de terrain. Pour s’assurer la participation de ces derniers dans la durée, pour favoriser le bon fonctionnement et la cohésion du groupe d’acteurs, il faut mettre en place des dispositifs (ateliers, rencontres, repas, newsletters, etc.) qui demandent du temps, du savoir-faire organisationnel et un budget spécifique. Dans ce sens, le programme RS s’appuie sur une personne chargée de l’animation du réseau qui représente aussi d’une certaine manière le « visage » des chercheurs auprès des acteurs de la montagne peu aménagée.

  • Prendre en compte les attentes et suggestions des acteurs : lors des discussions individuelles comme des séances de groupe avec les acteurs, il est important que les chercheurs soient vraiment à leur écoute. Il s’agit non seulement de tenir compte de leurs constatations et de leurs ressentis par rapport aux problématiques amenées par les chercheurs, mais aussi d’être constamment ouverts à leurs propositions en termes de nouveaux questionnements ou de modifications de protocoles de collecte des données. Côté français, les acteurs ont ainsi participé à de nombreuses reprises à l’analyse et à l’interprétation des résultats, souvent en amont des bilans annuels effectués collectivement. Ceci peut certes complexifier la tâche des chercheurs, garants du projet initial, mais permet dans le même temps de consolider l’adhésion des acteurs à la démarche collaborative car ils peuvent constater que les scientifiques sont sensibles à leurs préoccupations, même lorsque celles-ci ne correspondent pas à leur questionnement de départ.

Conclusion

33La prise en compte de ces enseignements doit nous aider à répondre à un questionnement dont il faut rappeler la complexité, à savoir dans un premier temps être capable d’observer les fréquentations de la montagne peu aménagée et leur évolution dans le temps, et dans un second temps d’analyser les facteurs qui peuvent expliquer cette évolution, en particulier les changements climatiques. Ceci implique de déployer un protocole de recherche associant de manière collaborative les socioprofessionnels, en particulier les gardiens de refuge, sur le temps long (plusieurs années). Gardiens dont il s’agit de maintenir la motivation à assurer une collecte rigoureuse des données malgré la diversité de leur situation (types de refuges et de clientèles).

34Au regard du retour d’expériences des deux projets que nous avons présentés dans cet article, il nous semble encore prématuré de définitivement confirmer notre postulat de départ qui, pour rappel, considérait que « l’adhésion de ces acteurs (gardiens, guides, accompagnateurs en montagne, syndicats professionnels, clubs alpins) à un programme de recherche collaboratif peut être une solution afin de pallier les difficultés de l’observation de pratiques dispersées ». Les expériences faites jusqu’ici laissent certes entrevoir un réel potentiel pour mieux appréhender cette fréquentation de la montagne peu aménagée grâce à un dispositif d’observation associant étroitement les acteurs du terrain, mais ce potentiel demande cependant encore à être confirmé par des analyses complémentaires. C’est une des raisons pour lesquelles un projet intitulé « Les refuges comme observatoires de la transition touristique. Repositionnement de la montagne peu aménagée et de ses métiers dans les Alpes franco-suisses » a été développé sous la direction de Philippe Bourdeau et Christophe Clivaz. Ce projet, cofinancé par l’Agence nationale de recherche (ANR) en France et le Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNS) pour une période allant du printemps 2021 au printemps 2025, prévoit un dispositif résolument collaboratif de co-construction à la fois des questionnements et de la méthodologie de recherche. Il doit permettre de creuser cette hypothèse selon laquelle la fréquentation de la montagne peu aménagée peut être saisie grâce à la collaboration avec les gardiens et les acteurs qui gravitent autour des refuges.

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Notes

1 Par montagne peu aménagée, nous entendons les régions de montagne hors station et donc peu, voire pas, équipées en infrastructures touristiques, à l’exception des refuges de montagne.

2 CDP : Cross Disciplinary Program.

3 Voir à ce sujet le site internet du programme Refuges Sentinelles : http://refuges-sentinelles.org/.

4 https://www.jardinalpindulautaret.fr/.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Clivaz, Marc Langenbach, Olivier Obin et Alexandre Savioz, « Associer les acteurs de terrain à l’observation de la fréquentation et des pratiques récréatives en montagne : enseignements à partir de deux projets collaboratifs en France et en Suisse »Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 109-2 | 2021, mis en ligne le 28 octobre 2021, consulté le 01 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/rga/9030 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.9030

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Auteurs

Christophe Clivaz

Professeur associé, Université de Lausanne, IGD / CIRM

Articles du même auteur

Marc Langenbach

Maître de conférences, Université Grenoble Alpes, UMR PACTE
marc.langenbach@univ-grenoble-alpes.fr

Olivier Obin

Chargé de recherche, Université de Lausanne, CIRM

Alexandre Savioz

Assistant doctorant, Université de Lausanne, IGD / CIRM

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