1À la fois paradigme et processus, la transition énergétique promeut le passage d’un système d’énergies de stock vers un système d’énergies de flux, présenté comme plus soutenable. Associées à une volonté de sobriété énergétique, l’efficience et les énergies renouvelables trouvent leur place, à différentes échelles et selon des modes de consommation différents, en faisant évoluer les cadres réglementaires, ainsi que l’organisation sociotechnique des réseaux et en renouvelant les jeux d’acteurs (Geels et al. 2016). En suivant les théories de l’Anthropocène (Bonneuil, 2015 ; Crutzen, 2007 ; Steffen et al., 2018), et du Capitalocène (Malm, 2017 ; Moore, 2017a, 2017b), la transition énergétique globale devient une réponse « vitale » à l’urgence du changement global et à une préoccupation environnementale.

2La dynamique de la transition énergétique reconfigure à la fois les secteurs énergétique et extractif, leurs réseaux et leurs services (Addison, 2018, Ali et al., 2017). De nouvelles frontières énergétiques émergent alors dans des lieux et territoires marginaux (Forget et al., 2021 ; Forget, Bos, à paraitre). La consommation d’énergie n’a jamais été aussi élevée (Fressoz, 2014, 2020). Malgré cela, l’énergie tend à être invisible pour les personnes qui ont accès à des services constants et modernes (Bridge, 2018). Penser l’énergie amène à considérer sa matérialité.

3L’approche de la transition énergétique par la matérialité propose d’investir : (1) les matières nécessaires au développement des technologies sur lesquelles se fonde la transition, (2) les mécanismes sociotechniques de construction des ressources ainsi que (3) les infrastructures énergétiques nécessaires à la production et au transport de l’énergie (réseaux, centrales etc.). La notion de matérialité se réfère ainsi aux liens complexes entre les dimensions matérielles des systèmes socio-économiques et du système socio-environnemental (Balmaceda et al., 2019 ; Bridge, 2009 ; Bridge et al., 2018).

4La dimension critique permet d’interroger l’éthique de l’énergie et la disponibilité des matières, des ressources mais également les modes d’agir et les nouvelles organisations dans un monde où les problématiques environnementales rendent prégnantes ces questions (High, Smith, 2019 ; Servigne, Stevens, 2015). Objet de rapports de pouvoirs multiformes, la question de la matérialité de la transition énergétique replace les territoires de montagne dans une nouvelle centralité.

5Dans les territoires de montagne, qui constituent, à la fois, des espaces particulièrement sensibles, voire vulnérables, aux effets du changement global et des espaces idéalisés de « nature » à conserver, les initiatives de transition énergétique sont nombreuses. Les rapports des habitants à l’environnement montagnard conditionnent, soutiennent ou freinent la mise en place de projets énergétiques, au-delà des gains économiques, ouvrant à des motivations d’ordre plus idéologiques. L’aménagement de ces territoires contraints par leur relief et leurs configurations géographiques, réinterroge également la logique de déploiement des réseaux, en faisant valoir des initiatives en sites isolés, véritables territoires pilotes de nouvelles formes de consommer et de produire de l’énergie.

6Il est intéressant de se demander si ces territoires pourraient permettre de trouver des solutions autonomes adaptables, au-delà du milieu montagnard, et intéresser plus largement les territoires ruraux ou les territoires urbains non connectés. Les territoires de montagne possèdent de surcroît d’importantes ressources énergétiques non-conventionnelles (eau, radiations solaires et géothermie entre autres) qui les placent à la fois comme de potentiels pourvoyeurs d’énergies renouvelables et comme des territoires idéaux de la transition. L’exploitation de ces ressources induit de facto des impacts territoriaux positifs et/ou négatifs.

7Parallèlement, les territoires de montagne sont potentiellement riches en ressources minérales, métalliques et terres rares, nécessaires aux nouvelles technologies énergétiques (panneaux solaires, éoliennes, smart grid, batteries etc.). La mise en exploitation de certains de ces territoires (majoritairement dans les Suds) se fait souvent au profit d’autres territoires dits « en transition ». L’exploitation est souvent présentée comme un levier de développement grâce aux revenus générés par les activités extractives, mais la réalité montre des processus de décohésion sociale et de « dénaturation » des paysages autochtones associés à des dommages environnementaux irréversibles. L’environnement des territoires de montagne en fait, ainsi une réserve de commodities-supports de transition.

8Les territoires de montagne participent matériellement aux transitions par la mise en exploitation des sources d’énergie renouvelable qu’elles recèlent et par les matières premières qu’ils fournissent. Les transformations territoriales donnent naissance à une diversité des situations pour lesquelles les enjeux se différencient selon les contextes (configurations géographiques, situations de marge, formes de développement, densité de peuplement, isolement, connexions etc.).

9Au Sud et au Nord, des mutations ont lieu par les effets de la transition énergétique, visible localement et sur des territoires lointains. Dans les montagnes de l’hémisphère Sud, la transition transforme les territoires qui par le développement de nouveaux projets cherchent à augmenter leur production énergétique et à combler les déficits. Différents projets énergétiques s’y matérialisent pour répondre à la fois aux besoins des populations locales, aux demandes nationales et à celles du Nord.

10Des mouvements de résistance, plus ou moins coordonnés, naissent face à la matérialisation de nombreux projets poussés par la transition énergétique, aussi bien au Nord qu’au Sud. Ces tensions, allant jusqu’au conflit, mobilisent le plus souvent des registres défendant les paysages, les activités traditionnelles et l’accès aux ressources transversales (foncier, eau etc.). Ces mouvements invitent à considérer la matérialité au prisme de différentes ontologies associées à la matière et aux infrastructures, c’est-à-dire à reconnaître en quoi matières et infrastructures informent l’organisation de l’espace, les relations sociales et constituent une forme d’adresse politique (Larkin, 2013). Ainsi, analyser l’énergie au prisme de la matérialité permet d’éclairer, dans des contextes distincts, ses formes et valeurs, voire son agentivité (Graham, Thrift, 2007).

11Par le jeu de divergences et de convergences entre Nords et Suds globaux, et à différentes échelles, la transition énergétique encourage des projets divers, souvent innovants, ayant des implications matérielles. Le parti pris d’une focale sur les territoires de montagne tient à deux raisons principales. D’une part, les territoires de montagne ont historiquement été construits comme pourvoyeurs de ressources et comme lieux exploités au service des centres. D’autre part, ils constituent des espaces idéalisés de nature à préserver, particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Les territoires de montagne apparaissent ainsi au cœur d’une double tension de la transition. Il s’agit d’y analyser dialectiquement ce que la transition énergétique fait aux territoires de montagne et ce que les territoires de montagne font à la transition au prisme des matières et des infrastructures mobilisées.

12Ce numéro spécial cherche à documenter et étudier les mutations en cours, autour de trois axes principaux :

1. Le rôle, l’accès et la construction des ressources matérielles de la transition. Les nouvelles technologies permettent d’alimenter une croissance économique dite « verte », qui peut elle-même être perçue comme une contradiction. Sur le plan environnemental, social et politique, le recours à des technologies pouvant être polluantes, et nécessitant des ressources extractives, fait rejouer et renforce des rapports de pouvoir inégaux. De plus, cette « croissance verte » renforce le paradigme capitaliste fondé sur l’augmentation de la consommation de biens et de services « high-tech », induisant un besoin accru en matières (Bridge et al. 2012, Child et al. 2018). Ces biens et services sont alors présentés comme faisant partie intégrante des solutions aux problèmes socio-environnementaux actuels, mais ils engendrent une restructuration et une augmentation des activités extractives (Addison, 2018). Ce phénomène s’illustre par le développement des dispositifs de stockage de l’énergie tels que les batteries, qui nécessitent de nombreuses matières (lithium, cobalt, nickel, etc.) et qui changent les réseaux (Carrizo, Forget, 2017 ; Forget et al., 2021) et les services, comme la mobilité (Ali et al. 2017 ; Cranois, 2017 ; Martin et al., 2021 ; Vikström et al., 2013).

2. Les montagnes comme lieux de production énergétique. Les lieux prennent une nouvelle valeur associée à la priorité d’une production énergétique in situ. En zone de montagne, au développement historique de la force hydraulique et du bois-énergie, s’ajoutent désormais des parcs solaires, des installations géothermiques et la méthanisation (Droulers, 2019 ; Flaminio, 2016 ; Sanjuan, Béreau, 2001). Les énergies renouvelables, sous leurs multiples formes, rappellent que si les ressources sont des constructions sociales, la matière et les territoires où elles se trouvent sont centraux dans la production énergétique. Cette situation permet d’appréhender le phénomène de « place dependence » ou de dépendance des lieux dans le secteur de l’énergie (Aykut et al., 2017 ; Chabrol, 2016 ; Chailleux et Hourcade, 2021).

3. La permanence et l’évolution des infrastructures de production et de transport de l’énergie. Les infrastructures sont envisagées à la fois comme une possibilité d’aménager des territoires de transition mais également comme un donné hérité, préexistant qui influence fortement la configuration des nouveaux projets. Ainsi les aménageurs et gestionnaires chercheront en priorité à réutiliser des infrastructures existantes leur permettant de diminuer leurs coûts d’exploitation. La matérialité des infrastructures, leur capacité à structurer un territoire, la perception des habitants, et les impacts liés à leur (non)intégration paysagère font partie des questionnements dans les nouvelles manières de concevoir les projets d’énergie.

13Les sept articles réunis dans ce dossier abordent ces trois questions de la matérialité par différentes entrées et dans différents lieux. Plusieurs articles s’appuient sur des études de cas dans les Suds, avec un tropisme particulier pour les Andes (Pérou, Argentine principalement) ou dans les Nords (Alpes françaises, montagnes méditerranéennes, Massif central). Malgré des ancrages territoriaux variés, pour l’ensemble des auteurs rassemblés ici, les changements énergétiques liés aux processus de transition globale positionnent les États au centre, en tant que promoteurs des stratégies et des politiques qui donnent lieu et forme — ou non — à la matérialité des projets. La transition — directe ou indirecte — est dans tous les cas une opportunité pour la mobilisation de ressources énergétiques, renouvelables ou non et/ou pour la satisfaction de demandes locales ou extérieures.

Au sud : élargissement des services énergétiques, enjeux politiques, socioéconomiques et environnementaux

14Dans les territoires de montagne des Suds où se situent des gisements énergétiques, conventionnels et non conventionnels, vivent aussi des populations qui souffrent généralement de déficits de service, du fait de leur éloignement vis-à-vis des centres de consommation et des infrastructures. Dans cette partie du monde, peut-être plus qu’ailleurs, se conjuguent les dimensions sociales, environnementales et énergétiques qui engagent à penser un modèle de développement plus juste.

15L’article « Modernisation énergétique et réorganisation régionale des Andes méridionales : Les matérialités inattendues du Gazoduc sud-péruvien » de Nina Montes de Oca et Sébastien Velut illustre les difficultés qu’ont les pays du sud à mener à terme de grandes infrastructures. Cet article présente comment la (non) matérialisation des projets transforme les territoires. Même les grands projets inachevés, entraînent de nombreux changements dans les systèmes sociotechniques, pour les populations et le pays. Avec eux, les représentations changent tout comme les modes de vie locaux. La mise en exploitation du gisement gazier CAMISEA (2004) dans le piémont andin bouleverse le système énergétique péruvien qui jusque-là dépendait largement des ressources hydriques de haute montagne. Les infrastructures gazières induisent un accroissement considérable des services énergétiques au Pérou et l’exportation de gaz naturel liquéfié sur les marchés internationaux, fortement demandeurs et dont les prix ne cessent d’augmenter. Les travaux de construction du Gazoduc sud-péruvien, lancés en 2014 pour faciliter l’accès à l’énergie grâce à une ressource nationale abondante, bon marché et peu polluante, restent inachevés. Le projet produit néanmoins des effets sur l’accès et sur les pratiques énergétiques dans les régions qui devraient à terme être desservies par celui-ci, orientant ainsi une possible transition énergétique dans le sud du Pérou.

16L’article « Recursos energéticos andinos. Proyectos no convencionales en San Juan y Neuquén, Argentina » de Sofía Villalba, Alejandra Ise et Luciana Clementi, présente l’exploitation de ressources gazières, éoliennes et solaires dans les Andes argentines. Trois grands projets extractifs illustrent leur mise en valeur : celui de l’exploitation de gaz non conventionnel à Vaca Muerta (Neuquén) promu par l’entreprise argentine YPF S.A. ; le parc photovoltaïque Iglesia Guañizuil à San Juan, attribué à la société chinoise Jinko Solar ; et le parc éolien de la mine Veladero à San Juan, appartenant à l’entreprise minière canadienne Barrick Gold. La valorisation des ressources locales, la construction des infrastructures et les lieux dynamisés par les activités, répondent à des logiques extra territoriales. Les changements cherchent notamment un remplacement des sources, plus qu’une transformation intégrale de modèle énergétique. Cependant, ces projets facilitent également l’impulsion de nouveaux projets locaux du fait des rentes générées, des infrastructures construites et des groupes d’acteurs engagés.

17Le dernier article sur des espaces du sud « Andes septentrionales argentinos : una fábrica de territorios energéticos » de Silvina Cecilia Carrizo et Guillermina Jacinto, montre la coévolution des expériences diverses. La transition se révèle dans les territoires de Jujuy, comme un spectre large des opportunités qui s’ouvrent pour des projets, extractives, productives et/ou de services. La province devient une usine de territoires énergétiques à géométrie variable. Plusieurs initiatives visant à satisfaire les besoins basiques des populations à faibles revenus et à réduire la pauvreté énergétique sont mises en œuvre. En même temps, le territoire est marqué par la présence de méga parcs photovoltaïques sur les plaines de haute montagne, et des mines de lithium sont exploitées dans les salines. La matérialisation des infrastructures et des équipements énergétiques, miniers et industriels, ainsi que les services que les travaux et les opérations nécessitent, ont un impact profond sur les communautés locales, les dynamiques sociospatiales et les paysages de grande valeur culturelle et naturelle. Ces phénomènes conduisent à l’émergence de processus de (re)territorialisation qui redéfinissent les trajectoires et les identités des environnements de montagne.

Au nord : les dilemmes de territorialisation des énergies renouvelables en réseau ou isolées

19Par une approche multiscalaire, l’article » (Dé)Connecter. Matérialités énergétiques dans les sites isolés de montagne » de Marie Forget et Kilian Ayroles, montre les particularités des transitions dans ces sites sensibles au changement climatique. Ils analysent les matérialités, entendues comme les modalités et motivations de solutions énergétiques autonomes, depuis le bâtiment jusqu’à une approche intégrée de vallées. Ces espaces catalysent des innovations pour une transition à un système sobre, efficace et décentralisé. Toutefois la dépendance aux lieux et au sentier sociotechnique, fondée sur les réseaux électriques, est présente. L’expérimentation et la créativité sociotechnique sont faiblement reproductibles à cause du coût et de la complexité technique et institutionnelle de la mise en œuvre de ces systèmes autonomes. Il en résulte un grand nombre de solutions « bricolées » souvent à la frontière du légal.

20Dans leur texte « Physicalités en transition : le cas des barrages hydroélectriques dans les vallées alpines françaises », à travers l’étude du barrage Sautet, Emmanuelle Santoire, Jean Desroche et Romain Garcier, analysent comment la transition énergétique affecte-t-elle la matérialité d’infrastructures. Ils reprennent la distinction faite par Philippe Descola entre matérialité et physicalité. La première répond à la question « de quoi un corps est-il fait » et la deuxième à « que peut faire un corps », c’est-à-dire comment ils sont et comment ils sont censés fonctionner. Les auteurs observent qu’en Europe, la transition énergétique avance avec la libéralisation d’un marché unique, dans laquelle le renouvellement concurrentiel des concessions de barrages modifie la physicalité des usines et des barrages alors que leur matérialité reste identique. Le rôle des barrages dans la régulation des cours d’eau ; leur dimension territoriale ; et leur rôle de médiatisation financière et fiscale, changent selon des valeurs et des intérêts concurrents. Ainsi, une même matérialité est à la fois relationnelle et interprétative et peut supporter diverses physicalités.

21Jimmy Grimault, dans son article « Vers une modernisation écologique : territorialisation conflictuelle et gouvernement de la critique des nouvelles infrastructures énergétiques en moyenne montagne », évoque les résistances manifestes à la transition énergétique, liées plus à sa matérialité qu’à sa physicalité, comme montré dans l’article de Santoire et al. Les espaces de moyenne montagne présentent des enjeux environnementaux, paysagers et touristiques. Ils sont aussi des territoires propices au développement d’infrastructures de production d’énergie renouvelable. Le développement de nouvelles infrastructures énergétiques au nom de la transition tend ainsi à constituer une source de conflits socio-environnementaux. La territorialisation des infrastructures oblige un repositionnement des acteurs producteurs d’énergie. Dans ce contexte, ces territoires apparaissent comme des laboratoires pour le gouvernement de la critique (Topçu, 2013) dans lesquels sont expérimentés de nouveaux dispositifs d’acceptabilité sociale comme l’investissement local et le porte-à-porte. Cependant ces dispositifs sont loin de contenir toutes les contestations, entraînant un repositionnement des acteurs. Néanmoins, les nouvelles infrastructures énergétiques sont également présentées comme une opportunité de dépasser la marginalisation historique de ces territoires.

22Enfin, dans « Energy transition in mountain areas: the cases of Greece and Cyprus. Participatory planning with the support of 3D Representations: examples of application in the Eastern Mediterranean Dimitrios Goussios, Ioannis Faraslis et Prodromos Mardakis montrent l’intégration des fonctions et des ressources territoriales dans ces processus de changement, et la nécessité de participation des collectivités locales à leur planification. La planification participative interactive, s’appuyant sur des représentations 3D, repositionne les collectivités en tant que gestionnaires des ressources territoriales et sources d’un système d’information « territorial ». De cette manière, les auteurs cherchent à sortir de l’approche géométrique restrictive de l’intégration des énergies renouvelables, conçue de manière centralisée, et à rentrer par le paysage pour incorporer les lieux et les relations que les communautés locales incluent dans les dynamiques de territorialisation.

Conclusion : matérialités et nouvelle fabrique des territoires

23Les préoccupations concernant le changement climatique et l’évolution des technologies ont contribué au développement des énergies renouvelables, qui sont largement soutenues par les politiques actuelles. La mise en exploitation de ces sources énergétiques invite à questionner leurs matérialités, aussi bien en termes de matières premières nécessaires, qu’en termes d’infrastructures et de gouvernance. Le retour et le déploiement de sites de production énergétique ou de matières premières au service de la transition, au Sud et au Nord, engendrent des mouvements de résistance. Au développement d’infrastructures de production de très grandes tailles, reliées par des réseaux, répondent des systèmes de production qui se veulent autonomes, demandant de redéfinir les consommations et de réintégrer la sobriété énergétique dans les pratiques. Cette sobriété parfois choisie dans les Nords est souvent subie dans les Suds où des populations n’ont pas accès au service de l’énergie et s’accommodent quotidiennement d’une pauvreté énergétique endémique.

24D’une manière générale, la transition énergétique institue une fonction de production énergétique dans de nouveaux territoires, avec l’extension spatiale des dispositifs de production énergétique. Dans ces territoires, des mécanismes de négociation et/ou de co-construction sont nécessaires pour leur territorialisation, leurs populations n’y étant pas nécessairement favorables. Ainsi, les processus associés à la transition énergétique renouvellent non seulement les systèmes sociotechniques d’approvisionnement, les services énergétiques et la mise en valeur des ressources locales, mais ils modifient également leurs dynamiques de territorialisation et de ce fait les relations entre acteurs à différentes échelles.

25Néanmoins, la transition énergétique constitue une opportunité pour les territoires de montagne de proposer un modèle leur permettant de diminuer leur marginalisation au sein de leur territoire national. En effet, ces espaces sont particulièrement bien dotés de ressources énergétiques, qui exploitées de manière raisonnée, peuvent permettre des services et des organisations innovants. Cela demande toutefois de penser une transition respectueuse de l’environnement, de leur patrimoine, de leurs identités et de leurs paysages. Tant au Sud qu’au Nord, les territoires de montagne deviennent ainsi des laboratoires de la transition énergétique, forts de leurs contraintes et de leurs opportunités géographiques.