1La « plateau des 1000 étangs » se localise au nord du département de la Haute-Saône et participe de l’extrémité méridionale du complexe vosgien. Formant une sorte de quadrilatère de 270 km2, ses côtés sont matérialisés au nord-est par la vallée de la Moselle, au sud-est par celle l’Ognon, au sud-ouest par la plaine de Lure à Luxeuil-les-Bains et au nord-ouest par la vallée du Breuchin.

2Il s’agit d’un territoire dont l’essentiel participe du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges, et jadis divisé en deux cantons animés par les bourgs de Melisey et Servance dans la vallée de l’Ognon et Faucogney-et-la-Mer dans celle du Breuchin. Longtemps considéré comme un espace reculé sans grand intérêt économique, le « plateau » des 1000 étangs s’est progressivement vidé de sa population et a subit une importante poussée de la couverture forestière en lieu et place d’anciens espaces agricoles au cours du XXe siècle.

3Les bourgs des vallées de l’Ognon et du Breuchin ont, par le passé, guidé l’organisation et la dynamique de ce territoire de moyenne montagne au climat frais et humide et aux sols ingrats. La puissance et la régularité du débit des rivières et la densité de ruisseaux affluents ont facilité l’installation d’activités industrielles procurant de l’emploi et des revenus aux population du plateau. En outre, ces deux vallées ont, au fil du temps, servi et servent toujours, de lieu de passage entre jadis le Comté de Bourgogne et le Duché de Lorraine, aujourd’hui entre Vosges et Haute-Saône. La frontière n’est d’ailleurs qu’administrative tant les proximités culturelles sont semblables de part et d’autre de la ligne de partage des eaux entre les bassins de la Saône et de la Moselle. Cela se retrouve singulièrement dans les matériaux et les formes des constructions vernaculaires (emploi du grès rose issu des gisements locaux), des fermes dispersées dans le finage ou encore du patois local dont la pratique et la transmission perdurent. L’axe du Breuchin fut celui emprunté par Saint-Colomban et ses disciples au Haut-Moyen Age. Celui de l’Ognon assure la liaison entre Lure et le Tillot. Cependant, si les plateaux se sont progressivement dépeuplés, les vallées ont perdu industries, commerces et services et c’est tout un pan de la vie locale qui s’est effondré dans le dernier quart du siècle dernier ou profit d’une relocalisation de ces fonctions dans les zones commerciales de Lure et Luxeuil-les-Bains.

4Pour autant, les « 1000 étangs » ont toujours intrigué tant les visiteurs, surpris par la singularité des paysages que les acteurs locaux soucieux d’assurer une résilience et un avenir à cet ensemble. C’est dans ce dessein qu’est conçu le présent numéro de la revue de Géographie de l’Est. Il valorise une partie des travaux de recherche conduits dans le cadre d’une « mission universitaire » réunissant des enseignants-chercheurs des Universités de Bourgogne-Franche-Comté et de Lorraine, avec le soutien du Département de la Haute-Saône. L’ambition de ce numéro structuré autour de quatre articles évalués et validés par le comité de lecture de la revue est de poser des contributions scientifiques établissant et démontrant quelques-unes des spécificités de ce territoire.

5Ainsi Dominique HARMAND pose le cadre géomorphologique et rend compte des subtils agencements qui fondent la construction du plateau et de ses paysages dans lesquels s’insèrent en grand nombre des étangs petits et peu profonds. Ensuite, Denis MORIN et Hélène MORIN-HAMON, s’intéressent et portent à connaissance des éléments remarquables sur l’exploitation des ressources minérales et leur valorisation industrielle grâce à leur travaux venus de l’archéologie. Ils dressent ainsi une très riche analyse de usages passés que l’homme a pu établir dans ces lieux et donnent à voir une véritable richesse actuellement méconnue et non vulgarisé Leur article s’intéresse en détail à l’eau et à la machinerie hydraulique de la mine de Grande-Montagne de Château-Lambert. Denis MATHIS, qui avait déjà produit un article de référence dans la RGE sur les « 1000 » étangs (n°56 1-2 2016), revient sur la place des « 1000 étangs » sur le patrimoine lentique national et interroge la fonctionnalité ancienne et contemporaine des plans d’eaux pour en tirer quelques recommandations pour l’avenir des « 1000 » étangs de Haute-Saône. Enfin, Xavier PLANTUREUX et Yves LE-ROUX questionnent l’avenir de l’agriculture des Vosges-Saônoises en s’appuyant notamment sur un très riche travail de terrain effectué avec des étudiants en agronomie.

6Ainsi, ces quatre articles proposent une approche des différentes ressources territoriales dont les acteurs et usagers des « 1000 » étangs pourraient se saisir pour l’élaboration de stratégies locales d’adaptation et de devenir dans un monde devenu plus que jamais incertain. Il est vrai que de nombreux postulats fondamentaux qui établissaient les modèles de développement territorial sont aujourd’hui remis en cause et obligés de s’adapter face à un changement climatique global bien perceptible en ces lieux (ravages des plantations de résineux par les scolytes du genre Bostryche typographe) et un clivage socio-politique très prononcé entre une France rurale qui se perçoit pauvre et périphérique et des aires métropolitaines plus riches mais au demeurant importatrices et exigeantes en ressources et moyens.